LA MAISON AU MOYEN   ÂGE
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UN SORCIER A CORDES EN 1344 ?

LE PROCÈS DE BERNARD FORT

par Annie CHARNAY

extrait du Bulletin de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres du Tarn, n° XLIX (nouvelle série, année 1995), p. 477-496.

Cette édition électronique, réalisée avec l'aimable autorisation de l'auteur, respecte la mise en page de l'édition originale, dont la pagination est indiquée.


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    Au XIVe siècle, un riche marchand drapier de Cordes, Bernard Fort, fut accusé d'avoir placé religieusement une fourmilière dans les fondations de la maison qu'il faisait construire, dans la rue d'Alrousse, par des maçons natifs de Souel.

    Bernard Fort avait dit qu'il était content d'avoir trouvé une fourmilière, plus content que s'il avait trouvé 50 sous, parce que les fourmis sont des animaux utiles et bénéfiques.

    Pourquoi avoir ramassé cette fourmilière dans une excavation ancienne, l'avoir transportée dans un pan de son vêtement et avoir dispersé les insectes, avec un bâton, dans les fondations de sa maison neuve ? Bernard Fort connaissait, peut-être, l'efficacité des fourmis ennemies des termites, dans la protection naturelle des édifices. mais au XIVe siècle, dans un contexte albigeois très marqué par la répression de l'hérésie, Bernard Fort est accusé de croire aux fourmis, de pratiquer la divination et les sortilèges, d'exercer, selon les termes de la cour, « le mauvais art mathématique », un art païen réprouvé par l'Église et poursuivi par les juges. La rumeur, née d'une querelle entre le marchand et les maçons, au sujet du prix fixé pour l'édification de la façade, conduit à un long procès instruit par la cour de justice criminelle de Cordes.

 

La cour criminelle de Cordes
Justice du roi et des consuls

    Depuis 1229, la justice est exercée à Cordes par un bayle royal. Mais, de toute ancienneté, les consuls de Cordes rendaient aussi la justice. (1)

    Deux registres sur papier, du XIVe siècle, conservés aux Archives départementales, témoignent de l'activité de la cour criminelle de Cordes. L'un est un registre in-folio, en mauvais état, contenant les procès-verbaux d'audiences, les interrogatoires de témoins et les sentences de 1325-1326. (2) L'autre est un registre plus petit, en meilleur état, contenant uniquement les enquêtes par témoins de 1326-1345. Il faisait partie du don fait aux Archives en 1894 par le notaire Favarel, de Cordes. Charles Portal l'a intégré à sa juste place, dans les archives communales de Cordes déposées aux Archives départementales. C'est dans ce registre que se trouve le procès de Bernard Fort. (3)


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    La justice de Cordes est qualifiée de « cour royale et des consuls ». L'audience se tient « dans la maison commune du consulat » en présence de deux consuls et du bayle royal. Les consuls sont qualifiés de « juges des causes criminelles survenant dans le lieu de Cordes et ses appartenances », dans le ressort du consulat. (4) Ils sont parfois assistés d'un assesseur : en 1326, dans une affaire de vol de laine commis sur le marché de Cordes par Guillaume Fabre, de Gaillac, les consuls jugent « après avoir pris conseil de leur assesseur ». (5)

    Les procès sont engagés sur dénonciation d'un individu ou sur le rapport de la rumeur publique. Si les consuls estiment les dénonciateurs dignes de foi, ils procèdent à une information, puis à une enquête par témoins. (6) Sur ces étapes de la procédure, le formulaire est explicite : « ... pervenit ad audienciam curie de Cordua domini nostri regis et dominorurn consulum dicti loci fama publica refferente et informatione legitima precedente quod... consules... visa informatione facta super premissa et deliberato consilio cum eorum assessorem... cognoverunt fore procedendum ad inquestam... » (7)

    Au terme de l'enquête, leur conviction faite, les consuls prononcent la sentence, condamnant selon les dispositions de la coutume ou absolvant, faute de preuves, lorsque l'accusation n'est pas suffisamment fondée. Dans le registre de la cour la sentence est seulement mentionnée suivie du nom du notaire qui en a dressé l'instrument, et le procès se termine par les mots: « Finitum est. »

 

Le procès de Bernard Fort

    Le procès de Bernard Fort n'est connu que par la copie, dans le registre FF 18 bis, des dépositions des témoins qu'il a produits pour sa défense et de celles des témoins produits par la cour « pour prouver le droit du roi ». Les pièces elles-mêmes du procès, de la dénonciation à la sentence, ont disparu. (8) Nous ignorons donc le nom des juges et l'issue du procès. Restent les interrogatoires des témoins, soigneusement rapportés et traduits en latin par le notaire.

    Vingt témoins ont été cités par Bernard Fort, pour sa défense. Ils ont prêté serment, la main sur les Évangiles, de dire vérité. Ils ont été interrogés sur treize articles de défenses qui leur ont été lus successivement, en langue romane, par Me Guillaume Albarelh, notaire ordinaire de la cour royale de Cordes, ou Jean de Mota, notaire, son substitut, toujours en présence de Bernard Massa, notaire royal dudit lieu, qui leur a été adjoint pour cette enquête.

Voici le contenu de leurs dépositions.

    Vitalis de Maseras, marchand, de Cordes, âgé de 60 ans environ : interrogé sur le premier article, dit qu'il tient Bernard Fort, le prévenu, pour un homme de bien, de bonne réputation, bonne vie, honnête et modeste conduite, un homme estimé, se comportant en bon catholique et fidèle chrétien, respectant les commandements de Dieu. Il l'a toujours vu conduire ses affaires avec modestie, fidélité et justice,


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sans susciter de plainte, mener la vie d'un homme de bien et de bonne naissance, sans faire de dommage à personne. Il le connaît depuis trente ans. Il n'a pas connu son père, mais a bien connu sa mère et la plupart de sa parenté, qui faisait partie des bonnes gens de Cordes. Et tout ceci, à Cordes, est notoire et manifeste.

    Sur le second article, il dit qu'il se souvient d'avoir vu Bernard Fort, ouvertement, en tous temps, se conduire en homme de bonne condition, fréquentant de bons et fidèles chrétiens, des hommes de bien, dignes de foi, et des prêtres; il était, dans ses actes, simple, juste et honnête. Jamais le témoin ne vit ni entendit chose contraire. Telle est la publique renommée de l'accusé à Cordes.

- Qu'est-ce que la publique renommée ?
- C'est ce qui est rapporté publiquement par plusieurs personnes.
Sur le troisième article : il se souvient d'avoir vu Bernard Fort, avec de bons et fidèles chrétiens, fréquentant les églises et les offices divins, à heure due, ouvertement, sans aucun soupçon d'hérésie.
- Comment le sait-il ?
- Parce que, depuis vingt ans, il est allé deux fois, avec ledit prévenu, à Saint-Pierre de Montmajour (9) avec d'autres bons chrétiens, et que le prévenu se comportait en pieux croyant, sans jamais avoir été accusé d'hérésie.
- C'était en quelle année ?
- Il ne s'en souvient pas exactement. C'était il y a vingt ans.
- Est-il allé, avec le prévenu, à un autre sanctuaire ?
- Oui, à Notre-Dame de Vauvert, (10) en allant à Saint-Pierre de Montmajour, car on peut visiter les deux sanctuaires en un seul voyage; un pèlerin qui va à Saint-Pierre de Montmajour peut passer par Notre-Dame de Vauvert. Par la suite, le prévenu est allé de nouveau à Saint-Pierre de Montmajour avec Jehan Gavaudani, prêtre, et plusieurs autres prud'hommes. On dit aussi qu'il est ailé à Saint-Jacques en Galice, en Espagne, et aux sanctuaires de Notre-Dame du Puy (11) et de Rocamadour, (12) et à plusieurs autres, ce qu'il croit fortement car il est notoire, parmi ses voisins et les gens qui le connaissent, qu'il est allé à d'autres sanctuaires, parce que c'est un homme pieux ayant coutume de fréquenter les églises et d'aller en pèlerinage.

    Sur le cinquième article : il est notoire et manifeste que Bernard Fort est un homme de bien, un habile fabricant et marchand de drap, assez riche pour vivre de son bien et de son travail et pour mener une vie honnête, sans sortilèges, prédictions ni arts mauvais, illicites et malhonnêtes, un homme qui n'a jamais pratiqué l'art mathématique ni aucun autre art prohibé.


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    Sur le sixième article : il croit que Bernard Fort s'est toujours abstenu de pratiquer l'art mathématique, la divination ou les sortilèges et tous les autres arts prohibés par l'Église et les Saintes Écritures. Au contraire, le témoin croit que si Bernard Fort avait connu des gens qui pratiquent ces arts, il les aurait dénoncés.

- Pourquoi croit-il cela ?
- Parce qu'il ne peut pas croire qu'un homme aussi bien famé que Bernard Fort ait pu se livrer à un tel art divinatoire ni à aucun autre prohibé par Dieu.

    Sur le septième article : il ne sait rien.

    Sur le huitième : rien non plus.

    Sur le neuvième : il croit que les accusations portées contre Bernard Fort sont totalement fausses, sauf l'honneur de la présente cour, et qu'elles ont été portées contre le prévenu par ses ennemis.

- Sait-il par qui elles furent faites ?
- Non. Mais il est de notoriété publique que le prévenu n'a pas commis les choses dont on l'accuse.

    Sur le dixième article : il croit que, si le prévenu a trouvé des fourmis dans une maison à lui, il les a trouvées fortuitement et sans mauvaise invocation, sans art indu ni sortilège ni divination.

- Pourquoi croit-il cela ?
- A cause de la probité dudit prévenu.

    Sur le onzième article : il croit que Bernard Fort n'a jamais cru aux fourmis ni aux sortilèges, ni aux arts divinatoires et mathématiques, ni prêté foi à ceux qui les exerçaient.

    Sur le douzième article : il croit que si le prévenu avait trouvé des fourmis et avait prononcé les paroles qu'on l'accusait d'avoir dites, il l'avait fait en S'amusant, pour se moquer.

    Sur le treizième et dernier article : il dit que ses précédentes dispositions contiennent vérité.

- Est-il de la parenté dudit prévenu ?
- Non.
- A-t-il témoigné à l'instigation de quelqu'un ?
- Non.
- Souhaite-t-il voir le prévenu plutôt absous que condamné ?
- Il ne souhaite que la justice.

   Guillelmus Berriac, cordonnier, de Cordes, âgé de 50 ans, connaît, lui aussi, Bernard Fort depuis l'enfance : c'est un homme pieux, allant à la messe et recevant la communion, fréquentant des hommes d'Église et allant en pèlerinage.

- Comment sait-il qu'il allait en pèlerinage ?
- Parce qu'il le voyait partir avec ses compagnons et revenir des sanctuaires comme ont coutume de faire les pèlerins, et parce que c'est de notoriété publique à Cordes.


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    Interrogé sur le septième article, le témoin est plus loquace que son prédécesseur : il a entendu dire que, lorsque Bernard Fort faisait construire les murs de sa maison qui est située près de la muraille de la ville de Cordes, contre la maison de Barthélémy Lavanha, il faisait travailler les nommés de Muret et Guiral d'Espérausses, ouvriers de pierre, et qu'il avait congédié ledit Guiral d'Espérausses parce qu'il ne pouvait pas s'entendre avec lui. On dit que Guiral est un homme un peu bavard, c'est pourquoi Bernard Fort et lui ne s'entendaient pas, et Bernard Fort l'a congédié, comme l'a entendu dire le témoin par plusieurs personnes.

    Arnaldus Vaxerie, apothicaire, de Cordes, âgé de 30 ans, ne croit pas l'accusation fondée. Si Bernard Fort a trouvé des fourmis, comme on le lui reproche, c'est parce qu'on en trouve facilement partout, et s'il a dit les paroles qu'on lui prête, c'est en se moquant, parce qu'on peut dire ces paroles en se moquant.

    Guillelmus Radditoris, marchand, de Cordes, âgé de 45 ans sait que le prévenu est allé en pèlerinage à Saint-Pierre de Montmajour avec Amillianus Carolli, prêtre, et le neveu d'Amillianus Boisshas, archiprêtre de Cordes.

    L'année où Bernard Fort faisait construire sa maison, le témoin était consul de Cordes, avec Bernard Massa, Arnal Vaxerie et Bernard de Cajarc, et, un jour, Bernard Fort est venu trouver les consuls, qui ont la connaissance des litiges concernant les constructions, et s'est plaint de Guiral d'Espérausses, avec qui il ne pouvait s'entendre. Il a demandé aux consuls de congédier Guiral. Les consuls l'ont fait, parce que Guiral est un homme dangereux dans son travail.

- Comment le sait-il ?
- Parce qu'une fois il l'a employé lui-même et que ledit Guiral s'est disputé avec la mère du témoin et qu'il y a eu des blessures. C'est un homme querelleur, brutal et dangereux.
- Sait-il que les autres frères peyriers appelés de Muret mentionnés dans l'article sept soient étrangers ?
- Non.
- Croit-il que Bernard Fort pratiquait la sorcellerie et la divination ?
- Non. Il ne croyait ni aux sorts, ni aux sortilèges, ni à la divination, ni aux arts que la cour appelle mathématiques.

    Johannes Canerii, habitant de Cordes, âgé de 40 ans : a vu Bernard Fort communier dans l'église Saint-Michel de Cordes et partir en pèlerinage.

    Stephanus Domergue, forgeron, âgé de 30 ans : l'a vu aller souvent aux messes des morts et aux enterrements. Il suivait les cortèges funèbres de la maison à l'église.

    Ramundus Galliaci, âgé de 70 ans, est allé avec lui à Saint-Jacques en Espagne, avec Helia Soqua, feu Nicolao de Najac, Pierre Vezati et quelques autres pèlerins de Cordes. Ils étaient neuf en tout, et c'était il y a au moins vingt ans.


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    Guillelmus Guiraldi, chanoine et habitant de Cordes, âgé de 50 ans : dit que Bernard Fort est membre de la confrérie de Saint-Jacques de Cordes et qu'il s'y comporte en homme de bien. Guiral d'Espérausses est un homme irascible et querelleur.

    Stephanus Arquerii, habitant de Cordes, âgé de 60 ans : se souvient que, lorsqu'Hugo Arquerii faisait construire sa maison, les frères de Muret se disputaient tout le temps.

    Arnaldus Gausselini, forgeron, âgé de 50 ans, sait que Bernard Fort est allé en pèlerinage à Saint-Pierre de Montmajour, à Notre-Dame de Vauvert, à Notre-Dame des Tables à Montpellier, (13) à Notre-Dame de Cassan, (14) à Sainte-Marthe de Tarascon (15) et à Saint-Gilles en Provence. (16)

    Petrus Costa, maçon, habitant de Cordes, âgé de 50 ans : sait que Bernard Fort s'était disputé avec les ouvriers.

    Ramundus Regordi, marchand de Cordes, âgé de 60 ans : est allé en pèlerinage avec lui, il y a huit ans, avec Raymond Charrelli et Raymond Rotilh, prêtres de Cordes.

    Guillelmus Carrolh, prêtre, de Cordes, âgé de 34 ans, témoigne en vertu d'une autorisation de l'official d'Albi : Bernard Fort, qu'il connaît depuis huit à dix ans, fréquentait le témoin et les autres prêtres de Notre-Dame de la Vaysse. Il allait souvent à cette église et parlait paisiblement et modestement, comme un bon chrétien. Il allait à la messe et aux offices divins, publiquement et ouvertement, faisait le bien et donnait des aumônes aux prêtres pour dire des messes.

- A-t-il lui-même reçu des aumônes ?
- Oui, plusieurs fois, pour l'amour de Dieu.

    Il dit aussi qu'il est allé avec Bernard Fort à Notre-Dame du Puy.

    Guiraldus Teulerie, prêtre, de Cordes, âgé de 25 ans : l'a vu aller à la messe et communier.

    Ramundus Rotilli, prêtre, de Cordes, âgé de 45 ans, autorisé par l'official d'Albi : connaît le témoin depuis vingt-cinq ans. Il est allé trois fois en pèlerinage avec Bernard Fort à Saint-Pierre de Montmajour et Notre-Dame de Vauvert, aux Tables et aux sanctuaires qui sont sur ce chemin-là. Il est allé aussi une fois à Notre-Dame du Puy et à Saint-Gilles en Provence.

    Petrus de Ratalench, prêtre, de Cordes, âgé de 30 ans, autorisé par l'official d'Albi : a entendu parler des pèlerinages de Bernard Fort par Raymond Rotilh. Il dit qu'il est allé aussi à Saint-Jacques de Compostelle puisqu'il est membre de la confrérie de Saint-Jacques de Cordes.

    Guillelmus de Grapde, forgeron ou maréchal, de Cordes, âgé de 50 ans : a entendu dire à Guiral d'Espérausses que Bernard Fort, autrefois, avait eu des mots avec Barthélemy Lavanha, qui lui avaient coûté 100 livres tournois petits.


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    Petrus Guilhalmonis, tisserand de Cordes, âgé de 40 ans, sait que le prévenu fréquentait de bons chrétiens et des prêtres.

    Guillelmus Clerici, lauserius de Cordes, âgé de 80 ans, a connu les parents du prévenu, qui étaient de bonne condition. Il est allé avec Bernard Fort à Notre-Dame du Puy et à Sainte-Marie du Mont-Carmel à Toulouse, au moment où le pape était à Toulouse, il ne se souvient plus en quelle année. Il ne croit pas que le prévenu exerçait l'art divinatoire mathématique ni la sorcellerie prohibée par la loi divine et les Saintes Écritures.

    Bon chrétien et honnête marchand : tel est Bernard Fort aux yeux des témoins produits pour sa défense. Cependant la rumeur, née d'une dispute avec les maçons, s'est propagée dans Cordes : Bernard Fort pratique la divination par les fourmis, Bernard Fort est un sorcier. A travers les dépositions des témoins produits par la cour, un autre portrait du prévenu se dessine. Voici le contenu des témoignages à charge.

    Les témoins dont les noms suivent furent produits par la cour royale de Cordes pour prouver le droit du roi sur le contenu d'une cause de prévention venue devant ladite cour contre Bernard Fort, tisserand dudit lieu, et furent entendus sur les articles de l'acte de prévention et sur les interrogations transmis à la cour par le prévenu pour sa défense. À la manière des témoins accoutumée, ils prêtent serment, en touchant les Évangiles, de dire vérité, et déposent comme suit.

    Ramundus de Mureto, maçon, natif de Souel, âgé de 40 ans : Bernard Fort a pris lesdites fourmis là où le témoin, pour lors, travaillait, et les a transportées en ce lieu, du côté des fortifications de Cordes, comme il l'a dit dans sa déposition.

    Il est tailleur de pierres. Ses biens valent 10 livres tournois. Les ouvriers qui travaillaient avec lui étaient : Guillaume et Jean de Muret, ses frères, et des inconnus appelés gavachs.

- Quelles fondations et quel travail de construction faisait-il dans l’œuvre susdite ?
- Ni lui ni les autres peyriers ne creusaient de fondations, elles sont faites par d'autres, parce que les peyriers ne font pas les fondations, ils travaillent avec des pierres.
- Quel autre travail faisait-il dans l’œuvre?
- Il travaillait à la construction du mur supérieur du côté de la voie publique.
- La maison était-elle faite toute de neuf ou bien fondée sur de vieux murs ?
- Les murs qu'il construisait avec ses frères furent construits de neuf et non sur de vieux murs.
- De quel côté de la maison ou de l’œuvre le prévenu a-t-il trouvé les fourmis ?
- Elles n'ont pas été trouvées dans un mur mais dans une tranchée.


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- De quel côté était ladite tranchée : à l'est, à l'ouest ou au sud ?
- Elle était du côté de la rue Alrousse et Bernard Fort a transporté les fourmis du côté supérieur, vers les fortifications de Cordes.
- Le prévenu a-t-il pris et transporté les fourmis seuls, ou avec quelqu'un ?
- Seul.
- A-t-il fait cela pour se moquer et s'amuser ou avec l'intention de faire du mal ?
- Il ne sait pas.
- Le prévenu se moquait-il, avec ledit témoin et les autres ouvriers ?
- Bernard Fort, en faisant cela, se moquait et plaisantait avec les ouvriers. Il ne sait pas s'il avait l'intention de faire autre chose avec ces animaux.
- Le prévenu a-t-il dit qu'il préférait avoir trouvé ces fourmis que 50 sous tournois, et le disait-il en plaisantant ?
- Il ne se souvient pas d'avoir entendu cela.
- Quels vêtements portait le prévenu ?
- Un manteau et une cotte de drap brun.
-  Portait-il un surcot ?
- Il ne s'en souvient pas, car il y a longtemps.
- Quels vêtements portaient les autres qui étaient là ?
-  Il ne s'en souvient pas.
- Le prévenu portait-il un manteau court ?
- Non, mais un manteau long.
- Où se trouvait le témoin lorsqu'il vit cela ?
- Sur le chantier, à travailler au mur de pierre.
- À quelle distance du prévenu ?
- Ils étaient de part et d'autre de la tranchée, et le travail était commencé depuis peu.
- Sait-il si le prévenu pratiquait l'art mathématique ou des sortilèges ?
- Non, et il ne sait pas ce que c'est que l'art mathématique ni comment on le pratique.
- Le prévenu, en faisant cela, était-il debout, assis ou agenouillé, et le lieu où il se trouvait était-il ceint de murs ou autres choses ? Et où était-ce ?
- Le prévenu a transporté les fourmis debout, en marchant. C'était dans un lieu clair, là où le témoin travaillait.
- Quel temps faisait-il ? Pluvieux ou nuageux, ou chaud ?
- Il ne s'en souvient pas. Il ne se souvient pas non plus de l'année, du mois, de la semaine, du jour et de l'heure.


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- A-t-il été expulsé du chantier par le prévenu ?
- Oui, et hors de la connaissance des consuls. Lui et le prévenu, durant la construction, avaient eu des mots ; cependant le témoin n'a pas été expulsé pour cela. Il travaillait à faire les murs, fondations et construction, et il savait par exemple ce qu'il devait avoir pour chaque tranchée, travail qui revenait à faire 10 cannes de mur selon le prix fait, qu'il fit et acheva. Il proposa au prévenu un accord à l'amiable, car le jour de la dispute Garnerius Garnerrii, de Cordes, voulut traiter la paix entre eux, et donc il ne fut pas chassé mais acheva l’œuvre entreprise.

    Guillelmus de Mureto, maçon, habitant et natif de Souei, possédant 10 livres de bien, âgé de 35 ans, a entendu dire à ses frères que Bernard Fort avait ramassé les fourmis penché en avant, dans la position d'un homme qui ramasse quelque chose par terre, pour le mettre dans son giron, et non autrement, et non pas genoux fléchis comme il l'avait dit dans sa déclaration sans mesurer le préjudice que causeraient ces paroles. Il demande que sa première déposition soit corrigée, que les mots « genoux fléchis » soient remplacés par « incliné ou baissé. »

- Quel est son métier ?
- Tailleur de pierres.
- Quels ouvriers travaillaient à cette construction ?
- Lui et Raymond et Jean de Muret, ses frères, ainsi qu'un autre homme, étranger et inconnu, un gavach qui apportait l'eau, dont il ne connaît pas le nom.
- Quel travail faisaient-ils ?
- Le témoin taillait les pierres et ses frères les posaient et faisaient les tranchées dans lesquelles les murs étaient construits. Tantôt ils construisaient tantôt ils creusaient.
- Quel mur ont-ils construit ?
- Celui qui est du côté de la maison de Na Galauba et un autre du côté de l'autre maison de Bernard Fort.
- Quelles sont les dimensions du mur construit ?
- 10 à 12 palmes de haut.
- Combien de tranchées ont été creusées ?
- Lui n'a travaillé que trois jours, et ses frères y travaillèrent au moins sept jours et construisirent 16 ou 17 cannes ou brassées de mur, tant du côté de chez Na Galauba et du côté de la rue publique que du côté de l'autre maison de Bernard Fort.
- La maison a-t-elle été entièrement construite de neuf ? Les murs étaient-ils posés sur de vieux murs ou sur des murs tout neufs ?
- Les murs qu'ils construisaient étaient neufs et assis sur des fondations neuves, et cependant il restait des soubassements d'anciens murs, qui touchaient les neufs.
- De quel côté étaient les murs vieux ?


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- Du côté de la maison de Guillelmus Rogerii ; le témoin n'y a travaillé que trois jours, et ses frères construisirent 16 ou 17 cannes.
- Où Bernard Fort a-t-il trouvé les fourmis ?
- Il ne sait pas. Mais il a entendu dire par un de ses frères qu'il portait quelque chose dans son giron. Alors, abandonnant la taille de la pierre, il quitta le lieu où il taillait pour venir voir, et il vit Bernard Fort jetant quelque chose hors de son giron. Et il repartit tailler les pierres.
- Où a-t-il secoué son giron ?
- En dessous de ladite construction, du côté des fortifications de Cordes, c'est-à-dire du côté de la maison de Barthélemy Lavanha.
- Était-il loin de Bernard Fort ?
- Non, tout près.
- Qui a ramassé le premier ce que Bernard Fort avait jeté ?
- Il ne sait pas.
- Bernard Fort faisait-il cela en plaisantant ou pour faire du mal ?
- Plutôt pour se moquer (causa thuffe), sans prêter foi ou croire à quelque mauvais art païen.
- Pourquoi le croit-il ?
- Parce que l'accusé plaisantait avec eux lorsqu'il disait les choses ci-dessus déposées par le témoin.
- Comment sait-il les choses contenues dans sa déposition ?
- Parce qu'il était présent en personne.
- Qui était aussi présent ?
- Ses frères, le prévenu, et un inconnu gavach.
- Quand le prévenu a dit qu'il était content d'avoir trouvé les fourmis plutôt que 50 sous tournois parce qu'elles portaient bonheur (importabant bonum astre), plaisantait-il ?
- Oui, parce qu'il l'a dit en riant. Il le sait pour l'avoir vu. 
- Comment Bernard Fort était-il habillé ?
- Il portait un corset blanc, une cotte de drap de couleur livide (17) et un manteau de drap brun, les pans de la cotte retournés à la ceinture (corsetum album, tunicam panni lividi et mantonem bruni panni).
- Que portaient les autres personnes ?
- Il ne sait plus.
- Où était-il ?
- Près de l'endroit où il taillait et préparait les pierres. Mais quand il a entendu les paroles ci-dessus, il a cessé de tailler et s'est approché de la tranchée, et Bernard Fort était sous ladite tranchée.


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- Le prévenu a-t-il fait usage, là, de l'art appelé mathématique et de quelle manière, et qu'est-ce que l'art mathématique ?
- Il ne sait pas.
- Bernard Fort était-il debout ou assis ?
- Debout.
- L'endroit était-il entouré de murs ou d'autre chose ?
- L'endroit où ont été mises les fourmis était clos de murs de deux côtés, et il n'y avait rien qui puisse gêner la vue entre le prévenu et lui.
- Quel temps faisait-il ?
- Il ne sait pas.

    Petrus Gavaudani, maçon, habitant et natif de Cordes, âgé de 42 ans : ne sait que par ouï-dire, par Guiral d'Espérausses et Raymond de Muret, maçons.

- Est-il de notoriété publique de Bernard Fort a trouvé les fourmis ?
- Non. Il n'est pas diffamé de méfaits semblables. Il a plutôt transporté les fourmis par dérision que pour pratiquer un art païen.

    Petrus Rotelli, tisserand : passait par hasard dans la rue publique, devant la maison de Bernard Fort, et l'entendit se disputer avec Raymond de Muret, qui lui disait: « Per aquesta arma ieu vos y ey vistas far causas de quem tienh per percayres. »

    Johanes Maicho alias Bergonho, tisserand, habitant de Cordes, âgé de 50 ans : a entendu dire à beaucoup de gens que les maçons appelés de Muret, de Souel, à cause de leur inimitié envers le prévenu, l'avaient accusé d'avoir trouvé des fourmis dans le chantier. Il ne sait pas, cependant, ce qu'on disait qu'il en avait fait.

    Durandus Sabaterii alias Io Veyrier, habitant de Cordes : n'a jamais rien entendu dire de cela jusqu'à aujourd'hui qu'on l'interroge.

    Bertrandus Operarii, tailleur, natif et habitant de Cordes, âgé de 40 ans, possédant 100 livres de bien : ne sait rien sauf que l'année où Bernard Fort faisait bâtir une maison et que les maçons y travaillaient, le témoin habitait tout près, et pendant qu'il mangeait, il entendit les ouvriers appelés de Muret qui parlaient entre eux et se moquaient de Bernard Fort qui cherchait des animaux.

- Quels animaux ?
- Ils ne disaient pas lesquels.
- Des fourmis ou autres semblables bêtes ?
- Non. Ils plaisantaient.
- Étaient-il notoire que Bernard Fort avait trouvé des fourmis dans sa maison et les avait déplacées ?
- Non.

    Adzemarius Falres, tailleur de Cordes, possédant 50 livres de bien : a entendu dire à Guiral d'Espérausses, maçon, qu'il avait vu Bernard Fort trouver des fourmis et les déplacer.


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    Comme, autrefois, Barthélemy Lavanha avait fait faire un travail dans une maison jouxtant la porte de la ville, contiguë à la maison de Bernard Fort, un jour, il entendit Bernard Fort se disputer avec les charpentiers travaillant à la maison de Barthélemy Lavanha, parmi lesquels Jean Garnier qui disait, en colère, à Bernard Fort : « A la miaffe enquara yssheron las fromitz ! » Mais il ne croit pas pas qu'il ait voulu pratiquer un mauvais art.

    Stephanus Fabri, marchand de Cordes, n'a jamais rien entendu dire jusqu'à l'arrestation de Bernard Fort.

    Johannes Cerati, de Cordes, âgé de 35 ans : a entendu parier de fourmis apportées dans sa maison par le prévenu.

    Bartholomeus Favarelli, notaire royal de Cordes, a entendu dire que Bernard Fort avait apporté des fourmis chez lui, avant que l'accusation soit portée, par Pierre Micahelis, maçon, et Barthélemy Lavanha. Ce n'est pas de notoriété publique. Bernard Fort a plutôt agi par sottise que pour mal faire. C'est un bon catholique.

- Qu'est-ce qu'un bon catholique ?
- C'est un homme religieux, craignant Dieu et sa loi et observant ses commandements.

    Guillelmus Costa, maçon de Cordes, tient Bernard Fort pour un homme de bien, avec qui il a travaillé plusieurs fois de son métier de maçon (ministerio massonarie) et qu'il n'a jamais vu faire de sorcellerie. C'est un homme de parole et honnête en affaires.

    Me Bertrandus Garnerii, notaire : a entendu dire que Bernard Fort avait trouvé des fourmis et disait ouvertement qu'elles portaient bonheur. Il croit que si Bernard Fort a pris la fourmilière, genoux fléchis, il l'a fait pour user de l'art mathématique plutôt que par dérision.

- Pourquoi?
- Parce que les animaux ne doivent pas être ramassés à genoux.
- Qu'est-ce que l'art mathématique ?
- C'est l'art de deviner et de faire des sortilèges.
- Comment le sait-il ?
- Il croit que l'art mathématique est l'art de celui qui fait des sortilèges, ou se croit devin, ou prête foi aux fourmis ou autres animaux semblables ou à d'autres animaux auxquels l'Église et les Saintes Écritures interdisent de prêter foi.
- De quand date la rumeur ?
- De cette année présente.
- S'est-il disputé avec l'accusé ?
- Oui, cette année.

    Me Jacobus Torencha, notaire de Cordes, natif du Puy : a entendu dire à Me Jean Fabri, autrefois notaire, aujourd'hui bayle de Cordes, que Bernard Fort était réputé avoir apporté des fourmis chez lui et que si c'était prouvé il y aurait une enquête. Il y a environ trois ans de cela. Il tient Bernard Fort pour un homme de bien.


B.S.S.A.B.L.T., n° XLIX, page 489

    Me Petrus de Raysshaco, médecin, habitant et natif de Cordes : a entendu dire à Guiral d'Espérausses que ledit Guiral, se disputant avec Bernard Fort, lui avait dit : « A la miaffe en vila malvat, enquara ysshirem las formigas que mezetz en vostre hosdal. »

- Où ces mots furent-ils dits ?
- Sur la place devant l'ouvroir de la maison des héritiers de feu Guillaume de Valato.
- Qui était présent ?
- Il ne souvient pas, car toute la place ou la rue était pleine de monde. On disait que Bernard Fort avait apporté des fourmis et que les de Muret le savaient.
- Le prévenu a-t-il fait construire entièrement de neuf la maison où il est soupçonné d'avoir apporté des fourmis ?
- Oui, excepté un mur construit par Barthélemy Lavanha.

    Petrus Micahelis, maçon, habitant de Cordes, âgé de 40 ans : a entendu dire que Bernard Fort a trouvé dans son chantier des fourmis qu'il a dispersées dans les fondations. Les frères de Muret propageaient ce bruit. Au temps de la construction, il y eut discorde entre eux, querelle et injures. Bernard Fort ne pouvait plus les supporter et les a expulsés. Les frères voulaient se venger, « servire sibi pervento id quod fecerat ipsis in premissis. » Il les a souvent entendus proférer cette menace. Bernard Fort est un homme de bien, digne de foi, avec qui il a travaillé bon nombre de jours après l'expulsion desdits frères.

    Arnaldus Gebelini, habitant de Cordes, n'a rien entendu dire jusqu'à l'arrestation de Bernard Fort, qu'il tient pour un homme de bien.

    Sclarmonda Galauba, âgée de 80 ans : a entendu dire, il y a longtemps, que, comme Bernard Fort se disputait avec Guiral d'Espérausses, Guiral l'accusait d'avoir apporté des fourmis. Mais elle ne croit pas que cet homme honnête ait apporté des fourmis.

    Durandus de Somardo, habitant de Cordes, âgé de 60 ans, a entendu dire que, lorsque Bernard Fort a voulu fonder ou construire sa maison qui jouxte la porte de la ville, il y a apporté un crapaud qu'il a placé sous la première pierre. Il ne peut pas croire que pareilles choses aient pu être faites par un tel homme de bien.

    Guiral Godafre, cordonnier, de Cordes, âgé de 40 ans, passait par hasard, allant à ses affaires, dans la rue où se trouvait la maison en construction, et a entendu Bernard Fort se disputer avec Amilianurn de Mureto en disant : « Pel ventre de Dieu encara vos ysshira mal de las formigas que mezeret à la pevazo ! » (« Ventredieu, ces fourmis que vous avez mises dans les fondations vous porteront malheur ! »).

    Guiral d'Espérausses, maçon, de Cordes, âgé de 35 ans, ajoute à sa déposition susdite qu'il a traité publiquement, sous l'empire de la colère, Bernard Fort de sorcier (facinatorem seu fachilerium), dans la rue et devant les consuls, sur la place commune de Cordes. Le prévenu n'a rien répondu.


B.S.S.A.B.L.T., n° XLIX, page 490

    Matheus Lobeti, cordonnier, habitant de Cordes, a entendu dire que Bernard Fort avait apporté la fourmilière dans son chantier.

    Petrus de Securo a entendu dire aux maçons de Souei que Bernard Fort avait apporté les fourmis qu'ils avait trouvées chez Na Galauba.

    Marinus Gageti ne sait rien.

    Petrus Cordelli a entendu dire que Bernard Fort avait apporté des fourmis de chez Na Galauba chez lui dans son chantier.

    Bartholemeus Lavanha, habitant de Cordes, âgé de 50 ans, a entendu dire à Guiral d'Espérausses que Bernard Fort avait apporté dans sa maison en construction, proche de celle du témoin, des fourmis et des grenouilles qu'il avait posées là, et qu'il leur avait fait une cabane avec quatre lauzes.

- Comment l'a-t-il entendu dire ?
- Parce qu'il se trouvait avec le prévenu et quelques autres en-dessous de la maison que Bernard Fort avait achetée aux héritiers de Guillelmus del Valat, lieu où maintenant il faisait construire une maison, ils parlaient de choses et d'autres, et il y avait des fourmis et le prévenu, entre autres paroles, dit en les voyant : « E tantas fromitz e ja dizo que yeu mezi fromit en la pevazo.
- E no sabetz vos si ne mezet o no ? dit B. Lavanha.
- Be trobiey un fromiguier ab fromitz e gitiey las lains.
»

    C'est ainsi que le témoin sait que Bernard Fort a mis les fourmis. Et il est de notoriété publique que Bernard Fort est un usurier (phoverator seu usurarius) : quand il donnait de la laine à filer aux femmes, il disait qu'il y en avait une livre alors qu'il y en avait cinq cartos ou six, et il ne payait que pour une livre.

    Le témoin est natif de Salers (18) en Auvergne où son père, natif de Cordes, s'était rendu pour ses affaires. Il a cinquante livres de bien. Il ne fait aucun métier. Il s'occupe de ses affaires et de la conservation de ses biens et il est procureur du roi substitut de Me Pierre de Pins, procureur du roi in cursuum heresis de la sénéchaussée de Toulouse, Albigeois, Périgord et Quercy.

    Il a fait construire, avec l'autorisation des consuls, un mur mitoyen de la maison neuve de Bernard Fort, et il l'a fait parce que, sans la construction de ce mur, la rue et toute cette partie de la ville ne seraient détériorées.

    Johannes de Mureto, maçon, âgé de 40 ans, natif de Souei, possédant 100 livres tournois de bien. Il travaillait avec ses frères Guillaume et Raymond. Ils n'ont creusé aucune tranchée, car ils travaillaient les pierres. Ils ont fait 14 cannes de mur, du côté du haut, à l'est et du côté de la maison de Barthélémy Lavanha.


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    L'accusé a trouvé les fourmis du côté de chez Na Galauba du côté est, et les a apportées du côté du mur d'enceinte de Cordes. Il agissait sérieusement, pas pour se moquer. Le témoin a vu en personne l'accusé apporter ces fourmis. Il a dit qu'elles portaient bonheur, sans plaisanter. Le témoin et ses frères ont quitté le chantier sans avis des consuls, il ne sait pourquoi.

    Guilhemus de Siuraco, Petrus dei Born, marchand, ne savent rien.

    Petrus Vasconis, sergent royal, de Cordes, a entendu dire par Johannes de Mureto que Bernard Fort était en procès pour avoir apporté des fourmis dans sa maison.

- Où a-t-il entendu dire cela ?
- A Sarnhac dans une construction où travaillait Johannes de Mureto avec Amilianum de Rupe Fortis. Il passait par là par hasard. C'était le vendredi avant la Toussaint, le matin.
- Croit-il que le prévenu a apporté les fourmis pour faire quelque mal ?
- Oui.
- Pourquoi le croit-il ?
- Parce qu'il croit que le prévenu prêtait foi aux fourmis, s'il les avait déplacées, comme il en est accusé.
- Sait-il si le prévenu avait commis d'autres actes semblables ?
- Non.

    Le témoin est âgé de 40 ans. Il est sergent royal de Cordes et était auparavant drapier. Il est natif de Vaux, au diocèse de Toulouse.

    Petrus Operarii, apothicaire, Johannes Rogerii, marchand, ont bien entendu parler des fourmis, mais croient l'accusation fausse.

    Guillelmus Rogerii, marchand, a entendu dire que Bernard Fort, au commencement de la construction de sa maison, avait posé dans la première pierre des fourmis. Il l'a entendu dire par Guiral d'Espérausses et Pierre Michaelis, maçons, qui travaillaient à cette construction. Guiral d'Espérausses disait que, au moment où il voulait poser la première pierre, qu'il avait préparée, Bernard Fort arriva, apportant les fourmis dans son giron, disant rapidement ces paroles : « Espera, espera, fîlh de putana que metrieu aysso desotz » et il mit lesdites fourmis et leur fourmilière sous cette première pierre, c'est-à-dire à l'endroit où Guiral posa ensuite la première pierre, et puis les autres maçons ont continué.

- Où ont été dites ces paroles ?
- Sur la place commune de Cordes, en présence de beaucoup de monde.
- Le prévenu a-t-il rassemblé et ramassé les fourmis à genoux ?


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- Non. Il a entendu dire à une femme, aujourd'hui défunte, appelée Micolana, au temps où elle vivait, en-dessous de la maison de cette femme, comme ils parlaient de ce transport de fourmis, que Bernard Fort avait coutume de rassembler des fourmis.

    Le témoin est natif de Cordes, il a vingt-cinq ans, possède 100 livres de bien, et exerce le métier de marchand : il vend des glaives, couteaux (ganivets), fourreaux et autres marchandises.

- A-t-il eu un litige avec Bernard Fort ?
- Oui, car au début de la construction il lui semblait que Bernard Fort essayait de s'approprier le bien du témoin, qui avait une propriété mitoyenne. Mais les consuls de Cordes, qui ont la connaissance de pareils litiges, ont tranché et ils s'en sont tenus à leur décision.

    Me Ramundus de Caslario, notaire royal, a entendu dire que le prévenu avait posé des fourmis dans les fondations des murs, en disant qu'elles portaient bonheur, à genoux, et les avait mises dans son giron pour les apporter à sa maison.

    Il a entendu dire à Me Petrus de Raysshaco, médecin, et à plusieurs autres, sur la place commune de Cordes, que Bernard Fort est un homme querelleur et téméraire, homo loquax et linguosis et injuriosus verbis et audax in actibus.

    Le témoin est notaire royal, natif d'Alayrac, il est âgé de 40 ans et possède 100 livres de bien.

    La suite des dépositions des témoins produits par la cour s'achève, au folio 108, par les mots : « copiatum est. »

    Sur l'issue du procès, les archives judiciaires sont muettes. En revanche, les minutes notariales ont conservé le souvenir de Bernard Fort, de sa maison, de sa famille et de son milieu.

 

La maison de Bernard Fort

    Il existe, à Cordes, un quartier du Formiguier, mentionné dans les actes de notaires dès le XIVe siècle. Mais ce nom semble sans rapport avec la fourmilière suspecte. La maison de Bernard Fort se trouvait dans le faubourg d'Alrousse, près de la porte actuellement dite de l'Horloge. Son emplacement, bien décrit par plusieurs témoins, notamment par Barthélemy Lavanha, est précisé par un acte d'achat reçu par Me Guillaume Donnadieu, notaire de Cordes : à Cestayrols, le 30 août 1340, Gualharda Forniera, femme de Philippe Nicholay, et son fils Jean, âgé de 15 ans, habitants de Cestayrols, confirment le vente faire antérieurement par Philippe Nicholay à Bernard Fort, marchand, d'une maison sise à Cordes dans le faubourg d'Alrousse, jouxtant le terroir dit de Na Galauba, confrontant avec la maison des héritiers de Guillelmus de Vallato, ruisseau au milieu, et avec les rues publiques, jusqu'au mur d'enceinte, pour le prix de 14 livres tournois. (19)


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    Un bail à cens de 1353, passé entre noble Bertran de Salas et R. Fort, fils de Bernat, laisse penser que Bernard Fort, vivait toujours à cette date. Dans le texte, en effet, le verbe être, utilisé pour définir le lien de parenté, est employé à l'infinitif présent: « leu Bertran de Salas, donsel, per mi e per totzlos meus lauzi a ces e ad acapte per totz temps a vos R. Fort filh que etz d'en Bernat receven per vos et per N'Agnes Ychieyra vostra molher e a totz homes a cui vos o volratz foras cavalier o clergue so es assaber una vinha ela terra que es el loc apelat a la Bodoscaria alias a las Voutas que ste ab la vinha de Gaubert Capabuou, sirven, e ab la terra d'en Jacme Rotbert, viayre e mieg ... ». (20)

    D'autres lauzimes concernent des membres de la famille Fort Steve Fort, fils de R. Duran, fils de R. et sa femme Guirauda. (21)

 

Cordes centre drapier

    Sur le milieu professionnel de Bernard Fort, les minutes notariales, soigneusement dépouillées, apporteraient certainement d'utiles précisions. Plusieurs actes concernant des transactions sur les draps ont été passées devant le notaire Guillaume Donnadieu entre 1337 et 1342. Les marchands cordais cités sont : Johannes de Najaco, Johannes Capucci, (22) Bernardus de Carreria, Johannes Cavalini. (23)

    Éloignée de l'importante région drapière située au sud-est de Toulouse, comprenant le Lauragais, l'Ariège et l'Aude, la bastide de Cordes faisait néanmoins partie des centres drapiers du Languedoc médiéval. La famille de Najac, présente dans le commerce du drap à Cordes, vers 1340, a fait à Toulouse une rapide ascension à la fin du XIVe siècle et au début du XVe. (24)

    La fabrication et le commerce du drap, l'industrie du cuir également attestée par le nombre de tanneurs et de cordonniers présents dans les actes notariés, expliquent la prospérité de Cordes au XIVe siècle, sa forte densité de population, (25) et l'intense activité de construction qui en découle.

 

L'art de deviner par les fourmis :
Hérésie ou superstition ?

    La rumeur de sorcellerie naît toujours dans un contexte de discorde familiale ou sociale. Accuser un parent ou un voisin de faits relevant de l'Inquisition ou de la justice séculière, c'était lui faire courir le risque d'être arrêté, jugé, condamné à la confiscation de ses biens et peut-être à la mort.

    Les maçons chassés de leur chantier par le maître courroucé, le marchand drapier peut-être moins heureux en affaires que le riche Bernard Fort, ont trouvé dans l'accusation un moyen de se venger. Mais le désir individuel de vengeance n'aurait pas suffi à déclencher une enquête. La justice du roi et des consuls ne traite pas de vengeance privée. Les conflits individuels relèvent de l'arbitrage. La justice publique agit lorsque la rumeur publique dénonce un individu. Or la population de


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Cordes, au milieu du XIVe siècle, est très sensible encore à la rumeur d'hérésie, et la divination fait partie des pratiques reprochées aux hérétiques. Les quelques phrases prononcées dans le feu de la querelle entre Bernard Fort et les maçons ont trouvé immédiatement un écho dans la population. Qu'ils soupçonnent Bernard Fort d'avoir agi dans un sombre dessein ou seulement d'avoir voulu plaisanter, les témoins ont entendu au premier degré l'histoire des fourmis. L'utilisation des insectes pour prédire l'avenir n'étonne personne. Seul le mot savant de « mathématique », issu de la langue des juges et des clercs, est inconnu de la plupart des personnes interrogées. Les « arts païens », les sortilèges, les procédés divinatoires font partie de la culture populaire, imprégnée de superstition. Tout le monde sait, à Cordes, qu'il y a des gens « qui croient aux fourmis », et que de telles croyances sont interdites par la religion et passibles de poursuites judiciaires. C'est dire que l'ordre, dans la cité, est celui de la religion catholique et de l'autorité royale.

    L'ordre catholique est celui qui est connu du clergé par les statuts synodaux, (26) et connu des fidèles par les sermons. Les statuts synodaux de l'évêque d'Albi Durant de Beaucaire, de 1230, consacrent un chapitre à l'interdiction, pour les clercs, de pratiquer la divination. (27) En voici la traduction : « Nous interdisons, sous peine de suspension, aux clercs de pratiquer ou observer la divination par les sorts, les augures, le calendrier lunaire (lunarium) et les jours égyptiaques. Que, s'ils ont de tels livres, il les brûlent. Si, dans leurs paroisses, ils trouvent des devins, qu'ils les dénoncent comme excommuniés et nous les envoient, et qu'ils prêchent plus souvent aux fidèles qu'il ne faut pas croire à la divination. Et que, si un clerc la pratique, il soit suspendu. »

    La divination par les sorts était bien connue à Cordes : c'est dans un mur de la maison Prunet qu'a été découvert, en 1860, le manuscrit du « Sort des Apôtres », parchemin bordé de 57 morceaux de fils rouges et verts, chacun correspondant à une sentence en langue d'oc. Ce manuscrit du XIIIe siècle, destiné à la divination par les Saintes Écritures, avait sans doute été caché par crainte de l'Inquisition qui luttait contre les « arts païens ». (28)

    Le rôle des clercs dans la propagation de certaines pratiques de sorcellerie est attestée, loin de Cordes, dans une autre ville médiévale vouée à l'artisanat du cuir et de la laine, Gourdon-en-Quercy (Lot). Sept sorcières y ont été jugées par la cour des consuls, au début du XlVe siècle. L'une d'elles était allée consulter, à Villeneuve-d'Agenais, (29) un clerc qui savait trouver des choses cachées « avec un livre ». (30)

 

La répression : Inquisition et justice séculière

    Les sorciers relevaient de l'Inquisition lorsque leurs pratiques étaient considérées comme hérétiques. Mais lorsqu'ils se contentaient de deviner l'avenir, ils relevaient des juges séculiers. (31)

    À défaut de référence bibliographique contemporaine concernant l'art de devenir par les fourmis, il est tentant de citer un titre plus récent : le Formicarius, ouvrage de démonologie du théologien allemand


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Johannes Nider, dominicain (1380-1438), publié à Ausgsbourg en 1475, et même le mythique Formicarium artium, placé par Rabelais, au chapitre VII de Pantagruel, sur les rayons de la bibliothèque parisienne de Saint-Victor, avec l'Histoire des farfadetz, le Boutavent des alchymistes et les Pronostications de Songecruyson.

    Bernard Fort était, de l'avis de tous les témoins, un bon catholique, mais sa pratique intensive des pèlerinages peut laisser penser qu'il était un ancien hérétique, condamné à faire pénitence en se rendant aux divers sanctuaires consacrés à la Vierge, du Puy-en-Velay à Rocamadour et à Notre-Dame de Vauvert. La présence de l'Inquisition est attestée à Cordes jusqu'au milieu du XVe siècle, (32) et le plus proche voisin de Bernard Fort, Barthélemy Lavanha, n'était autre qu'un agent de l'Inquisition.

    Devant la justice séculière, le procès de Bernard Fort n'a été intenté que pour « prouver le droit du roi ». La répression d'un simple acte de divination n'aurait sans doute pas eu lieu sans la présence à Cordes d'agents royaux : sergent, bayle, procureur pour les affaires d'hérésie à la sénéchaussée. Hors de la surveillance exercée par les représentants du pouvoir royal, il est probable que les consuls auraient traité le conflit entre le marchand et les maçons comme une banale affaire d'urbanisme.

    Riche d'enseignement sur l'histoire de la justice et de la société, le procès de Bernard Fort est décevant pour l'amateur de techniques divinatoires. À défaut d'être un manuel pratique de sorcellerie, il offre au lecteur admirant, des rives du ruisseau d'Aurosse, la haute silhouette de Cordes, le moyen d'évoquer avec quelque certitude la ville médiévale et ses habitants qui, s'ils avaient une mentalité et un mode de vie bien différents des nôtres, parlaient la même langue d'oc et cultivaient les mêmes jardins que les Cordais d'aujourd'hui.

 

Annie CHARNAY.

 


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NOTES

(1) PORTAL (Charles) : Histoire de la ville de Cordes, Albi, 1902, p. 283-309.

(2) Archives du Tarn, 43 EDt, FF 18.

(3) FF 18 bis, ff 66-108.

(4) FF 18, passim. Carte du consulat de Cordes, dans : PORTAL (Charles), Inventaire des archives communales antérieures à 1790, ville de Cordes, Albi, 1903.

(5) FF 18, F 60

(6) Sur la procédure inquisitoire en usage au XIVe siècle, et notamment sur la distinction entre information et enquête, voir : ESMEIN (A.), Histoire de la procédure criminelle en France, Paris, 1882.

(7) FF 18, f 28 (1325).

(8) Le registre renvoie aux pièces du procés : « Tenor quidem dicte perventionis cujus superius habetur mentio sequitur sub hac forma. Videatur in processo. »

(9) Commune d'Arles, Bouches-du-Rhône, ancienne abbaye bénédictine.

(10) Vauvert, Gard, arrondissernent de Nîmes, sanctuaire Notre-Dame détruit par les protestants.

(11) Haute-Loire.

(12) Lot, arrondissement de Gourdon, canton de Gramat.

(13) Église de Montpellier.

(14) Hérault, arrondissernent de Béziers, commune et canton de Roujan.

(15) Bouches-du-Rhône, arrondissement d'Arles.

(16) Gard, Arrondissement de Nîmes.

(17) Livide : bleu tirant sur le noir. Les étoffes pouvaient être distinguées d'après leur couleur. Cf. WOLFF (Philippe) : La draperie en Languedoc du XIIIe au XVIIe siècle dans Regards sur le Midi médiéval, Toulouse, 1978, p. 451.

(18) Cantal, arrondissement de Mauriac.

(19) 6 E 8/100, fol. 20-22. L'acte renvoie à un instrument de vente antérieur, dressé par Me Guillelmus Fabri.

(20) 6 E 8/102, foI. 113 v°. 

(21) Ibid., fol. 116 v°-117. 

(22) 6 E 8/100, fol. 14 v°. 

(23) Ibid., fol. 10. Achat d'une quantité de draps de laine blancs de France.

(24) WOLFF (Philippe) : Commerces et marchands de Toulouse (vers 1350 – vers 1450), Paris, 1954.

(25) PORTAL (Charles) : op. cit., p. 41 : 5.000 à 5.500 âmes fin XIIIe - début XIVe siècle.

(26) PONTAL (Odette) : Le rôle du synode diocésain et des statuts synodaux dans la formation du clergé, dans Cahiers de Fanjeaux, n° 7, 1972, p. 337-359.

(27) Publiés par LACGER (Louis de) : Statuts synodaux inédits du diocèse d’Albi, dans Revue historique de droit français et étranger, 1927, p. 418-466, chapitre XII. De divinatoribus, p. 435.

(28) Texte transcrit et traduit par JOLIBOIS (Émile), publié par DUSAN (Bruno), Les sorts des apôtres, dans Revue archéologique du Midi de la France, volume Ier, 1866-1867, p. 225-237, et par PEYRAT (Napoléon), Histoire des Albigeois, t. III, Paris, 1872, p. 477-483. Cf. Revue du Tarn, t. III, 1880 1881, p. 153-154.

(29) Villeneuve-sur-Lot, Lot-et-Garonne.

(30) CHARNAY (Annie) : Sept sorcières de Gourdon au début du XIVe siècle, dans Bulletin de la Société des Études du Lot, t. CXV, 1994, p. 17-50.

(31) MARTIN-BAGNAUDEZ (Jacqueline) : L’Inquisition, Mythes et réalités, Paris, 1992, p. 64.

(32) PORTAL (Charles) : Histoire de la ville de Cordes, p. 39.


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