LA MAISON AU MOYEN
ÂGE
____________________________
Groupe de travail
Petit glossaire occitan
et latin
à l'usage des débutants...
Compléments et discussions
domus
- M. Scellès, Structure urbaine et architecture civile de
Cahors aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles, Thèse sous la dir. de M. le professeur Yves
Bruand, Toulouse : Université de Toulouse-Le Mirail, 1994, vol. 1, p. 157-160.
« C'est sous le terme de "domus" ou "hospitium",
"maio" ou "ostal", que les actes des XIIIe et XIVe
siècles conservés pour Cahors désignent les demeures ou habitations. A Saint-Antonin,
un acte de vente de 1313 de la "maison romane", petit "palais" du XIIe
siècle dont l'aula était salle de justice, précise : "subtus turrim
dictorum domorum seu hospiciorum" (M. Scellès, La maison romane de
Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-Garonne), dans M.S.A.M.F., t. XLIX, 1989, p.
108), indiquant l'équivalence des deux mots. Dans ce texte, comme dans d'autres actes de
Saint-Antonin, domus est toujours employé au pluriel ; le terme désigne ici
les confronts : "confrontantur ex parte una cum domibus et operatoriis
heredum Andree Galhinerii condam et ex alia [...] cum domibus et operatoriis Gdi
Bosquiera", mais également l'objet de la vente : "quasdam domus cum
turre". Dans ce cas, nous sommes sûr que le pluriel correspond en fait à une
seule maison qu'un acte antérieur d'une cinquantaine d'années désigne successivement
par le mot domus employé au singulier puis au pluriel, sans souci de la réalité
architecturale de l'édifice.
Dans une quarantaine d'actes de la série H des Archives du Lot, qui
concernent la ville de Cahors, les mots domus ou maio apparaissent une
centaine de fois. Ils sont employés deux fois plus souvent au singulier qu'au pluriel.
Dans cinq cas, le pluriel correspond sûrement à plusieurs maisons, mais quelques emplois
particuliers montrent qu'il ne doit pas être pris au pied de la lettre : "las
maios dels fraires minors" (A.D. Lot, H 69-4, vente, 1359) désigne le couvent
des Cordeliers, identifié ailleurs par un singulier (), et nous ne voyons pas que "las
maios de la bladaria nueva del cossolat" (A.D. Lot, H 67-10, donation, 1251) se
comprenne autrement que comme "le bâtiment de la bladerie". Il est donc certain
que les deux mots mis indifféremment au singulier ou au pluriel peuvent s'appliquer au
même objet. Il faut sans doute leur attribuer le sens général de "bâtiment",
ou d'"habitation", ce qui n'exclut pas que, dans certains cas, en faisant appel
au pluriel, le rédacteur ou le témoin n'ait pas eu à l'esprit un édifice comprenant
effectivement plusieurs habitations ou corps de bâtiment. Nous ne sommes pas en mesure de
le vérifier, n'ayant pas identifié parmi les édifices conservés ceux qui sont
mentionnés par les actes.
Maio ou domus s'appliquent en tout cas aussi bien à une
méchante construction, ou même peut-être à une simple pièce d'habitation, séparée
de ses voisines par un mauvais mur et une médiocre cloison en pan-de-bois (A.D. Lot, H
71-5, arrentement, 1310), qu'au véritable palais qu'était la demeure de la famille
Duèze (Collection de Languedoc, Doat, B. N., vol. 121, f° 221, publié par
l'Abbé Martin, Mémoire des obits fondés pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles,
dans l'église du couvent des frères prêcheurs de Cahors, dans Annuaire
statistique et administratif du département du Lot, 1877, p. 4), recouvrant des
réalités architecturales et sociales très différentes.
A. Higounet-Nadal note cependant qu'à Périgueux "les maisons de
marchands, dont quelques-unes étaient parmi les plus riches de la ville, portaient
souvent le nom d'"hostals" et non plus seulement de maison" (Périgueux
aux XIVe et XVe siècles. Etude de démographie historique, Bordeaux : 1978, p.
45). S'appuyant sur les recherches de Monique Bourin-Derruau sur le Biterrois (Villages
médiévaux en Bas-Languedoc, Paris : 1987, t. 1, p. 24-27), Bernard Sournia et
Jean-Louis Vayssettes distinguent "domus" et "estare",
celui-ci comportant plusieurs domos assemblées autour d'une cour ; ils
proposent d'identifier dans ce cas "domus" à "corps de
bâtiment", mais nuancent le propos en indiquant qu'il arrive que la même demeure
reçoive les noms de "domus" et d'"estare" (Montpellier :
la demeure médiévale, Paris : 1991, p. 48). Pour Emmanuel Le Roy Ladurie,
"domus" et "hospitium" signifient
indifféremment "maison" et "famille" à Montaillou (Montaillou,
village occitan, de 1294 à 1324, Paris : 1982, p. 52), mais il est vrai que ces
bâtiments de village se prêtent sans doute mal à des distinctions architecturales entre
domus et hospitium. A Figeac, Anne-Laure Napoléone constate que des
édifices qualifiés d'"hostal" ont une valeur imposable de deux cents
livres et d'autres d'à peine une livre, tout en observant que le terme de "mayo"
semble plus fréquemment utilisé pour des bâtiments associés à un verger ou une terre
et situés dans les faubourgs ou à l'extérieur de la ville (Figeac au Moyen Age. Les
maisons du XIIe au XIVe siècle, thèse sous la direction de Mme M.
Pradalier-Schlumberger, Université de Toulouse-Le Mirail, 1993, p. 314). Ces quelques
exemples, qui montrent des différences de vocabulaire et d'interprétation, incitent à
ne pas calquer les observations faites sur des milieux même proches.
À Cahors, le mot "hospitium" n'apparaît qu'une
dizaine de fois dans la série d'actes déjà évoquée, l'équivalence avec "domus"
n'étant donnée que par un seul texte : "... totes illas domos sive
hospitiu..." (A.D. Lot, H 78-2, arrentement, 1380). Cette maison qui était
située place Saint-Laurent, dans un quartier modeste, n'était probablement pas une
grande demeure. Un arrentement portant "super quodam parvo hospitio [...]
confrontantur [...] cum hospitio magno dicti quondam Stephani de Guarambello"
(A.D. Lot, H 77-10, arrentement, 1379) prouve d'ailleurs que "hospitium"
peut s'appliquer à des édifices de taille variable. Si tel rédacteur qualifie d'"ostal"
le palais de Via (A.C. Cahors, Livre tanné, f° 77 v° : 23 août 1370,
entrée de Louis, frère du roi, dans la ville de Cahors. Transcrit par Guillaume Lacoste,
Histoire générale de la province de Quercy, t. III, 1875, réédité 1982, p. 218
n. 3 ), nous avons vu qu'un autre parlait
d'une "domus" à propos du palais Duèze. »
© S.A.M.F. 1998-2000. La S.A.M.F. autorise la
reproduction de tout ou partie des pages du site sous réserve de la mention des auteurs
et de l'origine des documents et à l'exclusion de toute utilisation commerciale ou
onéreuse à quelque titre que ce soit.