Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LVIII (1998)


LES PLANS D'URBANISME
DE TOULOUSE AU XXe SIÈCLE

par Jean COPPOLANI

 


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PLANS


M.S.A.M.F., T. LVIII, page 207

 

    Le XVIIIe siècle avait été marqué à Toulouse, comme dans beaucoup de villes de France, par des soucis et des projets d’urbanisme dont la traduction concrète, sans épuiser tout ce qui avait été projeté, est encore visible dans toute une partie de la ville actuelle, avec les quais de la Garonne et leurs façades inachevées, l’ensemble du Grand-Rond et des Allées, le Cours Dillon et les grandes voies de la rive gauche. Le « Projet pour le Commerce et les Embellissements de Toulouse » présenté en 1752 par Louis de Mondran était un plan d’urbanisme complet qui ne négligeait aucune des quatre fonctions que devait définir en 1933 la « Charte d’Athènes » : habiter - travailler - circuler - recréer le corps et l’esprit ; mais les réalisations demeurèrent très en-deçà des ambitions.

    Beaucoup plus empirique, le XIXe siècle n’a conçu qu’un seul plan d’ensemble : celui des Alignements, arrêté définitivement le 26 décembre 1842. borné aux problèmes de voirie, son exécution, limitée dans le centre ancien aux constructions neuves, le rendit rapidement inefficace face aux besoins de la circulation ; appliqué strictement dans les extensions de la ville jusque vers 1850, soit en gros la zone entre la place Dupuy, la rue Matabiau et le canal du Midi, zone qui lui doit sa voirie régulière, il ne fut jamais prolongé dans les extensions suivantes qui se firent dans la plus totale anarchie. C’est en fait au coup par coup et au fur et à mesure des besoins que furent décidés et réalisés les grands travaux de voirie jusqu’en 1914 : place du Capitole, place Wilson et allées Jean-Jaurès héritées de projets du XVIIIe siècle, aménagement des boulevards repris en partie des projets de Mondran, percées haussmaniennes dans le centre entre 1867 et 1912, les trois ponts Saint-Pierre, Saint-Michel et des Catalans, ces deux derniers achevant de dessiner, avec les allées du XVIIIe siècle et les boulevards du XIXe, une première rocade cernant la ville ancienne, mais sans que cette notion apparaisse dans les projets successifs. De même les grands équipements neufs : Abattoirs, Casernes, Cimetières, Facultés, ont été localisés au gré des circonstances, tandis que les services publics issus de la Révolution et ceux créés ou restaurés par Napoléon se logeaient avec plus ou moins de bonheur dans des locaux hérités de l’Ancien Régime et dans des bâtiments ecclésiastiques nationalisés en 1789.

    Il existe depuis longtemps toute une littérature sur l’urbanisme toulousain du XVIIIe siècle (1). Celui du XIXe siècle, plus longtemps négligé, a fait l’objet de nombreux travaux plus récents (2). Il est donc inutile d’y revenir. Par contre, les nombreux projets d’urbanisme du XXe siècle, s’ils ont suscité une grande quantité de travaux et de commentaires

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1. Cf. parmi les seuls travaux imprimés : E. Roschach, « Toulouse capitale », dans Revue des Pyrénées, 1896, p. 201-254 ; J. Llanas, « L’urbanisme à Toulouse au XVIIIe siècle », dans Recueil des Jeux Floraux, 1936, p. 64-144 ; P. Mesplé, Joseph-Marie de Saget, ingénieur des Travaux publics de la province de Languedoc, Toulouse, 1946 ; G. Costa, « Un plan d’urbanisme pour Toulouse dans le second quart du XVIIIe siècle », dans Comité des Travaux historiques… Bulletin de la Section de géographie, 1953, p. 81-98 ; G. Costa, « Louis de Mondran, économiste et urbaniste », dans Urbanisme et Habitation, 1955, p. 33-78 ; J. Coppolani, « Garipuy urbaniste et ingénieur », dans M.A.S.I.B.L.T., 16e série, t. III, 1982, p. 173-185 ; J. Coppolani, « La  "Promenade publique" de Toulouse… », dans L’Auta, avril 1983, p. 99-116, et les ouvrages généraux : J. Coppolani, Toulouse, étude de géographie urbaine, Toulouse, 1954 ; Ph. Wolff et al., Histoire de Toulouse, 2e édition, Toulouse, 1974 ; Toulouse, les délices de l’imitation (ouvrage collectif), Bruxelles et Liège, 1986. 
2. Cf. Notamment P. Lespinasse, « Les origines de la place Wilson » dans M.A.S.I.B.L.T., 12e série, t. X, 1932, p. 235-273 ; J. Coppolani, « Un plan d’extension à Toulouse sous la monarchie de Juillet », dans Comité des travaux historiques… Bulletin de la Section de géographie, 1953, p. 69-77 ; J. Coppolani, « Une opération d’urbanisme à Toulouse : les rues nouvelles de la fin du XIXe siècle », dans M.A.S.I.B.L.T., 15e série, t. VII, 1976, p. 207-225 ; Toulouse 1810-1860, ouvrage collectif, Bruxelles et Liège, 1985 ; ainsi que les ouvrages généraux cités en note 1.


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tant par leurs auteurs et leurs responsables – fonctionnaires, techniciens et hommes politiques, que par les professionnels de l’urbanisme, les géographes, les économistes et les sociologues –, n’ont jamais été examinés dans une perspective historique, tenant compte de ce que chacun d’eux a apporté de concret dans les réalisations effectives, et aussi des conceptions urbanistiques successives qu’ils ont voulu traduire. C’est ce que voudrait faire le présent travail.

 

    Les lois de 1919 et 1924 et les premiers projets

    Au lendemain de la Première Guerre mondiale qui avait très gravement frappé plusieurs villes du Nord et de l’Est, le pouvoir d’État jugea qu’il était nécessaire de mettre de l’ordre dans l’extension des villes françaises dont beaucoup, à l’instar de Toulouse, avaient poussé de façon anarchique tout au long du XIXe siècle. Ce fut le but recherché par les lois du 14 mars 1919 et du 19 juillet 1924, qui imposaient un « Plan d’Aménagement, d’Embellissement et d’Extension » à toutes les villes de plus de 10 000 habitants, aux stations touristiques et aux « localités présentant un caractère pittoresque, artistique ou historique ». Ces lois donnaient en principe trois ans aux communes intéressées pour établir ce plan qui devait être approuvé par décret pris en Conseil d’État, mais leur laissaient toute latitude tant pour le choix des urbanistes que pour le contenu des plans, dont la dépense était laissée entièrement à leur charge.

    Les propositions des « Toulousains de Toulouse » (plan 1b)

    Un an à peine après le vote de la loi de 1919, un premier projet d’urbanisme toulousain voyait le jour. Il n’émanait ni de la municipalité, ni de professionnels, mais d’une société culturelle, fondée une quinzaine d’années auparavant par un groupe de Toulousains surtout préoccupés de sauvegarder les richesses monumentales héritées du passé de leur ville, et gravement mises à mal tant par le vandalisme révolutionnaire et post-révolutionnaire que par certains grands travaux de voirie du XIXe siècle. Mais certains de ces « Toulousains de Toulouse », dans la tradition qu’avait brillamment illustrée au XVIIIe siècle Louis de Mondran, ajoutaient à ce souci celui des besoins présents de leur ville et celui de son avenir. Parmi eux un jeune journaliste, Henri Rouzaud, décédé prématurément en 1918, et un médecin, Albert Morel. C’est le fruit de leurs réflexions et de celles de quelques autres membres de la même société que publia en mars 1920 L’Auta, bulletin de la Société, sous le titre L’Extension de Toulouse après la Guerre (3).

    Après le rappel des étapes de la formation de la ville depuis ses origines, des opérations d’urbanisme des XVIIIe et XIXe siècles et des effets du vandalisme, deux chapitres sont consacrés à la sauvegarde des monuments principaux et à la destination à donner à ceux qui se trouvaient à l’abandon comme les Jacobins. Le chapitre suivant traite des équipements à créer pour les transports, le commerce, l’industrie, l’enseignement supérieur et professionnel, la santé, les sports, la culture, les spectacles. Très caractéristique des préoccupations majeures des notables toulousains d’alors est la place prise dans ces propositions par le Théâtre d’Opéra destiné à remplacer la salle du Capitole incendiée en 1917 : une page et demie est consacrée à ce monument pour lequel est proposé un emplacement au quartier Saint-Georges « entièrement rasé » ; presque autant de place est nécessaire pour les Musées existants ou à créer. Par contre, les zones industrielles à créer sont expédiées en un tiers de page et leur localisation reste vague : « les points de raccordement des canaux et aux voies ferrées… sont particulièrement désignés pour l’aménagement de quartiers de cette sorte ». Le chapitre sur l’« outillage urbain » insiste sur l’urgence de la construction d’un réseau d’égouts vannes, sur l’amélioration de la distribution d’eau potable et de l’éclairage public et sur l’extension du réseau de tramways, par la création notamment, d’une ligne circulaire par les boulevards (aujourd’hui desservie par autobus) et aussi d’une ligne Ponts-Jumeaux - Pont des Demoiselles le long du canal du Midi, et d’une ligne suivant les quais de la Garonne, qui n’existent toujours pas. Le dernier chapitre est consacré aux opérations de voirie et de construc-

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3. L’extension de Toulouse après la guerre. Considérations sur le plan d’aménagement, d’embellissement et d’extension imposé à la Ville par la loi du 14 mars 1919. Essai d’application à ce plan des principes modernes de l’urbanisme, L’Auta, numéro spécial, mars 1920, 36 p. in 16°.


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tion. Fidèles aux conceptions haussmaniennes, ses auteurs proposaient deux nouvelles percées dans le centre historique : une voie du Pont Neuf à la place Lafayette (aujourd’hui Wilson), reprise de la « rue de l’Impératrice » proposée en 1859, et une « nouvelle voie longitudinale » d’Arnaud-Bernard au Salin, déjà envisagée au XVIIIe siècle (4). Ces deux tracés devaient permettre la mise en valeur de plusieurs monuments peu accessibles : tour des Cordeliers, église des Jacobins, clocher de la Dalbade (qui devait s’écrouler en 1926), autre notion bien haussmanienne. Quelques années plus tard, le président de la même Société proposait d’élargir les rues Saint-Rome et des Changes en reculant des trottoirs sous les immeubles dont les arcades de rez-de-chaussée seraient ouvertes ; première conception de la rue piétonnière réalisée cinquante ans plus tard. Hors des boulevards étaient proposées plusieurs grandes voies nouvelles : le prolongement des allées Lafayette (Jean-Jaurès) jusqu’au plateau de Jolimont dont on parlait depuis une cinquantaine d’années déjà ; l’ouverture de deux rues unissant la Patte-d’Oie aux deux ponts Saint-Michel et des Catalans sur la rive gauche, un nouveau quai du Bazacle aux Ponts-Jumeaux, enfin un « boulevard reliant le Faubourg Bonnefoy à Montaudran par les crêtes ». Dans le domaine de la construction, les Toulousains de Toulouse proposaient la création d’un quartier d’« habitations ouvrières » à l’emplacement de l’Arsenal (5) et la destruction pure et simple du quartier Saint-Georges « verrue repoussante en plein centre de la ville ». À l’extérieur, ils étaient partisans résolus de la maison individuelle qui allait effectivement garnir les lotissements, mode presque exclusif de l’extension de Toulouse jusqu’en 1939.

    Encore marqué largement par les idées du XIXe siècle, ce projet ne pouvait être directement mis à exécution par ses auteurs qui ne disposaient d’aucune espèce de pouvoir. Mais il influencera des projets officiels : la « nouvelle rue longitudinale » reparaîtra dans le plan Nicod, ainsi que les deux voies partant de la Patte-d’Oie ; la destruction et la reconstruction du quartier Saint-Georges se réaliseront de 1960 à 1982 au titre de la rénovation urbaine, et le boulevard de Bonnefoy à Montaudran, inscrit dans tous les plans postérieurs, a été réalisé par morceaux : le boulevard Deltour ouvert de 1929 à 1933, l’avenue de la Terrasse aménagée en 1974 et prolongée en 1982 par l’avenue Lucien-Baroux, le boulevard des Crêtes tracé en 1975-1976, mais ces trois tronçons ne se raccordent pas entre eux. Les auteurs de ces propositions n’ont donc pas travaillé en vain, même si leurs successeurs actuels à la tête de la Société les trouveraient peut-être trop peu respectueux de certains édifices du Vieux-Toulouse (6). On peut enfin constater qu’ils n’envisageaient nullement la place qu’allait prendre l’automobile dans notre société, et que ces fervents défenseurs du visage traditionnel de leur ville n’avaient envisagé aucun règlement de construction pour le protéger contre des nouveautés intempestives.

    Le plan Jaussely (plan 1c)

    La municipalité Feuga qui eut en charge la ville de Toulouse de 1919 à 1925 n’eut pas de grandes ambitions, et elle ne jugea nullement urgent de la doter d’un plan d’extension, malgré les besoins en logements qui résultaient de la montée de la population passée de 155 000 habitants en 1911 à 175 000 en 1921. La municipalité socialiste qui lui succéda, dirigée de 1925 à 1934 par Étienne Billières, lança par contre de grands projets : nouvelle Bibliothèque municipale, Parc des sports du Ramier du Château, reconstruction du pont Saint-Pierre, écoles dans les quartiers neufs, logements populaires par l’office municipal d’H.B.M., éclairage électrique « axial », renforcement de l’adduction d’eau, programme de tout-à-l’égout (qui ne sera réalisé que plus tard). L’urbanisme par contre ne paraît guère l’avoir préoccupée, et les lotissements continuèrent à proliférer en périphérie dans la même anarchie qu’auparavant ; la ville décida quand même de se mettre en règle avec la loi en demandant un plan d’urbanisme à Léon Jaussely. Le contrat entre le maire et l’urbaniste fut passé le 21 juillet 1926.

 

    Surtout connu par sa contribution au grandiose plan d’extension de Barcelone, Léon Jaussely était toulousain de naissance et c’est ce fait qui paraît avoir motivé le choix de la municipalité. Son plan, dont l’avant-projet fut présenté le 25 octobre 1928, relevait de la même inspiration monumentale que son œuvre d’Outre-Pyrénées.

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4. Cf. J. Coppolani, Une opération d’urbanisme à Toulouse…, art. cit., et Toulouse, les délices de l’imitation, op. cit.
5. Projet inspiré en partie de la plaquette du Syndicat général des entrepreneurs du Bâtiment et des Travaux publics : Un plan d’extension et d’embellissement pour la ville de Toulouse, publiée en 1913.
6. Ainsi cette phrase à propos de la nouvelle grande rue Nord-Sud : « Y-a-t-il lieu maintenant de mettre en balance de tels avantages [amélioration de la circulation générale, mise en valeur de monuments majeurs], même au point de vue archéologique et artistique, avec la disparition de quelques fenêtres rue Saint-Rémézy ».


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    Le plan Jaussely (7) est encore très marqué par les conceptions du XIXe siècle. Son auteur a d’ailleurs très largement tiré parti de la brochure des Toulousains de Toulouse ; l’exposé du parti du Plan en reproduit in extenso le préambule théorique et historique, tout comme les recommandations et propositions relatives aux monuments anciens et aux Musées à créer. Les données de base restent dans le vague et l’hypothèse de population retenue, 400 000 habitants sur un territoire qui pourrait facilement en recevoir un million, ne s’appuie ni sur une étude démographique ou économique, ni sur une prévision à un terme défini. L’essentiel de son plan réside ainsi dans des projets de voirie qui multiplient les percées et les élargissements dans la partie du territoire déjà urbanisée et ouvrent quantité de voies nouvelles pour desservir les nouveaux quartiers à créer dans la périphérie.  

    Le noyau central ancien entre boulevard et Garonne était ainsi éventré en tous sens par des voies larges de 15 à 20 m (8). Sept voies étaient entièrement nouvelles : du pont Saint-Pierre au boulevard de Strasbourg ; des Jacobins au boulevard Armand-Duportal à travers l’Arsenal, avec prolongement en ligne droite jusqu’au canal du Midi ; du Pont-Neuf à la place Wilson (soit à nouveau la « rue de l’Impératrice », retenue aussi par les Toulousains de Toulouse) ; du Pont-Neuf à la place des Carmes et de celle-ci au Grand-Rond (autre tracé envisagé aussi au XIXe siècle) ; de la place Saint-Georges au square Roland et au-delà jusqu’au canal du Midi, prolongé par l’avenue de la Gloire élargie ; à l’emplacement de la Garonnette ; enfin de la place Arnaud-Bernard à la place Saint-Sernin. Les élargissements concernaient les liaisons du Capitole avec le pont Saint-Pierre par les rues Romiguières et Pargaminières, avec la place Arnaud-Bernard par les rues des Lois, de la Chaîne et Arnaud-Bernard, avec la Préfecture et la cathédrale par les rues de la Pomme et Boulbonne. La place de la Bourse, traversée par la « rue de l’Impératrice », était reliée au pont Guilheméry sur le canal par l’élargissement des rues Temponières, Peyras, Antonin-Mercié, Cantegril, une percée à travers le quartier Saint-Georges, puis de nouveau les rues Delpech et de l’Étoile élargies. Une rue nouvelle reliait la place du Capitole à l’impasse des Jacobins, et la rue Gambetta était portée sur toute sa longueur, au gabarit de la rue Jean-Suau. Enfin, la place des Carmes était mise en communication avec le Quartier Général par l’élargissement des rues du Canard, Merlane et Saint-Jacques. Sur la rive gauche, la rue de la République, la rue Réclusane et la rue Viguerie étaient portées à 20 m. Cette répétition à une douzaine d’exemplaires des percées du siècle précédent aurait réalisé un véritable dépeçage du noyau ancien de Toulouse, disloquant toutes les liaisons traditionnelles, et multipliant en fait les obstacles à la circulation bien plus qu’ils n’auraient facilité celle-ci. Avec des solutions moins radicales, le projet de Jaussely pour le centre de Toulouse n’était pas sans rappeler le « plan Voisin », inspiré par Le Corbusier, qui voulait raser tout le centre de Paris et y laisser seulement les monuments anciens dans un immense parc… Sa réalisation eut pratiquement anéanti toute l’atmosphère traditionnelle du Vieux-Toulouse. Rien heureusement n’en a été réalisé sinon la discutable avenue de la Garonnette qui sert surtout de parking, et le modeste élargissement de la rue Émile-Cartailhac vers Saint-Sernin.

 

    Dans ce que nous nommons aujourd’hui le Péricentre, entre les boulevards et le canal du Midi, Jaussely préconisait aussi élargissement et percées, plus justifiées ici par une voirie étriquée et l’absence presque totale d’ensembles du passé digne d’être préservés. Outre les trois voies prolongées depuis le centre et mentionnées plus haut, Jaussely prévoyait une liaison à grand gabarit (15 m) de la place Dupuy aux Minimes par l’élargissement des rues Riquet, Maury, Caffarelli, de l’Orient, ensuite une percée faisant un coude au croisement avec la rue Gravelotte, pour atteindre l’avenue Honoré-Serres et au-delà le prolongement du boulevard Armand-Duportal à travers les casernes d’Artillerie qui devaient disparaître. La liaison pont Saint-Pierre – boulevards se prolongeait par la rue de la Concorde portée à 15 m sur toute sa longueur, de même que le tronçon nord de la rue Riquet. L’accès à la gare Matabiau était facilité par la couverture du canal du Midi entre le pont Riquet et le pont Matabiau. Enfin le terre-plein central des allées Jean-Jaurès disparaissait au profit d’une large voie de circulation prolongée au-delà du canal jusqu’au plateau de Jolimont et à la route d’Agde après démolition de l’École vétérinaire et l’élargissement des allées Marengo. Ce dernier projet, repris dans tous les plan postérieurs, sera le seul à être réalisé, par étapes, de 1956 à 1976.

    Dans la périphérie enfin, Jaussely organisait un réseau très complet de grandes voies larges de 25 à 55 m, divisées en trois catégories : radiales, circulaires et tangentielles.

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7. Conservé aux Archives de la Ville de Toulouse sous la cote 29 A et B : Ingénieur de la ville.
8. Par comparaison, rappelons que les rues d’Alsace-Lorraine et de Metz ont 15,80 m de large, la rue Ozenne, 20 m.


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    Les radiales prolongeaient jusqu’aux limites de la commune les axes de circulation ouverts dans le centre ; il en était prévu plus d’une vingtaine, en incluant les dix-sept routes qui rayonnaient déjà autour du noyau central. Les tracés nouveaux étaient représentés par les allées Jean-Jaurès prolongées, des boulevards accompagnant les deux rives du canal latéral à la Garonne au nord et du canal du Midi au sud, et d’autres accompagnant de même les voies ferrées vers la Méditerranée, Albi et Auch. À moindre distance, le boulevard Armand-Duportal, après avoir traversé l’emplacement des casernes d’Artillerie, franchissait en ligne droite le canal du Midi pour atteindre finalement le canal latéral ; un autre pont sur le canal du Midi donnait accès à un prolongement de la rue de la Concorde qui atteignait le pont sous la gare Raynal, puis traversait le quartier de Croix-Daurade pour arriver au pont sur l’Hers. Les allées des Zéphyrs (Paul-Sabatier) et des Soupirs escaladaient le coteau jusqu’à sa crête ; deux boulevards accompagnaient la Garonne sur ses deux rives, du Bazacle au pont de Blagnac et du pont Saint-Michel aux ponts d’Empalot ; le chemin de la Gloire élargi descendait en ligne droite jusqu’à l’Hers ; enfin l’allée Frédéric-Mistral, avec son gabarit originel (30 toises, soit 58 m) allait en ligne droite rejoindre la route de la Méditerranée au-delà du carrefour de Rangueil, suivant un tracé déjà envisagé par Mondran et repris en 1842 dans le Plan d’Alignement. On peut regretter aujourd’hui que cette magnifique « Pénétrante Sud » n’ait pas été réalisée lorsqu’elle ne demandait que l’acquisition d’une bande de champs, c’est-à-dire au plus tard au XIXe siècle.

 

    Les circulaires (on dirait maintenant rocades) étaient au nombre de cinq, y compris la ceinture des boulevards achevée depuis 1913. La seconde circulaire empruntait les berges du canal du Midi déjà aménagées des Ponts-Jumeaux au pont des Demoiselles, l’avenue Crampel, les boulevards du Sud (Delacourtie) et des Récollets, deux ponts successifs sur les deux bras de la Garonne enfermant l’île du Ramier du Château, les chemins d’octroi de Saint-Cyprien (aujourd’hui boulevards Déodat-de-Séverac, Gabriel-Kœnigs et Jean-Brunhes), un nouveau pont sur la Garonne et l’avenue Debat-Ponsan pour aboutir sur une grande place couvrant le canal de Brienne jusqu’aux Ponts-Jumeaux. La cinquième circulaire, la plus extérieure, était aussi la plus large : 55 m dont deux allées promenades latérales de 15 m chacune. Partant de la Garonne au pont de Blagnac, elle se dirigeait vers l’église de Lalande, puis gagnait le pont de Croix-Daurade, suivait la rive gauche de l’Hers jusqu’au pont de Montaudran, suivait ensuite d’assez près les limites sud et est de la commune par les Bourdettes, Pouvourville, les limites sud de la Poudrerie, le château de Monlong, Saint-Simon, puis courait parallèlement aux chemins de Gaillardie, Ferro-Lebres, Salinié, des Capelles et de la Flambère pour rejoindre le pont de Blagnac par l’avenue des Arènes. La troisième et la quatrième circulaires, tantôt interrompues, tantôt dédoublées, comportaient notamment deux tracés de rive droite : l’un, large de 50 m, des Sept-Deniers à la barrière de Paris, puis au passage sous la gare Raynal, Jolimont, la crête du Calvinet, aboutissant d’une part au pont des Demoiselles, d’autre part au carrefour de Lormeau ; l’autre, partant du pont de Blagnac, passait au carrefour des Trois-Cocus, à celui de Croix-Daurade, suivait le chemin Nicol, le pied oriental du Calvinet de la Roseraie au bois de Limayrac et à Montaudran, puis ondulait dans la dépression de Rangueil pour aboutir au pont d’Empalot, continuait sur la rive gauche après deux ponts encadrant le ramier d’Empalot, passait au carrefour de la Cépière, au rond-point de Lardenne et à celui de Purpan, pour rejoindre les Sept-Deniers en longeant les ruines antiques des Arènes et en franchissant la Garonne par un nouveau pont.

 

    Les voies tangentielles complétaient radiales et circulaires en joignant notamment le carrefour de la Cépière au château de Monlong par le Mirail et le chemin de Lestang, l’embouchure au rond-point de Lardenne (avec un pont nouveau sur la Garonne) en longeant la Cartoucherie par l’ouest, la barrière de Cugnaux (place Émile-Male) à Braqueville, la Patte-d’Oie aux deux ponts des Catalans et Saint-Michel ainsi qu’à la Croix-de-Pierre et à l’Embouchure, l’allée Frédéric-Mistral à la gare Saint-Agne en prolongeant l’avenue Frizac.

    On ne peut pas dire que tout ce programme soit resté lettre morte. Plusieurs éléments ont été repris dans des plans postérieurs et une partie d’entre eux sont réalisés ou en cours de réalisation. La seconde rocade a été achevée, sauf le bouclage par un pont sur la Garonne en amont des Ponts-Jumeaux, qui paraît bien abandonné. Des parties de la troisième rocade sont réalisées sur le Calvinet, comme on l’a dit plus haut. De Lalande à Montaudran, la cinquième rocade est maintenant achevée mais sous forme d’autoroute et non d’avenue-parc ; la « rocade ouest », des Ponts-Jumeaux à Empalot, et la « rocade sud » d’Empalot à Montaudran, empruntent des tracés, soit de la troisième ou de la quatrième « circulaire » soit de la « tangentielle » Embouchure – Lardenne ; « la pénétrante nord » représente une des radiales suivant le canal latéral à la Garonne. Dans la partie pavillonnaire de Rangueil, l’avenue Albert-Bedouce et l’avenue du Lauragais, ouvertes dans l’entre-deux guerres, suivent des tracés inscrits dans le plan Jaussely. Les avenues Maréchal-Juin et Delattre-de-Tassigny réalisent l’un des nouveaux quais prévus le long de la Garonne (mais, pour partie au moins, en dépression par rapport à la digue construite en 1948). Le quai de rive gauche en aval du Bazacle reste en suspens.


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    À côté de cet immense programme de voirie qui, réalisé en totalité, aurait donné à Toulouse un plan presque intouchable à allure de toile d’araignée, les autres articles du plan étaient beaucoup moins prolixes.

 

    Le zonage se bornait à délimiter quatre zones d’habitation de densité décroissante du centre vers la périphérie (plan 2) dont la plus extérieure ne devait recevoir que des maisons individuelles sur 50 % au plus de la surface des parcelles, avec un retrait obligatoire de 5 m par rapport à l’alignement. Les trois autres, réservées aux immeubles collectifs, voyaient leur densité monter de 66 à 75 %, la hauteur des constructions s’élever à deux, à trois, puis quatre étages, en allant de l’extérieur vers le centre, les prospects maxima aller de la largeur de la rue à une fois et demie celle-ci. Rien n’était prévu pour l’aspect des constructions. Hors des 8 800 ha (sur 11 949 du territoire communal entier) ainsi livrés à l’habitat, au commerce et aux services, quatre zones industrielles étaient délimitées avec une certaine précision à Lalande, autour de la Cartoucherie et de la Poudrerie, et à Montaudran ; les trois dernières ont été retenues dans les plans suivants. Un bon millier d’hectares non affectés restaient à l’agriculture, à l’ouest du touch et du canal Latéral et à l’est de l’Hers.

    Plus de place était par contre donnée aux espaces verts : promenades plantées accompagnant les nouveaux quais de la Garonne et surtout la localisation de vingt et un parcs couvrant en tout 1 100 hectares.

    Seules parmi les réalisations postérieures, la « Zone verte de détente et de loisirs » de Pech-David et le parc de la Poudrerie correspondent aux suggestions de Jaussely.

 

    Peu de choses aussi pour les services publics : rien en ce qui concerne l’enseignement, la santé, les services sociaux, les sports. Pour le théâtre d’Opéra, le plan reprenait le site des Arcades du Capitole déjà envisagé en 1848 par Urbain Vitry (9) ; l’usine à gaz et les Abattoirs seraient transférés dans la zone industrielle de la Cartoucherie ; deux nouveaux cimetières étaient prévus à Lalande et à Lardenne, une nouvelle gare mixte, fer et eau, devait être construite à Lalande, les gares ferroviaires de Saint-Agne et Saint-Cyprien agrandies, toutes les lignes de tramways « prolongées jusqu’aux limites de la commune », les Casernes seraient purement et simplement supprimées, ainsi que l’Arsenal (10) ; l’École vétérinaire reconstruite à Jolimont et un Parc des Expositions édifié au Ramier du Château. Seule cette dernière proposition a été suivie d’exécution en 1948 ; l’École vétérinaire achevée en 1939 par Jaussely lui-même a été finalement utilisée à d’autres fins après 1940.

 

    Malgré l’aspect souvent utopique de ses propositions, le travail de Léon Jaussely n’est donc pas resté inutile. Mais les circonstances (la crise mondiale en 1929) comme l’état d’esprit des dirigeants toulousains d’alors n’étaient pas favorables à une mise en œuvre même de ses propositions les moins contraignantes. La procédure d’approbation se limita à une présentation à la Commission départementale d’extension en 1933, et aucune décision ne s’ensuivit. Et la ville continua à pousser (194 000 habitants en 1931, 213 000 en 1936) et à s’équiper sans plan directeur.

 

    La loi de 1943 et le plan Nicod

    Dès août 1940, le gouvernement de Vichy avait « suspendu » la municipalité socialiste de Toulouse et l’avait remplacée par un maire et un conseil municipal nommés par lui. L’idéologie de la « Révolution Nationale » ne s’accommodait guère de l’anarchie qui avait présidé jusque-là au développement de la ville. Aussi, bien que la situation issue de la défaite et de l’occupation ne se prêtât guère à des réalisations même modestes, les nouveaux dirigeants jugèrent nécessaire de doter leur ville d’un Plan d’Urbanisme… applicable. Tel ne paraissait guère le Plan Jaussely, trop ambitieux. Le 13 août 1942, la ville passait un nouveau contrat avec un architecte-urbaniste parisien, Grand Prix de Rome, Charles Nicod. Moins d’un an après, la loi du 25 juin 1943 transférait à l'État la responsabilité des plans d’urbanisme, en même temps qu’elle généralisait l’obligation du permis de construire pour toute

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9. Le théâtre avait été reconstruit en 1923 dans l’aile sud du Capitole : il y est toujours, après trois réfections en 1950, 1974 et 1995 ; mais le théâtre du Capitole ne tient plus, dans la société toulousaine de la fin du XXe siècle, la place qu’il tenait dans celle du siècle précédent.
10. Faut-il voir dans cette suppression radicale de toutes les installations militaires l’expression de l’anti-militarisme que professait alors la S.F.I.O. ?


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construction nouvelle et toute modification de construction, ce qui assurerait le respect des règles posées par les plans d’urbanisme. La loi de 1943 ayant été validée à la Libération, l’État renouvela le 9 octobre 1944 le contrat de Charles Nicod, qui avait déjà présenté une première esquisse de son plan à l’automne de 1943. Aidé par un bureau d’étude installé à Toulouse et dirigé par un architecte local, Joachim Génard, Nicod entreprit la mise en forme de son Plan dénommé désormais « d’Aménagement et d’Urbanisme » (on ne parlait plus d’« Embellissement »). Représentant de l’État, l’Urbaniste en chef chargé de la Région assurait le suivi des études en même temps que les services municipaux. Terminé au cours de l’été 1947, le projet Nicod fut « pris en considération » par arrêté ministériel du ministre chargé de l’urbanisme (11) le 23 octobre 1947.

    Le plan Nicod de 1947 (plans 1.d et 3)

    Encore marqué comme Jaussely par les conceptions du XIXe siècle, Nicod mettait aussi en premier plan la voirie ; il proposait lui aussi de nouvelles percées, avec toutefois moins d’abondance que son prédécesseur. En particulier, il restait attaché à une amélioration de la pénétration du centre ancien par l’ouverture de voies nouvelles. Et en premier lieu une nouvelle voie nord-sud, large de 25 m, destinée aussi à relier les deux routes de Paris et de la Méditerranée. Reprenant d’assez près le tracé proposé en 1920 par les Toulousains de Toulouse, elle partait de la place Arnaud-Bernard, suivait la rue du même nom et la rue de la Chaîne, dégageait la tour des Cordeliers et la façade des Jacobins, arrivait sur la Garonne par la place du Pont-Neuf agrandie, et se poursuivait par le quai de Tounis élargi jusqu’au carrefour des allées Jules-Guesde et Paul-Feuga. Cette percée était aussi dans l’esprit de l’urbaniste, une « Promenade archéologique » ouverte sur la place du Capitole par un jardin entouré d’édifices sur arcades ; une « Entrée monumentale » sur la Place Arnaud-Bernard, des perspectives vers Saint-Sernin, l’église du Taur, l’hôtel d’Assézat, enfin un aménagement ordonnancé du quai de Tounis comportant hôtels, restaurants et cafés face à la Garonne achevaient le caractère monumental de cette percée.

 

    Dans le sens est-ouest, une voie nouvelle devait traverser le quartier Saint-Georges entièrement rasé et se poursuivre dans le quartier Saint-Aubin pour relier la rue d’Alsace-Lorraine à l’avenue Camille-Pujol, et une autre prolonger la rue Bayard, accès à la gare Matabiau, jusqu’à sa rencontre en ligne droite avec la « Promenade archéologique » : un système continu de jardins devait relier la place Wilson aux Jacobins en rasant le moulon encadré par les rues du Poids-de-l’Huile et Lafayette.

 

    Nicod avait aussi retenu le tracé projeté par Jaussely pour améliorer la traversée du Péricentre des Minimes à la place Dupuy, parallèlement aux boulevards ; renonçant au grand prolongement de l’allée Frédéric-Mistral, il se bornait à relier l’avenue Frizac au carrefour Grand-rue-Saint-Michel – boulevard des Récollets par une percée qui entraînait la disparition de la Prison remplacée par un jardin.

 

    En périphérie, le plan Nicod envisageait seulement une rocade est, de Lalande à Montaudran, le long de l’Hers, rejoignant à Ramonville la route de la Méditerranée, et une rocade ouest de Lalande à Francazals par le pont de Blagnac, Purpan et Lardenne, avec une bifurcation depuis la Cépière vers Empalot et le carrefour de Rangueil, et une liaison du pont des Demoiselles à la barrière de Paris par la crête du Calvinet, le faubourg Bonnefoy et le passage sous la gare Raynal, prolongée jusqu’au pont de Blagnac et au-delà jusqu’à l’aéroport. Sur la rive gauche, les anciens chemins d’octroi étaient aménagés en boulevards rejoignant les Ponts-Jumeaux par un pont sur la Garonne, tous tracés repris du plan Jaussely fortement allégé.

 

    À l’intérieur des rocades, Nicod envisageait plusieurs radiales : outre le prolongement des allées Jean-Jaurès jusqu’à Jolimont et à la rocade est, repris des plans antérieurs, il retenait du plan Jaussely le prolongement du boulevard Armand-Duportal jusqu’aux chemins d’octroi des Minimes et au canal Latéral à travers les casernes d’Artillerie, une liaison pont Saint-Michel – Barrière de Lombez, une liaison Cépière – Embouchure avec un nouveau pont sur la Garonne, une percée à travers les Magasins généraux depuis le canal du Midi jusqu’au passage sous la gare Raynal avec prolongement jusqu’à Croix-Daurade ; il y ajoutait une liaison du carrefour de Lormeau à celui

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11. On désignera ainsi le ministère dont les attributions comprenaient les plans d’urbanisme et qui porta quatre ou cinq noms successifs jusqu’à son absorption en 1966 par le nouveau ministère de l’Équipement.


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de Rangueil, une autre de la barrière de Cugnaux (place Émile-Male) au Pont-Neuf par les rues de Cugnaux et des Teinturiers élargies, enfin deux quais boulevards accompagnant chaque rive de la Garonne, des ponts d’Empalot au pont Saint-Michel et du pont des Catalans au pont de Blagnac.

 

    En outre, des tracés de voirie poussés jusqu’au détail étaient prévus dans des espaces destinés à un réaménagement complet : quartiers « insalubres » de Saint-Georges, Arnaud-Bernard, Mirepoix-Blanchers, Saint-Cyprien, ex-île de Tounis ; Arsenal et casernes d’Artillerie à remplacer, nouveaux quartiers à aménager à Jolimont et à Empalot, et divers alignements ou rectifications disséminés un peu partout dans les quartiers existants.

 

    Le zonage, à peine esquissé par Jaussely, était ici beaucoup plus développé. Conformément à la loi, le plan délimitait un « Périmètre d’Agglomération », « à l’extérieur duquel les services publics (électricité, gaz de ville, eau potable, évacuation des eaux et des matières usées…) ne pourront être assurés ». Ce périmètre couvrait au total 4 025 ha pour une population maximum estimée à 370 000 habitants (12).

    À l’intérieur du périmètre d’agglomération, étaient définies trois zones d’habitation :
    - zones d’habitation en continu secteur A, couvrant le centre historique entre boulevards et Garonne : hauteur des constructions limitées à 22,50 m et une fois et demie la largeur des voies, couverture en tuiles canal, nombreuses servitudes d’aspect, densité d’occupation limitée à 60 % de la surface des parcelles, interdiction de tout établissement industriel ;
    - zone d’habitation en continu secteur A1, couvrant le Péricentre, Saint-Cyprien jusqu’aux chemins d’octroi, et plusieurs faubourgs déjà bâtis en continu le long des voies : Minimes, Bonnefoy, Marengo, Guilheméry, Saint-Michel (cf. plan 3) : hauteur des constructions limitée à 25,80 m et une fois et demie la largeur des voies (sauf dérogation si les prospects l
    - zone d’habitation secteur B en ordre discontinu, couvrant le reste du périmètre principal ainsi que sept périmètres satellites dessinés autour des noyaux habités dans la périphérie : Lalande, Les Trois-Cocus, Saint-Martin-du-Touch, Lardenne, Saint-Simon, Lafourguette et Pouvourville : hauteur des constructions limitées à deux étages sur rez-de-chaussée sur les parcelles de moins de 1 000 m2, à quatre étages sur les plus grandes, retrait obligatoire des constructions par rapport à l’alignement et aux limites séparatives, densité maximum de 25 à 30 % de la surface des parcelles. Il s’y ajoutait un règlement général de construction concernant les combles, les cheminées, les saillies de toute sorte sur les façades.

    Les zones industrielles étaient reprises du plan Jaussely, mais plus précisément délimitées et dotées d’un règlement de construction sommaire.

    Enfin la zone rurale était explicitement définie : réservée aux seules constructions destinées au logement des agriculteurs et aux bâtiments d’exploitation, elle était aussi pourvue d’un règlement de construction.

 

    Les équipements publics étaient prévus plus en détail que dans le plan Jaussely. Plusieurs localisations étaient expressément prévues :
    - à l’emplacement de l’Arsenal, une Cité administrative rassemblant les administrations disséminées en location dans la ville, une Cité universitaire et l’extension des facultés de Droit et de Lettres ;
    - le Parc des Expositions au Ramier du Château (déjà envisagé par Jaussely) ;
    - l’extension sur place de la Préfecture ;
    - le Grand théâtre et le Conservatoire de Musique au quartier Saint-Georges ;
    - et en outre, de nouveaux locaux ou emplacements pour les Archives départementales, l’École vétérinaire, le Marché de gros, l’extension des facultés de Médecine et des Sciences, l’agrandissement de l’hôpital de Purpan, le déplacement des Abattoirs et de la prison, un lycée nouveau à Saint-Cyprien, des groupes scolaires dans les quartiers neufs. Les casernes d’Artillerie et l’hôpital militaire Larrey étaient désignés expressément pour recevoir certains de ces services, mais sans que soient précisés lesquels…

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12. Cf. sur tout ce chapitre : J. Genard, Exposé du parti général du Plan d’Urbanisme de Toulouse, 1950, 60 p. in 8°, dactyl. ; et le dossier administratif du Plan déposé aux archives de la Ville de Toulouse.


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    Un nouveau cimetière devait être créé hors du territoire communal à Balma, la gare Saint-Cyprien reportée à la Cépière au pied de la terrasse. De petits jardins de quartier étaient prévus à l’emplacement d’immeubles démolis ou par acquisition d’espaces verts privés au quartier Saint-Georges, aux Minimes, à Saint-Cyprien, au faubourg Saint-Michel en bordure de Garonne, à Guilheméry. Plusieurs de ces projets (Cité administrative, Cité universitaire et Université des Sciences sociales à l’Arsenal, Lycée technique à Saint-Cyprien, en partie extension de la Préfecture, Parc des Expositions) ont été suivis de réalisation, mais il est évident que ni l’urbaniste ni les pouvoirs publics ne pouvaient imaginer ce qu’allaient devenir les besoins en locaux de l’enseignement secondaire et supérieur.

 

    La protection des monuments, des sites et des paysages urbains faisait enfin l’objet d’une longue annexe. Aux soixante-six immeubles ou parties d’immeubles alors classés monuments historiques ou inscrits à l’inventaire supplémentaire, elle n’ajoutait pas moins de cent-soixante-douze autres articles, dont plusieurs concernant des ensembles non classés à cette date : façades des quais de la Garonne, Ponts-Jumeaux, canal de Brienne avec ses plantations, remparts le long du boulevard Armand-Duportal, rues Saint-Rome et des Changes, rue des Coffres, Darquier, Ninau et Vélane, rues de la Dalbade et de la Fonderie, places du Capitole, Wilson, Saint-Cyprien et Roguet, Pont-Neuf sur la Garonne et plusieurs ponts sur le canal du Midi et le Touch. Des mesures de classement sont venues depuis assurer la protection d’un certain nombre de sites ou d’édifices, mais quelques autres ont été par contre détruits ou défigurés.

 

    Les annexes sanitaires (adductions d’eau potable et assainissement) ne figuraient que pour mémoire, devant être confiées par la Ville à un cabinet spécialisé. Enfin le plan Nicod conservait du plan Jaussely le classement en zones vertes non aedificandi de la vallée du Touch, du coteau de Pech-David en entier et du vallon de Limayrac jusqu’à l’Hers, la proposition d’un parc urbain au Grand Selve et la protection d’une vingtaine de parcs de châteaux dans la zone rurale.

 

    Le plan à l’épreuve des faits (1947-1955) (13)

    La prise en considération du plan Nicod permettait sa mise en vigueur immédiate, mais sans contraindre les pouvoirs publics à s’y conformer et en laissant à la Commission départementale d’urbanisme formée d’élus et de fonctionnaires de larges possibilités de dérogation à l’égard des particuliers. Or l’application du plan tel quel va vite se heurter à des obstacles insurmontables.

 

    Si la reconstruction n’était à Toulouse qu’un problème mineur (14), celui du logement se posait par contre en termes particulièrement aigus : les 213 000 habitants de 1936 étaient devenus en 1946 264 000, alors qu’on n’avait construit dans cette période que 5 000 logements environ (dont presque aucun après 1940) et que la poussée démographique paraissait se poursuivre, fut-ce au ralenti. Pour répondre à ce besoin impérieux, deux solutions étaient techniquement possibles : ou construire à neuf en terrain vierge, ou surélever des maisons qui pour la plupart n’avaient guère plus d’un étage hors du noyau ancien cerné par les boulevards. C’est cette dernière solution, qui assurait une meilleure rentabilité aux services publics et limitait les charges de voirie, que préconisaient les techniciens de la Reconstruction. Prêchant d’exemple, ils élevaient dès 1948 dans le périmètre de reconstruction d’Empalot deux immeubles de huit étages, alors que la plus haute maison construite avant 1936 n’en avait que six ; encore était-elle unique. Mais peu d’immeubles se prêtaient en fait à une surélévation, qui d’ailleurs eut exigé l’accord de leurs propriétaires ; dans la plupart des cas, il aurait fallu démolir pour construire à neuf plus haut. Par surcroît, les habitudes toulousaines depuis la fin du XIXe siècle privilégiaient largement la maison individuelle ; de 1919 à 1939, on n’avait guère édifié plus d’une cinquantaine d’immeubles collectifs d’habitation pour un total de 9 627 logements neufs (15). Aussi les promoteurs locaux, y compris l’Office municipal d’H.L.M., préférèrent-ils la construction neuve en terrain vierge. Théoriquement la zone B du périmètre d’agglomération pouvait recevoir 142 000 habitants supplémentaires. Mais tous les terrains libres n’étaient pas également faciles à acquérir. Or la

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13. Cf. notre article : J. Coppolani, « Le nouveau plan d’urbanisme de Toulouse », dans La vie urbaine, 1956, p. 13-29.
14. Sur 33 000 immeubles environ existant en 1944, 323 seulement étaient « totalement sinistrés » (détruits ou irréparables) à Empalot, Montaudran, Saint-Martin-du-Touch et Saint-Simon. Quant aux 5 149 maisons classées « sinistrés partiellement », la grande majorité n’avait guère comme dommages que des vitres soufflées et des cloisons fendillées, et restaient donc habitables.
15. Cf. G. Costa, Construction et développement de Toulouse à l’époque contemporaine, thèse de droit, Toulouse, 1951, 420 p. multigraphiées ; Toulouse 1920-1940 ; La Ville et ses Architectes, Toulouse, éd. Ombres, 1991, in 8°, 262 p., ill., œuvre du Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement de la Haute-Garonne.


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demande, faible jusqu’en 1950 (encore seulement 270 permis de construire en 1949) enfla rapidement à partir de cette date, sautant de 1 013 logements projetés en 1951 à 3 392 en 1954. Une telle situation ne pouvait que déchaîner la spéculation foncière et elle n’y manqua pas, à la fois par surenchère et par rétention : de 1949 à 1954, le prix des terrains à bâtir dans Toulouse s’éleva de 300 % alors que le coût de la vie n’augmentait que de 45 %. Pour répondre à une demande de plus en plus pressante de logements, la tentation était forte d’agrandir le périmètre d’agglomération en ne refusant jamais de dérogation en zone rurale, et cela d’autant plus que sa limite extérieure avait été bien souvent tracée de façon arbitraire, ne s’appuyant ni sur la voirie, ni sur des accidents de terrain – il n’y en a guère à Toulouse –, ni sur les limites parcellaires. De 1948 à 1954, la surface totale du périmètre d’agglomération passa ainsi de 4025 à 4515 ha, cinq des sept périmètres satellites étaient réunis au périmètre principal, et on pouvait craindre que tout le territoire communal – plus vaste que celui de Paris –, à l’exception des zones inondables et des pentes trop abruptes de Pech-David, finisse par être tout entier classé en zone urbaine.

 

    Or cette perspective ne pouvait satisfaire ni les techniciens de l’urbanisme ni la municipalité. Le maire désigné à la Libération, réélu en 1945, 1947 et 1953, Raymond Badiou, gestionnaire strict, s’inquiétait particulièrement des charges nouvelles qu’apportait l’allongement continu de la voirie (chaussées, mais aussi réseaux) qui, en 1954, couvrait 736 km et représentait ainsi 2,74 m par habitant contre 0,39 m à Paris et encore 1,06 m à Bordeaux, dans une ville où le revenu moyen était alors plutôt bas et les grandes entreprises, sources de grosses patentes, plutôt rares, et alors que le réseau d’égouts-vannes, timidement amorcé en 1941, ne desservait même pas le dixième de la surface bâtie. Le choix paraissait être entre une agglomération de plus en plus distendue dont l’équipement resterait toujours déficient, sinon même le deviendrait encore plus, et une restriction tant de la surface constructible que des projets de voirie. C’est la seconde solution que choisit en 1954 le maire, à la veille du lancement de l’enquête publique qui devait précéder l’approbation définitive du Plan. Il était en plein accord sur ce point avec l’Urbaniste en chef Raymond Coquerel, et avec J. Génard devenu le véritable maître d’œuvre du Plan. La législation l’y poussait, en autorisant par la loi du 6 août 1953 les propriétaires dont le terrain (bâti ou non) se trouvait frappé de servitude d’en exiger l’acquisition par les pouvoirs publics dans les cinq années suivant le refus d’un permis de construire motivé par cette servitude. Or il était évident que la majeure partie des tracés de voirie, en particulier, ne serait pas exécutée dans un tel délai.

 

    On remit donc le Plan en chantier (plans 1.e et 4). Réduit à 3 225 ha, le Périmètre d’Agglomération reculait fortement sur la rive gauche, moins sur la rive droite où il devait prendre en compte de nouveaux lotissements déjà autorisés. Sa délimitation devenait beaucoup plus précise : partout il suivait, soit des limites parcellaires bien déterminées, soit des voies publiques existantes, étant bien entendu que le côté de ces voies situé hors périmètre restait constructible par dérogation au coup par coup ; la réglementation de la zone rurale était précisée de façon à y éviter tout lotissement ou ensemble de logements important, mais en laissant une possibilité de développement aux zones déjà équipées. À l’intérieur du périmètre, les trois zones d’habitation étaient conservées à peu près dans les mêmes limites, mais la zone C (ex B ; tandis que l’A’ devenait B) était subdivisée en deux sous-zones : C1 qui associait immeubles collectifs et maisons individuelles, et C2 où seules seraient autorisées les maisons individuelles.

 

    Quant au programme de voies nouvelles, il était fortement réduit. Plus de percées dans le centre ancien ni dans le Péricentre. Un aménagement des quais de la Garonne avec deux niveaux en sens unique, les quais existants et une voie sur berges, devait assurer avec les allées du canal de Brienne au nord et un boulevard appuyé sur la digue de la Garonne au sud, une traversée nord sud de la ville doublant les rues d’Alsace-Lorraine et de Languedoc. Le plan conservait les deux rocades est et ouest, et reprenait la « seconde circulaire » de Jaussely par le canal du Midi et les chemins d’octroi de la rive gauche avec deux ponts sur la Garonne en amont : le pont du Garigliano déjà construit sur le bras oriental et le futur pont de Coubertin enjambant le bras occidental et le Ramier, et un troisième pont en aval amenant aux Ponts-Jumeaux. Cette rocade était doublée sur la rive droite par une deuxième voie circulaire des Ponts-Jumeaux au Pont des Demoiselles par les chemins d’octroi des Minimes et le grand « boulevard des Crêtes » ; enfin le plan conservait le vieux projet du prolongement des allées Jean-Jaurès jusqu’à la rocade est et cinq liaisons inter-quartiers : avenue Frizac – carrefour Saint-Michel, canal du Midi – pont de Ginestous, canal du Midi – gare Raynal, barrière de Cugnaux – Pont-Neuf et pont Saint-Michel – Patte-d’Oie, ce dernier repris du plan Jaussely.
    Les réserves d’emplacements pour services publics étaient limitées aux opérations déjà décidées, sinon engagées. Par contre, des plans de détail, à élaborer par la suite, recouvraient d’une part les « îlots insalubres » : Saint-Georges, Arnaud-Bernard, Mirepoix, faubourg Saint-Michel, Saint-Cyprien nord, ancienne « bastide » de l’Étoile…, et d’autre part les ensembles neufs : Empalot, Jolimont, et Papus engagés depuis 1948, auxquels venaient s’ajouter le Lazaret de Lalande, Fontanelles-Ayga et Rangueil. La superficie des zones industrielles était réduite ; en zone rurale, des


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mesures spéciales de protection recouvraient la zone maraîchère du nord, les Ramiers en bordure de Garonne, les vallées de l’Hers et du Touch et divers parcs et espaces boisés de moindre dimension.

 

    Ainsi remanié et réduit dans ses ambitions, le Plan Nicod fut de nouveau « pris en considération » et la procédure réglementaire suivit cette fois son cours pour aboutir, après encore l’abandon de quelques voies nouvelles et de quelques servitudes de protection (plan 5), au décret d’approbation du 31 juillet 1962. Mais entre temps des faits nouveaux étaient intervenus et l’approbation fut dès avril 1963 suivie d’un arrêté ordonnant la mise en révision du Plan.

 

    La transition (1956-1967)

    Le maire Louis Bazerque et « l’opération Mirail »

    Avec ce nouvel arrêté de prise en considération se terminait la prépondérance des urbanistes privés. L’élaboration des Plans d’Urbanisme relevait maintenant de la responsabilité conjointe – et parfois concurrente – de la Ville qui se dotait d’un « Atelier municipal d’Urbanisme » (16) et de l’État représenté maintenant à la fois par l’Urbaniste en chef chargé de la région et par la Direction départementale de la Construction définitivement organisée en 1959 et qui comprenait un service Urbanisme et Programmation. Les urbanistes et architectes privés comme les bureaux d’études spécialisés continuaient à assurer des études portant sur des points particuliers du Plan, ou à élaborer des plans-masses de détail mais sans jamais recevoir la responsabilité de l’aménagement d’ensemble de la ville.

 

    Pendant quelques années, on appliqua tant bien que mal les règlements de construction, non sans dérogations, notamment pour autoriser les promoteurs publics ou privés, convertis à l’immeuble collectif par la pression des demandes de logements, à construire au hasard des emplacements qui le permettaient des « gratte-ciels » de plus en plus élevés : des huit étages de 1949 on passa successivement à dix, douze, quinze, dix-huit, pour culminer aux vingt étages de l’immeuble Roguet achevé en 1957, le tout sans plan arrêté d’avance et plusieurs fois dans des sites où ils apparaissent bien importuns. La rénovation du quartier Saint-Georges fut décidée en 1956, mais le plan-masse ne devait être arrêté qu’en 1960 (17).

 

    Mais, surtout, une série d’événements politiques, économiques, démographiques, allait condamner les conceptions restrictives qui avaient présidé au dernier état du Plan.

    En effet la population de Toulouse, après avoir marqué un palier au lendemain de la guerre – 269 000 habitants (18) en 1954 contre 264 000 en 1946, soit seulement 5 000 de plus –, avait repris une ascension rapide avec l’essor de l’industrie aéronautique (lancement du programme Caravelle en 1955), le développement des services publics et notamment de l’enseignement secondaire et supérieur, la poursuite de l’exode rural et les premiers retours de Français d’Outre-Mer ; les 325 000 habitants qui semblaient en 1954-1955 l’hypothèse de population maximum pour 1970 étaient atteints dès 1962 où le recensement en dénombrait 323 724, et les 400 000 envisagés par Jaussely et Nicod comme une perspective reléguée dans un avenir lointain apparaissaient maintenant proches. Entre la prise en considération du Plan et son approbation, une série de « coups partis » avait bousculé ses prévisions :
    - installation de la faculté des Sciences sur 250 ha à l’extrême sud du territoire communal, et nécessité de réserver à proximité une surface à peu près équivalente pour installer l’École supérieure d’Aéronautique, l’École Nationale d’Aviation Civile et les laboratoires du Centre National d’Études spatiales, dont le transfert à Toulouse fut décidé en 1960 ;
    - création d’une zone industrielle à Saint-Martin-du-Touch en bordure de l’aéroport ;

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16. Dirigé à l’origine par G. Tarrius.
17. Cf. A.-M. Clamens, « L’opération de rénovation urbaine du quartier Saint-Georges à Toulouse », dans Revue de géographie des Pyrénées et du Sud-Ouest, t. XLVIII, 1977, p. 89-101.
18. En réalité plutôt 275 000 ; mais c’est encore bien moins qu’en 1946 : + 11 000 en huit ans contre + 51 000 en dix ans.


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    - élargissement du périmètre d’agglomération au sud-ouest pour permettre la réalisation d’un important programme d’H.L.M. au domaine de Bagatelle par l’Office municipal qui ne trouvait nulle part ailleurs les terrains lui permettant de respecter les prix maxima autorisés. À partir de 1958, la construction de logements à Toulouse atteignit le « rythme de croisière » de 5 000 par an, et les promoteurs privés se plaignaient de ne plus trouver de terrains disponibles en ville et commençaient à en rechercher en banlieue, où quelques municipalités, à Colomiers et à Muret notamment, envisageaient des programmes importants de développement.

 

    Mais probablement décisif fut un événement politique : le changement de la personne du Maire. Après les événements de mai-juin 1958 et l’avènement de la Ve République, Raymond Badiou, en désaccord avec la majorité de son parti, la S.F.I.O. sur l’attitude à tenir envers le nouveau régime, abandonna la Mairie en octobre de cette même année. Son successeur, Louis Bazerque, par ses origines et sa profession d’avoué, était beaucoup plus proche des milieux économiques. Pour lui, freiner la croissance de Toulouse sous prétexte que la ville ne pouvait en supporter les charges était une erreur majeure. Il fallait au contraire pousser cette croissance, au besoin par des initiatives spectaculaires qui attireraient les grandes entreprises et procureraient à la municipalité les financements nécessaires en accroissant la richesse disponible (19). La politique nationale des « métropoles d’équilibre », définie en 1960 et développée à partir de 1963, allait dans la même direction, puisqu’elle se proposait d’égaler Toulouse aux grandes métropoles européennes, Birmingham, Francfort ou Bologne. D’où l’initiative audacieuse de Louis Bazerque, annoncée fin 1959 : une cité satellite de 100 000 habitants dans 23 000 logements sur le territoire communal de Toulouse, avec tous les équipements d’une ville de cette importance. Aucun projet de cette taille n’avait encore été lancé dans toute l’Europe ; ni les new towns anglaises, ni les plus grands « Ensembles » de la banlieue parisienne n’atteignaient cette dimension. L’arrêté ministériel du 15 septembre 1960 érigea ce territoire de 680 ha en « Zone à urbaniser par priorité » (Z.U.P.), dénommée « Z.U.P. du Mirail », du nom d’un des domaines ruraux inclus dans son périmètre. Le programme d’équipement et d’aménagement de la Z.U.P. fut soumis en novembre 1960 à un concours international : son emplacement avait été choisi sur la rive gauche de la Garonne, partie sur la terrasse de Lardenne, partie sur la basse plaine, le talus limite des deux surfaces en formant l’axe ; c’était une zone d’agriculture assez médiocre et encore très faiblement bâtie, assez largement boisée, encadrée par les deux zones industrielles de Saint-Martin-du-Touch et de la Poudrerie.

 

    On ne reviendra pas ici sur le plan original du Mirail, conçu par l’équipe Candilis-Josic-Woods, lauréats en janvier 1962 du Concours international lancé par la ville de Toulouse, ni sur les abandons successifs d’une partie de ses dispositions premières au fur et à mesure de son exécution : il existe là-dessus toute une littérature à laquelle il est facile de se reporter (20). Mais il faut en souligner les effets sur la structure générale du plan de Toulouse. La répartition future de la population de la ville se trouvait fortement modifiée au profit de la rive gauche, la rocade ouest devenait une voie interne à l’agglomération, et la liaison entre ce nouveau centre urbain et le centre historique, comme le partage entre eux des fonctions majeures de la ville, étaient à repenser entièrement. Tout le parti du plan Nicod se trouvait dépassé, et sa mise en révision devenait en fait l’élaboration d’un nouveau plan.

 

    Le « schéma Badani » (plan 6)

    Tandis que se poursuivait jusqu’en 1970 au moins la croissance de la ville à un rythme toujours rapide qui portait sa population en 1968 à 371 000 habitants, dont environ 25 000 rapatriés d’Afrique du Nord, pouvoir d’État et pouvoir municipal entreprenaient la remise en chantier du Plan en s’attaquant au domaine sur lequel ils avaient le plus directement prise : la voirie.

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19. Cf. la brochure de Toulouse de la Renaissance à la renaissance de Toulouse : le destin d’une ville, Toulouse, 1959. (En fait, le manifeste électoral du nouveau maire).
20. Cf. notamment, sur la conception du Mirail : la plaquette Concours Z.U.P. Le Mirail, Toulouse, 1961 ; G. Candilis, A. Josic, S. Woods, Toulouse-Le Mirail, Geburt einer neuen Stadt. La naissance d’une ville nouvelle. Birth of a new town, Stuttgart, Karl Kreimer, 1975, 120 p., photos, plans et divers articles dans les revues spécialisées ; L’architecture d’aujourd’hui, Le Moniteur des Travaux publics et du bâtiment, Urbanisme… ; sur son évolution, outre les nombreux articles de la presse locale, L. Brunet-Lerouzic, « Où en est Toulouse-Le Mirail ? » dans Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, t. XXXV, 1964, p. 200-208 ; J.-P. Levy « Le Mirail en 1977 », id., t. XLVIII, 1977, p. 103-114 ; C. Alexandre, « Le quartier Bellefontaine au Mirail ; les contradictions d’un quartier de Toulouse », id., t. LII, 1981, p. 313-335 ; G. Dompnier, « Toulouse-Le Mirail et Colomiers-Ville neuve vingt ans après », id., t. LIV, 1983, p. 127-143, et les ouvrages généraux : J. Coppolani, Connaissance de Toulouse, Toulouse, 1974 ; Coppolani, Jalabert, et Lévy, « Toulouse et son agglomération », Paris, La documentation française, 1983.


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    Cette voirie devait répondre aux besoins nés de trois facteurs principaux :
    - la fonction de « métropole d’équilibre » attribuée à Toulouse,
    - les besoins grandissants de la circulation automobile,
    - la cohésion de la ville et en particulier la liaison Mirail – centre ancien.

 

    Une métropole d’équilibre, élément essentiel de l’aménagement du territoire national, devait communiquer aisément, non seulement avec sa région (donc pour Toulouse, les huit départements de Midi-Pyrénées) mais avec l’ensemble de la France et même de l’Europe. Ce qui concernait les quatre moyens de communication : routes, voies ferrées, voies d’eau et transports aériens. Le réseau ferroviaire paraissait bien achevé et les améliorations à lui apporter, et notamment l’achèvement de l’électrification, se situaient entièrement à l’intérieur des emprises ferroviaires. Le rôle de la voie d’eau apparaissait négligeable, au point d’envisager un temps l’utilisation du lit des canaux pour faire passer une autoroute en pleine ville, la navigation étant déviée, soit par la vallée de l’Hers de Ramonville à Lalande suivant un tracé déjà envisagé en 1903, soit dans le lit de la Garonne rendue navigable par un barrage édifié en aval de Blagnac. Pour les liaisons aériennes, encore limitées en 1962 à la France – et en premier à Paris – et à l’Afrique du Nord, l’aéroport de Blagnac, qui venait d’être doté de deux pistes accessibles aux plus gros porteurs, paraissait très suffisant (il l’est encore en 1998), mais il fallait le munir d’une liaison rapide, d’une part avec le centre urbain, d’autre part avec le réseau régional. Au plan routier enfin, le réseau national défini en 1963 comportait une autoroute Bordeaux-Marseille par Toulouse, une voie rapide Toulouse-Bayonne (devenue ultérieurement autoroute) par Tarbes et Pau, des liaisons régionales de Toulouse à Cahors et Brive en direction de Paris, et de Toulouse à Rodez, Foix et Auch.

 

    La trame de base de la nouvelle voirie, conçue pour un trafic automobile intense et rapide, devait donc répondre aux trois conditions suivantes :
    - séparer la circulation de transit de celle qui doit pénétrer jusqu’au centre urbain ;
    - faciliter l’accès vers ce centre jusqu’à l’anneau des boulevards ;
    - assurer une liaison aisée et rapide d’une part entre le centre urbain et les trois pôles principaux de la périphérie : le Mirail, le complexe scientifique de Rangueil et l’aéroport, et d’autre part entre ces trois pôles.

 

    Ce sont les solutions à ces problèmes qui étaient demandées au schéma de voirie dont l’étude fut confiée en 1963 par les pouvoirs publics à un bureau d’études parisien dirigé par les architectes urbanistes Badani et Roux-Dorlut. Ce « schéma Badani » fut présenté en juin 1965.
    Ce schéma reposait sur la distinction entre rocades, destinées à éviter la ville, et pénétrantes conduisant vers le centre, celui-ci délimité par la première rocade des boulevards et des allées.

 

    Ceinturant entièrement la ville, la rocade extérieure comporte trois branches : est, ouest et sud. La rocade est correspond à la portion de l’autoroute Bordeaux-Marseille (aujourd’hui appelée Autoroute des deux mers) qui contourne Toulouse : depuis l’échangeur situé au nord de l’église de Lalande, elle se dirige vers l’Hers qu’elle atteint au pont de Croix-Daurade sur la route d’Albi, le suit jusqu’au pont de Montaudran sur la route de Revel, conservant le tracé déterminé par Jaussely et entériné par les plans suivants, puis gagne l’échangeur de Palays, à la limite de Ramonville ; cinq échangeurs au moins sont prévus sur son parcours à la rencontre des routes d’Albi, d’Agde, de Balma, de Castres et de Revel. La rocade ouest, devenue une voie interne du fait de la mise en construction du Mirail, combine deux tracés de rocades du premier plan Nicod. Elle part de la Garonne en face du bassin de l’Embouchure sur le canal du Midi, passe au milieu du domaine de Purpan, atteint le rond-point de Lardenne, coupe à la Cépière la route de Cugnaux et va rejoindre la route des Pyrénées au lieu dit Langlade, à la lisière nord de la zone industrielle Poudrerie-O.N.I.A. (aujourd’hui Atochem) ; un pont sur la Garonne la relie aux deux rives du bassin de l’Embouchure. La rocade sud part de la route des Pyrénées à Langlade, franchit la Garonne par deux ponts accolés aux deux viaducs ferroviaires d’Empalot, croise la route de Méditerranée au carrefour de Rangueil, puis va rejoindre le canal du Midi à l’échangeur des Herbettes, suivant un tracé en partie différent de ceux qu’avaient prévus les plans précédents.

 

    Les pénétrantes sont au nombre de cinq :
    - pénétrante nord, de l’échangeur de Lalande à l’Embouchure ;
    - pénétrante nord-est représentée par le prolongement des allées Jean-Jaurès jusqu’à la rocade est ;
    - pénétrante sud-est de l’échangeur des Herbettes à celui de Palays ;
    - pénétrante sud-ouest arrivant au carrefour de Langlade depuis les deux routes des Pyrénées suivant l’une la Garonne et l’autre l’Ariège ;


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    - pénétrante ouest enfin, partant de Purpan pour rejoindre le tronçon d’autoroute qui traverse Colomiers en direction d’Auch.
    La liaison vers Albi et Rodez serait assurée hors du territoire communal de Toulouse par une pénétrante partant du pont de Croix-Daurade, proche de l’arrivée sur la rocade est du prolongement des allées Jean-Jaurès.
    La pénétrante nord et la pénétrante sud-est achèvent de boucler l’anneau des rocades.

 

    Le schéma Badani comprenait aussi deux traversées nord-sud de la ville : l’une par une autoroute installée dans le canal du Midi, de l’Embouchure à l’échangeur des Herbettes, l’autre par les allées qui accompagnent le canal de Brienne, les quais de la Garonne aménagés à deux niveaux, puis les boulevards le long de la digue de la Garonne jusqu’à Empalot. Enfin, il cherchait à résoudre les problèmes de liaison posés par le Mirail et l’aéroport.

 

    La desserte de l’aéroport était assurée d’une part par une voie rejoignant la pénétrante nord qui conduit, soit vers Montauban ou Albi via l’échangeur de Lalande, soit vers le centre par les Ponts-Jumeaux ; d’autre part, une voie rapide rejoignant à Saint-Martin-du-Touch la pénétrante ouest, et par la rocade ouest et la rocade sud les routes vers les Pyrénées et la Méditerranée. Pour décharger ces deux rocades, le schéma prévoyait en outre un contournement ouest partant de la pénétrante ouest à l’entrée de Colomiers suivant la lisière ouest du Mirail, coupant la pénétrante sud-ouest, franchissant la Garonne à la limite sud de la commune de Toulouse, puis traversant le coteau pour retrouver l’autoroute de la Méditerranée à l’échangeur de Palays. L’autoroute dans le canal devait assurer une liaison rapide Rangueil–Centre-ville et les deux rocades sud et ouest la liaison Mirail–Rangueil. Par contre, la liaison Mirail–Centre-ville, très difficile à travers Saint-Cyprien, aux voies étroites et au tissu urbain trop dense pour envisager une percée quelconque, n’était assurée que tangentiellement via la rocade ouest et d’une part l’Embouchure et l’autoroute dans le canal du Midi, d’autre part la rocade sud et le boulevard le long de la Garonne depuis Empalot.

 

    Malgré quelques lacunes, le schéma Badani paraissait de nature à régler les problèmes de circulation de Toulouse par des solutions techniquement valables et financièrement acceptables. Aussi fut-il cette fois inscrit dans la programmation des divers plans d’équipement routiers contenus dans le Plan national. Il se trouve maintenant exécuté en totalité, à une exception toutefois : les deux traversées tangentes au Centre-ville par les quais de la Garonne et par le canal du Midi. Ce dernier projet rencontra immédiatement l’opposition de la direction des canaux qui refusait toute coupure de la navigation à Toulouse mais trouvait à juste titre le trafic commercial trop faible pour justifier les dépenses qu’aurait entraînées une déviation du canal ; il s’y ajoutait l’opposition des mouvements écologistes et aussi celle de certains hauts fonctionnaires parisiens qui, débarquant à la gare Matabiau pour une réunion officielle, étaient séduits à la sortie par les vieux platanes se reflétant dans les eaux du canal.

 

    Finalement, on se borna à ménager des passages sous quatre des dix ponts qui franchissent le canal entre les Ponts-Jumeaux et le complexe scientifique de Rangueil, solution qui n’assure pas vraiment une liaison rapide de celui-ci avec le Centre ville, ne dégage en rien le difficile accès de la gare Matabiau, mais a entraîné la démolition de deux beaux ponts du XVIIIe siècle qui constituaient de vrais bouchons pour la circulation entre ce même Centre ville et les faubourgs situés au-delà du canal. Le problème des quais de la Garonne fut plus long à régler : dès l’annonce du projet, un « Comité de défense des berges de la Garonne » se constitua pour en empêcher l’exécution, appuyé par les mouvements écologistes, les défenseurs du visage traditionnel de Toulouse et une bonne partie de l’opinion publique locale ; la municipalité, surtout depuis 1971 où Pierre Baudis, appuyé sur une majorité orientée à droite, avait remplacé à la mairie Louis Bazerque, était plutôt réticente face aux services de l’État, nettement favorables. La polémique se prolongea jusqu’aux élections municipales de 1983, où Dominique Baudis, candidat à la mairie qu’abandonnait son père, prit dans sa liste plusieurs membres du mouvement écologiste résolument hostile au projet, ce qui entraîna son abandon définitif.

 

    Mais le reste du schéma a au contraire servi de base aux grands travaux de voirie exécutés depuis : d’abord la rocade ouest, ouverte en 1970 de la route des Pyrénées à la route de Cugnaux, prolongée ensuite jusqu’au rond-point de Lardenne, puis jusqu’à l’Embouchure par un pont terminé en 1973 et reliée en 1975 à Empalot par les deux ponts enjambant le Ramier ; la rocade sud lui succéda en 1977, d’Empalot au carrefour de Rangueil ; l’opposition d’un Comité de défense du quartier de Rangueil retarda jusqu’en 1984 son achèvement jusqu’au passage sous le canal du Midi à la rencontre de la pénétrante sud-est exécutée de 1971 à 1983. La pénétrante sud-ouest avait été terminée avec ses deux branches en 1976 ; la pénétrante nord, de l’échangeur de Lalande aux Ponts-Jumeaux, fut livrée à la circulation en 1982, en même temps que se terminait le tronçon d’autoroute Toulouse-Castelsarrasin ; la rocade est, entreprise en 1985, a été terminée en mai 1987, réalisant la continuité autoroutière de Bordeaux à la Méditerranée.


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Le contournement ouest, d’abord limité à un pourtournement du Mirail depuis la pénétrante sud-ouest jusqu’à la route secondaire de Vitarelle, est arrivé en 1997 à son terminus de Colomiers.

 

    Un pont nouveau sur la Garonne au confluent du Touch assure la liaison avec l’aérogare, et la voie rapide qui le relie à la pénétrante nord a été achevée en 1998. Le prolongement des allées Jean-Jaurès (avenue Georges-Pompidou, Léon-Blum, et Yves-Brunault) est achevé depuis 1976, mais s’arrête à la place de la Roseraie ; sa poursuite jusqu’à l’autoroute restée en suspens et l’exécution de la pénétrante nord-est reste à programmer. Une nouvelle pénétrante, dite « pénétrante du Raisin » a été inscrite par la suite dans le schéma ; reproduisant en partie la percée du canal du Midi à la gare Raynal par les Magasins généraux inscrite dans les plans Jaussely et Nicod, elle doit partir de l’autoroute entre l’échangeur de Lalande et celui de Croix-Daurade et arriver au canal du Midi ; le tronçon sud (avenue Collignon) est ouvert depuis 1985 ; son rôle paraît être beaucoup plus d’ouvrir à l’urbanisation ce quartier du Raisin occupé jusque-là presque uniquement par des entrepôts que d'assurer un nouvel accès vers le Centre ville. Seule l’exécution du contournement sud entre la pénétrante sud-ouest et Ramonville, reste à programmer.

 

Mais au cours de l’exécution de ce schéma, des changements dans la législation et l’évolution démographique de Toulouse et de la banlieue en ont fait un simple élément d’un réseau beaucoup plus étendu qui couvre maintenant un ensemble de soixante-trois communes : l’aire du Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de l’Agglomération Toulousaine.

 

    La loi foncière de 1967 : S.D.A.U. et P.O.S.

 

    Promulguée le 30 décembre 1967, la « Loi d’Orientation Foncière et Urbaine » posait en effet des principes nouveaux en distinguant deux documents distincts : le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (S.D.A.U.) et le Plan d’Occupation des Sols (P.O.S.).
    Le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (article 12 du code de l’Urbanisme) fixe les orientations fondamentales de l’aménagement du territoire… « notamment en ce qui concerne l’extension des agglomérations, le tracé des grands équipements d’infrastructure, l’organisation générale des transports, la localisation des services et des activités les plus importants et des zones préférentielles d’extension et de rénovation. Il oriente et coordonne les programmes de l’État, des collectivités publiques et des services publics… ». Les programmes et décisions administratives doivent être compatibles avec son contenu. Son élaboration est faite conjointement par les services de l’État (direction départementale et aussi direction régionale de l’Équipement) et les communes intéressées.

 

    Le « Plan d’Occupation des Sols » (article 13 du code de l’Urbanisme) « fixe dans le cadre des orientations des S.D.A.U., les règles générales et servitudes d’utilisation des sols qui peuvent comporter l’interdiction de construire. Il détermine notamment : l’emplacement des zones d’urbanisation, l’affectation des sols (habitation, industrie, services publics…), la densité d’occupation par le Coefficient d’occupation du Sol (C.O.S.), le tracé des voies à conserver, à modifier et à créer, les quartiers à mettre en valeur, ou à protéger, l’emplacement des espaces verts, les règles d’implantation des constructions ». Élaboré dans les mêmes conditions que le S.D.A.U., il peut être modifié d’office par une décision d’utilité publique concernant une portion du territoire communal. Les terrains grevés de servitude pour services publics doivent être acquis dans les trois ans suivant la déclaration d’utilité publique. Les dispositions du P.O.S. concernent directement les particuliers, propriétaires ou candidats à la construction.

 

    La mise en œuvre de la législation nouvelle relevait d’un nouvel organisme local, la Commission locale d’Aménagement et d’Urbanisme (C.L.A.U.), présidée par le Préfet et composée d’élus et de représentants des administrations et des services publics intéressés.

 

    Installée le 23 octobre 1969, la C.L.A.U. eut comme première tâche de délimiter le périmètre du S.D.A.U. de Toulouse. L’évolution démographique de la ville comme celle des communes environnantes interdisait en effet de traiter Toulouse indépendamment de son environnement, comme l’avaient fait en pratique les plans antérieurs. Au recensement de 1968, la ville avait encore gagné 47 000 habitants en six ans, soit un taux d’accroissement annuel de 2,1 % ; mais parmi ces nouveaux Toulousains figuraient 23 000 rapatriés d’Afrique du Nord ; les excédents des naissances et l’immigration « normale » n’avaient apporté que 24 000 personnes, ce qui ramenait le taux de


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croissance à 1,25 % par an contre 2,50 % pour la période 1954-1962. Mais surtout l’Institut National de la Statistique (I.N.S.E.E.) faisait cette fois état d’une « agglomération » (on dira ensuite « unité urbaine ») de Toulouse, qui groupait autour de la ville vingt-huit communes dont la surface urbanisée était en continuité avec la sienne. Ces communes avaient gagné de 1962 à 1968 27 000 habitants, ce qui leur donnait un taux annuel de croissance proche de 11 %, plus de quatre fois celui de Toulouse-ville. Ces deux faits : croissance rapide de la banlieue et débordement de l’urbanisation hors des limites de la ville obligeaient à concevoir un S.D.A.U. qui intégrerait Toulouse et banlieue sans s’arrêter aux limites communales, mettant fin à la politique d’isolement qu’avait pratiqué jusque-là la ville-centre (21).

 

    Un précédent : le Groupement d’urbanisme

    À vrai dire, il y avait à cela un précédent. Déjà la loi de 1919 avait prévu la possibilité de plans d’urbanisme s’étendant sur plusieurs communes, et celle de 1943 stipulait que « peuvent être constituées en Groupement d’Urbanisme les communes voisines, limitrophes ou non, que réunissent des intérêts communs… lorsqu’elles forment un même ensemble géographique » pour un aménagement des éléments communs aux communes constituant le Groupement. Et en janvier 1945, l’Urbaniste en chef chargé de la région confia à Joachim Génard la mission de préparer un avant-projet d’aménagement d’un Groupement d’Urbanisme de Toulouse.

 

    Restait à trouver un cadre territorial pour ce Groupement. Les données statistiques du plus récent recensement, celui de 1936, étaient largement périmées et n’apportaient d’ailleurs rien sur les migrations de travail, ni sur l’activité de la construction. Faute de mieux, on se rabattit sur le réseau des autobus de banlieue. Ceux-ci desservaient quotidiennement trente-six commues qui furent incorporées d’office dans le Groupement, sauf Muret que ses attributions administratives comme sa vie économique plus indépendante firent exclure. On y ajouta à l’ouest Aussonne, Cornebarrieu et Plaisance-du-Touch, que touchaient les nuisances dues aux deux aérodromes de Blagnac et de Francazals, au nord Saint-Jory où la S.N.C.F. prévoyait une grande gare de triage, et on laissait en suspens le sort d’Escalquens, Montrabe et Pibrac qui disposaient de liaisons ferroviaires faciles avec la grande ville. On arrivait ainsi à un Groupement d’Urbanisme de quarante à quarante-trois communes y compris Toulouse (22). Après une première esquisse présentée en 1948, on réduisit en 1956 le Groupement aux vingt-six communes qui paraissaient nécessiter un aménagement commun. Mais cet aménagement commun se borna à inscrire sur le sol les équipements déjà programmés :
    - agrandissement des deux aérodromes ;
    - nouvelle gare de triage dite de Saint-Jory (en réalité à Fenouillet et Lespinasse) ;
    - cimetière suburbain d’abord prévu à Balma et finalement implanté à Cornebarrieu ;
    - cité militaire regroupant tous les établissements de l’armée situés à Toulouse, et qui, promenée de Beauzelle à Cugnaux, Portet et Balma, fut finalement abandonnée devant l’opposition des principaux intéressés.
    Il s’y ajoutait l’énumération des sites et des édifices classés ou à protéger, la proposition d’une mesure générale de protection pour les Ramiers accompagnant le cours de la Garonne, l’esquisse d’une Zone industrielle linéaire de Lalande à Saint-Jory parallèle à la voie ferrée et à la route vers Montauban, enfin des périmètres d’agglomération tracés sommairement autour de chaque centre communal, et dont de nombreux maires ne tinrent aucun compte. En 1961, six communes seulement, celles où la construction s’était développée plus qu’ailleurs, avaient entrepris de se doter d’un plan d’urbanisme, mais seul celui de Colomiers organisait vraiment le développement de la commune. Cependant les demandes individuelles de permis de construire et même les projets de lotissement se multipliaient dans toute la périphérie de Toulouse, et on commençait à envisager une extension du Groupement d’Urbanisme dans une aire couvrant environ quatre-vingts communes dont Muret, Pibrac et Saint-Lys. Mais rien n’avait été décidé en 1968, sinon la mise en chantier de plans d’urbanisme communaux, non coordonnés entre eux, dans une bonne partie de ces communes.

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21. Cf. notre article : J. Coppolani, « Une politique d’isolement communal : Toulouse », dans Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, t. XLII, 1971, p. 391-409.
22. Cf. J. Coppolani, « Les bases géographiques du Groupement d’Urbanisme de Toulouse et son aménagement ». Comptes rendus du XIVe Congrès International de Géographie, Lisbonne, 1949, t. III, p. 365-378.


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    Délimitation du S.D.A.U. (plan 7)

    Pour délimiter l’aire du S.D.A.U., la Commission locale prit comme base les vingt-neuf communes de l’agglomération définie par l’I.N.S.E.E. Cette agglomération englobait, outre la majeure partie des quatre cantons de Toulouse (devenus quinze en 1973), ceux de Castanet-Tolosan et Muret pour partie, et, chacun pour une seule commune, ceux de Fronton et de Montgiscard. On maintint l’exclusion de Muret dont le maire, alors opposé politiquement à celui de Toulouse, aurait mal accepté tout ce qui pouvait apparaître comme une main-mise du chef-lieu sur sa ville. Une zone-tampon de cinq communes, dont trois étaient desservies par les autobus suburbains et qui, toutes, étaient à l’origine de migrations de travail importantes vers Toulouse (23), fut même réservée entre la limite sud du S.D.A.U. et Muret.

 

    Ailleurs par contre, on alla très au-delà des limites de l’agglomération I.N.S.E.E., en organisant une consultation auprès des maires de la plupart des communes de l’aire envisagée en 1961. Des trente-trois communes des quatre cantons de Toulouse, trente et une répondirent positivement et furent donc incorporées dans le S.D.A.U. ; seules deux, à l’époque encore très rurales, restèrent donc en dehors. De même, dans le canton de Castanet dont quatre communes étaient dans l’agglomération, les onze autres où, à l’initiative du maire de l’une d’elles, un important programme de résidences « de standing » sur de vastes parcelles était à l’étude, adhérèrent toutes au S.D.A.U. Vers l’ouest, les projets d’utilisation de la forêt domaniale de Bouconne, médiocre taillis de 2 000 ha à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, comme grand parc suburbain, entraîna l’incorporation de cinq communes du canton de Léguevin et de deux du canton de Grenade, qui touchaient à la forêt ou se trouvaient sur ses voies d’accès. Au nord, deux autres communes du canton de Fronton où se préparaient d’importants lotissements vinrent s’ajouter à celle de Lespinasse qui était déjà incluse dans l’agglomération I.N.S.E.E. Au sud-est, le canton de Montgiscard ajoutait à Pompertuzat, déjà pris dans l’agglomération, Escalquens qui équipait une grande zone d’ateliers. Enfin le canton de Muret restait présent par les quatre communes de l’agglomération I.N.S.E.E. On arrivait ainsi au total de soixante-trois communes, défini par l’arrêté préfectoral du 5 novembre 1971 et qui est resté depuis sans changement. L’ensemble a une forme grossièrement circulaire, avec au nord-est une brèche représentée par la commune de Lapeyrouse-Fossat. Quoique semblable en tout à celles qui l’entourent, cette commune n’avait pas été consultée lors de la formation du S.D.A.U. parce qu’elle faisait partie du canton de Montastruc et non, comme les autres, du quinzième canton de Toulouse (alors canton de Toulouse-Centre). Une autre brèche à l’est est formée par les deux communes de Mondouzil et Mons, du huitième canton de Toulouse (alors Toulouse-sud), qui ont refusé d’être incluses dans le S.D.A.U., et une troisième également à l’est par l’avancée du canton de Lanta, encore très rural en 1969, entre ceux de Toulouse-sud et de Castanet.

 

    Les dispositions du S.D.A.U. (24)

    L’« élaboration conjointe » prévue par la loi du 30 décembre 1967 s’est traduite par l’intervention de trois organismes :
    - le Groupe d’études et Programmation (G.E.P.) de la direction départementale de l’Équipement,
    - l’Atelier municipal d’Urbanisme de la ville de Toulouse,
    - et un organisme de droit privé, l’Agence d’Urbanisme de l’Agglomération Toulousaine (A.U.A.T.), constitué et financé par l’association de l’État avec le département de la Haute-Garonne, la ville de Toulouse et seulement vingt-quatre communes du S.D.A.U. sur soixante-deux. Son conseil d’administration, formé de vingt et un représentants des communes (dont douze de Toulouse), trois du département et quatre de l’État, était à l’origine la seule structure de concertation existant au niveau du S.D.A.U., et il avait été alors impossible de créer à Toulouse une communauté ou un district. La rivalité entre la forte personnalité de Louis Bazerque et celles de certains maires de banlieue comme Alex Raymond à Colomiers, puis après 1971 l’opposition politique entre la municipalité de droite de Pierre Baudis et les municipalités de banlieue presque toutes aux mains des partis de gauche, ont longtemps fait

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23. Cf. A. Hermet, « Contribution à l’étude des migrations alternantes et des communes dortoirs dans la zone d’influence de Toulouse », Midi-Pyrénées, Revue de l’Économie régionale, n° 6, nov. 1958, p. 59-89.
24. Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de l’Agglomération Toulousaine, septembre 1982. Brochure in 4°, 155 p., 2 cartes ; G. Jalabert, « La planification urbaine dans l’agglomération (de Toulouse) », dans Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, t. XLVIII, 1977, p. 49-68.


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échouer toutes les tentatives dans ce sens. Seuls les transports en commun avaient suscité en 1972 la formation d’un Syndicat mixte présidé par le Président du Conseil Général de la Haute-Garonne. Mais des cinquante-deux communes qui adhèrent actuellement à ce syndicat, six sont hors du S.D.A.U., tandis que dix-sept communes du S.D.A.U. lui restent extérieures. Et on n’a pas essayé de mettre à profit les redécoupages cantonaux de 1973 et 1998 pour faire coïncider, comme à Rodez par exemple, les limites des cantons avec celles du S.D.A.U. Mais Rodez avait déjà un district urbain.

 

    Créée en 1972, l’Agence est dirigée par un haut fonctionnaire de l’État (en général ingénieur des Ponts et Chaussées) en service détaché ; son personnel comprend quelques fonctionnaires détachés et une majorité de contractuels (25). Après une dizaine d’années de travail et de concertation avec les administrations intéressées et les municipalités, le S.D.A.U. a été approuvé par décret du 2 septembre 1982.

 

    À la différence des plans précédents, le schéma repose sur des hypothèses démographiques et économiques établies avec le maximum de fiabilité à partir des résultats des recensements de 1954 à 1975. À cette dernière date, la population des soixante-trois communes s’élevait à 532 309 habitants dont 373 796 pour Toulouse. La capacité d’accueil des zones d’habitation, délimitées largement pour parer à tout imprévu, était fixée à 690 000 habitants pour 1985 et 870 000 pour 2 000. Le recensement de 1982 a donné seulement 553 193 habitants dont 347 995 pour Toulouse, ce qui laissait théoriquement une large marge de manœuvre pour l’utilisation des surfaces réservées, soit pour l’habitation, soit pour les activités.

 

    La première partie du schéma se présentait plus comme une déclaration d’intentions et une liste de recommandations que comme un programme précis de travaux. Il reprenait en considération le schéma de voirie de 1965 dont il conservait les quatre idées directrices :
    - affirmer la vocation de carrefour de Toulouse,
    - garantir le maintien de l’activité économique du centre en assurant son accès par des voies rapides,
    - développer de nouvelles structures urbaines le long des principales liaisons internes,
    - intégrer le Mirail dans les fonctions centrales.
    Les recommandations portaient sur la protection de l’environnement et spécialement des rares espaces boisés et des zones « à vocation agricole ». Le schéma se proposait de « briser la tendance radio-concentrique » et d’organiser l’extension de l’agglomération suivant des axes privilégiés parallèles aux grands axes de circulation ; des centres complémentaires étaient à rechercher et à organiser en banlieue pour structurer l’agglomération, le Centre-ville actuel demeurant le centre principal dont les activités seraient valorisées, la population maintenue et les accès améliorés. Une politique « globale et volontariste » des déplacements devait être mise en œuvre, offrant aux citadins « une véritable liberté de choix » entre les transports individuels et les transports en commun. Ces derniers devaient être développés et améliorés, et la voirie adaptée à une plus grande utilisation des deux roues.

 

    Pour les activités, le schéma insistait sur la nécessité de localiser les zones d’extraction de graviers qui dégradent l’environnement, la création des zones industrielles bien situées par rapport aux moyens de communication, l’enrichissement du secteur tertiaire principalement autour du centre principal et des centres secondaires. La politique de construction, destinée à procurer 5 000 à 7 000 logements neufs par an, devait répondre à des exigences de qualité, favoriser la vie de quartier, éviter les ségrégations sociales et favoriser la réhabilitation de l’habitat ancien. Passant rapidement sur l’adduction d’eau et les réseaux d’assainissement, le schéma examinait les « équipements de superstructure » pour noter l’importance de l’enseignement supérieur, l’équipement hospitalier qu’il jugait insuffisant, la nécessité d’un centre d’accueil pour les congrès, les possibilités de développement des installations de loisirs de plein air. Enfin étaient notées les lacunes de l’équipement commercial, et la recommandation de localiser les grandes surfaces autour des Centres secondaires prévus en banlieue.

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25. Avant cet organisme créé dans le cadre de la loi de 1967 avait existé, de 1967 à 1972, une « Agence d’urbanisme de Toulouse », émanée de la Direction régionale de l’Équipement, dirigée par un Urbaniste en chef de l’État assisté de quelques fonctionnaires de ce ministère et de plusieurs contractuels de disciplines variées. Sa fonction était d’établir un « Livre Blanc » préalable à l’élaboration d’un schéma d’agglomération dans une aire qu’il fallait d’abord délimiter. Travaillant sur 108 communes censées pouvoir contenir à terme un million d’habitants, l’Agence exécuta diverses études qui furent ensuite utilisées par l’Agence d’Agglomération. Mais, ignorée en fait tant par la municipalité de Toulouse que par la Direction départementale, elle fut finalement absorbée par la Direction régionale, tandis que son personnel contractuel était en majeure partie embauché par le G.E.P. départemental.


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    Des propositions plus concrètes sont présentées dans le cadre des six secteurs entre lesquels le S.D.A.U. découpe l’agglomération. Un de ces secteurs est constitué par le Centre-ville largement étendu entre la Garonne, le canal du Midi depuis les Ponts-Jumeaux jusqu’au pont des Demoiselles et la limite sud de la ville ancienne jusqu’au pont Saint-Michel. Quatre des cinq autres secteurs associent des quartiers périphériques de Toulouse à des communes de banlieue : innovation totale par rapport aux plans antérieurs qui ne sortaient pas des limites communales. Seul le sixième secteur (ouest-nord-ouest) ne couvre que des communes de banlieue, de Blagnac à la forêt de Bouconne. Chaque secteur pour lequel est présentée une double hypothèse de population (1985 et 2000) fait l’objet d’« options d’aménagement » dans quatre domaines : habitat, équipement, activités et liaisons. L’ensemble est résumé sur une grande carte au 1/100 000e annexée à la brochure et qui fait apparaître la traduction sur le terrain des propositions du S.D.A.U. (cf. plan 8).

 

    La Voirie était l’élément le moins nouveau du S.D.A.U. Celui-ci entérinait purement et simplement le schéma de 1965 dont il fixait approximativement l’exécution totale à l’« horizon 2000 », ce qui a été effectivement réalisé. À ce réseau de base s’ajoutaient des tracés secondaires : une nouvelle radiale du Mirail vers Seysses parallèle au canal de Saint-Martory, le prolongement en direction de Grenade de la voie de desserte de l’aéroport, une liaison l’Union–Bruguières par les coteaux, le rabattement de la route de Castres (R.N. 126) sur l’échangeur de Montaudran. Un boulevard urbain parallèle à l’autoroute devait relier la route de Paris à la route d’Agde ; une transversale devait relier Portet à Colomiers par Cugnaux et Tournefeuille, une autre Blagnac à Bruguières et au-delà Gratentour avec un nouveau pont sur la Garonne ; enfin les deux routes de Revel par Saint-Félix et de Carcassonne (R.N. 113) seraient rabattues sur un échangeur à réaliser à Labège.
    Mais la grande innovation du S.D.A.U. concernait les transports en commun. Après la disparition en 1957 du dernier tramway, on avait pensé que les autobus pourraient circuler sans problèmes sur la voirie générale. Or la réalité fut toute autre : malgré la création par le Plan de Circulation de 1972, de couloirs réservés dans les rues d’Alsace-Lorraine et de Languedoc, de Metz et de la République, la vitesse commerciale des autobus ne dépassait pas 12 km/h dans le centre (26) et les auteurs du S.D.A.U. concluaient à la nécessité de la substitution de nouveaux moyens de transport à l’automobile. En 1974 fut arrêté le principe de la construction d’un Transport en Commun en site Propre (T.C.S.P.) dont le S.D.A.U. esquissait le tracé avec deux lignes allant de Jolimont au Mirail par le Capitole et Saint-Cyprien, et de l’aéroport à Rangueil, et l’incorporation à ce réseau de la portion de ligne S.N.C.F. Saint-Cyprien–Colomiers ; le choix étant laissé pour les deux premières lignes entre un tramway au sol et un métro léger enterré ; les lignes d’autobus de banlieue seraient rabattues sur les terminus du métro et ne pénétreraient plus dans le centre.
    En outre, étaient envisagés le développement du réseau des voies réservées aux piétons, esquissé entre 1974 et 1978 dans les rues des Filatiers, des Changes et Saint-Rome, la création de parkings périphériques et d’un réseau de pistes cyclables.
    Dans le domaine des Grands Équipements, le S.D.A.U. prenait d’abord en compte les créations non prévues dans les plans précédents et déjà réalisées ou en cours d’exécution : Centre hospitalier de Rangueil, Hôpital militaire à Pouvourville, École vétérinaire à Lardenne, Université de Toulouse-Le Mirail, Lycée agricole et Laboratoire de l’I.N.R.A. à Auzeville.

 

    Dans le centre et à proximité, deux opérations importantes étaient prévues pour accueillir des activités liées aux fonctions métropolitaines :
    - sur l’emplacement des anciennes casernes d’artillerie Caffarelli et Compans et sur le site de Marengo-Jolimont à l’extrémité des allées Jean-Jaurès ;
    - au cœur du Mirail, un « Centre complétaire » devait ajouter divers services publics et activités « de haut niveau », à l’université déjà implantée.
    - cinq « Centres secondaires » étaient envisagés en périphérie : à Blagnac et Colomiers autour de l’aéroport ; au nord vers Bruguières ; au nord-est dans les quartiers de Gramont et de Montredon à cheval sur Toulouse, Balma et l’Union ; au sud-est autour de Castanet ; au sud-ouest à Portet ou Roques en direction de Muret dont le rôle possible était passé sous silence en raison de son exclusion du S.D.A.U.

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26. Cf. R. Marconis, Midi-Pyrénées, XIXe-XXe siècles. Transport, Espace, Société, t. II, Crise et croissance de l’agglomération toulousaine, Toulouse, éd. Milan, 1986, 400 p. fig. cartes.


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    Pour l’industrie, le schéma entérinait aussi bien l’existence des diverses zones déjà délimitées sur Toulouse et plusieures communes périphériques, les unes déjà pratiquement garnies (Cartoucherie, Mirail-Bellefontaine, Montaudran, Poudrerie, Fondeyre et Thibaud à Toulouse, Aéronautique et en Jaca à Colomiers, Fenouillet, la Grande Borde à Labège, Bois-Vert à Portet, Saint-Alban) que celles en cours d’aménagement et en partie au moins disponibles : à Toulouse, Braqueville, Candie, la Glacière (reprise des plans Jaussely et Nicod) Larrieu, Mirail-nord, Palays, Saint-Martin-du-Touch, à Blagnac le Ritouret, à Colomiers les zones dénommées simplement Est et Ouest, le Casque à Cugnaux, la Zone d’Activités d’Escalquens, celle de Labège, celle du Canal à Ramonville, celle de l’Hers à l’Union. Ces zones couvrant en tout 800 ha mêlaient en fait, industries, entrepôts et même grandes surfaces commerciales. Mais pour accueillir les 310 000 emplois théoriquement jugés nécessaires en 2 000, de nouvelles surfaces seraient à dégager, que le S.D.A.U. proposait de localiser :
    - une zone d’activité Nord, de tracé linéaire parallèle au canal, à la voie ferrée et à la future autoroute, englobant les zones déjà aménagées et les établissements existant dans les quartiers de Lalande et Ginestous à Toulouse et sur Aucamville, Fenouillet, Saint-Alban, Lespinasse et au-delà vers Saint-Jory ;
    - une zone sud-est, de Montaudran à Labège avec les zones satellites de Castanet et d’Escalquens, encadré par la voie ferrée et l’autoroute ;
    - une zone sud-ouest, prolongeant sur Portet et Roques l’ensemble Poudrerie O.N.I.A., le long de l’autoroute des Pyrénées, rejoignant la zone industrielle de Muret ;
    - enfin des zones moins étendues autour des échangeurs de la rocade est, notamment dans les quartiers de Gramont et Montredon et à Balma.
    Ces localisations ne faisaient guère qu’entériner et développer des situations de fait, sans innovations réelles.
    La politique de l’Habitat concernait tout à la fois le bâti existant et les constructions neuves qui devaient, selon le S.D.A.U., porter sur 5 000 à 7 000 logements chaque année. La disposition des nouvelles zones d’habitation devait se faire suivant un schéma linéaire parallèle aux grands axes de circulation et de transports.

 

    Pour le centre, le S.D.A.U. prévoyait l’arrêt de la substitution des bureaux aux logements, l’abandon des rénovations type Saint-Georges au profit de « réhabilitations » conservant au maximum le bâti ancien. En périphérie, l’intention était de livrer entièrement à la construction la quasi-totalité des territoires de Toulouse et des communes limitrophes, et la création de nouvelles zones d’habitation à Toulouse, à Ginestous et Borderouge, en banlieue entre Bruguières, Castelginest et Saint-Alban, sur la route d’Albi jusqu’à Castelmaurou, autour de Castanet et Saint-Orens, de Saint-Simon à Frouzins, de Tournefeuille à Plaisance-du-Touch, de Colomiers à Léguevin le long de la route d’Auch, au nord de Blagnac jusqu’à Seilh, avec des « coupures vertes » séparant ces divers axes et laissées à l’agriculture ou aménagées en parcs de loisirs. Les coteaux de l’est et du sud devaient garder un « caractère résidentiel aéré », tandis que la partie non aménagée de l’ex-Z.U.P. du Mirail était depuis 1971 partagée en une série de Z.A.C. (Zones d’Aménagement Concerté) délimitées au fur et à mesure des demandes et ne comportant que des pavillons et des immeubles bas, avec desserte directe par des rues mêlant piétons et voitures et abandon de la dalle qui était l’élément le plus original du projet Candilis.

 

    Les Zones Naturelles insérées entre les axes de développement, outre l’agriculture (cultures irriguées sur les terrasses, grande culture céréalière sur les coteaux), devaient comporter la conservation de « coulées vertes » le long des petites rivières : Hers et ses affluents, Touch, Aussonnelle, Courbet, s’ajoutant aux Ramiers des bords de Garonne et de l’Ariège ; « Bases de Plein Air et de loisirs » dans la forêt de Bouconne et sur la périphérie de Toulouse (les Argoulets, Larramet, Pech-David et Sesquières), la protection de l’abrupt des coteaux au-dessus de la Garonne et de l’Ariège, le cantonnement des extractions de graviers le long de la Garonne, de Roques à Portet et de Ginestous à Cagnac, et sur la basse terrasse entre Plaisance-du-Touch et Frouzins, et leur aménagement ultérieur en zones de loisirs pour la pêche, la baignade et la promenade pédestre ou équestre sous les arbres.

 

    Procédant d’une vue générale de l’agglomération, le S.D.A.U. fixait des directives générales sans localisation précise des opérations. Il laissait en fait toute latitude tant aux administrations de l’État qu’au département ou aux municipalités pour leur application concrète. Celle-ci relevait de l’autre document institué par la loi du 30 décembre 1967 : le Plan d’Occupation des Sols.


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    Le Plan d’Occupation des Sols de Toulouse (plans 9 et 10)

    Si le S.D.A.U. fixe les grandes lignes d’un zonage qui, d’un plan à l’autre, avait déjà gagné en précision, c’est dans le P.O.S. que sont inscrits les règlements de construction qui fixent la disposition et l’aspect de ce qui s’édifie sur le sol. Pour rester dans la continuité des plans successifs de 1928 à 1962, c’est aux dispositions du seul P.O.S. de Toulouse qu’on s’attachera ici, pour en déterminer les points qu’il a conservés des plans antérieurs et les innovations qu’il apporte.

 

    Ce P.O.S. a été élaboré conjointement par l’Atelier Municipal d’Urbanisme et l’Agence d’Urbanisme et d’Agglomération. Approuvé une première fois par arrêté du 28 décembre 1981, il a été aussitôt mis en révision pour en adapter certaines dispositions à des décisions concernant tel ou tel secteur de la ville. Une série de révisions ont été ainsi approuvées, notamment en 1986, 1987, 1988 et 1989. Les dispositions du P.O.S. reprennent, en principe, les choix du S.D.A.U. pour les grandes opérations de voirie et la localisation des grands équipements, et pour le reste portent essentiellement sur deux points : le zonage et l’aménagement des quartiers.

    Zonage

    Le zonage abandonne la notion de « périmètre d’agglomération ». Pour reprendre le mot du ministre à qui est due la loi foncière du 30 novembre 1967, « tout terrain viabilisé est constructible ». Seuls échappent définitivement à toute construction les zones de risques naturels, certains sites protégés et notamment les espaces boisés de plus de 500 m2 (donc divers jardins privés, même en pleine ville) et, mais pour l’habitat seulement, les zones de bruit autour des pistes des trois aérodromes de Blagnac, Francazals et Montaudran. Le reste du territoire communal comprend deux espèces de zones : les zones « urbaines » (U) déjà construites, et les zones « naturelles » (N) considérées, non comme des zones à laisser libres de toute construction, mais comme des réserves foncières en vue d’une urbanisation future. On compte plusieurs zones urbaines et plusieurs zones naturelles qui ont été délimitées à partir des anciennes zones A, B, C1 et C2, mais avec des modifications de détail et surtout des précisions dont le but principal est, semble-t-il, d’assurer une meilleure homogénéité de la construction dans les divers quartiers. On trouve ainsi d’abord :
    - la zone 1 UA, correspondant au centre historique accru des quartiers entre boulevards et canal, entre la place Dupuy et la rue de la Concorde, définie comme la zone « d’habitat ancien du centre historique, à forte densité d’activités commerciales, de bureaux privés et d’administrations » ;
    - la zone 2 UA est la zone « d’habitat traditionnel en périphérie de l’hyper-centre ». Elle ne couvre guère que l’espace entre boulevards et Canal au nord, de la rue de la Concorde aux Ponts-Jumeaux, le faubourg Saint-Étienne et le sud du faubourg Saint-Cyprien ;
    - la zone 3 UA correspond à l’« habitat traditionnel des faubourgs et du centre des quartiers périphériques ». Elle recouvre toute la partie de la ville déjà urbanisée en 1919, hors du centre : sur la rive droite, les faubourgs des Minimes, Bonnefoy, Marengo, Providence, Guilheméry, Côte-Pavée, Pont des Demoiselles, Montplaisir, Busca, Saint-Michel ; sur la rive gauche, tout l’espace entre les allées Charles-de-Fitte et l’ancien mur d’octroi et les faubourgs qui avaient poussé au-delà de celui-ci le long des quatre routes de Bayonne, Lombez, Cugnaux et Muret. On y a ajouté les anciens noyaux villageois de Lalande, Montaudran, Pouvourville, Saint-Simon, Lardenne et Saint-Martin-du-Touch.

 

    Ces trois zones, sauf les anciens noyaux villageois, correspondent assez exactement à l’ancienne zone de construction en continu. Les trois règlements de construction sont d’ailleurs très voisins. La construction en continu de l’alignement des voies reste la règle, mais le prospect est partout égal aux quatre tiers de la largeur de la voie. Les nuances portent sur les hauteurs maxima : 21 m dans la zone 1, 23,5 m dans la zone 2, de 9 à 32 m suivant les sous-zones dans la zone 3. Le caractère architectural de l’environnement doit être partout respecté, mais sans que les règles précises soient édictées. Pour les toitures, il est seulement prescrit de refaire à l’identique celles qui sont en tuiles canal, mais les terrasses ne sont pas systématiquement proscrites, sauf dans la zone 1. La densité d’occupation des parcelles est limitée à 70 ou 80 % de la surface dans la zone 1, 60 % dans les zones 2 et 3. Les trois zones incluent diverses Z.A.C. où le programme de construction est entièrement déterminé, et des zones de réhabilitation (Arnaud-Bernard, Saint-Cyprien) ou de restructuration. En sus des voies qui constituent des sites urbains classés (place du Capitole et Wilson, quais Saint-Pierre, Lucien-Lombard et de la Daurade, diverses rues dont les rues Saint-Rome, des Changes et de la Dalbade), des disciplines architecturales particulières sont imposées, le long des boulevards, du canal du Midi et des grands axes des faubourgs, et notamment l’obligation de réserver les rez-de-chaussée à des


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locaux commerciaux ou à des bureaux. Sur quelques voies étroites, est imposé un recul des constructions par rapport à l’alignement ; enfin, dans la zone 3, les voies neuves larges de plus de 10 m doivent être plantées, et toute opération nouvelle dépassant en surface un hectare doit comprendre un espace vert. Depuis l’arrêté du 26 août 1986 qui l’a entièrement classée en Secteur Sauvegardé, la zone 1 se trouve soumise en totalité à la surveillance des architectes des Bâtiments de France, mais les plans de zone concernant l’aménagement du secteur sont toujours en cours d’élaboration.

    La zone UB enveloppe entièrement les trois zones A et s’étend sur tous les quartiers postérieurs à 1919, aussi bien les lotissements pavillonnaires que les ensembles de collectifs édifiés en presque totalité depuis 1950, et même au-delà dans certains quartiers comme Croix-Daurade ou Lardenne. Avec le Mirail et les zones d’activité dont on parlera plus loin, l’équivalent de ce qui était avant 1967 le Périmètre d’Agglomération recouvre à peu près tout le territoire que le Plan Jaussely prévoyait d’urbaniser il y a soixante ans. Du fait du caractère extrêmement disparate des constructions existantes, le règlement de construction n’a pu être que très souple. Il se borne à limiter la hauteur maxima des immeubles entre 9 et 22 m suivant les sous-zones au nombre de douze, et de fixer le coefficient d’occupation du sol (C.O.S.) entre 0,4 et 1. Les constructions peuvent être édifiées à l’alignement des voies, ou avec un recul fixé par le règlement pour les voies principales ; elles peuvent être édifiées sur les limites séparatives ou au contraire en être écartées d’une distance en rapport avec leur hauteur. La souplesse de ce règlement a surtout pour but de préserver l’homogénéité architecturale de chaque quartier, d’où la division en sous-zones correspondant chacune à un quartier relativement homogène. Les nombreuses Z.A.C. qu’englobe la zone B devront conformer leur programme aux dispositions générales.

 

    Les hauteurs maxima fixées tant pour les trois zones A que dans la zone B interdisent l’édification de nouveaux « gratte-ciels » ; ceux qui existent resteront donc des exceptions pas toujours heureuses. Seule la zone du Mirail pourra encore en recevoir quelques-uns.

 

    L’ex-Z.U.P. du Mirail forme maintenant la zone UM. La première tranche, pratiquement achevée, qui couvre les trois quartiers de Bellefontaine, Reynerie et Université, garde comme règlement de construction les trois plans masses établis lors du lancement de chaque quartier. La seconde tranche s’édifie en une série de Z.A.C. qui ont chacune leur programme de construction détaillé, mais dont les hauteurs doivent respecter les normes de la zone B. Dans la première tranche, les hauteurs maxima varient, suivant les vingt-deux sous-zones, entre 7 m (2 niveaux) et 49 m (16 niveaux). Enfin toute unité foncière doit obligatoirement comprendre un jardin.

 

    Sous le sigle UE sont comprises les zones d’activité, vocable qui recouvre aussi bien les grands services publics consommateurs d’espace tels que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, les hôpitaux, les installations militaires, et aussi le Marché Gare (M.I.N.) de Lalande et la Cité administrative, que les zones réservées aux activités d’initiative privée : usines et ateliers, entrepôts, grandes surfaces commerciales, ou même ensemble de bureaux hors des zones d’habitation. Les premiers ont été localisés au coup par coup sur une très longue période puisque l’Hôpital psychiatrique Marchant a été commencé en 1852, alors que l’installation des services de la Météorologie nationale est alors à peine décidée. Le plan se borne, en conformité avec les options du S.D.A.U. à réserver des terrains pour l’extension des deux hôpitaux de Purpan et Marchant. Quant aux autres zones, elles sont localisées dans les emplacements prévus par le S.D.A.U. qui reprend en gros les choix des plans antérieurs : Lalande-Ginestous, Gramont, la Cartoucherie, Saint-Martin-du-Touch, Montaudran, les lisières est et ouest du Mirail, et surtout tout le sud-ouest entre le Mirail et la Garonne. Le P.O.S. se borne à y ajouter le quartier de Maubec situé dans la zone de bruit de l’aéroport de Blagnac, à préciser les limites de chaque zone et à fixer des règles pour le volume des constructions et leur desserte. La plupart de ces terrains sont d’ailleurs déjà occupés, de même que les petites zones UE disséminées à travers les zones d’habitation et recouvrant des ateliers ou entrepôts existants et qui paraissent devoir subsister un certain temps.

    Deux sigles spéciaux, UF et UY, recouvrent respectivement les aéroports et les emprises ferroviaires, dont le P.O.S. se borne à entériner l’existence.

    Les zones « naturelles » comprennent aussi plusieurs catégories : la zone NA est expressément réservée à une urbanisation future : les sous-zones 1 NA et 3 NA pour l’habitat, les zones 2 NA et 4 NA à de nouvelles activités, 2 NA pour les activités sans nuisances et 4 NA pour les activités à nuisances excluant tout habitat. Les constructions ne peuvent dépasser nulle part 7, 12 ou 15 m selon les sous-zones, et doivent couvrir au maximum 200 m2 et être édifiés en ordre discontinu. La zone NB peut en outre recevoir des lotissements. La zone NC est en principe réservée


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aux activités agricoles et les seules constructions autorisées doivent être liées à ces activités : logement des agriculteurs et bâtiments d’exploitation. La zone ND recouvre les sites et parcs naturels dont on veut préserver le caractère : île du Ramier du Château avec le Parc des expositions, le Parc des sports, la Cité universitaire Daniel Faucher ; l’abrupt de Pech-David au-dessus du chemin des Étroits, ce chemin lui-même et les berges de la Garonne en-dessous ; la vallée du Touch et partie de celle de l’Hers, les ramiers de la Garonne, les trois sites classés des parcs de la Barigoude (à Lardenne), de Candie et de Limayrac, ces deux derniers propriété de la ville, et aussi les zones de bruit autour des aérodromes de Blagnac et Francazals. Les constructions y demeurent possibles, mais avec une faible densité et sous condition du respect de règles concernant l’isolation phonique (zones de bruit) ou les risques d’inondation (Ramiers et chemin des Étroits). C’est dans cette même zone ND que s’inscrivent les trois grandes Bases de Plein Air et de Loisirs des Argoulets, de Pech-David et de Sesquières inscrites au S.D.A.U., ainsi que les réserves naturelles de Palayre (en amont de la Poudrerie) et des îlots sauvages de la Garonne. Les espaces boisés protégés, y compris les parcs publics anciens (Jardin des Plantes, etc.) ou nouveaux (Parc des Casernes, Parc de la Poudrerie, Bois de Limayrac, Jardins du Barry), ainsi que divers parcs privés comme celui du Caousou, forment des sortes d’enclaves dans toutes les zones, y compris les zones UA. Les diverses zones N s’imbriquent de façon presque inextricable les unes dans les autres comme si on avait voulu tout à la fois satisfaire le désir de spéculation de nombreux propriétaires et manifester quand même l’intention de garder un « poumon vert » autour de l’agglomération et de protéger les quelques agriculteurs qui s’obstinent à exercer leur activité…(27). Déjà plusieurs Z.A.C. et Z.A.D. (zones d’aménagement différé) préparent le passage de certains secteurs dans la zone urbaine, sous condition d’une révision du P.O.S. expressément prévue par le rapport de présentation.

 

    Les aménagements locaux

    La majorité des « emplacements réservés » inscrits au P.O.S. concerne des opérations de voirie. Parmi celles-ci, une cinquantaine concernent la grande voirie prévue par le S.D.A.U. et dont le P.O.S. ne fait qu’inscrire avec précision les tracés ; il s’y ajoute toutefois des opérations plus ponctuelles : aménagements de carrefours, ouverture d’impasses, détournements des voies locales coupées par les nouvelles autoroutes. Les autres, environ cent-cinquante en tout, sont presque toutes des opérations ponctuelles à réaliser dans le cadre d’opérations de construction. On y trouve toutefois quelques voies entièrement nouvelles, d’initiatives communales, comme le raccordement des deux tronçons de la rue Roquemauel le long de la Cartoucherie (28) ou la voie sur berges qui doit accompagner la digue de la Garonne entre le pont des Catalans et le quartier de Casselardit.

 

    Les autres réservations concernent des opérations d’équipement public décidées en presque totalité par la municipalité : bon nombre d’entre elles sont simplement désignées par la simple indication « équipement public du quartier » et visent à « geler » des terrains en vue de réalisations à assez long terme. D’autres, par contre, sont plus précises : extension d’Écoles, de Cimetières, (29) de Centres sociaux, création de terrains de sports, mais là encore il s’agit bien souvent de réserver des surfaces pour des opérations futures. Enfin sont prévus de larges espaces pour « grands équipements urbains », ou « réaménagement de quartier », qui expriment seulement une intention qui devra se concrétiser le moment venu sous forme de Z.A.C. ou de déclaration d’utilité publique. Par contre, une partie des opérations ponctuelles inscrites lors de la première rédaction du P.O.S. (1981) ont été exécutées par la suite mais figurent toujours sur le document.

 

    Avec l’inscription de ces opérations de détail, le P.O.S. rejoint dans sa complexité la première version du plan Nicod, mais dans une perspective à moyen sinon à court terme, ce qui lui donne beaucoup plus de réalisme. Mais on peut remarquer que presque toutes s’inscrivent dans des zones encore peu densément construites et concernent en fait des terrains non bâtis ; le temps des percées à la Haussmann, abondantes dans le plan Jaussely et dans la première

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27. Parmi les terrains inscrits NC (vocation agricole) figurent ceux qui appartiennent aux deux Écoles d’Agriculture de Monlong (E.N.S.A.) et de Purpan.
28. Ce raccordement rétablit un cheminement qui existait depuis le Moyen Âge, l’ancien chemin de Toulouse à Tournefeuille par la rue A.-Coll et le chemin de Calquet, interrompu lors de l’installation de la Cartoucherie en 1915. Il reste encore inachevé en 1998.
29. Il s’agit surtout des cimetières des anciennes paroisses rurales de la périphérie.


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version du plan Nicod, encore présentes quoiqu’en petit nombre dans le document approuvé en 1962, est bien révolu. D’autre part, après le modernisme architectural des grands immeubles de la période 1950-1970, après la nouveauté volontairement révolutionnaire du Mirail, la venue au pouvoir en 1971 de la majorité municipale conduite par Pierre Baudis puis par son fils Dominique a marqué un retour vers les formes traditionnelles tant en architecture qu’en urbanisme, avec la recherche de la conservation de la physionomie de chaque quartier, et le caractère quelque peu « rétro » du style de certaines réalisations municipales récentes comme le nouveau pont Saint-Pierre, tandis que promoteurs et architectes réalisaient ça et là des pastiches parfois fort réussis, d’autres fois moins heureux. On peut en outre constater que les couvertures en terrasses ont presque disparu dans les constructions postérieures à 1980, alors qu’elles ne sont pas vraiment proscrites, et que les immeubles aussi bien collectifs qu’individuels retrouvent des formes inspirées du passé avec des toits à deux ou quatre pentes en tuiles rondes. Les badigeons blancs chers à l’époque 1950-1970, qui ne sont interdites en fait (mais pas formellement) que dans les zones traditionnelles 1A et 2A, ont disparu eux aussi, et on emploie surtout des teintes ocres (ou plus rarement rosées) plus ou moins proches de celle de l’argile naturelle, parfois des revêtements de briques rouges ; et quelques essais de polychromie, notamment au Mirail et dans le ravalement des façades de grands immeubles primitivement peints en blanc, introduisent dans cette gamme de couleurs des variantes plus ou moins heureuses, tandis que nombre de façades antérieures à 1860, dans les quartiers anciens, sont débarrassées de leurs crépis et présentent leurs briques rouges à découvert. Mais, beaucoup moins que les dispositions somme toute très souples du P.O.S., il faut sans doute voir là les effets de l’action des architectes des Bâtiments de France protecteurs de l’environnement des monuments classés et de celle des architectes conseils du service du permis de construire, aidés par une incontestable mode « rétro ».

 

    Du « Schéma Directeur » au « Projet d’Agglomération (1982-1995)

 

    Une fois le S.D.A.U. approuvé par l’arrêté du 2 septembre 1982, sa mise à exécution restait du ressort des diverses administrations responsables et d’initiatives privées provenant de créateurs d’entreprises ou de constructeurs-promoteurs. Après une dizaine d’années, le besoin se manifesta de faire le bilan de cette exécution et d’en revoir les objectifs. Le résultat en fut le « Projet d’Agglomération » publié en juillet 1995 par l’Agence d’Urbanisme d’Agglomération. Ce bilan se présente de manière très inégale suivant les divers chapitres.

 

    La Voirie et la Circulation sont les domaines où le programme arrêté en 1982 a été le mieux suivi. Comme on l’a dit plus haut, la construction du réseau autoroutier de base défini en 1965 s’est achevé en 1997 ; des voies d’intérêt plus local, le boulevard urbain du nord, reliant la route de Paris à celle d’Agde, est en cours d’achèvement avec d’une part l’avenue Jean-Zay, d’autre part le boulevard André-Netweiller et l’avenue d’Atlanta ; il reste à exécuter la partie comprise entre la route de Launaguet et la future « pénétrante du Raisin ». La liaison Seilh – Lespinasse – Bruguières, avec un pont sur la Garonne est aussi achevée ; par contre, la liaison Portet – Colomiers est à peine esquissée le long de la base aérienne de Francazals et la « voie du Canal de Saint-Martory » reste en projet.
    Pour le transport en Commun en Site Propre (T.C.S.P.), le choix s’est finalement porté – un peu pour raison de prestige – sur un métro léger en souterrain du type « Val ». La première ligne inaugurée en juin 1993 relie le plateau de Jolimont au Mirail par le centre ancien – vingt-cinq ans trop tard pour donner au Mirail le rôle qu’espéraient ses promoteurs ! – et les lignes d’autobus de la rive gauche ont été rabattues sur deux de ses stations. Le financement de la seconde ligne nord-sud, aboutissant à Ramonville et croisant la première au carrefour Jean-Jaurès n’est pas encore acquis en juillet 1998, et l’emplacement de son terminus nord sera déterminé par le plan de la future zone d’aménagement concerté (Z.A.C.) de Borderouge entre Lalande et Croix-Daurade. La troisième ligne Arènes – Colomiers se borne pour le moment à la possibilité d’accès à cette section de la ligne S.N.C.F. Toulouse-Auch pour les voyageurs munis d’un ticket de métro. De nouvelles haltes ont été établies entre la gare Matabiau et Saint-Jory en direction de Montauban, entre la gare Matabiau et Escalquens en direction de Carcassonne, première esquisse d’une desserte de banlieue par chemin de fer.
    L’aménagement de l’emplacement des anciennes casernes d’artillerie s’est traduit par la plantation d’un grand parc de 10 ha, la construction d’un Palais des Sports, d’un Palais des Congrès, de la nouvelle École de Commerce, d’un hôtel de tourisme, d’une résidence pour personnes âgées et de deux ensembles d’immeubles de bureaux, le tout réalisant une extension vers le nord du centre urbain ; on peut seulement regretter qu’un programme architectural commun n’ait pas été défini à l’origine pour ce nouveau quartier où ne manquent pas les exemples de belle architecture moderne notamment en briques apparentes.


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    Par contre, le futur aménagement du quartier Marengo en prolongement des allées Jean-Jaurès reste encore sans projet défini. D’autres équipements nouveaux : Conservatoire de musique dans l’ancien hôpital Larrey, nouveau Théâtre Labéda, Musée d’Art Moderne à l’emplacement des Abattoirs désaffectés, Cité de l’Espace dans la vallée de l’Hers entre Montaudran et le bois de Limayrac, affectation à l’Université des Sciences-Sociales de l’ancienne Manufacture des Tabacs, construction d’une salle de concerts Zénith sur les terrains abandonnés par la Cartoucherie, nouveau siège de l’administration départementale au pont des Minimes se sont inscrits dans le P.O.S. sans nécessiter une mise en cause des options du S.D.A.U., et il en va de même pour l’extension de la zone piétonnière dans le centre ancien.

     Par contre deux « coups partis », dont l’initiative n’est pas venue de la ville de Toulouse, sont venus remettre en cause les options du S.D.A.U. : il s’agit d’une part de l’«Innopole » de Labège dans le secteur sud-est, et d’autre part, hors de l’aire du S.D.A.U., de la « Plate-Forme Multimodale Eurocentre » en voie de réalisation à la lisière nord du département.

 

    L’Innopole de Labège a été lancée en 1990 sous la forme d’une Z.A.C. par un groupe de six communes de la vallée de l’Hers en amont de Toulouse et jouxtant l’ensemble scientifique de Rangueil : Auzeville, Auzielle, Castanet, Escalquens, Labège et Saint-Orens, constitué en un syndicat à vocation multiple dénommé SICOVAL (30). Sur un terrain de 40 ha encadré à l’ouest par l’Hers, à l’est par la voie ferrée Toulouse-Narbonne et la route de Toulouse à Baziège, accessible depuis l’échangeur de Palays par l’autoroute des Deux Mers, elle a accueilli environ trois cents entreprises avec 3 000 emplois, relevant des nouvelles technologies, avec un ensemble de services (hôtels, restaurants, banques, locaux pour congrès et séminaires…) et aussi un Centre d’Art contemporain ; une gare S.N.C.F. et une piste pour hélicoptères permettent des liaisons directes avec l’extérieur sans passer par Toulouse. L’extension du SICOVAL à l’ensemble des communes des cantons de Castanet et de Montgiscard a débordé les limites du S.D.A.U., mais l’adhésion de la ville de Toulouse, de Blagnac et de Colomiers en font un des éléments majeurs du Grand Toulouse.

 

    Le projet de la « Plate-Forme Multimodale » dénommée « Eurocentre » a été lancé en 1990 par le Conseil Régional de Midi-Pyrénées et le Conseil général de la Haute-Garonne et sa réalisation confiée à un syndicat mixte réunissant la Région, le département et les deux communes de Castelnau-d’Estretefonts et de Villeneuve-les-Bouloc sur le territoire desquelles elle est située. Il s’agit donc d’un projet extérieur aux limites du S.D.A.U., dans lequel la Ville de Toulouse n’est pas impliquée. Mais sa proximité de la gare de triage dite de Saint-Jory et de l’ensemble d’entreprises installées entre celle-ci et les quartiers nord de Toulouse font que son existence aura nécessairement une répercussion sur l’aménagement de tout le nord de l’aire du S.D.A.U.
    L’ensemble doit couvrir 300 ha encadrés à l’est par un échangeur donnant un accès direct à l’autoroute des Deux Mers, à l’ouest par la voie ferrée Toulouse-Montauban dont se détachera un faisceau de voies ferrées desservant les installations. Celles-ci doivent comprendre un centre de groupage et dégroupage de marchandises, des espaces de stationnement pour les camions, un centre technique pour l’entretien des véhicules et un centre de vie avec hôtels et restaurants, bureau de poste et services financiers, l’ensemble permettant en particulier les transferts directs des marchandises du rail à la route et vice-versa. Fin 1997, l’échangeur a été terminé et l’installation de plusieurs entreprises importantes est envisagée prochainement (31). La disparition du trafic commercial sur le Canal Latéral a eu pour effet qu’aucune liaison avec celui-ci n’a été prévue, alors qu’il est accolé à la voie ferrée.

 

    Ces deux décisions majeures et l’évolution de l’ensemble du territoire depuis 1982, ont conduit le Syndicat mixte chargé de l’aménagement de l’agglomération à revoir la mise en application du S.D.A.U. et à envisager son éventuelle révision, ce qui a abouti en 1995 au « Projet d’Agglomération » élaboré par l’Agence d’Urbanisme de l’Agglomération Toulousaine. Il ne s’agit pas cette fois d’un projet comprenant des propositions concrètes, mais d’une réflexion d’ensemble sur le futur d’un « Grand Toulouse » aux limites assez floues et l’esquisse des grandes lignes de son aménagement (plan 11).

Après un bref bilan de l’évolution démographique et économique de l’agglomération toulousaine de 1982 à 1995 dans des limites laissées volontairement dans le vague, puis un examen de la position européenne, nationale et régionale de Toulouse, le projet définit les axes de développement préférentiels de son économie : industrie (aérospatiale, électronique, logiciel, santé), tourisme, recherche fondamentale et appliquée. Il prend acte de la

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30. Cf. la plaquette Labège Innopole, la Cité d’Avance, éditée en 1990 par le SICOVAL.
31. Cf. la plaquette Eurocentre - Pôle logistique de l’Europe du Sud, publiée par le Syndicat mixte.


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formation d’un axe de développement périphérique allant de Blagnac à Labège par Colomiers, le Mirail et Rangueil, et définit six points forts de l’agglomération : le Centre-ville de Toulouse, voué aux activités tertiaires (commerce, tourisme et culture), le « pôle aéronautique » Blagnac-Colomiers-Saint-Martin-du-Touch, le Mirail avec l’électronique et la météorologie, la « plate-forme chimique » de Braqueville, prolongée sur Portet par des établissements commerciaux et tendant à rejoindre Muret ; l’ensemble Montaudran-Labège voué à l’industrie spatiale, à la bio-technologie et aux technologies nouvelles, enfin l’axe nord de Lalande à Saint-Jory, en direction de l’Eurocentre, qui mêle industries diverses et activités d’entrepôt.

 

    Parmi les propositions d’aménagement, une nouvelle rubrique qui prend une grande importance est celle de l’environnement qui présente le schéma d’une « Trame verte » prenant appui, non seulement sur la Garonne, l’Ariège et les Ramiers qui accompagnent leurs cours, mais aussi sur tous les cours d’eau, Touch, Aussonnelle et Courbet sur la rive gauche, Hers et ses affluents (Sausse et Ceillonne, Saune et Marcaissonne) et même de minuscules ruisseaux comme l’Aussau, la Pichounelle, le Roussimort ou la Saudrune, sur la végétation spontanée poussée autour des anciennes gravières à Fenouillet, Gagnac et Roques, et bien entendu sur la forêt de Bouconne à la lisière nord-ouest et les bois ou parcs de château disséminés dans tout le territoire. Il s’y ajouterait des « liaisons vertes » à aménager le long des routes secondaires pour relier entre elles ces zones naturelles, et les parcs déjà aménagés. À côté de ce long développement consacré au patrimoine naturel, le patrimoine bâti, tant monumental que simplement intéressant comme témoignage du passé, ne fait l’objet que d’une mention rapide qui paraît en laisser le soin aux architectes des Monuments historiques et des Bâtiments de France et aux prescriptions des P.O.S. communaux, et donc à l’appréciation de maires très inégalement attachés à sa conservation. Des dommages irréparables ont déjà été commis dans ce domaine, même à Toulouse.

 

    Pour la circulation, le programme entérine le schéma de 1965 qui approchait en 1995 de son achèvement, et n’y fait que quelques additions : achèvement de la « pénétrante du Raisin » entre la rocade Est et le canal du Midi, et du « contournement ouest » depuis Braqueville jusqu’à l’échangeur de Palays sur l’autoroute des Deux Mers, avec un tunnel sous Pech-David, « voie du canal de Saint-Martory » depuis le contournement ouest jusqu’à Seysses. À long terme, un grand contournement routier organiserait une liaison par périphérique extérieure par Aussonne, Léguevin, au sud-ouest de Plaisance-du-Touch, Frouzins et Roques, en effleurant Muret, puis Pins-Justaret, Clermont, Montgiscard, Odars, Flourens, Beaupuy, Lapeyrouse, Castelginest et Fenouillet, en débordant à plusieurs reprises les limites du S.D.A.U. Plus lointain encore dans l’espace et dans le temps, un grand évitement de structure quasi-autoroutière relierait Grenade à Baziège et Auterive à Carbonne par la vallée du Girou, puis les coteaux du Lauragais vers Caraman ; ce dernier projet issu de la Direction de l’Équipement de la Haute-Garonne provoque dès à présent un mouvement de protestation dans les coteaux.

 

    Aux trois lignes de métro existantes ou programmées s’ajouterait une quatrième unissant l’aéroport de Blagnac à Montaudran par les Minimes et le coteau de Calvinet, croisant à Marengo et aux Minimes les lignes antérieures. Une « desserte cadencée » assurant un vrai service de banlieue serait établie jusqu’à Brax-Léguevin sur la ligne d’auch, jusqu’à Saint-Jory sur la ligne de Montauban, jusqu’à Montrabe sur la ligne d’Albi-Rodez, jusqu’à Muret sur la ligne des Pyrénées, et des transports en commun en site propre, vraisemblablement sous forme de tramways, et à partir des terminus du métro, devraient desservir les axes Blagnac–Seilh, Borderouge–Castelginest, Borderouge–Saint-Jean, Jolimont–Balma, Montaudran–Saint-Orens, Montaudran–Castanet, Basso-Cambo–Seysses et Basso-Cambo–Plaisance.

 

    Le Projet d’Agglomération désigne enfin quelques sites privilégiés pour « accueillir les fonctions économiques et métropolitaines majeures ». Ces sites sont de deux sortes : les « Portes de Ville » et les grands territoires à fonction métropolitaine.

 

    Les « Portes de Ville » doivent s’organiser autour des cinq échangeurs qui font communiquer l’anneau des rocades avec les cinq pénétrantes autoroutières : Porte de Paris à Lalande, Porte de Lyon à Gramont-Périole, Porte de Narbonne à Rangueil-Montaudran, Porte d’Espagne à Braqueville-Mirail, Porte d’Auch de Purpan aux Arènes. Ces portes « ont pour vocation d’accueillir préférentiellement les équipements et services urbains générateurs de trafic (hôpitaux, universités, services publics, grands équipements sportifs…) » et de servir de « plate-forme multimodales d’échanges » à la rencontre des divers moyens de transport en commun. Elles doivent aussi faire l’objet d’un aménagement architectural ordonnancé et de qualité.


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    Les « Pôles de Développement majeurs » sont eux aussi attachés aux cinq grands axes de pénétration, mais se développent essentiellement hors de l’anneau des rocades et donc en majeure partie hors du territoire municipal de Toulouse. Ils sont destinés à accueillir « les services et les activités d’excellence en matière aéronautique, informatique, biochimique, agronomique et santé ». On voit aussi se succéder :
    - l’axe de la R.N. 20 nord depuis Lalande jusqu’à l’« Eurocentre », qui nécessite une « recomposition » totale pour accueillir « une nouvelle génération d’activités économiques » ;
    - le « pôle aéronautique » Blagnac-Saint-Martin-Colomiers prolongé éventuellement vers Tournefeuille ;
    - le « pôle informatique et électronique » du Mirail (Basso-Cambo) relié par le contournement ouest Colomiers-Portet à l’ensemble chimique de Braqueville et aux activités de commerce et d’entrepôt le long de la route d’Espagne à Portet et Roques, avec éventuellement prolongement jusqu’à Muret ;
    - le « pôle spatial et technologique » le long de l’autoroute des Deux Mers, sur Ramonville, Auzeville et Labège, prolongeant l’ensemble scientifique de Rangueil ;
    - moins important, le « pôle de Gramont-Montredon » sur Toulouse-Balma et l’Union, susceptible d’accueillir des activités du secteur tertiaire.

 

    Hors ces points forts de l’aménagement et le noyau urbain de la ville de Toulouse, le reste du territoire de l’agglomération se répartit entre le « Réseau vert et bleu » qui rassemble les zones vertes protégées et celles qui accompagnent les cours d’eau, les « Zones de Redéploiement urbain » destinées à recevoir les grandes opérations de construction destinées à l’habitation, enfin les secteurs ruraux conservés autour des noyaux villageois.

 

    Les « Zones de Redéploiement Urbain » devront se développer vers l’extérieur des Portes de Ville, dans des espaces encore en partie inhabités où subsiste çà et là une agriculture résiduelle avec bon nombre de terrains vagues. Ce sont au nord le quartier toulousain de Borderouge et son prolongement sur Launaguet, à l’est le quartier de Gramont et son extension vers Balma et l’Union, au sud-est d’une part Saint-Orens et Quint-Fonsegrives et d’autre part Ramonville et Labège dans la vallée de l’Hers ; à l’ouest la région comprise entre le quartier toulousain de Sa int-Martin-du-Touch, Colomiers et Tounefeuille, et l’axe de la « voie du canal de Saint-Martory » de Cugnaux à Frouzins.

 

    À la périphérie du territoire municipal de Toulouse, les « noyaux villageois » de Croix-Daurade au nord, Pouvourville au sud, Lafourguette, Lardenne et Saint-Simon à l’ouest et au sud-ouest sont à « valoriser ».
    Enfin, dans le reste du territoire, l’espace agricole doit être conservé et valorisé, surtout dans les coteaux de l’est et du sud, mais aussi à l’ouest sur les meilleures terres, chaque noyau communal formant le centre d’une agglomération dont l’extension paraît devoir être contenue par les dispositions du P.O.S. communal. Parmi les communes périphériques, Balma, Blagnac, Colomiers, Portet, Ramonville et Saint-Orens sont spécialement désignées comme lieux de « centralité sectorielle » rassemblant les services publics et privés à l’usage du secteur de banlieue correspondant, et « desservies à moyen et long terme par un réseau de transport en commun performant ».
    Sur le territoire même de la ville de Toulouse, outre les noyaux villageois, le projet recommande de « dynamiser les faubourgs » constitués au XIXe siècle, de remanier toute la rive gauche en équipant les grands axes partant de la Patte-d’Oie, de construire un centre « logistique » autour des Arènes et du terrain qu’abandonne la Cartoucherie, de faire du Mirail un second pôle d’activité et de services pour tout l’ouest de l’agglomération. Sur la rive droite enfin, le quartier des Minimes et celui de Marengo sont expressément désignés comme les lieux privilégiés de l’extension du Centre ville.

 

    Telles sont les grandes lignes de ce « Projet d’Agglomération » qui se présente comme une préface à une prochaine révision du Schéma Directeur dont l’aire devra vraisemblablement être élargie pour prendre en compte le rôle joué au nord par l’Eurocentre, au sud par Muret, dans la vie du Grand Toulouse.

 

    Ainsi, presque trois quarts de siècle après la première loi française d’urbanisme, l’exemple de Toulouse nous a fait assister à l’évolution des conceptions dans cette technique. Œuvres d’architectes travaillant presque seuls plus en artistes qu’en techniciens, le plan Jaussely et le premier plan Nicod dessinaient une image idéale de Toulouse figée pour toujours… mais à très longue échéance. Le contact obligé avec les projets des administrations, les besoins exprimés des constructeurs, les données des autres techniques… et les contraintes financières ont poussé peu à peu au réalisme. De l’œuvre d’art conçue par un « maître », le plan d’urbanisme est devenu une construction pluri-disciplinaire où les politiques, les ingénieurs, et accessoirement les sociologues et les économistes, se sont joints aux architectes, dont le rôle devient accessoire. La création en 1966 du ministère de l’Équipement, où les Ingénieurs des


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Ponts et Chaussées sont devenus le corps prédominant face aux Urbanistes, presque tous architectes à l’origine et beaucoup moins nombreux, a eu à cet égard un rôle décisif. Les architectes urbanistes n’ont pourtant pas toujours versé dans l’utopie : les ingénieurs qui ont construit l’autoroute des Deux Mers ont suivi un tracé déjà inscrit dans le plan Jaussely, et le zonage du premier plan Nicod, se retrouve, très affiné, dans le P.O.S. actuel. Certains règlements de construction – parfois ressentis comme des brimades par une partie au moins de l’opinion – répondent à des soucis esthétiques sans nécessité technique, et entraînent des surcoûts pour les constructeurs. Le mot « embellissement » a disparu de la dénomination des plans, mais la multiplication des espaces verts de quartier comme la restauration des façades anciennes vont bien dans le sens de la recherche d’une image de la ville plus agréable tant pour ses habitants que pour ses visiteurs. La conversion à l’urbanisme de l’opinion et des hommes politiques est aussi une des nouveautés de la période postérieure à 1950 après l’indifférence qu’avait affichée l’entre-deux-guerres. Il faut aussi souligner la marque personnelle que chacun des quatre maires successifs de Toulouse a imposée depuis 1945 à l’urbanisme toulousain : gestion prudente, presque « frileuse » de Raymond Badiou, modernisme ambitieux de Louis Bazerque, retour vers la tradition et la qualité de la vie avec Pierre Baudis, modernisme de nouveau, mais plutôt dans l’économie (le spatial, la technopole) et les techniques (le métro) que dans l’architecture, avec son fils. La pression des faits et notamment la poussée de la banlieue ont aussi obligé les divers responsables à programmer le développement et l’équipement de Toulouse dans un cadre multicommunal, mettant fin à la politique d’isolement qui avait longtemps prévalu. Mais cela ne suffit pas pour réaliser une véritable « unité de commandement » pour l’ensemble. Il y a bien depuis 1992 un district urbain de Toulouse, mais il ne regroupe que quinze des soixante-trois communes de l’aire du S.D.A.U. et ses attributions sont assez limitées ; seul le SICOVAL est constitué en communauté de communes, mais seulement dix-sept de ses trente-trois communes relèvent du S.D.A.U. Neuf autres syndicats inter-communaux à la compétence généralement limitée à une ou deux fonctions (adduction d’eau, ramassage des ordures, électrification…) se partagent la périphérie, parfois en débordant les limites de l’aire, comme le syndicat « Synergie » basé à Grenade ou celui des coteaux de Lanta. Seul le Syndicat mixte des Transports en Commun de l’Agglomération Toulousaine (S.M.T.C.) s’étend à une large portion de l’aire du S.D.A.U. ; encore exclut-il les dix-sept communes que ne desservent pas ses lignes d’autobus, tandis que cinq communes extérieures en font partie… Si bien que reste toujours d’actualité le titre (inspiré de celui d’un film alors en vogue) de la brochure publiée en 1987 par un groupe de géographes de l’Université du Mirail : Y-a-t-il un pilote dans l’agglo ? (32).

 

    Après des années de réflexion, après une abondance de travaux dont la pléthore confine au gaspillage, gaspillage d’idées et gaspillage de crédits, l’urbanisme toulousain reste largement empirique, et le nouveau « Projet d’Agglomération » comme le Schéma Directeur de 1982, doit d’adapter aux « coups partis » décidés, sinon sans concertation préalable, du moins suivant les logiques propres des divers décideurs impliqués dans le développement spatial de Toulouse.

 

    Mais, à travers les plans successifs, un fait apparaît nettement : le rôle souvent prédominant des maires successifs de Toulouse. Ce qui montre que l’urbanisme, plus qu’un art, plus qu’une technique, est d’abord et avant tout, une politique.

 

 

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32. Université de Toulouse-Le Mirail, Y-a-t-il un pilote dans l’agglo ? Les modes de régulation du système urbain dans l’agglomération toulousaine, Toulouse, 1987, in 4°, 106 p., 4 cartes h.t.

 


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