couverture T. 59

Mémoires de la Société
Archéologique du Midi de la France



Tome LIX (1999)


SOMMAIRE

 

Jean-Marc LUCE, La péplophore du Musée Fenaille à Rodez : une statuette grecque en bronze de style sévère

    Le musée Fenaille à Rodez conserve une statuette féminine en bronze inédite, mise au jour en Grèce où elle a été acquise, peut-être même découverte, par le Général Higonet, lors de l’expédition de Morée en 1828-1829. L’objet provient du sanctuaire de Déméter et Korè à Eleusis. Il s’agit d’un support sur lequel reposait un objet non identifié. La forme de l’attache sur la tête de la jeune femme interdit de voir dans la statuette un pied de miroir. L’œuvre, de style sévère, date probablement des années 480 av. J.-C. Elle appartient à un groupe que les divers spécialistes ont tenté de situer géographiquement. Les attributions divergent assez fortement. L’auteur souligne ici la forte ressemblance entre la statuette de Rodez et la protomé de l’hydrie inv. 26.50 conservée au Metropolitain Museum à New York. Or ce récipient porte une inscription précisant qu’il constituait le prix d’une épreuve aux concours de l’Héraion d’Argos. L’attribution du groupe à Argos paraît alors la plus vraisemblable.

 

Éric MORVILLEZ, Nouvelles recherches sur l’architecture de la villa de Montmaurin (Haute-Garonne) à la lumière des carnets de Georges Fouet

    Des recherches effectuées à partir des archives des fouilles de Montmaurin ont permis d’apporter un nouvel éclairage sur trois points concernant l’architecture de la villa. Le premier concerne le triconque. Les croquis de Georges Fouet permettent de distinguer à cet endroit au moins trois phases successives dans la construction : une pièce trèflée puis une abside intermédiaire, sous l’hémicycle, puis enfin le portique en hémicycle que l’on peut voir actuellement. En second lieu, l’existence des escaliers, donnant accès aux salles dominant la seconde cour, n’est pas certaine. Le lien entre ces dernières pièces et la salle terminée en abside, aujourd’hui très restaurée, semble improbable. Enfin, l’étude des croquis de fouille permet de mieux comprendre la restauration de la colonnade de la cour des thermes et son ordre « pseudo-toscan ».
    Les dessins sembleraient attester, comme les clichés de l’état avant restauration, de la liaison entre certains éléments découverts, mais se posent plusieurs questions : absence de base sur le parapet pour les colonnes, insuffisance des diamètres des chapiteaux par rapport aux fûts, rôle exact des « tailloirs »…  

 

Céline PIOT, La villa de Lamolie à Astaffort (Lot-et-Garonne) : un domaine rural antique d’Aquitaine méridionale

    Grâce à des ramassages au sol et une photographie aérienne, on sait que le site de Lamolie à Astaffort correspond à une grande villa gallo-romaine d’environ 1 ha, située dans la basse vallée du Gers. Les nombreux objets découverts, essentiellement des céramiques, permettent de dater l’occupation de cet établissement rural du tout début du Ier siècle au VIIe siècle ap. J.-C., et de replacer le gisement dans son environnement archéologique ainsi qu’au sein des échanges commerciaux effectués pendant l’Antiquité.

 

Valérie YVONNET-NOUVIALE, À propos de neuf chapiteaux de Saint-Caprais d’Agen : influences croisées, Toulouse et Moissac

    La cathédrale Saint-Caprais d’Agen comporte un vaste ensemble de chapiteaux. Ils peuvent être répartis en deux groupes selon qu’ils possèdent un épannelage cubique ou dérivé du corinthien. Dans cette seconde catégorie, neuf œuvres présentent des liens avec la sculpture de Saint-Sernin de Toulouse. Les chapiteaux à décor végétal reprennent essentiellement des motifs employés dans les parties hautes de la basilique toulousaine. Il ne s’agit toutefois pas de copies serviles mais plutôt d’interprétations des modèles toulousains. En outre, certains chapiteaux historiés ainsi qu’un tailloir figuré sont en relation avec la sculpture du cloître de Moissac. Il convient donc d’étudier les hypothèses qui peuvent expliquer cette double influence, toulousaine et moissagaise, sur le chantier de Saint-Caprais, et, de là, proposer une chronologie relative mettant en résonance les trois édifices.

 

Olivier TESTARD, La vieille nef de la cathédrale de Toulouse et ses origines méridionales

    L’examen archéologique de la vieille nef de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse permet de distinguer les différentes étapes de sa construction dans ses états romans puis gothiques. Cette analyse établit que la nef unique du début du XIIIe siècle est le résultat d’un seul parti architectural et que son édification montre une grande maîtrise des techniques de construction et de l’organisation du chantier. Son étude sous le prisme des influences issues du contexte méridional, notamment du voûtement en berceau des nefs uniques de la deuxième moitié du XIIe siècle, en particulier à Saint-Pons-de-Thomières, donne des indications sur l’origine de l’architecture gothique méridionale à Toulouse. Cette dernière procède de la nef unique romane et du berceau brisé. Le contrebutement de la poussée continue des berceaux laisse entre les contreforts une zone fragile qui nécessite une maçonnerie de bonne qualité, ou l’épaulement par des bas-côtés ou des tribunes. Dans les nefs uniques, les arcs latéraux internes ont un rôle d’arcs de décharge conduisant une partie des efforts vers les contreforts. À Toulouse, ces arcs deviennent des formerets. Ils permettent de réaliser la voûte avant de terminer les fenêtres. Les croisées d’ogives sont rendues nécessaires pour faciliter le couvrement d’une portée de près de vingt mètres en dégageant des lunettes imposées par l’adoption de fenêtres à lancettes étroites mais hautes. Le bombement de ces voûtes n’est pas une maladresse mais résulte de la volonté d’adapter les ogives au rôle de support de la toiture, traditionnel dans le Midi.

 

Chantal FRAÏSSE, Les bâtiments conventuels de l’ancienne abbaye Saint-Pierre de Moissac

    À travers observations archéologiques et documents d’archives est menée une étude du plan de l’ancienne abbaye et de son évolution depuis le Haut Moyen Âge jusqu’à l’époque contemporaine où le passage de la voie ferrée a définitivement rompu l’unité spatiale du monastère. Si de nombreux bâtiments ont été profondément modifiés et ont changé de fonction, ils n’ont pas disparu aussi totalement qu’on pouvait le croire. Ainsi à l’occasion de travaux récents les quartiers nord ont-ils révélé des vestiges qui permettent de faire des hypothèses sur l’aspect médiéval de leurs élévations.

 

Patrice CABAU, Les évêques de Toulouse (IIIe-XIVe siècles) et les lieux de leur sépulture

    De sa fondation, peu avant le milieu du troisième siècle, à son érection en métropole, au début du quatorzième siècle, l’Église de Toulouse a été gouvernée par une longue succession d’évêques, dont le souvenir s’est lentement effacé : sépultures dispersées en divers lieux, absence de liste épiscopale ancienne. Telle qu’elle est connue aujourd’hui, la série des évêques résulte d’investigations érudites menées pour l’essentiel aux treizième, quatorzième, dix-septième et dix-huitième siècles. La présente étude se fonde sur le bilan de ces travaux, la critique de leurs sources et la recherche de nouveaux documents pour proposer une liste épiscopale révisée ; celle-ci reste lacunaire et sa chronologie demeure parfois incertaine. Quant au lieu de la sépulture des évêques de Toulouse, il apparaît que, initialement établi à la basilique Saint-Sernin, il ne commence à se fixer à la cathédrale Saint-Étienne qu’à la fin du treizième siècle.

 

Marie-Laure FRONTON-WESSEL, Le plafond peint de la Grand’Chambre de la Cour d’Appel de Toulouse

    La Grand’Chambre de la Cour d’Appel de Toulouse a révélé en 1997, à l’occasion de sondages effectués en vue de sa restauration, un plafond peint qui semble contemporain de la construction de cette salle, terminée en 1492. Cet ensemble est à ce jour l’unique témoignage d’un plafond peint médiéval à Toulouse. Les sondages ont montré un décor homogène, à l’iconographie variée, et dont les caractéristiques stylistiques sont celles de beaucoup d’autres plafonds peints de la même période dans le Midi de la France. Couvrant une salle d’importance, tant par sa taille que par sa fonction, il se démarque pourtant des autres ensembles par sa structure, particulièrement complexe, davantage encore que par son décor. Exemple unique mais qui s’intègre dans un courant plus large, ce décor ne peut rester plus longtemps dissimulé : il mérite d’être entièrement dégagé et présenté au public.

 

Louis LATOUR, Recherches campanaires : la cloche ancienne d’Auterive et la cloche disparue de Beaumont-sur-Lèze 

    L’église Saint-Paul d’Auterive possède une cloche ancienne remarquable par son épigraphie et les scènes figurées qui la décorent. L’inscription Mentem sanctam, spontaneam honorem deo et patrie liberationem, JHS XPS, se retrouve sur un grand nombre de cloches, en particulier dans les régions montagneuses, et a pour origine la légende de sainte Agathe qui aurait protégé Catane des laves de l’Etna. Les cartouches historiés qui l’accompagnent représentent des scènes bibliques, sans ordre apparent, ayant pour but la sacralisation du bronze et la consécration de la cloche au service de Dieu.
    La cloche de Beaumont-sur-Lèze était ornée des mêmes scènes ; son inscription XPS vincit, XPS regnat, XPS imperat, XPS ab omni malo nos defendat est aussi une invocation pour que le Christ nous délivre du péché et nous protège des fléaux naturels.
    Les deux cloches, vraisemblablement fondues par le même atelier, peuvent être datées du début du XVe siècle.

 

Bruno TOLLON, « Dame Tholose », une allégorie politique de la Renaissance

    En 1544, les Capitouls de Toulouse commandent au sculpteur Jean Rancy une figure représentant « Dame Tholose » pour remplacer la girouette de la Tour des archives. (Le bronze, coulé en 1550, y reste jusqu’en 1832 où, assortie de nouveaux attributs, la sculpture coiffe la colonne de la place Dupuy.) L’article examine dans quelles conditions a pu être conçu le premier bronze allégorique représentant une cité qui renouait par là avec le passé glorieux et l’épithète reprise par les humanistes de « Palladia Tolosa ». 

 

Georges BACCRABÈRE, Céramique toulousaine des XVIe-XVIIe siècles dans l’ancien quartier des Pénitents-Blancs à Toulouse

    Une fosse d’aisance mise au jour au nord-est de la cité, contre la Promenade-des-Capitouls, a livré de la céramique des XVIe-XVIIe siècles. Cette poterie se compose de vases de type fermé à liquide et des contenants culinaires. Ces derniers présentent des marmites et des coquemars. Ceux-là livrent surtout des pichets. À la vaisselle aux formes ouvertes correspond la céramique commune, comprenant des bassins, et de la poterie polychrome avec des assiettes et des coupes à décor sgraffité. La céramique à pâte blanche et décor peint comprend essentiellement des assiettes et des écuelles. La fosse présente enfin des contenants ayant trait à l’hygiène et au bien-être familial : albarelles, porte-dîner, réchaud, pot d’aisance, tirelire, et de la verrerie.

 

Marie-Luce PUJALTE, Les maîtres d’œuvre du XVIIIe siècle toulousain : leurs rôles et leurs prérogatives 

    Au XVIIIe siècle, le rôle de l’architecte à Toulouse et ses prérogatives restent encore flous dans les projets de reconstruction d’ordre privé. Dans l’habitat populaire au schéma simple et répétitif, restreint par un parcellaire étroit, la maîtrise d’œuvre est le plus souvent confiée au maçon, homme de terrain, issu du milieu des artisans. À l’inverse, dans l’habitat noble, domaine de l’érudition, les plans sont réalisés en majorité par un expert au savoir académique et apte à concevoir des modèles savants. Deux personnalités de la communauté artistique toulousaine semblent avoir marqué par les nombreuses commandes qu’ils reçurent la construction privée du XVIIIe siècle : Guillaume Cammas, peintre et architecte de la Ville, et Maduron, directeur des travaux publics de la Ville, ont su donné une interprétation très locale du classicisme français tout en conservant une architecture de briques traditionnelle.
    Les recherches d’attribution recouvrent encore un large domaine à exploiter mais il semble d’ores et déjà que les artistes étrangers à la sphère toulousaine éprouvèrent des difficultés à s’implanter dans la ville, l’aristocratie parlementaire, l’élite qui donne le ton, s’adressant plus spontanément aux tenants de la tradition.

 


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