SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DU MIDI DE LA FRANCE 1er juin 2002 Journée foraine à Auterive (Haute-Garonne)
Église Saint-Paul d'Auterive.
Le maître-autel et les colonnes en marbre de Caunes. Les adorateurs en marbre de Carrare.Les marbres de Caunes.
Marbriers et sculpteurs
aux XVIIe et XVIIIe siècles
La matinée, dans l’église Saint-Paul, sous la conduite de Louis Latour :
L’église Saint-Paul d’Auterive
La ville d’Auterive possédait autrefois deux églises sur la rive droite de l’Ariège : l’église paroissiale Saint-Paul près de l’actuel cimetière et Saint-Michel à l’intérieur de la cité. Toutes deux ayant été détruites par les protestants en 1574, on décida de ne rebâtir que l’église intra muros qui devint la nouvelle église paroissiale sous le vocable de Saint-Paul.
La paroisse possédait alors cinq confréries, celles de la Sainte-Trinité, de Saint-Fabien-et-Saint-Sébastien, de Saint-Éloi, de Saint-Paul et de Notre-Dame-des-Proudhoms. La plupart d’entre elles n’avaient que de faibles ressources provenant des aumônes et des cotisations des confrères. En revanche, la confrérie Sainte-Trinité possédait dans le village voisin de Puydaniel quelques terres qui lui rapportaient chaque année une vingtaine de setiers de blé et lui conféraient une relative richesse.
Elle put commander ainsi un autel de marbre à Joseph Grimes, maître marbrier de Caunes-Minervois, à l’automne 1748. Il fut réalisé et mis en place dans la chapelle de la Sainte-Trinité, l’année suivante, pour la somme de 700 livres.
L’autel, d’une longueur de dix pans (2,25 m environ) était construit en marbre griotte avec une corniche et des consoles de marbre gris agate. Le devant de l’autel comprenait des incrustations de brocatelle d’Espagne. Au-dessus du gradin, encadrant le tableau du retable, s’élevaient deux colonnes de marbre incarnat, reposant sur des bases gris agate, avec trois panneaux de marbre incarnat.
Les autres confréries suivirent l’exemple et se dotèrent à leur tour de splendides autels en marbre de Caunes.
En 1783, enfin, sous l’impulsion de la Confrérie Sainte-Trinité, la paroisse commanda à Grimes le maître-autel, les adorateurs et l’ensemble de colonnes et de revêtements de marbre du grand retable. Au début de la Révolution, l’église Saint-Paul pouvait s’enorgueillir de posséder onze autels de marbre : le maître-autel et les autels des dix chapelles latérales.
L’autel de la chapelle Sainte-Trinité.
Les participants, regroupés dans la chapelle Sainte-Trinité – aujourd’hui chapelle Saint-Simplicien – ont pu confronter l’autel actuel avec le projet décrit dans le bail à besogne conclu en 1748 entre Joseph Grimes, maître marbrier de Caunes, et les bailes de la confrérie.
Les colonnes de marbre incarnat, reposant sur des bases gris agate, qui encadraient le retable ont aujourd’hui disparu, de même que le devant d’autel en marbre griotte incrusté de brocatelle d’Espagne qui, brisé, a été remplacé récemment par du marbre de Sarrancolin. Tout le reste, en revanche, est bien conforme au projet de Grimes : la corniche de marbre gris agate ainsi que les consoles et la base de l’autel, les côtés et le gradin de marbre griotte incrustés de brocatelle ainsi que le marche-pied de marbre incarnat.
Les autres autels
Poursuivant la visite de l’église, les participants ont pu admirer la richesse de plusieurs autels, en particulier ceux des chapelles de la Vierge, de l’Agonie et de Saint-Paul, qui offrent au regard de véritables mosaïques de marbre ou de très originaux tabernacles tel celui de la chapelle Saint-Michel. Les visiteurs experts en la matière se sont livrés au jeu difficile de la détermination des diverses variétés de marbre, venus de Caunes pour la plupart mais parfois aussi de lointaines carrières étrangères.
La beauté des autels réside autant dans l’harmonie des couleurs et l’équilibre des proportions que dans la perfection du travail et de l’assemblage. On comprend que la Société archéologique du Midi de la France se soit émue du sort de ces autels lorsqu’un projet de reconstruction de l’église Saint-Paul sur le site du Castela connut un début de réalisation dans les années 1900…
Le maître-autel
Les visiteurs s’attardèrent ensuite longuement devant le maître-autel où dominent les ouvrages en marbre de Caunes : les grandes colonnes en marbre incarnat, les panneaux décorés de trophées d’Église ou de palmes croisées, et surtout l’autel lui-même où alternent l’incarnat et le gris agate.
L’attention se porta ensuite sur les sculptures de l’autel dont nous connaissons l’auteur, le fils de Joseph Grimes. Dans une lettre aux prêtres d’Auterive, le maître marbrier précise en effet : « mon fils, qui vous fait bien ses compliments, travaille aux têtes de chérubins du dessus du tabernacle et ensuite fera celles de l’autel et puis le St Esprit pour le milieu [du devant d’autel] ».
Église Saint-Paul d'Auterive.
Les adorateurs.Les participants admirèrent enfin les adorateurs, sculptés dans du marbre de Carrare, dont les archives paroissiales nous disent qu’ils furent achetés en 1784 pour la somme de 650 livres « rendus à Montgiscard et mis en place comme ont été toutes nos entreprises ».
Grimes avait prévu de surmonter le tabernacle d’un exposoir – semblable à ceux de Caunes ou de Montolieu – qui ne fut jamais réalisé, remplacé aujourd’hui par un ciborium construit au XIXe siècle par le marbrier toulousain Bergès aîné.
Le repas de midi dans le parc de la Manufacture royale :
Le repas de midi réunit une cinquantaine de convives sous un chapiteau dressé dans le parc de l’ancienne Manufacture royale, au-dessous de la Mairie, près de l’Ariège et du Moulin Vieux.
Comme celle de La Terrasse, près de Carbonne, la manufacture d’Auterive fut créée au XVIIIe siècle par Jean Marcassus, riche marchand toulousain, avec l’encouragement et les subventions des États du Languedoc, pour la fabrication d’étoffes de luxe destinées à concurrencer les produits anglais sur les Échelles du Levant. L’établissement d’Auterive fut érigé en Manufacture royale en 1726 et Marcassus, ennobli par Louis XV en 1744, reçut le titre de baron de Puymaurin.
Une rapide visite permit aux participants d’admirer une partie de la demeure, en particulier le salon et son très beau papier peint panoramique d’époque Directoire, ainsi qu’une terre cuite du sculpteur Lucas.
Les communications de l’après-midi, Salle Astrugue :
La journée foraine se poursuivit, l’après-midi, dans L’Oustal, salle Astrugue, par une série de communications introduites et présidées par Michèle Pradalier-Schlumberger, Présidente de la Société Archéologique du Midi de la France.
Des carrières aux marbriers de Caunes-Minervois
(XVIIe siècle)
Jean-Louis H. BONNET
Conservateur délégué des antiquités et objets d’art (Carcassonne)
Sur le versant ensoleillé de la Montagne noire, le bourg de Caunes-Minervois doit sa renommée actuelle à son abbaye romane fondée par les Bénédictins et à son vignoble entretenu de longue date.
Les marbres du Languedoc.
Sur une zone réduite, dans les départements de l’Hérault et de l'Aude, les marbres du Languedoc ont connu une exploitation locale, pendant l'Antiquité et au Moyen Âge. Le Languedoc possède trois principaux centres marbriers : dans les alentours de Cessenon, la carrière de Coupiac ; Saint-Pons-de-Thomières ; Caunes et Félines en Minervois. Toutefois, seul le dernier ensemble a été exploité sans discontinuité sur trois siècles.
Les premières extractions
À Caunes, les premières mentions de recherches et d'extractions datent du début du XVIIe siècle. Jean d’Alibert est alors nommé abbé de Caunes en 1598 par le roi et donc il devient seigneur du lieu. Aux alentours de 1615, il rencontre à Rome le sculpteur Stefano Sormano qu'il sollicite de venir prospecter le sol de son territoire. Le maître italien se rend à Caunes « avec six maistres de son pays esperts en semblables mattieres ». Ils découvrent alors des sites intéressants dans les terroirs de la Malacasse et des Moulins. Aussitôt Sormano fait extraire des blocs de la meilleure qualité qu'il fait transporter en Italie.
Quelques années après, Louis XIII se préoccupe lui aussi de faire rechercher le marbre. Un maître maçon de Saint-Pierre-des-Conils, près d'Albi, est chargé de prospecter les terres dans les diocèses de Béziers, Saint-Pons et autres.
Etienne Sormano, né vers 1580 à Savonne, sur la riviera de Gênes, maître sculpteur, exporte des quantités de marbre vers l'Italie à partir du port de Narbonne. Devant l'importance des commandes, en juillet 1630 à Narbonne, il conclut un bail de société avec Antoine Lignani, de Lucques en Toscane, aussi maître tailleur de marbre. Sormano, comme Lignani, taillent, exploitent et négocient le marbre.
L’installation des Italiens
L'exploitation intensive des carrières nécessite un acte notarié : Sernin de Narbonne, alors seigneur et abbé de Caunes, confirme la confiance que son prédécesseur Jean d'Alibert avait accordée à Sormano. Celui-ci lui avait d'ailleurs manifesté sa reconnaissance en offrant une statue de la Vierge à l'église Notre-Dame-du-Cros.
Le contrat de 1633 définit les conditions d'un bail « en inféodation noble et perpétuelle » à Étienne Sormano, maître sculpteur, pour les carrières de la Malacasse et des Moulins, là où précisément affleurent les marbres de couleur incarnat et vert que recherchent tant les Italiens.
Antoine Lignani poursuit le commerce avec l'Italie ; le maître tailleur de marbre toscan se fixe dans le bourg, prenant la suite d'Etienne Sormano dans son bail des carrières auprès de l'abbé, et introduit son fils Vincent Lignani vers 1645. Il fournit aussi les commanditaires locaux comme le chapitre de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse, en 1637.
Grâce aux recherches menées sur place par Pascal Julien, on connaît la destination des marbres incarnats à cette époque : l'Annunziata de Gênes ou la Chartreuse de Pavie, puis Saint-Pierre de Rome. Vincent Lignani, qui s'intitule « maître sculpteur », développe l'extraction à destination de l'Italie. André Rossi, le Génois, s'entend avec Jacques Garino, son compatriote sculpteur, pour travailler dans les carrières. Des intermédiaires français, marchands ou banquiers de Narbonne, s'installent à Gênes tandis que des maîtres italiens assurent le relais en se fixant à Marseille.
La venue des marbriers français
Qu'il s'agisse de la taille des pierres ou du marbre, les Italiens semblent indispensables dans une région où fait défaut cette spécialité d'artisans ou d'artistes. Pourtant, il faut savoir que les sculpteurs étrangers utilisent la main-d’œuvre locale pour les durs travaux d'extraction et de traçage. Vincent Lignani, venu avant 1648, constitue une société avec André Rossi, résidant lui aussi à Caunes, pour assurer leur métier de sculpteur et de marbrier « seulement dans le présent royaulme de France », pendant cinq années.
Alors arrive un maître qualifié français vers 1658. Jean Baux, « maistre architecte de Caunes », promet aux marguilliers de l'église Notre-Dame du Cros de construire une porte en pierre de taille grise (août 1660).
Disciple du Bernin, Gervais Drouet, marbrier statuaire à Rome de 1648 à 1654, maître sculpteur de Toulouse, a apprécié les marbres de Caunes lors des travaux exécutés en Italie. Il a entrepris un chantier important, comme sculpteur et architecte, pour le jubé de la cathédrale Sainte-Marie, à Auch, et sait s'entourer de compagnons, de maîtres et d'artistes qualifiés.
En juillet 1662, à Caunes, Drouet charge Jean Baux de faire exécuter en marbre blanc et rouge des pointes de diamant, un grand cœur, des entablements en marbre cerfelas, des pilastres et autres pièces. Puis il commande à Vincent Lignani et à André Rossi les plus grosses pièces de marbre blanc et rouge à tirer des carrières de la Malacasse, comme ils l'ont déjà fait pour l'église des R.P. Jésuites de Toulouse.
Des œuvres pour la région
Les années 1662-1665 marquent un tournant dans l'extraction et l'exploitation des marbres. Vincent Lignani, fils de l'associé de Sormano, se fixe à Caunes en 1648. Comme maître architecte de marbre, il s'associe à Jean Baux qui signe une convention avec l'économe de l'abbaye de Caunes pour le droit de tirage des carrières.
L'année suivante, François Mercier, maître tailleur de pierre toulousain, demande à Jean Baux, « marbreur architecte » de lui fournir quatre colonnes de 2,3 m de hauteur et de les installer dans l'église des R.P. Jésuites. Le même maître lui commande en 1669 quatre autres colonnes de marbre jaspé et un cadre pour la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse.
Le marbre de Caunes est apprécié localement : par l'intermédiaire des Bénédictins de Saint-Chinian, un maçon de Narbonne s'engage auprès du prieur du couvent de Notre-Dame, de Verdelais, dans le diocèse de Bordeaux, à réaliser un ensemble architectural en marbre.
Toulouse. Place des Puits-Clos.
Réemploi de colonnes des Grands Carmes. Cliché J.-L. Bonnet.Caunes-Minervois. Carrière de la Bouriette.
Cliché J.-L. Bonnet.
La frénésie royale
Un heureux concours de circonstances va développer l'utilisation des marbres de couleur dans la région et dans le royaume. Nicolas Mesnard, marbrier, est envoyé par Colbert à Gênes, à Carrare, puis en Provence et en Languedoc, en 1666, pour choisir les meilleures qualités à extraire. Dès cette année-là, la grotte de Versailles est ornée de quatre grandes coquilles de marbre et quatre demi-coquilles que Nicolas Pinasel « fait faire à Caunes ». Il ne s'agit point d'une coïncidence si l'économe du monastère bénédictin se nomme Denis Pinasel.
Les intérêts financiers commencent à se découvrir auprès d'intervenants, plus puissants et plus décidés, qui existent entre les carrières et les services des bâtiments royaux : les marchands, comme Pierre Formont, « marchand banquier à Paris », qui livre, en 1665, des blocs provenant d'Italie, de Provence, des Pyrénées et du Languedoc, car Formont et Bœuf constituent alors les négociants officiels du roi.
La situation évolue en 1671 lorsque le roi décide d'employer une grande quantité de marbres « pour l'embellissement du Louvre et autres maisons royalles ». Jean Baux fournit les nombreuses colonnes et les pilastres nécessaires à édifier le péristyle du Grand Trianon, en incarnat du côté des jardins, en griotte pour l'entrée.
L’administration royale
Dans les dix dernières années de sa vie, Jean Baux continue, comme « marbrier ordinaire du roi », la livraison du matériau de qualité souhaité. Pierre Formont organise le négoce du marbre avec Carrare, puis s'intéresse aux carrières des Pyrénées et du Languedoc et reçoit des sommes considérables.
Colbert, surintendant des bâtiments du roi de 1664 à 1683, crée une administration royale du marbre, ce qui favorise nettement l'achat des marbres français au détriment du blanc italien. Les sculpteurs utilisent davantage les pièces de couleur dans les colonnes des Tuileries et du Trianon. Les négociants doivent être contrôlés, les transporteurs et les marbriers aussi. Pour cela, un responsable nommé séjourne à Toulouse dans un premier temps, puis vient fréquemment à Caunes : Etienne Ducrot, « commissaire du roi pour la directe des marbres ».
Jean Baux termine de nouveaux ouvrages à la cathédrale d'Auch et installe des colonnes pour les Chartreux, à Toulouse. L'année 1684 marque son décès et la disparition d'un précurseur parmi les marbriers français travaillant à Caunes et aussi un événement capital pour la région : l'ouverture du Canal des deux mers dont la réalisation entraîne une évolution notable dans l'extraction marbrière et les transports, l'arrivée d'une nouvelle main d'œuvre. Devant la facilité du charroi, la frénésie du marbre atteint la région et même le royaume entier, en favorisant les associations.
Les déplacements se multiplient quand les compagnons et les maîtres du royaume apprennent l'importance des commandes royales : 42 000 pieds cube entre 1685 et 1688, soit près de 1 500 m3.
Les modes de transport
Au début du XVIIe siècle, la carrière de la Malacasse se trouve sur le versant du vallon du Cros. Un plan incliné, servant de chemin, débute au pied de la zone d'extraction et remonte sur le plateau actuel des Terralbes : son assise empierrée est soutenue par un mur constitué de gros blocs de déblai. Au fur et à mesure des travaux, les traceurs exploitent la partie supérieure de la carrière et en rejettent les décombres dans la zone la plus basse qu'ils aplanissent pour recevoir les blocs à transporter.
Avant la mise en eau du canal, les déplacements se font par route. Étienne Sormano commande à un charretier, en 1628, d'effectuer un charroi de vingt charrettes de marbre jusqu'au port de Narbonne. L'ensemble pourrait peser neuf tonnes sur des charrettes à deux roues ou des chariots à quatre roues bandées, traînés par des chevaux et des mules ferrés.
Le Canal du midi apportera la facilité du transport et des améliorations dans le chargement des blocs. Dès 1684, les États de Languedoc se préoccupent du transport des marbres pour faciliter le passage des voitures. Le nouveau chemin des carrières aboutit au port d'embarquement du Canal à Puichéric. Sur la rive sud, on a construit un quai plus bas pour faciliter l'accès au niveau des péniches, à l'écluse dite de l'Aiguille. Les charrettes débarquent les matériaux que l'on dépose sur des chalands, voguant sur le Canal jusqu'au port d'Agde.
Vers l'Atlantique, les pièces embarquées à Puichéric arrivent à Toulouse au port du faubourg Saint-Étienne, alors prises en main par les commissaires.
À partir du port de Toulouse, des radeaux descendent la Garonne, malgré les réticences des marchands de bois gênés par l'encombrement inévitable. A Bordeaux, des navires civils de haute mer chargent les blocs jusqu'à Rouen où des chalands remontent la Seine jusqu'au port de la Conférence, non loin des magasins du roi. La période du transport se trouve limitée d'avril à septembre pour profiter des hautes eaux dévalant des Pyrénées.
La vogue des marbres de couleurs
Gabriel d'Alibert, seigneur de Villemoustaussou, commande à la veuve de Jean Baux deux retables en marbre et pierre blanche de Ventenac, pour l'église de Notre-Dame-du Cros. Le prieur de la Chartreuse de Cahors lui confie la réalisation de pièces imposantes de marbre.
À la fin du XVIIe siècle, le marbre de Caunes devient le plus utilisé et affirme sa prépondérance sur celui de Campan. Le relevé des Comptes du roi mentionne, pour l'année 1684, « des cordons de bassin », « deux masques et vazes » pour le petit parc de Versailles. À l'intérieur, « des chambranles, des tablettes et le foyer de la cheminée du grand cabinet de Monseigneur».
En 1696, Hubert Misson en emploie pour paver l'église des Invalides. Les bâtiments du roi nécessitent aussi des blocs plus massifs et taillés ; le nom de Caunes apparaît plusieurs fois dans les Comptes, pour 36 tambours destinés à l'église des Invalides, 11 colonnes entre 1688 et 1690. On trouve des piédestaux pour les fontaines du Labyrinthe, 36 colonnes et 46 pilastres pour la grande cascade, 28 colonnes pour la chapelle de Versailles.
Un art difficile et exigeant
Les marbriers se font d'abord mentionner comme « ouvrier en marbre » ; ils deviennent marbriers ou maîtres marbriers, ajoutant à leur travail manuel le négoce, comme les Italiens qui les ont précédés.
Les niveaux de qualification apparaissent clairement : les traceurs de pierre parmi lesquels aucun étranger ne se fixe. Ce travail de force convient à une main-d’œuvre locale qui apparaît rarement dans les actes notariés. Il s'agit seulement d'extraire les blocs, de les dégager et parfois de les dégrossir. Au niveau intermédiaire, les ouvriers en marbre et tailleurs de pierre séjournent une saison à Caunes, de mars à décembre.
Les marbriers deviennent rapidement « maîtres marbriers ». Ils peuvent être amenés à sculpter des pièces : Gervais Drouet se réserve « à faire les chapiteaux » d'Auch. Le travail du marbrier consiste à « faire des figures, des ornements » en dehors de l'architecture. Comme Jean Baux et Michel Fore, « maîtres architectes», ils imaginent le projet des ouvrages à installer dans la région. À Toulouse, dirigés par des maîtres d'œuvre, sculpteurs réputés, ils servent de chefs de chantier et conseillent une équipe de sculpteurs et de compagnons, ils exécutent eux-mêmes la finition des pièces en marbre.
Dans les contrats, la qualité se trouve indiquée avec sa couleur : l'incarnat rouge et blanc de la Malacasse domine ; on trouve aussi le turquin, orangé veiné de gris, provenant de la carrière du Moulin ; le griotte, grenat presque uni. On recherche du marbre « beau et net », l’incarnat « du plus beau et vif », le turquin « pourpre et tabellé de gris ».
Vers la réglementation royale
En 1700, un arrêt du Conseil d'État assure au roi le monopole du commerce du marbre. Grâce à un directeur et à des commissaires, le surintendant se charge de contrôler la vente du matériau, le transport et le paiement des nouveaux droits.
Une autre période s'ouvre avec une production plus abondante à travers tout le royaume, moins riche par le nombre de contrats et de baux encore consultables. Le XVIIe siècle a laissé des documents précis et innombrables à Caunes, aux archives de l'Aude, dans le fonds de l'Intendance du Languedoc à Montpellier, aux Archives de Toulouse, aux Archives nationales. Cette riche documentation permet une recherche interminable sur les techniques d'exploitation, sur les moyens de transport, sur les financements, sur la localisation des œuvres, sur les marbriers. Autant de sujets que plusieurs années de déchiffrement et de transcriptions me permettent d'aborder, autant de thèmes qu'un temps trop court ne peut évoquer. J'ai seulement voulu vous faire découvrir un siècle d'activités marbrières à Caunes et Félines et vous inciter à venir sur place mieux comprendre comment deux bourgs minervois ont contribué à l'embellissement des églises de la région et des plus remarquables demeures royales.
Discussion :
- M. Gironce pose le problème de la fabrication des grandes colonnes de marbre, cylindriques ou renflées dans leur partie centrale.
- M. Anglade qui a une longue expérience du travail du marbre explique avec précision la technique utilisée :
L’ébauche des colonnes se fait sur place, dans la carrière même, par un épannelage progressif :
- pour les colonnes cylindriques on ébauche d’abord les têtes de colonnes puis on dresse le bloc de façon à obtenir un parallélépipède rectangle à section carrée. On abat ensuite les quatre angles pour former un bloc à section octogonale. On continue ainsi jusqu’à ce que l’on obtienne un bloc régulier à section circulaire, c’est-à-dire la colonne cylindrique recherchée,
- pour les colonnes renflées, on traite d’abord la partie centrale à laquelle on donne peu à peu une section circulaire. Puis on amincit progressivement les extrémités de la colonne jusqu’aux dimensions souhaitées.
La même technique resta en application jusqu’au XIXe siècle.
- Comment se faisait le débitage des blocs et le polissage des plaques ?
- Au XVIIe siècle, le débitage des blocs se faisait au moyen de lames sans dents. Pour scier un bloc de marbre on utilisait un cadre supportant plusieurs lames parallèles animées d’un mouvement de va-et-vient et baignant dans un mélange d’eau et d’abrasif. La progression des lames était de l’ordre de 15 à 20 mm par heure. Plus tard, on utilisa des lames de scie à pointes diamantées d’une efficacité bien plus grande.
Le bloc donne ainsi des plaques que l’on débite ensuite aux dimensions appropriées. Le polissage se fait à l’aide de meules de plus en plus fines. Le finissage utilise des abrasifs très fins dont la composition est le secret de chaque marbrier…
- Comment obtenait-on le galbe d’un autel ou d’une cheminée Louis XV ?
- M. Anglade : Pour une cheminée Louis XV le marbrier part d’une grande pièce de 1,40 m sur 0,25 m environ, d’épaisseur uniforme de 12 cm environ. Il commence par dresser le plan de la coquille centrale puis amincit progressivement la pièce vers les moulures latérales jusqu’à la réduire à 2 cm d’épaisseur. On part toujours de la partie la plus épaisse vers les extrémités les plus minces pour aboutir à la forme en accolade caractéristique du Louis XV.
On procède de même pour obtenir le galbe des autels baroques.
- M. Gironce : Pourquoi les marbriers de l’époque sont-ils toujours étrangers, le plus souvent italiens ? Manquerait-on d’ouvriers compétents en Languedoc ?
- M. Bonnet : En Languedoc, en particulier dans la région de Caunes, on donne priorité à l’industrie textile qui fournit du travail pendant toute l’année alors que le marbre ne peut être travaillé que durant quatre ou cinq mois, en dehors des périodes de gel et de grandes chaleurs.
Le travail du marbre ne tente pas la population locale où l’on ne rencontre aucune qualification professionnelle. Dans mes recherches, je n’ai trouvé aucun contrat d’apprentissage de marbrier.
Des ouvriers qualifiés viennent au contraire des régions marbrières de Savoie, de Belgique, du Lyonnais et surtout d’Italie où l’on a travaillé le marbre sans discontinuité de l’antiquité à l’époque moderne.
- M. Anglade : Dans notre région aussi il y a eu progrès dans la qualification des ouvriers marbriers. J’avais reçu une commande de plusieurs cheminées Louis XV et je n’avais, au début, qu’un seul ouvrier capable de les fabriquer. "Faire du Louis XV" devint bientôt une récompense accordée aux plus habiles et, un peu plus tard, quatre ou cinq ouvriers furent en mesure d’exécuter ce travail délicat.
Des carrières de marbre de Carrare
au maître-autel de Saint-Jacques de Montauban :
les anges adorateurs
Jean-Claude FAU
Professeur honoraire du Lycée de Montauban
Dans l’église Saint-Jacques de Montauban, deux anges à genoux de part et d’autre du maître-autel paraissent se recueillir devant le tabernacle. Ces statues sont remarquables à plus d’un titre, à commencer par le matériau dans lequel elles ont été sculptées, un marbre blanc d’un extrême pureté, du marbre de Carrare, nous le verrons. Leur taille aussi est à considérer : avec une hauteur d’un mètre soixante environ, et compte tenu de leur position agenouillée, on peut les considérer comme légèrement plus grandes que nature.
La robe savamment plissée qui laisse les épaules et les bras dénudés, l’élégante coiffure, le cou gracile, tout permet de rattacher ces œuvres aimables à l’art du "siècle de Louis XV". Les créatures célestes, aux ailes encore à demi ouvertes, viennent, semble-t-il, de se poser sur les nuées qui recouvrent le socle carré. Asexués, intemporels, ces êtres immaculés au visage serein, dotés sans doute d’une éternelle jeunesse, se présentent en quelque sorte comme l’antithèse des simples mortels.
Pour éviter la monotonie, le sculpteur ne les a pas conçus de manière tout à fait identique. L’ange de droite est agenouillé, celui de gauche n’a qu’un seul genou à terre. Et si l’un et l’autre font les mêmes gestes, la main gauche ouverte posée sur la poitrine, la position du bras droit diffère. Pourtant l’attitude générale reste la même, une attitude de profond respect, d’adoration même, envers le corps et le sang du Christ présents, selon le dogme catholique, à l’intérieur du tabernacle. Et l’artiste a réussi à traduire le sentiment d’émerveillement éprouvé face à la présence divine.
On donne traditionnellement à ce type de statues, dotées de caractères spécifiques, le nom d’anges adorateurs, ou simplement d’adorateurs. Toujours groupés par paire sur l’autel, ils sont particulièrement représentatifs de l’art religieux issu de la Contre-Réforme au XVIIe siècle. Et leur vogue ne s’est pas démentie durant plus de deux siècles. Vers 1900 encore, les adorateurs en plâtre bariolé figuraient en bonne place dans le catalogue des grandes fabriques de statues religieuses.
Concile de Trente et culte eucharistique
Les anges adorateurs comptent parmi les derniers arrivants au sein de la cour céleste. Ils n’apparaissent en effet qu’après le concile de Trente qui s’est tenu de 1545 à 1563. Concile de la Contre-Réforme catholique, il a marqué un tournant dans l’histoire de l’art chrétien avec l’avènement du baroque. Et la paternité des anges adorateurs, s’il est permis de s’exprimer ainsi, est à attribuer aux pères conciliaires. Face à la montée de la Réforme en Europe occidentale, ils ont voulu réaffirmer avec force tout ce que rejetait le protestantisme. Celui-ci condamne les sacrements, l’Eucharistie en particulier ; le concile précise la doctrine sur les sacrements en insistant sur la présence du Christ dans l’hostie, présence réelle et non virtuelle comme l’affirmait Calvin.
Dans les nouvelles formes de piété issues du concile de Trente, l’adoration du Saint Sacrement va tenir, avec la dévotion à la Vierge Marie, une place prépondérante. Par voie de conséquence, le mobilier liturgique doit s’adapter ; d’où, par exemple, l’invention du tabernacle destiné à recevoir le ciboire dans lequel le prêtre dépose les hosties consacrées. Il remplace l’armarium médiéval, simple niche creusée dans le mur à proximité de l’autel, et fermé par une porte de bois.
En outre, dans le rite de la messe post-conciliaire, le prêtre ne fait plus face au peuple. Il lui tourne le dos, de telle sorte que tous les regards, ceux de l’officiant comme ceux des fidèles, sont dirigés vers le tabernacle au-dessus de l’autel. Ce dernier, conçu non plus comme une simple table, mais sous la forme d’un tombeau à l’antique posé sur des gradins, se voit en général associé à un retable ou à un baldaquin richement ornés. La somptuosité du décor, l’éclat des dorures et des marbres, tout à l’intérieur de l’église contribue à mettre en valeur l’autel, lieu de la présence réelle. Face au temple protestant qui exclut les images peintes ou sculptées, l’église catholique, elle, ouvre toutes grandes ses portes à la création artistique. Celle-ci doit à la fois évoquer la gloire de Dieu et accompagner le fidèle dans ses prières, le conforter dans sa dévotion aux saints, à la Vierge ou au Saint Sacrement.
L’art baroque répond parfaitement à ces exigences. Art théâtral et fastueux, il fait d’abord appel aux sentiments et à l’émotion, en plein accord avec les mentalités religieuses de l’époque. Associé à la pompe imposante qui accompagne les cérémonies dans l’église, il a pour ambition, a-t-on pu dire, de donner aux hommes « un avant-goût de Paradis ». Et les anges sont omniprésents.
A Montauban, la confrérie du Saint-Sacrement avait été fondée en 1652 par Mgr. de Bertier. Dans un livret destiné aux « dévots confrères du Très Saint Sacrement », l’évêque évoque la cérémonie inaugurale "dans le chœur de l’église Saint-Jacques où étaient les deux vénérables chapitres, les magistrats et officiers du roi, et un grand nombre des principaux habitants de Montauban… Et, ajoute l'évêque, nous avons été prié de dresser quelques avis, statuts et règlements pour ceux qui voudraient se lier à honorer Notre Seigneur Jésus Christ dans la Sainte Eucharistie. » La confrérie montalbanaise désormais fera l'objet de toutes les sollicitudes de la part des évêques. Mgr. de Colbert, en 1687, confirme ses statuts et demande « qu'ils soient gardés et observés dans toutes les confréries du Très Saint Sacrement établies dans ce diocèse. » Une réédition du livret de Mgr. de Bertier, en 1757, montre que, plus d'un siècle après sa fondation, la confrérie montalbanaise restait bien vivante. Son siège se trouvait dans l'église Saint-Jacques où la première chapelle, à droite en entrant par la porte méridionale, était dédiée au Saint Sacrement.
La note de frais du sculpteur Pierre Rougier
Ceci nous ramène aux anges adorateurs du maître-autel de Saint-Jacques. On ignorait tout jusqu'ici de leur provenance ou de leur auteur. Et voici que les Archives départementales du Tarn-et-Garonne viennent de livrer deux documents qui permettent de tirer ces statues de l'anonymat dans lequel elles se trouvaient plongées.
Nous sommes en 1749. « Pierre Rougier, sculpteur, habitant de Montpellier », adresse une lettre aux consuls de Montauban au sujet des « deux anges adorateurs qu'il a mis en place à l'hôtel (sic) de la Paroisse (on désignait ainsi l'église Saint-Jacques, paroisse originelle de la ville). » Et compte tenu « des frais très considérables qu'il a été obligé de faire », achat du marbre, transport, manutention, il sollicite un complément, une rallonge, par rapport au prix fait initial, dont nous ignorons d'ailleurs le montant.
Il joint à la lettre un justificatif de ses dépenses estimées au total à 1 735 livres 18 sols. Six cents livres, soit près du tiers de la somme, ont servi à l'achat des deux blocs de marbre de Carrare. Les fameuses carrières de Toscane, exploitées depuis l'Antiquité, avaient connu un regain d'activité à la Renaissance. Michel Ange, grand consommateur de ce marbre immaculé, a beaucoup contribué au prestige dont il jouissait auprès des sculpteurs. Son "David" par exemple a été taillé dans un bloc de plus de quatre mètres de haut. Et lorsque le pape Jules II lui passa commande de son tombeau, Michel Ange n'hésita pas à partir pour Carrare où, huit mois durant, il partagea la vie rude des carriers, s'occupant personnellement de l'extraction et de l'équarrissage des blocs de marbre qu'il avait choisis.
Ensuite Pierre Rougier a du payer les « nautes » ( marins) des bateaux qui ont assuré le transport du marbre, d'abord de Carrare à Marseille via Gênes, soit 96 livres, 13 sols et 4 deniers, puis de Marseille à Sète moyennant 79 livres 10 sols . Et ceci, précise-t-il, « pendant la guerre », c'est à dire la guerre de Succession d'Autriche (1743-1748) où les Anglais, maîtres des mers, ne se privaient pas d'attaquer ou d'arraisonner les navires se dirigeant vers des ports français. Sète avait été créé de toutes pièces par Colbert en 1666 pour servir à la fois de tête de ligne du canal des Deux-Mers, et d'avant-port pour la ville de Montpellier, alors en plein essor économique. Après acquittement des droits de douane, 59 livres, 11 sols et 3 deniers, au bureau de Sète, les deux blocs de marbre parviennent sans encombre dans l’atelier du sculpteur , après avoir emprunté le canal ouvert à travers les étangs de la côte languedocienne.
À Montpellier, Pierre Rougier ne travaille pas seul. Il a reçu, nous dit-il, l'aide de « deux garçons esculpteurs - dont le salaire a été de 660 livres - pour la construction des deux anges adorateurs qui a été fort longue. » Mais il ne précise pas la durée. Montpellier était devenu un centre réputé du travail du marbre depuis l'installation de sculpteurs italiens. Certains d'entre eux venaient même de Carrare, comme les Baratta, marbriers de père en fils. Et ils gardaient des relations étroites avec leur pays d'origine, ce qui ne pouvait que faciliter les importations de marbre. Sur place, à Montpellier, ces Italiens ont formé des élèves. Ainsi le XVIIIe siècle peut-il être considéré comme l'âge d'or de la sculpture montpelliéraine. Place de la Comédie, la célèbre fontaine des Trois Grâces, sculptée elle aussi dans le marbre de Carrare, en demeure le témoin privilégié.
Une fois les adorateurs achevés, il restait à les expédier à Montauban, dans les meilleures conditions possibles. Ces statues étaient fragiles, surtout au niveau des ailes, presque entièrement détachées du corps, et il fallait leur épargner les chocs. Pierre Rougier fait confectionner par un menuisier deux grandes caisses qui lui reviennent, avec les clous, à 46 livres. Et les lourds colis partent sur le canal du Midi en direction de Toulouse, les frais de "port et les droits de canal" s'élevant à 100 livres, 16 sols. Depuis sa mise en service en 1681, le « Canal royal du Languedoc » de Paul Riquet facilitait grandement le transport de produits pondéreux, tels que les marbres. Le commerce des objets d'art réalisés dans ce matériau s'en trouvait stimulé. C'est vrai pour le marbre de Carrare ; c'est encore plus vrai pour celui de Caunes-Minervois en Languedoc. Grâce au canal, de vastes débouchés s'ouvraient pour les bénitiers, devants d'autel, colonnes, fabriqués en série par les marbriers de Caunes.
Pierre Rougier a de la conscience professionnelle ; il entend remettre les statues en main propre, et assurer lui-même leur mise en place sur l'autel de Saint-Jacques. Accompagné de l'un de ses aides, il fait le voyage « en voiture et en bateau », précise-t-il, pour la somme de 62 livres. On peut donc supposer que les deux hommes ont quitté Montpellier par la route pour gagner Agde, point de départ des barques de poste du canal qui mettaient en moyenne quatre jours pour transporter leurs passagers jusqu’à Toulouse. Malheureusement, la note de frais s’arrête là, et nous ne saurons sans doute jamais comment a pu s’effectuer la dernière partie du voyage, entre Toulouse et Montauban.
L'œuvre de Pierre Rougier à Montpellier et à Pézenas.
Il a été possible de retrouver la trace du maître marbrier Pierre-Antoine Rougier, alias Rogier, Rougé ou Roger, de Montpellier, dont l'activité se situait entre 1730 et 1750 environ. On sait par exemple qu'il a travaillé pour la compagnie des Pénitents blancs de cette ville. Il en faisait d'ailleurs partie. En 1738, il exécutait un « plan figuratif des gradins » pour l'autel de leur chapelle. Par la suite, il s'engagea à « perfectionner le tabernacle de cet autel », moyennant une rente viagère de 45 livres pour lui et son épouse Antoinette Jaoul. Pierre Rougier s'était, semble-t-il, spécialisé dans le mobilier d'église en marbre, les autels en particulier pour lesquels il y avait à l'époque une très forte demande. Les Archives de l’Hérault conservent encore de lui un projet d'autel, daté de 1745, pour l'église Sainte-Eulalie de Montpellier qui dépendait des mercédaires.
L'année suivante, on le retrouve à Pézenas où il vient d'obtenir l'adjudication des travaux de marbrerie dans la nouvelle collégiale Saint-Jean. L'effondrement du clocher qui datait du XIVe siècle, entraîna, à partir de 1739, la reconstruction complète de l’édifice sous la direction d'un architecte avignonnais, Jean-Baptiste Franque. La nouvelle église, d'un classicisme très pur, n'est d'ailleurs pas sans rappeler la cathédrale de Montauban. Mais alors que celle-ci n'a jamais été réellement achevée intérieurement, la collégiale de Pézenas a bénéficié d'un programme complet de décoration faisant pour une large part appel aux marbres.
Pierre Rougier, dans l'année 1746, va donc livrer les pièces du mobilier dont il avait reçu commande, les fonts baptismaux, la chaire à prêcher en marbres polychromes réalisée d'après les dessins de l'architecte Franque, et surtout le somptueux maître-autel à décor de rocaille qu'il a dessiné lui-même accompagné de ses deux « anges admirateurs » (ce sont les termes mêmes employés dans le contrat) en marbre de Carrare. Si ce n'était leur hauteur, un peu moins d'un mètre, ils pourraient passer pour les frères jumeaux des anges montalbanais : même attitude, mêmes gestes, un vêtement et une coiffure à peu près identiques. De trois ans antérieurs, ils constituent en quelque sorte les prototypes des statues de Saint-Jacques.
L'association adorateurs-marbre de Carrare que nous avons rencontrée à Montauban comme à Pézenas, n'avait rien d'exceptionnel au XVIIIe siècle. Chaque fois que les moyens financiers le permettent, ce précieux matériau est préféré au bois doré ou peint, car rien n'est trop beau pour le Saint Sacrement. À Toulouse, c'est un sculpteur de renom, François Lucas, l'auteur du grand bas-relief des Ponts-Jumeaux sur le canal, qui a taillé dans le marbre de Carrare les beaux adorateurs de l’église Saint-Pierre-des-Chartreux.
En revanche, nous ne connaissons pas l’auteur de ceux de Saint-Sauveur de Castelsarrasin, des œuvres de très grande qualité. Ces anges surmontaient le maître-autel que les Révolutionnaires détruisirent en 1793. Ils furent sauvés in extremis par une famille pieuse, les Magnes, qui habitaient en face l’église. Persuadant les Sans-culottes que ces statues valaient une fortune, ils réussirent à en obtenir la garde, à charge pour eux d’en négocier la vente, vente qui, bien sûr, n’eut jamais lieu.
Discussion :
- Louis Latour insiste sur l’intérêt de l’article de J.-Cl. Fau « Des carrières de marbre de Carrare au maître-autel de Saint-Jacques de Montauban : les anges adorateurs », paru dans le tome CXXV, 2000, du Bulletin de la Société archéologique et historique de Tarn-et-Garonne : au-delà de l’étude des statues de Saint-Jacques, il évoque l’origine de ces adorateurs – le souci du Concile de Trente d’exalter le Saint Sacrement – et leur prototype, les anges adorateurs du Bernin à Saint-Pierre de Rome.
- M. J.-P. Suau : L’étude consacrée aux « Autels et décors » par l’Association des amis des églises anciennes du département des Landes, intitulée « L’œuvre des Mazzetty dans les églises landaises, par Catherine Laviec » (1992) a le mérite de décrire les autels de marbre et les adorateurs de plusieurs églises landaises mais également d’expliquer le cheminement qui a permis à des marbriers d’Avignon de diffuser leurs œuvres dans une région très éloignée de leur ville d’origine.
L’étude met en valeur la production considérable des frères Mazzetty dans la région landaise. Tous deux sont marbriers et originaires d’Avignon mais Bernard-Virgile se consacre plus exclusivement à la fabrication alors que son frère Jacques-Antoine tient le rôle de démarcheur et de représentant.
C’est la nomination au siège épiscopal de Dax de Mgr de Suarez d’Aulan, originaire lui-même d’Avignon, qui va introduire les Mazzetty dans son nouveau diocèse. Lorsqu’il décidera en 1760 que l’église de Dax aura deux adorateurs, il s’adressera tout naturellement aux marbriers dont la réputation est déjà bien affirmée à Avignon.
Un peu plus tard, les frères Mazzetty doteront de leurs œuvres les abbayes et les collégiales du diocèse. Puis, faisant tache d’huile, leur production s’étendra à des églises plus modestes, durant le troisième quart de XVIIIe siècle.
Il est intéressant de noter comment la simple nomination d’un évêque peut expliquer la diffusion d’un art aussi loin de son pays d’origine.
- M. Gironce : Dans nos églises on reconnaît souvent les grands bénitiers en marbre incarnat de Caunes dont la vasque à godrons repose sur un pied en balustre, datés du XVIIIe siècle. Cette production a-t-elle continué aux siècles suivants ? Le poli de certains bénitiers semble indiquer une date plus récente.
- M. Pascal Julien : La production de ces bénitiers a continué après le XVIIIe siècle. On ne peut se fier à la qualité du poli pour dater ces pièces. Que l’on songe par exemple à l’extraordinaire poli des statues de Castelsarrasin, polies au plomb, datées du XVIIe siècle…
- Louis Latour : Les documents de Grimes relatifs aux ouvrages d’Auterive montrent les difficultés des marbriers et des sculpteurs à se faire payer. Ces problèmes financiers pourraient-ils expliquer l’énorme différence de prix entre les anges adorateurs de Montauban (note de frais de 1750 livres, en 1749) et ceux d’Auterive (650 livres, en 1784) ?
- M. Pascal Julien : Il faut distinguer nettement les commandes passées à un sculpteur de celles servies par des marchands marbriers qui écoulent une production de série. Il y a alors à Gênes un énorme stock d’œuvres standard où les intermédiaires peuvent s’approvisionner facilement. Les comparaisons de prix doivent être faites avec beaucoup de prudence, au cas par cas. Il est nécessaire de s’appuyer sur des études précises détaillant le prix de revient de l’œuvre, comme c’est le cas pour les adorateurs de Montauban.
Extraction et transport des marbres royaux pyrénéens.
Pascal JULIEN
Maître de conférences à l’Université d’Aix-en-Provence
L’histoire des carrières de marbre des Pyrénées n’a guère été abordée que pour l’antiquité, elle reste à écrire pour la grande période de regain d’activité des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, grâce à une documentation importante. Cette activité fut intimement liée au pouvoir royal, en particulier pour les profits économiques et moraux que représenta l’exploitation d’une ressource nationale mais aussi en raison de la diversité, de la qualité et de la profusion des roches qui furent exploitées. Nous n’indiquons ici que très sommairement quelques-uns des éléments qui seront plus précisément développés dans un ouvrage en préparation.
Certaines carrières, comme Saint-Béat, n’ont jamais connu de cessation d’activité mais nombre d’autres ne furent découvertes ou retrouvées qu’au XVIe siècle. Sous l’impulsion d’Henri II, pour répondre à la demande croissante des chantiers royaux, on rechercha activement des variétés belles et abondantes. L’ingénieur et architecte Dominique Bertin se vit confier cette tache par un privilège qu’il sut faire reconduire sous François II et Charles IX qui l’autorisèrent à exploiter des mines de métaux et de minéraux (or, argent, étain, plomb, marbre, jaspe, porphyre…) et à réquisitionner tous les moyens, terrestres et fluviaux, nécessaires au transport de ces matériaux.
La grande cheminée ainsi que des plaques de décors extérieurs du château d’Ecouen, témoignent de la portée de cette activité avec l’utilisation, notamment, de Grand Antique d’Aubert, de Rouge de Cierp ou de Sarrancolin. Ces identifications viennent contredire les traditionnelles attributions voyant en ces marbres des importations d’Italie. Les façades les plus anciennes du Louvre, le portail et la chapelle du château d’Anet, la cheminée du château de Villeroy témoignent encore, entre autres monuments, de l’importance de cette diffusion des marbres pyrénéens.
Au XVIIe siècle, le commerce des marbres perdura sous l’impulsion d’entreprises individuelles, parmi lesquelles on peut citer celle de l’architecte Pierre Souffron. Les cheminées conservées du château de Cadillac, ainsi que la chapelle sépulcrale des ducs d’Eperon, ont été décorées de nombreux marbres issus de ce commerce, marbres tels que la Brèche de Sauveterre ou le Vert de Campan, que l’on retrouve en de nombreux autres châteaux de la région où il officia.
Marchands et banquiers continuèrent à organiser le commerce du marbre pour le chantier de Versailles, dans la seconde moitié du siècle, mais Colbert institua une surveillance royale des diverses phases de la production et du transport, surveillance qui alla en s’intensifiant sous Louvois. Ces différentes opérations furent confiées, par contrat, à des entrepreneurs qui organisèrent le découvert et le creusement des carrières, confiant la taille à des ouvriers spécialisés, notamment franc-comtois. L’assistance d’ingénieurs royaux permit d’optimiser cette production. Enfin, au XVIIIe siècle, le contrôle royal fut renforcé plus encore.
Discussion :
- Les marbres du Roussillon, en particulier de Céret, de Villefranche-de-Conflent… qui étaient exploités au Moyen Âge ont-ils été encore utilisés aux XVIIe et XVIIIe siècles ?
- M. P. Julien : Nous connaissons des essais d’utilisation du marbre blanc du Roussillon qui tournent court à cette époque. Au-delà des raisons politiques, il y a aussi des problèmes de goût, de coût et de transport qui peuvent expliquer cette désaffection.
- Pour quelles raisons les Etats-Unis importaient-ils du marbre de France alors qu’ils possédaient des carrières de marbre de qualité ?
- M. Anglade : Après la guerre de 1914, les navires américains qui avaient porté du matériel en Europe, pour ne pas repartir à vide et pouvoir affronter les tempêtes, lestaient la cale avec du sable. Un des armateurs eut l’idée de remplacer le sable par un chargement de blocs de marbre plus facile à manutentionner. Ainsi se créa un stock de marbre sur les quais de New-York qui permit l’achat de marbres européens et leur transformation sur place. Plus tard, la différence des salaires entre l’Europe et l’Amérique rendit plus économique l’achat d’œuvres finies en France ou en Italie que leur fabrication aux Etats-Unis.
- Mme Bellini : Pourquoi faire venir du marbre blanc de Carrare alors qu’on en trouve dans les carrières pyrénéennes ?
- M. Pascal Julien : Du marbre très blanc de Saint-Béat a été exploité de l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge. L’épuisement de la veine de qualité est intervenu au XVIe siècle et, depuis, les veines accessibles n’ont donné que du second choix. La recherche du marbre blanc de qualité a été, mais en vain, le souci constant des surintendants des bâtiments du roi pendant tout l’Ancien Régime.
- Quelles étaient les conditions du transport fluvial du marbre sur la Neste et la Garonne ?
- Sur les cours d’eau flottables, les radeaux étaient guidés ou tirés depuis des chemins de halage que l’on entretenait régulièrement. La traction était animale. Les blocs étaient arrimés sur les radeaux par des cordes : des nœuds spéciaux permettaient de les dégager instantanément en cas de danger.
- M. Manière : Il faut insister sur le rôle régulateur du port de Montréjeau, près du confluent de la Neste et de la Garonne. Les marbres, déchargés des radeaux, étaient embarqués à nouveau sur des barques à destination de Toulouse.
- M. Pascal Julien : Le trafic de ces blocs était si important qu’un terrain fut acheté en 1686 pour la création d’un port du marbre à Montréjeau où l’on entreposait les marbres pyrénéens avant leur réexpédition vers Toulouse.
- Mme Bayle : On utilisait aussi les barques pour expédier en amont les produits finis. Il en fut ainsi pour remonter sur l’Ariège, à partir de Toulouse, l’autel en marbre de Varilhes et son retable, le voyage s’achevant toutefois par un charroi terrestre.
- M. Gironce : En dehors des Pyrénées et du Languedoc, n’exploitait-on pas du marbre dans d’autres régions françaises ?
- M. Pascal Julien : Jusqu’au XVIe siècle les marbres les plus utilisés proviennent surtout des Pyrénées. Puis, à partir du XVIIe siècle, des Pyrénées, du Roussillon, de la Provence et du Bourbonnais. On assiste ensuite à une plus grande diversification liée aux progrès des voies de communication et du commerce intérieur.
Commande et processus de création :
deux cas.
Bruno TOLLON
Professeur à l’Université de Toulouse-Le Mirail
L’étude d’une production artistique (programme public, château ou décor d’église) passe par la compréhension du processus d’élaboration qui va du projet à l’exécution. Cette enquête intéresse nécessairement autant le commanditaire que le maître d’œuvre. Les rapports entre le client et l’artiste sont au cœur de la compréhension de l’œuvre d’art car les motivations du patron, l’influence plus ou moins grande qu’il exerce sur le responsable de l’ouvrage, la façon de préciser ses intentions, la formulation de ses choix, intéressent autant l’historien d’art que la culture artistique de son interlocuteur, qu’il s’agisse d’un peintre, d’un sculpteur ou d’un architecte.
Mais il est finalement assez rare de pouvoir disposer d’informations suffisantes pour pouvoir préciser la part qui revient à chacun dans ces échanges ou ces débats qui accompagnent toute commande. L’enquête n’est pas facile à conduire. La documentation courante fournit, au mieux, des noms, des dates et des montants, ou la nature des matériaux. Les sources proviennent des minutes notariales, de registres de fabrique des confréries ou des communautés religieuses, des livres de raison rarement. Autant de données factuelles qui placent en face du résultat et n’éclairent point sur la démarche qui a permis d’y parvenir. Il y a du moins de rares exceptions. On connaît les concours pour la façade est du Louvre ou celle du Capitole de Toulouse, sans remonter à la confrontation Ghiberti/Brunelleschi pour les portes de bronze du « bel S. Giovanni » de Florence.
Dans le cadre des travaux qui nous réunissent aujourd’hui, deux commandes qui touchent la sculpture pour la technique et le marbre de Carrare pour le matériau, peuvent apporter une réflexion sur le processus de création. Elles concernent deux ateliers italiens de sculpture sur marbre connus pour leur clientèle internationale. Ainsi ce résumé de communication peut se placer à l’articulation des interventions précédentes.
Le premier cas est exemplaire à bien des égards. Il concerne un dévot toulousain de grande culture, Gabriel Vendages de Malapeire (G.V.M.) et la reconstruction de la chapelle de la confrérie dédiée à N.-D. du Mont-Carmel qu’il patronne. Il assume à la fois les frais d’une construction toute romaine (1671-1691) – et vignolesque – dans son esprit, avec sa haute coupole au-dessus d’un tambour qui inonde l’édifice de lumière, et ceux de la décoration luxueuse, abondante et polychrome dans laquelle on a voulu reconnaître le type même du baroque ornemental. On peut sans difficulté laisser de côté ces catégories baroque/classique pour ne retenir qu’un examen détaillé des choix et des motivations de G.V.M. Fort heureusement pour nous, il a éprouvé le besoin d’étaler au grand jour ses intentions, le choix des exécutants, le programme iconographique et les points de dogme qu’il tenait à exprimer par l’image de dévotion, dans un livre qu’il publie à ses frais en 1692.
Le système de ces grands ateliers bien organisés permettait de faciliter à distance le choix du client et de l’assurer d’une exécution conforme au modello dans le matériau le plus noble qui soit pour la sculpture statuaire – le marbre de Carrare.
On a souvent voulu placer Guidi du côté de l’Algarde qui passe dans l’historiographie traditionnelle pour représenter l’esprit classique quand les œuvres du Bernin fourniraient le prototype du baroque. Le débat ne sera pas repris ici. Ce qui paraît plus intéressant pour la compréhension de la sensibilité artistique de G.V.M., c’est de mesurer l’éventail de ses choix. Soucieux de qualité d’exécution, de « beau métier », il a choisi avec soin ses artistes. Pour les peintres, il n’a pu avoir Charles Lebrun, il a puisé parmi les Parisiens de la génération suivante avec Lafosse, Blanchard et Cotelli, sans écarter les Toulousains comme Jean de Troy et Michel ou le Rémois établi à Toulouse et proche des Le Sueur, François Fayet. Et ce qui réunit ces artistes – tout autant que pour le sculpteur Gaillard Bor – c’est qu’ils sont capables d’exprimer pleinement les intentions du commanditaire et de répondre aux exigences du « grand goût ». Les mêmes raisons lui ont fait choisir un « maître du marbre » avec Guidi et son très actif atelier pour « la figure de marbre blanc, une Vierge tenant son fils entre ses bras » couronnement de toute son entreprise. À ses yeux, la variété des mains compte moins que la cohérence du programme qu’il a voulu imaginé dans « le même esprit dont l’unité fait une des plus grandes beautés »…
On mesure là combien il est souvent imprudent et superficiel de s’en tenir à l’analyse des formes seules. Le mémoire de G.V.M. nous a permis de mesurer l’horizon culturel d’un des représentants du milieu parlementaire parisien attentif aux courants artistiques, aux plus belles réalisations de Paris et de Rome pour puiser auprès des meilleurs ateliers ce qui pourra le mieux servir sa passion spirituelle.
C’est également le mode opératoire : modello de cire utilisé pour recueillir les commandes, ordres d’exécution adressés à l’atelier de praticiens ou de collaborateurs et acheminement dans les plus brefs délais, qui concerne le second cas.
Il s’agit de l’emprise exercée par un de ces ateliers italiens au milieu du XVIIIe siècle. Les Fossatti, les Mazzetti ont été étudiés comme les Baratta pour le Languedoc. L’étude pour ces derniers remonte à 1977. Elle tirait parti d’une correspondance conservée pour deux chantiers de Baratta à Castres et à Carcassonne. On y voyait le rôle joué par les modèles aptes à obtenir la décision du client, avant de profiter du nouveau moyen de transport qu’est le canal de Languedoc pour acheminer en pièces détachées les ouvrages qui ont été sculptés dans l’atelier installé à Gênes ou dans un autre port de Ligurie.
Le gros ouvrage consacré à la Scultura a Genova e in Liguria, tome II, Gênes, 1988, montre l’importance du « maître du marbre » à travers les innombrables témoignages des églises, palais, jardins et fondations charitables de Gênes et de la Ligurie mais aussi leur rayonnement international de la Granja à l’Autriche et à Saint-Petersbourg.
Les Baratta, sans avoir gagné en talent et célébrité la place des Parodi ou des Schiaffino, figurent parmi les carraresi disciples de l’école d’Anton-Domenico Parodi, tous excellents. L’un d’eux, Pietro Baratta (1668-1733), actif dans le Veneto, reçut commande de Pierre le Grand. Son frère Giovanni fait carrière après sa formation à Rome et Florence et reçoit même un titre exceptionnel de Comte de Massa (près de Carrare) en 1731. Les deux Baratta, Isidore et Giovanni, père et fils, actifs en Languedoc (Montpellier, Albi, Carcassonne et Toulouse), forment une autre branche de cette famille aussi prolifique que celle des Parodi, Carlone, Aprile… Ils ont conquis des marchés, savent « fidéliser » une clientèle (marbres de fontaines, de cheminées, jusqu’aux dessus de commodes…) tandis que la mise en place d’une commande importante (l’autel de la Platée à Castres, la fontaine de Neptune à Carcassonne) contribue à la publicité de leur vaste production.
Ainsi la connaissance détaillée du processus qui conduit du projet à l’exécution met en présence d’un système très élaboré, avec ses pratiques commerciales et pour la réalisation, taille et sculpture confiées, au sein de l’atelier, à des praticiens spécialisés dans des aspects très précis qui permettent de réaliser à grande échelle.
Un tel aspect ne doit pas nous amener à minimiser l’intérêt artistique des œuvres mais à mieux comprendre les conditions réelles de la vie artistique.
Bibliographie
Gabriel Vendages de Malapeire. Description de la chapelle de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, Toulouse, N. Henault, 1692, réédité à la suite de l’article de Sabine Coron-Lesur, « La chapelle de Notre-Dame-du-Mont-Carmel au couvent des Grands Carmes de Toulouse », Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, nouvelle série, 8, année 1972, Paris (1975), p. 127 à 162.
Bruno Tollon. « Sculpteurs italiens en Languedoc au XVIIIe siècle. Les Baratta de Carrare », Gaillac et Pays tarnais, actes du XXXIe Congrès de la Fédération des Sociétés académiques et savantes Languedoc-Pyrénées-Gascogne, Albi, 1977, p. 339 à 351.
A.D. Tarn G 564 (liasse). Correspondance des Baratta citée par Bruno Tollon, p. 349-350.
A.M. Carcassonne DD 7 (aux AD de l’Aude), cité par Bruno Tollon, p. 350.
La scultura a Genova e in Liguria dal seicento al primo novocento, volume II, Cassa di Risparmio di Genova e Imperia (Elena Parma Armani et Maria Clelia Galassi dir.), 1988, plus spécialement p. 213-296 pour Francesco Maria et Bernardo Schiaffino, Francesco Baratta, Anton Domenico Parodi et Giacomo Antonio Ponsonelli, dans le rayonnement desquels s’inscrivent l’activité et les choix stylistiques des Baratta comme des Mazzetti.
ANNEXES
Annexe 1. « Autel pour la chapelle Ste Trinité ». (Archives paroissiales d’Auterive, liasse n° 156).
Annexe 2. Tabernacle en marbre du maître-autel. (Archives paroissiales d’Auterive, liasse n° 156).
Annexe 3. Les adorateurs. (Archives paroissiales d’Auterive, liasse n° 156).
Annexe 4. Correspondance de Grimes, maître marbrier de Caunes. (Archives paroissiales d’Auterive, liasse n° 156).
Annexe 5. Lettre du sculpteur Rogier aux consuls de Montauban. (Archives municipales de Montauban, DD 1846).
Annexe 6. Lettre du maître marbrier Mazzetty. (Archives départementales du Tarn).
Nous avons imprimé en gras certains passages de ces textes pour souligner leur lien avec les thèmes développés au cours de la journée foraine.
Annexe n° 1
Archives paroissiales d’Auterive, liasse n° 156. 23 .novembre 1748
Autel pour la chapelle Ste Trinité.
« Nous soussignés, Jean Pierre de Noel et Guilhaume Pinaud bailhes de la Confrérie de la Trinité érigée dan l’église d’Hauterive, faisant tant pour eus que pour les autres bailhes nos confrères, et du consantement de la frérie, et Joseph Grimés ayné, habitant de Caunes, avons conveneu ce qui suit sçavoir que moy susdit Grimés m’oblige de faire à la chapelle de ladite confrérie un autel à dire la messe, de marbre, sçavoir la corniche de gris agate de la longueur de dix pans avec les consoles et bases dudit autel du mesme marbre, le fons dudit autel du marbre griote de mesme que les côtés ; il y aura une incrustation sur le devant dudit autel de marbre brelatel d’Espagne et le marche pied de marbre incarnat. Le gradin de marbre griote incrusté de brelatel d’Espagne. Le tout propor(tionné) et conforme au plan signé de nous. Sur le gradin il y aura un pied destal d’un gris agate d’un hauteur proportionnée incruté d’un autre marbre. Le marche pied arondi sur ses deus coins de devant et le fons vuide. Le gradin aura sept pouces de hauteur sur un pied de large sur neuf pans de longeur. La corniche aura huigt pouces de large et environ sept pouces de hauteur et la base de six à cept pouces. Le tout randu à Gardouch ou à Montgiscard, s’oblige de faire charger à un de ces deux endroits et décharger à Hauterive où il le placera selon les règles de l’art d’icy au mois de 7 bre. Le marche pied aura six pouces de hauteur et les ront seront avec leur filet et conget. Plus s’oblige de faire pour l’autel de la dite chapelle, au-dessus, deux coulomnes d’un marbre incarnat avec les basses d’un gris agate, trois panaus pour les pieds des tours ou pour le dessous de la console, de marbre incarnat. La hauteur de la coulomne sera proportionée au retable plus quatre (…) de chaque côté de marbre incarnat, plus une pointe de chaque côté de l’oreille du quadre du mesme marbre, plus deux porte beuretes d’un gris agate. Le tout fort proprement travallé, s’obligent de [faire] les susdites dernières pièces aus mesmes conditions stipulées pour l’autel, et nous susdits bailhes nous obligeons de payer audit Sr Grimmés la somme de sept cens livres pour le pris du susdit ouvrage, sçavoir celle de deux cens frans dans quinse jours entre les mains et quittance de Mr Maragou* et, par préalable, la caution donnée, deux autres cens frans à la réception de l’ouvrage, cent cinquante livres l’année après, et finalement les cent cinquante livres restant l’année après ; nous dits bailles prometons de fournir la masonerie qui sera nécessaire.
Fait double ce vingt et trois 9 bre 1748.
Grimes ayné aprouant le lecture.
Au-dessous de l’acte, le reçu suivant, de l’écriture de Grimès père, puis rayé :
J’ay resu des mesieurs les balles de la confrérie de la Sainte Trinitée la somme de cant cinquante livres pour le cecond payement.
A Auterive ce 16me julliet 1750.
Grimes père.
* Philibert Maragou, directeur de la Manufacture royale d’Auterive. Il fut conseiller de la Confrérie Sainte-Trinité en 1753.
Annexe n° 2
Archives paroissiales d’Auterive, liasse n° 156. 2 décembre 1783
Tabernacle en marbre du maître autel.
A Monsieur
Caunes le 2e Xbre 1783 Monsieur Mis bourgois
A Auterive.
Monsieur,
Le mauvais temps des mois de 8bre et 9bre qui sount ettés oribles, il a tant plu que nos rivières ont débordé et ont fet des ravages inaprésiables, les chemins emportés et le canal crevé en trois endroits a arretté la navigation. Enfin tout comence à reprendre son train. Si vous voyés que vos chemins [sont] praticables, sur laffin du mois je viendres placer vos ouvrages de mesme que l’autel de monsieur l’abbé Niel qui est tout prêt. Je vous prie l’assurer de mes respets et lui dire s’il veut le placer dans le mesme temps que les vôtres. Mon fis qui vous fait bien ces compliments travaille au tettes de chérubin du desceu du tabernacle et ensuitte fera celles de l’autel et puis le St Esprit pour le millieu. Cant au couronnement du tabernacle, sy vous ne vous dessidés à le changé conformément à mon dernier projet, nous ne ferrons rien qui vaillie tant pour la bauté que soliditté, qui ne pourra s’y trouver à cause que le tabernacle se trouvant ellevé on ne scauret arretter* la niche de l’esposoir, il faut apsolument faire faire deux ailles de chaque cotté, et faire les cottés du tabernacle à neuf et y doner une suffissante espessur pour pouvoir arretter* le tout, vous scavés que j’aime les ouvrages en règle et la soliditté et je ne voudriés pas faire naufrage au port pour une légère augmantation qui est d’ailleurs indispensable ; vous me dirés votre façon de pencer parce que je veus tout avoir parachevé à la fette St Paul.
Je suis avec respect votre
afectionné servitteur,Grimes
Sy vous aviés du founs vous me ferés
plaissir de payer à Mr Maragou 102 livres 16 s(ols) 3 (deniers)Je ne vous ay point parlé de la voitture des passans qui passeret par Toulouse on des problèmes à ce que me marque Mr Maragou, voyés de vous faire remetre la voitture du canal et la payer. Je vous tiendés le tout en coumpte de ce qu’il me regardera.
* arrêter : fixer, assujettir, consolider. Ex. : arrêter un volet (Quillet. I. p. 123).
Annexe n° 3
Archives paroissiales d’Auterive, liasse n° 156. 20 décembre 1784
Les adorateurs
A Monsieur
Monsieur Mis cadet
bourgois d’Auterive
A Auterive.Caunes, le 20 Xbre 1784.
Monsieur,
Les adorateurs sount enfin arrivés à Fusquel de depuis quelques jours. Je ne puis vous le livrer au prix que vous me proposés. J’y aurés sent livres de pure perte se qui ne seret guere areable apprès avoir avancé mon argent de depuis long temps. Je suis faché de ne pouvoir pas mieux faire dans cette rencountre ; je le garderés encore pour ne pas y perdre sy le puis ; on m’écrit que ces pièces valet 1000 livres, sepandent je n’exigerés pas cette somme à des amis n’ayant pas accoustumé à tant ganié ; sy vous pouvés parvenir à trouver 650 livres, je vous les livrerés rendus à Mongiscard et mis en place comme ount ettées toutes nos entreprises ; sy vous les apsceptés à ce prix, marqués le moy avant que j’en dispose aillieurs sy l’occasion s’en présantet. Comme il faudret démounter l’autel nous ferions le tout à la fois. J’ay remis chés monsieur le Baron depui maurin [de Puymaurin] à Mr Rosiniol [Rossignol] la jerve [gerbe] bois doré pour terminer le couronement de l’esposition pour l’envoyer à Mr Maragou pour vous être remise. Vos ouvrages et ceux de monsieur le curé de St Pierre ne pouroient être en place que apprès les fettes de Pâques qui sount proches cette ennée, de mesme que l’autel de Mr le prieur de Laval à St Léon. Je vous prie d’assurer de mes respets monsieur l’abbé Niel et vous prie lui dire au cas j’euse besoin du mountant de son billiet du solde de l’autel d’Auraignie [d’Auragne] qui ne sera échi que au mois de mars, par tout le mois prochen s’il pouret me le coumpter, et vous auriés agréable de me le marquer, ce que attandent de vos bountés ordinaires ay l’honneur d’être avec une parfaitte counsidération
Monsieur,
Votre très humble et très
obéissant serviteur
Grimes.
Je vous pris aussi de prier le monsieur pour qui
ettet les deux tables marbre que j’ai envoyé avec la vôtre
de vous en remetre le mountant qui est au plus
juste 36 livres. Je vous dieés l’usage que j’en dois faire
apprès que vous l’aurés resceu de ces deux créanciers.
Annexe n° 4
Archives paroissiales d’Auterive, liasse n° 156 1787-1788
A Monsieur
Monsieur Mis bourgois
A Auterive.
Toulouse, le 10 julliet 1787,
Monsieur,
Je reçeus votre lettre dans laquelle vous me dittes que Mr le Curré de St Pierre a d’argent à me donner, de mesme que vous. Je l’apcepterai avec plaisir, fut-il en double Louis. Je passeré à mon retour d’Auch. Je vous prie en prévenir Mr Maragou ; Monsieur Selleriri a sans doute oublié le marché qu’il a fait avec nous qui etté sinq Louis, et mon fils en retient deux, reste trois. Sy l’occasion se présantet de lui en parler, vous m’obligeriés. Attandant le plaisir de vous voir, suis avec une parfaitte considération
votre très humble
serviteur,Grimes.
A Monsieur
Monsieur Mis bourgois cadet d’Auterive,
à Auterive.
Caunes, le 8 novembre 1788,
Monsieur,
Vous trouverés sy inclus la quittance de deux cens livres que vous me demandés à coumpte des ouvrages en marbre que j’ay placés au rétable de l’église St Pierre St Paul d’Auterive, vous pourés remetre sy c’est votre boun plaisir la ditte somme de 200 livres à Monsieur Jobilin qui aura la bounté de me la faire coumpter à Toulouse chés Mr de Puymaurin, et je me prévaudrés sur lui de la ditte somme. J’ay beaucoup de paine que vous quitiés d’être baile, ce qui me fait présumé que les ouvrages proposés à faire au sanctuaire ne s’exécuteront point. J’espère sepandant que vous ferés toujours l’arboutant et dirigerés les affaires pour terminer une décoration que vous avés faite par votre zèle. J’aurés bien désiré pouvoir venir moy mesme à l’épocque que je devais placer les ouvrages de Monsieur de Presac, mais nous sommes chargés de tant d’ouvrage qu’il a etté imposible. Sepandant sy le temps reste au beau j’aurés le plaisir de vous voir dans le mois prochen, les ouvrages étant bien avancés. Je vous prie faire agréer de mes respects très humbles à mon dit sieur de Presac, de mesme que à Mr le curé de St Pierre et lui dire que s’il pouvét joindre un autre payement de son autel pour joindre au vôtre, il m’obligerét. Je prie saluer de ma mart mons. Jobelin et sa famillée. Je joins dans l’enelupe [l’enveloppe] une letre pour M. l’abbé Maragou que vous aurés agréable lui faire passé. J’espère de vous cette grâce et selle de [me] croire pour la vie le plus afectionné de vos serviteurs,
Grimes.
Comme peut-être Monsieur l’abbé Maragou ira dans le cas de me faire parvenir quelque argent par la mesme voye, je vous prie lui faire pasér le livre le plutôt posible.
Annexe n° 5
Archives municipales de Montauban. DD 1846. 1746.
Monsieur Maurice Scellès a bien voulu me communiquer ce document découvert aux Archives départementales du Tarn-et-Garonne. Il complète bien le dossier des Anges adorateurs de Saint-Jacques, à Montauban, et je tiens à lui exprimer ici toute ma gratitude.
Il s’agit d’une lettre adressée aux consuls de Montauban, les commanditaires, par le sculpteur Rogier de Montpellier (Arch. com. de Montauban, DD 1846) :
Mesieurs,
Je fu surpris de lors que jai receus les modelle des deux ange adorateur, que celui qui me les a remis n’aïant ocune letre de vous autre mesieurs. Sependan, samedi passé jai receus avec plaisir votre letre par laquelle vous me marqué voutre santimen, je suis charmé que vous aiés trouvé un des deux ange adorateur a voutre gré. Je vous promet don de les faire tous deus avec les genoux a terre, de même que la tette quelle regardera en bas. J’espère que en vous fesant ce que vous troverés à propo que vous aurés lieu d’etre comptan.
Il est vrai que notre police porte de le feire suivant le dessein que vous mavés onoré à manvoyer, et meme que je le garde jusque à ce que je vindrai a vous porter louvrage et alors je vous le remetrai. Soyés don tranquille sur tous, que jespère de vous contanter en tout.
Jai communiqué voutre letre a Monsieur de Luseman et il ma prié de vous feire reponce moy meme.
Mesieurs sofrés que je me onore de vous presanter mes respects, et croiés que je suis avec sincerité
voutre tres houmble serviteur,
a Montpelier le 13 octobre 1746 (signé) Rogier
Cette lettre suscite quelques remarques :
- Les consuls de Montauban passent par un intermédiaire, M. de Luseman, (dont nous ignorons l’identité) pour entrer en rapport avec Pierre Rogier à Montpellier.
- Il s’ensuit tout un échange de correspondance, et même de dessins, entre commanditaires et artiste. Ce dernier a adressé un premier projet, puisque les consuls disent avoir trouvé « un des deux anges à leur gré ». Puis, il reçoit à son tour un croquis, accompagné d’un certain nombre de desiderata, « regards tournés vers le bas », ou encore « genoux à terre », souhait qui d’ailleurs ne sera pas respecté pour l’une des deux statues.
- Enfin ce document apporte une précision sur le long délai demandé, trois ans environ, entre la commande (1746) et la livraison (1749).
Jean-Claude Fau
Annexe n° 6
communiquée par Alain Le Guehennec,
président de l’Association culturelle du Pays Vielmurois ( 81570 Vielmur-sur-Agout)
Lettre de Mazzetty
relative à l’autel de l’église de Saint-Affrique.
A Lille d’Alby, ce 15e mars 1784,
Monsieur,
La conséquençe des mesures que j’ai prises pour le mètre-autel du colège d’Alby, et des observations juditieuses que vous mi avez faites, je vous envoy un nouvel esquiçe qui, quoy qu’assés conforme au dessein que j’ai eu l’honeur de vous faire voir, sera mieux à propo.
Vous pourés le fair voir et, si la forme en est agrée, je m’engage à l’exécuter en marbre dans touttes ses proporsions et le poser en son temps au lieux et place de celui qui esistte pour le pris et somme de neuf cent livres et la vieille maçonerie que je me réserve pour reconstruire l’autre. Je ne puis le faire à meilleur marché.
Détaill
La table de l’autel aura 7 pied 8 pouces de long, 2 pied 2 pouces dee large. Elle sera de marbre rouge incarne (couleur qui relève beaucoup les dentelles qui pendent hordinairement au napes).
Quatre consoles de blanc véné incrustées de brocatelle d’Espagne plaçées aux angles porteront laditte table et seront elles memmes suportées par un socle de Rouge qui formera la base de tout l’autel.
Au milleu sera un grand paneaux de verd de Géne bordé d’unne petitte douçinne en boy doré et d’unne large plate bande de jaune de Sienne.
Le gradin, l’arière gradin et le tabernacle seront tous de Blanc véné incrustés les uns de verd et les autres de Brocatelle.
La Gloire ou esposition qui est au desus du tabernacle sera un boy doré ainsi que la porte du tabernacle.
Il y aura deux girendoles à deux branches chaques et qui seront en fer doré.
Je me charge aussi de faire tapisser en satin le dedans du tabernacle et enfin de fournir tout ce qui concerne la construction du dit autel sans cependent entrer en rien ni pour les marches ni marchepied.
Cet tout ce que je puis faire pour ce pris.J’ai l’honeur d’estre avec le plus respectueux atachement
Votre très humble et très obéissant
Monsieur serviteur,
Fd. Mazzetty
Remerciements.
Nous tenons à remercier tous les participants, conférenciers ou simples intervenants, qui ont permis la réussite de cette journée foraine, tant sur le plan convivial par la qualité des rencontres personnelles que sur le plan historique par la richesse des communications et des discussions qui les ont prolongées.
© S.A.M.F. 2002. La S.A.M.F. autorise la reproduction de tout ou partie des pages du site sous réserve de la mention des auteurs et de l'origine des documents et à l'exclusion de toute utilisation commerciale ou onéreuse à quelque titre que ce soit.