Mémoires |
BULLETIN DE LANNÉE ACADÉMIQUE
2005-2006
établi par Patrice CABAU & Maurice SCELLÈS
Les parties non reproduites dans l'édition papier apparaissent en vert dans cette édition électronique.
SÉANCE DU 4 OCTOBRE 2005
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier,
Scellès, Secrétaire général, Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, M. Cabau,
Secrétaire-adjoint ; Mmes Cazes, Napoléone, Pousthomis-Dalle, MM. Bordes,
Boudartchouk, Peyrusse, membres titulaires ; Mmes Barber, Béa, Fraïsse, Galés,
Guiraud, Jiménez, MM. Barber, Stouffs, membres correspondants.
Excusés : M. Latour, Bibliothécaire-adjoint, Mme Conan, M. Testard.
La Présidente
prononce l’ouverture de l’année académique 2005-2006, qu’elle souhaite
à tous riche sur les plans personnel et scientifique.
Le Secrétaire
général donne lecture du procès-verbal de la séance du 14 juin 2005, qui est
adopté après une correction de détail.
La Présidente rend compte de la correspondance imprimée, qui comprend de nombreuses invitations qui nous sont parvenues pendant l’été et sont désormais caduques. La correspondance manuscrite se limite à une lettre de M. Michel Vidal, chargé de mission pour l’archéologie à la D.R.A.C. de Midi-Pyrénées, qui nous informe que contrairement à ce qui est indiqué dans notre Bulletin de l’année académique 2003-2004, il ne s’est pas « retiré pour achever l’étude des puits [du quartier Saint-Georges] et les publier », mais qu’il assume de nombreuses missions tant au plan régional que national : fouilles programmées ou préventives, expositions, CIRA Ouest, comités de lecture, etc.
Deux ouvrages sont offerts à notre bibliothèque :
-
Jean-Charles Balty et Daniel Cazes, Sculptures antiques de Chiragan (Martres-Tolosane).
I.1. Les portraits romains. Époque julio-claudienne, Toulouse, Musée
Saint-Raymond-Éditions Odyssée, 2005, 209 p. (don de Daniel Cazes) ;
- Marianne
et Marie, patrimoine républicain et religieux en Bouriane 1850-1930,
D.E.S.S. Patrimoine de Cahors, 2005, 72 p. (don de Louis Peyrusse).
Le Secrétaire général rend compte de trois courriels qui nous ont été adressés. Le premier émane d’une association pour la Renaissance de l’abbaye de Roseland et présente le projet qui est proposé à la Ville de Nice, propriétaire des lieux. Notre Société est toujours attentive au sort de cette abbaye factice due à l’antiquaire Larcade et dont le cloître est constitué de nombre de colonnes et chapiteaux provenant de Bonnefont et du chœur de l’ancienne église Notre-Dame la Daurade. Le deuxième courriel nous alerte sur les risques que font courir des labours récents au site de la villa de Sana à Martres-Tolosane : le Directeur propose de suivre l’affaire. C’est enfin un membre de la Société philatélique Philandorre, et collectionneur des cartes postales Labouche, qui souhaite établir un contact avec notre Société.
La parole est à Françoise Galés pour une communication sur La tour du beffroi de Millau, publiée dans ce volume (t. LXVI, 2006) de nos Mémoires.
La Présidente
remercie Françoise Galés de nous avoir fait découvrir un édifice en effet
remarquable par bien des aspects, et dont le nombre des équipements et des
circulations ménagés dans l’épaisseur des murs est tout à fait étonnant.
Daniel Cazes a été frappé par l’utilisation de pierres de couleur différente :
blanche, ocre jaune, noire… qui aboutit des effets de polychromie très
recherchés. Connaît-on la provenance des matériaux de construction ?
Françoise Galés indique que le tuf provient certainement de carrières proches
de Millau, et qui étaient exploitées encore récemment, tandis que le calcaire
provient du « pays maigre » ; quant au grès jaune, il pourrait
provenir de Soulobres, mais cela n’est pas vérifié.
À propos des
dispositions intérieures, Françoise Galés signale que la tour de Bramevaque,
dans les Hautes-Pyrénées, peut être rapprochée de celle de Millau, encore
qu’il s’agisse d’une construction moins prestigieuse. Nelly
Pousthomis-Dalle évoque l’une des deux tours de Mouret, d’époques différentes,
qui comporte un escalier en vis mais pas d’équipements domestiques. Maurice
Scellès fait remarquer qu’à Millau, il faut peut-être parler de lavabos et
non d’éviers.
La discussion
porte ensuite sur la fonction de la tour. Tour de défense ? demande Hélène
Guiraud. Françoise Galés montre que son architecture très recherchée en fait
plutôt une tour de prestige. Son érection dans la ville exprime la présence
du roi d’Aragon, face aux possessions du comte de Toulouse. Françoise Galés
souligne que personne n’est plus en mesure de construire une telle tour après
1218. Faisant référence aux travaux de Gilles Séraphin, Maurice Scellès
rappelle la fonction symbolique des donjons, parfois support obligatoire de
l’hommage.
Guy Ahlsell
de Toulza remarque qu’il en va de même des tours urbaines, et il rappelle
qu’à l’évidence les tours de Florence, de Bologne ou de San Geminiano
n’ont d’autre rôle que de signaler la demeure de la famille qui l’érige ;
plus proche de nous, la tour de Saint-Antonin-Noble-Val a une fonction analogue.
Bernadette
Suau s’intéresse à la situation de la tour dans la ville et à la
topographie urbaine de Millau à la fin du XIIe siècle. Françoise
Galés précise que la tour se place au centre de la ville, puis elle énumère
les quelques éléments connus pour cette période, indiquant que l’analyse
des archives permettra peut-être de compléter le panorama.
Mazères-sur-Salat,
église Sainte-Matrone, élévation nord de la nef. |
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Mazères-sur-Salat,
église Sainte-Matrone, |
Mazères-sur-Salat,
église Sainte-Matrone, |
La Présidente donne lecture d’une note de Gabriel Manière sur l’église Sainte-Matrone à Mazères-sur-Salat : après avoir indiqué que sainte Matrone est une christianisation d’un qualificatif de la déesse romaine Junon, notre confrère attire l’attention sur le petit appareil cubique qui constitue une grande partie des murs de la nef, petit appareil qui rappelle les constructions romaines. Tout en faisant circuler les photographies qui illustrent la communication, Michèle Pradalier-Schlumberger observe que l’édifice montre des différences d’appareil bien marquées. Elle ajoute qu’en l’absence de notre confrère, la discussion ne pourra être qu’incomplète. Quitterie Cazes fait remarquer que les trous de boulin sont alignés et que la partie basse comporte de nombreuses assises de rattrapage, éléments en faveur d’une construction d’un seul jet. Les petits moellons, dont la mise en œuvre n’est pas antique, seraient donc des matériaux de remploi, à moins que les constructeurs aient voulu donner l’impression d’une maçonnerie antique. Pour la Présidente, l’hypothèse de la réutilisation d’un édifice romain doit sans doute être écartée. Olivier Testard cite un exemple de construction du XIIe siècle, à Narbonne, où ce type de moellon semble bien correspondre à la volonté de réaliser une maçonnerie à l’antique. Quitterie Cazes relève la rareté du vocable de l’église et demande si l’on connaît d’autres Sainte-Matrone ailleurs. Jean-Luc Boudartchouk pense qu’il faut vérifier le toponyme.
Au titre des questions diverses, le Secrétaire général rend compte des contacts qui ont eu lieu cet été avec une société qui propose une intéressante formule de numérisation d’imprimés, comprenant des outils d’indexation et de recherche très performants. Au cours de la discussion qui s’ensuit sont évoqués le projet de numérisation des délibérations du Conseil municipal et du bulletin municipal de Toulouse, et les programmes lancés par la Bibliothèque nationale de France ou la Banque du savoir d’Aquitaine.
Guy Ahlsell de Toulza annonce à la Compagnie que « Dame Tholose » a été descendue de la colonne Dupuy et qu’elle se trouve aujourd’hui à l’atelier de restauration de la Ville de Toulouse. Elle sera remplacée au sommet de la colonne par un moulage, en bronze ou en résine et poudre de bronze. Après restauration, elle rejoindra les collections du Musée des Augustins. La Présidente se félicite de cette bonne nouvelle.
SÉANCE DU 18 OCTOBRE 2005
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, M. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mme Suau,
Bibliothécaire-Archiviste, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-adjoint ;
Mmes Napoléone, Watin-Grandchamp, le Père Montagnes, MM. Gilles, Lassure,
Peyrusse, Testard, membres titulaires ; Mme Guiraud, MM. Barber, Garland,
Macé, membres correspondants.
Excusés : MM. Cazes,
Directeur, Scellès, Secrétaire général, Mme Cazes.
Invitée : Mlle Martine
Rieg.
La Présidente donne des précisions au sujet de la journée foraine organisée à Eauze le samedi 22 octobre : rendez-vous est donné au musée, place de la République, où la Compagnie est attendue à 10 h. Mme Pradalier-Schlumberger souligne le caractère exceptionnel de cette visite, qui sera conduite par Francis Dieulafait, l’inventeur du trésor d’Eauze.
La parole est
à Guy Ahlsell de Toulza pour des informations concernant « Dame
Tholose ». Suite aux démarches de notre Trésorier (cf. Bulletin
de l’année académique 2004-2005, séances des 1er février et
29 mars 2005), M. Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse, lui indique par lettre du
26 septembre que « cette statue sera déposée le vendredi 30 septembre
dans la matinée. Par la suite, elle sera auscultée par un restaurateur afin
d’évaluer son état de conservation et d’effectuer l’étude archéologique
des restaurations subies à différentes époques. Puis, une reproduction sera
effectuée par moulage. Il faut cependant attendre le résultat de l’étude
pour pouvoir envisager un délai de réalisation et de mise en place de la
reproduction. Bien sûr, la statue originale de “Dame Tholose” sera mise à
l’abri au Musée des Augustins ».
Guy Ahlsell de Toulza
juge très satisfaisante la suite qui a été donnée à sa demande. Louis
Peyrusse, qui a assisté avec Bruno Tollon à l’opération de dépose, précise
que le bronze de la statue est très abîmé par la corrosion, ainsi
d’ailleurs que la colonne et les griffons en fonte de fer du monument du général
Dupuy ; il signale que l’enlèvement de la boule sommitale s’est
accompagné d’un « certain nombre d’arrachements ».
Guy Ahlsell
de Toulza fait ensuite un compte rendu de la dernière réunion du Bureau de
l’Union des Six Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat,
qui s’est tenue vendredi 13 octobre. Elle a essentiellement porté sur la
gestion de l’entretien courant des locaux, qui est du ressort de l’Union, et
sur les réparations nécessaires, dont la Ville de Toulouse a la charge. La
Commission paritaire de fonctionnement prévue par l’article 7 du Règlement
intérieur de l’Hôtel d’Assézat, qui comprend les représentants de
l’Union, de la Fondation Bemberg et de la Mairie, a été constituée. Elle
s’est assemblée pour la première fois le 21 avril, puis le 30 juin ;
les contacts semblent bons.
Le Trésorier
se propose de parler à la prochaine réunion du Bureau de l’Union, qui aura
lieu au mois de décembre, des infiltrations d’eau pluviale qui se sont
produites dans notre salle des séances et dans le corridor d’accès depuis la
salle de lecture. Au chapitre de ces questions matérielles, Louis Latour ajoute
que des employés municipaux viennent de condamner le vasistas, unique et défectueux,
du magasin de notre Bibliothèque, ce qui pose évidemment un problème pour la
nécessaire ventilation du local. M. de Toulza en parlera également.
La Présidente fait circuler le programme des expositions du musée des Augustins pour septembre-décembre 2005, puis un ouvrage offert par son auteur pour notre bibliothèque : Hélène Guiraud, Intailles et camées romains, collection « Antiqua », Paris, Picard, 1996, 192 p.
La parole est à Hélène Guiraud pour la communication du jour, consacrée à la glyptique romaine :
« Après quelques généralités sur les techniques de gravure et les méthodes de datation des intailles et des camées, l’auteur présente, dans un premier temps, certains aspects de la glyptique romaine, en particulier les matériaux utilisés et l’évolution stylistique du IIIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C., en montrant des intailles provenant du sud de la Gaule (Bordeaux, Eauze, Ensérune, Narbonne, etc.). Dans un second temps, l’accent est mis sur la richesse du répertoire et la variété des motivations dans le choix d’un motif, à partir de pièces provenant essentiellement de l’Aveyron et de la région toulousaine. L’exposé se termine par quelques images d’intailles ou de camées qui furent au Moyen Âge la propriété d’églises (Grandselve et Saint-Sernin). »
Michèle
Pradalier-Schlumberger remercie notre consœur pour nous avoir fait bénéficier
d’une documentation exceptionnelle : Hélène Guiraud a en effet répertorié
quelque 100 000 pièces. Puis elle demande à quel moment et pour quelle
raison la production des intailles et camées a pris fin. Mme Guiraud indique
qu’il n’y a plus rien en Gaule après les années 275-280, et peu de chose
à Trèves et à Cologne au IVe siècle. Si la glyptique disparaît
dans l’Empire d’Occident, elle connaît une survivance à Byzance ; le
déclin de l’activité des graveurs occidentaux s’explique par la raréfaction
des gemmes, qui n’arrivent plus. Mme Pradalier-Schlumberger fait observer
qu’il se produit par ailleurs une décadence des formes gravées, un dessèchement
du style.
Emmanuel
Garland pose la question de l’état de conservation des pièces et de l’éventuelle
réduction des pièces brisées. Mme Guiraud répond que les pierres dures et
difficilement rayables, telle la cornaline, nous sont parvenues dans un état
excellent ; elle signale dans le trésor d’Eauze le cas d’éléments
dessertis. Quant à l’hypothétique réutilisation des pierres brisées, elle
paraît fort improbable : on ne gravait pas avec de la cornaline écrasée,
mais, ainsi que le rapporte Pline l’Ancien, avec de la poussière de diamant
ou de grès.
Laurent Macé
interroge Hélène Guiraud au sujet d’une intaille représentant Abraxas qui
fut utilisée au XIIe siècle par le roi de France Louis VII. Mme
Guiraud dit qu’il s’agit d’une pièce fabriquée à Alexandrie ou à Rome
entre le Ier siècle et le IVe. M. Macé mentionne ensuite
une pierre figurant deux têtes et employée comme sceau par deux frères :
s’agit-il des Dioscures ou d’un couple impérial ? Étant donné la
proportion des deux types de représentation (1 pour 10), Mme Guiraud penche
pour celle de deux princes impériaux. Elle ajoute que l’identification des
personnages est parfois aléatoire, sans parler des réinterprétations :
n’a-t-on pas vu sur le Grand Camée de France « Joseph à la Cour du
Pharaon » ?
Au titre des questions diverses, Bernadette Suau présente une demande d’information relative à une construction énigmatique qui se trouve à flanc de montagne dans les bois d’Arbas (Haute-Garonne) : il s’agit d’un édicule d’environ 2 m de longueur, 1 m de largeur et 3 m de hauteur, édifié en pierres sèches et apparemment plein. Après examen du petit dossier qui nous a été communiqué, Dominique Watin-Grandchamp suggère que notre correspondant s’adresse au Service régional de l’Archéologie.
SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2005
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès,
Secrétaire général, Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, MM. Cabau, Secrétaire-adjoint,
Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mme Napoléone, MM. Bordes, Gilles, le Père
Montagnes, M. Prin, Mgr Rocacher, M. Testard, membres titulaires ; Mmes
Barber,
Bayle, Fournié, M. Stouffs, membres correspondants.
Excusés : M. Cazes, Directeur, Mme Galés, MM. Garland, Lapart, Pradalier.
Invitée : Mlle Martine Rieg.
La Présidente donne la parole au Secrétaire général puis au Secrétaire-adjoint pour la lecture des procès-verbaux des séances des 4 et 18 octobre 2005, qui sont adoptés.
La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite. Un courriel des descendants de Jean-Jacques Hatt, qui fut membre de notre Société de 1941 jusqu’à sa mort en 1997, nous informe de la mise en ligne du tome II de Mythes et Dieux de la Gaule, dont le tome I a été publié chez Picard en 1989. Son épouse et ses descendants, aidés de Bernadette Schnitzler, ont repris le manuscrit resté inachevé et les notes, et ont établi le texte définitif et sélectionné les illustrations de ce deuxième volume qui a été mis en ligne sur un site ouvert en septembre 2005 : http://jeanjacqueshatt.free.fr/Mythes-et-dieux-JJHatt.htm.
La Présidente donne ensuite la parole à Mgr Rocacher qui présente à la Compagnie le septième volume des Églises et chapelles de la Haute-Garonne, fruit d’une recherche en profondeur sur un seul canton, qui a permis de recenser une cinquantaine d’édifices existants ou disparus. En soulignant que ce septième volume est le résultat de cinq années de travail, Mgr Rocacher s’inquiète de cette avancée à tout petits pas mais espère que la collection se poursuivra néanmoins. La Présidente dit que nous le souhaitons tous et elle se félicite de la vitalité de l’association qui conduit ce patient travail de recherche et de publication.
La parole est au Père Bernard Montagnes pour une communication intitulée Autour du transfert des reliques de saint Thomas d’Aquin, publiée dans ce volume (t. LXVI, 2006) de nos Mémoires.
La Présidente
remercie Bernard Montagnes d’avoir accepté d’assurer dans l’urgence la
communication de ce soir, et de nous avoir fait découvrir ou redécouvrir cette
châsse de 1874, qui révèle en effet un goût prononcé pour l’orfèvrerie
mosane de la fin du XIIe siècle et du début du XIIIe siècle.
Patrice Cabau
relève que les dominicains minorent le statut de Saint-Sernin, qualifiée d’église
paroissiale alors qu’elle a le titre d’insigne basilique. Bernard Montagnes
rappelle les circonstances dans lesquelles Saint-Sernin a obtenu, très
tardivement, ce titre, le curé mettant en particulier en avant la liste des
reliques conservées dans l’église. Cela a provoqué le mécontentement du
curé de la Daurade, qui avait le titre de basilique mineure : Patrice
Cabau évoque une brochure publiée à cette époque, qui témoigne de la
vivacité de la querelle.
La Présidente
s’étonne que la châsse n’ait pas été utilisée en 1974 pour recevoir les
reliques de saint Thomas d’Aquin lors de leur retour aux Jacobins. Maurice
Prin explique que le crâne et les ossements qui avaient été séparés en 1874
ont été à nouveau regroupés en 1974, ce qui a conduit à réutiliser la châsse
de 1827.
Répondant à
Maurice Scellès, Maurice Prin indique que le modèle de la châsse de saint
Thomas d’Aquin a été repris pour les reliques de sainte Geneviève conservées
à Saint-Étienne-du-Mont à Paris.
Maurice Scellès
voudrait savoir quelle place occupe la châsse de saint Thomas d’Aquin dans la
production de Joseph Favier. Bernadette Suau confirme que la production de
l’orfèvre toulousain a été très importante et elle indique que quelques pièces
sont aujourd’hui protégées au titre des Monuments historiques ; la châsse
de saint Thomas mériterait d’être protégée et restaurée. Maurice Prin
ajoute qu’elle n’a pas besoin d’une restauration lourde. Maurice Scellès
pose encore la question de sa propriété et demande si un objet peut être désaffecté
comme cela se produit pour les édifices de culte. Une discussion s’ensuit
d’où il ressort que les trois châsses de saint Thomas d’Aquin se trouvent
aujourd’hui aux Jacobins.
Au titre des questions diverses, Maurice Prin présente à la Compagnie Deux épaves de l’ancien collège de Pampelune à Toulouse :
« Au début de l’année 1954, le déplacement de deux gros blocs de pierre servant de siège dans un jardin voisin de la Garonnette, propriété de madame Favatier, demeurant 21 rue de la Dalbade, permit de constater qu’il s’agissait de deux clés de voûte dont la face décorée avait été entièrement enfouie dans la terre. Averti de la découverte, monsieur Maurice Caillet, conservateur de la Bibliothèque municipale, identifia le décor sculpté et publia aussitôt une remarquable étude dans le n° 240 (mai-juin) de L’Auta.
Le décor de ces deux clés est formé, pour l’une d’un blason cardinalice, pour l’autre d’un saint évêque. Le blason est celui du Limousin Pierre de Montruc, neveu du pape Innocent VI, devenu évêque de Pampelune en Navarre l’an 1355, ensuite nommé cardinal-prêtre au titre de Sainte-Anastasie à Rome ; il mourut en Avignon en 1385. Pour venir en aide aux étudiants pauvres fréquentant l’université toulousaine, le cardinal fonda le collège Sainte-Catherine, appelé aussi collège de Pampelune, en 1382. Cet établissement se situait rue Gambetta, à l’arrière de l’ancienne librairie Vivès. Le saint évêque de la seconde clé pourrait être saint Firmin, patron du diocèse de Pampelune, ou encore saint Martial, apôtre du Limousin. Les deux clés devaient apparaître dans les voûtes de la chapelle du collège.
Une visite effectuée par la suite auprès de madame Favier me permit de prendre des clichés photographiques. Cette dame m’informa qu’un de ses proches parents avait pris l’initiative de scier les deux médaillons… et c’était déjà la porte ouverte à l’aventure. Récemment j’ai eu la surprise d’apercevoir l’un d’entre eux dans une collection particulière en Haute-Garonne.
Maurice PRIN »
La Présidente remercie Maurice Prin, et Maurice Scellès signale à ceux qui seraient intéressés par l’ancien collège de Pampelune que le Service régional de l’Inventaire a fait des photographies des vestiges apparus au cours des travaux de la fin des années 1980. Bernadette Suau rappelle que les Archives départementales de la Haute-Garonne disposent d’un fonds important concernant l’ancien collège Sainte-Catherine.
Patrice Cabau commente pour la Compagnie quelques images prises à travers Toulouse, s’attachant en particulier à la récente restauration du portail de l’Hôtel de Molinier, au n° 22 rue de la Dalbade :
« SVSTINE ET ABSTINE
EMBLÈMES D’ALCIAT, de nouueau Trãslatez en Frãçois vers pour vers iouxte les Latins […], Lyon, Macé Bonhomme [pour Guillaume Rouille], 1549, p. 59.
Le portail monumental élevé pour l’Hôtel de « Monsieur Maistre Gaspar de Molinier, conselier du Roy en son Parlement de Tholose » (+ 1570) (1), vient de subir une restauration qui a notamment cherché à restituer la maxime et le millésime jadis inscrits sur l’attique qui le couronne : SVSTINE ET ABSTINE / 1556.
« Supporte et abstiens-toi » : le précepte stoïcien inspiré des paroles d’Épictète rapportées d’après Favorinus par Aulu-Gelle (2), diffusé au XVIe siècle sous sa forme latine par les Adages d’Érasme (3) et, surtout, par les Emblèmes d’Alciat (4), fut dès lors gravé sur nombre d’édifices (5).
À l’Hôtel de Molinier, l’inscription fut disposée sur trois éléments enchâssés au sommet du très ostentatoire décor de pierre et de marbres polychromes du portail : deux cartouches latéraux rectangulaires, en marbre noir, portaient chacun l’un des deux verbes ainsi que la moitié des chiffres de la date correspondant sans doute à l’achèvement de la construction, tandis qu’un dé central cubique, taillé dans le même matériau, portait la conjonction.
SVSTINE ET ABSTINE
.15 56.
En 1777, Jean-François de Montégut, obnubilé par les deux injonctifs, s’imaginait que les cartouches étaient antiques : « On y voit aux côtés de la porte deux petits quarrés de marbre noir, sur lesquels sont gravés ces mots, SUSTINE, ABSTINE, qu’on plaçoit d’ordinaire sur la porte des Temples des Dieux. On peut croire que ces inscriptions, gravées en caractères Romains & consacrées à la Religion païenne, n’auroient point été mises en ce lieu, si on ne les avoit regardées comme un monument qui méritoit d’être conservé » (6).
En 1832 ou 1833, Alexandre Du Mège compléta la lecture de l’antiquaire et corrigea son interprétation : « Plus haut, dans le mur, sont deux tables de marbre noir encadrées. Une autre, très-petite, est placée sous le menton de la femme qui tient l’écusson. On lit sur la première le mot SVSTINE, sur la petite plaque, mise sur le col de la femme, le mot ET, et sur la table de droite ABSTINE. […] Il est d’abord assuré qu’il [M. de Montégut] n’a pas vu le mot ET qui est placé entre les deux autres qu’il a rapportés. […] [L’Hôtel fut] construit en 1556, ainsi que l’atteste la date placée au-dessous des mots SVSTINE, ABSTINE. On voyait en effet, il y a peu d’années encore, les chiffres 1 et 5 sous le premier mot, et on voit encore, sous le second, ceux-ci, 56 ; la réunion de ces caractères forme le millésime 1556. […] On connaît l’habitude constante de placer des devises, des sentences, des vers grecs et latins sur tous les édifices, durant le 14e, le 15e et le 16e siècles. Toulouse offre un grand nombre d’exemples de cette coutume, et c’est pour s’y conformer qu’en 1556 on inscrivit ces mots SUSTINE ET ABSTINE sur la façade que j’ai décrite. On sait qu’Epictète avait les mots grecs équivalens pour sa devise, et que c’était dans ces deux préceptes Supportez et abstenez-vous, que consistait principalement sa philosophie » (7). Reprenant ces conclusions en 1846, l’archéologue précisait que la date était « encore entière en 1820 » (8).
Un dessin à la mine de plomb d’Adrien Dauzats (1808-1868) figurant le portail et des lithographies exécutées d’après les dessins de Léger (1833), de Jules Boilly (1833) et de Perrin (1842) représentent bien les cartouches, mais ceux-ci paraissent anépigraphes ou portent des signes illisibles, sinon fantaisistes (9). Les photographies prises par Clovis Lassalle, imprimées en 1897 et 1920, celle d’Eugène Lefèvre-Pontalis reproduite en 1930 et un cliché ancien non daté montrent que les inscriptions centrale et latérale gauche avait disparu par suite de la ruine de leurs supports ; un état identique se constate sur la vue de Jean Dieuzaide héliogravée en 1961 ou la photo en couleurs de Jean-Claude Meauxsoone publiée en 1988 (10).À l’exception de Jules de Lahondès, qui a cité « avec la date 1556 » la « devise stoïcienne SVSTINE ABSTINE », la plupart des auteurs qui ont traité du portail de l’Hôtel de Molinier ont donné la formule complète : Jules Chalande, Paul Mesplé, Robert Mesuret, Jean Rocacher, Michel Roquebert… (11).
Il est ainsi permis de s’étonner que la récente intervention, qui a eu soin de restaurer le dé central, ait omis de le pourvoir du ET qui justifiait son existence. Tout aussi surprenante est l’utilisation de la lettre U dans le cartouche de gauche : le V, seule majuscule dont le modèle ne soit pas offert par ABSTINE, étant de règle constante au XVIe siècle pour une inscription latine en capitales (12), la restitution de la graphie SVSTINE eût dû s’imposer.
Patrice CABAU »
1. Hôtel de Molinier, dit ensuite de Cathelan (alias Catellan ou Catelan), puis de Felzins, au n° 22 de la rue de la Dalbade, à Toulouse ; « Site protégé / Site classé monument historique » (Ministère de la Culture et de la Communication, Direction de l’Architecture et du Patrimoine). Plusieurs actes relatifs à la construction de cette demeure, enregistrés par le notaire Jean Giraudat en 1550 et 1552, ont été publiés par Célestin DOUAIS, L’Art à Toulouse - Matériaux pour servir à son histoire du XVe au XVIIIe siècle, Toulouse, Édouard Privat, Paris, Alphonse Picard et Fils, 1904, p. 142-146.
2. « Praeterea idem ille Epictetus, quod ex eodem Fauorino audiuimus, solitus dicere est duo esse uitia multo omnium grauissima ac taeterrima, intolerantiam et incontinentiam, cum aut iniurias, quae sunt ferendae, non toleramus neque ferimus, aut a quibus rebus uoluptatibusque nos tenere debemus, non tenemus. Itaque, inquit, si quis haec duo uerba cordi habeat eaque sibi imperando atque obseruando curet, is erit pleraque inpeccabilis uitamque uiuet tranquillissimam. Verba duo haec dicebat: ανέχου et απέχου. » AULUS GELLIUS, Noctes atticae, XVII, 19, 5-6.
3. « Sustine et abstine. » Desiderius ERASMUS, Adagiorum chiliades tres, ac centuriae fere totidem, Venise, Alde Manuce, 1508, II, 7, 13.
4. « Et toleranda homini tristis fortuna ferendo est, / Et nimium felix saepe timenda fuit. / Sustine (Epictetus dicebat) et abstine. Oportet / Multa pati, illicitis absque tenere manus. / Sic ducis imperium uinctus fert poplite taurus / In dextro : sic se continet a grauidis. » Andrea ALCIATO, Emblematum libellus, nuper in lucem editus, Venise, Fils d’Alde [Manuce], juin 1546, f. 29 v° (Emblema XXXIV). Absent des éditions de 1531 (Augsburg), 1534 (Paris), 1536 (Paris, traduction en français), 1542 (Paris, traduction en allemand), cet emblème est repris dans celles de 1547 (Lyon), 1548 (Lyon, deux éd.), 1549 (Bâle ; Lyon, deux traductions en français, une en espagnol et une autre en italien), 1550 (Lyon), 1556 (Lyon) …
5. Voir par exemple l’inscription gravée sur la frise de tel portail classique dans la vieille ville de Vienne (Isère) : « . SVSTINE . ET . ABSTINE . ». La maxime se lit également au-dessous d’une fenêtre de l’église de Pouzac (Hautes-Pyrénées) figurée sur un projet de rénovation daté du 15 mai 1558 et signé par Michel de Chambéry, architecte du maréchal de Termes (dessin à la plume sur parchemin avec rehauts de lavis représentant l’élévation de l’église, conservé à la mairie de Pouzac).
6. Jean-François de MONTÉGUT, « Recherches sur les Antiquités de Toulouse », Histoire et mémoires de l’Académie royale des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse, t. I, Toulouse, Imprimerie de D. Desclassan, 1782, p. 65-110 [mémoire lu le 10 avril 1777], spécialement p. 68-69.
7. Alexandre DU MÈGE, « Notice sur une maison du XVIe siècle », M.S.A.M.F., t. I (1832-1833), Toulouse, Imprimerie de Lavergne, successeur de Vieusseux, 1834, p. 351-369, spécialement p. 362-364 ; pl. h.-t. XVIII-XX. Il est donc inexact qu’« une plaque du portail […] porte la date de 1556 » (Alex COUTET, Toulouse, ville artistique, plaisante et curieuse, Toulouse, Librairie Richard, 1926, p. 224, n. 1 ; photo p. 223).
8. Alexandre DU MÈGE, Histoire des Institutions religieuses, politiques, judiciaires et littéraires de la ville de Toulouse, t. IV, Toulouse, Laurent Chapelle, 1846, p. 476-477.
9. B.N.F. Richelieu, Estampes, Rés. Ve-26o-Fol, donation Hippolyte Destailleur, Province, t. 10, n. 2101 : « A. Dts. », « T » ; « Dauzats. / Porte d’une maison à Toulouse. » = Christian CAU, Le vieux Toulouse, s.l., PML Éditions, 1993, fig. h.-t. p. 74. — Isidore TAYLOR, Charles NODIER, Alphonse de CAILLEUX, Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France, Languedoc, I, Paris, [1837], pl. h.-t. 16 : « Hotel Catelan. / Languedoc » ; « Léger 1833 », « Lith. d’Engelmann ». — DU MÈGE 1834, pl. h.-t. XIX : « Jul. Boilly / 1833 », « litho. de K[uch et]. Cadaux. Toulouse ». — J.-M. CAYLA, Cléobule PAUL, Toulouse monumentale et pittoresque, Toulouse, Typographie de J.-B. Paya, [1842], pl. h.-t. : « ANCIEN HÔTEL CATELAN. » ; « Perrin del. », « Lit. Constantin. Toulouse ».
10. Joseph de MALAFOSSE, « La sculpture sur bois dans le Toulousain - Deuxième article », Album des monuments & de l’art ancien du Midi de la France, t. I, Toulouse, Édouard Privat, 1897, p. 66-69, pl. h.-t. XXIV. — Jules de LAHONDÈS-LAFIGÈRE, Les Monuments de Toulouse – Histoire, Archéologie, Beaux-Arts, Toulouse, Édouard Privat, 1920, fig. h.-t. 242, p. [414], et 243, p. [415]. — Pierre LAVEDAN, « Anciennes maisons », Congrès archéologique de France - XCIIe session tenue à Toulouse en 1929 par la Société française d’Archéologie, Paris, A. Picard, Sté génle d’imprimerie et d’édition, 1930, p. 134-160 ; pl. h.-t. face à la p. 152. — Robert MESURET, Toulouse et le Haut-Languedoc, Paris et Grenoble, B. Arthaud, 1961, ill. n° 99. — Michel ROQUEBERT, Rues tolosanes, Toulouse, Privat, 1988, p. 59, n° 5. — CAU 1993, fig. h.-t. p. 75 (B.N.F. Richelieu, Estampes).
11. LAHONDÈS-LAFIGÈRE 1920, p. 416. — Jules CHALANDE, Histoire des rues de Toulouse – Monuments - Institutions - Habitants, 1ère partie, Toulouse, Les Frères Douladoure, 1919, p. 86 (n° 39). — Paul MESPLÉ, Vieux hôtels de Toulouse, Toulouse, Éditions du Pays d’Oc, 1948, p. 56. — Robert MESURET, Évocation du Vieux Toulouse, Paris, Les Éditions de Minuit, 1960, p. 159-160. — Jean ROCACHER, Découvrir Toulouse, 6, Le quartier des Carmes et de la Dalbade, Toulouse, Privat, 1988, p. 51 (citation de P. Mesplé). — ROQUEBERT 1988, p. 58.
12. Voir par exemple l’inscription gravée sur la cheminée du même Hôtel de Molinier, ou celles des Hôtels de Jean Aymes, de Jean de Bernuy, de Guillaume de Tournier, de Bérenger Maynier…
Puis Patrice Cabau présente L’acte original de la rétractation de l’hérétique Pierre Maurand en 1178, en présence du légat du pape à Saint-Sernin, retrouvé aux Archives départementales de la Haute-Garonne :
« Les Archives départementales de la Haute-Garonne conservent dans le fonds de l’ancienne abbaye Saint-Sernin de Toulouse un document dont l’importance n’a été reconnue que récemment (1). Il s’agit d’un parchemin de forme légèrement trapézoïdale, d’une vingtaine de centimètres de longueur sur moins d’une dizaine de hauteur, dont une brève analyse dorsale, ajoutée semble-t-il au XVIIe siècle, indique la teneur : « Forma abiurandi hereses / Antiqua […] / exposita a Petro Maurando / burgensi Tholosæ abiurante / coram legato Papæ ». Le texte de cette formule a été tracé d’une écriture de petit module, sur neuf longues lignes, par un scribe apparemment étranger à Toulouse (2).
RÉTRACTATION DE PIERRE MAURAND (1178), A.D. Haute-Garonne, 101 H 688 (XXI-LXXIX-1 : original).
Cliché Anne-Laure Napoléone.[1] Ego Petrus Morandus burgensis tolosanus . cognoscens ueram et catholicam et apostolicam fidem . anathematizo omnem heresim . precipue eam qua infectum me confessus
[2] sum . et de qua hactenus diffamatus sum . que astruere conatur . panem et uinum que in altari ponuntur . post consecrationem solummodo sacramentum . et non uerum corpus
[3] et sanguinem Domini nostri Ihesu Xristi . non posse sensualiter esse . nisi in sacramento solo sacerdotum manibus tractari uel frangi . aut fidelium dentibus atteri . Consentio autem
[4] sancte romane Ecclesie et apostolice Sedi . et ore et corde profiteor . de sacramentis dominice mense eandem me fidem tenere . quam domini et uenerabiles papa Alexander . et
[5] ]et[ tu Pater Petre apostolice Sedis legate . et qui tecum sunt uiri uenerabiles episcopi . euangelica auctoritate et apostolica mihi tenendam tradidistis mihi que firmauistis .
[6] scilicet panem et uinum que in altari ponuntur . post consecrationem non solum sacramentum . sed uerum corpus et sanguinem Domini nostri Ihesu Xristi esse . et sensualiter
[7] non solum sacramentum . sed in ueritate manibus sacerdotum tractari frangi . et fidelium dentibus atteri . iurans per sanctam et homousion Trinitatem . et per
[8] hec sacrosancta Xristi Euuangelia eos qui contra hanc fidem uenerint . cum dogmatibus et sectationibus < sectatoribus > suis eterno anathemate dignos esse pronuncio . Quod
[9] si ego ipse aliquando contra hec aliquid sentire . et predicare presumpsero . canonum seueritati subiaceam .Sur la notice d’inventaire correspondant au classement que Claude Cresty, « archivaire-dechiffreur », fit des archives de Saint-Sernin en 1728-1731, figurent la cote « No XXI. Liasse LXXIX. Titre 1er. / forme ancienne dont on se seruoit lorsqu’on faisoit / abjuration des heresies » et l’avertissement suivant, dû probablement à un archiviste départemental et ainsi postérieur à 1866 : « Le pape Alexandre dont il est parlé dans cette formule ne peut être qu’Alexandre IV / qui régna du 21 Décembre 1254 au 25 Mai 1261. / La formule elle-même a donc été rédigée entre ces deux dates ». Ces affirmations pourraient expliquer le silence des historiens de l’abbaye, tel Célestin Douais ou Pierre Gérard, et la prudence manifestée par John Hine Mundy en 1954 : « Cresty, Repertoire des titres . . . de St. Sernin, II, fol. 117r, records a form of abjuration of heresy by a Petrus Maurandus which may concern this case. But it is hard to say because the Maurandi were perennially heretical » (3).
Après avoir, en 2005, examiné cette formule et identifié les personnages cités (Alexandre III, élu pape le 7 septembre 1159 et décédé le 3 ou le 30 août 1181, son légat en France Pierre de Pavie, créé cardinal prêtre du titre de Saint-Chrysogone en 1171 ou 1173) par des recoupements avec le récit que l’abbé de Clairvaux Henri de Marcy fit en 1178 de la condamnation et de la réconciliation de Pierre Maurand (4), nous rédigions un article destiné à montrer que le parchemin conservé dans les archives de Saint-Sernin est l’acte original du serment de l’hérésiarque.
Nous venons de nous apercevoir que John Hine Mundy en avait déjà compris tout l’intérêt : après l’avoir publié en 1974 (5), il lui a consacré une note particulière parue en février 2006 (6). Il ressort notamment de ses travaux (7) que le texte de 1178 reprend la formule élaborée au concile de Rome de 1059 par le cardinal Humbert, évêque de Sainte-Rufine, pour l’abjuration et la profession de foi de Bérenger de Tours (8) ; largement diffusée, cette rétractation était passée dans les ouvrages de Lanfranc, d’Yves de Chartres, d’Alger de Liège et dans le Décret de Gratien (9).
En attendant de pouvoir prendre connaissance de la nouvelle étude du professeur américain (disparu le 13 avril 2004), il nous a paru utile de donner la reproduction et la transcription de ce document exceptionnel, « largement ignoré, en fin de compte, de la communauté scientifique » (10).Patrice CABAU »
1. A.D. Haute-Garonne, 101 H 688 (original). — Catherine SAINT-MARTIN, Archives départementales de la Haute-Garonne - Saint-Sernin de Toulouse - Fonds des Archives Départementales (sous-série 101 H) et fonds de la basilique Saint-Sernin - Inventaire des archives anciennes, t. I et II, Toulouse, Conseil général de la Haute-Garonne, 2000, p. 323, n° 3540 (« Abjuration d’une hérésie par Pierre Maurand. XIIIe s. ») ; p. 424.
2. Un indice de l’extranéité du scripteur est la graphie Petrus Moranus, pour Maurandus ou Maurannus ; celle-ci se retrouve dans la lettre de l’abbé de Clairvaux Henri de Marcy mentionnée ci-après (n. 4), et non pas dans la chronique attribuée à Benoît de Peterborough, comme nous l’avons dit par erreur (Patrice CABAU, Anne-Laure NAPOLÉONE, « De la Tour des Maurand au Collège de Périgord », M.S.A.M.F., t. LXV [2005], Toulouse, S.A.M.F., 2007, p. 51-95 ; spécialement p. 59, n. 64.
3. John Hine MUNDY, Liberty and Political Power in Toulouse, 1050-1230, New-York, Columbia University Press, 1954, p. 271, n. 8.
4. Epistola Henrici abbatis Clarevallensis, reproduite par Roger de HOVEDEN, Chronica magistri Rogeri de Houedene, II, éd. William STUBBS, Rerum Britannicarum Medii Ævi Scriptores, 51, II, Londres, Longmans, Green, 1869, p. 160-166,
5. John Hine MUNDY, « Noblesse et hérésie. Une famille cathare : les Maurand », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 29e année, 5, 1974, p. 1211-1223 ; spécialement p. 1222-1223.
6. John Hine MUNDY, « The Abjuration of Peter Maurandus », Studies in the Ecclesiastical and Social History of Toulouse in the Age of the Cathars (série « Church, Faith and Culture in the Medieval West »), Ashgate, 2006, p. 161-167 ; spécialement p. 165-166.
7. John Hine MUNDY, The Repression of Catharism at Toulouse - The Royal Diploma of 1279 (série Studies and Texts, 74), Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1985, p. 15.
8. Philippe LABBE, Gabriel COSSART, Niccoló COLETI, Gian Domenico MANSI, Domenico PASSIONEUS, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima Collectio […], t. XIX, Venise, Antonio Zatta, 1774, c. 900 (JUSJURANDUM QUOD IN EADEM SYNODO FECIT BERENGARIUS.) ; cf. c. 902 (NOTÆ SEVERINI BINII.).
9. « Confessio Berengarii539*. […] Ego Berengarius, indignus ecclesiae S. Mauritii Andegauensis diaconus540, cognoscens ueram, catholicam541 et apostolicam fidem, anathematizo omnem heresim, precipue eam, de qua hactenus infamatus542 sum, que astruere conatur, panem et uinum, que in altari ponuntur, post consecrationem solummodo sacramentum, et non uerum corpus et sanguinem Domini nostri543 Iesu Christi esse, nec544 posse sensualiter, nisi in solo sacramento manibus sacerdotum tractari, uel frangi, aut545 fidelium dentibus atteri. Consentio autem sanctae Romanae ecclesiae546a et apostolicae sedi547, et ore et corde profiteor548, de sacramentis549 dominicae mensae eandem550 fidem me tenere, quam dominus et uenerabilis Papa Nykolaus, et hec sancta sinodus auctoritate euangelica et apostolica tenendam tradidit michique firmauit551 : scilicet panem et uinum, que in altari ponuntur, post consecrationem non solum sacramentum, sed etiam552 uerum corpus et sanguinem Domini nostri Iesu Christi esse, et sensualiter non solum sacramentum553b, sed in554 ueritate manibus sacerdotum tractari, frangi555, et fidelium dentibus atteri ; iurans per sanctam, et homousion Trinitatem, et per hec sacrosancta Christi euangelia556. Eos557c, qui contra hanc fidem uenerint, cum dogmatibus et sectatoribus558 suis eterno anathemate dignos esse pronuncio. Quod si ego ipse aliquando contra hec559 aliquid sentire560 presumpsero aut561 predicare, canonum seueritati subiaceam. Lecto et perlecto sponte subscripsi. §. I. Hanc562 confessionem suae563d fidei de corpore et sanguine Domini nostri Iesu Christi a Berengario Romae coram CXIII.564 episcopis factam misit Nykolaus Papa per urbes Italiae, Germaniae565, Galliae, et ad quecumque loca fama prauitatis eius peruenire ante566 potuit, ut ecclesiae, que prius doluerant de auerso567 atque aduerso568c**, postea gaudeant569f de reuerso atque conuerso.
* In Regesto Gregorii VII. lib. 3. et 6., in synodo A.D. 1079, habetur alia eiusdem Berengarii abiuratio. Cui repetitioni quid causam dederit, exponitur in scholiis conciliorum, quae Coloniae quatuor tomis sunt impressa.
EDITIO ROMANA. a) eccl. : deest b) sacramento c) Eos vero d) suae : deest e) perverso** f) gauderent. ** Perverso : Ita etiam Ivo. Lanfrancus habet : adverso.
NOTATIONES CORRECTORUM. 539) Belengarii (et sic deinceps) : EGH ; iuramentum Ber. : Corr. ; — Ex C. Romano hab. ao. 1059. ap. Mansi XIX, 900. ; — Ivo Decr. II, 10. (can. cont.) ; Ivo Pan. I, 126. ; Alger. de verit. I, 19. idem lib. sent. fol. 215. c. 7 (usque ad §. 1.) 540) add. : ecclesiae : BDFGH Edd. coll. o. 541) cath. : deest : orig. ; et cath. : EGH 542) diffamatus : Ivo Pan. 543) nos. : deest : BCEFGH 544) non : ABDFGH ; et non : Ivo Pan. 545) vel : orig. Alger. 546) Codd. et Edd. coll. o. Turrecrem. orig. Ans. 547) fidei sed ore : Ivo Pan. 548) confiteor : BEGH Edd. Arg. Bas. Lugdd. II. III. 549) sacramento : Ed. Bas. orig. 550) eam : Ivo Decr. 551) confirmavit : Edd. Arg. Bas. Ivo Pan. 552) et. : deest : EGH 553) Codd. et Edd. coll. o Alger. lib. sent. 554) et in : Alger. de ver. 555) et frangi : A orig. 556) finis canonis : Alger. de ver. 557) Codd. et Edd. coll. o. Ivo Pan. Alger. lib. sent. 558) consectatoribus : Ed. Bas. ; consecrationibus : Ed. Arg. ; consecratoribus : Edd. rell. pr. Lugdd. II. III. 559) hoc : EGH Edd. coll. o. Ivo Decr. ; deest : Ivo Pan. 560) praesentire : Ivo Pan. 561) ac : Ivo Decr. 562) ex eodem Lanfranco. 563) Codd. et Edd. coll. o. Corr. Ivo Decr. Pan. 564) CXX. : Ivo Decr. 565) et Germ. : ib. 566) antea : A Ivo Decr. 567) adverso : EFGH Ivo Decr. Pan. 568) D ; — averso : AC ; adverso atque diverso : Ed. Bas ; adverso atque perverso : Ivo Decr. 569) Codd. et Edd. coll. o. »
GRATIANUS, Concordia discordantium canonum, Decreti tertia pars de consecratione, Distinctio II, Canon XLII (XVI. Pars), éd. Emil Ludwig RICHTER, Emil FRIEDBERG, Corpus Iuris Canonici, t. I (Decretum Magistri Gratiani), Leipzig, Bernhard Tauchnitz, 1879, c. 1328-1329.
10. Courrier de notre confrère Michel Roquebert, en date du 27 janvier 2007.
SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 2005
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier,
Scellès, Secrétaire général, Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, M. Cabau,
Secrétaire-adjoint ; Mmes Labrousse, Napoléone, MM. Boudartchouk,
Peyrusse, Roquebert, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Andrieu,
Bayle, Félix, Guiraud, Jiménez, Pujalte, M. Laurière, membres correspondants.
Excusés : M. Latour, Bibliothécaire-adjoint.
Invitée : Mme Janine Balty.
La Compagnie se retrouve à 17 h au Musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse, où elle est accueillie par notre Directeur, Daniel Cazes, conservateur en chef du musée. L’exposition Portraits du premier siècle de l’Empire romain nous est présentée par Daniel Cazes, M. Jean-Charles Balty, professeur émérite à l’Université de Paris IV-Sorbonne, Mme Claudine Jacquet et M. Pascal Capus, assistants de conservation au musée Saint-Raymond. La Présidente les remercie tous quatre de nous avoir fait profiter de leur grande culture en nous faisant partager les découvertes occasionnées par la reprise de l’étude des portraits provenant de la villa romaine de Chiragan, à Martres-Tolosane. La Présidente remarque que les figures schématiques des auges cinéraires pyrénéennes, qui rappellent la très large place accordée au portrait dans la culture romaine, permettent aussi d’évoquer certaines des formes que prendra plus tard l’art wisigothique.
Patrice Cabau demande si l’on connaît des prototypes officiels romains. Jean Balty dit que l’on n’en connaît aucun, ce qui s’explique par le fait qu’ils étaient sans doute en terre. Le terme de « prototype » n’est d’ailleurs pas véritablement approprié. Un portrait était modelé en terre crue, donc destiné à disparaître, et il était immédiatement moulé. On tirait alors de ce moule des positifs qui étaient envoyés dans les ateliers. Des sources antiques y font de vagues allusions et des fragments d’exemplaires en plâtre d’une grande précision ont été retrouvés par exemple en Campanie. À partir du modèle en plâtre, des copies en marbre étaient sculptées en utilisant la technique de la mise aux points. Jean Balty ajoute qu’il est possible de faire le départ entre une copie réelle, une imitation et une simple inspiration.
Patrice Cabau demande encore si c’est aux ateliers de Rome qu’il faut attribuer les bustes de la meilleure qualité. Pas nécessairement, répond Jean Balty, en indiquant que si l’on peut s’approvisionner directement à Rome, certaines régions de l’Empire ont du marbre et disposent de sculpteurs capables de réaliser des copies de très grande qualité.
Louis Peyrusse ayant rappelé l’attention sur la formation de la très nombreuse série de bustes impériaux à Chiragan, Jean Balty dit ne pas croire à une collection historique, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté de se procurer les différents bustes pour une reconstitution a posteriori. Si la collection avait quelque chose à voir avec le règne de Maximien Hercule, il faudrait alors penser à une « villa impériale », mais l’on n’ose plus aujourd’hui utiliser cette expression. Jean Balty et Daniel Cazes expliquent que si la série s’est appauvrie de bustes faussement attribués à Chiragan, elle a connu aussi quelques gains auxquels il faut ajouter des fragments appartenant à d’autres bustes qui peuvent être identifiés.
La Présidente suppose que d’autres expositions accompagneront ces publications successives des portraits impériaux de Chiragan. Daniel Cazes le confirme en annonçant l’exposition de l’automne 2006, qui sera consacrée aux portraits de la Tétrarchie.
Après avoir souligné l’extraordinaire richesse de la collection, Daniel Cazes fait remarquer que la bibliographie des œuvres trouvées à Chiragan n’est pas encore complètement établie, tant les publications ont été nombreuses dès le XIXe siècle et jusqu’au bout du monde. Mme Labrousse évoque la venue au Musée Saint-Raymond de Russes, et la visite de Mme Claude Pompidou. Daniel Cazes se souvient que le fils de l’empereur du Japon Hirohito a longuement examiné chacun des bustes impériaux ; il ajoute que les archives du musée conservent toutes les remarques de Montherlant sur les portraits romains, notées mot à mot par Georges Costa, alors stagiaire dans l’établissement.
Guy Ahlsell de Toulza s’étonne de la disparité entre le nombre de têtes conservées et celui des bustes et des corps. Jean Balty rappelle que les réserves du musée comptent aussi des bustes sans tête, puis il fait observer que les gros blocs des corps sont aisément remployés comme matériau de construction.
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2005
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Coppolani, Directeur honoraire, Cazes,
Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Mme
Suau, Bibliothécaire-Archiviste, MM. Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour,
Bibliothécaire-adjoint ; Mmes Napoléone, Watin-Grandchamp, MM. Bordes,
Boudartchouk, le Père Montagnes, MM. Peyrusse, Testard, membres titulaires ;
M. Hermet, membre libre, Mmes Barber, Bayle, Cazals, Fraïsse, Guiraud, MM.
Barber, Darles, Laurière, Stouffs, membres correspondants.
Invitées : Mlles Martine Rieg, Magali Cabarrou.
La Présidente annonce à la Compagnie que la séance publique se tiendra le 18 mars 2006, avec au programme une conférence de notre confrère Michel Roquebert sur Simon de Montfort.
Le Secrétaire général demande à la Compagnie d’approuver une modification du procès-verbal de la séance du 14 juin 2005, où a été omise la présentation d’un document relatif à des travaux faits en 1736 à un moulin de Labastide-Savès. Puis il donne lecture du procès-verbal de la séance du 8 novembre dernier, qui est adopté.
Notre bibliothèque s’enrichit de nombreux dons :
- Sylvie
Decottignies, Les peintures monumentales du XIe au XVIIIe
siècle. Ariège, collection Images du
patrimoine n° 231, Toulouse, Accord édition, 2004, 95 p. (don de Bernadette Suau) ;
- Atlas historique des villes de France, collection presque complète
(don de Bernadette Suau) ;
- Laurence Benquet, Les amphores des IIe et Ier siècles
avant J.-C. Découvertes dans le Toulousain et commerce, thèse de doctorat
sous la direction de J.-M. Pailler, Université de Toulouse-Le Mirail, 2002, 2
Cdrom (don de l’auteur) ;
- Les artistes de la bibliothèque municipale de Toulouse. Toulouse 1935.
Centenaire de la Société des Artistes Méridionaux, Bibliothèque de
Toulouse, 2005, 84 p. (don de Louis Peyrusse) ;
- Michel Roquebert, « Le “déconstructionnisme” et les études cathares »,
tiré-à-part de Les cathares devant l’histoire. Mélanges offerts à Jean
Duvernoy, sous la direction de Martin Aurell, Cahors, L’Hydre Éditions,
2005, p. 105-132 (don de l’auteur) ;
- Odile Parsis-Barubé, « Voyages érudits : les excursions archéologiques
dans l’historiographie romantique », tiré-à-part des Cahiers
Robinson, n° 3, 1998, p. 155-189 (don de l’auteur) ;
- Odile Parsis-Barubé, « Bonard, Terninck et Pécuchet, Des formes de
l’amateurisme et du statut d’expert dans la pratique archéologique au XIXe
siècle », tiré-à-part, p. 65-85 (don de l’auteur) ;
- Odile Parsis-Barubé, « Écriture historienne et réaménagement de
l’imaginaire du territoire dans la France du nord au XIXe siècle »,
tiré-à-part de Revue du Nord, n° 18, hors-série, collection Histoire,
2004, p. 39-57 (don de l’auteur) ;
- Odile Parsis-Barubé, Le Pas-de-Calais dans l’écriture du voyage à l’époque
romantique, tiré-à-part de Histoire et archéologie du Pas-de-Calais,
t. XXI, 2003, p. 67-93 (don de l’auteur).
Au nom de la Société, la Présidente remercie les donateurs.
La Présidente donne la parole à Jean-Luc Boudartchouk pour la présentation du rapport sur la candidature de membre correspondant de M. Philippe Gardes. Il est procédé au vote. M. Gardes est élu membre correspondant de notre Société.
L’ordre du jour appelle la communication de Jean-Luc Boudartchouk, L’Or de Toulouse, nouvelles données, publiée dans ce volume (t. LXVI, 2006) de nos Mémoires.
La Présidente remercie Jean-Luc Boudartchouk d’avoir fait le point sur cette question qui réapparaît périodiquement et ne manquera pas de susciter interrogations et remarques.
Hélène Guiraud demande des précisions sur les mot lacus et limnai et d’éventuelles mentions similaires ailleurs chez les Celtes. Jean-Luc Boudartchouk rappelle que seul Strabon mentionne des « lacs », tandis que Diodore de Sicile, qui puise sans doute à la même source, ne parle que de dépôt, et il ajoute que Strabon se distingue en outre des autres auteurs latins ou grecs par une description plus ethnographique qu’historique. Il dit avoir l’intime conviction que le texte de Strabon contient des strates, qu’il reproduit des fiches de notes prises dans des sources anciennes et récentes, voire contemporaines de l’auteur, peut-être latines. Strabon fait en effet état de limnai chez les Volques arécomiques du littoral méditerranéen et d’autres sources associent des marais aux Volques dans les Balkans.
Hélène Guiraud rappelle qu’à Nîmes, la capitale des Volques arécomiques, le sanctuaire pré-romain a été récupéré par Auguste, et elle observe qu’il s’agit d’un lacus, d’une source, ce qui offre une similitude assez troublante. S’il est entendu qu’il faut considérer comme des affabulations les trop fameux lacs de Saint-Sernin et de la Daurade, il faut néanmoins prendre en compte les deux autres temples majeurs de Toulouse romaine : le Capitole, qu’on peut situer place Esquirol, et cette zone de Saint-Étienne, très humide et qu’englobe le tracé de l’enceinte. Mais il est bien difficile d’aller plus loin. Jean-Luc Boudartchouk fait remarquer que l’on n’a rien retrouvé qui puisse être contemporain de l’évènement de 106 avant notre ère, et que pour les années 100, il faut se reporter au site de Vieille-Toulouse. Selon Strabon, Toulouse est une ville pleine de marais, mais il faut certes se garder de tout avis définitif sur la question. Tout en avouant n’être pas « strabonologue », car il y faut une vie entière, Jean-Luc Boudartchouk note cependant que si certaines descriptions sont peut-être obscures, celle de Marseille est limpide, ce qui peut être un argument en faveur de la qualité de la description de Toulouse.
Géraldine Cazals interroge notre confrère sur les sources que pourrait avoir utilisées La Perrière quand il affirme que l’or saisi par Caepio est ensuite revenu à Toulouse. Pour Jean-Luc Boudartchouk, il ne peut s’agir de sources romaines. Géraldine Cazals signale comme détail intéressant qu’Érasme a donné dans ses Chiliades Adagiorum un récapitulatif des sources relatives à l’or de Toulouse.
C’est en tant que géographe, plutôt qu’en tant qu’archéologue, que Jean Coppolani intervient pour se demander si l’or de Toulouse pouvait provenir de la région même. On a fait dériver du mot aurigea le nom de l’Ariège où l’orpaillage a en effet été pratiqué. Notre confrère Gaston Astre avait fait faire de l’orpaillage sur le gué du Bazacle à quelques-uns de ses étudiants, mais la quantité de paillettes recueillies était très faible. Louis Latour rappelle que si cette étymologie de l’Ariège est aujourd’hui abandonnée, il n’en demeure pas moins que dans tout l’actuel département de l’Ariège, l’orpaillage a produit des quantités d’or considérables aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il ajoute que les essais de Jean Paulin à Auterive lui avaient permis de récolter des paillettes et même des pépites, sans que l’activité soit cependant rentable. Mme Bayle signale que les renseignements trouvés dans les archives confirment une production importante d’or en Ariège à l’époque moderne. Jean-Luc Boudartchouk indique que les archéologues s’en tiennent aujourd’hui à une position médiane, considérant que l’or et l’argent des Tectosages, manifestation de leur puissance, pouvait provenir à la fois d’une production locale et d’apports extérieurs. Louis Latour note que lors des récentes Journées régionales des archéologues, les communications consacrées à la métallurgie antique ont fait allusion à la forte teneur en argent des minerais de fer.
Le Secrétaire
général souhaite que notre Société se saisisse au cours d’une prochaine séance
du débat engagé sur le site Internet de la Tribune des Arts, et qui a fait
l’objet d’un récent courriel adressé à tous nos membres. La controverse
porte sur les rapports entre historiens de l’art, ou plus largement chercheurs
en histoire de l’art et archéologie, et restaurateurs : architectes
en chef des Monuments historiques, Conservations régionales des Monuments
historiques, etc. Il apparaît à Maurice Scellès que le problème est mal
posé, parce que formulé en termes de relations entre personnes, ce qui fait
d’ailleurs très crûment apparaître le problème de fond, à savoir qu’il
n’y a pas en France d’approche globale du patrimoine, et qu’étude et
restauration sont considérées comme deux approches distinctes, relevant
d’institutions différentes, et non comme deux aspects d’une seule et même
approche de l’œuvre. Maurice Scellès rappelle que lors de la polémique à
propos de la restauration de Saint-Sernin, le débat a porté sur le maintien ou
la suppression des apports de Viollet-le-Duc, mais jamais sur le fait que le
chantier devait intégrer une équipe d’étude. Se référant aux
participations publiées par la Tribune des Arts, Jean-Marc Stouffs dit y avoir
trouvé des propos « hallucinants ».
Guy Ahlsell
de Toulza évoque un second courriel, dû à Agnès Marin, qui attire
l’attention des membres de notre Société sur la limitation voire
l’interdiction des photographies dans certains musées et le développement de
droits de reproduction prohibitifs pour les publications. Guy Ahlsell de Toulza
s’insurge contre ces pratiques qui vont à l’encontre de l’intérêt général
et il juge tout particulièrement inadmissible que des conservateurs considèrent
les collections publiques dont ils ont la charge comme leur propriété. On fait
remarquer que nous sommes en Europe dans la plus complète cacophonie, tant sur
les tarifs d’entrée dans les musées que sur les droits de photographie et de
reproduction des œuvres. Les règles changent d’ailleurs en permanence, en
fonction des villes ou des établissements : Bordeaux vient ainsi de décider
de la gratuité d’entrée dans les musées de la ville. Il en va de même des
conditions d’accès aux édifices religieux, qui sont parfois d’autant plus
invraisemblables que la loi de 1905 est précise, qui en garantit l’accès
libre et gratuit. La discussion se poursuit sur le statut des édifices affectés
au culte, sur les pouvoirs des affectataires, sur l’absence de moyens
permettant l’ouverture au public et la sécurité des édifices…
Bernadette Suau évoque le statut des archives départementales, qui sont soumises à un règlement intérieur approuvé par le Conseil général qui aujourd’hui finance. Elle reconnaît avoir pour sa part été opposée à la reproduction photographique des documents d’archives, parce qu’en effet elle s’en sentait un peu propriétaire et qu’elle avait alors l’impression d’en être dépossédée. Elle ajoute qu’elle a beaucoup évolué depuis et qu’elle souscrit aujourd’hui aux propos de Guy Ahlsell de Toulza.
Christian Darles s’inquiète auprès de la Compagnie des nombreuses églises du XIXe siècle qui font l’objet de travaux sans la moindre étude. Bernadette Suau fait remarquer que les travaux sur des églises non protégées au titre des Monuments historiques sont financés en Haute-Garonne à 70 % par le Conseil général, sans que les communes aient aucun compte à rendre sur les aspects patrimoniaux de ces édifices.
Guy Ahlsell de Toulza signale le saccage dramatique du château de Lacroix-Falgarde, transformé en appartements de luxe par une société immobilière : il dispose de deux Cdroms de photographies de l’état du château en novembre 2005 :
Le château de Lacroix-Falgarde : un scandaleux naufrage
C'est en 1574 que François Delpech, riche marchand toulousain allié à Pierre d'Assézat, fait construire le château de Lacroix-Falgarde à 10 km au sud de Toulouse. Il a été attribué à Dominique Bachelier, l'auteur cinq ans plus tard du château de La Réole pour Pierre de Cheverry. Vers 1730, François de Tournemire adapte les intérieurs au goût du jour, puis au début du XXe siècle Antoine Labit, créateur à Toulouse de la « Maison Universelle », restaure le château et réaménage le parc.
Un siècle plus tard, un de ses descendants vend la propriété à un promoteur immobilier. Celui-ci, avec la collaboration d'un architecte du Patrimoine toulousain, entreprend la « rénovation » du château dans le but d'y créer des studios et appartements de luxe. Remarquons que le château, inscrit en 1927, est classé Monument historique en septembre 1958, ce qui permettrait aujourd'hui une fructueuse défiscalisation…
Le résultat est calamiteux. Une visite en juillet 2005, puis une autre en février 2007 nous ont malheureusement permis de constater l'étendue du désastre.
Château de laCroix-Falgarde, élévation postérieure sur le parc, état en novembre 2005. |
Château de laCroix-Falgarde, élévation antérieure sur la cour, état en novembre 2005. |
Château de laCroix-Falgarde, escalier, état en novembre 2005. |
Château de laCroix-Falgarde, cheminée, état en novembre 2005. |
À l'extérieur, des fossés ont été creusés à la pelleteuse pour permettre l'ouverture de fenêtres dans les parties basses des deux ailes latérales, et le perron de six marches qui ouvrait le château sur le parc n'existe plus. Toutes les menuiseries et leurs volets intérieurs ont été arrachés et des lambeaux de plastique pendent aux fenêtres, laissant le château ouvert à tous vents. Les croisées de pierre sculptée des fenêtres de la tour sud-ouest ont disparu. La porte à double battant de la façade sur la cour d'honneur a aussi disparu, remplacée par une plaque de bois aggloméré…
Les deux ailes bordant la cour d'honneur ont été surélevées de trois assises de parpaings de béton afin de créer un espace habitable sous le comble. Les sols anciens ont été remplacés par des dalles de béton percées d'escaliers en vis jumeaux espacés d'un mètre…Les façades des deux ailes ont été éventrées et les percées modifiées. Les deux pavillons d'angle ont perdu leurs toitures et sont à ciel ouvert, les décors de stuc détruits.
À l'intérieur, le château est pitoyable, les dallages de briques ont disparus, les cheminées arrachées ou gisent à terre brisées. Un beau papier peint panoramique d'époque Romantique, déchiré, part en lambeaux. Les pièces, dépourvues de leurs menuiseries, sont devenues des pigeonniers. La toiture, qui n'est plus entretenue, laisse apparaître d'innombrables gouttières qui pourrissent peu à peu les poutres et les planchers autrefois couverts du dallage de briques.
Dans ce naufrage qui rappelle celui du Titanic, seule se dresse fièrement la grande cheminée de briques et pierres sculptées qui ornait la grande salle… pour combien de temps encore !
Le propriétaire est mort, dit-on, dans un accident. L'architecte du Patrimoine a quitté ce chantier pour un autre au centre de Toulouse avec sans doute le même objectif. Un bien sombre avenir attend ce qui reste du château, où il ne reste plus aujourd’hui à voler que… les échafaudages métalliques.
Comment en est-on arrivé là ? On a envie de pleurer, de crier : « Mais que fait la Police !! »
Le château est classé Monument historique : où est l'architecte en chef des Monuments historiques ? Que peuvent encore la D.R.A.C., la Conservation régionale des Monuments Historiques ou l'Agence des Bâtiments de France ? Leurs services sont draconiens avec le particulier moyen pour le moindre Vélux dans une toiture, ou pour la couleur des portes et volets d'une façade, et l'on assiste impuissant à l'agonie d'un des plus beaux et des plus prestigieux châteaux de la banlieue toulousaine. Les grands marchands qu'étaient Delpech, Assézat ou Georges Labit doivent se retourner dans leurs tombes… et nous, nous avons honte.Guy AHLSELL de TOULZA
avril 2007
On précise que les travaux ont été interdits par la Commission supérieure des Monuments historiques. Interdiction sans effet donc. On ajoute que l’Hôtel du Vieux-Raisin à Toulouse doit être également réaménagé en appartements de luxe.
Christian Darles voudrait avoir des informations sur la demande concernant une mosaïque de Saint-Pierre de Blagnac qui nous a été adressée par l’architecte en charge de l’édifice. Le Secrétaire général indique qu’il a répondu à son courriel, et il ajoute qu’une demande similaire lui avait été adressée par le Service régional de l’archéologie. Daniel Cazes a accepté de se charger du dossier : la mosaïque est selon toute vraisemblance paléochrétienne mais sa provenance demeure incertaine.
Le Trésorier attire à nouveau l’attention sur le trop grand nombre de cotisations en retard : 53 membres n’ont en effet toujours pas acquitté leur cotisation 2005. Il s’agit maintenant d’un problème de fond, dont le Bureau s’entretiendra au cours de la réunion qui suivra la séance. Pour Louis Peyrusse, il convient de rappeler les membres de notre Société à leurs responsabilités, les cotisations constituant une part importante de nos ressources.
SÉANCE DU 3 JANVIER 2006
Présents : MM. Guy Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire
général, Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, MM. Cabau, Secrétaire-adjoint,
Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mmes Napoléone, Watin-Grandchamp, M. Lassure, le Père Montagnes, MM.
Peyrusse, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Andrieu, Barber, Bayle,
Débax,
Fraïsse, MM. Gardes, Macé, Molet, membres correspondants.
Excusés : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, M. Cazes, Directeur,
Mme Cazes, Mme Galés, MM. Bordes, Boudartchouk, Garland.
Le Trésorier ouvre la séance à 17 heures et fait circuler un bon de souscription annonçant un ouvrage de Georges Passerat : La croisade des Pastoureaux. Sur la route du Mont Saint-Michel à Narbonne, la tragédie sanglante des Juifs, au début du XIVe siècle (1320), La Louve éditions, Flaujac-Poujols, 192 p., à paraître le 15 mars 2006.
Bernadette Suau présente une publication reçue à titre de don du Service régional de l’Inventaire : Castelnau d’Estrétefonds et son église, sous la direction de Martine Jaoul, collection « Images du Patrimoine », n° 227, Toulouse, Accord édition, 2003, 80 p. Nicole Andrieu précise que cette monographie concerne également le village et le château. En réponse à une question de Mme Suau, il est précisé qu'à la différence du Service régional de l’Archéologie, avec lequel existe une convention d’échange (Mémoires contre bilan scientifique annuel), le Service régional de l’Inventaire n’a pas de relation institutionnelle avec notre Société. Une telle relation, fort souhaitable, devrait être envisagée.
La parole est au Secrétaire général pour la lecture des procès-verbaux des séances des 22 novembre et 6 décembre 2005, qui sont adoptés.
Le Trésorier annonce que la réunion du Conseil d’administration de l’Union des Six Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat se tiendra prochainement, et que les membres de notre Société y sont invités. Concernant l’Hôtel, il se félicite une fois de plus du bon fonctionnement de la Commission paritaire chargée de la gestion courante.
La parole est à notre consœur Hélène Débax pour la communication du jour, intitulée Les clés de la féodalité : un castrum doit être ouvert ou fermé, publiée dans ce volume (t. LXVI, 2006) de nos Mémoires.
Guy Ahlsell de Toulza remercie Mme Débax pour cette communication tout à la fois fondamentale et originale, puis il fait appel aux questions et remarques de l’assemblée.
Laurent Macé fait observer que les actes analysés ne concernent pas les grandes villes, telle Carcassonne, où les tours font au XIIe siècle l’objet de nombreux actes de concession, puis il suggère que l’enquête sur les clés pourrait être étendue au domaine des sceaux, signes de pouvoir. M. Macé pense notamment à un sceau municipal de Moissac, de 1242, montrant deux clés entrecroisées qui renvoient aux deux autorités de tutelle de la ville, le pouvoir monastique et le pouvoir comtal. Hélène Débax se déclare convaincue de l’intérêt d’une telle étude, mais rappelle qu’elle a délibérément limité son propos, pour des raisons documentaires, aux castra des XIe et XIIe siècles.
Guy Ahlsell de Toulza veut savoir s’il y a vraiment une différence entre les mots castrum et castellum, qui paraissent interchangeables. Mme Débax répond par la négative, et Maurice Scellès relève la difficulté qu’il y a, comme toujours, à faire coller les mots utilisés dans les textes et une réalité archéologique. Patrice Cabau note que les énumérations de synonymes ou de termes équivalents correspondent au souci de se prémunir juridiquement contre toute éventualité : ce qui est désigné est autant de l’ordre du potentiel que du réel.
Louis Peyrusse ayant demandé quand servaient les clefs, Mme Débax répond que les textes ne les citent pas pour des utilisations fonctionnelles, mais symboliques. Elle cite le cas du château d’Usson (Ariège), que le vassal refuse de remettre avant trente jours à son suzerain, le comte de Foix ; coupable de félonie, le vassal est forcé de venir à résipiscence et de remettre la clef du château. M. Macé précise que la « semonce » prévoyait habituellement un délai de quinze jours pour la tradition du bien inféodé, puis il signale qu’au XIIIe siècle l’étendard arboré sur la tour est un autre symbole de suzeraineté, celui-ci beaucoup plus visible que la clef.
Guy Ahlsell de Toulza pose la question de savoir si les clés dont il est question sont des clés matérielles ou des clés symboliques ; on sait qu’au Moyen Âge les portes étaient barrées avec des madriers. Maurice Scellès abonde en ce sens, rappelant que les portes extérieures des édifices sont souvent pourvues de trous barriers. Jean-Michel Lassure signale que de très nombreuses clefs ont été retrouvées en fouille à L’Isle-Bouzon (Gers), mais qu’il s’agissait de petites clefs, destinées à des serrures de coffrets. L’ensemble de la Compagnie s’accorde à considérer que les clés mentionnées dans les textes avaient surtout une fonction symbolique.
La discussion porte ensuite sur les systèmes fortifiés et la symbolique de la tour. Henri Molet souligne les changements intervenus dans les fortifications des castra au début du XIIIe siècle, pendant et après la croisade contre les Albigeois. M. Scellès évoque quant à lui les « tours qui ne servent à rien », telle celle qui, à Castelnau-Bretenoux (Lot), jouxte le donjon principal, puis il aborde le problème que devait poser une tour « rendable » dans un ensemble qui ne l’était pas, sujet auquel s’intéresse particulièrement notre confrère Gilles Séraphin.
Au titre des questions diverses, Bruno Tollon dénonce les dégâts qu’a entraînés l’opération immobilière réalisée au château de Lacroix-Falgarde (Haute-Garonne), rappelant que les châteaux de La Cépière à Toulouse et de Rudelle à Muret ont déjà subi un sort semblable. Les travaux de réaménagement intérieurs du château de Lacroix-Falgarde, tels qu’ils étaient projetés, avaient reçu un avis défavorable de l’Inspection des Monuments historiques ; reste à savoir dans quelle mesure la loi a été transgressée. Louis Peyrusse évoque un autre précédent fâcheux : la transformation intérieure de l’Hôtel d’Assézat, classé parmi les Monuments historiques.
SÉANCE DU 17 JANVIER 2006
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès,
Secrétaire général, Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, MM. Cabau, Secrétaire-adjoint,
Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mme Napoléone, M. Bordes, le Père
Montagnes, MM. Peyrusse, Roquebert, Testard, Tollon, membres titulaires ;
Mmes Barber, Bayle, MM. Barber, Darles, membres correspondants.
Excusés : M. Cazes, Directeur, Mmes Cazals, Félix, Galés, MM.
Boudartchouk, Garland, Stouffs.
La Présidente ouvre la séance en remerciant tous ceux qui lui ont adressé leurs vœux pour la nouvelle année, et elle souhaite à son tour à tous une année 2006 remplie de satisfactions, en particulier dans le domaine de la recherche, qui nous réserve souvent de très grandes joies.
Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 3 janvier, qui est adopté.
La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite, qui comprend en particulier des cartes de vœux. Géraldine Cazals prie en outre la Société d’excuser son absence au cours des prochains mois, pendant lesquels ses obligations professionnelles la retiendront à Tours le mardi.
C’est encore Jean-Luc Schenk-David qui nous adresse sa récente publication, L’archéologie de trois sanctuaires des Pyrénées centrales. Contribution à l’étude des religions antiques de la cité des Convènes, Pirénéica 1, 2005, 128 p.
Mme Parsis nous annonce la parution d’un prochain volume qui sera consacré à l’Invention du Nord. À l’occasion de sa venue dans la région, Mme Parsis, qui s’intéresse en particulier aux « antiquaires » du XIXe siècle, serait heureuse de pouvoir entrer en contact avec ceux qui ont étudié les débuts de la Société Archéologique du Midi de la France et son rôle dans l’enrichissement des musées.
La Compagnie
se constitue en Assemblée générale. La Présidente présente le rapport moral
pour l’année 2006, et le Trésorier le rapport financier.
Maurice Scellès
se réjouit des bons résultats de l’année écoulée, qui devraient permettre
d’engager quelques dépenses exceptionnelles. Bernadette Suau donne des précisions
sur les acquisitions de livres en 2005 et propose de faire réaliser une
nouvelle série de reliures, dont notre bibliothèque a grand besoin, en 2006.
Louis
Peyrusse observe avec inquiétude que le total des frais d’impression des Mémoires
et des frais d’envoi excède nos fonds propres et que nous serions donc en déficit
sans la contribution du Conseil général. Louis Latour pense que des recettes
supplémentaires pourraient être obtenues par l’effort de chacun à faire
acheter nos Mémoires par des amis et connaissances.
À
l’unanimité des membres présents, le rapport moral est adopté et quitus est
donné au Trésorier pour sa bonne gestion.
Il est
procédé aux élections statutaires. La Présidente, la Bibliothécaire-Archiviste
et le Secrétaire général sont réélus dans leurs fonctions.
La parole est à Christian Darles pour une communication sur Le pont dit « romain » de Molières-Puycornet (Tarn-et-Garonne), publiée dans ce volume (t. LXVI, 2006) de nos Mémoires.
La Présidente
remercie Christian Darles pour cette très belle présentation dont elle admire
la qualité technique. Il ressort de la démonstration qu’il y aurait là à
l’origine un pont médiéval ?
Christian
Darles pense qu’en effet le premier état du pont doit être placé au XIIe,
XIIIe ou XIVe siècle ; le deuxième état lui succède
assez rapidement, tandis que le troisième, qui se caractérise par une maçonnerie
de très médiocre qualité, liée à la terre, est beaucoup plus tardif.
Répondant à
une nouvelle question de la Présidente, Christian Darles précise que la pierre
n’apparaît que dans le troisième état. Il s’agit d’une pierre de
provenance locale, qui n’est employée que pour les trois assises supérieures
des becs.
Maurice Scellès
observe que la dernière réfection pourrait correspondre à un changement de
statut de la route, le nouveau pont, plus haut, permettant de garantir la
circulation même en période de crue, et il se demande s’il ne faut pas
situer cette modification au XVIIe ou XVIIIe siècle.
Christian Darles rappelle que la mise en place d’un réseau de routes royales
remonte au XIVe siècle.
Bernadette
Suau demande si les séries C et S des archives départementales ont été
utilisées : Christian Darles dit qu’il se renseignera auprès de Florent
Hautefeuille. Bernadette Suau ajoute qu’il serait sans doute intéressant de
recueillir l’avis de Jean Delmas, qui connaît tous les ponts du département
de l’Aveyron. Elle voudrait avoir des précisions sur l’hôpital. Christian
Darles indique que l’on a mention d’un hôpital de Saint-Amans à un kilomètre
de là. Louis Latour rappelle que Jean Mesqui, qui a bien étudié cette
question, a montré qu’il existait un lien presque organique entre pont et hôpital,
et qu’il ne faut donc pas considérer qu’il s’agit d’une simple coïncidence.
Répondant à
François Bordes et Bernadette Suau, Christian Darles donne des précisions sur
les confronts de la seigneurie de Puycornet et la toponymie.
Louis Latour
demande si des crampons de fer ont été observés à Puycornet, comme cela a été
le cas pour les ponts de la Daurade et d’Auterive. Christian Darles répond
par la négative en rappelant que si les deux premiers états sont des
constructions soignées, la maçonnerie du troisième état, la seule où apparaît
de la pierre, est très médiocre. Pour Maurice Scellès, la qualité de la
brique et sa mise en œuvre dans les parties correspondant au premier état
confirmeraient une datation du Moyen Âge.
Au titre des questions diverses, François Bordes annonce les journées d'étude sur les centres historiques urbains, organisées par les Archives municipales, qui se tiendront les 26 et 27 janvier prochains à l’auditorium de la médiathèque de Toulouse, et il en détaille le programme.
SÉANCE DU 31 JANVIER 2006
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier,
Scellès, Secrétaire général, Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, MM.
Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mmes Napoléone,
Cazes, MM. Bordes, Pradalier, Rocacher, Testard, Tollon, membres titulaires ;
Mmes Barber, Bayle, Félix, Fraïsse, M. Barber, membres correspondants.
Excusés : Mme Galés, MM. Boudartchouk, Peyrusse.
La Présidente ouvre la séance à 17 h et commence par prier la Compagnie de bien vouloir excuser les confusions qui se sont produites pour la programmation des séances. Puis elle annonce le décès de François Taillefer, dont les obsèques seront célébrées le 1er février en l’église Saint-Paul de Toulouse. Michèle Pradalier-Schlumberger évoque la figure de ce très grand géographe, spécialiste des Pyrénées et de leur piémont, auteur notamment d’un ouvrage sur les formes de l’érosion glaciaire, d’un atlas de Midi-Pyrénées, et directeur, avec Lucien Papy, son collègue bordelais, d’un Atlas de la France en 14 volumes. Mme Pradalier-Schlumberger dit conserver un souvenir très fort des cours que François Taillefer professait sur la montagne. Au nom de la Société, elle adressera nos condoléances à son fils, M. Michel Taillefer.
La Présidente
rend compte ensuite de la correspondance reçue :
- les vœux
de bonne année que notre confrère Robert Manuel a adressés à la Compagnie ;
- un courrier
de la mairie de Toulouse, en date du 25 janvier, nous annonçant que la
subvention annuelle de 1 500 euros allouée à la Société archéologique
a été reconduite ;
- deux
lettres de candidature au titre de membre correspondant émanées de Mme
Louise-Emmanuelle Friquart et de Mme Laure Krispin ;
- deux mémoires
de maîtrise présentés au concours annuel de notre Société, l’un par Mlle
Laurence Alberghi, l’autre par M. Yoan Mattalia ;
- le dernier
volume d’une revue britannique offert pour notre bibliothèque par M. Charles
Tracy, qui y a publié un article important sur le décor de boiseries du palais
épiscopal de Mirepoix : « The Bishops Palace at Mirepoix (Ariège)
and French Renaissance Oak panelling in a Scottish House », The
Antiquaries Journal, vol. 85, Londres, Society of Antiquaries of London,
2005, p. 176-249.
Les Bibliothécaires informent la Compagnie qu’ils travaillent à la réalisation des tables des Bulletins de notre Société. Il s’agit dans un premier temps de constituer un recueil photocopié des index des volumes, en attendant de pouvoir procéder à la saisie informatique de l’ensemble.
L’ordre du jour appelant l’élection de trois membres correspondants, Bernadette Suau donne lecture de son rapport sur la candidature de M. Jacques Surmonne et Daniel Cazes lit le sien sur celles de M. Jean Balty et Mme Janine Balty. Les trois impétrants sont élus membres correspondants de notre Société.
La parole est ensuite à Olivier Testard pour la communication du jour, intitulée Les étapes de la construction de la Porte Miégeville, publiée dans ce volume (t. LXVI, 2006) de nos Mémoires.
La Présidente
remercie notre confrère pour cette lecture renouvelée du portail méridional
de la basilique Saint-Sernin qui fait face à la rue du Taur. La partie archéologique
de l’exposé représente une contribution très intéressante pour la
connaissance des techniques de construction ; on retiendra notamment
l’utilisation de crampons métalliques pour sceller les reliefs. La partie
consacrée à l’étude iconographique peut paraître moins convaincante, et le
système proposé ne manquera sans doute pas de susciter le débat. Pour sa
part, Michèle Pradalier-Schlumberger s’interroge sur l’identité des veuves
figurées sur deux modillons, ainsi que le rôle attribué au pape Urbain II
dans l’élaboration du programme.
Quitterie
Cazes se déclare d’accord avec l’analyse architectonique du portail, dont
le massif a été réalisé en deux temps, la partie supérieure venant après
l’élévation de la nef. Ayant souligné que l’ensemble des maçonneries
romanes possède des mortiers bien homogènes, elle précise que l’examen de
ces mortiers montre que les rosaces de la frise ont été mises en place après
la pose des modillons. Quitterie Cazes fait ensuite observer qu’il n’y a aucune
preuve que la croix peinte en rouge à l’intérieur de la basilique remonte à
la dédicace de 1096 ; la chronologie relative de la travée où elle se
trouve paraît fort complexe.
Maurice Scellès,
frappé par le contraste des teintes de l’appareil visibles sur les vues
projetées, s’étonne qu’un si grand nombre de moellons ait été changé :
les blocs d’origine n’étaient que superficiellement altérés. S’agissant
de l’interprétation iconographique construite par Olivier Testard, Maurice Scellès la
juge très ingénieuse, trop sans doute pour emporter une totale adhésion.
Daniel Cazes met en évidence la difficulté majeure à laquelle se heurte l’analyse de l’iconographie de la Porte Miégeville : il n’y a pas de comparaison possible avec d’autres images ou ensembles d’images analogues. Les hypothèses avancées n’épuisent pas la complexité du mystère que constitue la signification du programme. Du reste, quelques interprétations de détail lui paraissent erronées : la « console aux anges à droite » ne représente pas des anges – qui seraient dépourvus d’ailes –, mais des créatures humaines, des hommes plutôt que des femmes. On pourrait y voir David et Samson s’attaquant à des lions – en présence d’un oiseau (?!). Étant donné que le programme iconographique du portail s’inspire très fortement de l’Antiquité, on peut identifier ces deux personnages, vêtus d’une tunique et coiffés d’un bonnet, comme étant des bergers ; ils empoignent vigoureusement des fauves dangereux pour leur troupeau. Daniel Cazes maintient que le S. Jacobus du relief de gauche est, non pas le Mineur, mais le Majeur, comme à Compostelle. Concernant le tableau qui se trouve placé sous les pieds de l’apôtre, il est tenté d’y transposer la lecture proposée pour les figures de la console, dans un article paru en 1952, par Anna Maria Cetto : il s’agirait de l’hérétique Montan entouré des fausses prophétesses Priscilla et Maximilla. On aurait ainsi sur le portail deux scènes symétriques dénonçant les déviances hérétiques et deux hérésiarques majeurs : Simon et Montan. Olivier Testard répond que cette hypothèse est intéressante, mais qu’il faudra étudier la question de l’actualité du montanisme à la fin du XIe siècle.
Henri Pradalier se dit également convaincu par l’étude monumentale, mais il émet lui aussi d’expresses réserves sur le rôle du pape, l’iconographie et la datation du portail. Les interprétations et schémas présentés tendent à « tordre la vérité » : la figure de David ne serait pas à sa place dans le système adopté ; l’axe allant de l’ouest vers l’est correspond au passage de l’Ancien Testament vers le Nouveau – et non pas l’inverse. Les lions ne sont pas forcément des symboles du Mal : ils peuvent aussi accompagner le Christ, comme au tympan de la cathédrale de Jaca. Simon le Magicien n’était pas un Juif : il s’était converti au christianisme. Pour Henri Pradalier, il convient de se méfier des interprétations totalisantes, trop intellectuelles et souvent anachroniques. D’ailleurs, y a-t-il toujours une signification globale ? Tout comme Daniel Cazes, il préconise une lecture des images beaucoup plus simple : il s’accorde ainsi à reconnaître deux bergers sur la console de droite. Bien des sculptures romanes s’inspirent clairement d’œuvres de l’Antiquité, mais leur interprétation peut poser problème : on a l’exemple du chapiteau de Frómista dont les faces reproduisent des scènes figurées sur les parois du sarcophage de Husillas, mais le sculpteur médiéval n’a manifestement pas compris la cohérence du modèle antique. Concernant la chronologie, Henri Pradalier refuse de croire pour la Porte Miégeville à une date tardive : il ne faut pas détacher Saint-Sernin d’un ensemble de chantiers qui, comme l’a montré le colloque tenu à Limoges, ont démarré tôt dans le XIe siècle. Quitterie Cazes objecte qu’il serait cependant difficile de faire remonter l’œuvre sculpté de Compostelle au-delà de 1075 et celui de Moissac bien avant 1100.
Pour répondre
aux critiques relatives à la « sur-interprétation », Olivier
Testard rappelle que l’iconographie romane a été ordonnée et conçue par
des milieux de grande culture : les textes que ces milieux ont produits témoignent
éloquemment de leur haut niveau intellectuel.
Patrice Cabau
ne croit pas qu’Urbain II ait joué le moindre rôle dans la reconstruction de
Saint-Sernin. Il convient de relativiser l’importance de la dédicace du 24
mai 1096 : ce fut une cérémonie tout occasionnelle, Toulouse n’ayant été
qu’une étape parmi d’autres dans le périple que le pape accomplit en
France en 1095-1096 ; on sait qu’à Carcassonne il bénit simplement les
matériaux destinés à la nouvelle cathédrale. Revenant ensuite sur une
assertion liminaire d’Olivier Testard, Patrice Cabau estime invraisemblable
que les fondements de Saint-Sernin, établis dès le début sur toute
l’emprise de la construction projetée, aient été prévus au large et
qu’on les ait ensuite ramenés à l’épaisseur des murs en procédant au
« bûchage des parties excédentaires » : si les ressauts de
fondation sont bûchés sur le pourtour intérieur de l’église, c’est que
le niveau originel du sol a été abaissé de plusieurs décimètres à l’époque
moderne ; dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’édifice
a aussi été fortement décaissé à l’extérieur.
SÉANCE DU 7 FÉVRIER 2006
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier,
Scellès, Secrétaire général, Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, MM.
Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mme Napoléone,
M. Gilles, le Père Montagnes, MM. Peyrusse, Testard, Tollon, membres titulaires ;
Mme Bayle, M. Garland, membres correspondants.
Excusés : Mme Cazes, MM. Bordes, Pradalier, Prin.
Invitée : Mme Elisa Ros.
La Présidente a la tristesse d’annoncer le décès de Monique Escat, conservateur départemental des musées du Lot, que nombre d’entre nous connaissaient.
Le Secrétaire
général donne lecture du procès-verbal de la séance du 17 janvier, qui est
adopté.
La Présidente
invite la Compagnie à se retrouver mardi prochain aux Jacobins pour la visite
de l’exposition Toulouse, parcelles de mémoire. 2000 ans d’histoire
urbaine au regard de 8 siècles d’archives municipales, organisée par les
Archives municipales de Toulouse et qui nous sera présentée par François
Bordes.
L’ordre du
jour appelle l’élection de membres correspondants. Les rapports de Maurice
Scellès entendus, on procède au vote : Mmes Louise-Emmanuelle Friquart et
Laure Krispin sont élues membres correspondants de notre Société.
La parole est à Mme Jeanne Bayle pour une communication sur Le château épiscopal de Mazerette à Mirepoix au XVIe siècle :
« Le château de Mazerette s’élève à quelques kilomètres à l’ouest de Mirepoix. Le lieu appartenait à l’abbaye Saint-Victor de Marseille et s’appelait alors Madières ou Mazères et n’a pris le nom de Mazerette qu’au cours du XIVe siècle (première mention en 1390) pour le distinguer de Mazères, bastide fondée en 1251 par le comte de Foix et l’abbaye de Boulbonne, également située sur le bord de l’Hers. Lors de la création de l’évêché de Mirepoix par le pape Jean XXII en 1317, « Mazères » est attribuée à la mense épiscopale et l’abbaye marseillaise reçoit en dédommagement le prieuré de Villeneuve-Granouillet appartenant au chapitre cathédral de Toulouse (1). Les évêques de Mirepoix, qui n’avaient pas de demeure en ville, y résidèrent aux XIVe et XVe siècles.
Quand Philippe de Lévis devint évêque de Mirepoix en 1497, c’était une petite maison-forte, dite « la Tour Madame », comportant une salle et deux chambres, totalement dépourvue de meubles et de provisions. Il y fit des travaux importants d’aménagement et d’agrandissement, qui, d’après son neveu Philippe III de Lévis, seigneur de Mirepoix, lui auraient coûté 30 000 livres et auraient utilisé tout le bois de la forêt de Bélène, appartenant d’ailleurs non à l’évêque mais à son frère le seigneur de Mirepoix (2). Ce château a été transformé et reconstruit à différentes reprises et il ne reste rien, semble-t-il, des bâtiments du XVIe siècle.
Deux documents permettent toutefois d’évoquer cette demeure dans la première moitié du XVIe siècle : le devis non daté du maçon Jean Agasse et l’inventaire des meubles contenus dans le château lors de la prise de possession de l’évêché par le procureur de Jean Suau en 1556. Or, entre la mort de Philippe de Lévis en 1537 et 1556, aucun évêque n’a résidé à Mirepoix ; le bâtiment se trouve donc dans le même état qu’au décès de Philippe de Lévis. Le procureur de Jean Suau ne s’intéresse qu’aux biens meubles tels que tonneaux, tables, sièges et lits, mais il parcourt l’édifice en passant de pièce en pièce, ce qui permet d’en connaître un peu les dispositions (3).
Le devis en occitan non daté, rédigé par le maçon Jean Agasse, concerne divers travaux à exécuter au château (4). À ce moment-là la Tour Madame a déjà été transformée puisque des travaux non précisés avaient été effectués à Camon et à Mazerette en 1508. Il semble en effet que Philippe de Lévis, qui réside à Mazerette depuis sa nomination, ait fait construire dans un premier temps la chapelle basse au niveau de la salle existante et la chapelle haute près des chambres à l’étage. Cette dernière et sa galerie d’accès, lambrissées et voûtées de bois, sont décorées de vitraux, représentant des scènes de l’Incarnation et de la Passion ainsi que saint Maurice, patron du diocèse, et d’autres saints, vitraux qui sont finis de payer au maître-verrier toulousain Blaise Olivier en 1510 (5).
D’après le devis, Philippe de Lévis envisage de surélever le corps de logis et les deux murs pignons. Il veut avoir à l’étage une grande salle haute, pourvue d’une cheminée de pierre moulurée et ornée de ses armes, éclairée par deux fenêtres à meneau et une demi- croisée, ainsi que sa chambre, également éclairée par une fenêtre à meneau et chauffée par une cheminée moulurée. Au-dessus s’élèvera un galetas où seront aménagées quatre chambres, pourvues chacune d’une fenêtre à meneau et d’une cheminée ordinaire. La circulation sera assurée par un escalier en vis et des galeries. L’escalier en vis, rond à l’intérieur et à six pans à l’extérieur, aura des marches d’une canne de longueur (1,79 m). Sa porte d’entrée en pierre à courbes et contre-courbes, décorée de crêtes sur les rampants et d’un bouquet de feuillages à son sommet, aura un tympan orné des armes de l’évêque ; une petite niche renfermera une statue. L’escalier sera éclairé par quatre demi-croisées et montera jusqu’au galetas qu’il desservira par une porte percée dans un mur de 12 pams de haut (2,65 m). Trois autres portes conduiront à la salle haute, à la chapelle haute et à la grande galerie. Jean Agasse doit déplacer la porte d’entrée du château vers la chapelle, fermer celle qui existe et la renforcer de deux piliers pour soutenir la galerie. Il construira une galerie basse avec trois piliers de pierre et des arcs en brique portant des voûtes de bois. Au-dessus de celle-ci la galerie haute reproduira les mêmes dispositions et sera pourvue en outre d’un garde-corps en pierre de taille. Une autre galerie, qui existe déjà, conduit à la chapelle haute, mais il est question d’une quatrième galerie à lancer sur un arc entre la tour et la chambre du prélat. Le maçon devra renforcer les pignons par deux contreforts à retraits aux angles de brique comme celui qui existe et qu’il faudra surélever. Il blanchira en outre tout le bâtiment et la vis. Les travaux à Mazerette sont achevés avant 1529 (6).
L’ensemble des dispositions du devis paraît avoir été exécuté. Ce qui restait de la Tour Madame et les premiers agrandissements formaient le rez-de-chaussée décrit en 1556 comme « le tinel vieux », « la salle basse », la « botellerie vieille », « la cuisine vieille », la « sallete basse neuve », la « botellerie basse » et la chapelle basse (7). L’escalier en vis mène alors, à droite, à la cuisine haute et, plus haut, au galetas avec ses quatre pièces (chambre peinte, chambre rouge, chambre de l’Inquisition et garde-robe de l’évêque) et, à gauche de l’étage noble, à la salle haute ou tinel grand et à la chambre du prélat. Salle, chambre et cuisine sont pourvues d’arrière-pièces. La galerie basse n’est pas mentionnée et n’a peut-être pas été construite. Outre la galerie haute et celle de la chapelle, il existe alors une galerie « dernière », probablement à l’arrière du corps de logis, desservant deux chambres, l’une vers les étables, l’autre du côté de la tour de l’horloge, correspondant vraisemblablement à la galerie sur arc de Jean Agasse (8).
Le château était précédé d’une avant-cour, où s’élevaient des bâtiments de service tels que des hangars à foin et des étables, et d’une cour pavée avec un puits et un caniveau pour évacuer les eaux usées de la maison. Celle-ci était bordée par les celliers et peut-être limitée par un mur crénelé, près duquel étaient placés deux canons sur chariots, dispositions que Philippe III dénommait pompeusement « boullevars, créneaulx, canonières et barbacanes » (9). Le château était orienté est-ouest puisqu’un de ses pignons est dit du côté de la bise ; sa porte d’entrée à l’ouest était proche de la chapelle basse.
Le corps de logis du château comportait au rez-de-chaussée des pièces de service, le logement du fermier et la chapelle basse pour les serviteurs, à l’étage la grande salle, la chambre de l’évêque et la chapelle haute, au-dessus quatre chambres. Les deux étages étaient desservis par l’escalier en vis. Autour du château s’étendaient un jardin clos de palissades avec une fontaine, un parc et son pigeonnier, un vivier et des vignes. Tel était le cadre de vie d’un prélat du début du XVIe siècle, encore très proche des demeures médiévales.
Jeanne Bayle »
1. GUÉRARD, Cartulaire de Saint-Victor de Marseille, Paris, I857, t. II (Documents inédits de l’histoire de France). Édouard BARATIER, « La fondation et l’étendue du temporel de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille », Provence historique, 1966, p. 437, identifie à tort le prieuré de Saint-Victor avec Mazères (cant. Saverdun, arr. Pamiers, dép. Ariège). Gratien Leblanc, « Histoire de la cathédrale de Mirepoix », M.S.A.M.F., t. XXXIX, 1974-1975, p. 23-156.
2. A.D. Ariège, 46 J 246, n° 59, articles 32 et 33.
3. A.D. Ariège, G 239, n° 1.
4. A.D. Ariège, 46 J 283, n° 33-7. Julien Agasse, sans doute de la même famille que Jean, est connu par le prix-fait du 9 novembre 1526 qui le charge de l’achèvement des deux voûtes de la chapelle et de l’escalier en vis ainsi que de la galerie sur mâchicoulis pour aller à la salle haute au château de Lagarde. Archives départementales Ariège, 46 J 237, n° 65-3.
5. A.D. Ariège, 46 J 278, n° 45, cf. abbé Gabaldo, « Notes sur l’ancienne cathédrale de Mirepoix, pièces justificatives », Congrès archéologique de France, Pamiers, Foix, Saint-Girons, 1884, p. 248. Archives départementales Ariège, 46 J 246, n° 59, article 35.
6. Gabaldo, op. cit., p. 230.
7. La « botellerie » est la pièce où peuvent se réunir les domestiques de rang supérieur, sans doute une partie des clercs au service de l’évêque.
8. On ne sait si la « tour de l’orologe vieux » de 1556 est la tour qui est citée dans le devis d’Agasse ou la partie supérieure de l’escalier, puisqu’on mentionne en 1556 « au bout de la vit ung orloge de fer médiocre sans campane ».
9. A.D. Ariège, 46 J 246, n° 59, article 33.
Devis de Jean Agasse, vers 1520
Ensat se la bessonha q(ue) lo reveren payre en Dieu moss(enhor) l’avesque de Mirapeys vol fa en son castel de Masseretas. E premieyrament vol lod(it) moss(enhor) muda la porta qu’es de pressen plus vas la capela he bara l’autra he far monta doas pilas fassan escoussos a ladita porta p(er) tene la gualaria. It(em) plus cal far tres pilas de peyra p(er) porta la gualaria. It(em) plus vouta de pila en pila d’ars de teula. It(em) plus sur losd(itas) pilas que venran de fons cal prenre de pilas p(er) po(r)ta la gualaria nauta he vouta lad(ita) gualaria coma la bassa. It(em) plus en lasd(itas) gualarias far de barlangas de peyra de talha entro a la sentura d’unoure (1). It(em) plus pavar lad(ita) cort de peyra de talha he fayre ung condut p(er) gitar las aiguas fora de la maysso. It(em) plus una vit de una cana de cami, ronda dedins he a pans defora, a VI pans, he n’un pan la premiera porta bona e de bona molura am pilies amortis doas vegudas, ung stemiers (2) renplit de fuelhas ho crestas, seguon que la peyra poyra porta, e las armas de moss(enhor). It(em) plus ung petit tabernaclie dedins lo cam del ruvers p(er) metre una emage, aquela que playra a moss(enhor). It(em) plus en lad(ita) vit deu aver unautra porta p(er) entra a la gualaria que va al tinel naut. It(em) plus unautra p(er) intrar a la cap(e)la nautra. It(em) plus unautra p(er) intra a la granda gualaria. It(em) plus unautra p(er) intrar al gualatas. It(em) plus a chascun tor de lad(ita) vit miega crossieyra la on sera nessessaria, cal i quatre miegas crossieyras o fenestras, he de monta lad(ita) vit entro que intra al gualatas de marchas e del gualatas ensus XII pams de massonaria entro que la porta sia cuberta e arassada. It(em) plus en lo cor de mayso de aver sieys chamineas, la una a la salla, bela he de bona molura am las armas de mossenonhor (sic). It(em) en la cambra apres la ssala hunautra de bona molura. It(em) plus en lo pinho de l’arc nou a las cambres del gualatas doas chemineas planas amb un revestimen. It(em) plus sobre (l)a caminea de la ssala, al gualatas, unautra cheminea. It(em) plus al pinho dever bissa unautra cheminea. It(em) plus a la ssala doas fenestras crossieyras he una miega. It(em) plus a la cambra d’apres unautra crossieyra. It(em) plus al gualatas quatre crossieyras, en cada cambra una. It(em) plus doas miegas, en cada pinha una. It(em) plus cal fondar doas pilas que venguo de fons e monto entro al gualatas amo(r)timen e leva aquela qu’es facha d’aqui a ssima (3), los cantos de teula coma de las autras. It(em) plus leva las muralhas de XII pams o sso que sera necessari a co lo lenc dels cors de maysso de doas pars. It(em) plus levar los pinhos de lad(ita) maysso he ung revestimen de teula que sera su crochet e levar la(s)d(itas) chemineas, e cad(a) (d’)el, tro la on sera necessari, enblanqui tot lod(it) cor de maysso e la vit. It(em) plus far una pila dejos la gualaria de la cambra de mossenhor he ung art de (l)ad(ita) pila a la tor p(er) porta lad(ita) gualaria.
He ladita bessonh dejos escrata hieu Joha(n) Aguassa faray p(er) lo pres de XII sent lieras e VII xx sesties de blat. A mon depen he manobra ge trayray tota peyra de talha po(r)vesit que lod(it) moss(enhor) me fo(r)nira de tota matieria portada a pe d’obra he me fornira d’abitatien he me donara sinquanta sarmadas de lenha (4).
1. Garde-corps. - 2. Cimier, sommet. - 3. Cime, haut. - 4. Bois de chauffage.
« Aultre inventaire des biens meubles estans dans la maison épiscopale de Maserettes treuvez le vingt cinquiesme juin 1556 »
L’an mil cinq cens cinquante six et le vingt cinquiesme juing, après avoir esté entrez à la grand court dudict chasteau avons treuvé les deux fenières couvertes avec de foin dedans et Bernard Roux tenant les clefs dudict Mazeretes, présan à ce Guillaume de Sainct-Marthory, par lequel nous a esté dict que ledict foing estoit provenu des predz de monseigneur l’évesque et qu’il l’avoit et tenoit en arrantement.
Après nous sommes transportez dans les estables et galinières, au bout duquel estable et dans une petite chambre avons treuvé ung petid chalict d’anet (1) tout sans garniture.
Et après entrant dans le chasteau avons treuvé dans la dernière basse-court ung charriot petid. Item une pièce de bois de longueur de deux canes ou environ et certaine pailhe.
Delà nous sommes transportez dans le petid sellier dans lequel avons trouvé trois pipes de cinq charges, une aultre de quatre charges, une de deux charges et six de une charge, ung barriquot de demy charge, une cornude (2) et deux semalx (3) tout vuyde. Item sept pièces de bois pour tenir lesdictes pipes. Item ung banc et ung traiteau.
A la cave grande a esté treuvé que la serrure de la porte dudict cellier avoit esté levée freschement et y avons trouvé premièrement cinq pipes de cinq charges pièce et une pièce d’une charge. Item vingt six semalz carretalz et une petite. Item y avons treuvé les soubstenals de bois desdictes pièces.
A la menuserie alias le tinel vieulx avons treuvé trois tines, l’une de cinquante charges en vendange, l’autre de trente charges et l’aultre de vingt huict à vingt neuf charges. Item deux moustadouyres (4) avec les rasteaulx et avec deux trateaulx pour les tenir.
A la salle basse deux gabies (5) des oyseaulx a esté treuvé six pipes, les deux contenant trois charges et les quatre deux charges ou environ. Item une pièce de bois tenant lesd(ictes) pipes. Item deux petites colondes (6) de quinze à seize pams de chayne.
A la botellerie vieilhe estant à la main dextre ung battedor de pavot (7) . Item ungs armoyres vieulx, ung semalou.
Au dessus de lad(icte) botellerie ha ung chalict dans ung banc et une gabye.
A la cuisine vieilhe ung aumoyre vieulx.
A la sallete basse neufve ung chalict de chesne et ung linseul, une couette de plumes avec une coverte de petite valleur et led(ict) Roux a dict le coyssin estant aud(ict) chalict luy appartenir. Item ung petid banc d’anet joignant audict lict. Item deux landiers de fer et ung cremalier de fer, une table d’anet carrée avec deux trateaulx. Item deux escabelles. Item ung banc d’anet à la mode antique de douze pams ou environ de longueur. Item une cave pour tenir vin tenant deux cartons de vin ou environ. Item une sallière d’anet. Item ung petit coffre d’anet.
Au four une barute (8) sive farinière grande, une maict pour prestir petite avec deux trateaulx. Plus une aultre maict vieilhe, une cornude, une lanterne sive fallot, ung pipat sive barricat, une poste de chesne de vingt pams ou plus de longueur.
A une aultre chambre de lad(icte) botellerie ung chalict d’anet, une table et ung banc de petite valleur avec deux petitz trateaulx.
Dans la chapelle ung palpitre, deux croix de bois, l’une avec ung crucifix, vieilhes, deux ymaiges, l’une de Nostre Dame et l’aultre de saincte Anne, vieulx.
A la botellerie basse une couette et ung coyssin de plume, ung semal barralade, ung crible passadour (9), une cartière ferrade pour mesurer bled.
Estant montez par la vit et à la gallerie de la main dextre ung banc grand vieulx d’oussies (10) avec ung aultre joignant vieulx et d’anet.
A la cuysine haulte une table avec deux trateaulx de chesne, trois bancz de chesne servans à ladicte table, une pouelle de cuyvre.
A la salle haute sive tinel grand une table longue de chesne avec deux trateaulx faictz au tour, une chère et une escabelle de chesne.
A l’aryère salle une couette de plume vieilhe estant dessus de postes avec deux petits trateaulx d’anet en mode de lict.
A l’arière chambre de la grand salle sive garderrobe une grand table longue de chesne avec deux trateaulx faicts au tour, une aultre petite table avec deux trateaulx d’anet comun, ung lict de postes faict dessus deux petitz trateaulx, ung coffre de noyer petid ferré avec serrure et clefs de trois pams de large, une chyère de chesne comune.
Aux galeries haultes et à la chambre pincte ung chalict d’anet, deux trateaulx d’anet.
A la chambre rouge joignant ladicte pinte ung chalict d’anet .
A la chambre dicte de l’Inquisition ung chalict d’anet.
A la chambre dicte la garderrobe de la chambre de Mr une petite table sans trateaulx, quatre platz communs, trois assietes et une escuelle en aureilhe d’estain, une poille de fer, ung métal (11) sans sa couverte, une escrassadoure (12), une dorne de cuyvre, ung chandelier de latton, ung ast (13) petid de fer, une nappe, quatre servietes le tout usé, deux petitz bancs d’anet.
A la chambre dict de Mons(eigneur) ung mathalas de laine, ung coyssin de plume, une couverte rouge et deux linseulx, une borrasse sive palhadier (14), une chière de chesne commune, deux trateaulx de table vieulx, une chière faicte pour aller à celle (15) d’anet neufve.
A la gallerie tyrant à la chappelle haulte une petite table de chesne avec deux trateaulx d’anet.
Dans la chappelle haulte deux chandelliers de cuyvre.
Au bout de la vit ung orloge de fer médiocre sans campane.
Au dernier galatas devers Mirepoix y a de verrines rompues.
A la galerie dernière et première chambre qui regarde dessus les estables ung chalict d’anet.
A la galerie dernière et chambre qu’est près de la tour de orologe vieulx ung chalict d’anet avec une couette et coyssin de plume, une couverte de limosin, trois linceulx, deux petites tables d’anet avec leurs trateaulx, ung semal barralade et une escabelle.
Présans à ce messeigneurs m(aîtr)es Jehan Vesian prébendier, Jehan de Castinholles, Guillaumes Montaniaci bachellier en droitz, Pierre Arnaud prébendier, Pierre Ramond prêtre, ledict Guill(aume) de St-Marthory consul, Guillaume Séré, Joseph Ricard, Jehan Charraudi prébendier et Pierre Anglade .Du mandement dud(ict) commissaire (signé) Mondini notaire.
1. Sapin. - 2. Comporte pour échauder les porcs. - 3. Comporte. - 4. Pressoir. - 5. Cage. - 6. Colonne. - 7. Batte pour le lin. - 8. Tamis pour bluter. - 9. Crible. - 10. Osier ? - 11. Marmite. - 12. Écumoire. - 13. Broche. - 14. Paillasse. - 15. Chaise percée.
La Présidente
félicite Mme Bayle pour son analyse de ces documents, qui apportent en outre de
nombreuses informations dont les historiens de l’art feront sans aucun doute
leur miel. Quant aux dispositions intérieures de Mazerette, des rapprochements
sont-ils possibles avec Camont ? Jeanne Bayle dit ne pas assez bien connaître
Camont, mais elle rappelle que Bruno Tollon fait l’hypothèse de galeries.
Elle ajoute que l’appellation de « Tour Madame » garde sans doute
le souvenir de la générosité d’une noble dame. Elle fait également
remarquer que le verre à vitre semble encore rare à cette époque puisque
lorsque les chanoines pillent le château, à la mort de Philippe de Lévis,
l’un d’eux reçoit un pan de verre, ce qui est peu mais à l’évidence précieux.
Louis
Peyrusse observe que la description de la porte est celle d’un ouvrage du
gothique flamboyant et il voudrait savoir à quelle date apparaît le
vocabulaire de la Renaissance au palais épiscopal de Mirepoix. Bruno Tollon
indique que nous ne disposons que d’un devis de 1520 pour le gros-œuvre.
Jeanne Bayle note que les livres liturgiques de Philippe de Lévis montre la même
évolution, d’abord fidèles à une ornementation gothique puis adoptant le
vocabulaire de la Renaissance.
Bruno Tollon
attire l’attention sur le montant considérable des travaux de gros-œuvre,
proche de celui de l’Hôtel d’Assézat. Tout en indiquant que Philippe III
de Lévis a sans doute intérêt à le surévaluer afin de mieux récupérer
l’héritage, Jeanne Bayle précise qu’à eux seuls, les vitraux ont coûté
plus de cent livres. Bruno Tollon confirme que des sommes très importantes sont
consacrées au décor, qui peuvent être équivalentes au prix du gros-œuvre.
La parole est à Emmanuel Garland pour de Nouvelles recherches sur l’église Santa-Maria de Cap d’Aran dans l’ancien diocèse de Comminges :
« Lorsque nous avons présenté ici même l’église Sainte-Marie de Cap d’Aran le 6 mai 2003 (M.S.A.M.F., t. LXIII, 2003, p. 109-131), nous étions conscient de la fragilité de certaines de nos propositions et d’être loin d’en avoir épuisé le sujet. Nous n’imaginions pas pour autant qu’une modeste fouille préventive, des travaux de restauration et des discussions avec des archéologues nous apporteraient si rapidement tant de nouveaux éléments.
L’église primitive
En 2003, nous étions arrivé à la conclusion que l’édifice actuel était le fruit de plusieurs campagnes de construction dont la première aurait vu l’édification d’une église à nef unique, longue de deux travées, agrandie ensuite en vaste édifice de plan basilical par adjonction de bas-côtés ouvrant sur des absidioles, et de deux nouvelles travées à l’ouest. Mais une fouille préventive conduite en 2003 par Mme Elisa Ros, à la demande du Conselh Generau du Val d’Aran, autour de la partie nord du chevet a conduit à dégager l’ensemble du pourtour de l’absidiole nord, dont seule la partie supérieure émergeait jusqu’alors. Il est apparu que cette absidiole avait été construite en plusieurs séquences (ou à tout le moins reprise). La partie inférieure du mur de l’absidiole nord est en petit appareil de granit taillé au marteau, similaire à celui de l’abside principale. Les assises, régulières, sont entrecoupées de lésènes en tuf : la partie inférieure d’une de ces lésènes est encore en place, tandis qu’un autre fragment important fut trouvé dans le comblement. L’absidiole nord s’appuie sur le mur nord de l’abside principale, sans réellement interpénétrer avec elle (comme nous l’avions déjà observé pour la partie supérieure du mur). L’appareil change brutalement à environ 1,50 m du sol, quatre assises sous le niveau de la fenêtre axiale. La première assise assure la transition. La pierre utilisée est une pierre marbrière, la même que celle utilisée dans le mur nord de l’église. La continuité des assises mur entre le mur nord de l’abside principale et l’absidiole est rompue : il n’y a pas alignement vertical des assises de l’absidiole à ce niveau. Il y a un nouveau changement d’appareil au-dessus de la fenêtre ; ce troisième appareil est plus irrégulier (voir à ce propos l’article précité, p. 128-130). À l’intérieur, on retrouve les mêmes matériaux, appareillés à l’identique, au niveau des mêmes assises, pour autant que l’exiguïté et les conditions d’éclairage du lieu nous permirent de l’observer. On y constate une parfaite continuité entre la partie nord-orientale de l’absidiole, sa courte travée droite et le mur nord.
Ainsi il apparaît que la construction de l’absidiole nord a été lancée sinon en même temps que celle de l’abside principale, du moins très peu de temps après, et très vraisemblablement avec la même équipe. Son état actuel ne pouvant être antérieur à l’extrême fin du XIIe siècle (pour les raisons développées dans l’article cité supra), deux thèses sont possibles : ou bien l’absidiole nord resta inachevée un siècle durant, ou bien, partiellement ruinée au cours du XIIe siècle (à la suite de désordres causés par un séisme ou par l’instabilité du terrain, en forte pente ?), elle fut reprise à la fin des travaux d’agrandissement de l’église, après l’érection du bas-côté sud. Dans le premier cas, on aurait bien eu au XIe siècle édification d’une église à nef unique avec embryon d’abside latérale nord temporairement abandonné ; dans le second cas, c’est une église à deux nefs qui aurait été érigée dès l’origine, mais l’abside et son mur gouttereau nord auraient été ruinés quelques décennies plus tard.
Santa-Maria de Cap d’Aran, partie basse de l'absidiole nord.
Santa-Maria de Cap d’Aran, partie basse de l'absidiole nord à la jonction avec l'abside.
Santa-Maria de Cap d’Aran, vue intérieure de la nef depuis l'ouest
Les éléments sculptés
Dispersés dans l’édifice, en remploi ou déposés, ils avaient peu retenu notre attention lors de notre présentation de 2003. Pourtant l’autel majeur, le portail occidental, l’encadrement de la fenêtre orientale sud, celui des deux fenêtres nord (à l’intérieur), ainsi que les vestiges conservés dans la crypte forment un ensemble composite, suffisamment abondant pour mériter un examen.
L’autel majeur
La table d’autel, non médiévale, repose sur quatre colonnes soutenues par autant de bases romanes, d’un même calibre, formant deux paires apparentées qui présentent toutes les caractéristiques de bases du XIIe siècle (les colonnes qui les surmontent, manifestement des remplois, ont en revanche des diamètres légèrement différents).
Santa-Maria de Cap d’Aran, base remployée pour la table d'autel.
Santa-Maria de Cap d’Aran, fragment de chapiteau conservé dans la crypte.
Le portail occidental
Les deux chapiteaux de ce portail ne correspondent ni à leurs bases, ni à leur couronnement : ce sont clairement des remplois du XIIIe siècle. Les bases, beaucoup plus petites, avec leur deux tores bien séparés, s’apparentent aux bases de la fenêtre orientale du mur nord, à une des bases extérieures de cette même ouverture, ainsi qu’à une des deux bases de la fenêtre orientale du mur sud (à l’intérieur).
Autres correspondances
Un chapiteau de la crypte, décoré de boules, une base de colonne ornant une fenêtre du mur nord (extérieur) et celle qui soutient la colonne nord du portail occidental présentent une stéréotomie et un décor de boules similaires. Un chapiteau fragmentaire de la crypte peut également être mis en relation avec une base – qui n’est autre qu’un chapiteau retourné – de la fenêtre orientale du mur sud, et un chapiteau de fenêtre extérieur du mur nord. Enfin des fragments de colonnettes de dimensions similaires à celles trouvées à Notre-Dame de Cap d’Aran ont été trouvées dans et autour de l’ancienne église paroissiale Sant Estephe de Tredos.
Ces observations confortent l’idée qu’il se trouvait sur place, à Tredos, un ensemble architectural orné de colonnettes, au XIIe siècle (peut-être un décor de fenêtres ouvragées ?) qui fut dépecé et remployé ; de même les supports romans de l’autel et les colonnes du portail occidental laissent entrevoir l’existence d’un autre ensemble à proximité de l’église (une galerie couverte ?).
Les peintures murales
Le nettoyage de l’intérieur de l’église devait réserver d’heureuses surprises : on découvrit sous l’enduit de chaux de certains piliers de la nef et des grandes surfaces planes situées de part et d’autre de la première travée un décor peint d’un grand intérêt, qui fut dégagé, consolidé sous la direction de Mmes Mª José Gracia et Mª Angels Marsé de l’entreprise Td’ART chargée des travaux par la commune de Tredós. La primeur de l’étude de ces éléments peints leur revient et nous nous contenterons ici d’une simple description.
Santa-Maria de Cap d’Aran, peinture murale : Vierge à l'Enfant.
Santa-Maria de Cap d’Aran, peinture murale : deux saintes et un saint évêque.
Santa-Maria de Cap d’Aran, peinture murale, premier pilier sud-est côté ner : deux saintes.
Santa-Maria de Cap d’Aran, peinture murale, panneau au-dessus de la première arcade sud de la nef : armoiries surmontée d'un chapeau cardinalice.
Le morceau le plus extraordinaire est sans conteste le panneau peint à fresque sur la face sud du deuxième pilier qui sépare la nef du bas-côté nord : il figure Marie debout tenant son Fils sur son bras gauche. Marie est vêtue d’une longue robe rouge dont les plis tombent en fuseau, sur laquelle est posée un long manteau aux teintes vertes, aux plis souples et amples qui se terminent en V. Un voile aux coloris sombres plus incertains (d’aspect brunâtre aujourd’hui) enserre sa chevelure et couvre ses épaules. Une large auréole autrefois jaune présentant des ourles entoure son visage. Une vaste amande aux traits rayonnants se laisse entrevoir derrière Marie. C’est le dernier témoin d’une représentation de Marie et Jésus qui recouvrait depuis le début du XVIIe siècle au moins la précédente, et que l’on se résolut à éliminer lors de la restauration. Il faut dire que cette peinture était en très mauvais état et d’un intérêt artistique limité, alors que celle qu’elle recouvrait, exécutée à l’époque romane, est d’une grande qualité. Sa moitié inférieure suit strictement les canons de la peinture romane pyrénéo-catalane, tels qu’établis dès le tournant de l’an 1100, et on ne peut s’empêcher de comparer ce panneau peint à la représentation de Marie présentant son Fils aux Mages venus l’adorer sur le cul-de-four de l’abside principale (aujourd’hui au Musée des Cloisters, à New- York), bien que sa facture soit plus proche de celle des peintures de la génération suivante (Vierges de Sorpe ou du mur sud de Santa Maria de Tahull). Mais la moitié supérieure du panneau nous incite, compte tenu du contexte régional, à dater cette peinture du dernier tiers du douzième siècle, au mieux : la représentation de l’enfant Jésus bénissant de la dextre, assis sur le bras gauche de Marie, le geste de sa main droite et la relation qui s’établit entre Marie et son Fils appartiennent au second âge roman. On ne peut s’empêcher de rapprocher cette œuvre du relief sculpté figurant la Vierge à l’Enfant, au portail sud de l’église de Saint-Aventin, probablement contemporaine.
Quoi qu’il en soit, cette œuvre de grande qualité confirme la vocation mariale du sanctuaire de Cap d’Aran à une époque charnière de la construction de l’édifice, désormais de plan basilical, et dont l’ensemble des murs et de la couverture sont en place. Le sanctuaire est enfin prêt à accueillir pèlerins et fidèles en nombre. Toutefois la peinture précède les derniers aménagements sculptés que nous avons évoqués précédemment. Le panneau est ceint d’un cadre coloré rectangulaire bordé en haut et en bas d’une grecque en forme de pli cassé. Au-dessus, une inscription peinte d’une couleur sombre sur un fond de chaux blanche indique une date : 1614, à rapprocher avec celle figurant sur le panneau ornant la face occidentale du premier pilier, adjacent, et figurant le Baptême du Christ : 1622.
C’est à cette époque qu’il convient sans aucun doute de rattacher les autres peintures murales mises au jour en 2004 et dont certains éléments étaient déjà connus. L’ensemble qu’ils forment est important, et suffisant pour que l’on puisse se faire une idée de l’aspect que l’on voulut donner à l’église au début du XVIIe siècle. Elles se caractérisent par leur découpage en panneaux, cernés de chapelets d’oves ou autres motifs décoratifs, sauf pour deux représentations de saints évêques entourés d’une architecture sommaire, et par leur fond uniformément blanc sur lesquelles leur dessin se détache. La palette chromatique est réduite, et ce sont essentiellement de grands aplats colorés, plus ou moins bien conservés.
Face au panneau que nous venons de décrire, une grande crucifixion, réduite au Christ en croix entouré de deux arbres. Au pied de la croix, un crâne et deux os. Sur la face occidentale des deux piliers de la première travée, deux saints évêques qu’il n’est plus possible d’identifier avec certitude. Sans doute l’un figure-t-il saint Bertrand, le seul évêque de Comminges canonisé ; l’autre pourrait être aussi bien saint Sernin, qui jouit d’un immense prestige, ou encore Ot, le saint évêque d’Urgel, contemporain de Bertrand. L’évêché d’Urgell entretenait en effet d’étroits liens avec le Val d’Aran – qui lui est canoniquement rattaché aujourd’hui. Un des deux évêques est représenté à l’âge mûr tandis que l’autre est d’allure juvénile. On ne peut exclure qu’il y ait eu d’autres représentations de saints évêques sur les autres piliers de l’église. Sur la face septentrionale du premier pilier nord figurent des péchés capitaux dont on reconnaît – grâce aux inscriptions qui les désignent – l’envie (sous la forme d’un rude gaillard auquel un singe vient susurrer quelque mauvaise idée à l’oreille droite) et au-dessus, l’orgueil, figuré sous les traits d’un athlète avec un diablotin agrippé à son bras droit. Au revers de ce même pilier, une succession verticale de saints représentés à mi-corps. Leur fait face, de l’autre côté de la nef principale, une succession similaire de saintes parmi lesquelles on identifie, entre autres, Marie-Madeleine, Suzanne, Christine et Ursule. Sur les grands panneaux qui les jouxtent et qui surmontent les arcades de la première travée, un décor montre un enchevêtrement de guirlandes et de festons entourant un grand cartouche ovale surmonté d’une forme aplatie qui figure, très schématiquement, un chapeau cardinalice. L’ensemble a donc l’apparence d’armoiries peintes. À quel personnage renvoient-elles ? Depuis Pierre de Foix, plusieurs évêques de Comminges ont fait figurer sur leur blason la pompe cardinalice : Amanieu d’Albret, Carlo Caraffa, Pierre d’Albret, Charles de Bourbon, Hugues de Labatut, si l’on en croit le chanoine Contrasty. Mais ni Gilles de Souvré, évêque de 1613 à 1623, ni Donadieu de Griet, qui marqua tant le second quart du XVIIe siècle, ne semblent y avoir eu recours… Sur la face sud de l’arcade méridionale sont représentés, genoux fléchis, deux saints entourant un cartouche central figurant deux anges tournés vers un clipeus timbré du signe du Christ. Le saint de gauche étant Côme, on peut supposer que celui de droite est Damien. Tous les personnages sont figurés à la mode de l’époque, qu’ils soient évêques, saints, ou mêmes personnages de l’Ancien Testament, comme Zacharie ou encore David, reconnaissable à sa harpe-lyre.
Cet ensemble que complète le grand retable baroque qui ferme le chœur (et masque l’abside romane) constitue une révélation, après celle des peintures murales de l’église voisine de Saint-André de Salardu, et celles, de la Renaissance, d’Unha (du maître de Benqué-Dessus) dont on attend avec impatience la restauration.
Emmanuel GARLAND et Elisa ROS »
La Présidente remercie Emmanuel
Garland de nous avoir présenté ces découvertes, pour certaines spectaculaires,
qui renouvellent ou complètent l’analyse de l’édifice que notre confrère nous
avait proposée en mai 2003. Le chevet était-il à l’origine tripartite ?
Emmanuel Garland pense que le plan initial présentait plutôt une abside flanquée
d’une absidiole au nord et il rappelle que le mur gouttereau nord et les murs
de la nef sont parallèles, tandis que le mur sud, et le mur ouest du côté de
la tour, sont biais ; la crypte appartiendrait à ce premier noyau. En réponse
à une nouvelle question de la Présidente, Emmanuel Garland confirme que le mur
nord, dont le matériau et la mise en œuvre sont très différents, a été
entièrement reconstruit, sans doute assez tardivement. La région est sismique
et c’est peut-être un tremblement de terre qui a rendu nécessaire la
reconstruction.
La Présidente
note que les bases de colonnes conservées peuvent fournir des repères
chronologiques. Pour Emmanuel Garland, certaines pourraient dater du XIIe
siècle, mais elles sont de toute façon postérieures au premier état. Daniel
Cazes ayant demandé si les bases et colonnes étaient en pierre ou en marbre,
Emmanuel Garland précise qu’il s’agit d’une pierre marbrière, extraite
à quelques kilomètres de là. Daniel Cazes note des formes assez proches des
bases de l’abbaye de Grandselve, et rappelle que ces productions de série ont
été diffusées dans tout le Sud-Ouest. Pouvait-il y avoir des galeries ou un
porche à Cap d’Aran ? Emmanuel Garland dit que les bases conservées
permettent de distinguer plusieurs séries très homogènes, mais que le manque
de place empêche d’imaginer des galeries à Notre-Dame de Cap d’Aran. Mme
Elisa Ros ajoute qu’il ne s’agit pas d’un prieuré, mais d’un sanctuaire
marial, qui était cependant plus grand que l’église paroissiale.
Daniel Cazes
aimerait en savoir plus sur cette peinture romane, qui est vraiment splendide.
Mme Elisa Ros indique que son étude est en cours, mais que le dossier de
restauration a déjà permis de distinguer une première couche picturale très
dégradée : on aurait donc une peinture romane très reprise. Emmanuel
Garland ajoute que le décor rayonnant et le nimbe n’appartiennent pas à l’époque
romane. La Présidente remarque que les plis des vêtements évoquent le maître
de Pedret et elle rappelle que l’on trouve en Catalogne des représentations
des saints Côme et Damien. Emmanuel Garland convient que leur présence
pourrait s’expliquer par les guérisons opérées à Notre-Dame de Cap d’Aran.
Patrice Cabau
s’intéresse au décor moderne de la nef et voudrait savoir si l’on a des
renseignements sur le cardinal ou l’archevêque qui a fait réaliser une telle
peinture monumentale dans cette église de montagne. Pour Emmanuel Garland, il
s’agit en effet d’un décor tout à fait surprenant, mais le commanditaire
n’est pas identifié.
Puis, en réponse à une question de Louis Peyrusse, Emmanuel Garland dit que l’on ne sait pas comment des peintures de l’abside ont pu partir pour les Cloisters à New-York dans les années 1950. Mme Elisa Ros ajoute que d’autres parties ont été dispersées et se trouvent aujourd’hui au musée de Sigeste et dans des collections privées. La Présidente les remercie tous deux en souhaitant d’autres informations à venir sur une affaire évidemment à suivre.
Au titre des
questions diverses, Daniel Cazes signale à la Compagnie que des travaux sont
toujours en cours à l'ancien collège de Foix, avec une ampleur qu’il ne soupçonnait
pas. Il semble que l’on ait l’intention de rouvrir toutes les arcades. On
peut se réjouir que l’architecture reprenne ainsi une partie de son sens,
mais néanmoins se demander sur quelle étude repose le parti choisi et avec
quel suivi est réalisé le chantier. Daniel Cazes attire en particulier
l’attention sur l’absence, le plus souvent, de toute analyse des niveaux de
sol intérieurs et extérieurs, pourtant essentielle pour connaître la hauteur
initiale des piliers des arcades.
Bruno
Tollon, qui connaît l’architecte d’exécution, assure que les travaux sont
suivis par l’Architecte des Bâtiments de France. Il peut préciser que le
chantier est organisé en deux phases, la première, en cours, concernant la
maison de retraite, la seconde devant porter sur la remise en état du donjon,
chapelle et appartements de la maison-mère de l’Ordre de la Compassion.
Maurice Scellès
fait remarquer qu’il serait intéressant d’obtenir copie des plans dressés
par les architectes.
La discussion
porte ensuite sur la datation de l’aile nord, encore en partie du XVe
siècle ou bien entièrement reconstruite au XIXe.
Un membre se
souvient avoir vu, il y a de cela une vingtaine d’années, des poutres peintes
aux armoiries du cardinal de Foix, qui avaient été entassées sur un bûcher
et que l’on s’apprêtait à brûler. On était alors en train de refaire le
plancher de la chapelle où avaient été remployées des poutres provenant du
plancher intermédiaire de la librairie. Il avait été possible de les sauver
du feu, mais que sont-elles devenues ? Bruno Tollon, qui ne les y a pas
vues lors de ses récentes visites, suggère de s’en enquérir auprès de
Maurice Prin.
Bruno Tollon
pense qu’il serait possible de demander à l’architecte d’organiser une
visite du chantier pour les membres de notre Société. La Présidente s’en félicite
et demande à notre confrère de bien vouloir s’en occuper.
SÉANCE DU 14 FÉVRIER 2006
Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mme Napoléone, MM. Bordes, Peyrusse, Pradalier, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Barber, Bayle, Guiraud, Krispin, Pujalte, MM. Barber, Surmonne, membres correspondants.
La Compagnie est accueillie par notre confrère François Bordes dans le réfectoire du couvent des Jacobins où est présentée l’exposition Toulouse, parcelles de mémoire, 2000 ans d’histoire urbaine, organisée par les Archives municipales de Toulouse à l’occasion de leur huitième centenaire.
La Présidente remercie François Bordes pour sa passionnante présentation de cette exposition très originale et elle le félicite ainsi que son équipe pour tout le travail accompli.
L’heure avancée ne laisse aucun temps pour les éventuelles questions ainsi reportées à une prochaine séance.
SÉANCE DU 7 MARS 2006
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier,
Scellès, Secrétaire général, Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, M. Cabau,
Secrétaire-adjoint ; Mme Napoléone, MM. Boudartchouk, Lassure, Pradalier,
Testard, membres titulaires ; Mmes Balty, Mmes Barber, Bayle, Béa, Friquart,
Guiraud, Krispin, M. Balty, membres correspondants.
Excusés : M. Latour, Bibliothécaire-adjoint, Mme Cazes, M. Garland.
La Présidente ouvre la séance à 17 h et souhaite la bienvenue à Mme et M. Balty, ainsi qu’à Mmes Friquart et Krispin, que la Compagnie a récemment élus au titre de membre correspondant de notre Société.
La parole est immédiatement à notre confrère Jean-Michel Lassure pour sa communication, intitulée Le décor des céramiques de Giroussens aux XVIIe et XVIIIe siècles, publiée dans ce volume (t. LXVI, 2006) de nos Mémoires.
Michèle
Pradalier-Schlumberger remercie M. Lassure pour ce deuxième volet de la
typologie des céramiques de Giroussens (cf. Bulletin de l’année académique
2004-2005, séance du 9 novembre 2004) ; le répertoire de décors que
notre confrère dresse progressivement paraît très utile pour
l’identification des tessons trouvés en fouille.
Guy Ahlsell
de Toulza fait le point sur un sujet qui lui tient particulièrement à cœur et
dont la connaissance a été heureusement renouvelée depuis la publication de
l’ouvrage de Lucien Raffin, paru en 1985 et qui est rempli d’erreurs. Les céramiques
de Giroussens ont été collectionnées très tôt : en témoignent les séries
formées dans la vallée du Tarn au cours des années 1880-1900, par exemple
celle réunie par l’antiquaire Galinier. Edmond Cabié (1846-1909) fut le
premier à étudier la question ; il en parla en 1884, lors d’une
excursion à Lavaur du Congrès archéologique de France. Les quelque 300 pièces
répertoriées conservées en bon état (assiettes et plats, auxquels
s’ajoutent des pièces de forme : bénitiers et fontaines) ne représentent
qu’une infime partie d’une production massive, très diversifiée, qui a duré
pendant à peu près trois siècles. On connaît le nom de plus de 500 de
potiers ; vers 1750, ils étaient 90. Les ateliers de Giroussens furent
actifs jusqu’à la Restauration, époque à laquelle une mesure de taxation
des fours entraîna leur fermeture. Les céramiques étaient transportées sur
le Tarn par bateau, comme le vin de Gaillac, si bien qu’on les retrouve
davantage vers l’aval que vers l’amont. L’aire de diffusion des poteries
de Giroussens paraît assez restreinte comparée à celle des poteries de Cox,
qui ont jusqu’à 1942 inondé le Sud-Ouest sur une vaste zone allant de
Bordeaux au Val d’Aran. La présence de Giroussens en Vendée ou au Canada est
relativement exceptionnelle. Elle est liée à l’évolution de la production
de certains ateliers, qui se mirent, dans le dernier quart du XVIIe
siècle, à réaliser des séries de prestige : il s’agissait d’une
vaisselle décorative servant de montre pour les buffets, avec des services à
thème, telle la chasse. Concernant l’évolution des décors, Guy Ahlsell de
Toulza fait observer que la maladresse est un indice de tardiveté plutôt que
de précocité, puis il souligne le problème que pose la datation des
productions de Giroussens. Les moyens manquent en effet pour faire ce qu’un
Programme commun de recherche (P.C.R.) a permis de réaliser pour Cox : des
campagnes de fouilles suivies, des analyses scientifiques des pâtes et vernis.
Hélène Guiraud voudrait savoir à quelle clientèle s’adressaient les séries de
prestige. Guy Ahlsell de Toulza répond qu’il s’agissait surtout de la petite
noblesse locale, souvent municipale. Certains plats portent sur leur marli des
armoiries dont l’empreinte a été réalisée avec une matrice servant à
timbrer la vaisselle d’étain utilisée par ce milieu social. D’autres pièces
portent le sceau de la marine royale : elles étaient destinées aux
officiers de bord ou des forteresses royales du Canada ; à Montréal, la
maison Champlain, dans son second état daté de 1701, possédait de la
vaisselle de Giroussens, et la cargaison du Machault, naufragé le 8
juillet 1760, contenait des caisses de céramiques de Giroussens et de Cox.
Mme Guiraud
pose en outre la question de l’existence éventuelle de contrats de commande,
que pourraient conserver par exemple les archives du musée de la Marine. Guy
Ahlsell de Toulza dit que des recherches dans les archives avaient été prévues
dans le programme de recherche élaboré en liaison avec l’Université de
Laval (Canada) ; il est regrettable que ce projet n’ait pas abouti.
L’ordre du jour appelle ensuite les rapports sur les travaux présentés au concours annuel de la Société.
La parole est à Henri Pradalier pour sa recension de l’étude historique et archéologique que M. Julien Pech a réalisée en 2005 pour la municipalité de Saint-Félix-Lauragais : Le presbytère de Saint-Félix-Lauragais : un logis collégial du XIVe siècle.
Anne-Laure Napoléone rend compte du mémoire de maîtrise d’archéologie de M. Yoan Mattalia :
« Yoan Mattalia a rédigé un mémoire de maîtrise en archéologie sous la direction de Nelly Pousthomis-Dalle, professeur à l’Université de Toulouse-Le Mirail, intitulé Recherches archéologiques dans la rue de la Descente-de-la-Halle-au-Poisson. Il a effectué ce travail en deux ans pour le soutenir en juin 2005. Son étude comprend deux volumes : un volume de texte de 91 pages et un volume d’annexes (non paginé) regroupant des plans, des relevés, des photographies, des transcriptions de textes anciens et les fiches USC.
Cette étude s’articule autour de trois parties : la première est une présentation déterminant les méthodes pluridisciplinaires utilisées dans son travail (celles de l’histoire, l’archéologie et l’histoire de l’art) et définissant le cadre et l’histoire du capitoulat du Pont Vieux où se trouvent les parcelles étudiées.
La deuxième partie est celle de l’étude détaillée de ces parcelles. D’abord par une solide présentation de l’évolution du parcellaire de la fin du Moyen Âge au XIXe siècle, résultat d’un important dépouillement de sources d’archives. Puis par l’analyse archéologique du bâti subsistant et visible, permettant de cibler plus particulièrement les recherches sur deux pièces, rescapées des parties basses d’une demeure de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle : la première voûtée d’un grand berceau et la seconde, attenante, couverte d’une croisée d’ogives. L’une comme l’autre ne présentent malheureusement plus aucune caractéristique architecturale particulière.
La troisième partie montre donc les étapes d’une recherche minutieuse fondée sur la comparaison avec de nombreux édifices toulousains (et d’autres villes), les diverses pistes empruntées pour essayer de proposer des datations (module des briques, techniques de construction) et de nouvelles recherches dans les archives pour essayer, en fin de course, de cerner les circonstances de la construction de l’hôtel (après l’incendie de 1463), de restituer ou de cerner les parties manquantes de cette demeure et de nommer son premier propriétaire.
Ce travail se caractérise enfin par une écriture soignée et agréable à lire.Le grand mérite de Yoan Mattalia est d’être arrivé à tirer des résultats d’un sujet très difficile. En effet, dans l’idéal, une étude archéologique de bâti se fait en cours de travaux pour pouvoir lire la plus grande partie des murs. Dans ce cas précis, les travaux d’aménagement du restaurant « le 19 » étaient achevés ; on avait certes prévu de laisser de nombreux parements à nu, mais d’autres ont été recouverts rendant difficile la construction d’une analyse archéologique cohérente et surtout, d’une analyse archéologique fine et minutieuse que Yoan Mattalia aurait aimé faire et a quand même tenté de faire, pour reconnaître avec beaucoup de lucidité les limites que lui imposait la matière même de son sujet. De plus, à cette première difficulté s’ajoutent encore un enchevêtrement de constructions de toutes époques, des problèmes de niveaux et, rappelons-le, des vestiges très peu caractéristiques. À ce stade-là, où de nombreux étudiants auraient eu de bonnes raisons de se décourager devant la difficulté de la tâche, Yoan Mattalia relève la tête et continue avec acharnement, endurance et même, je dirais, une certaine jubilation, à chercher encore et encore pour répondre aux nombreuses questions que lui posent les vestiges de son hôtel. Et c’est à force de fouiner dans les textes, qu’il a réussi à faire parler ces vestiges désespérément muets, en précisant le cadre de la construction de cet édifice, en évoquant son image à partir de baux à besogne et de réparations, et en proposant quelques noms de bourgeois toulousains susceptibles d’en avoir initié la construction.
Chers confrères, je vous propose d’encourager ce jeune chercheur en lui décernant un prix car il a prouvé par ce travail qu’il avait de nombreuses qualités : la capacité de travail, l’endurance et surtout, cette jubilation qui est, comme tout le monde sait, le principal moteur de la recherche. »
Maurice Scellès donne lecture du rapport rédigé par Gilles Séraphin sur le mémoire de maîtrise d’histoire de l’art présenté en 2005 par M. Jean-Christophe Bergon : Étude historique et architecturale du château de Penne-d’Albigeois (Tarn). Du castrum à la forteresse royale.
Michèle Pradalier-Schlumberger donne lecture du rapport rédigé par Louis Latour sur le mémoire de maîtrise d’archéologie de Mlle Laurence Alberghi, Les amphores d’Auterive. Étude du commerce romain aux portes de l’Ariège, de la fin de l’époque républicaine aux premiers temps de l’Empire (IIe siècle avant J.-C.-Ier siècle après J.-C.) :
« La maîtrise d’archéologie soutenue par Mademoiselle Laurence Alberghi, sous la direction de Monsieur Christian Rico, le 6 juillet 2005 à l’Université de Toulouse-Le Mirail, a été récompensée par la note 18 sur 20, correspondant à la mention Très Bien.
Le mémoire se présente sous la forme de trois volumes : une importante synthèse de 153 pages, un catalogue de figures et d’illustrations de 74 planches et un corpus de 96 marques sur amphores provenant du site d’Auterive.Cette étude est le fruit d’un travail de deux ans qui a débuté par la tâche préalable, ingrate mais nécessaire, du lavage, brossage, séchage de plusieurs centaines de tessons d’amphores. Travail complété ensuite par le dessin, la comparaison, le catalogage des divers types représentés sur le site, ce qui nécessite la maîtrise de logiciels de dessin technique difficiles à utiliser mais dont le résultat apparaît avec clarté dans le tome illustrant le mémoire.
C’est un travail de dessin aussi méticuleux qui a permis la réalisation du troisième tome qui rassemble une centaine de marques imprimées sur les amphores d’Auterive. Chaque dessin est complété par l’identification de la marque, la lecture possible, son interprétation, éventuellement le type d’amphore, son lieu de fabrication et sa datation. Chaque notice se termine par la liste des autres sites connus ayant livré la même marque. On devine combien ce corpus peut être utile pour l’étude des voies commerciales dans l’Antiquité.Mais l’intérêt du travail de Mlle Alberghi apparaît surtout, évidemment, dans le volume de synthèse qui permet une avancée scientifique certaine dans plusieurs directions :
- une vue d’ensemble sur les découvertes archéologiques d’Auterive – et plus particulièrement d’amphores – du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours,
- une étude approfondie des amphores d’Auterive, tant républicaines qu’impériales,
- une étude critique des méthodes d’identification des amphores républicaines,
- une étude fine des produits importés à Auterive : vin, huile, salaisons…
- la découverte de la fluctuation des échanges, d’une époque à l’autre : de l’importation massive des vins italiens à l’époque républicaine, à la diffusion des produits espagnols au début de l’Empire.L’étude se termine par un essai d’interprétation du site d’Auterive – lieu de simple consommation ou site de redistribution ? – et par des hypothèses sur les voies commerciales alimentant Auterive, privilégiant entre toutes la voie fluviale à partir de Toulouse.
Malgré des conclusions prudentes, le travail de Mlle Alberghi apporte une contribution importante à l’étude du commerce antique dans notre région. À ce titre, nous proposons de lui attribuer le prix de la Société archéologique du Midi de la France qui, nous n’en doutons pas, l’encouragera à poursuivre une carrière archéologique déjà bien commencée. »
Les rapports entendus, la Compagnie délibère d’attribuer le Prix Ourgaud et un Prix spécial de la Société, dotés tous deux de 300 euros. Le Prix Ourgaud est attribué à Mlle Laurence Alberghi, le Prix spécial à M. Yoan Mattalia.
La parole est enfin au Secrétaire général pour la lecture du procès-verbal de la séance du 17 janvier 2006, qui est adopté.
SÉANCE PUBLIQUE DU 18 MARS 2006
Elle se tient dans la grande salle de lHôtel dAssézat.
Allocution de la Présidente :
Les membres de la Société
archéologique du Midi de la France se sont réunis, le mardi après-midi, pour
quinze séances au cours desquelles nous avons écouté des communications longues
sur des sujets très divers, et des interventions brèves portant souvent sur des
questions d’actualité du patrimoine.
L’Antiquité a
été bien représentée cette année : Hélène Guiraud nous a parlé de la
Glyptique romaine, Louis Latour des Fouilles gallo-romaines d’Auterive
(avec Laurence Alberghi et Vincent Geneviève), Jean-Luc Boudartchouk et Henri
Mollet, du Capitole et de l’église Saint-Géraud, à partir de
nouvelles investigations archéologiques menées place Esquirol, Jean-Luc
Boudartchouk, de L’or de Toulouse.
Pour le
Moyen Âge, le dossier de l’Hôtel Saint-Jean, régulièrement suivi par la
Société archéologique depuis des années a été enrichi par une
communication de Michelle Fournié portant sur l’oratoire Saint-Rémezy.
Tandis que Quitterie Cazes rouvrait le dossier de Sainte-Foy de Conques
avec une étude d’archéologie monumentale. Françoise Galés a fait pour nous
l’étude d’une tour médiévale de Millau.
L’histoire et l’histoire de l’art de l’époque moderne n’ont pas été oubliées,
loin de là, puisque François Bordes nous a décrit Les rites et pratiques
cérémonielles à Toulouse, Guy Ahlsell de Toulza nous a présenté Les
tapisseries de la reine Zénobie du château de Saint-Géry, madame Bayle
Les peintres-verriers toulousains au XVIe siècle. Georges Costa a
parlé du Monument d’Henri de Sponde à la cathédrale de Toulouse et
Géraldine Cazals de Guillaume de La Perrière.
Enfin, grâce au Père
Montagnes, nous avons suivi l’histoire du Couvent des Dominicains au XIXe
siècle et la curieuse histoire des reliques de saint Thomas d’Aquin
durant la même période.
Pendant
l’année 2005, la société archéologique est sortie plusieurs fois de ses murs.
Renouant avec une très ancienne tradition, la société a organisé le 4 juin une
journée foraine, avec l’aide efficace et chaleureuse de Martine Rouche,
vice-président du salon du Livre d’Histoire de Mirepoix. La journée a eu lieu à
Camon et Mirepoix, ayant pour thème Philippe de Lévis dans ses
palais : Camon et Mirepoix. Bruno Tollon et Charles Tracy, notre collègue
anglais, ont multiplié visites et conférences tout au long de la journée tandis
qu’un buffet dans le prieuré de Camon réunissait de manière très conviviale les
participants.
Nous avons
fait également une sortie à Eauze, en octobre, pour visiter musée et fouilles,
sous la direction de Francis Dieulafait ; Hélène Guiraud nous a présenté le
trésor, et nous avons ensuite passé l’après-midi sur le site de la villa
de Séviac.
Enfin, en
novembre dernier, nous avons visité l’exposition, du Musée Saint-Raymond,
Portraits du Ier siècle de l’empire romain, sous l’érudite
direction de Daniel Cazes, de Jean-Charles Balty et de Pascal Capus.
La partie la
plus visible de ces activités multiples de la Société est la publication du
volume LXIV des
Mémoires. Il y a également le programme du prochain colloque
organisé par la Société archéologique, La Maison au Moyen Âge dans le Midi de
la France, qui aura lieu à Cahors les 6, 7 et 8 juillet 2006. Ce sera le
second volet du colloque qui a eu lieu sur le même thème, ici même, en 2001, et
dont le volume d’actes est encore disponible. »
Remise des prix :
Mlle Laurence Alberghi reçoit le Prix Ourgaud et M. Yoan Mattalia le Prix spécial de la Société Archéologique du Midi de la France.
Conférence de Michel Roquebert, membre de la Société : Simon de Montfort, bourreau et martyr.
SÉANCE DU 21 MARS 2006
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza,
Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour,
Bibliothécaire-adjoint ; Mme Napoléone, MM. Gilles, le Père Montagnes,
Pousthomis, Prin, Testard, membres titulaires ; Mmes Bayle, Béa, Fournié,
Friquart, Galés, Krispin, Marin, M. Balagna, membres correspondants.
Excusés : Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, Mmes Cazes, Conan, MM. Pradalier,
Bordes.
Invitée : Mme Diane Joy.
La Présidente rend compte de la réunion du Conseil d’administration de la Fédération historique de Midi-Pyrénées, qui s’est tenue dans les locaux de notre Société. Après Sorèze, dans le Tarn, qui accueille cette année le congrès, Toulouse est pressentie pour celui de 2007. Pour que la proposition soit retenue, il faut que des Sociétés savantes locales acceptent de se charger de l’organisation sur place. Les Amis des Archives ont répondu favorablement. La Présidente dit avoir accepté en notre nom le principe de la participation de la Société Archéologique du Midi de la France. La Présidente souligne que le congrès des sociétés savantes s’insère dans un calendrier acceptable, entre le colloque sur la maison au Moyen Âge en juillet 2006, et le congrès de la Société française d’archéologie qui se tiendra en Aveyron en 2009. Elle ajoute que le congrès de Toulouse de 2007 permettra à nos jeunes chercheurs de présenter des communications.
Le Secrétaire général et le Secrétaire-adjoint donnent lecture des procès-verbaux des séances du 7 février et du 7 mars 2006, qui sont tous deux adoptés après quelques amendements.
La
Présidente rend compte de la correspondance imprimée qui compte des annonces de
colloque et le bulletin de souscription pour le volume Materiam superabat
opus, publié en hommage à M. Alain Erlande-Brandenburg.
La
correspondance manuscrite comprend une carte de Gabriel Manière, qui nous assure
de son meilleur souvenir et de son attachement à notre Société ; notre confrère
y joint le texte de son allocution prononcée lors de l’inauguration de la salle
muséographique de Castillon de Saint-Martory et une note sur les tegulae
et imbrices de Couladère :
Cazères, site de Couladère. Essai de reconstitution d'une couverture gallo-romaine. |
« Cet
agencement de couverture des toits gallo-romains a été réalisé en 1970 sur
les vestiges conservés d’un four à tuiles gallo-romain en bordure de la
route qui domine la base nautique de Cazères.
|
La parole est à Agnès Marin pour une communication sur Le palais des archevêques de Narbonne à Capestang, publiée dans ce volume (t. LXVI, 2006) de nos Mémoires.
La
Présidente félicite Agnès Marin pour cette présentation très complète et très
neuve de ce palais dont on connaissait surtout le plafond peint. L’étude
archéologique apporte beaucoup à la compréhension de l’édifice et permet de
formuler de nouvelles questions. La présence d’une voûte au rez-de-chaussée
est-elle assurée ? La Présidente observe que le voûtement d’un espace aussi
important est étonnant à cette époque dans cette région. Pour Agnès Marin,
l’absence de toute trace d’encastrement de poutres et le départ de voûte
conservé ne laissent aucun doute sur le fait que le rez-de-chaussée était voûté,
même si la datation des premières campagnes de construction reste encore assez
floue. Il serait intéressant de pouvoir se livrer à des comparaisons avec les
autres propriétés des archevêques de Narbonne.
Maurice
Scellès s’intéresse aux cloisons qui divisaient le premier étage au XVe
siècle. Agnès Marin montre que les empreintes laissées sur les poutres
permettent de restituer un corridor qui était placé immédiatement derrière la
porte d’entrée et commandait l’accès à une chambre et à la salle. Il faudrait
compléter l’analyse du décor du plafond pour voir si celui-ci est organisé en
fonction de la distribution de ces trois espaces.
Daniel Cazes
souhaiterait pouvoir préciser la fonction de cette grande pièce et il évoque
l’organisation des palais qui peuvent comprendre plusieurs de ces salles,
aula ou tinel. Si pour Agnès Marin la grande pièce de l’étage était à
l’évidence l’aula, elle souligne que ses liens éventuels avec d’autres
espaces restent problématiques : ainsi, faut-il penser qu’une communication
pouvait exister avec la chapelle Saint-Nicolas, mentionnée par les textes mais
qui ne peut être exactement située ?
Considérant
l’état du XVe siècle, Jeanne Bayle suggère que la petite pièce ait pu
être une garde-robe, la pièce principale étant la chambre d’apparat. Comme
Anne-Laure Napoléone l’interroge sur les cheminées, Agnès Marin précise que la
cheminée la plus ancienne, placée sur le mur est, a continué à être utilisée
dans la petite pièce aménagée au XVe siècle, tandis qu’une seconde
cheminée était construite contre le mur ouest pour la nouvelle grande salle. La
petite pièce était également équipée d’un lavabo aménagé dans l’embrasure de la
fenêtre.
Daniel Cazes
remarque que le décor peint du XIVe siècle était d’une très grande
qualité et il voudrait savoir si l’on en connaît d’aussi fastueux dans la
région. La Présidente évoque le décor de la chapelle de la Madeleine au palais
archiépiscopal de Narbonne mais rappelle qu’il est plus ancien, puis elle attire
l’attention sur les frises de quadrilobes traitées comme des architectures
feintes placées en avant du décor principal, qui pourraient rappeler les
peintures italiennes. Daniel Cazes évoque à son tour le décor peint du tombeau
de Bernard de Fargues dans la cathédrale de Narbonne.
Adeline Béa
demande si les textes font connaître les origines du palais. Agnès Marin ne
connaît que trois mentions du castrum ou de la villa de Capestang,
auxquelles s’ajoute celle d’une « maison » de l’archevêque en 1222. De fait,
après l’analyse des vestiges architecturaux, l’étude historique reste à faire.
Patrice Cabau
aimerait avoir des informations sur les autres lieux où les archevêques de
Narbonne pouvaient posséder une maison. Agnès Marin répond que selon Lucien
Bayrou, les archevêques auraient disposé de nombreuses résidences dont la liste
complète n’est cependant pas établie. Michelle Fournié signale qu’une thèse de
doctorat est en cours sur le temporel de l’archevêque de Narbonne, par
Marie-Laure Jalabert, sous la direction de Monique Bourin. Marie-Laure Jalabert
a d’ailleurs publié un article sur « Les villageois et les profits de
l’archevêché de Narbonne », dans L’église au village, lieux, formes et
enjeux des pratiques religieuses, 40e colloque de Fanjeaux, Cahiers de
Fanjeaux 2004, paru en 2005.
Répondant à
une nouvelle question de Patrice Cabau, Agnès Marin indique que c’est dès le XVIe
siècle que le palais de Capestang est délaissé, et la Présidente précise que
c’est le moment où les prélats vont à la Cour du roi de France.
La Présidente
souligne à nouveau l’intérêt du palais de Capestang et ajoute qu’il mériterait
amplement d’être accessible aux visiteurs. Répondant à une question de Daniel
Cazes, Agnès Marin indique que le plafond peint est classé au titre des
Monuments historiques alors que le bâtiment lui-même est inscrit à l’inventaire
supplémentaire. Maurice Scellès s’étonne de cette disparité alors que la
nécessaire cohérence de la restauration supposerait un classement en totalité.
Agnès Marin indique que l’on est sur place un peu partagé entre un véritable
engouement pour un patrimoine remarquable et les difficultés que soulève le
déménagement des activités associatives. La commune a en outre la charge de la
collégiale, un magnifique édifice gothique dont la restauration est très lourde,
en raison en particulier de l’éclatement de la pierre provoquée par les
structures métalliques médiévales.
SÉANCE DU 18 AVRIL 2006
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier,
Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-adjoint ;
Mmes Cazes, Napoléone, le Père Montagnes, MM. Pradalier, Prin, Roquebert,
Tollon, membres titulaires ; Mmes Bayle, Cazals, Félix, Fournié, Friquart,
Krispin, M. Macé, membres correspondants.
Excusés : Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, Mme Conan, M. Bordes.
La Présidente
demande à la Compagnie d’excuser François Bordes, qui ne pourra nous présenter
ce soir sa communication sur Le feuillet des Annales manuscrites de Toulouse
dit de 1447. Puis elle rappelle le rendez-vous du 20 avril à 14 h 30, pour
une visite du collège de Foix sous la direction de Bruno Tollon et des
architectes chargés des travaux.
Le Secrétaire
général donne lecture des procès-verbaux des séances des 14 et 21 mars 2006,
qui sont adoptés.
La Présidente
rend compte de la correspondance manuscrite.
Notre Société
est invitée à s’associer au salon du livre d’histoire locale de Mirepoix :
notre Présidente la représentera comme chaque année.
Mlle Martine
Rieg nous signale que les archives de l’Académie des Jeux Floraux, qu’elle
est en train de classer, contiennent une chemise, non inventoriée, de dessins,
d’aquarelles, de gravures, etc. ayant servi à l’impression des premiers
volumes de Mémoires de notre Société, dont un grand nombre attribuable
au marquis de Castellane. Le marquis de Castellane n’ayant jamais fait partie
de l’Académie des Jeux Floraux, tout porte à penser que ces documents ont été
distraits des archives de la Société Archéologique, sans doute à une époque
déjà lointaine : il est convenu de s’accorder avec l’Académie des
Jeux Floraux pour que ces documents soient réintégrés dans nos archives.
Notre consœur
Céline Piot nous communique quelques informations sur Fanelly de Brisac, épouse
de Jean-Marie-Claude-Alphonse de Pompignan, à la suite de l’article d’Yves
et Marie-Françoise Cranga sur « Le parc à fabriques du château de
Pompignan », paru dans le volume 2004 (t. LXIV) de nos Mémoires.
Fanelly de Brisac, propriétaire du château de Hordosse près de Nérac, était
une amie de Georges Sand dont le mari habitait non loin de là, au château
de Guillery.
La
correspondance comprend encore deux invitations : l’une à la biennale de
la restauration monumentale qui se tiendra à Séville du 23 au 25 novembre
2006, l’autre à l’exposition organisée aux Jacobins par les Toulousains de
Toulouse à l’occasion de leur centenaire.
Parmi les publications reçues au titre des échanges, la Présidente signale un volume qui fait une large part aux fouilles archéologiques et aux aménagements urbains, problématique à laquelle notre Compagnie est particulièrement attentive : III Congreso internacional sobre la Musealización de yacimientos arquelógicos de la excavación al público. Procesos de decisión y creación de nuevos recursos, Zaragoza 15-18 novembre de 2004, Zaragoza, 2005, 382 p.
Notre bibliothèque s’enrichit en outre d’un ouvrage offert par Mme Nicole Ackermann : Jacques Voisenet, Bestiaire chrétien. L’imagerie animale des auteurs du Haut Moyen Âge (Ve-XIe siècles), Toulouse, P.U.M. (collection Tempus), 1994, 386 p.
La parole est à Patrice Cabau qui présente à la Compagnie Un problème d’héraldique médiévale.
La Présidente remercie Patrice Cabau pour cette démonstration magistrale qui nous a fait faire le tour de nombreuses questions soulevées par l’héraldique dans le Toulousain.
En ce qui
concerne l’abbaye d’Eaunes, Daniel Cazes souhaite préciser que les
quelques commentaires qui accompagnent ses photographies ne sont que des notes
prises à la volée sans véritable travail critique. Il se souvient que la
destruction du transept de l’abbaye a été provoquée par un arrêté de péril
pris par le maire, auquel a répondu un avis de l’architecte des Bâtiments de
France selon lequel il fallait abattre les voûtes pour éviter l’écroulement
de tout le bâtiment. Le procédé lui avait paru un peu expéditif : n’était-il
pas possible de les étayer avec des cintres ? Sa visite correspondait à
l’intention d’obtenir la mise en dépôt des clefs de voûte au Musée des
Augustins, mais la mairie avait à l’époque un projet de musée de l’abbaye
d’Eaunes. Daniel Cazes dit ne pas savoir ce qu’est devenue la quatrième
clef de voûte.
SORTIE DU 20 AVRIL 2006
Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mme Cazes, le Père Montagnes, MM. Peyrusse, Pradalier, Prin, Mgr Rocacher, MM. Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Balty, Barber, Cazals, Félix-Kerbrat, Friquart, Guiraud, Krispin, MM. Balty, Barber, Laurière, membres correspondants.
La Compagnie se retrouve à 14 h 30 à la
maison-mère de l’Ordre de Notre-Dame de la Compassion, 2 rue Deville. Fondée au
XIXe siècle par le Père Garrigou, un prêtre toulousain, cette
institution charitable occupe tout l’enclos de l’ancien Collège de Foix,
institué par le cardinal Pierre de Foix en 1457.
Notre Société est d’abord très aimablement
accueillie par une représentante de l’Ordre. Puis M. Antoine Léglise-Costa,
architecte D.P.L.G. responsable du chantier, nous explique que les bâtiments
font actuellement l’objet d’une campagne de travaux de mise aux normes réalisés
en vue de l’hébergement de personnes âgées. Dans l’ancien cloître, il a été
procédé à la réouverture de l’arcature naguère murée ; les baies ont reçu un
fenestrage. À la question de savoir si les sols originels des galeries et du
préau, exhaussé d’un peu moins d’un mètre, seront retrouvés, il est répondu que
les niveaux actuels seront conservés.
Notre confrère Bruno Tollon nous amène ensuite au
pied du bâtiment principal du collège, élevé au milieu du XVe siècle.
Il retrace l’histoire de l’édifice et replace la construction dans le contexte
de l’architecture universitaire ou palatiale de la fin du Moyen Âge, tant à
Toulouse qu’ailleurs en France (Paris, Avignon) et en Europe (Espagne, Italie).
L’observation archéologique des parties hautes du « donjon » pose le problème de
la modification du mode de couvrement intervenue à l’époque moderne : passage du
comble haut à une toiture plate sur mirande.
Notre Société se rend dans la chapelle du
couvent, aménagée au XIXe siècle dans les deux premiers niveaux du
bâtiment du XVe : « tinel » ou réfectoire au rez-de-chaussée et
« librairie » ou bibliothèque à l’étage. Puis nous nous aventurons dans le
sous-sol du « donjon », une vaste cave voûtée d’un ample berceau. Pour finir, de
petits groupes s’égayent pour aller voir les divers points du chantier. Si
divers fragments de marches d’escalier en vis à noyau plein du milieu du XVe
siècle, en pierre, sont aperçus dans le jardin, nulle trace n’apparaît en
revanche des poutres ou planches peintes aux armes du cardinal fondateur,
démontées au XIXe siècle, qui existaient encore dans les lieux il y a deux
ou trois décennies.
SÉANCE DU 9 MAI 2006
Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, MM. Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mme Napoléone, M. Garland, le Père Montagnes, Mgr Rocacher, MM. Boudartchouk, Peyrusse, Pradalier, Testard, Tollon, Vézian, membres titulaires, Mmes Andrieu-Hautreux, Barber, Bayle, Krispin, MM. Balagna, Barber, Darles, Gardes, Stouffs, membres correspondants.
La Présidente donne la parole au Secrétaire général et au Secrétaire-adjoint pour la lecture des procès-verbaux de la séance du 18 avril et de la sortie du 20 avril 2006, qui sont adoptés.
Michèle
Pradalier-Schlumberger présente ensuite à la Compagnie les ouvrages dont notre
bibliothèque vient de s’enrichir :
- Jeanne
Bayle, Varilhes. Histoire d’un village ariégeois, Varilhes, 1989, 382 p.
(don de l’auteur) ;
- Jérôme
Ramond, L’Abbé Cau-Durban (1844-1908). Sa vie et son œuvre, Nîmes,
Christian Lacour, 2001, 122 p. ;
- le même,
Les fouilles Cau-Durban dans le Haut-Lez. Complément aux fouilles Cau-Durban,
ronéotypé, 2005 (dons de Mme Durand-Sendrail) ;
- mise à jour
du Thesaurus linguae latinae, K. G. Saur Verlag, Munich.
Puis la Société entend le rapport de Nicole Andrieu-Hautreux sur la candidature de M. Jean Le Pottier, Directeur des Archives départementales de la Haute-Garonne. La Présidente remercie notre consœur et fait procéder au scrutin. M. Le Pottier est déclaré élu membre correspondant de notre Société.
L’ordre du jour appelle la communication de Christophe Balagna au sujet de L’église Saint-Barthélemy de Croute à Lasserade (Gers).
La Présidente
remercie notre confrère pour cette présentation d’un édifice roman inachevé, qui
pose une série de problèmes architecturaux et iconographiques.
Emmanuel
Garland intervient très rapidement pour constater que l’iconographie est
construite autour de la liturgie monastique et de l’eucharistie. Le fait que
l’expulsion du Paradis soit représentée à l’intérieur de l’église n’est pas un
signe de précocité : avant 1130-1140, elle aurait été figurée sur le portail,
comme à Saint-Sernin de Toulouse, ou bien dans le cloître. Le sculpteur qui a
travaillé pour l’église de Croute a vu de beaux modèles, et il s’en est inspiré.
Son œuvre doit ainsi être considérée comme la synthèse d’une évolution, et pas
du tout comme un mouvement en train de se faire. Le caractère systématique de
cette sculpture fait penser par exemple à la vision synthétique déployée par le
Maître de Cabestany.
Guy Ahlsell
de Toulza propose de reconnaître sur le chapiteau consacré à la Nativité, non
pas un « berger très orné », mais le personnage d’Hérode, dont la représentation
constitue un beau raccourci narratif.
Michèle
Pradalier-Schlumberger ayant posé la question de savoir de quand peuvent être
datées les bases de colonnes ou de colonnettes ornées de boules, on s’accorde à
envisager une période très large, allant du début du XIIe siècle à
celui du XIIIe.
Jean-Marc
Stouffs, qui a dégagé et restauré dans l’abside principale des peintures de la
fin du XVe siècle figurant notamment un saint Christophe, indique que
les chapiteaux étaient badigeonnés de rouge et que des vestiges de polychromie
existent dans tout l’intérieur de l’édifice.
S’agissant de
l’architecture, la discussion s’engage sur le parti originel et les changements
intervenus au cours de la construction de cette église, dont l’édification est
visiblement demeurée inaboutie. Les différences de matériaux et d’appareil
paraissent traduire un appauvrissement des ressources du chantier.
Christian Darles, en marge de sa communication sur le pont de Molières, indique qu’une analyse au carbone 14 donne la date de 1180 pour l’ouvrage le plus ancien.
SÉANCE DU 23 MAI 2006
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès,
Secrétaire général, Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mme Napoléone,
MM. Costa, Peyrusse, Pradalier, Prin, Roquebert, Testard, membres titulaires ;
Mmes Barber, Bayle, Friquart, Galés, Krispin, membres correspondants.
Excusés : Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, MM. Cazes, Directeur,
Cabau, Secrétaire-adjoint, Mme Fournié, MM. Bordes, Boudartchouk, Garland,
Tollon.
Invitée : Mme Martine Jaoul.
La Présidente rend compte de la correspondance imprimée, qui comprend en particulier le programme du prochain congrès de la Fédération historique de Midi-Pyrénées, consacré à l’Histoire de l’industrie en Midi-Pyrénées, qui se tiendra du 23 au 25 juin prochains à Sorèze.
La parole est à Georges Costa pour une communication sur La construction du Couvent des Minimes de Cazeaux-Savès, publiée dans ce volume (t. LXVI, 2006) de nos Mémoires.
La Présidente
remercie Georges Costa pour cette communication qui, comme chaque fois, ajoute
à l’intérêt du sujet celui de la collecte de renseignements très divers.
Le nombre de Toulousains qui se rencontrent sur le chantier de Cazeaux est
particulièrement remarquable.
Comme Louis
Latour l’interroge sur le titre d’architecte du roi, Georges Costa remarque
que tous ceux qui travaillent sur des chantiers publics royaux prennent ensuite
ce titre. Il rappelle en outre que tel qui est dit ici ingénieur du roi peut être
appelé ailleurs architecte du roi. Quant à de Latouche, il est sans doute plus
proche du duc d’Épernon que ne l’était son prédécesseur, et il apparaît
comme son procureur ; il a dirigé des travaux et les a surveillés, mais
il a également exercé des contrôles financiers.
Louis
Peyrusse est frappé par la médiocrité des bâtiments conventuels, dépourvus
de toute monumentalité et en ce sens bien éloignés de la tradition médiévale.
Georges Costa convient qu’il s’agit d’une architecture ordinaire de la région
toulousaine, alors que le morceau principal était sans doute l’église.
Maurice Scellès observe que de nombreux couvents construits au XVIIe siècle
dans des petites villes, mais également à Cahors, Augustins et aussi
Cordeliers, adoptent cette architecture fonctionnelle relativement médiocre.
Henri Pradalier aimerait savoir si les règles des différents ordres
n’imposent pas de s’en tenir à des constructions modestes, dans l’esprit
de la Contre-réforme. Louis Latour ajoute que les destructions des guerres de
Religion ont été très importantes, et que les ressources faisant défaut, il
est probable que l’on se contente de l’essentiel.
Au titre des questions diverses, Henri Pradalier rend compte de la dernière réunion du Bureau de l’Union des Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat et de Clémence Isaure. On note en particulier le protocole conclu entre l’Union, la Fondation Bemberg et la Ville pour l’utilisation et le nettoyage de la cour d’honneur de l’Hôtel d’Assézat. Puis Henri Pradalier indique qu’il est membre du Bureau sans voix délibérative en tant qu’ancien président de l’Union, et qu’il ne peut donc plus y représenter la Société Archéologique : le Bureau de notre Société devra décider de son remplacement.
Le Secrétaire général annonce la mise en ligne sur notre site Internet de la notice consacrée à Jules de Lahondès. Il profite de cette occasion pour rappeler à tous nos membres qu’en dépit d’un réel ralentissement des numérisations, le site Internet de notre Société continue à s’enrichir, avec en particulier la mise en ligne au format PDF des volumes les plus récents de nos Mémoires ; il rappelle qu’en outre toutes les pages du site sont indexées par un moteur de recherche.
La Présidente présente à la Compagnie le bulletin de souscription pour l’ouvrage de notre consœur Chantal Fraïsse, Moissac, histoire d’une abbaye. Mille ans d’histoire bénédictine.
SÉANCE DU 6 JUIN 2006
Présents : MM. Cazes, Directeur,
Coppolani, Directeur honoraire, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès,
Secrétaire général, Mme Suau, Bibliothécaire-Archiviste, MM. Cabau,
Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mme Napoléone, MM. Bordes,
Molet, le Père Montagnes, M. Peyrusse, Mgr Rocacher, M. Testard, membres titulaires ;
Mmes Barber, Bayle, Béa, Fournié, Friquart, Krispin, MM. Gironnet, Le
Pottier, Macé, Stouffs, membres correspondants.
Excusés : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, Mmes Balty, Cazes, MM. Balty, Garland,
Peyrusse, Pradalier, Tollon.
Invitée : Mme Fabienne Carme.
Le Directeur
ouvre la séance en priant la Compagnie d’excuser l’absence de notre Présidente,
en voyage d’études ainsi que nos confrères enseignant à l’Université, Louis
Peyrusse, Henri Pradalier et Bruno Tollon.
Le Directeur
salue notre invitée, Mme Fabienne Carme, puis il souhaite la bienvenue à Jean Le
Pottier, récemment élu membre correspondant et qui prend séance ce soir.
Le
Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 23 mai, qui
est adopté.
La
correspondance imprimée comprend en particulier le programme du 42e
colloque de Fanjeaux, qui se tiendra du 3 au 6 juillet 2006.
Au nom de l’Université des Sciences sociales, M. Philippe Delvit offre à notre Société l’ouvrage Toiles, gravures, fusain et sanguine… Une galerie de portraits à l’Université (Toulouse, Presses de l’Université des Sciences sociales, 2006, 79 p.), publié à l’occasion de la restauration de la galerie des portraits de l’ancienne Faculté de droit, dont le Directeur souligne l’intérêt et recommande la visite.
La parole est à Henri Molet pour une communication sur Le quartier Saint-Cyprien au Moyen Âge :
On ne sait que peu de choses de ce qui a pu précéder le faubourg médiéval dans cette partie de la ville sur la rive gauche du fleuve. L’Antiquité a vu la construction de l’aqueduc de Lardenne, aboutissant au château d’eau dit de Peyrelade, et de l’ouvrage qui permettait l’acheminement des eaux sur la rive droite[1], mais aucun autre vestige, antique ou haut-médiéval, ne semble avoir jamais été mis au jour.La communication qui suit présente un aspect du travail mené par une équipe de chercheurs de l’INRAP, des Universités de Toulouse-Le Mirail et Paris-I, avec des collaborations d’origines diverses, sous la direction de Jean Catalo et Quitterie Cazes, dans le cadre d’un PCR (projet collectif de recherches) intitulé Toulouse au Moyen Âge : topographie et archéologie. La publication projetée rassemble les données recueillies au cours de ces vingt dernières années dans des fouilles archéologiques préventives, examinées et confrontées avec les sources existantes, bibliographiques ou d’archives, certaines inédites ou utilisées pour la première fois. Une importante cartographie a été réalisée, qui illustrera cette publication et en fera, nous l’espérons, un document de référence.
Cette vision est à nuancer fortement. Les travaux des ingénieurs : Pardé, Astre, Lotte[3], et les recherches archéologiques menées depuis une quinzaine d’années[4] indiquent un profil ancien du fleuve à la fois plus étroit et plus profond que le plan d’eau actuel du moins jusqu’à la mise en place des installations de meunerie (Château-Narbonnais, Bazacle) et de leurs chaussées[5].
Naissance de Saint-Cyprien et premiers établissements (1150-1219)
Le
faubourg médiéval de Saint-Cyprien est né dans la deuxième moitié du XIIe
siècle avec la construction du pont de la Daurade.
L’essor du faubourg (1219-milieu XIVe siècle)
Les deux décennies qui
suivent la fin du grand siège sont encore trop politiquement incertaines pour
qu’on puisse noter une reprise de l’habitat. Les textes montre toutefois
que dans les années 1220 on reprend les défenses du bourg en renforçant les
deux barbacanes. La principale, celle du Pont-Neuf, est dotée d’une
enceinte doublée d’un fossé, d’une porte dite de la barbacane de San
Subra , et du côté Garonne d’un système de coupure du pont avec une deuxième
tour et un pont-levis. Il y a reprise des travaux du pont du Bazacle en 1222.
Du côté des institutions, on a la création-extension de l’hôpital
Bernard Novel en 1225 (le projet datait de 1213), du couvent des Bénédictines
en 1229, d’une nouvelle « miscellaria » celle de Bertrand
Balzani (ou Baussani) avant 1232 près de la Font Sainte-Marie.
La reprise
proprement urbaine est plus tardive, guère antérieure à 1250, mais une fois
démarrée elle aboutit en 80 ans à la constitution d’un véritable bourg
qui acquiert son identité propre, doté d’une classe aisée qui fait
agrandir à ses frais l’église Saint-Nicolas, et dont la population demande
dans les années 1330 à ce qu’il soit érigé en capitoulat.
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La clôture de Saint-Cyprien
Depuis les
années 1250, une limite d’ordre juridictionnel existait, côté sud, jalonnée
par trois portes, lieux de perception plutôt que clôture. Ces trois points
étaient la porte de la Font-Nauge (1297), en bordure de Garonne, la porte de
Murel (1294), route de Seysses, et la porte Taillefer, la plus anciennement
attestée (1258). En 1343, le fustier Matas est chargé des réparations à
« la clausadura de la partida del Pont-Vieil debas San Subra »[12],
ce qui indique peut-être la présence d’un fossé palissadé.
Du côté
nord, il semble que les points de péage aient encore été les vieilles
portes des barbacanes du Pont-Neuf et du Pont du Bazacle jusque vers 1345.
Au début
de la guerre de Cent-ans, un effort considérable est fait pour protéger
Saint-Cyprien par une enceinte complète, c’est ce qui ressort de quelques
pièces de compte qui font état de gros travaux en 1353-1354 : réparations
faites aux mâchicoulis de la porte de la Font-Nauge (Batga), à la palissade
de la Font Sancta-Maria (Cabirol), aux parois contre la porte de la Font
Sancta-Maria et aux lices (Stève Astorc et Lametgia), pour le valat de cette
porte (Cas), à la porte de Taillefer (Astorc) ; enfin on apporte de la
fuste pour faire les « dentals » de San Subra[13].
En 1364, on travaille à la porte du pont du Bazacle et à la barbacane de San
Subra[14].
Toute
la rive de Saint-Cyprien se trouve protégée par un mur, en bancal,
tapié et palissa, qui ne cesse de faire
l’objet de réfections, comme en 1378-1379[15]
près de Saint-Jacques ou en 1381 au gravier (Bernat de Bazacle)[16].
La ligne
de défense formait ainsi, côté terre, un arc de cercle depuis la Font-Nauge
jusqu’au Bazacle, passant par les portes de Muret et de Taillefer, la
muraille de la Cavalerie et la porte de Sainte-Marie ; puis laissant
l’enclos des Sœurs repenties à l’extérieur (Clarisses de la Porte),
elle rejoignait le Bazacle en suivant une ligne correspondant à peu près au
tracé de la rue ou chemin de la muraille en 1478, de Piquemil en 1550.
Les grandes crues de 1417, 1430 et 1437 et leurs conséquences
Saint-Cyprien
avait connu de sérieuses alertes en 1217 et 1258 mais le secteur étant
relativement peu occupé, leurs conséquences avaient été minimes. Deux phénomènes
modifièrent cette situation : d’une part l’extension et la surélévation
des chaussées, notamment celle du Bazacle vers 1343 (d’une brasse soit 1,6
m), ainsi que la formation d’atterrages qui diminuait la section courante et
freinait l’écoulement. Au début du XVe siècle s’ajoute une légère
péjoration climatique avec des épisodes humides plus intenses. La crue de
1417 est déjà mémorable et entraîne de lourds dégâts à Tounis et
Saint-Cyprien mais celle de 1430 ne laisse que des ruines derrière elle :
c’est ce que constatent les consuls du Pont-Vieux qui ne prennent même pas la
peine d’établir le rôle d’imposition « en raison que tots est
disrupt et abattu tellement que nul ni demeure »[17].
Une nouvelle grosse crue en 1437 rompit définitivement le pont du Bazacle –
il ne sera jamais rebâti – et acheva de décourager toute réimplantation
entre le fleuve et les rues Tripières et des Espagnols[18].
La conséquence
majeure fut l’abandon d’un bon tiers de la surface occupée jusque-là par
le faubourg (il est à l’origine de l’existence de la prairie des
Filtres), corollaire de la décision de modifier le tracé de la clôture et
la construction d’une nouvelle enceinte achevée en 1438[19].
Henri MOLET
[1] Bien qu’appelé le Pont-Vieux, cet ouvrage, dont la conception présente les caractères d’un aqueduc à siphon conçu exclusivement pour l’acheminement de l’eau, n’avait qu’environ 4 pieds de large au sommet. Il ne permettait au Moyen Âge que le passage des piétons, au mieux celui d’un cavalier à pied. À partir de 1300 il est considéré comme impraticable, sauf par une femme ou un enfant et à leurs risques et périls.
[2] Les travaux des hommes ont créé un plan d’eau dont le niveau moyen cote 131,7, à plus de 4 m au-dessus de l’étiage médian antérieur à la fin du XIIe siècle (pour le MMA de 270 M3/s, cote 127 à 127,5). Ils ont abondamment extrait des matériaux du fleuve ; le fleuve lui-même a travaillé sans cesse ses berges. Il n’est pas impossible que la conjonction de ces phénomènes ait fait disparaître des aménagements anciens, antiques ou médiévaux ; ainsi, lors du creusement des fondations des deux premières piles du Pont-Neuf, à la fin des années 1540, l’on rencontra des « vieilles masures » que l’on dut détruire non sans peine.
[3] Pardé (E.), « Le régime de la Garonne », Revue générale des Pyrénées et du Sud-Ouest., vol. VI, 1935, p 105-262 ; Astre (G.), « Notes sur les travaux du Pont-Neuf », B.S.A.M.F., III, 1938-1939, p. 55-76 et 370-393, V, 1945, p. 495 ; Lottes (R.), Le Pont-Neuf de Toulouse, Paris, 1982.
[4] Voir notre article : « Autour du Bazacle, la Garonne et les vestiges antiques », M.S.A.M.F., t. LXI, 2001, p 15-34.
[5] La rive droite présentait un abrupt avec un dénivelé moyen de 15 m au-dessus du niveau d’étiage médian (entre 127 et 127,5) du fleuve, ce qui la mettait, et largement, hors d’atteinte des plus fortes crues ; rive gauche, et même si celle-ci présentait une pente plus douce, le cordon de berge s’élevait toutefois à 5-6 m au-dessus de cet étiage et restait hors d’eau sauf crues de types centenaires. Derrière ce cordon, il n’existe aucune preuve, géologique ou archéologique, de l’existence d’un bras aux époques historiques. Après une légère dépression le terrain monte à une cote qui se situe 7-8 m au dessus de l’étiage médian des eaux de Garonne. Rien alors ne s’opposait à une occupation humaine permanente.
[6] Cet hôpital est sous autorité séculière : « hoc fecit hospitalerius consilio probes homines de caput de pontis scilicet » dit un texte de mars 1164 où 1165. Il fut probablement fondé en concomitance avec la construction du Pont-Neuf. Il est dit jouxtant le pont et la rive en 1263.
[7] A.N., Nouv. Acq. lat. 32 ; 1168-69 : Cession par Bernard de Saint-Romain, en l’honneur de la Trinité, à Petro de Tholose, ministre et procuratore domus Templi Tolose de « totam illam curiam de Petralata e casalem cum muro et cum pluribus edifficiis que ibi sunt vel ibi pertinent qui est in villa Sancti Cypriani inter honorem Petri Geraldi e honorem (aliorum ?) Vitalis Carbonelli et ambas carrarias publicas ».
[8] De la première église de Saint-Cyprien, on sait seulement qu’elle fut abattue par la crue de Garonne de 1177 (d’après Catel) et son emplacement n’est pas connu.
[9] Le deuxième siège, à l’automne 1217 et au printemps 1218, voit plusieurs tentatives de Montfort s’effectuer à partir de Saint-Cyprien. Les troupes croisées sont arrivées sans difficultés à travers casals et jardins jusqu’à la Garonne, puis se heurtent aux défenses mises en place autour des têtes de pont : Pont-Vieux, Pont-Neuf et Pont du Bazacle en cours de construction depuis 1204. Malgré la prise provisoire de l’hôpital et de la première tour de défense, et une tentative de passage en force par la Garonne vers le gravier de Tounis, ces attaques échouent et ce secteur ne connaîtra plus d’autre tentative, en partie à cause de la rupture des ponts lors de la crue du printemps 1218 (voir Puylaurens, Vaux-Cernay et l’Anonyme (Guillaume de Tudela). Puylaurens dit que les Toulousains s’activèrent à mettre en œuvre et compléter les défenses de la ville dès début mai 1211.
[10] Premières mentions : rue neuve ou du Pont du Bazacle devers Saint-Cyprien en 1258, rue Tripières en 1261, rue Paissière ou de la Navière en 1271, rue des Arcs, rue des Tuiliers en 1289, rue des Teinturiers, rue d’Espagne ou des Espagnols en 1304 ; les rues Saint-Nicolas et Saint-Michel sont citées entre 1294 et 1304.
[11]A.M. Toulouse, CC 938 et 939 : Saint-Cyprien (Daurade et Pont-Vieux réunis) compte 230 estimés, ce qui d’après la formule (1E + 1,5N) = F x QF (5) = H, donne environ 575 foyers pour autant d’habitations et donc de 2700 à 2800 habitants. Remarque : La partie de la Daurade comprend tout ce qui est au nord de la Grande rue, la partie du Pont-Vieux ce qui est au sud de cette rue. Les estimés sont les foyers dont la base d’imposition ordinaire est de 10 livres et plus (6 livres à partir de 1387). Le comparatif fait avec les comus de la fin du XIVe siècle entre estimés et nichils pour l’ensemble de la ville donne un ratio d’ensemble de 2 estimés pour 3 nichils, mais selon les capitoulats, ce ratio va de 1/1 à 1/2,5.
[12] A.M. Toulouse, CC 1846, f° 38.
[13] A.M. Toulouse, EE 32. registre des comptes de travaux de fortification de 1380.
[14] A.M. Toulouse, CC 2284 : 71 £ à Guillem Molinier et 63 £ à Raymond Garaut.
[15] A.M. Toulouse, CC 1511.
[16] A.M. Toulouse, CC 1850 : mandat de 25 francs or.
[17] A.M. Toulouse, CC 278 et CC 282, registres d’imposition du Pont-Vieux en 1430, Pont-Vieux et Saint-Pierre/Saint-Martin en 1442. Dans ces derniers, on trouve les constats suivants : À la rue des Teinturiers, 100% des maisons sont détruites, pas d’habitants ; vers le bout qui regarde la Cavalerie, la rue des Tuiliers, tout ce qui est à l’est de la rue des Espagnols et vers Peyrelade, tout est abandonné et inhabitable ; du côté ouest de la rue des Espagnols, et au coin de Peyrelade, il ne reste plus que 10 hôtels et bâtisses encore occupées ; à Peyrolade, entre Garonne et jusqu’à la porte de Muret, à part 3 maisons, le reste n’est plus que des bordes et vers la Garonne abandonné ; vers la porte antique de Muret tout est détruit et vacant, sauf 2 maisons. Dans le moulon entre l’hôpital de la Daurade, coin de Arnaud Marot et rue Neuve, il ne reste que 5 maisons occupées ; à Tripières, coin de l’Herbe, ruelle des Monges, rue Mage, et la maison où était l’hôtellerie du Mouton, 14 hôtels sur 28 sont détruits ou inhabités. Les maisons de la rue Saint-Michel sont épargnées mais vers le puits des Rodiers, quatre sont ruinées et vacantes ; au-delà, derrière la borde de Saint-Jean, entre la vieille porte de Taillefer, les coursières et la porte Sainte-Marie, le collège de Maguelonne est seigneur et il n’y a que des vignes et des champs.
[18] Les comus du secteur dépendant du Pont-Vieux sont éloquentes à cet égard : en 1405, 119 foyers étaient imposés ; en 1428 et 1429, d’après les listes, il y avait encore 95 foyers au Pont-Vieux, en 1442 il en reste 15.
[19] Son maître d’œuvre est Jehan Leugier. Les travaux commencent en 1431 ; de 1431 à 1434 est réalisé le côté du Pont-Vieux jusqu’à la porte Sainte-Marie, puis de 1434 à 1438, la partie allant de cette porte à la Garonne face au Bazacle. Le nouveau tracé repousse les limites du faubourg jusqu’à la ligne qui sera reprise, en maçonnerie, par les travaux du début du XVIe siècle.
Le Directeur
remercie très chaleureusement Henri Molet de nous avoir présenté une
communication aussi précise et aussi riche, résultat d’une investigation de
grande ampleur qui fait apparaître bien des données nouvelles, et tout autant de
questions. Celle de l’aqueduc, ou du pont-aqueduc, a été posée maintes fois ;
elle a été examinée par Michel Labrousse. Après avoir noté que l’historiographie
toulousaine aurait été inspirée par le pont du Gard, Daniel Cazes demande des
précisions sur les arguments qui permettent d’affirmer qu’il ne s’agissait que
d’un aqueduc. Henri Molet explique que les pièces d’un procès indiquent que le
sommet de l’ouvrage n’a que quatre pans de large, soit environ 0,90 m, et qu’il
apparaît par ailleurs qu’il n’est jamais emprunté que par des piétons, et
seulement occasionnellement ; la forme et l’espacement des piles excluent qu’il
s’agisse d’un pont.
Comme Daniel
Cazes l’interroge sur le château d’eau de Peyrolade, Henri Molet dit que Catel
lui donne déjà cette appellation.
Le Père
Montagnes voudrait connaître l’origine du toponyme Saint-Cyprien. Henri Molet
indique que la première mention serait de 1177, alors que l’église a été
renversée par une inondation et que la décision est prise de la reconstruire
ailleurs. On peut supposer qu’il s’agissait de l’emplacement de la première
église Saint-Cyprien.
Louis Latour
évoque les relations entre les ponts et les établissements hospitaliers. Henri
Molet rappelle qu’un établissement hospitalier existait déjà rive droite lorsque
est construit le pont de la Daurade. En 1164, avant que l’ouvrage soit tout à
fait achevé, apparaît dans les textes « l’hôpital du bout du pont » mais nous
n’avons aucune mention de l’« œuvre du pont » ; c’est en fait l’operarius
de la Daurade qui gère les travaux.
François
Bordes observe que la division en deux dîmaires correspond aux deux capitoulats.
Henri Molet confirme que c’est en effet le cas pendant longtemps, mais que c’est
moins net à la fin du XIVe siècle, à la suite de regroupements et de
divisions survenues entre les deux propriétaires éminents. Répondant ensuite à
une question de Patrick Gironnet, Henri Molet dit qu’il ne subsiste aucun
vestige des deux enceintes ; ce que l’on voit aujourd’hui appartient à la
fortification établie au XVIe siècle sur le tracé de la deuxième
enceinte.
Michelle
Fournié s’intéresse aux deux confréries Saint-Jacques qui apparaissent dans les
testaments, en notant que celle de « Saint-Jacques du bout du pont » est aussi
dite de « Saint-Jacques de la Cité ». Pour Henri Molet, il y a bien deux
confréries Saint-Jacques : celle du Bourg est bien identifiée ; quant à celle de
la Cité, c’est en effet au départ celle de Saint-Jacques du bout du pont.
Michelle Fournié signale qu’un registre de cette confrérie, daté du XIVe
siècle, a récemment été retrouvé.
Laurent Macé
l’ayant interrogé sur la circulation des bateaux, Henri Molet indique que les
pièces d’un procès de 1277-1278 situent le passage dans la chaussée du Bazacle
juste au-devant de l’hôpital Saint-Jacques, mais qu’il sera ensuite reporté de
l’autre côté.
La parole est donnée à François Bordes qui présente Le feuillet des Annales manuscrites de Toulouse dit de 1447, nouvelle datation, nouvelle interprétation :
ANNALES DE TOULOUSE, feuillet de l’année 1452-1453. Cliché A.M. Toulouse.
L’un des rares feuillets médiévaux sauvés de l’autodafé révolutionnaire du 10 août 1793 pose un certain nombre de problèmes. Il s’agit de la chronique qui a jusqu’ici été identifiée comme correspondant à l’année 1447-1448 et dont l’illustration représente les « dons du Saint Esprit » aux capitouls (1).
Tout d’abord, son caractère inachevé est évident, tant pour le texte que pour l’image. Au regard du premier, l’énoncé de la date fait apparaître le seul siècle et laisse en blanc l’année de l’élection. Le procès-verbal lui-même s’arrête brusquement au verso du feuillet sans raison apparente, et sans donner le nom des capitouls de Saint-Pierre-des-Cuisines ni du Taur, pas plus que la liste des officiers de la maison commune (2). Enfin, le « A » initial du procès-verbal, qui devait être orné, n’a pas été réalisé. La peinture, quant à elle, se présente également inachevée, la scène représentant le siège d’une ville étant restée au stade de l’esquisse à la plume. La composition même du tableau apparaît atypique : les capitouls agenouillés sont peints dans un cadre en partie haute du feuillet, et au-dessus de la scène historique, ce qui tranche avec l’ensemble des feuilles conservées dans lesquelles ils sont toujours placés dans le registre inférieur.La datation de 1447 qui apparaît en chiffres arabes et qui fut rajoutée a posteriori, comme d’ailleurs sur les autres planches que nous connaissons, a été prise pour argent comptant depuis Lafaille (3) et Abel et Froidefont (4) jusqu’à Christian Cau (5) en passant par Roschach (6) puis par Mesuret (7). Or les noms qui apparaissent dans ce texte (8) ne peuvent correspondre à l’année capitulaire 1447-1448, et un document de cette période nous en fournit la preuve irréfutable. Il s’agit du statut des « lanassiers » et peigneurs de laine de Toulouse, daté du 18 juillet 1448 (9), qui nous livre cinq des huit magistrats qui présidaient alors aux destinées de la ville : Bernardus de Podio, Bertrandus de Galhiaco, Petrus Capussii, Petrus Manhani, Deodatus de Crosio. Deux autres de leurs confrères, Bernardus de Goyrannibus et Hugo Boyssonis, apparaissent à leurs côtés lors de la rapide modification de ces statuts (10). Par contre, une autre pièce (11) nous apprend que nos mystérieux capitouls administraient en fait la ville en 1452-1453. Il nous donne même un septième nom, celui de Johannes Darsas, alias Molart, mais sans préciser son capitoulat. Ce document, publié par C. Douais (12), concerne la réparation des portes et fossés de la ville. On y découvre que le 25 octobre 1453 trois d’entre eux (Guillaume de Lavit, Bertrand de Saint-Paul et Jean Darsas dit Molart) se trouvaient dans la salle basse de la Trésorerie royale (13), et que cinq jours plus tard, tous les sept (14) se réunissaient dans le consistoire de la maison commune (15).
Il nous faut maintenant tenter d’expliquer comment et pourquoi cette chronique avait été datée de 1447. Ce qui ressort en premier lieu de notre analyse en cours du premier « livre des Histoires » de la ville (16), c’est qu’il est loin d’avoir été tenu avec régularité, notamment à partir de ces années 1440 et pendant toute la seconde moitié du XVe siècle. C’est le cas pour la période qui nous intéresse, entre 1447 et 1453 : Lafaille, de même qu’Abel et Froidefont, signalent l’absence totale de quatre années capitulaires (17), alors que Louvet ne reste muet que sur les trois dernières mais se trompe sur la première (18). Ils se rejoignent par contre sur le déficit des chroniques de 1456-1457, 1457-1458 et 1458-1459 (19). Nous ne possédons par ailleurs pour ces dates aucune trace d’un quelconque paiement d’enlumineur ou d’écrivain qui aurait pu nous prouver que les histoires avaient bien été réalisées. Les gestes de 1463-1464 semblent bien ne pas avoir non plus vu le jour (20), malgré la mention d’un paiement au peintre Antoine Contarini (21), et il en est de même pour les années 1467-1468 (22). Dix ans plus tard, s’ouvre une nouvelle période délicate qui va durer jusqu’à la fin du siècle. De nouvelles lacunes apparaissent (1479-1480, 1482-1483, 1486-1487) mais on trouve également une autre interversion de chronique, celle de 1478-1479 avec celle de 1480-1481. Quant à la dernière décennie du siècle, et en particulier la période entre 1492 et 1496, elle pose également de nombreux problèmes mais qui ne rentrent pas dans le cadre de notre propos d’aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, cette situation n’a pas manqué de conduire tous les compilateurs d’Ancien Régime à commettre de nombreuses erreurs (23).
Un second élément d’explication peut être trouvé dans l’évolution matérielle même du « Livre des Histoires ». La confusion entraînée par l’absence de mention de date précise dans la transcription des procès-verbaux d’élection de certaines années (24) ne facilitait pas, en effet, le travail des relieurs qui eurent à le manipuler. Or il fut l’objet de plusieurs reprises avant que n’apparaisse un nouveau volume dans les années 1532-1534. Nous en avons la preuve pour 1490, année qui voit le trésorier des capitouls acheter sept peaux supplémentaires ainsi qu’une « bordure » (cantonie) de laiton et faire confectionner une reliure neuve (25). Près de vingt ans plus tard, en 1508, la nécessité se fait de nouveau sentir de relier le Livre, non pas à cause d’une quelconque dégradation mais tout simplement parce qu’il fallait y intégrer toutes les chroniques réalisées depuis 1490 (26). L’augmentation du texte des histoires accélère ce mouvement, et contraint les capitouls à confier au libraire Michel Garreau la même opération dès 1519 (27).
Négligence des capitouls et de leur chancellerie, erreur d’un relieur, ou bien encore d’un copiste (28) ? Il ne sera sans doute jamais possible de répondre de manière définitive à cette question. Quoi qu’il en soit, nous pouvons actuellement proposer le schéma suivant. La chronique de 1447-1448 était effectivement en déficit ; on trouvait par contre la suivante (1448-1449) puis notre fameux folio inachevé et non daté. Si celui-ci fut identifié par Lafaille comme étant de 1447, c’est certainement parce qu’il dut penser à une interversion avec le précédent. Louvet, de son côté, comme il le fera pour les manques de 1492-1496, lui attribua d’office la date de la première année qui introduisait la série de lacunes entre 1449 et 1453. Pourquoi cette chronique resta-t-elle inachevée ? Pourquoi ni le texte ni l’image ne connurent la finition qui était sans doute prévue ? Autant d’interrogations auxquelles il est par contre bien difficile de répondre. Le seul fait objectif réside dans le déficit de la véritable chronique de 1447-1448 ainsi que de celles de 1449-1450, 1450-1451 et 1451-1452.Le dernier point que nous souhaiterions aborder, à la lumière de cette nouvelle datation du feuillet, concerne la scène au trait qui s’y trouve représentée. Roschach, qui en fournit une description, ne proposa aucune hypothèse quant à son identification : « Au-dessous du frontispice, une autre scène a été incomplètement ébauchée à la plume ; on y distingue une ville fortifiée, hérissée de tours, de flèches et de clochetons, avec deux portes à pont-levis abaissés, des hommes d’armes sur le rempart, une large rivière et une petite place forte de l’autre côté de l’eau » (29). Mesuret resta tout aussi prudent : « A dr., au-dessous des portraits, le croquis dessiné à la plume d’une ville fortifiée. Les ponts-levis sont abaissés et les habitants sur les remparts. L’enceinte porte en façade quatre tours hourdées. A g. en haut une place forte en porte-à-faux sur un rocher » (30). Christian Cau, de son côté, se contenta de noter la présence de « deux villes fortifiées séparées par un large cours d’eau » (31). Il est vrai que le peu d’événements locaux, régionaux ou nationaux qui marquèrent l’année capitulaire 1447-1448 ne facilitait pas vraiment la solution à cette énigme. Par contre, celle de 1452-1453 fut comme on le sait décisive pour l’arrêt du conflit entre les royaumes de France et d’Angleterre, et le principal théâtre des opérations militaires qui la marquèrent fut la Guyenne voisine. Deux grands faits vont marquer cette ultime campagne : la bataille puis la capitulation de Castillon (17-20 juillet 1453), et enfin le siège de Bordeaux, à partir de la mi-août suivante (32). Le premier de ces épisodes peut être facilement écarté : un fleuve baigne bien les rives de Castillon (la Dordogne), mais les combats se déroulèrent dans la plaine (33), à l’est de cette petite cité qui était loin de présenter l’importance de celle qui fait l’objet de notre dessin.
Le second de ces événements, au contraire, peut nous fournir la clé de cette énigme. En premier lieu, Bordeaux, capitale de la Guyenne et symbole de l’occupation anglaise, se présente alors comme l’une des grandes villes fortifiées du royaume. La largeur de la Garonne, sur la rive gauche de laquelle elle s’étend, correspond mieux également à l’importance que prend le fleuve sur notre feuillet. Et comment ne pas être tenté, dès lors, d’identifier la petite place forte sur la rive droite à la plus importante des « bastilles » construites lors de ce siège par Charles VII, celle de Lormont (34) ?
Enfin, et contrairement à ce qui a été décrit par certains des auteurs que nous avons cités, notre dessin n’évoque certainement pas une ville assiégée : il y a bien des hommes sur les murs, mais aucun n’est représenté en situation de défense, et aucune troupe hostile n’essaie de rentrer dans la cité. Et pourquoi d’ailleurs assiéger une ville dont les ponts-levis sont baissés, comme le notait Roschach ? Nous verrions plutôt ici l’ultime épisode qui marqua symboliquement la fin de la Guerre de Cent ans : la reddition de Bordeaux qui rentrait définitivement dans le giron des rois de France. Le siège en effet ne se termina pas par un assaut victorieux, mais par le départ sans gloire des Anglais, le 19 octobre 1453, à la suite de négociations avec les députés de la ville (35). Charles VII, d’ailleurs, ne daigna pas faire d’entrée solennelle à cette occasion et préféra remonter vers le nord. Cela explique peut-être l’absence de toute représentation humaine à l’extérieur des remparts. Quant à la seule bannière qui flotte au sommet de l’une des tours de la ville, et même si elle est vide de tout meuble, elle est manifestement écartelée, comme le sont alors les armes des rois d’Angleterre, ducs d’Aquitaine : aux fleurs de lis en 1 et 4, aux léopards en 2 et 3 (36).
Toujours soucieux des événements de Guyenne, les capitouls de 1452-1453 ne pouvaient qu’être marqués par la chute de Bordeaux qui écartait définitivement les Anglais de tout le Sud-Ouest et consacrait leur défaite dans leur quête de la couronne française. À quelques semaines seulement de leur fin d’administration et donc de la rédaction et de la peinture des « gestes » de leur année d’exercice, comment ne pas penser que cela put influencer la commande qu’ils passèrent à l’enlumineur chargé de cette tâche ?François BORDES
Annexe : Transcription du feuillet de 1452-1453 (BB 273/12)
[A]nno Domini millesimo quadringentesimo [quinquagesimo secundo] et die XXVIII mensis novembris, fuerunt nominati et publicati in palacio domus communis Tholose ad honorabile officium capitulatus huius egregie urbis et suburbii Tholose per nobilem virum Johannem Amici, vicarium regium Tholose, videlicet de partita Deaurate dominus Bertrandus de Sancto-Paulo, de partita Pontis-Veteris dominus Hugo Gardella, de partita Dealbate dominus Petrus (37) Dulcis, licenciatus in legibus, de partita Sancti-Bartholomei dominus Johannes Solacii, bacallarius in decretis, de partita Sancti-Stephani /v/ dominus Petrus de Morlanis, de partita Sancti-Petrique Geraldi dominus Guillermus de David, de partita Sancti-Petri-de-Coquinis dominus [le reste du feuillet en blanc] [Johannes Darsas alias Molart]
1. BB 273/12 (tous les documents cités dans cet article proviennent des Archives municipales de Toulouse).
2. Voir la transcription en annexe.
3. LAFAILLE (Germain de), Annales de la ville de Toulouse depuis la réunion de la Comté de Toulouse à la couronne avec un abrégé de l’ancienne histoire de cette ville et un recueil de divers titres et actes pour servir de preuves ou d’éclaircissement à ces Annales, t. 1, Toulouse, Colomyez et Posuel, 1687, p. 214 (désormais Annales).
4. ABEL et FROIDEFONT, Tableau chronologique des noms de Messieurs les Capitouls de la ville de Toulouse, Toulouse, J.-F. Baour, 1786, p. 77 (désormais Tableau).
5. CAU (Christian), Les Capitouls de Toulouse. L’intégrale des portraits des Annales de la Ville. 1352-1778, Toulouse, Privat, 1990, p. 86-87.
6. ROSCHACH (E.), Les douze livres de l’histoire de Toulouse. Chroniques municipales manuscrites du treizième au dix-huitième siècle (1295-1787). Étude critique, dans Toulouse, actes du 16e congrès de l’Association française pour l’Avancement des Sciences tenu à Toulouse en 1887, Toulouse, Privat, 1887, p. 398.
7. Les enlumineurs du Capitole de 1205 à 1610, Toulouse, Musée Paul-Dupuy, 1955 [catalogue par MESURET (Robert), préf. de Saint-Blanquat (Odon de)], p. 50.
8. Bertrandus de Sancto-Paulo, Hugo Gardella, Petrus Dulcis, licenciatus in legibus, Johannes Solacii, bacallarius in decretis, Petrus de Morlanis, Guillermus de David.
9. AA 57/15, p. 79.
10. Ibid., p. 95 et HH 66 f° 224. La date de ce document (10 mars 1449) n’est d’ailleurs pas sans poser problème, car elle laisserait supposer qu’ils ont été continués l’année suivante 1448-1449 ; or nous connaissons par ailleurs la liste des capitouls de cette année-là qui s’avère complètement différente : cf. AA 57 p. 58, BB 192, II 15/10 et A.D. Haute-Garonne, B 1 f° 123v.
11. 5 S 163 (registre de minutes de Guillaume Pierre de Fraxino, dit Peyronis, notaire du consistoire).
12. DOUAIS (C.), « Charles VII et le Languedoc, d’après un registre de la viguerie de Toulouse (1436-1448) », dans Annales du Midi, t. 9, 1897, p. 80-95.
13. 5 S 163 f° 5.
14. Bertrandus de Sancto-Paulo, Guillelmus de Vite, Johannes Gardela, Johannes Dulcis, Johannes Solacii, Johannes Darsas alias Molart, Petrus de Morlanis.
15. Ibid., f° 9.
16. Dans le cadre de notre thèse en préparation : Formes et enjeux d’une mémoire urbaine au bas Moyen Âge : le premier livre des Histoires de Toulouse (1295-1532), sous la direction de Michelle Fournié, Université de Toulouse-Le Mirail.
17. LAFAILLE note pour les années 1449-1450, 1450-1451, 1451-1452 et 1452-1453 (Annales, t. 1, p. 216) : « Ces quatre années manquent dans nos Annales. Il y a lieu de croire qu’elles ont été arrachées du registre, parce qu’il n’y a point de feuillets blancs. Il m’a été impossible d’en découvrir les Capitouls » ; ABEL et FROIDEFONT le suivent (Tableau, p. 78) : « Les Capitouls des années ci-dessus manquent sur les registres de l’Hôtel-de-ville. »
18. Il ne donne aucune liste pour l’année 1447-1448 et note, sans explication, que les capitouls précédents gouvernèrent la ville pendant deux ans (BB 269 f° 38) ; puis il donne pour 1449-1450 les noms des capitouls qui correspondent en fait à 1452-1453, et enfin saute les années 1450-1451, 1451-1452 et 1452-1453 (BB 269 f° 38-v).
19. BB 269 saute encore ces années sans explication ; LAFAILLE (Annales, t. 1, p. 220) : « Ces trois années n’ont ni Capitouls ni histoire dans nos Annales » ; ABEL et FROIDEFONT (Tableau, p. 79) : « Les Capitouls des années ci-dessus manquent sur les registres de l’Hôtel-de-ville. »
20. LAFAILLE (Annales, t. 1, p. 230) : « Les Annales sont défectueuses de l’an 1463 » ; ABEL et FROIDEFONT (Tableau, p. 80) : « Les Capitouls de la présente année manquent sur les registres de l’Hôtel-de-ville » ; BB 269 f° 39v ne donne aucune liste pour cette année et mentionne seulement le grand incendie qui toucha la ville en mai 1463.
21. CC 2336/32 et 33.
22. BB 269 ne donne aucune liste pour cette année, sans explication ; LAFAILLE (Annales, t. 1, p. 235) : « Les Capitouls de 1467 manquent dans les Annales » ; BEL et FROIDEFONT (Tableau, p. 81) : « Les Capitouls de la présente année manquent sur les registres de l’Hôtel-de-ville. »
23. La liste de l’année 1478-1479, considérée par tous comme lacunaire, est en fait celle qu’ils donnent pour 1481-1482 ; celle (très incomplète) qu’ils proposent pour 1482-1483 correspond justement à celle de 1481-1482, et c’est en fait l’année 1483-1484 qui était lacunaire.
24. LAFAILLE note pour 1480-1481 (Annales, t. 1, p. 249) : « La date de leur élection n’est point dans les Annales » ; pour 1481-1482 (Annales, t. 1, p. 251) : « Il n’est pas dit dans le livre des Annales en quel mois ni devant qui ils furent élus » ; pour 1483-1484 et 1484-1485 (Annales, t. 1, p. 251) : « Le jour de leur élection n’est point dans les Annales. »
25. CC 1582 p. 7v : a XXIII de setembre, he crompadas set pels de parguam per metre al libre de las storias (…) ; item a XII de octobre, he crompat hun cantonie de laton per lodit libre (…) ; item he paguat per relia lodit libre tot de nau.
26. CC 2358/21 p. 61 : per far religar tot de nau lo libre de las istorias.
27. CC 1882 p. 62 : a mestre Micheu Garreu, librayre, per religar lo libre de las istorias ; le même libraire fournit également cette année-là pour le Livre des Histoires une douzaine de peaux de mouton et dix peaux de veau : a mestre Micheu Garreu, librayre, per una dotzena de pels de moto et detz pels de vedel per metre al libre de las istorias (ibid., p. 63).
28. On sait en effet que certaines chroniques furent réalisées rétrospectivement sur une ou plusieurs années ; ce fut en particulier le cas pour celles de 1439-1440 et 1440-1441, à l’occasion desquelles l’enlumineur Guiraut Salas fut rétribué per son salari de aver pinta la istoria dels capitols lors predecesors en lo libre vermelh com es acostumat de far et aysso de doas anneyas passadas.
29. ROSCHACH (E.), Les douze livres de l’histoire de Toulouse. Chroniques municipales manuscrites du treizième au dix-huitième siècle (1295-1787). Étude critique, dans Toulouse, Actes du 16e congrès de l’Association française pour l’Avancement des Sciences tenu à Toulouse en 1887, Toulouse, Privat, 1887, p. 398.
30. Les enlumineurs du Capitole de 1205 à 1610, Toulouse, Musée Paul-Dupuy, 1955 [catalogue par MESURET (Robert), n° XXII p. 50.
31. CAU (Christian), Les Capitouls de Toulouse. L’intégrale des portraits des Annales de la Ville. 1352-1778, Toulouse, Privat, 1990, p. 87.
32. Sur ces événements, voir RENOUARD (Yves) dir., Bordeaux sous les rois d’Angleterre, Bordeaux, Fédération historique du Sud-Ouest, 1965, p. 518-521.
33. C’est d’ailleurs dans la campagne, et assez loin des remparts de Castillon, que les enluminures de l’époque représentent en général cette bataille : voir B.N.F. Fr. 5054 f° 229v ou encore British Library, Royal 20 C. IX f° 263.
34. RENOUARD (Yves), op. cit., p. 520 : « Charles VII fit donc construire des ouvrages de défense, des "bastilles" pour abriter ses compagnies et son artillerie. La principale fut la bastille de Lormont, sur les hauteurs du fleuve. »
35. FAVIER (Jean), La guerre de Cent Ans, Paris, Fayard, 1980, p. 612 : « Les Anglais sortirent en armes et gagnèrent leurs bateaux. Charles VII s’offrit le luxe de faire donner à chacun un écu pour son vivre. Quelques heures plus tard, la bannière aux fleurs de lis flottait sur Bordeaux. »
36. Une très belle représentation en est fournie dans l’enluminure de Jean Chartier représentant la bataille de Castillon : British Library, Royal 20 C. IX f° 263.
37. Il ne peut pas s’agir de Petrus, qui sera capitoul en 1457-1458 et ne peut donc l’être en 1452-1453, mais bien de Johannes, donné par 5 S 163 f° 9.
Patrick Gironnet reprend l’analyse des architectures et des quelques armures pour
confirmer la datation du milieu du XVe siècle.
La
discussion porte ensuite sur la précision de la représentation, ou au contraire sa
valeur emblématique. Est-il possible d’identifier un édifice remarquable de
Bordeaux ? Ne faut-il pas penser à Avignon (mais il manque le pont), ou à
Constantinople ?
Comme
Bernadette Suau s’étonne que Toulouse ait pu porter une telle attention à ce qui
se passait à Bordeaux, Patrice Cabau rappelle que les deux villes entretiennent
d’importantes relations d’affaires. François Bordes précise que nous n’avons pas
le texte de la chronique et que nous n’avons ni comptes ni délibérations pour
ces années-là. Un peu plus tard, les annales consulaires comportent fréquemment
des récits d’évènements même lointains. François Bordes redit qu’il reste
attentif à toute proposition d’identification de cette miniature.
Le Directeur remercie tous les intervenants, puis il renouvelle l’appel à communication pour la prochaine année. Après avoir souhaité à tous de bonnes et studieuses vacances, il prononce la clôture de l’année académique 2005-2006.
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