Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 6 JUIN 2017

Séance privée
separateur

Communication longue de Bruno Tollon :
Questions sur le château de Bournazel (Aveyron).

Les chantiers interminables sont riches d’enseignement, celui du château de Bournazel en fournit un exemple. L’entreprise de restauration en cours a permis des découvertes essentielles pour sa compréhension. L’administration des Monuments historiques a dû admettre, tour à tour, la restitution du corps de logis principal, puis de la tour sud et même du pavillon d’escalier, dont le dégagement a provoqué des surprises. Autant d’étapes qui ont été accompagnées de recherches donnant du château une image plus complexe que prévue. Ces observations vont dans le sens d’une chronologie renouvelée pour nombre de châteaux du Midi de la France et de la prise en compte d’une culture nouvelle, tant du côté des architectes (culture visuelle) que des commanditaires (culture intellectuelle).

 


Présents : MM. Cazes, Président, Scellès, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry
Bibliothécaire, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone Secrétaire-Adjoint ; Mmes
Cazes, Haruna-Czaplicki, Jaoul, Nadal, Pradalier-Schlumberger ; MM. Balty, Boudartchouk,
Garrigou-Grandchamp, Julien, Pradalier, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ;
Mmes Balty, Béa, Czerniak, Friquart, Galès, Muños, Sénard, Vène ; MM. Debuiche,
Macé, Sournia, membres correspondants.
Excusés : Mme Heng et MM. Bru, Latour, Peyrusse et Prin

Le président annonce la parution prochaine des Mémoires de l’année 2015. Pour l’an prochain, l’année académique comptera 16 séances, parmi lesquelles la visite de l’exposition sur les Arts de la Renaissance à Toulouse. Le 7 novembre, jour de notre rentrée académique, nous célébrerons les 50 ans de société archéologiques de notre confrère Louis Latour, enseignant, archéologue et membre actif de la société. Nous procédons à la lecture des pv des séances des 8, 16 et 30 mai 2017, qui sont adoptés après quelques modifications. La parole est ensuite donnée à Bruno Tollon pour sa communication intitulée « Question sur le château de Bournazel (ca 1545-1565) ».

Le président remercie Bruno Tollon de nous avoir présenté cette spectaculaire restauration, tout en approfondissant l’étude de l’architecture et du décor du château de Bournazel. Il ne peut que souhaiter l’achèvement et l’épanouissement de ce chantier, et notamment le réaménagement du jardin. Concernant ce jardin, il rappelle qu’au château Renaissance de Martres-Tolosane, le propriétaire avait découvert des dessins attestant de la présence de jardins contemporains du château. B. Pousthomis précise qu’une de ses collègues, archéologue à Hadès, est intervenue pour faire un sondage à l’endroit où étaient prévus les jardins de Bournazel. On n’y a pas trouvé trace d’allée, mais quelques vestiges d’un grand bassin de 60 m de long, et deux éléments d’un bassin circulaire. L’emplacement du jardin du XVIe est depuis longtemps exploité et labouré, la restitution (ou plutôt la création ?) ne peut donc pas s’appuyer sur ces rares vestiges. B. Tollon remarque que la brièveté des opérations de fouilles est tout de même révélatrice du peu de cas qui est fait de l’archéologie. B. Pousthomis croit se souvenir qu’il y a eu environ une semaine de fouilles, surtout sur l’emplacement du jardin et sur la porte dégagée en 2014, mais il reconnait que le service archéologique a eu du mal à se faire entendre du propriétaire et du jardinier, et qu’il y a eu des difficultés de relations générales entre le SRA et le maître d’ouvrage.
B. Pousthomis demande si la porte monumentale récemment mise au jour, en contrebas de la cour, doit être considérée comme étant l’accès principal du château. B. Tollon rappelle qu’en France on rentre dans le bâtiment par la tour d’escalier ; mais qu’on doit toujours traverser une cour et si possible une avant-cour avant d’accéder au bâtiment proprement dit. Le parcours est rallongé le plus possible pour vérifier l’identité des survenants, selon une logique que l’on retrouve aussi dans l’édifice (de l’espace public vers l’espace privé). Le positionnement de la porte, au pied de l’escalier, c’est à dire au niveau des jardins, lui donne à penser qu’il ne s’agissait pas d’une porte principale. Il faut imaginer un château avec plusieurs accès et plusieurs enceintes. Le fait que cette porte ne soit pas fortifiée peut suggérer l’existence d’autres aménagements défensifs encore inconnus. Le château de Villefranche de Rouergue, présente sur le cadastre du XIXe des traces de ce type de défense. Malheureusement nous n’avons pas de sources du même type pour Bournazel.
G. Ahlsell de Toulza présente des photos du château de Bournazel qu’il a prises en août 2015. Il invite tout un chacun à consulter les trois vidéos expliquant la mise en œuvre des travaux de restauration, sur le site internet du château.
J. Balty s’interroge sur le rôle du concepteur du décor architectural de ce château. Est-ce que les sculpteurs travaillent d’après des documents iconographiques, des relevés ? ou bien ont-ils vu des œuvres antiques bien réelles ? Ainsi, il lui semble qu’entre la source antique et l’interprétation Renaissance, les deux ordres imbriqués le sont désormais sur un même plan ; comme si l’architecte avait mal lu un relevé. Il doute de l’identification de la figure sculptée avec Jupiter Ammon, car ce dernier a normalement des cornes de bélier enroulées. Avec ses cornes petites et droites, et sa longue barbe, il identifierait plutôt cette figure à un dieu Fleuve, comme Achéloüs.
B. Tollon le remercie pour ce point de vue de spécialiste de l’antiquité. Il tient à souligner la liberté de l’artiste. Les sculpteurs prolongent le modèle des masques, au gré des différentes campagnes de construction, ils conservent le kalathos, le remplacent parfois par une corbeille de fruits, adoptent des cornes très différentes ; ils ne se soucient pas d’une fidélité absolue à leurs modèles. C’est ce qu’on constate aussi avec les bustes de la cour du château d’Assier, qui ne sont pas des copies fidèles, mais des versions adaptées et remaniées de modèles antiques. Il récuse la conception selon laquelle les architectes de la Renaissance auraient mal compris Vitruve, ou les modèles antiques. Le Président revient sur le décor sculpté. Il y a vu une observation de l’antique étonnante, et un mélange assez inventif. Il reconnait que les barbes sont plus fluviales que celles des grands dieux de l’olympe, mais il y a aussi des bucranes et des éléments sacrificiels, comme sin on mélangeait tout sans rechercher un sens d’ensemble. Il ajoute que ce programme sculpté mériterait à lui seul une étude de grande ampleur, sur l’origine des modèles.
M. Scellès demande si on peut imaginer l’existence d’une aile sud, dans le prolongement de la tour d’escalier, au-dessus de la salle souterraine récemment mise au jour. B. Sournia suppose que la présence d’un sous-sol, doit permettre de supposer un projet d’élévation au-dessus. B. Pousthomis signale qu’une des gravures connues du château montre un mur opaque en bel appareil, sans traces d’arrachement, et qu’il n’y avait donc a priori pas d’aile sud en élévation. P. Julien confirme que l’inventaire après décès du XVIIIe siècle, ne mentionne aucune aile sud. En revanche, il signale un arrachement contre l’aile nord, qu’il faudrait examiner.

Au titre des questions diverses, M. Scellès annonce l’envoi des plaquettes sur le projet de Grand Saint-Sernin à destination des élus des collectivités territoriales. Le Président s’étonne de l’état des travaux sur la place Saint-Sernin, qui n’avancent que très sporadiquement. Le projet d’aménagement de la place Saint-Sernin ne parait pas encore fixé alors que l’inauguration de la place est toujours prévue pour la fin du mandat. Il remarque qu’A. Bossoutrot et J.-L. Rebières avaient été pressés de rendre leur projet concernant le massif occidental de Saint-Sernin à la fin de l’année 2016, mais qu’ils ne savent toujours rien de l’éventuel démarrage du chantier. On reste sur une impression de lenteur et d’indécision surprenante pour un monument d’une telle importance.
G. de Toulza signale que la gazette Drouot a fait paraître une tapisserie commanditée pour la cathédrale de Toulouse, "Saint Antoine quittant la ville". Attribué à l’atelier de Willem Pannemaker, vers 1552, ce second tissage d’un original commandé par François Ier, fait aux armes du cardinal Georges d’Armagnac, aurait été destiné à orner les murs de la cathédrale de Toulouse. Selon P. Julien, le lien avec Toulouse ne repose pour l’instant sur rien.
Concernant la dernière sortie au château de Candie, G. de Toulza montre la photo d’un écu arraché, avec un cimier au-dessus. Il n’y a pas ce genre de heaume sur les écus avant le XVe siècle. M. Scellès pense donc que la pièce a sans doute été remplacé dans le mur d’origine. Q. Cazes souligne, à l’appui de cette hypothèse, les briques visiblement cassées au-dessus de l’arc. L. Macé y voit également un écu plus Renaissance que Médiéval. Enfin B. Sournia reconnait dans la pièce qui surmonte l’écu, une tête d’éléphant.


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