Société Archéologique  du Midi de la France
FacebookFlux RSS

SÉANCE PUBLIQUE DU 25 MARS 2018

Entrée libre dans la limite des places disponibles
separateur

16 h, Hôtel d’Assézat, Toulouse

Allocution de la Présidente

Remise des prix du concours 2018

Conférence de Pascal JULIEN :

« L’art de la Renaissance à Toulouse ».

Toulouse fut à la Renaissance une ville riche et puissante, qui s’épanouit dans la revendication d’un passé hors du commun : celui de la Palladia Tolosa, cité placée sous la protection de la déesse des arts et de la sagesse, Pallas Athéna. Le goût à l’antique, alors si apprécié, s’exprima dans une architecture d’exception et fleurit dans les domaines moins connus de la peinture, de la sculpture et de leurs déclinaisons, de l’enluminure à la tapisserie, des vitraux à l’orfèvrerie, de la fonte à la menuiserie. Cet essor, qui accompagna celui d’un humanisme savant, fit de la capitale du Languedoc un foyer rayonnant. Les troubles religieux et politiques qui obscurcirent la seconde moitié du XVIe siècle ne démentirent ni ce dynamisme ni cette primauté, qui furent confirmés lorsque Henri de Navarre conquit la France. Ainsi, durant plus d’un siècle, de ses manifestations précoces des années 1490 à ses derniers élans des années 1610-1620, l’art renaissant triompha dans Toulouse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Monsieur le Maire,
Madame la directrice de la culture de la région Occitanie,
Mesdames et Messieurs,

Vous ne l’avez peut-être pas senti, mais ça y est, le printemps est là. Les bourgeons poussent, les fleurs apparaissent et comme chaque année au printemps, la Société archéologique du Midi de la France tient sa séance publique dans le cadre remarquable de l’Hôtel d’Assézat.
Le renouveau printanier touche également notre Société car c’est une première pour moi et je me trouve un peu impressionnée à l’idée de devoir vous parler en ce beau dimanche. J’ai été élue présidente il y a quelques mois à peine, et je reprends le flambeau que m’a transmis Daniel Cazes, notre ancien président, que les fidèles de nos séances publiques connaissent bien et qu’ils pourraient s’étonner de ne pas voir cette après-midi à la tribune. Mais je vous rassure, Daniel est ici au premier rang, et il est toujours un membre particulièrement actif de la Société ; d’autant plus actif que je me suis très largement inspirée de son propre rapport moral rendu en janvier dernier et auquel j’ai sans vergogne emprunté plusieurs passages. J’espère qu’il me pardonnera pour ce plagiat de président à présidente.

Si vous êtes venus jusqu’ici aujourd’hui j’imagine que c’est parce que vous connaissez un peu la Société archéologique, ou peut-être, attiré par l’ambiance amicale et le cadre accueillant de la salle Clémence Isaure, êtes-vous entré ici en simple curieux ? Que vous nous connaissiez un peu, ou pas du tout, vous aimeriez peut-être en savoir plus. Je vous rassure je ne vais pas faire ici l’histoire de la Société archéologique, car nous n’aurions pas assez d’un dimanche. En effet, notre Société, est une association fondée en 1831, nous aurons donc atteint l’âge vénérable de 187 ans le 2 juin prochain, ce qui n’est pas rien. Je nous propose donc de réserver à un autre jour l’évocation de chacun des 187 ans qui a rythmé notre vie associative, et de nous limiter pour aujourd’hui à l’année qui se termine, de mars 2017 à mars 2018.

Tout d’abord que faisons-nous à la Société archéologique ? Nous nous réunissons deux fois par mois, les mardis, pour entendre des communications scientifiques proposées par nos membres. Comme les plus attentifs d’entre vous l’aurons noté, nous nous appelons la Société archéologique du Midi de la France ; il y a donc parmi nous effectivement des archéologues ; mais il y a aussi des historiens de l’art et des historiens. Nous sommes tous des chercheurs - et c’est notre point commun - mais nous exerçons dans des cadres différents, à l’université comme enseignant chercheur, au service de l’État ou des collectivités territoriales, conservateurs, archivistes, chargée de diverses missions qui ont toutes trait à la connaissance et à la protection du patrimoine.
Une des grandes qualité de notre société réside dans ce fonctionnement pluridisciplinaire ; non seulement entre les disciplines et entre les fonctions exercées ; mais aussi entre les périodes puisque nous nous intéressons à tous les champs historiques de la préhistoire jusqu’à l’époque contemporaine. Notre seul limite est d’ordre géographique, autour du « Midi de la France », ce qui nous laisse tout de même un vaste champ d’étude.

Pour vous donner une idée de notre champ d’intérêt, nous pourrions d’abord évoquer brièvement le sujet des communications que nous avons entendus lors des séances passées depuis le mois de mars dernier. Dans le courant de cette année, Jean-Michel Lassure a dressé un bilan des recherches archéologiques effectuées à Giroussens dans le Tarn puis nous avons eu une communication à plusieurs voix de Jean-Luc Boudartchouk, Roland Chabbert, Christian Mullier, Patrice Cabau et Anne-Laure Napoléone sur le dossier complexe de Florus, évêque et confesseur du Ve siècle à l’origine des cultes de Fleuret d’Estaing et de Saint-Flour d’Auvergne. Ce fut une communication mémorable au cours de laquelle nous avons pu apprendre que les reliques actuellement conservés dans l’église d’ Estaing dans l’Aveyron étaient bien celles d’un corps datant du Ve siècle ! Jean-Luc Boudartchouk et Eric Tranier nous ont également parlé de sondages archéologiques réalisés à Saint-Majan de Lombez. Emmanuel Garland a présenté les peintures murales romanes d’Eget (dans les Hautes-Pyrénées) et Pierre Garrigou-Grandchamp a attiré notre attention sur l’architecture civile de Mont-de-Marsan aux XIIe et XIIIe siècles. Dernièrement Diane Joy et Pierre-Jean Trabon nous ont parlé du Mazel de Rodez, c’est à dire de l’ancien bâtiment qui servait de boucherie à Rodez pendant le Moyen Âge. Nicolas Bru nous a montré les peintures murales fraîchement dégagées de l’église de Canourgues dans le Lot, tandis qu’Hiromi Haruna-Czaplicki a parlé des commandes artistiques de l’abbaye de Saint-Savin de Lavedan au XIVe siècle. Jacques Dubois a formulé une nouvelle hypothèse sur la localisation des statues de la chapelle de Rieux, puis analysé les commandes artistiques de l’évêque d’Albi Louis Ier d’Amboise. La période moderne a été représentée par les travaux de Bruno Tollon qui nous a fait part de nouvelles découvertes sur le chantier de restauration du château de Bournazel dans l’Aveyron ; tandis que Colin Debuiche nous a proposé une synthèse de ses recherches sur les innovations et les citations dans l’architecture toulousaine de la Renaissance. Mardi dernier, Christian Péligry nous a parlé de François Filhol, un érudit toulousain du XVe siècle qui fut en son temps un collectionneur renommé et que nous avons désormais bien oublié. Et en avançant encore dans le temps, citons les travaux exposés par Bernard Sournia sur les frères Mazzetti, sculpteurs italiens du XVIIIe siècle qui ont travaillé dans le Sud-Ouest de la France ; et la communication de Louis Peyrusse et Amandine de Pérignon qui ont évoqué deux châteaux réalisés par l’architecte Victor Virebent dans le Tarn-et-Garonne au XIXe siècle.
Ce sont ici les communications principales de nos séances, mais d’autres thèmes furent abordés plus brièvement, souvent en lien avec une découverte inattendue ou un fait d’actualité. Pierre Garrigou-Grandchamp nous apprit ainsi la détection de peintures entre les modillons de l’église de Gluzes et l’apparition inattendue d’un splendide panneau de bois peint du XIVe siècle dans la collégiale de Montpezat-du-Quercy. Pierre Garrigou-Grandchamp et Maurice Scellès nous ont informé du résultat d’une étude dendrochronologique qui situe autour de 1270 l’abattage des arbres utilisés pour la charpente de la tour-porche de l’abbatiale de Moissac. Guy Ahlsell de Toulza a donné quelques détails sur une tapisserie du XVIe siècle et nous a parlé d’un réservoir en plomb moderne repéré dans la cour d’une maison toulousaine. Pour ma part j’ai confirmé la provenance de fragments dispersés d’un bréviaire choral enluminé de la cathédrale d’Agen et Michelle Fournié nous a relaté la cérémonie d’ouverture de la châsse de saint Jacques le Majeur. Dernièrement enfin Magali Vène nous a prévenu en avant première de l’acquisition d’un remarquable livre d’Heures toulousain pour la bibliothèque d’étude et du patrimoine. Tandis que notre trésorier, Guy Alshell de Toulza a fait un don personnel exceptionnel à la Bibliothèque municipale en offrant une remarquable série de fragments enluminés qui sont actuellement exposés à la Bibliothèque d’Étude et du Patrimoine.

Nous faisons également des sorties : visite de l’église Saint-Nicolas à Toulouse sous la direction d’Henri Pradalier , et visite du château de Candie à Toulouse, un des plus vieux château médiéval conservé de Toulouse que nous ont fait parcourir Maurice Scellès, Addy Amari, Julien Foltran et Laure Krispin.

La production du savoir scientifique constitue une de nos première mission. Ces communications donnent lieu à des échanges toujours constructifs lors de séances privées, mais nous rendons publics les communications par l’édition de nos Mémoires qui permettent la diffusion et la production de ce savoir scientifique de haut niveau. Autour d’Anne-Laure Napoléone, Maurice Scellès et Adriana Sénard, ce sont aussi Henri Pradalier, Louis Peyrusse, Jean-Luc Boudartchouk et Patrice Cabau qui ont contribué à l’édition de nos Mémoires. Le tome de l’année 2015 est sorti de presse et les volumes suivants paraîtront en 2018. Notez que les volumes parus sont ensuite mis en ligne sur Gallica (le site internet de la Bibliothèque nationale de France) où vous pouvez les consulter. Mais nous vendons également des volumes papiers, que vous pouvez aujourd’hui feuilleter et même acquérir directement avec, pourquoi pas, la possibilité d’une dédicace puisque une grande partie des auteurs des mémoires sont présents aujourd’hui !

Je le disais, la production et la diffusion du savoir scientifique constitue une de nos première mission. Mais ce n’est pas la seule. Dès sa création en 1831, la Société archéologique a été fondée pour protéger et défendre le patrimoine de la région, et en particulier le patrimoine immobilier soumis aux convoitises de promoteurs ou de collectionneurs peu soucieux de la préservation des biens publics. L’action directe de notre Société en faveur de la conservation du patrimoine s’est manifestée de plusieurs façons cette année. Cela a pu se traduire par un don de 1000 euros à la mairie de Saint-Gaudens pour l’aider à acquérir le chapiteau roman du cloître de la collégiale de celle ville dont elle lui avait signalé la vente, ou bien l’acquisition pour nos propre collections d’un tableau anonyme des années 1820 représentant l’intérieur de la basilique Saint-Sernin à cette époque. Par ailleurs, nous avons apporté notre encouragement, sous la forme d’une médaille d’argent, à la commune de La Salvetat-Saint-Gilles. En effet celle ci vient de prendre en charge le château des comtes de Toulouse, en bien triste état, et forme le courageux projet de le restaurer puis de l’ouvrir au public. Cette médaille sera remise à son maire prochainement et notre Société se rendra sur place à cette occasion.
Nous avons également activement soutenu un projet d’aménagement alternatif de la place Saint-Sernin, où les travaux vont commencer cette année. Malheureusement nous ne sommes pas parvenus à convaincre la municipalité de réaliser une véritable fouille de l’ensemble de la place, et c’est avec une grande frustration que nous avons appris les découvertes incroyables qui ont pu être faites seulement à travers quelques sondages archéologiques. Les chapiteaux romans sculptés et l’inscription funéraire qui ont été découverts n’ont pas suffit à convaincre de la nécessité de faire un grand projet patrimonial autour du site, néanmoins nous continuerons à suivre avec attention la tenue des travaux et nous serons toujours prêt à conseiller et à nous manifester si nous jugeons que le patrimoine est mis en danger de quelques manières que ce soit.

A présent vous vous demandez sans doute, mais combien sont-ils pour faire autant de choses en si peu de temps ? et bien c’est là notre force, nous sommes nombreux, 106 pour être exact, tous chercheurs et tous impliqués dans la sauvegarde du patrimoine. Il y a bien sûr les membres de notre bureau : Guy Alhsell de Toulza notre trésorier, d’une efficacité sans pareil, Christian Péligry, notre bibliothécaire qui permet d’ouvrir notre fonds documentaire au public tous les mardi après midi, avec l’aide de Jacques Surmonne, Geneviève Bessis, Michèle Pradalier et Georges Cugullièrs, et nous pouvons également louer le travail des secrétaires, Anne-Laure Napoléone et Patrice Cabau, et celui du directeur des publications, Maurice Scellès, qui permettent la publication des Mémoires mais aussi du Bulletin des séances.
Malheureusement nous avons dû déplorer la perte de deux d’entre nous cet hiver. M. Louis Latour dont nous avions célébré les 50 ans au sein de la Société et qui fut un membre parfait par ses communications, son action archéologique et patrimoniale dans la basse vallée de l’Ariège, mais aussi comme membre du Bureau, où il assuma un important travail de bibliothécaire-archiviste. Et tout récemment le Père Montagnes, grand savant, dominicain, et homme extrêmement attachant, fidèle de nos séances privées et publiques, dont l’absence se fait encore sentir aujourd’hui. Mais nous avons également vu l’arrivée de nouveaux visages dans notre société. Avec les élections de nouveaux membres, chercheur confirmé comme le médiéviste Xavier Barral i Altet, mais aussi jeunes chercheurs venant de soutenir leur thèse comme Sophie Fradier, Fernand Peloux et Julien Foltran.
Faisant moi même partie de cette génération, je tiens ici à exprimer toute ma reconnaissance vis-à-vis de la Société qui constitue un véritable havre pour les jeunes chercheurs. Étant donné les difficultés actuelles que les docteurs rencontrent pour trouver des situations pérennes, dans un monde où pourrait-on dire, les chercheurs sont appelés à être des précaires perpétuels, la Société est un point d’ancrage, un des derniers lieu de rencontre et de reconnaissance entre pairs absolument essentiel pour la jeune génération. C’est aussi dans ce but que la Société accorde chaque année des récompenses aux travaux de jeunes chercheurs. Cette année sept manuscrits nous ont été envoyé. Il s’agissait de sept excellents travaux qui ont tous été primés, et qui prouvent le dynamisme de la recherche actuelle sur une région pourtant encore parfois qualifiée de trop « locale » ! Je ne vous les présente pas, Diane Joy va s’en charger dans quelques secondes.

Pour ma part, je vais terminer ce petit discours sur un souhait. Les sociétés savantes ont une image poussiéreuse qu’elles ne méritent pas. La Société archéologique est une association démocratique, un lieu d’échanges entre toutes les disciplines et toutes les générations, sur un pied d’égalité entre tous ses membres et au service d’un même projet : produire et diffuser des connaissances scientifiques, défendre et protéger le patrimoine. Avec la question de l’aménagement de la place Saint-Sernin entre autres, nous avons senti la nécessité d’impliquer davantage les citoyens dans nos actions et c’est ce vers quoi nous souhaitons nous développer. Je souhaite que le rôle de notre Société puisse être plus encore à l’avenir à la hauteur de notre mission. Vous l’avez compris, nous sommes une structure précieuse car indépendante des pouvoirs locaux et nationaux, notre force nous vient de nos membres bien sûr mais aussi de la place que nous occupons dans la Cité et auprès des citoyens. Je voudrais donc terminer en vous remerciant pour votre présence. En venant nombreux chaque année vous venez aussi apporter votre soutien et à nos actions, et je vous en remercie au nom de la Société archéologique.


Haut de page