Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 9 novembre 2021

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Communication de Pierre Marty : Recherche sur la bibliothèque de l’Académie royale de peinture, sculpture et d’architecture de Toulouse.

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Louis de Mondran (1699-1792), le fondateur et historiographe de l’Académie royale de peinture de Toulouse, rapportait dans ses Mémoires que 1751 était une année importante pour cette institution. En effet, elle obtenait cette année la protection du Roi et le titre d’Académie royale, qui allait lui permettre de devenir pérenne et d’envisager le futur avec ambition. Mondran rapportait encore que : « c’est à peut près dans ce même temps qu’un établissement aussi utille que celuy de l’Accadémie des arts concourut pour le progrès des sciences et des arts : ce feut celuy d’une grande et belle bibliothèque »
Cette intéressante mention n’a jusqu’à présent jamais été questionnée. Or, l’existence d’un lieu ou d’une ressource de ce type au sein de cette académie ne serait pas anodine. Aussi, souhaiterions nous discuter l’existence matérielle de cette bibliothèque. Dans un deuxième temps, nous proposerons une étude des ressources textuelles à disposition des académiciens, et les utilisations qui en étaient faites (légitimation de savoirs, transmission de pratiques artistiques, etc), à la lumière de documents pour beaucoup inédits, et de comparaisons avec d’autres académies et écoles de dessin actives durant la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Présents : M. Peyrusse Président, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry Bibliothécaire, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone Secrétaire-Adjointe ; Mmes Czerniak, Fournié, Merlet-Bagnéris, ; MM. Cazes, Lassure, Sournia, Surmonne, Testard, membres titulaires ; Mmes Ledru, Rolland, ; M. Marty, membres correspondants.
Excusés : Mmes Balty et Cazes, MM. Balty, Garland, Penent et Tollon.

Comme cela a été annoncé lors de la dernière séance, le Président déclare que nous ferons désormais l’économie de la lecture du procès-verbal puisqu’il sera accessible sur notre site après relecture des différents intervenants. Il demande à l’assemblée s’il est nécessaire de l’envoyer par courrier électronique à chaque membre. Daniel Cazes pense que cela pourrait être utile, si la mise en ligne devait être retardée, de façon à ce que les membres puissent suivre la vie de la société. La secrétaire adjointe répond qu’elle veille désormais à ce que les procès-verbaux de chaque séance soient consultables sur le site avant la suivante.
Au titre des courriers reçus Louis Peyrusse annonce que le catalogue du Musée national suisse nous est parvenu ; il note que celui-ci est entièrement rédigé en allemand. C’est le jeune préhistorien de l’Université d’Aix-Marseille Jules Masson-Maurey que notre Président avait désigné pour rédiger la notice, en l’absence de spécialistes locaux sur l’époque néolithique. Celui-ci soutient d’ailleurs dans quelques jours une thèse sur les stèles du sud de la France, c’était donc, selon lui, la personne toute désignée. Louis Peyrusse a relevé par ailleurs que la stèle de Montels est dite provenir du Musée Saint-Raymond comme dans les anciens fichiers. Daniel Cazes tient à préciser que deux pièces, dont celle-ci, avaient été déposées par notre Société dans le jardin du Musée Saint-Raymond - sans doute à la demande de Mme Labrousse -, mais il les a fait ensuite retourner dans nos locaux d’une part pour les protéger des déjections canines et ensuite parce que le nouveau programme muséographique du Musée ne comprenait pas l’époque néolithique. Daniel Cazes se dit par ailleurs contrarié par l’inexactitude des cartels et catalogues de certains établissements où les pièces déposées ne sont pas différenciées des autres. Selon la loi, le nom du déposant doit figurer sur les cartels et dans les notices, il en est de même pour les donateurs. L’erreur notée par le Président dans le catalogue d’exposition suisse n’est donc pas étonnante. Le Président poursuit en montrant des cartes postales éditées par le Musée de Zurich où notre stèle de Montels est mise en parallèle avec celle de Saint-Sever-du-Moustier conservée au Musée de Nîmes et une autre provenant du Musée Fenaille de Rodez.
Nous avons ensuite été avertis par courrier électronique d’une manifestation comprenant un colloque et une petite exposition sur Un demi-siècle d’archéologie à Cahors qui se tiendront dans la ville les 18 et 19 novembre. Deux de nos membres y participeront : Jean-Luc Boudartchouk et Anaïs Charrier. Le Président nous informe ensuite d’un autre courrier provenant de propriétaires d’une cave médiévale toulousaine située au n° 10 de la rue Tripière. Ces derniers proposent à la Société de venir la visiter. Louis Peyrusse suggère de fixer une date de visite un mardi entre deux séances, peut-être en décembre, après avoir contacté les propriétaires. Un autre courriel nous a été envoyé par Mme Claire Jover proposant de faire don à la Société d’un morceau de pieu de pile de ponceau, dont la pointe est renforcée par une ferronnerie adaptée, qu’elle a ramassé il y a une trentaine d’années à l’estuaire de La Vèze-sur Ariège.
Le président rappelle que le samedi 20 novembre, la société rend hommage à la mémoire d’Émile Cartailhac qui a été un des grands membres de notre Société. Cette journée d’étude est organisée par le PCR Cartailhac coordonné par Sandra Péré-Noguès. Par ailleurs, l’Académie des Jeux floraux nous fait savoir qu’elle tient un colloque le 18 novembre sur le thème Qui connaît les poètes aujourd’hui ? Après le colloque, des lettres de maîtrise seront remises au poète Adonis par Serge Pey et à James Sacré par M. Saint-Paul ; l’après-midi s’achèvera par une conférence de James Sacré En suivant mon chemin d’écriture.
Un courrier manuscrit nous a été ensuite envoyé par Mme Bélinda Giacchetti demandant une place de membre correspondant et qui semble chercher un emploi ; le Président se propose de lui téléphoner pour s’assurer de ses objectifs par rapport à la Société.
Enfin, Louis Peyrusse nous annonce que l’hommage à Maurice Prin que nous projetons d’intégrer au volume double de nos Mémoires commence à s’étoffer. Un beau texte a été rédigé sur la vie de notre confrère défunt par Daniel Cazes, nous attendons d’autres textes de Bruno Tollon, Henri Pradalier, Patrice Cabau auxquels propose de se joindre le Président lui-même. Il fait d’ailleurs appel aux membres qui possèderaient des photographies pour illustrer cet hommage ; celle de Jean Dieuzaide montrant Maurice Prin sur son vélo conservée aux Archives Municipales sera demandée.
Pour finir, nous devons élire aujourd’hui Coralie Machabert comme membre correspondant. Le Président rappelle qu’elle a été lauréate en 2020 d’un grand prix spécial de la Société Archéologique du Midi de la France pour sa thèse ; à ce titre, elle a vocation à nous rejoindre. Son master 2 était une monographie sur le peintre et acteur de la vie culturelle Christian Schmidt et sa thèse porte sur la vie artistique à Toulouse de 1939 à 1958.
Coralie Machabert est élue membre correspondant de notre Société à l’unanimité.

Louis Peyrusse passe enfin la parole à Pierre Marty pour sa communication Recherches sur la bibliothèque de l’Académie royale de peinture, sculpture et d’architecture de Toulouse.
Le président remercie notre confrère pour cette enquête passionnante qui se révèle malheureusement pour partie décevante car on s’attend toujours à retrouver des catalogues ou encore que tous les livres restent dans les bibliothèques, ce qui n’a visiblement pas été le cas. Il est surpris de « la civilisation du livre rare » qui vient de nous être décrite. Ces livres sont chers (Pérronnet : 150 livres, Pozzo : 100 francs), il s’agit bien sûr de grands in folio, le Blondel à 28,50 F est bien moins cher. Ce système de bibliothèque Professeurs-École évoqué par notre confrère existait ailleurs qu’à l’Académie royale de Toulouse. Il demande si une distorsion importante existait par rapport aux autres institutions officielles connues. Pierre Marty répond que l’on peut noter de grandes différences avec la bibliothèque de l’Académie royale de Paris. De tels lieux mis à disposition des professeurs et des élèves les plus avancés sont connus à Marseille et à Rouen. L’idée de Mondran était de se mettre au niveau de l’Académie de Paris et on peut considérer que les salons toulousains sont une franche réussite. Il pensait pouvoir solliciter l’aide des capitouls pour son projet mais ceux-ci ne pouvaient apporter aucun financement. Autrement dit reprend Louis Peyrusse, la bibliothèque de Mondran était alors la seule utilisée. Elle a en effet beaucoup servi reprend Pierre Marty, celles de Cammas et de Puymaurin étaient également très importantes, mais également celles d’autres personnalités moins connues comme François Lucas. Se pose alors la question de l’approvisionnement, celui des librairies à Toulouse et plus particulièrement celui de livres d’art. Les correspondances entre professeurs témoignent de demandes de livres adressées aux collègues parisiens. On voit également des réseaux secondaires se mettre en place, notamment entre Académies. À entendre l’exposé qui vient d’être fait, on note, dit Guy Ahlsell de Toulza, que l’Académie des Beaux-Arts était très pauvre, le prestigieux statut d’Académie royale n’a pas apporté les fonds municipaux et de modestes locaux ont été prêtés. Pourtant, le fonds ancien de l’actuelle école des Beaux-Arts était très important au point que les directeurs successifs cherchaient à s’en débarrasser pour gagner de la place. Les portes étant restées ouvertes et sans surveillance, elle a malheureusement été pillée. C’est donc au XIXe siècle que la bibliothèque s’est étoffée fait remarquer Virginie Czerniak. Le Président confirme qu’il y eut en effet un apport important à cette époque qui est venu s’ajouter aux fonds anciens dont on ne connaissait pas la provenance. Mais l’essentiel de la richesse de l’École, ajoute-t-il était constitué par les modèles, c’est-à-dire les gravures et les plâtres qui étaient soigneusement conservés. Pierre Marty fait remarquer qu’il ne reste pas grand-chose de ces modèles du XVIIIe siècle. Par ailleurs, l’Académie étant peu dotée, les modèles étaient plus souvent réparés que remplacés. Les bonnes volontés comme Mondran et Puymaurin étaient sollicitées pour les achats importants. Ce qui est regrettable, poursuit-il, c’est que Lagarde avait mentionné des inventaires de ces dessins, de ces modèles et de ces livres - c’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains ont des annotations en bleu et en rouge -, mais il note dans les années 30 que ces inventaires avaient déjà disparu.
Daniel Cazes demande quelles pouvaient être les ressources, en cette deuxième moitié du XVIIIe siècle, des bibliothèques religieuses en matière de livres d’art, étant donné la multitude de couvents qui existaient à Toulouse. Certaines devaient être très riches (les Augustins, les Dominicains, les Jésuites), dans des communautés où l’on avait le goût des arts et où vivaient parfois des religieux artistes ; il devait bien y avoir quelques uns des livres dont il a été question. En effet, répond Pierre Marty, on voit arriver certains livres d’art provenant de ces communautés religieuses dès le début du XIXe siècle, donc après la Révolution. Cependant, aucune mention de consultation d’ouvrage dans les bibliothèques de ces communautés n’a été relevée dans les sources. On sait seulement que les élèves de l’École du Génie avaient accès à celle du collège royal. L’Académie des Arts avait passé un accord avec le collège pour qu’ils puissent assister à certains cours leur permettant de développer des savoirs particuliers et d’avoir accès à une documentation que l’Académie ne pouvait leur offrir. Qu’en est-il de la bibliothèque du clergé de Loménie de Brienne qui avait lancé un programme public demande le Président. De la même façon, répond Pierre Marty, aucune mention de consultation ni de correspondance d’élève avec cet établissement n’a été relevée.
Louis Peyrusse fait remarquer que pour faire valoir l’Académie royale auprès des capitouls, on avait mis en avant qu’elle allait surtout former des ouvriers d’art, il ne s’agissait donc pas là d’intellectuels. Pierre Marty reconnaît trouver cette question très intéressante, il s’est d’ailleurs penché sur la population des élèves qui fréquentaient cette Académie en faisant des relevés systématiques chez les notaires des contrats d’apprentissage de tous les ouvriers, artistes, artisans pour lesquels il était précisé qu’ils fréquentaient l’Académie. Sur les 140 contrats relevés, 70% environ savent lire et écrire.
Françoise Merlet-Bagnéris se dit moins pessimiste que notre trésorier sur le sort de la bibliothèque des Beaux-arts. Elle a en effet été pillée mais a également fait l’objet d’une chasse gardée à partir des années 70. Par ailleurs, il faut noter, selon elle, le rôle essentiel des gravures dans l’évolution de l’enseignement. En effet, quand on parcourt les locaux du Petit Versailles, à l’intérieur du Capitole, on voit que les étudiants de première année avaient des pupitres dont le couvercle se relevait ; les étudiants y conservaient des gravures parfois de qualité médiocre qu’on leur avait distribué. À côté, se trouvait le bureau des professeurs garni d’étagères et de livres et la tradition du prêt d’ouvrage appartenant aux enseignants s’est poursuivie. Le trésor de l’école était constitué par les plâtres au cabinet de sculpture, les moules ont été longtemps gardés permettant aux professeurs de les refaire. Les étudiants, notamment ceux de première année, travaillaient donc à partir de gravures qui étaient parfois de qualité très médiocre. En seconde année, on copiait les plâtres et on démarrait la découverte de la troisième dimension. À la fin du cycle, on travaillait sur les tomes de Dandré Bardon, volumes de planches sur l’histoire du costume. Les cours théoriques sont arrivés aux XIXe et XXe siècles, ils étaient rédigés par les professeurs eux-mêmes et conservés par les étudiants. C’est à la fin, lorsque ces derniers devaient trouver un style que l’on faisait appel aux grandes bibliothèques. Les livres chers sont souvent détenus par les professeurs annotés, signés et datés de leur main lors de leur don. Quant aux capitouls, ils ont plus investi dans la création de plâtres que dans l’achat de livres. Guy Ahlsell de Toulza ajoute que le prix qui était donné à Toulouse était le porte-crayon en argent du chevalier Rivals, survivance étonnante du XVIIIe siècle, alors qu’ailleurs on donnait des livres, comme par exemple l’écorché de Bouchardon conservé à l’École.

Au titre des questions diverses, le Président donne la parole à Jean-Michel Lassure qui voudrait attirer notre attention sur l’état du château de Saint-Blancard (Gers).
Louis Peyrusse demande si l’édifice est hors d’eau et voudrait des informations sur la situation de la propriété. Jean-Michel Lassure répond que quelques effondrements sont déjà à déplorer et que l’édifice appartient à un Anglais, la commune quant à elle voudrait bien trouver une solution. Il semblerait que des tractations soient en cours mais elles tardent à aboutir. Louis Peyrusse s’étonne que l’on n’oblige pas le propriétaire à entretenir le clos et le couvert. Virginie Czerniak fait remarquer que, malheureusement, de nombreux châteaux sont dans ce triste état dans le Gers, elle pense en particulier au château de Mansencôme classé Monument Historique et qui menace de s’effondrer. Daniel Cazes déclare que les maires des communes ont la possibilité de prendre un arrêté de péril, et s’il est exécuté, ils ont le droit d’assurer le clos et le couvert du bâtiment sous leur propre autorité et de mettre en œuvre des mesures minimales de consolidation : éviter qu’un mur s’écroule, faire mettre une tôle ondulée en attendant des travaux plus importants sur une toiture. Notre confrère s’étonne que ces mesures ne soient prises que très rarement. Olivier Testard répond que si un maire prend un arrêté de péril, il est responsable de ce qui se passe ensuite. Il doit prendre les travaux aux frais de la commune et a la charge de récupérer, éventuellement, auprès du propriétaire les fonds engagés. Le problème, selon notre confrère, est que les nouveaux propriétaires des châteaux n’ont aucune idée de la charge que cela représente. Concernant le château de Saint-Blancard, Jean-Michel Lassure déclare qu’il est encore temps d’intervenir, mais ce ne sera plus le cas dans quelques années.

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