Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 23 novembre 2021

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Communication de Jérôme Kerambloch : La Belle Paule, le mythe et l’histoire

Paule de Viguier, passée à la postérité sous le nom de la Belle Paule est avec Clémence Isaure un des personnages mythiques de la Renaissance toulousaine. Mythique, car bien qu’il s’agisse d’une femme bien réelle qui a laissé quelques traces dans les archives toulousaines, sa biographie est longtemps restée, et reste encore pour le grand public, très largement fabuleuse. Placée au centre d’un certain nombre de séquences historiques qui lui font rencontrer des rois et des reines de France, elle fut un temps une figure incontournable de l’histoire toulousaine. La communication se propose d’éclairer quand et comment cette légende de la Belle Paule s’est progressivement mise en place en plusieurs étapes répondant à des motivations diverses.

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Présents : M. Peyrusse Président, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry Bibliothécaire, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone Secrétaire-Adjointe ; Mmes Czerniak, Fournié ;
MM. Cazes, Garland, Lassure, Sournia, Surmonne, Suzzoni, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Ledru, Machabert, Rolland, ; MM. Kerambloch, membres correspondants.
Excusés : Mmes Balty, Cazes, Dumoulin, M. Balty.

Le Président ouvre la séance en évoquant la journée qui s’est tenue samedi dernier sur le thème : « Archéologues et archéologie en province sous la troisième République » où le personnage d’Émile Cartailhac était à l’honneur. Il se réjouit d’avoir découvert les activités de l’ancien Président de la Société à Ensérune et au Musée de Monaco. Par ailleurs, les comparaisons effectuées avec d’autres régions ont permis de mesurer l’originalité de la démarche de Cartailhac. Il signale qu’une petite exposition inaugurée à la fin de la semaine dernière autour du personnage se tient à la bibliothèque universitaire Jean Jaurès, en attendant celle, vraisemblablement plus complète, qui sera mise en place à la Bibliothèque d’étude et du patrimoine en janvier.
Louis Peyrusse nous annonce encore qu’il a eu une communication téléphonique avec M. Luca Tori, conservateur en chef du Musée national suisse, qui lui a présenté ses excuses pour les erreurs concernant la provenance de la stèle que nous avions relevées sur le catalogue d’exposition lors de la dernière séance.
Suite à un courriel qui lui a été adressé par Quitterie Cazes et Michelle Fournié, le Président annonce la tenue d’une journée d’étude sur saint Jacques, le 10 décembre prochain à la bibliothèque d’études méridionales. Il donne la parole à Michelle Fournié qui nous précise que cette manifestation fait suite à l’ouverture des châsses reliquaires de Jacques le Majeur en 2018, après autorisation du clergé. Elle rappelle que nous sommes censés avoir à Saint-Sernin les corps entiers de Jacques le Majeur et de cinq autres apôtres. Cette ouverture avait donné lieu à une cérémonie de reconnaissance des reliques, puis à des observations et des prélèvements osseux destinés à être analysés. Dans la foulée un séminaire avait été organisé en 2019 à l’université Toulouse 2 Jean-Jaurès et il avait été prévu de faire des journées d’études une fois reçus les résultats d’analyses des prélèvements osseux effectués dans la grande châsse et dans le buste-reliquaire. Mgr. Le Gall a donné l’autorisation de publication des résultats pendant le premier confinement, la journée d’étude n’a donc pas pu être organisée à ce moment-là en raison du contexte sanitaire. Reporté plusieurs fois, ce projet peut enfin être concrétisé. Cette journée présidée par Quitterie Cazes, Hélène Debax, Dominique Watin-Grandchamp et notre consoeur se tiendra le vendredi 10 décembre prochain. Elle précise qu’un intérêt tout particulier sera porté aux résultats des analyses et aux objets accompagnants ces reliques, en particulier les authentiques, ainsi qu’aux contenants. Il sera également question des archives de Saint-Sernin et de leur histoire. Enfin, une visite des cryptes sera organisée sous la direction de Jacques Dubois et de Jean-Louis Rebière.
Le Président reprend la parole et nous dit avoir reçu par courrier une proposition d’article sur le château de Quéribus par Michèle et Jean-Bernard Gau qu’il a déclinée puisque statutairement, seuls les articles des membres sont publiés dans nos Mémoires. Nous sommes par ailleurs invités par M. Nicolas Lassabe à venir visiter la cave située au n° 10 rue Tripière qu’il croit romane mais qui est plus vraisemblablement de la fin du Moyen Âge ; un rendez-vous sera pris au mois de décembre.
Nous avons enfin reçu une lettre de candidature de Mme Sylvie Caucanas, historienne et archiviste paléographe, sortie de l’école des Chartes en 1977 avec une thèse sur la seigneurie de Castelnau-de-Lévis en Albigeois. Elle a par ailleurs fait une thèse nouveau régime en histoire sous la direction de Pierre Bonnassie sur les moulins d’irrigation en Roussillon durant tout le Moyen Âge. Elle a fait une carrière d’archiviste à Saint-Étienne, à Perpignan et surtout à Carcassonne où elle a été directrice des archives départementales.
Une invitation au vernissage de l’exposition de photographies de Jean Dieuzaide nous a également été adressée par courrier électronique. Il se tiendra le 4 décembre à 16h00 au couvent des Jacobins.
Louis Peyrusse fait enfin circuler un magnifique manuscrit : Statuts des confréries de contrepointiers de Toulouse de 1604 qui a été donné par Émile Cartailhac à la bibliothèque de l’Académie des sciences inscriptions et belles lettres. Notre bibliothécaire précise qu’il s’agit donc de la confrérie des contrepointiers ou courtepointiers, deux métiers qui se sont fondus depuis le XVIe siècle et qui étaient liés à la fabrication de matelas et de couettes. Il est intéressant de voir qu’on y parle des obligations religieuses de la confrérie ainsi que des règlements de la corporation : la nomination de deux bayles qui étaient chargés de visiter régulièrement les ateliers pour éviter les fraudes, les obligations que devaient remplir les compagnons. La corporation a été fondée en l’église Saint-Antoine du Salin en 1604. Le Président se demande ce que représentent les dessins qui accompagnent le texte : des modèles de courtepointes, de piquetages ?

Louis Peyrusse passe enfin la parole à Jérôme Kerambloch pour sa communication longue : La belle Paule : le mythe et l’histoire.
Le Président remercie notre confrère pour sa patiente mise à plat des données historiographiques ou du démontage du jeu des répétitions de tous les plumitifs qui montrent bien un certain nombre d’impossibilités. Cela évoque les règlements de comptes de Noulet, qui était à l’académie des sciences, avec Dumège au sujet de Clémence Isaure. Les faits décrits sont évidents, il s’agit d’une forgerie en grande partie romanesque mais il reste, selon Louis Peyrusse, la dimension du mythe. Cette belle Paule est un double d’Aphrodite, de Vénus ou la résurgence toulousaine d’Hélène de Troie et elle n’a pas, contrairement à cette dernière, de pouvoir de magie ou de sorcellerie, mais est douée pour la poésie. Il rappelle qu’un des principaux bâtiments du CHU de Toulouse porte le nom de Paule de Viguier, nous ne sommes donc pas encore sortis de l’ornière romanesque.
Michelle Fournié signale qu’elle a lu un article mentionnant les momies de la belle Paule, qui n’ajoute rien à ce qui vient d’être dit, écrit par ses collègues Estelle Martinazzo et Sophie Duhem et qui porte sur les caveaux des Cordeliers, des Jacobins… Les autrices évoquent à cette occasion la présence de la belle Paule. Louis Peyrusse rappelle qu’aussi bien à Toulouse pour la belle Paule qu’à Bordeaux pour le caveau de Saint-Michel ou ailleurs, ces évocations se trouvent dans tous les récits de voyages romantiques. D’ailleurs, répond Jérôme Kerambloch, au moment de la décennie de la belle Paule, dans La Mosaïque du Midi de 1839, il y a un petit récit sur la visite des Cordeliers qui tourne effectivement autour de cette momie. Il signale également à l’assemblée qu’il est preneur de toutes mentions sur le sujet, trouvées dans les dictionnaires universels ou des articles. Jean-Michel Lassure signale Arthur Young et ses visites du Midi de la France.
Après avoir vu que la belle Paule n’a jamais rencontré François 1er, on peut se demander, ajoute notre confrère, quel était l’environnement culturel de la création de cette légende. Louis Peyrusse rappelle que le marquis D’Orbessan faisait partie de ces seigneurs du XVIIIe siècle qui ont des connaissances intellectuelles et littéraires non négligeables. Il était à cheval entre son hôtel de Toulouse et son château en Gascogne. Il ajoute que le tableau de la belle Paule de Willemsens en 1842, que nous avons vu, était aussi l’ornement principal d’un magasin de mode pour dames. Le peintre l’avait donc vendu à un magasin de nouveautés. Jérôme Kerambloch ajoute que le type physique représenté par Willemsens ressemble beaucoup à ce que Gabriel de Minut écrit dans la Paulegraphie, il s’était donc bien renseigné avant de la peindre : les hanches plus larges que les épaules, les cheveux blonds bouclés… Le tableau appartient cependant au mouvement romantique ajoute le Président.
Travaillant sur le dossier de la belle Paule, Jérôme Kerambloch s’était penché sur l’hôtel Bénaguet, où elle a passé une grande partie de sa vie, qui se trouve rue Tripière à côté du Musée du Vieux Toulouse ; il s’agit de la cave que nous devons visiter. Il montre des photographies de la façade en 1936 en comparaison avec l’état actuel où il apparaît que des ouvertures ont été ajoutées et montre quelques images de la cave en question en cours de travaux. L’escalier d’accès a été démonté et des céramiques ont été trouvées. Après avoir vu ces photographies, un membre se demande quelle est la place de l’archéologie dans ce chantier, la céramique montre qu’il y a des couches en place. Un autre membre se pose la question de façon plus générale : pour être passé dans le centre, de la place du Salin à la place des Carmes, il est impressionné par le nombre d’immeubles qui ont été restaurés et qui s’écroulent. Un autre encore se dit frappé par le saccage des briques sur les façades que l’on ravale. Les briques sont cassées, on cache sous des enduits tout ce que l’on trouve (les traces de fenêtres ou de portes). Il n’est pas certain qu’un relevé soit fait à chaque fois.

Daniel Cazes voudrait donner une information au sujet de la parution récente d’un ouvrage intitulé Dictionnaire historique du patrimoine (Lyon, 2021, éd. Fage), rédigé par Patrice Béghain, ancien directeur des affaires culturelles de notre région, et Michel Kneubühler qui était, à la même époque, chargé d’étude documentaire à la DRAC de Toulouse. Ils sont passés tous les deux à Lyon, à la DRAC Rhône-Alpes et Patrice Béghain a fini sa carrière au poste important de maire-adjoint chargé des affaires culturelles de la ville de Lyon. Ayant souvent travaillé conjointement, les deux auteurs ont réuni une information considérable sur le patrimoine, non seulement dans les régions méridionales, il y a beaucoup de mentions et de points de vue critiques et d’informations sur l’Occitanie, mais aussi sur le reste du pays. Il y a des notices biographiques, d’autres sont dédiées à nos institutions, nos lois concernant le patrimoine, l’archéologie, les musées. Cette masse d’informations et les aspects critiques sont particulièrement intéressants. Daniel Cazes nous en recommande donc la consultation et l’acquisition pour notre bibliothèque pour la somme de 45 euros. Ce livre a été présenté il y a quelques jours à la librairie Ombres Blanches.

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