Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 15 février 2022

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Communication longue de Yoan Mattalia, Le couvent des sœurs hospitalières de Beaulieu dans le diocèse de Cahors à la fin du Moyen Âge

Le couvent de Beaulieu fondé en 1259 au nord du diocèse de Cahors constitue l’un des deux seuls établissements féminins de l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem érigés dans le royaume de France. Il est issu de la transformation d’un hôpital créé en 1235 ou 1236 par Gisbert de Thémines et son épouse Aigline de Castelnau en une maison de religieuses de l’ordre de l’Hôpital. Les sœurs de Beaulieu qui ne sont pas soumises à une stricte clôture y mènent une vie contemplative, assurent le bon fonctionnement d’un hôpital et jouent un rôle essentiel dans la préservation de la mémoire du lignage fondateur de leur couvent.
À partir d’une analyse des sources écrites de la fin du Moyen Âge et du début de l’Époque moderne associée à une première observation des vestiges bâtis du couvent conservés en élévation, je questionnerai l’organisation architecturale et topographique d’une domus quelque peu atypique de l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem qui attend encore une véritable étude archéologique.

Présents : Mme Czerniak Présidente, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry Bibliothécaire, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone Secrétaire-Adjointe ; Mmes Andrieu, Cazes ; MM. Cazes, Peyrusse, Sournia, Surmonne, Suzzoni, Testard, membres titulaires ; Mmes Dumoulin, Ledru, Machabert, Rolland ; MM. Mattalia, membres correspondants.
Excusés : Mmes Bessis, Caucanas, Fournier ; MM. Dubois, Garrigou Grandchamp, Kérambloch, Scellès, Tollon.

La présidente ouvre la séance et annonce à l’assemblée qu’une réponse au courrier envoyé à la Mairie de Cadalen nous est parvenue. Après nous en avoir donné lecture, elle s’étonne de la réaction de la municipalité. On nous assure cependant que les services techniques se chargeront du nettoyage de l’église, on se réjouit donc que la mairie ait pris acte du problème. Patrice Cabau note que notre interlocuteur n’a pas compris qui nous étions, il est question « d’association », or, nous n’en avons pas le profil. Malgré les protestations émises, on se doit de constater que la végétation a atteint aujourd’hui les fenêtres et la partie supérieure des ruines. L’affaire est donc à suivre.

Par ailleurs, Virginie Czerniak présente deux modifications du règlement intérieur et une motion à soumettre au vote des membres :

1. Les procès-verbaux ne seront plus lus en début de séance. Ils seront rédigés et envoyés pour vérification au président et à chaque membre qui est intervenu durant la séance. Après correction, le procès-verbal sera mis en ligne sur notre site, si possible avant la séance suivante. Les autres membres pourront alors le consulter sur le site et envoyer leurs remarques à la secrétaire-adjointe pour d’éventuelles modifications.
L’assemblée vote favorablement et à l’unanimité.

2. Les anciennes présidentes et les anciens présidents seront désormais membres du bureau avec voix consultative.
L’assemblée vote favorablement et à l’unanimité.

Toujours au titre des courriers reçus, le propriétaire du château de Scopont nous demande d’appuyer sa candidature à l’édition 2022 de la Mission Patrimoine de Stéphane Bern. L’édifice nous est présenté par notre trésorier et notre ancien Président.
Virginie Czerniak annonce qu’elle a fait une lettre au président et à la secrétaire générale de la Fondation du Patrimoine pour soutenir cette demande, qu’elle met au vote.
Daniel Cazes se rappelle que le propriétaire était venu le voir au Musée des Augustins avec cette intention de faire remettre le pavillon dans son état et Denis Milhau était convaincu du bien-fondé de cette demande. Jean-Louis Laffont, responsable de l’atelier de restauration de la ville était venu sur place, avait pris toutes les mesures nécessaires et avait fait un projet de restauration. Malheureusement, celui-ci n’a pas abouti, ce qui est regrettable car les travaux n’auraient rien coûté au propriétaire à l’époque alors que le devis des travaux qui sera dressé aujourd’hui sera certainement énorme. Par ailleurs, ajoute-t-il, concernant les sculptures en remploi dans l’édifice, il ne comprend pas pourquoi elles sont dites provenir de Saint-Sernin car pour lui ce n’est pas le cas pour toutes les œuvres. Il s’avère nécessaire de réexaminer les pièces une par une. En effet, nous ne savons pas comment Castellane a récupéré ces pièces, est-ce que Saint-Sernin est vraiment la source unique ? En faisant le récolement des collections avant la rénovation du Musée des Augustins, Daniel Cazes s’était posé des questions sur la sirène-oiseau et le sagittaire car il s’était rendu compte qu’ils étaient sculptés sur des marbres résultant de sciages ; ceux-ci appartenaient donc à un élément plus important. Pour lui, la seule hypothèse possible est qu’ils proviennent d’un fronton de sarcophage antique. Mais on a continué à croire ces sculptures médiévales parce que dans les descriptions anciennes du portail occidental de Saint-Sernin, il est question de tels sujets. Daniel Cazes avait continué à défendre ce constat pour que ces sculptures intègrent le Musée Saint-Raymond, où elles devraient être et non dans la salle de sculptures romanes du Musée des Augustins. Selon Mesplé reprend Louis Peyrusse, la sirène-oiseau et le sagittaire étaient à la base de la colonnette d’angle de la façade centrale. Il y avait des gables et pinacles en terre cuite autour de la porte centrale et une sculpture, aujourd’hui disparue, représentant un homme sur un cheval de parade. Louis Peyrusse n’a jamais pu voir cette sculpture mais les photographies prises par Mesplé, qui constituent le seul témoignage, montrent bien cette composition néogothique : il y avait donc des ornements en terre cuite qui complétaient tous les éléments en marbre des XIIIe et XIVe siècles. La plupart des pièces provenaient d’ailleurs des Jacobins. Pour des raisons techniques reprend Daniel Cazes, elles ne peuvent être que d’un fronton de sarcophage. Louis Peyrusse rappelle que si tout le monde pense que ces sculptures proviennent de Saint-Sernin c’est parce que Castellane dit avoir acheté des reliefs dans les dépendances de la basilique. Concernant le montant des travaux à faire, notre trésorier rappelle que le propriétaire est tenace, il est par ailleurs proche du Maire de Toulouse qui a également écrit à la fondation du Patrimoine. Enfin, l’atelier de restauration se chargera certainement de faire les moulages des pièces déposées. Il a fait refaire l’escalier par les compagnons, la toiture est à peu près en état mais l’intérieur est délabré. Il faut donc refaire les enduits et remonter le pavillon. C’est un travail dans lequel la ville de Toulouse va s’insérer pour ce qui concerne la partie décorative. C’est une belle opportunité reprend Louis Peyrusse pour que le pavillon soit enfin restauré, car en 1995, lors du classement, Marie-Anne Sire avait dit qu’il serait refait et nous attendons toujours. Olivier Testard qui s’occupe de ce dossier confirme l’engagement de la Mairie puisqu’elle a donné son accord par écrit.
Notre Présidente demande donc aux membres s’ils estiment que le soutien de la Société à la candidature de ce propriétaire vaut la peine, étant bien entendu que notre appui n’est pas une garantie de succès. Les membres se prononcent favorablement à ce soutien par un vote unanime.

Elle donne enfin la parole à notre confrère Yoan Mattalia pour une communication longue, Le couvent des sœurs hospitalières de Beaulieu (Lot).
Virginie Czerniak remercie notre confrère pour cette communication abondamment documentée par les textes. Cette étude s’avère très importante pour les repères stylistiques qu’elle donne dans cette partie du Quercy. Si la salle capitulaire est dite neuve en 1298, nous avons des indications très intéressantes sur la modénature et la sculpture de cette époque. La Présidente demande si des fouilles sont envisagées sur le site. Yoan Mattalia répond qu’il avait été en relation avec les membres de l’Association à qui appartiennent la salle capitulaire et les deux pièces qui lui sont associées, qui auraient en effet désiré entreprendre des fouilles programmées ainsi qu’une étude archéologique du bâti conservé. Finalement, les propriétaires des parcelles alentour craignant que ce qui pourrait être mis au jour ait des conséquences sur leurs activités, ce projet n’a pu se réaliser. Virginie Czerniak demande par ailleurs si l’orateur a une idée de ce à quoi pouvait ressembler le sépulcre familial évoqué par les textes. On sait seulement, répond Yoan Mattalia, qu’il était dans l’église, près du chœur et qu’il accueillait les corps de nombreux membres de la famille de Thémines. De la même façon, demande la Présidente, on sait que les Hospitaliers ont fait travailler des ateliers de peinture à Soulomès, il a été question de décors peints dans les galeries du cloître y-a-t-il plus de précisions ? Non, répond notre confrère, il s’agit d’une simple mention dans la Vita de sainte Fleur, ce n’est pas le but de ce texte de s’étendre sur cet aspect-là. La Présidente se dit enfin surprise par le gisant de Galiote de Genouillac du XVIIe siècle qu’elle trouve particulièrement archaïque. Il est conservé dans une salle du château d’Assier reprend notre confrère, où il est peu mis en valeur. Louis Peyrusse demande quel est le statut des monuments de l’abbaye de Beaulieu. Les vestiges bâtis sont classés au titre des Monuments Historiques répond Yoan Mattalia, mais il est impossible de les étudier plus précisément à l’heure actuelle car le monument menace ruine ; il faut donc renforcer l’essentiel de la structure avant de pouvoir envisager toute étude archéologique. Virginie Czerniak demande s’il reste des traces de la nouvelle chapelle ou église de 1617 ? Pour notre confrère, il s’agit d’un topos littéraire lié à la Vie de la prieure Galiote de Genouillac. La mention de la reconstruction de l’église et de sa consécration le 24 juin 1617 permet à l’auteur de ce texte d’évoquer le don de prophétie de la prieure et la révélation, le jour de cette consécration, de sa future mort, le 24 juin 1618. L’église était en bon état lors de la visite des frères de Malte en 1613 et ne nécessitait aucune réparation. Il est donc peu probable qu’elle ait été reconstruite. À quoi servait la clôture du XVIIe siècle demande encore la Présidente ? Elle servait à enfermer matériellement les sœurs, à les retirer du monde répond notre confrère. Cette réforme s’inscrit dans un vaste mouvement d’enfermement et de contrôle des moniales durant l’Époque moderne. Or, celle-ci passe très mal au sein de la communauté de Beaulieu et crée un schisme entre les sœurs qui souhaitent être réformées et celles qui ne le souhaitent pas. Certaines moniales réfractaires sont même enfermées de force un certain temps par la prieure réformatrice. Ce qui est fascinant reprend Louis Peyrusse c’est le quadrillage territorial dans lequel s’inscrit l’abbaye de Beaulieu, sur le Causse de Gramat qui n’est pas une région particulièrement riche, il y a visiblement des équipements de proximité (hôpitaux, couvents) avec une densité assez importante. La proximité de Rocamadour, premier pèlerinage marial de la chrétienté, peut expliquer cette densité fait remarquer Virginie Czerniak. La fondation du premier hôpital est sans doute liée à ce pèlerinage ajoute Yoan Mattalia. Cependant poursuit notre ancien Président l’essentiel des donations provient des seigneuries de Thémines. Ce sont en effet les seigneurs de Thémines qui dotent à la fois l’hôpital et le couvent, répond l’orateur, mais ce dernier reste extraordinaire car nous n’avons que deux maisons féminines de l’ordre de l’hôpital dans le royaume de France, ce qui reste atypique. Que reste-t-il aux Fieux, dans l’autre établissement féminin demande Louis Peyrusse ? Le couvent des Fieux est une propriété privée répond Yoan Mattalia où il reste quelques vestiges dont l’église, conservés en élévation, mais ils sont encore plus délabrés que ceux de Beaulieu. Notre trésorier demande si l’abbaye a été vendue comme bien national. Certainement, répond notre confrère, cependant, la documentation du fonds de Malte relative aux ordres religieux sur Beaulieu s’interrompt assez tôt puisque la réforme ne prend pas et les sœurs qui souhaitaient réformer le couvent quittent l’établissement à la suite de quoi il n’y a plus de documentation, il a donc arrêté là ses recherches. Guy Ahlsell de Toulza pense qu’au XVIIIe les bâtiments devaient être encore debout, le cloître a t-il été démonté, les matériaux ont-ils été vendus ? Yoan Mattalia sait que le portail de l’une des salles donnant sur le cloître a été démonté, récupéré et réutilisé lors des restaurations du sanctuaire marial de Rocamadour. Cela veut-il dire qu’il n’y avait rien d’autre à récupérer se demande notre trésorier ? Il reste quand même la porte décorée de la salle capitulaire répond notre confrère. Lors des saisies révolutionnaires, il y a des descriptions très précises pour les mises en vente, ajoute notre trésorier, les confronts sont donnés ainsi que les dimensions. Yoan Mattalia promet de rechercher ces sources. Daniel Cazes voudrait revenir sur les comparaisons effectuées avec le monastère Sainte-Marie de Sigena/Sixena. Ces comparaisons ne peuvent être que d’ordre très général ou fonctionnel car d’un point de vue artistique il y a beaucoup de différences. On est d’abord aux alentours de 1200 à Sigena, voire avant. Yoan Mattalia répond qu’il a évoqué cet exemple car les autres maisons féminines de l’hôpital – on n’en connaît que 14 –, ne possèdent pas cette organisation avec un cloître et des bâtiments conventuels autour, ce sont les deux seuls exemples connus dans ce petit groupe à l’heure actuelle. Daniel Cazes fait remarquer que Sigena était un monastère royal (avec un panthéon où se trouve le tombeau de Pierre II d’Aragon, mort à Muret) et qu’à ce titre la qualité artistique de la construction et du décor est nettement supérieure.

Au titre des questions diverses, Daniel Cazes nous informe que des fouilles (qui lui ont été signalées par Yoan Mattalia) sont en cours sur le site de l’Arsenal à Toulouse, où il s’est rendu récemment. L’aire de fouille est très importante puisqu’elle occupe tout ce qui était autrefois le parking de la cité administrative. Elle est visible en surplomb en passant derrière les amphithéâtres de la faculté de droit. Pour l’instant, cette fouille, qui est dirigée par M. Xavier Lhermite en est à la strate supérieure qui fait apparaître toute l’organisation des bâtiments de l’Arsenal du début du XIXe siècle, avec ses évolutions. On voit à l’heure actuelle les rails qui étaient destinés à transporter les armes et munitions. Il a lu une interview de l’archéologue. Ce qui sera trouvé sera forcément très intéressant puisqu’il s’agit d’un quartier de Toulouse, desservi par la porte Lascrosses, qui nous est presque inconnu pour la période du Moyen Âge. Grâce Mémoires de notre Société, nous avons toutefois des dessins de la porte avant sa destruction et du rempart dans lequel elle s’ouvrait. Il y avait non loin deux églises : Saint-Julien et Sainte-Radegonde, dont nous ne savons rien non plus. C’est donc une fouille qu’il faut suivre de très près et peut-être pourrions-nous demander à l’archéologue de faire visiter le site à la société, quand le chantier sera plus avancé. Quitterie Cazes note cependant que, d’après les informations affichées devant le site, les fouilles ne dureront que jusqu’au 4 mars, on peut donc penser que seuls quelques sondages seront effectués. Selon les informations recueillies par Yoan Mattalia, le chantier durerait jusqu’à la fin du mois de mai, notre confrère se propose de se renseigner. Quitterie Cazes prendra contact avec Xavier Lhermite, qu’elle connaît.

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