Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 10 mai 2022

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Communication de Jean Charles Balty : Elimberris/Augusta Ausciurum (Auch) la culture classique.

Quatre documents, dont trois connus de longue date, mais jamais regroupés jusqu’ici, permettent d’envisager la place et la diffusion de la culture littéraire classique dans le chef-lieu des Auscii à l’époque impériale : ce sont une inscription funéraire métrique (CIL, XIII, 488) — « une des épitaphes les plus littéraires de toute la Gaule » (C. Jullian, 1920) —, un buste du “pseudo-Sénèque”, aujourd’hui conservé au Musée du Louvre, un hermès de Pindare, celui-ci apparemment inédit, au musée d’Auch, et le court poème qu’Ausone consacre à la mémoire d’un de ses maîtres, le rhéteur Staphylius, civis Auscius. On n’exclura pas qu’un lien plus précis ait existé entre ces témoignages à première vue isolés.

Présents : Mme Czerniak Présidente, M. Cabau, Directeur, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry Bibliothécaire, Mme Napoléone Secrétaire-Adjointe ; Mmes Andrieu, Fournié, Merlet-Bagnéris ; MM. Balty, Cazes, Peyrusse, Surmonne, Testard, membres titulaires ; Mmes Balty, Machabert, ; membres correspondants.
Excusés : Mmes Cazes et Rolland, MM. Boudartchouk, Garland et Sournia.

En attendant notre Présidente retardée par ses obligations universitaires, le Directeur ouvre la séance. Il demande à Louis Peyrusse de présenter la candidature de Coralie Machabert à un poste de membre titulaire de notre Société. Il rappelle que celle-ci a reçu en 2020 un prix spécial de la S.A.M.F. pour son travail de thèse. Après avoir procédé au vote, Coralie Machabert est élue à l’unanimité membre titulaire de notre Société.
Le Directeur fait passer aux membres les cartons d’invitation à notre séance publique qui se tiendra le 29 mai, pour les diffuser le plus largement possible.

Puis il donne la parole à notre confrère Jean-Charles Balty pour sa communication longue : Elimberris/Augusta Ausciorum (Auch) et la culture littéraire classique.
Patrice Cabau remercie notre confrère pour cette « révélation » d’œuvres et cet enrichissement du corpus de sculptures antiques teintées d’hellénisme, dont la présence peut paraître étonnante de prime abord dans notre Gaule profonde. Cependant, grâce à la reconstitution d’un réseau de production et du contexte socio-culturel, notre confrère a fait apparaître clairement que notre Sud-Ouest a été romanisé en profondeur. Jean-Charles Balty confirme que ce processus s’est effectué très tôt avec la présence de grandes familles romaines d’Italie venues s’installer dans la région. Les Antistii d’Auch dont il a été question sont une famille d’origine plébéienne de Rome, connue depuis la fin de l’époque républicaine. Il y avait en effet un Antistius, légat de Jules César au moment de la Conquête des Gaules, qui participa à la tête d’une légion au siège d’Alésia. Un C. Antistius est également connu comme triumvir monetalis par des monnaies frappées à l’image de César… Il s’agit donc d’une grande famille. On ne peut pas garantir que ce soit celui qui était à Alésia qui s’est installé avec sa gens du côté d’Auch, mais ce n’est pas impossible. J’ai également pu constater, poursuit-il, que les toponymes « Antichan » sont très présents en Haute-Garonne et dans le Gers et que celui-ci viendrait du nom Antistii ; ce seraient donc leurs domaines. Quand Staphylius est dit d’une vieille famille de Novempopulanie, on pense évidemment à celle-ci ; cependant, malgré le faisceau d’indices, il manque de véritables preuves.
Louis Peyrusse demande ce que l’on connaît de ces panthéons de bustes d’écrivains et dans quel contexte ils s’inscrivent. Les plus anciens témoignages, répond notre confrère, datent de l’époque républicaine (IIe-Ier siècles avant J.-C.). Toutes les grandes villae dotées de grosses exploitations, en Sabine, dans le Latium ou autour de Rome, ont fréquemment leur « petit gymnase » (cf. celui de Cicéron). Pour témoigner de leur culture, les propriétaires font faire des portraits (des répliques d’originaux grecs) de personnages importants. Dans la « Villa des papyrus » à Herculanum, par exemple, le péristyle est garni de semblables bustes. On y trouve aussi bien des hommes d’État (grands généraux) que des hommes de lettres ; cette association est d’ailleurs très fréquente. De même, on a trouvé dès le XVIe siècle, dans la villa dite de Cassius, à Tivoli, 18 hermès situés les uns à côté des autres, malheureusement tous décapités, mais qui conservent une inscription permettant de les identifier. Il s’agit donc clairement d’un étalage de culture, de la part des grandes familles, pratiqué depuis la fin de l’époque républicaine.
Virginie Czerniak demande s’il s’agit d’œuvres d’importation. Jean-Charles Balty répond que ce sont en effet les grandes officines officielles de Rome et des alentours qui ont réalisé ces œuvres, notamment le buste du pseudo-Sénèque qui est au Musée du Louvre. Par ailleurs, les pointes acérées des mèches de cheveux du portrait d’Auch semblent indiquer que l’original était en bronze ; il s’agit donc d’une copie, et d’une copie d’importation. Il en va de même pour le Sophocle de Poilhes. En revanche le Pindare d’Aphrodisias, a été réalisé sur place, où il existait une importante école de sculpteurs. Cela montre bien que les modèles voyagent. Les deux bustes d’Auch n’étaient pas d’origine gauloise ; il reste, par ailleurs, à analyser les marbres.
Daniel Cazes remercie notre confrère pour cette communication passionnante et convaincante. Il voudrait lui faire part de deux réflexions. En premier lieu, pour la liste des représentations des philosophes et des hommes de lettres de Gaule, il suppose qu’il n’a tenu compte que des portraits en ronde bosse, car il y a bien sûr le remarquable relief de Chiragan avec Pythagore, Socrate et un troisième personnage qui a peut-être quelque chose à voir avec ceux que nous avons vus. Jean-Charles Balty confirme qu’il n’a pas tenu compte de ce relief, car la transmission des modèles est sans doute quelque peu différente pour ce relief. Ensuite, reprend Daniel Cazes, tout ce qui a été dit sur la production des bustes à la veille de l’arrivée des Wisigoths montre que, désormais, la tête féminine magnifique de Chiragan d’époque théodosienne, que nous ne parvenons toujours pas à identifier, n’est pas isolée. En effet, répond le conférencier, cette fin de l’Antiquité dans le Sud-Ouest est vraiment une période extraordinaire, qui a beaucoup intéressé Robert Étienne dans ses travaux autour d’Ausone. Mais rien n’a été fait en dehors de ce personnage. Néanmoins, une thèse allemande datant des années 1950, où figurent les noms de tous les personnages originaires du Sud-Ouest pour la fin de l’Antiquité, permet très vraisemblablement de retrouver le propriétaire de la villa de Castelculier à côté d’Agen, datée de l’extrême fin du IVe siècle.
Jean-Charles Balty nous montre encore une statuette conservée au Musée d’Auch, réputée depuis la fin du XVIIIe ou le début du XIXe siècle être un portrait d’Ausone ; il doute fort de son authenticité. La tête trop grosse ne semble pas correspondre au corps auquel on l’a collée. On dit que c’est un enfant ; or il a de longs cheveux, et aucune représentation d’enfant ne montre une telle coupe. Notre confrère prévoit donc de l’étudier de façon détaillée et de la signaler en annexe dans sa future publication.
Patrice Cabau remercie M. Balty et donne la parole à Nicole Andrieu. Celle-ci nous annonce que les Amis des Archives proposent jeudi prochain une visite de l’église de la Daurade, avec René Souriac qui présentera l’histoire de l’édifice et elle-même qui parlera du culte de Notre-Dame. Cette visite se tiendra à 14h 30.


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