Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 19 JANVIER 2016

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Communication d’Emmanuel GARLAND

À propos de deux sculptures relatives à la collégiale de Saint-Gaudens :

Un moulage de bas-relief de la collection Demotte-Macé acquis en septembre 2013 par la ville de Saint-Gaudens.
Le chapiteau roman du cloître de la collégiale de Saint-Gaudens vendu en juin 2015

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L’apparition en septembre 2013 sur le marché de l’art parisien d’un moulage de la collection Demotte-Macé puis, en juin 2015, celle d’un chapiteau conservé jusqu’à présent dans une propriété privée en Comminges jette un coup de projecteur sur la sculpture dispersée de la collégiale de Saint-Gaudens et donne l’occasion d’attirer l’attention sur sa protection.
Le moulage de la collection Demotte-Macé est un moulage ancien (il apparaît sur une photographie d’un des ateliers de Demotte à Suresnes) d’une dalle sculptée en marbre de Saint-Béat dont l’original est aujourd’hui encastré dans un des murs de la Glencairn Collection à Bryn Athyn, Pennsylvanie (USA). Or, compte tenu des nombreux faux (ou plus exactement re-créations à la manière médiévale) qui ont été exécutés à Bryn Athyn, le caractère original de la sculpture conservée là-bas n’était pas totalement assuré. La présence du moulage dans les ateliers de Suresnes indique l’intérêt que Demotte portait à cette sculpture et laisse donc à penser qu’il ne s’agissait pas d’une création moderne. Cela est conforté par le rapprochement entre cette sculpture et le bloc de marbre conservé dans l’église de Mazères-de-Neste, sur lequel figure, au verso d’une stèle antique, la Vierge à l’Enfant, très probablement un fragment d’une Adoration des Mages.

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Or ce très beau morceau qui présente de troublantes analogies avec la sculpture de Bryn Athyn ne pouvait être connu de Demotte : encastré, retourné, dans le mur d’une maison construite à l’emplacement des maisons des chanoines de la collégiale de Saint-Gaudens, il ne fut révélé qu’en 1976 par le P. Bernat qui le recueillit dans une décharge lors de la démolition du mur. Tout laisse à penser que la sculpture de Bryn Athyn provient du même lieu. S’agissait-il d’un élément du cloître de la collégiale ou du portail nord de la collégiale, qui fut refait au XVIe siècle ? Quoi qu’il en soit, le moulage constitue un précieux témoin de la collection Demotte, qui a joué un rôle considérable dans la dispersion des sculptures romanes provenant de la collégiale de Saint-Gaudens, et plus encore il vient enrichir le corpus des œuvres en provenant et rassemblées à Saint-Gaudens, soit sous forme d’originaux soit à défaut, comme dans ce cas-ci, de moulage.

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En juin 2015, un chapiteau roman était mis en vente aux enchères à Paris. Bien que la provenance ne fût pas précisée, il n’échappa pas qu’il s’agissait très probablement d’un chapiteau de l’ancien cloître de la collégiale de Saint-Gaudens, comme l’avait démontré Gérard Rivère. Un moulage de ce chapiteau put d’ailleurs être réalisé au début des années 1980 et être installé dans le cloître reconstitué de la collégiale de Saint-Gaudens. Comme dans le cas du moulage précédent, la Ville de Saint-Gaudens aurait aimé acquérir ce témoin de la collégiale romane, mais malheureusement le montant des enchères ne lui a pas permis de le faire. Dans ce cas-ci c’est un morceau du patrimoine commingeois qui risque de quitter la France. Cela pose bien évidemment la question de sa protection.


Présents : MM. Cazes, Président, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Péligry, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Andrieu, Jaoul, Labrousse, Napoléone, Pradalier-Schlumberger, Vallée-Roche, MM. Balty, Bordes, Catalo, Garland, Garrigou Grandchamp, Le Pottier, le Père Montagnes, MM. Peyrusse, Surmonne, Testard, Stouffs, Tollon, membres titulaires ; Mmes Balty, Friquart, Gilles, Heng, Nadal, Queixalós, MM. Burroni, Landes, Mattalia, Sournia, Suzzoni, membres correspondants.
Excusés : MM. Pradalier, Directeur, Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mmes Bessis, Cassagnes-Brouquet, Cazes, Jiménez, Joy, Lamazou-Duplan, Pradalier-Schlumberger, Watin-Grandchamp, MM. Boudartchouk, Bru, Darles, Lassure, Penent.
Invitées : Mmes Marie-Laure Pellan, conservateur du musée de Saint-Gaudens, Magali Vène, conservatrice des collections patrimoniales à la Bibliothèque municipale de Toulouse.

Après lecture, le procès verbal de la séance du 15 décembre 2015 est adopté.
Au titre du courrier, nous avons reçu les vœux du Président et des membres de la Société des études du Comminges, ainsi que deux candidatures supplémentaires pour le concours.
La première vient de Denis Mirouse, auteur d’un mémoire de Master 2 intitulé Les circonscriptions intermédiaires du sud du pagus de Toulouse aux Xe et XIe siècles (ministerium, vicaria, suburbium…) , sous la direction d’Hélène Débax, soutenu en juin 2015 à Université Toulouse Jean Jaurès. Il nous offre également un fascicule dont il est le co-auteur avec Pascal Audabram, intitulé Châteaux et forts médiévaux en Couserans, Toulouse, Le Pas d’Oiseau, 2015.
Le second travail reçu est un mémoire de doctorat réalisé par Nicolas Marqué et soutenu en décembre 2015, sous la direction de Jacques Thomas. Il s’intitule Géohistoire de Toulouse et des villes de parlement (vers 1680 - vers 1830), Des centres administratifs et judiciaires d’Ancien Régime et leur redéfinition après la Révolution.

Le Président rapporte ensuite sa rencontre du 7 janvier dernier, avec le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, en présence d’Annette Laigneau, adjointe chargée de l’urbanisme, pour parler de l’aménagement des abords de la basilique Saint-Sernin. Le Maire lui a d’abord fait part de son mécontentement suite au caractère public des actions menées depuis un an par la Société archéologique et son président, mais aussi par le Collectif de sauvegarde de la place Saint-Sernin : articles (notamment ceux du mois d’août 2015 dans La Voix du Midi), réunions publiques, pétitions…). Il a ensuite ajouté qu’un élu ne peut faire face à toutes les demandes et que l’état actuel des finances de la Ville ne permet pas de réaliser tout de suite le « Grand Saint-Sernin » rêvé. Il a chargé Joan Busquets de réétudier son projet, mais rien de nouveau n’est encore communicable. Joan Busquets doit prendre en considération les prescriptions de la DRAC et toutes les remarques qui lui ont été présentées, y compris celles dont le président de la Société Archéologique du Midi de la France lui a fait part à Barcelone en septembre 2015 : les abords de Saint-Sernin ne relèvent pas exclusivement d’un projet d’urbanisme mais doivent intégrer les importantes données patrimoniales et culturelles d’un tel lieu, le tout doit donner naissance à un schéma directeur intégrant tous les paramètres proposés par la Société Archéologique (fouilles, aires du cloître et de l’abbaye, musées de l’œuvre et des Antiques, hôtel Dubarry, accueil digne et international du public). Le Maire a alors exposé que les travaux des places entourant Saint-Sernin s’inscrivaient dans le projet global d’aménagement de l’espace public de Toulouse, un « tout urbain » qui a sa propre logique, confié à Joan Busquets. Tout en reconnaissant la nécessité d’englober les aspects patrimoniaux et culturels, il ne les considère pas aussi urgents que le traitement pur et simple de la voie publique, qui en a bien besoin. Le président a fait remarquer alors qu’il serait difficile de faire des fouilles une fois l’espace aménagé et les vestiges enfouis sous une épaisse couche de béton, regrettant que l’on ne tienne pas compte de ce qui se fait en la matière dans le reste de l’Europe et de l’intérêt actuel des citoyens pour l’archéologie et le patrimoine. Concernant ces fouilles, le Maire renvoie la décision à la DRAC Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon. Par ailleurs, il a qualifié de « pharaoniques » le musée de l’œuvre et les aménagements patrimoniaux proposés par la Société Archéologique (pour rappel : le budget de ce musée de l’œuvre été estimé à 25 millions d’euros, un chiffre à comparer à la rénovation du stadium qui a coûté 55 millions). C’est pourquoi il propose une « maison de l’œuvre » plus modeste, dans un bâtiment appartenant à la Ville, encore indéterminé, qui n’est pas l’Hôtel Dubarry. En outre, la Ville a décidé de reprendre les travaux de restauration de la basilique (façade occidentale, peintures romanes, cryptes inférieures). Le président a rappelé à madame Laigneau et monsieur Moudenc qu’il trouvait fort dommage que tout cela ne se place pas dans le contexte global de l’opération de mise en valeur et d’ouverture au public d’un « Grand Saint-Sernin ». Le Maire a enfin insisté sur le fait que toute polémique est mauvaise et inutile pour faire avancer les choses, et qu’il préfère une véritable concertation entre nous, notamment au sein du comité scientifique, de réflexion et de concertation qu’il veut prochainement mettre en place, selon le souhait de madame Laigneau.
Il ressort de cette rencontre qu’il va falloir attendre le projet définitif de Joan Busquets et la décision de la DRAC pour connaître le sort de la place Saint-Sernin. Maurice Scellès rappelle que si le projet d’aménagement de la place est mené à bien sans programme de fouilles, il faudra déplorer, outre la casse archéologique inévitable, le blocage de tout projet muséal autour de Saint-Sernin pendant plusieurs décennies. Louis Peyrusse et d’autres membres proposent de saisir d’autres personnalités et organismes publics compétents pour leur faire connaître la question patrimoniale majeure ainsi posée à Toulouse et au-delà par le réaménagement des abords d’un monument essentiel de notre pays. La commission Saint-Sernin de notre Société va par ailleurs poursuivre son action et continuer à alimenter le site internet de ses réflexions sur le sujet.

Pour finir, le Président signale que la fondation Bemberg a acquis un deuxième portrait de paysanne peint par Nicolas Tournier dans les années 1620.

La parole est maintenant à Louis Peyrusse, pour un texte rendant hommage à M. Georges Mailhos, secrétaire perpétuel de l’Académie des Jeux Floraux, dont on vient d’apprendre le décès.

In memoriam , Georges Mailhos (1932-2016)

L’Académie des Jeux floraux, où les universitaires ont toujours été minoritaires, vient de perdre un secrétaire perpétuel peu ordinaire, Georges Mailhos, mort le 12 janvier à 83 ans. Universitaire, sa carrière est d’une seule traite : normalien, agrégé des lettres classiques, docteur ès-lettres avec une thèse sur Voltaire témoin de son temps. Il quitte le lycée Pierre de Fermat pour devenir assistant à 30 ans, puis maître-assistant à la Faculté des Lettres et professeur à l’Université de Toulouse le Mirail, université qu’il préside à deux reprises, soit dix ans de gouvernance (1980-1986 et 1991-1996).
Georges Mailhos était un homme des Lumières, passionné par la littérature. Jeune assistant, il était envoyé « en pompier » dans les amphithéâtres autour de 1968 pour calmer la contestation contre un enseignement trop vieillot (par exemple, lorsqu’un cours sur Hernani après six semaines n’avait pas atteint la scène 1 de l’acte I). Jeune professeur, il fit souffler le vent frais des nouvelles théories de la littérature et du discours filmique. Ses publications savantes portent sur le XVIIIe siècle, mais il s’intéressait à tout, la philosophie avec Gérard Granel, l’édition savante avec Trans Europ Repress, la littérature contemporaine, le genre, le cinéma, la politique… Il avait conservé dans ses années de présidence son séminaire de recherches, resté très actif et fédérateur : nombre de ses collègues, très divers, y participaient.
Homme engagé à gauche, il croyait à la diffusion du savoir. Il est à l’origine du Cercle Condorcet de la Fédération des Œuvres Laïques. Il participa à l’édition des articles de Jaurès et de Clemenceau donnés à La Dépêche. Secrétaire perpétuel des Jeux floraux, pratiquant Rimbaud, Mallarmé et René Char (qu’on n’associe pas d’ordinaire aux Jeux), il lança des colloques et donna au concours « Jeunes poètes » une spectaculaire audience en signant une convention avec l’Éducation nationale incitant les classes des écoles et des collèges à participer, une victoire de la prosodie et sans doute de la poésie.
On pourrait enfermer Georges Mailhos, fils de préfet, père de préfet dans les catégories de la noblesse d’État selon Pierre Bourdieu. Ce serait méconnaître l’homme à l’ample culture et la vive curiosité, le rayonnement de l’enseignant, toujours capable d’époustouflantes improvisations et le grand administrateur qu’il fut : dix ans de présidence d’une Université réputée ingouvernable, la mission donnée par Lionel Jospin pour le plan Université 2000, le Conseil économique et social de Midi Pyrénées, la création d’antennes universitaires comme Albi et Cahors. Il fut surtout le président qui orienta Le Mirail dans une politique ambitieuse de recherche, en construisant la Maison de la recherche à l’organisation structurée, en multipliant le nombre de thèses de façon spectaculaire (96 directions à son compteur personnel), faisant d’une université pauvre une des premières de France, lui rendant ainsi confiance dans les années difficiles. Cette haute ambition conservera sa mémoire.

Au nom de la Société archéologique, le Président présente ses condoléances à sa famille.

La Compagnie se constitue en Assemblée générale et le Président donne lecture du rapport moral des activités de l’année 2015.
La parole est ensuite à Christian Péligry pour le rapport sur la Bibliothèque et les Archives, puis à Guy Ahlsell de Toulza pour le rapport financier.

Les rapports sont approuvés et quitus est donné au trésorier pour sa bonne gestion à l’unanimité des membres présents.

À l’unanimité des suffrages des 21 membres titulaires présents, les membres du Bureau sont réélus : M. Péligry, bibliothécaire-archiviste, Maurice Scellès, secrétaire général, Daniel Cazes, Président.

La parole est ensuite donnée à Emmanuel Garland pour une double communication À propos de deux sculptures relatives à la collégiale de Saint-Gaudens .

Après les remerciements du Président pour cette double communication passionnante, Guy Ahlsell de Toulza revient sur les étapes qui ont permis l’acquisition du chapiteau de Saint-Gaudens. C’est Louis Peyrusse qui a signalé la mise en vente de l’objet en passant par hasard devant la vitrine de Me Chausson, commissaire priseur à Toulouse. Il était trop tard pour demander au Ministère de la Culture une préemption, et l’objet a été vendu à Toulouse pour 40 000 euros environ, frais de vente inclus. À l’automne, le Ministère a décidé de traiter le dossier de demande d’exportation de ce chapiteau. Après les tractations, l’œuvre pourra être acquise pour 90 000 euros par la Ville de Saint-Gaudens, aidée par le Fonds régional d’acquisition pour les Musées, avec la participation des amis de la collégiale.
Marie-Laure Pellan, conservateur du musée de Saint-Gaudens, invitée pour l’occasion à cette séance, ajoute que le Musée, fermé au public depuis 2009, devrait être rouvert en 2017, mettant ainsi en valeur la nouvelle acquisition.
Emmanuel Garland remarque que les antiquaires ne font que peu d’effort pour identifier et authentifier les œuvres mises en vente. Louis Peyrusse estime qu’il s’agit de descriptions volontairement succinctes ou mensongères, destinées à ne pas éveiller l’attention des spécialistes et des institutions.


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