Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 3 MAI 2016

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Communication courte de Jean-Michel LASSURE :

Céramiques du Sud-Est de la France et de Ligurie trouvées au Port Saint-Sauveur de Toulouse (XVIIIe siècle) : quand histoire et archéologie se rejoignent…

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Une des conséquences de l’ouverture du Canal du Midi en 1681 est l’arrivée à Toulouse de cargaisons de céramiques produites dans le Sud-Est de la France ou dans les ateliers ligures d’Albisola-Savone. Des marchands dynamiques utilisent des « sapines », bateaux plats non pontés, pour le transport de ces productions. A partir de Sète, ils empruntent le canal jusqu’à Toulouse où un ordonnance prise par les Capitouls le 21 avril 1731 permet « aux génois de vendre en tout temps leur fayance sur les toises (en bordure) du canal. Ces importations – celles d’origine italienne notamment – prennent une importance telle qu’elles concurrencent les productions – au demeurant souvent assez médiocres – des manufactures toulousaines. Dès 1733, ces dernières sont menacées de ruine. Cette vaisselle que son prix relativement faible met à la portée de la clientèle populaire des villes et de la campagne se révèle aussi une concurrence redoutable pour celle produite par l’ensemble Cox-Lomagne qui connaissait un réel succès jusqu’alors.
Les céramiques faisant l’objet de cette présentation proviennent de ces cargaisons. Rejetées en bordure du canal parce qu’elles s’étaient brisées pendant leur transport ou leur déchargement, elles ont été trouvées par G. Baccrabère et son équipe au cours de travaux de terrassement effectués en 1988 au port Saint-Sauveur pour la construction d’un immeuble sur la berge orientale du canal. Elles figuraient dans la boue de la dépression humide qui au XVIIIe siècle occupait cet emplacement.

Communication courte de Hiromi HARUNA-CZAPLICKI :

Un livre d’Heures enluminé à Toulouse dans la seconde moitié du XIVe siècle

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Miniatures au mois d’août
Toulouse, BM, ms 91, f. 4v (à gauche) et ms. 144, f. 4v (à droite)
Clichés BM Toulouse, reproduits ici avec l’autorisation de la Bibliothèque municipale de Toulouse.

Le missel romain daté de 1362 (ms 91) et le psautier (ms 144), deux manuscrits relativement bien connus de la Bibliothèque municipale de Toulouse, représentent un courant stylistique qui caractérise l’enluminure toulousaine de la seconde moitié du XIVe siècle, où travaillent plusieurs enlumineurs en partageant les mêmes tendances artistiques et esthétiques. Un livre d’Heures, qui contient plus précisément Heures-Missel, conservé à la Bibliothèque Apostolique du Vatican, dans le fonds des manuscrits Chigiani (D.V.71), est sans doute réalisé dans ce milieu. En suivant les analyses et commentaires sur ces manuscrits par les grands chercheurs comme François Avril, Christian Péligry, Claudia Rabel, Eberhard König et Gabriele Bartz, nous nous pencherons sur la décoration et le contexte de la réalisation de l’un des plus anciens livres d’Heures toulousains préservés jusqu’à nos jours.


Présents : MM. Cazes, Président, Pradalier, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Péligry, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Fournié, Haruna-Czaplicki, Napoléone, Pradalier-Schlumberger, MM. Boudartchouk, Julien, Lassure, Peyrusse, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mme Munoz, MM. Darles, Debuiche, Penent, Sournia, membres correspondants.
Excusés : MM. Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mmes Balty, Cazes, Lamazou-Duplan, Queixalós, MM. Balty, Garland, Garrigou Grandchamp, le Père Montagnes.

Le Président rend compte de la correspondance.
Notre consœur Marie Vallée-Roche nous a adressé un courriel, qui a été diffusé à l’ensemble de nos membres, nous faisant part de l’intention de la Communauté de communes du Minervois d’organiser des Journées scientifiques autour du thème de l’Antiquité tardive (et début du Moyen Age) dans la région. Le Président souhaite que plusieurs d’entre nous lui apporte leur soutien, et souligne que la menace qui pèse sur le musée de Minerve est malheureusement un problème général, qui concerne l’ensemble de notre patrimoine.
Par courriel, Lisa Barber nous informe de la parution du livre Antonio e Guiseppe Chiattone, Giovanna Ginex dir., Lugano : Cornèr Banca, Milan : Skira, 2015 : Guiseppe Chiattone est l’auteur du monument à Aristide Bergès, dont Giles Barber nous avait entretenus.
Nous avons également reçu, par l’intermédiaire de Jean Penent, la candidature au titre de membre correspondant de notre Société de Mme Ingrid Leduc, conservatrice départementale des musées de l’Ariège.
Le Président signale à l’attention de la Compagnie la récente élection comme secrétaire perpétuel des Jeux floraux de M. Philippe Dazet-Brun, en se félicitant que celui-ci se soit déclaré heureux de travailler avec la Société Archéologique.

L’affaire de Saint-Sernin a connu un rebondissement inattendu avec la double découverte, à Paris, du mur de Philippe Auguste que l’Institut ne veut pas conserver, ce qui fait polémique, et à Toulouse du mur d’octroi de 1785 à Saint-Cyprien. Interrogé par La Dépêche (édition du 28 avril 2016), Pierre Pisani a expliqué : on fouille, on engrange les données, et on peut détruire. Le journaliste a remarqué que c’était comme à Saint-Sernin et s’est étonné que l’on puisse accepter de fouiller et de laisser détruire la découverte.
Le Président signale l’ouverture par la Mairie de Toulouse d’une Maison du projet Saint-Sernin, où seront expliqués les choix opérés pour les aménagements de la place et où l’on pourra débattre dans le cadre de l’Atelier Grand Saint-Sernin. Il ajoute que l’article qui lui avait été demandé à ce sujet pour L’Auta vient de paraître.

Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 1er mars et de celui de la séance du 5 avril, rédigé par Émilie Nadal, qui sont adoptés à l’unanimité. Puis Daniel Cazes souhaite la bienvenue à Sarah Munoz et Colin Debuiche, récemment élus membres correspondants et qui prennent séance ce soir.

La parole est alors à Jean-Michel Lassure, pour une communication courte sur les Céramiques du Sud-Est de la France et de Ligurie trouvées au Port Saint-Sauveur de Toulouse (XVIIIe siècle) : quand histoire et archéologie se rejoignent…

Le Président remercie Jean-Michel Lassure de nous avoir présenté les résultats de ce travail extrêmement précis qui permet de comprendre dans quels circuits commerciaux Toulouse était intégrée. Il est vrai que les fouilles archéologiques font apparaître quantité de tessons qui enrichissent notre connaissance de ces circuits.
Comme Louis Peyrusse s’étonne que la concurrence pratiquée par la Ligurie ait pu être rentable, Jean-Michel Lassure rappelle que la région toulousaine produit peu de céramiques, Cox et Giroussens exceptés, face aux productions languedociennes et ligures acheminées par le canal du Midi. Il observe que l’on s’est beaucoup intéressé aux structures du canal, mais peu aux marchandises transportées. Pascal Julien signale que les archives du canal contiennent de la documentation sur ce sujet, en particulier sur les tarifs, et qu’on peut aussi y trouver des procès. [En 1684, la faïence et la verrerie payaient « huit deniers par pieds cube », soit le tarif le plus élevé. Seul le marbre était autant taxé.]
Jean Penent croit se souvenir que les capitouls sont intervenus pour interdire la vente en ville de ces céramiques, ce que confirme Jean-Michel Lassure : c’est la raison pour laquelle les vendeurs étaient cantonnés au port Saint-Sauveur. Puis il cite l’autre exemple des céramiques de Vallauris, qui ont été imitées par les ateliers de Cox. Le plus extraordinaire lui paraît être que les céramiques chargées à Albisolo sont déchargées puis rechargées à Toulouse puis à Bordeaux à destination du Canada.

La parole est à Hiromi Haruna-Czaplicki pour une communication courte sur Un livre d’Heures enluminé à Toulouse dans la seconde moitié du XIVe siècle .

Le Président remercie Hiromi Haruna-Czaplicki pour cette communication parfaitement maîtrisée, pour laquelle notre consœur a choisi des images de très grande qualité illustrant parfaitement les comparaisons stylistiques.
Michelle Fournié se déclare toujours ravie quand un manuscrit est réattribué à Toulouse, dont le corpus grossit. Il lui paraît en outre intéressant de lier ce manuscrit à l’arrivée de la relique de saint Thomas d’Aquin. Quant au livre d’heures de Pèlerin Frison, elle tient de François Avril, avec lequel elle a longuement discuté, qu’une étudiante de Pascal Julien, Aurelia Cohendi, l’a réattribué avec des arguments qui l’ont convaincu, et elle engage notre consœur à prendre contact avec eux avant la publication. Pascal Julien précise qu’Aurelia Cohendi travaille en effet sur la peinture de la première moitié du XVIe siècle, mais qu’elle n’a pas encore soutenu sa thèse.

Au titre des questions diverses, Jean-Luc Boudartchouk achève son compte-rendu de Toulouse. Naissance d’une ville . Après l’avoir remercié, le Président confirme que l’ouvrage, qu’il a lu de la première à la dernière page, soulève de très nombreuses questions. Pour l’heure, il souhaite dire un mot de la fin de l’ouvrage, où Jean-Marie Pailler a voulu donner la parole à Michel Vaginay, conservateur régional de l’archéologie, dont il ne partage pas toujours l’avis mais dont il juge nécessaire de rappeler les dernières phrases (p. 228) : après avoir insisté sur l’importance tout à fait considérable des fouilles archéologiques faites depuis une vingtaine d’années à Toulouse, Michel Vaginay termine ainsi : « Cette situation unique au plan régional et exceptionnelle au plan national nous oblige sur trois plans :
- celui de la conservation de cette ressource,
- celui de son exploitation scientifique,
- celui de sa valorisation culturelle. »
Mais qui a vu la porte romaine du Bazacle ? Après les découvertes de Saint-Roch, qu’est devenu le site ? Que sont devenus les vestiges du probable palais des rois wisigoths ? Quand ils sont conservés comme au palais de justice, le public n’y a qu’un accès difficile. Qui a vu l’enfeu, son décor peint et la gisante de l’Hôtel de Malte, siège de la Direction régionale des Affaires culturelles ?
Ce qui nous amène tout droit au problème actuel de l’aménagement du site de Saint-Sernin. Cette archéologie qui pratique des relevés incomplets et dont les résultats sont très peu publiés est très gênante, plus encore quand elle prétend à l’archivage total de la connaissance, évidemment illusoire. Il faut étudier et conserver : c’est parce que le monument de Centcelles, près de Tarragone, existe encore que des chercheurs peuvent continuer à travailler en proposant de nouvelles hypothèses.
Le débat sur Toulouse. Naissance d’une ville rappelle à Louis Peyrusse l’époque de Michel Labrousse et de Georges Baccrabère. Le livre a été dirigé par un historien qui n’a jamais voulu être archéologue. Il fonctionne avec des hypothèses comme le faisaient Michel Labrousse et Georges Baccrabère, ce qui est un des moyens de faire progresser notre compréhension de l’histoire antique. On ne peut pas lui en faire grief. Pour Jean-Luc Boudartchouk, le problème est celui du mélange des genres éditoriaux : l’ouvrage juxtapose des faits et des conjectures, que l’absence de notes ne permet plus de distinguer. Les historiens et les archéologues s’y retrouveront, mais le public ? C’est un mode éditorial qui se répand malheureusement.
Christian Darles réserve son intervention dans le débat pour sa prochaine communication, en se limitant à rappeler que l’ouvrage a été destiné au grand public, raison pour laquelle les notes ont été exclues et la bibliographie limitée.

Guy Ahlsell de Toulza attire l’attention de la Compagnie sur le tableau de Paul Pujol, Le martyre de saint Saturnin, qui a été tout récemment accroché dans notre salle des séances. Il annonce aussi l’achat d’un dessin, actuellement en restauration, qui représente un projet d’achèvement de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse, vers 1890.


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