LA MAISON AU MOYEN   ÂGE
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Groupe de travail

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RÉPERTOIRE GÉOGRAPHIQUE
FRANCE ~ LOT ~
MARTEL

 

MAISON MÉDIÉVALE, RUE DROITE

par Gilles SÉRAPHIN *

 

    La maison parcelle n° 222 de la rue Droite est une construction d'origine médiévale, remaniée à plusieurs reprises, au début du 16e siècle puis au 17e, voire au début du 19e siècle. Cette construction, qui traversait dans son état originel entre la rue Droite et la rue du Four-Bas, a été recoupée et divisée en deux lots sans doute au même siècle. Seul l'examen des structures conservées dans la partie donnant sur la rue du Four-bas (parcelle 225) permettrait d'en restituer l'économie d'origine et notamment la disposition des circulations et des distributions.

Le parcellaire

    La maison s'inscrit dans un lotissement assez régulier, caractérisé par ses parcelles traversantes de 6, 20 x 19 m, donc dimensionnées dans un rapport de 1 x 3. Les parcelles sont séparées par un entremis (ou androne) large d'un pied (env. 35 cm), destiné à recevoir les eaux usées des éviers et des latrines.
    Il semblerait que cette disposition puisse être contemporaine de la fondation de la ville qui remonterait sans doute à la fin du 12e siècle.

LA FAÇADE

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Façade : état médiéval

    La façade sur la rue rend compte de l'histoire de la maison et porte les vestiges des trois périodes principales d'aménagement, situées l'une au Moyen-Âge, l'autre à la fin du 15e ou au début du 16e siècle, la troisième peut-être dans la seconde moitié du 17e siècle.

L'état médiéval

   La façade originelle, encore nettement lisible malgré les remaniements postérieurs était composée de deux étages de pierre surmontés de deux niveaux de pans de bois qui ont aujourd'hui disparu.

Les arcades

    Le rez-de-chaussée ouvre par deux arcades commerciales qui occupent la totalité de la façade. L'absence de porte s'explique en effet par le fait que depuis son partage, l'immeuble se trouve privé de sa façade postérieure sur laquelle celle-ci ouvrait. Les arcades étaient fermées par des vantaux inégaux (1,50 m et 0,75 m), dont la dimension est indiquée par les chasses aménagées en retrait dans les murs latéraux.

Les ferrures

   Trois crochets de fer sont disposés symétriquement sur les trumeaux correspondent au trois logements de ferrures repérés à l'aplomb de ceux-ci au niveau des trumeaux de fenêtres. Ces dispositifs correspondent vraisemblablement aux bannes ou auvents qui protégeaient les étals disposés dans les arcades. Un anneau porte-banne, en remploi, est actuellement fiché sur le côté de la fenêtre du second étage.

Le jour

    Un jour situé au-dessus des arcades était vraisemblablement destiné à éclairer le rez-de-chaussée lors de la fermeture des vantaux.

Le bandeau mouluré

    Le rez-de-chaussée est surmonté par un bandeau mouluré régnant sur toute la largeur de la façade. Ce bandeau, en quart de rond souligné par un méplat est caractéristique des façades romanes de la fin du 12e au milieu du 13e siècle en Quercy. On le rencontre notamment sur la maison romane située en vis-à-vis dans la rue mais également sur les maisons « romanes » de Cahors, de Figeac.

La claire voie

    Malgré les remaniements du même siècle, le trumeau central séparant les deux claires voies ainsi que les trumeaux latéraux sont encore parfaitement lisibles. Ces trumeaux ont conservé des morceaux des bandeaux d'impostes moulurés qui les surmontaient ainsi qu'une pierre évidée par un cintre. Ces éléments sont suffisants pour restituer l'architecture de deux claires-voies à trois colonnettes et quatre baies cintrées. Ces baies, plus archaïques que celles de la façade située en vis à vis sont caractérisées par le profil en double cavet de la moulure d'imposte. Cette moulure se rencontre en effet sur la plupart des ouvrages romans de la fin du 12e siècle et du début du 13e siècle en Quercy. Toutefois, on la rencontre encore après 1260 à Villefranche du Périgord. Par ailleurs, les baies couvertes par une dalle évidée en cintre correspondent à une tradition assez répandues dans le Souillagais et le Sarladais. Elles sont analogues à celles de la maison romane de Bigaroque en Dordogne mais aussi à celles des maisons romanes de Cluny.
    À l'intérieur, les claires-voies sont couvertes par une embrasure cintrée, encadrée par deux banquettes ou coussièges et séparées par un maigre trumeau.
    Les chapiteaux ne sont pas connus. Seul l'exemple de la maison située en vis-à-vis permet de supposer qu'ils étaient surmontés d'un tailloir séparé. Un tailloir de chapiteau d'époque romane est d'ailleurs conservé au rez-de-chaussée de l'immeuble, mais celui-ci paraît provenir de la maison située en vis-à-vis.

Le  pan de bois

    Le pan de bois constituant la façade des deux étages supérieurs a disparu. En l'absence de tout modèle contemporain, il est actuellement impossible d'en imaginer la structure et la disposition. Nous savons seulement que, conformément aux maisons romanes de Figeac, ce pan de bois était porté entre deux têtes de murs établies à l'aplomb du rez-de-chaussée, mais sans doute par des solives fortement débordantes. Ces pans de bois ont été remplacés vraisemblablement à la fin du 15e siècle ou plutôt au même siècle par une paroi maçonnée, percée par des croisées.

Les croisées

    La façade est percée d'une croisée et d'une demi-croisée. Ces deux baies ont été relancées dans les ouvertures antérieures dont elles ont réutilisé les coussièges et les arcs de couvrement.
    Ces deux baies appartiennent à un modèle courant aux 15e et 16e siècles. Elles ont subi une restauration maladroite (traces de sciage et reprises au ciment) qui en rendent la lecture confuse.
    Les gonds sont en place et les parements conservent des traces d'enduit ancien. Toutefois nous notons que la demi-croisée présente dans le croisillon supérieur des traces d'enchâssement de vitrail sur un seul de ses piédroits, tandis que la croisée en est dépourvue. D'autre part, la traverse de la demi-croisée est à feuillure, tandis que les meneaux de la croisée sont lisses.
    Enfin, l'appui de la croisée est caractérisé, comme celui de la demi-croisée, par sa moulure fin 15e/début 16e. Mais elle est à retour biais à gauche, et à retour droit à droite. Ces diverses anomalies laissent penser qu'il s'agit vraisemblablement d'éléments remployés.

La baie du second étage

   La baie du second étage résulte dans son état actuel de deux remaniements successifs d'une baie antérieure. On constate en effet la présence de deux alignements de piédroits chanfreinés provenant chacun d'une croisée ou d'une demi-croisée. Rien ne permet d'expliquer que ces piédroits n'aient pas été utilisés dans la baie actuelle. La seule hypothèse plausible serait d'imaginer deux baies (2 demi-croisées ou une croisée + une demi-croisée) dans un état initial qui peut se situer au 16e siècle, puis la suppression de ces deux baies au profit d'une croisée unique dans un état intermédiaire, enfin, le rétrécissement de cette croisée en fenêtre bâtarde dans l'état final qui pourrait se situer au 17e siècle à en juger par le profil de l'appui. Le linteau sculpté est constitué par un fragment d'un tympan sans doute du 15e ou du 16e siècle. Il s'agit donc d'un remploi. Les motifs sculptés, une croix tréflée (ou fleurdelisée?) encadrée par deux disques (le soleil et la lune ?).

Fenêtre médiévale du second étage

   Les murs latéraux donnant sur les entremis sont aveugles à l'exception de celui du second étage qui ouvre au-dessus de la maison voisine par une fenêtre rectangulaire contemporaine de la construction originelle. Cette fenêtre a perdu sa pierre d'appui mais a conservé ses gonds.

DISPOSITIONS INTÉRIEURES

Plan du rez-de-chaussée

Plan du 1er étage

Plan du 2e étage

Les niches

    Les parois latérales sont percées d'un certain nombre de niches le plus souvent regroupées par deux. On les rencontre à tous les niveaux, y compris au rez-de-chaussée de l'immeuble. Ces niches appartiennent à l'édifice originel.

Les armoires

    Plus élaborées que les simples niches, les armoires murales équipent chacun des étages. Elles se présentent sous la forme d'une niche cintrée, équipée d'une feuillure et recoupée par des compartiments latéraux. Les gonds sont encore en place ainsi que les traces d'un bâti dormant établi en feuillure mais qui provient sans doute d'un aménagement postérieur au Moyen-Âge.

Les éviers

    Deux niches d'éviers sont conservées dans les parois latérales des deux étages. Dans leur état actuel, ces niches cintrées sont équipées de deux paillasses maçonnées encadrant une pierre d'évier à hauteur d'appui. Il semble que cette disposition ait succédé tardivement à un dispositif originel dans lequel la pierre d'évier, au sol, était encadrée par deux hautes banquettes de pierre soutenant peut-être une pierre percée formant fontaine ou lavabo.
    L'évier du premier étage est le mieux conservé. Le remplissage portant l'actuelle pierre d'évier entre les deux banquettes paraît receler des pierres moulurées en remploi. L'évier du second étage a été plus fortement remanié. Chacun des deux éviers, qui donnaient dans l'entremis, est aéré par un jour qui peut éventuellement provenir d'un aménagement tardif.

Les latrines

    Seuls les étages en étaient équipés. La latrine du premier étage conserve les feuillures de sa porte mais a perdu son siège d'origine, autrefois en encorbellement sur l'entremis. Il est surmonté d'un jour qu'il est difficile de dater et qui a éclairé soit un cabinet cloisonné dans la disposition d'origine et dans ce cas il est médiéval, soit la cage d'escalier et dans ce cas, il procède d'un réaménagement tardif.
    La latrine du second étage est très remaniée et ouvre directement sur l'entremis. Les corbeaux d'origine sont encore en place mais les piédroits, très remaniés, ont perdu la continuité de leurs feuillures.

Les planchers

    Les planchers actuels résultent des remaniements du 16e siècle. Leur emplacement correspond au détail près aux épaulements marquant les retraites de la maçonnerie d'un étage sur l'autre. Toutefois le plancher séparant le rez-de-chaussée et l'étage correspond mal à l'architecture de la façade. D'une part parce qu'il passe en effet au travers des arcs des arcades inférieures, d'autre part parce qu'il se situe au-dessous du jour destiné en principe à éclairer le rez-de-chaussée.
    Le plancher originel séparant rez-de-chaussée et étage était porté par une poutre maîtresse supportée par un pilier cylindrique, autrefois au centre de la pièce du rez-de-chaussée et aujourd'hui replacé près d'une des deux arcades. Il est actuellement soulagé par deux linçoirs portés par des corbeaux de pierre rapportés.
    Le plancher séparant premier et second étage est un plancher à la française avec poutres et solives encastrées, résultant des réaménagements du 16e siècle. Il est porté par une série de corbeaux rapportés à cette époque. Le plancher originel qui a disparu était vraisemblablement constitué de solives épaisses lesquelles, en débordant en façade, constituaient l'encorbellement du pan-de-bois.
    Des traces d'encastrement de bois se remarquent de part et d'autre de la cheminée à une hauteur de 2,50 m environ ainsi que dans la paroi en vis-à-vis. Ces traces d'encastrement, situées à hauteur des impostes des fenêtres romanes, ne peuvent donc pas provenir du plancher d'origine.

Façade, élévation intérieure, état actuel

Façade : élévation intérieure, état médiéval

Les cloisonnements

   Les cloisonnements anciens ont disparu en ne laissant que de rares traces à peine déchiffrables. Tout au plus peut-on noter la présence d'un aménagement au centre de la première poutre du plafond du premier étage, ainsi qu'une patte de scellement ancienne dans le mur latéral est, au-dessus de la trémie de l'échelle actuelle.

L'escalier

    L'analyse de la partie de l'immeuble constituant la parcelle 225 est nécessaire à la compréhension des distributions d'origine. Lors de la séparation des deux parties de l'immeuble fut aménagé un escalier précaire, sans doute une échelle de meunier, à l'arrière de la nouvelle porte d'entrée au dessus de laquelle elle montait. Ce premier escalier a aujourd'hui disparu. Un second escalier, partant de l'étage, s'organisait sur un montant de charpente constitué par un arbre chanfreiné qui peut remonter au 16e siècle. Cet escalier était vraisemblablement enfermé dans un cloisonnement en planche analogue à celui, relativement récent qui l'isole actuellement.

LES CHEMINÉES

Cheminée du 1er étage : état actuel

Cheminée du 1er étage : état restitué

       Deux cheminées sont conservées dans l'édifice, l'une au premier et l'autre au second étage.

    La cheminée du premier étage, fortement mutilée, ne conserve plus qu'un élément de jambage mouluré et le sommier d'un manteau mouluré. Le conduit de section carrée et les vestiges d'une hotte pyramidale appartiennent vraisemblablement à la cheminée d'origine qui parait avoir été profondément remaniée. De part et d'autre du manteau subsistent les vestiges de culots coniques qui ont sans doute supporté des tablettes latérales dont la présence caractérise la plupart des cheminées médiévales des 13e et 14e siècles. Rien ne permet toutefois de les attribuer à la cheminée d'origine.
    Le tronçon de piédroit conservé porte une mouluration caractérisée par la présence de tores soulignés d'un listel. Cet élément de moulure associé à un chanfrein arrêté en coup de serpe caractérise habituellement les ouvrages du 14e siècles mais l'usage en est encore répandu jusqu'au 16e siècle, notamment dans les ouvrages de tradition limousine. Seul l'examen des bases qui ont malheureusement disparu permettrait d'en préciser la datation. Il faut noter cependant que les piédroits et le sommier de l'arc de manteau, mal liaisonnés avec le maçonneries voisines indiquent une reprise tardive par rapport à l'état d'origine de la cheminée. Certains éléments démontés appartenant à la cheminée n'ont pas pu être examinés.

    La cheminée du second étage est un ouvrage rustique dont seuls les piédroits sont traités en pierre, tandis que le manteau est porté par un cadre de charpente. Dans son état actuel cette cheminée ne paraît pas antérieure à la seconde moitié du 17e siècle. Il n'est pas impossible cependant que le manteau de charpente provienne d'une cheminée antérieure.

DATATION

    Les divers éléments analysés permettent de situer 1a construction de l'édifice au 12e ou dans la première moitié du 13e siècle. De cette époque sont conservés les deux murs latéraux de la maison sur trois niveaux, ainsi que le rez-de-chaussée et des traces de l'étage de la façade. C'est à la fin du 15e siècle ou plus probablement dans la première moitié du 16e siècle que les anciens étages en pans de bois sont remplacés par une façade de pierre. Les planchers sont également renouvelés ainsi que la cheminée et les baies de façades. Les croisées mises en place et la cheminée semblent alors provenir de matériaux de remploi. Un mur de refend est relancé au centre de l'habitation.

    Ce n'est que plus tard, sans doute au 17e siècle que la maison est divisée en deux lots par la condamnation des portes du mur de refend. Cette division implique alors la mise en place d'une porte d'entrée en façade et la condamnation de l'une des arcades, ainsi que l'établissement d'un nouvel escalier. Au second étage, les anciennes croisées sont remplacées par une fenêtre bâtarde, à l'italienne donc sans meneaux, tandis qu'une nouvelle cheminée est installée et que l'évier est remanié.

* notice rédigée en 1992, publiée en version électronique en 1999.


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