LA MAISON AU MOYEN   ÂGE
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Groupe de travail

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RÉPERTOIRE GÉOGRAPHIQUE
FRANCE ~ OISE ~
BEAUVAIS

 


INVENTAIRE DES ÉDIFICES DOMESTIQUES ROMANS ET GOTHIQUES DES XIIe, XIIIe ET XIVe SIÈCLES DANS LES PAYS DE L'OISE.

par Pierre GARRIGOU GRANDCHAMP
mars 1999

BEAUVAIS. (chef-lieu du département)

 

1. Maison canoniale, dite "de la Belle Image", XIIe s. (vers 1140) (12, rue de l'abbé Gellée)
détruite en 1940

La maison, qui abrita l'évêché entre les deux guerres mondiales, occupait l'angle nord-est de l'enceinte; la tour trapézoïdale, en saillie sur les 2 courtines, en fait partie. 3 bâtiments ont livré des indices de leur appartenance à l'époque romane et permettent de restituer le plan de masse. Cette demeure se compose de 2 ailes, nord (A) et ouest (B), formant un L, de la tour C (connue sous le nom de "tour Leullier"), et d'une vaste cour de 270 m2 (18 m x 15 m), enserrée entre les bras du L, la courtine orientale et la propriété canoniale mitoyenne, au sud (L'appartenance du corps de logis E à cette maison ou à celle qui est située plus au sud est malaisé à déterminer. Cette aile ne paraît pas avoir conservé de vestiges romans, pas plus, d'ailleurs, que les bâtiments situés contre le courtine entre A et E). L’édifice répond donc au type des hôtels à cour intérieure. Corps de logis principal A , adossé au mur gallo-romain, a une surface de 130 m2 (23,50 m x 2,50 m/2,90 m) ; 2 niveaux, plus des caves (partiellement excavées dans la muraille gallo-romaine; ne s'étendent pas sous toute la maison; datées du XVIe siècle par les archéologues qui les ont mises à jour; cf. LEMAN, p 5). Aile B moitié moins vaste : 60 m2 (14 m x 4,20 m). La tour offrait, sur chacun de ses 3 niveaux, 28 m2 (5,20 m x 5,20 m/5,60 m). Il semble que le seul accès depuis la rue ait été situé à l'extrémité du bâtiment B : portail roman au tracé surbaissé, avec cordon saillant formant archivolte et angle des piédroits moulurés d'un tore. N'ayant de contact avec la rue que par lui, le logis se trouvait parfaitement isolé ; cheminement entre l'espace public et l'espace privé: portail, puis le rez-de-chaussée de l'aile B, dont une partie au moins était ouverte sur la cour. Cette maison avait été bâtie avant la "maison du Chantre", le mur mitoyen qui les séparait lui appartenant. C'est ce que prouve la "corniche beauvaisine" qui le couronnait et qui vint au jour lorsque l'aile gothique qui la masquait fut détruite (Beauvais et les Beauvaisiens des années 1940, 1980, p. 81).

Outre cette corniche, et le portail roman surbaissé qui donnait sur la rue, le rez-de-chaussée de l'aile B conservait au revers du même mur une arcature en orbe-voie de grande qualité, dans un mur bâti en moyen appareil très régulier : 2 arcs surbaissés, au profil comparable à celui du portail extérieur, retombaient sur de courtes colonnettes adossées aux piédroits extrêmes ou à un pilier médian, et posées sur une banquette; le travail en était extrêmement soigné: extrados des arcs souligné par un cordon saillant mouluré ; tailloirs des chapiteaux continués en cordons d'imposte. Sur les chapiteaux : feuilles d'acanthes épanouies, droites ou aux enroulements très dynamiques ; tailloirs, indépendants des corbeilles, ornés de palmettes et de grappes de fruits. Leur style permet de dater l'édifice des années 1140.

Un logis plus ancien avait précédé cette maison: lors du démontage du mur comprenant les arcades, il fut "...mis au jour trois murs construits l'un dans l'autre... dont le plus ancien remonterait au début du XIe siècle, à en juger par le mode de construction et l'appareil, proche de celui de la Basse-Œuvre. C'est... dans le blocage du mur que fut découvert un élément d'archivolte roman, qui lui aussi a une parenté incontestable avec ceux de la façade de l'église de la Basse-Œuvre" ( LEMAN, Fouilles de Beauvais, p. 8).

De l'aile A est connu le pignon oriental, qui subsiste; bâti sur la courtine gallo-romaine dont il se distingue par la mise en œuvre d'un moyen appareil avec chaînage d'angle. Il conserve 3 percements romans ; 1er étage : grande baie couverte par un arc en plein cintre aux claveaux extradossés et fente d'éclairage couverte d'un linteau découpé d'un arc en plein cintre ; au sommet, 2e fente du même type, éclairant le comble. Au revers du pignon, partiellement aménagé dans l'épaisseur du mur, un escalier à vis (mériterait un examen approfondi pour être daté ; la médiocrité de la mise en œuvre des maçonneries ne plaide pas pour l'identification d'une œuvre romane ; néanmoins, son état de dégradation est peut-être responsable de cette impression et tout jugement définitif doit être réservé). Mur de la courtine nord percé de nombreuses portes et fenêtres entre le XVe et le XIXe s. : seule une baie barlongue de l'étage, à linteau droit sous arc de décharge en plein cintre, paraît attribuable au XIIe s.

Tour : assez bien conservée, malgré son état d'abandon et un dérasement qui a détruit la plus grande partie du 2e étage. Intérieur inaccessible (des peintures murales du XIIIe siècle y sont signalées). Rez-de-chaussée et 1er étage sont une œuvre gallo-romaine, très reprise : petit appareil de moellons dépourvu d'assises de brique; angles renforcés par un chaînage en moyen appareil. 2e étage: surélévation romane en moyen appareil régulier, contemporaine de celle du pignon voisin (les assises des maçonneries des 2 bâtiments sont nivelées). Face sud : 2 percements romans, murés ; 1er étage : grande baie en plein cintre aux claveaux extradossés (sans doute une porte) ; 2e étage : fenêtre géminée (la seule conservée à BEAUVAIS), aux arcs en plein cintre traversants, sans arrière-voussure; colonnette en place; tailloir et impostes des piédroits marquent de fortes saillies latérales. Dans la partie de ce mur qui est mitoyen de l'intérieur de l'aile A ouvrent plusieurs portes, vers l’escalier à vis ; l'âge de ce dernier est sujet a caution, mais il n'est pas exclu que les portes soient romanes. Mur ouest, mitoyen de l'aile A : reliant les pièces du corps de logis avec la tour, 2 autres portes barlongues, couvertes d'un linteau en bâtière ; celle de l'étage bénéficie d'un traitement soigné avec arc de décharge.

Beauvais gothique, Dossier n° 2 du GEMOB, 1975, p. 21-23.
Beauvais par ceux qui l’ont vu, Musée départemental de l’Oise, 1977, p. 8-11.
Dossier de protection (rue de Valois) : plan des caves.
LEMAN (P.), Fouilles de Beauvais, Place Saint-Pierre. Campagne été 1969 (10 mai-10 septembre). Rapport de fouilles, Sous-direction de l'archéologie, dossier " Place Saint-Pierre "
WATTHEEUW (F.), Beauvais et les Beauvaisiens des années 1940, GEMOB, 1980, p. 69 et 80-82.

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2. Maison canoniale, dite "du Chantre", milieu du XIIe s. (16, rue de l'abbé Gellée)
détruite en 1940

Édifice composé d'un long corps de logis adossé au rempart et d'une cour qui s'étend jusqu'à la rue, dont elle est séparée par un mur. L'hôtel gothique comprenait au surplus une aile adossée à la maison "de la Belle Image" et une autre aile, d'âge indéterminé, bordait la cour à l'ouest : aucune des deux n'a livré de vestiges romans. Restitution de l'hôtel roman : un seul corps de logis en fond de cour; chacun de ses 2 niveaux offrait 150 m2 (25,4 m x 5,60 m /6,40 m) de surface couverte. Bien isolé de la rue, il faisait face au sud et jouissait d'une vaste cour de 325 m2 (25 m x 13 m), sans doute bordée de dépendances bâties plus légèrement au XIIe siècle. Il paraît répondre au type de l’hôtel en fond de cour.

Éléments romans répartis sur le mur de clôture de la cour et les 2 longs murs goutterots du logis. 1er mur : bâti en moyen appareil très régulier de pierre de taille à joints fins (portails de style flamboyants insérés dans cette maçonnerie romane, qui prolongeait celle dans laquelle était percée le portail au tracé surbaissé de la maison "de la Belle image"). Lors de sa destruction, le mur de façade du logis révéla au-dessus de la porte d'entrée du perron un arc en plein cintre roman. De fait, tout le mur de façade était roman: les baies gothiques avaient été repercées dans une maçonnerie comparable à celle du mur de clôture. Mur nord : bâti au-dessus du rempart; traces évidentes de l'appartenance du gros œuvre au XIIe siècle : segments d'arcs en plein cintre, bien conservés dans la moitié ouest, mais murés (soit partie d’une arcature aveugle, soit ajourés à l'origine par des fenêtres, comme sur la façade ouest de l’évêché). L'absence d'éléments de décor interdit de proposer une datation précise pour cet édifice qui était, en tout état de cause, postérieur à la maison "de la Belle Image". Il appartenait probablement au milieu du XIIe siècle.

Beauvais gothique, Dossier n° 2 du GEMOB, 1975, p. 21-23.
Beauvais par ceux qui l’ont vu, Musée départemental de l’Oise, 1977, p . 8-11.
F. WATTHEEUW, Beauvais et les Beauvaisiens des années 1940, GEMOB, 1980, p.   69-70, 80 et 82.

3. Maison canoniale, dite " hôtel de Torcy "
détruite

Th. CRÉPIN-LEBLOND, "Une demeure épiscopale du XIIe siècle, l'exemple de Beauvais (actuel Musée départemental de l'Oise)", Bulletin archéologique du C.T.H.S., 1988, p 45.

4. Maison du XIIe s., rue Saint-Antoine.
détruite

Construite en grand appareil, elle aurait été d’un " style moins fleuri " que celle de la place Saint-Pierre ; elle conservait plusieurs arcades en plein cintre, et, " vers le haut, d’autres plus petites, entourées d’un tore. La corniche est un boudin soutenu par de gros corbeaux variés ". Tant GRAVES que WOILLEZ laissent entendre qu’il s’agissait probablement des restes d’une église.

E. WOILLEZ, Répertoire archéologique du département de l’Oise, 1862, p.  27.
M. GRAVES, Notice archéologique sur le département de l’Oise, 1874 (2e éd.), p.  424.

5. Maison canoniale du XIVe s. et cave (rue Ph. de Beaumanoir / rue du Prévôt)
détruite

Ruinée en 1940 ; la façade, miraculeusement conservée, fut détruite ultérieurement; son rez-de-chaussée était aveugle, mais l'étage s'ajourait de 3 fenêtres à remplages encadrées par un rare décor de gables. Les façades latérales et l'intérieur sont inconnus.

Une cave répertoriée par P. PAQUET pourrait en avoir fait partie: il la situait sous l'ancienne caisse d'épargne, dans le coude que fait la rue Ph. de Beaumanoir, (PAQUET 1941/1); il la décrivait voûtée de quatre travée d'ogives sur colonne centrale avec chapiteau à crochets et la datait du XIIIe s., ce que confirme un cliché pris par l'architecte en 1940 (PAQUET 1941/2 et cliché positif au Musée départemental de l'Oise). Bien qu'elle ait été inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, elle a été détruite vers 1980.

ARCH. PH. : cl. 28 716 (par ENLART) et 48 612.
Congrès archéologique de France, 1905, p. 29.
DELADREUE 1869, p 333-334 et 345-346, dessin de la façade (n° 22 sur le plan des maisons canoniales).
ENLART, Manuel d'archéologie, 1929, p. 134 : croquis de l'étage de la façade sur rue.
GRAVES 1874, p. 425 (rue Sainte-Véronique, ancien nom de la rue Ph. de Beaumanoir; il en fait le refuge de l'abbaye de Saint-Paul).
PAQUET (P.), Archives des M.H., dossier Travaux, Oise, "Cave. Immeuble rue Ph. de Beaumanoir) : 1. Plan de la ville de Beauvais. Vestiges dont la conservation présente un intérêt (20 mars 1941) ; 2. Lettre du 1. 4. 1941.
TURNER (T.H.), Domestic architecture of the middle ages, t. 1. From the conquest to the end of the thirteenth century, 1877 (2e éd.), p. 273: élévation de la façade sur rue (dessin de BOUET).
WATTEUW 1980, p. 86 (état de la façade après le bombardement de 1940).
WOILLEZ 1862, p. 27 (mêmes renseignements que GRAVES ; datation erronée au
XVe s.).

6. Caves du XIIIe s. (entre la place Jeanne Hachette et la rue Beauregard et à l’est de Saint-Barthélémy)
détruites

Divers vestiges mis à jour lors des travaux de reconstruction et détruits : colonne centrale, pans de murs avec retombées d’arcs, base d’escalier à vis...

Musée de l’Oise, Clichés de P. PAQUET.
F. WATTHEEUW, Beauvais et les Beauvaisiens des années 1940, 1980.

7. Maison du XIVe s. (rue du Prévôt - angle de la Place Saint-Pierre)
détruite

"... la maison d'encoignure sur la place Saint-Pierre a l'apparence d'une église ; on y voit des fenêtres bouchées, en ogives géminées, à têtes trilobées inscrites dans de larges arcades quatorzième siècle".

GRAVES 1874, p. 426.

8. Hôtel de Maubeuge, vers 1250, ou chapelle du "Bureau des Pauvres" (rue de Gesvres)

La façade sur rue comprend 3 registres de fenêtres : celles du rez-de-chaussée ont été en grande partie restituées lors de la restauration des années 1990 ; l'arrière-voussure nord conserve des traces de peintures murales. La façade sur cour conserve intact l'accès à la cave; les portes qui ouvraient au rez-de-chaussée et à l'étage sont murée; à l'intérieur subsiste dans la mur goutterot nord le décaissement ménagé pour accueillir l'huis, lorsque la porte était poussée ; la porte de l'étage donnait sur un balcon ou le palier d'un escalier extérieur. Traces d'arc sur les goutterots nord et sud qui mériteraient un relevé pierre à pierre pour être interprétées. La cave a été déblayée: les colonnes sont maintenant visibles sur toute leur hauteur; dans l'avant dernière travée du goutterot sud, une porte ouvre sur un petit escalier : ménagé dans l'épaisseur du mur, il menait à l'étage ; son débouché à ce niveau est actuellement inconnu. Le style des chapiteaux et de la modénature indique le milieu du XIIIe s.

BONNET-LABORDERIE (P.), 1987, p 32-35: vues des façades et de la cave voûtée (état avant restauration et dégagement); plan et coupe de la cave par Fr. VAZELLE).
Plan de Beauvais de Jean de Lorme, restitué par P. PERNEL, Bulletin du GEMOB, n° 5, 1978, p. 3.

9. Cave du XIIIe s. ( ?, rue Gambetta)

Sous cet hôtel particulier du XVIIIe s. s'étend une cave comparable à celle de l'hôtel de Maubeuge.

Renseignement M. FEMOLANT.

10. Maison du XIIIe s., dite "Le Petit-Chaalis" (rue Guy-Patin).
cave détruite vers 1975

Maison urbaine de l'abbaye de Chaalis probablement édifiée après 1240; entre autres fonctions : commerce du vin et entrepôt à grains et à bois. Avec ses annexes, dont une foulerie et un cellier, elle couvrait un quadrilatère de 80 m x 50 m. Cave du XIIIe s., à 2 vaisseaux voûtés d'ogives, séparés par une épine de colonnes, de près de 50 m x 10 m.

BLARY, Le domaine de Chaalis..., 1989, p. 333-336 (plan de situation et photographie de la cave).

11. Maison du XIVe s. (place de l'Hôtel de ville)
détruite

Vestiges, reconnus par des fouilles, d'un "cellier" (ou cave), de plan légèrement trapézoïdal; au centre, base d'une colonne ou d'un pilier qui recevait un arc diaphragme double portant le couvrement de poutres.

DESACHY (Br.), "Les structures archéologiques de la place Clémenceau (Hôtel de ville de Beauvais ; Oise)", Revue archéologique de Picardie, n° 3-4, 1991, p. 73-81.

12. Maison canoniale du milieu du XIIe s. (vers 1140) (place Saint-Pierre) 
détruite en 1940

L’édifice s’élevait juste au sud du châtelet d'entrée de l'évêché ; longtemps identifié à tort comme le vestige d'un ancien cloître. Or les 4 arcs de sa superbe parure étaient des archivoltes, parfaitement solidaires de la maçonnerie du mur bâti en moyen appareil très régulier, à joints minces et à la taille layée ; encadraient à l'origine 4 fenêtres géminées, situées à une hauteur normale par rapport à la rue : colonnettes centrales et cordon d'appui avaient disparu, mais un cordon richement décoré de feuilles d'acanthe, comparable à celui du bras nord du transept de l’église Saint-Etienne, couronnait les baies ; 6 assises séparaient le cordon du toit et il semble que le mur était goutterot.

Archivoltes à 3 arcs concentriques: à l'intrados, arc évidé d'une profonde gorge meublée de feuilles ou de fleurons; à l'extrados, arc mince chargé de motifs en relief, trop bûchés pour être identifiés (d'après les dessins les plus anciens, feuilles recourbées). Entre les deux, larges arcs : sur leurs claveaux, rinceaux épanouis mêlant divers végétaux dont des palmettes. Ces arcs retombaient sur des faisceaux de 3 colonnettes, aux chapiteaux portant, semble-t-il, des feuilles d'acanthe ; les tailloirs saillants étaient surmontés de grands personnages assis. Les baies des fenêtres s'établissaient largement en retrait. Rez-de-chaussée complètement défiguré par le percement de fenêtres modernes. Aucune trace d'arcade murée discernable ; il n'était percé à l'origine que d'étroites fenêtres.

Au vu des documents disponibles, impossible de décider si ce bâtiment composait à lui seul une demeure, accessible par une autre face, ou s'il n'était qu'une aile d'un des vastes logis qui occupaient la plus grande partie du cloître canonial. Il est notable que sa profondeur n'était guère supérieure à sa largeur : au cas où le seul bâtiment sur la rue composait toute la maison, la demeure aurait été de faible ampleur (étonnant au regard de la qualité de son décor).

DELADREUE (L.E.), "Les maisons canoniales du chapitre de Beauvais et leurs possesseurs", Mémoires de la Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise, t VIII, 1869, p. 291-347.
GRAVES, Notice archéologique sur le département de l’Oise, 1874 (2è éd.), p. 423-424.
Beauvais par ceux qui l’ont vu, Musée départemental de l’Oise, 1977, p. 49.
B.N. : dessin anonyme (Est. Ve. 26i). 
A.D. de l’Oise : dessins de TAVERVIER de JUNQUIERES (2 Fi 1b 25.93) et de DEROY (1 Fi 1b 25.137). 

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13. Évêché (XIIe et XIVe s.)

Établi contre la muraille gallo-romaine ; vaste enclos à l'ouest de la cathédrale.

A. Logis roman, au fond de la cour, réaménagé à la fin du Moyen Âge. Tout le gros-œuvre du XIIe siècle subsiste. Façade sur cour : aucun vestige. Façade ouest, établie sur le rempart, au-dessus des fossés : mur en retrait au niveau de l’arase du plafond du 1er étage; les sommets des claveaux des arcs sont taillés pour épouser la forme du léger glacis qui fait transition. Le plus frappant est la tour : 3 étages romans aménagés au-dessus du massif gallo-romain dont ils se distinguent par l’appareil, le décor raffiné et de nombreuses baies. Malgré la reprise sévère subie au XIXe siècle, ce décor reste un témoin fidèle du raffinement de cette architecture. Cette tour est un remarquable exemple de la fonction dévolue à cet organe dans l'architecture domestique: le souci défensif n'y joue aucun rôle ; les 2 premiers étages fournissent des annexes aux grandes pièces et le sommet offre tous les agréments d'un belvédère. Un dessin de 1828 montre la façade flanquée de 2 tours, au décor comparable. En 1840, la tour nord, qui menaçait ruine, est déjà dérasée et ramenée à un plan carré. À droite de la tour sud, des arcs aveugles attestent que le mur est roman. Entre les 2 tours une série d'arcs fragmentaires confirme que le gros œuvre roman est conservé de fond en comble ; l’arcature du 1er étage (murée), encadrait à l’origine des fenêtres : le prouvent les impostes saillantes et le départ d’un petit arc, visible à l’intérieur du 2e grand arc à partir de la droite/du sud. Extrémité gauche/nord de la façade: porte murée au 1er étage et fenêtre au 2e. Les pignons ne montrent rien à l'extérieur de cet état roman ; cependant, une fenêtre au sommet du pignon nord (visible dans les combles du bâtiment accolé contre lui), et un arc au bas du mur-pignon sud, dans l’angle sud-ouest, prouvent que tous deux sont également assurément romans.

À l'intérieur, l'état du XIIe siècle est restituable au rez-de-chaussée. Presque complètement enterré actuellement, mais partiellement à l'origine, comme le prouvent plusieurs fenêtres murées. Logis divisé en 3 espaces par 2 murs de refend qui montent de fond en comble ; en 1995, découvertes pour permettre la reprise des plafonds, leurs tête ont montré des maçonneries en moyen appareil régulier, identiques à celles visibles au rez-de-chaussée (taille layée oblique, dimension des pierres). Les murs romans sont donc conservés sur toute leur hauteur. Pièce centrale, B : la plus vaste (24 m x 13 m, soit plus de 310 m2), divisée dans le sens de la longueur par un mur percé de 4 arcs en plein cintre à 2 rouleaux (cf. ceux de la nef de Saint-Étienne). Elle est encadrée par 2 pièces dans lesquelles les bases des tours font saillie ; au sud : A mesure près de 100 m2 (8,40 m x 12/13 m) ; au nord C mesure 85 m2 (6,80 m x 12/13 m). Plus au nord, entre le mur d'enceinte du palais et le pignon qui borne la pièce C, s'étendaient d'autres parties de la résidence, distinctes du corps de logis : en F la chapelle (détruite; seul l'état gothique est connu). En D, 2 pièces : une d'elles a une voûte d'ogives sur colonne centrale, montée, dans un deuxième temps, à l'intérieur d'un volume roman (la porte qui la relie à la pièce E est romane. Toute cette partie est cependant trop transformée pour qu'il soit possible de se prononcer sans fouilles et relevés).

Le cœur du palais se compose donc d'un grand corps de logis rectangulaire (47 m x 17 m, hors œuvre), construit contre la muraille gallo-romaine dont il incorpore 2 tours, et d'annexes, au moins au nord, dont la chapelle. Il comporte 3 niveaux, offrant chacun près de 500 m2 de surface couverte utilisable, divisés en 4 espaces par des refends; cette surface considérable s’accroît d’annexes installées dans les tours (1er niveau de la tour sud occupé par une glacière, d’âge incertain ; une porte romane à linteau sous arc de décharge y donne accès). Des nombreux escaliers, seul l'escalier à vis situé dans la pièce C pourrait être roman; l’escalier de la tourelle hors œuvre du XVIe siècle pourrait avoir remplacé un escalier roman : la porte qui y donne accès, depuis le passage entre les pièces A et B, présente quelques caractères romans.

Aménagements romans de la grande pièce du rez-de-chaussée. Façade sur la cour : plusieurs fenêtres en plein cintre, fortement ébrasées vers l'intérieur, avec appui à 3 degrés. Dans l'angle sud-ouest, porte accessible depuis la cour par un escalier (plusieurs marches conservées dans l’épaisseur du mur). Autre porte, au milieu du mur, très transformée, mais peut-être également de l’état originel. Porte romane, à linteau en bâtière sous arc de décharge en plein cintre, vers la pièce A. À sa droite grand placard dont le couvrement est similaire ; petit placard est près de la retombée de l’arcade la plus au sud.

Une dernière porte romane existait dans le palais au début du XIXe siècle : dessinée par E. WOILLEZ. Son emplacement est inconnu, le Répertoire archéologique du même auteur se bornant à indiquer qu’elle était située " à l’intérieur " du palais. De nombreux fragments sculptés ont été retrouvés lors du réaménagement du rez-de-chaussée et publiés par CRÉPIN-LEBLOND. Remployés dans les voûtes bâties au début du XVIe siècle, ils proviennent principalement des fenêtres et de l’arcature des grandes pièces du 1er étage. La construction de l'édifice a été attribuée à l'évêque Henri de FRANCE, frère de LOUIS VII, qui aurait fait réaliser l'important décor sculpté dans les années 1150.

B. Porterie et aile sud sur la cour, XIVe s. Ces parties du palais n'ont jamais été étudiées. Dans le châtelet construit après l'émeute de 1305, diverses salles sont aménagées de façon à abriter des membres de la familia épiscopale, sans doute sergents et portier. On y note, dans les pièces des tours et dans celles du corps de logis au revers, latrines, cheminées et peintures murales. Outre le châtelet, la campagne du XIVe s. visait à reconstruire toute l'aile sud qui ferme la cour (ou au moins à la remettre en état, car son gros œuvre date peut-être du XIIIe s. : CRÉPIN-LEBLOND 1994). Celle-ci conserve sur sa face nord de nombreuses fenêtres, plus ou moins mutilées, qui appartiennent à 2 types : barlongue avec croisée en pierre, ou ogivales et à remplages : les premières sont clairement de la seconde moitié du XIVe s. (SALMON 1984, p 16), quand les secondes pourraient être bien antérieures. À l'intérieur, les murs du rez-de-chaussée conservent de nombreux arcs murés, notamment dans la "remise" ouverte en galerie, aménagée au XVIIIe s.

Archives des monuments historiques :
+  plan n° 2 109, par VERDIER (1850) : élévations de la tour sud avant et après travaux : (confirment l'exactitude, sinon la sensibilité, de la restauration) ;
+  plan n° 50 988 (8), anonyme (1828) : façade arrière avec les deux tours entières ;
+  plan n° 2 114, par AUCOUSTAUX (1840) : façade arrière avec tour nord dérasée.  

CAUMONT (A. de), Abécédaire ou rudiments d'archéologie, Architecture civile et militaire, 1853, p. 160 : dessin restituant les fenêtres barlongues.
CRÉPIN-LEBLOND (Th.), "Une demeure épiscopale du XIIe s., l'exemple de Beauvais", Bulletin archéologique du C.T.H.S., 1988, p 21-23 : châtelet du palais construit par Simon de Clermont-Nesles, entre 1305 et 1312.
CRÉPIN-LEBLOND (Th.),"Beauvais. Palais Episcopal", Palais médiévaux (France-Belgique) ; 25 ans d'archéologie, Le Mans, 1994, p. 138.
SALMON (M.-J.), Un palais-musée à Beauvais: tours et détours de l'ancienne demeure épiscopale, Beauvais, 1984, notamment p 11-16 (l'auteur date la construction des années 1380, "sur l'emplacement de bâtiments plus anciens") et 35 (élévation et plan de l'aile sur cour par Aux Cousteaux, 1846, plan aux A.D.O., 5 N 50
2).
VERDIER (A.) et CATTOIS (F.), Architecture civile et domestique au Moyen Âge et à la Renaissance, 2 vol., Paris, 1858, pl. 36 : élévation et plan d'une fenêtre barlongue; détails: petits chapiteaux, profil des meneaux, cordon d'appui ; élévation et profil du sommet de la façade sur rue avec corniche et baies du chemin de ronde.
WOILLEZ (E.), Répertoire archéologique du département de l’Oise, 1862, p. 22 et Album ou Atlas monumental de la Picardie, pl. XL : élévation de la porte romane disparue. 

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14. Salle Saint-Pierre, XIe s.

P. BONNET-LABORDERIE, L’art roman dans les terroirs de l’Oise, 1995, p. 6 et 9.

 


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