Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 9 JANVIER 2018

Séance privée
separateur

Communication courte de Louis Peyrusse et d’Amandine de Pérignon :
Deux châteaux de François Virebent en Tarn-et-Garonne.

Les châteaux de Pérignon à Finhan et du Mesnil à Montech sont des créations de François Virebent (dont on connaît peu d’œuvres) peu après 1850.
Le premier est la castellisation d’une maison de maître, l’autre une construction a novo sur un schéma rare incluant une tour.
Deux chantiers peu documentés, révélateurs des goûts de la noblesse en pays toulousain.

 

Château du Mesnil, Montech. Château de Pérignon, Finhan.

 

 

 

 

 

Communication courte d’Emmanuel Garland :
Le décor peint médiéval de l’église d’Eget (Commune d’Aragnouet, Hautes-Pyrénées).

Détail de l'Annonce aux bergers (cliché E. Garland). La dépose, pour restauration, du retable baroque qui tapissait l’abside romane de l’église d’Eget (Hautes-Pyrénées, commune d’Aragnouet) a révélé des vestiges d’un décor peint dans la zone centrale de l’hémicycle.

On y distingue trois ensembles partiellement superposés. Le plus ancien (second quart du XIIIe siècle ?) figure deux scènes de l’Incarnation (Nativité et Annonce aux bergers) ainsi que l’offrande de Caïn et d’Abel (embrasure de la fenêtre axiale). Deux ou trois siècles plus tard, on compléta le décor par l’ajout de ce qui devait être une représentation de saint Michel psychopompe, réalisée au trait noir. Enfin, lors d’une troisième intervention, on peignit deux bandes verticales timbrées de fleurs de lys à l’ocre rouge. Cette dernière intervention entraîna la disparition de la partie gauche de la scène de la Nativité. Avec cet ensemble, le décor absidal d’Eget complète de façon très opportune le corpus des peintures médiévales de cette région des Pyrénées.

 

Vue d'ensemble de l'abside. (Cliché E. Garland)

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Présents : MM. Cazes, Président, Scellès, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone Secrétaire-adjointe, M. Péligry, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Andrieu, Bessis, Cazes, Jaoul, Nadal, Pradalier-Schlumberger ; MM. Balty, Garland, Garrigou-Grandchamp, Lassure, Peyrusse, Pradalier, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Balty, Bossoutrot, Czerniak, Fradier, Queixalós ; MM. Burroni, Penent, Rebière, Sournia, Suzzoni, membres correspondants.
Excusés : Mmes Heng, Fournié, Sénart, M. Boudartchouk.
Invitée : Mme Amandine de Pérignon.

Le Président donne la parole à Émilie Nadal pour la lecture du procès-verbal de la séance précédente. À propos de Pierre Bellin, Louis Peyrusse propose de préciser qu’il fut l’auteur du relevé de l’Ange de Saint-Sernin. Cette précision ajoutée, le procès-verbal est adopté.
Le président nous annonce ensuite le décès de deux de nos membres : Jacqueline Labrousse et Bruno Foucart.
Louis Peyrusse évoque la vie de Bruno Foucart
C’est ensuite Daniel Cazes qui retrace la vie de Jacqueline Labrousse :

Jacqueline Labrousse
(Seysses, 1932 - Toulouse, 5 janvier 2018)

Membre fidèle de la Société archéologique du Midi de la France depuis 1973, soit 44 ans, membre titulaire depuis 1974, Jacqueline Labrousse vient de partir pour un dernier voyage, elle qui aimait tant voyager, sur la terre comme dans les airs, mais aussi en esprit et en amitié. Nous devons lui rendre hommage, car elle a toujours soutenu notre Société, créant même et dotant à plusieurs reprises un prix Michel-Labrousse destiné à récompenser de jeunes chercheurs travaillant sur le monde antique.
Nous l’évoquerons à grands traits. D’une famille de la région toulousaine, alors que ses parents résidaient à Toulouse dans le quartier Matabiau, elle fit ses études secondaires au lycée Saint-Sernin. Puis elle s’orienta vers l’histoire ancienne, l’épigraphie et la numismatique à l’Université de Toulouse, sous la direction de celui qui allait devenir son époux, notre ancien Président, le Professeur Michel Labrousse, mort le 12 janvier 1988 alors qu’il se rendait à l’une de nos séances académiques. Jacqueline Labrousse lui a donc survécu presque exactement trente ans, et le jour de ses obsèques, le 12 janvier 2018, coïncidera avec l’anniversaire du décès de son époux. Elle fut sa fidèle compagne et collaboratrice, l’aidant dans tous ses travaux. Mais elle procédait aussi à ses propres recherches épigraphiques et numismatiques, qui aboutirent à plusieurs publications.
Le 28 février 1969, tout en dépendant du CNRS, elle fut nommée conservatrice-adjointe, à mi-temps, pour l’Antiquité, auprès de Robert Mesuret, conservateur depuis 1949 des musées Saint-Raymond et Paul-Dupuy, et chargé après la Seconde guerre mondiale d’inspection pour tous les musées d’un grand Sud-Ouest, qu’il fallait alors réorganiser et rouvrir au public. Mais, au début des années 1970, le grand conservateur Robert Mesuret s’affaiblissant progressivement sous l’effet d’une maladie, puis disparaissant prématurément en 1972, alors qu’il était encore en fonctions, elle eut à prendre en charge la totalité du musée Saint-Raymond, dont elle devint le chef d’établissement, mais toujours à temps partiel.
Malgré les efforts déployés par Robert Mesuret pour lui donner l’envergure qu’il méritait et sa spécificité désormais bien affirmée de musée des Antiques, l’institution manquait de moyens et le bâtiment de l’ancien collège Saint-Raymond dans lequel elle était étroitement logée présentait de graves problèmes de toiture. Combative, Jacqueline Labrousse parvint à convaincre Ville et État de la nécessité d’intervenir. Elle fit acheter une maison rue des Trois-Renards pour y replier l’administration et les Services techniques du musée, reclasser « Monument Historique » le collège qui avait été déclassé en raison de malheureuses interventions lors de sa transformation en musée en 1892 – qui n’ont d’ailleurs toujours pas été rectifiées – et obtint enfin la réfection du toit. Ce que fit l’architecte-en-chef des Monuments Historiques Yves Boiret.
Elle avait proposé à la Direction des musées de France et à la Mairie un projet de rénovation muséographique. Mais, découragée de ne pouvoir le mener à bien, elle quitta les lieux en 1985. Il fallut ensuite attendre dix ans avant que Ville et État ne décident enfin de réaliser une partie seulement du projet global de rénovation et d’extension du musée.
Ayant connu dès 1985 l’état des lieux, je puis vous assurer que Jacqueline Labrousse fut contrainte d’y travailler dans des conditions difficiles, malgré l’aide qu’elle reçut d’un conservateur-adjoint qu’elle réussit à faire nommer, madame Monique Rey. Les réserves étaient alors dispersées en divers endroits inadaptés de la ville ; la plupart des salles ne disposaient pas d’éclairage électrique ; personnel et visiteurs devaient utiliser hiver comme été des toilettes indignes dans une cabane du fond du jardin ; et je passe sur d’autres détails.
Malgré cela, elle s’obstina et réussit à organiser autour de 1980, dans deux salles du premier étage, plusieurs expositions temporaires, en collaboration avec divers chercheurs : Toulouse antique : dix ans de recherches officielles, La Graufesenque, atelier de céramiques gallo-romain, Les grandes étapes de la préhistoire, La nécropole protohistorique du Frau . En 1983, elle lança au sein du musée une publication, restée par manque de moyens éphémère, les « Cahiers archéologiques de Midi-Pyrénées », ouverte à divers auteurs et dans lesquels elle publia les « Trésors monétaires du IIIe siècle trouvés à Lectoure ».
Son but était de mettre le musée en relation avec la recherche archéologique, alors que son époux était aussi directeur de la Circonscription des Antiquités historiques de Midi-Pyrénées. Elle connut ainsi de nombreux archéologues de la région et travailla même plusieurs fois avec eux sur divers chantiers de fouilles, notamment sur le célèbre site de production de céramiques sigillées de La Graufesenque, près de Millau, dont Alain Vernhet, son collègue du CNRS, très ami du couple Labrousse, était le spécialiste incontesté, mais aussi sur plusieurs chantiers de villas romaines où grâce aux Labrousse et à l’action de leur petite équipe, unie et sympathique, où figuraient entre autres Michel Vidal, Bernard Marty, Jean-Louis Laffont, plusieurs mosaïques purent être déposées et ainsi sauvées.
Mais elle avait d’autres ambitions et lança un projet de coopération et d’échanges avec la Direction du Département des Antiquités de Chypre, enrichissant ainsi le Musée Saint-Raymond d’œuvres venues de cette île et accueillant en 1982 à Toulouse une exposition intitulée Chypre, les travaux et les jours. Lorsqu’elle partit du musée, elle n’interrompit pas pour autant sa carrière au CNRS, la poursuivant jusqu’à sa retraite au sein du Centre de recherche archéologique de l’Université de Toulouse-Le Mirail, intégré ensuite à ce qui est aujourd’hui la Maison de la recherche, au sein de la même alma mater.
Jacqueline Labrousse avait du caractère et défendait avec ardeur les causes qu’elle jugeait valables. Comme toujours en pareil cas, et c’est là un point faible de notre nature humaine, cela lui généra quelques inimitiés. Mais, s’affronter à de puissantes institutions, à des hommes ou femmes politiques de tout bord ne lui faisait jamais peur, lorsqu’il s’agissait de rechercher le bien public, d’aller vers une juste cause. Là apparaissait l’une de ses qualités profondes : la générosité. Elle l’appliquait à tous et le personnel du musée l’appréciait. Elle parlait avec tous, s’informait des difficultés de leurs vies, les aidait, savait même organiser de succulents goûters en toute occasion, au musée ou avec ses amis. Elle aimait cuisiner, particulièrement les desserts et les glaces, dont Michel Labrousse était friand. Je puis aujourd’hui vous le révéler, mais beaucoup parmi nous le savaient, pour avoir partagé ces moments inoubliables.
Depuis une vingtaine d’années, elle avait décidé de vivre autre chose, dans une sorte de jardin secret, une vraie retraite, sur laquelle elle était d’une grande discrétion. La création artistique l’intéressait et elle s’essaya à la peinture, la poterie, la musique. Bavardant de temps à autre avec elle, je savais pourtant que cette retraite était essentiellement tournée vers les autres, avec une importante action humanitaire. Elle aimait au début voyager, surtout dans les pays dotés d’un riche patrimoine antique. J’ai souvenir de sa participation à un voyage à Rome, avec les Amis du musée Saint-Raymond, pendant lequel elle nous avait conté un flot de souvenirs du temps où elle s’y rendait avec son mari. C’était pour elle une sorte de pèlerinage affectif.
Son lieu de vacances préféré était Arbas, village riverain de l’affluent du Salat de même nom. Son goût de la montagne, dont elle se rapprochait ainsi, y était satisfait. Sans doute y cultivait-elle la nostalgie de ces camps montagnards d’été organisés lorsqu’elle était lycéenne, dans le cadre des Jeunesses étudiantes chrétiennes, que me rappelaient récemment ses amis de longue date Michèle et Louis Latour, notre confrère. À Arbas, elle avait noué des liens avec de nombreux habitants et participait activement à la vie associative. Ayant fait entrer ou restaurer au musée plusieurs mosaïques romaines, comme je le rappelais précédemment, elle favorisa dans ce village la réalisation d’une mosaïque contemporaine dans l’église.
Lors de nos derniers échanges ou messages téléphoniques, car désormais elle écrivait peu, elle me disait qu’elle se sentait de plus en plus fatiguée. Malheureusement, sa vie s’achevait…
En espérant n’avoir point trop trahi ce qu’elle vous aurait dit elle-même de sa vie, sûr de tout ce que j’aurais encore dû en dire, car son existence fut assurément plus riche, je vous remercie de votre attention et vous propose de nous lever et d’observer une minute de silence en sa mémoire.
Daniel Cazes

Henri Pradalier ajoute que notre consœur avait créé le prix Michel-Labrousse et qu’elle se réservait le droit de choisir les années pour primer des travaux portant sur l’Antiquité.

Poursuivant l’ordre du jour, le Président annonce que six travaux se présentant pour le prix Ourgaud ont été reçus : trois thèses et trois mémoires de Master. Il sollicite des relecteurs et propose de fixer au 20 février la séance de présentation des travaux.
Daniel Cazes nous signale le don par Bernard Sournia à la bibliothèque de notre Société d’un ouvrage rédigé par Jean-Louis Vayssette, La conquête de Majorque par Jacques d’Aragon. Iconographie d’un plafond peint montpelliérain au XIIIe siècle, publication de la DRAC, MH et objets d’arts d’Occitanie.
Il était prévu de présenter deux rapports de candidature aujourd’hui, mais l’absence de Jean-Luc Boudartchouk reportera celle de Fernand Peloux à la première séance de février. Seule la candidature de Xavier Barral y Altet est donc présentée aujourd’hui par Quitterie Cazes.

La Société procède ensuite au vote pour l’élection de Monsieur Xavier Barral i Altet comme membre correspondant.

La parole est ensuite donnée aux auteurs de la première communication courte : Louis Peyrusse et Amandine de Pérignon nous présentent Deux châteaux de François Virebent en Tarn-et-Garonne.
Le Président remercie les deux communicants pour cette présentation fort intéressante et demande si les remplois médiévaux dont il a été question ont été identifiés. Louis Peyrusse laisse la parole à Michèle Pradalier, qui rattache ces œuvres aux séries de la première moitié du XIVe siècle, comme celles des Jacobins ou de Rieux-Volvestre, qui se caractérisent par la représentation de feuillages à la fois naturalistes et boursoufflés. Daniel Cazes questionne les auteurs sur les provenances possibles de ces chapiteaux tout en évoquant les cloîtres détruits de Montauban. Louis Peyrusse pense que cette hypothèse est tout à fait vraisemblable.
La parole est donnée ensuite à Emmanuel Garland pour la seconde communication courte : Le décor peint médiéval de l’église d’Eget (Commune d’Aragnouet, Hautes-Pyrénées).
Le Président remercie l’intervenant de nous avoir fait découvrir ces peintures, malheureusement mal conservées. Il note le caractère populaire du décor, qui appartient bien cependant à l’univers roman. Puis il demande sur quoi repose sa datation. Emmanuel Garland évoque les nombreuses comparaisons possibles avec les décors peints de Catalogne et met l’accent sur le détail du rinceau qui l’incite à ne pas remonter sa datation avant le XIIIe siècle. Par ailleurs, la seconde couche picturale date bien du XIVe siècle. Virginie Czeniak remarque que le bonnet de Joseph est un bonnet juif, et Emmanuel Garland précise qu’on le retrouve au XIVe siècle à Aramet. Virginie Czerniak note encore la présence d’un fond de réserve qui permet un travail à l’économie. Quitterie Cazes se demande s’il n’est pas possible d’y voir une interprétation moderne ou du XIXe siècle de modèles romans. M. Garland souligne que si le retable baroque était devant ces peintures, il serait difficile de les dater postérieurement, mais il reconnaît qu’il y a des repeints anciens. Mme Czerniak abonde dans ce sens en précisant que l’état de conservation de l’œuvre peut en effet donner cette impression de repeint.

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