Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 04 DÉCEMBRE 2018

Séance privée
separateur

Communication longue de Jean-Charles Balty : « Le sarcophage aux époux de Quarante : typologie, décor et iconographie, datation, réemploi »

 


Consécutive à la visite de la Société archéologique du Midi de la France à Minerve et Quarante, le 16 juin dernier, la présente communication se propose de revenir sur le sarcophage dit « des flamines » de l’abbatiale Sainte-Marie de Quarante et sur l’atelier romain qui l’a produit, mais surtout sur l’iconographie de son médaillon central et sa signification, sur la date des transformations qui y ont été apportées et les véritables liens de ce monument avec l’abbaye.

 

Quarante, médaillon

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Présents : Mme Nadal, Présidente, MM. Scellès, Directeur, Ahsell de Toulza, Trésorier, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone, Secrétaire-adjointe, M. Péligry, Bibliothécaire-archiviste ; Mmes Andrieu, Vallée-Roche, MM. Balty, Boudartchouk, Cazes, Sournia, Surmonne, Testard, membres titulaires ; Mmes Balty, Bossoutrot, Czerniak, Dumoulin, M. Rebière, membres correspondants.

Excusés : Mmes Cazes, Krispin, Pradalier-Schlumberger, MM. Darles, Penent, Peyrusse.

La Présidente ouvre la séance et rend compte ensuite de la correspondance « manuscrite ». Il s’agit pour l’essentiel d’un courrier de M. Didier Delhoume, Conservateur régional de l’Archéologie, qui propose le classement des deux statues-menhirs que notre Société possède dans ses collections. Cette offre suscite parmi la Compagnie diverses réactions : pour Nicole Andrieu, une telle mesure pourrait permettre de bénéficier, en cas de restauration, d’une éventuelle subvention ; pour Daniel Cazes, ces pièces appartiennent à la collection constituée par la Société archéologique, qui s’est, entre autres missions, donné celle de « collecter et conserver » des monuments du passé, ce qu’elle continue de faire ; pour Maurice Scellès, un classement de ces objets entraînerait pour un déplacement l’obligation de solliciter l’avis des Monuments Historiques, et de manière plus générale tous les inconvénients liés à une double gestion. Le Directeur juge en outre que la S.A.M.F. assure dans ses locaux la meilleure des protections, puis il rappelle que, si la Société venait à disparaître, ses collections seraient dévolues aux musées de la Ville de Toulouse. Par ailleurs, on se souvient de ce que les deux statues-menhirs en question ont déjà fait naguère l’objet d’une demande de mise en dépôt au Musée Fenaille de Rodez.
Passant à la correspondance « imprimée », Mme Nadal fait circuler un ouvrage offert pour notre bibliothèque, dont le texte a été rédigé par Mme Élodie Cassan : Les granges du Lot de la fin du Moyen Âge à la Révolution, série «  Patrimoines du Lot  », Luzech, 2018, 64 p.

La parole est à Jean-Charles Balty pour la principale communication du jour, intitulée Le sarcophage « aux époux » de Quarante (Hérault) : typologie, décor et iconographie, datation, réutilisation .
La Présidente remercie M. Balty pour l’enquête qu’il a menée sur l’étonnant sarcophage de Quarante, que nous avions découvert le 16 juin lors de notre journée foraine en Minervois. Son exposé captivant, qui a sans cesse ménagé le suspense, aboutit à des conclusions éclairantes.
Émilie Nadal ose une question de « novice » : qui étaient les flamines ? Jean-Charles Balty explique qu’il s’agissait de prêtres, et qu’il en existait plusieurs sortes : à Rome, très haut dans la hiérarchie, il y en avait six, consacrés au culte de Jupiter ; dans les colonies provinciales, comme Nîmes ou Narbonne, on trouvait des flamines (hommes) et des flaminiques (femmes) municipaux.
Daniel Cazes se dit fasciné par la démonstration magistrale de notre confrère : « C’est lumineux ! », puis il signale qu’en Languedoc la réutilisation de tombeaux venus d’Italie n’était pas chose rare. M. Balty ajoute que les sarcophages ainsi récupérés voyageaient par mer. Après quoi il fait observer que, malheureusement pour nous, les érudits se sont longtemps préoccupés des seules inscriptions, tel l’ingénieur narbonnais Pierre Garrigues autour de 1600, avant de s’intéresser aux monuments sculptés : le premier dessin du sarcophage de Quarante n’a été publié qu’en 1870 par l’archéologue biterrois Louis Noguier.
Maurice Scellès se demande si la signification du vêtement que porte le personnage masculin du médaillon était connue du commanditaire pour lequel le sarcophage a été remis en œuvre et le portrait retaillé. Jean-Charles-Balty répond par la négative. La signification de la toga picta, toge consulaire que l’on trouve représentée à partir du IIIe siècle, n’est effet jamais apparue clairement avant la publication, en 1990, d’une thèse allemande sur les toges.
Guy Ahlsell de Toulza s’interroge sur la coexistence d’un type de vêtement aussi particulier et emblématique avec un portrait en bosse non terminé. M. Balty note que l’inachèvement des portraits qui se constate sur nombre de sarcophages a été diversement interprété. Ainsi, à la fin des années 1930, Henri-Irénée Marrou y voyait-il l’indice d’une superstition, d’une crainte d’ordre magique à se faire représenter sur son monument funéraire...
Bernard Sournia hasarde quant à lui l’hypothèse qu’un tombeau préparé n’ait pu recevoir qu’au dernier moment la personnalisation laissée en attente.

Au titre des questions d’actualité, Jean-Louis Rebière et Anne Bossoutrot présentent une série d’observations qu’ils ont pu faire à la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse : Nef raymondine : quelques découvertes récentes.
1. Sous le badigeon qui couvre actuellement les murs et les voûtes des trois travées se révèle une fausse coupe de pierre, datable du XVe siècle (sinon, par places, du premier quart du XVIIe).
2. Dans la troisième travée (la plus orientale), sur la paroi nord et sous l’enduit du XVe siècle sont apparus une peinture figurant une tête nimbée ainsi qu’un fragment d’inscription peinte (DOCT).
3. Dans les trois travées, les disques des « clefs de voûte » sont des éléments rapportés, fixés dans la maçonnerie par des tenons de fer.
4. Parmi les 24 chapiteaux visibles à la naissance des trois grands arcs doubleaux, certains sont des œuvres romanes remployées, d’autres sont des pastiches sculptés au début du XIIIe siècle.
5. À la base de la baie méridionale de la troisième travée, la maçonnerie actuelle a englobé la partie inférieure du meneau central de la baie du XIIIe siècle.
6. Dans la loge du carillonneur se trouvent remployés des éléments d’un plafond peint de l’époque de Louis XIV.
7. Au pied du pilier dit d’Orléans, l’accès au caveau des Riquet a varié selon les sols successifs, dallage puis pavement.
8. Dans la deuxième travée, dans la baie nord, existe un arc de décharge qui montre que l’obturation moderne de cette baie a pu n’être que partielle à un moment donné.
9. Plusieurs documents iconographiques permettent de restituer la disposition des tableaux qui se voyaient accrochés dans la nef au XIXe siècle.

La Présidente remercie les deux intervenants pour les nouveautés qu’il viennent de nous révéler, disant que la découverte de la peinture murale du XIVe siècle l’a tout particulièrement intéressée.
Jean-Louis Rebière précise à propos des fausses coupes de pierre que le décor du XVe siècle a dû être repris à la suite de l’incendie survenu en 1609. Une discussion s’engage entre Virginie Czerniak, Bernard Sournia et M. Rebière à propos de l’ambiguïté des expressions « fausse coupe de pierre », « faux appareil »...
Guy Ahlsell de Toulza s’enquiert du type de décor que pouvait présenter la nef de la cathédrale avant la simulation d’une maçonnerie de pierre. Jean-Louis Rebière évoque la peinture murale à personnage, mais il ne lui est pas possible d’en dire beaucoup plus ; en tout cas, il lui paraît exclu que la maçonnerie de brique n’ait pas été enduite dès le XIIIe siècle. Le projet de restauration s’oriente aujourd’hui vers la suppression du dernier badigeon et un retour à l’appareil simulé.
Nicole Andrieu voudrait savoir s’il est question de replacer des tableaux dans la nef. M. Rebière indique que tel serait le souhait de l’actuel clergé de la cathédrale.
Daniel Cazes déclare que l’observation faite sur les disques rapportés aux croisées des ogives des trois travées de la nef lui paraît très importante pour résoudre le problème posé par la datation de la sculpture qu’ils portent. En étudiant le décor sculpté de la « clef » médiane, il était en effet parvenu à la conclusion troublante que celui-ci présentait une grande analogie avec des œuvres du troisième atelier de la Daurade, mais il n’avait jusqu’ici pu s’expliquer la concordance stylistique et la discordance chronologique.


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