Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 16 AVRIL 2019

Séance privée
separateur

Communication longue de Christian Darles et Jean-Michel Lassure : «  Le site du Turas à Dunes (Tarn-et-Garonne) : analyse architecturale et présentation du mobilier archéologique ».

La tour du “ Turas ”est établie à 2,5 km au sud-ouest de la bastide de Dunes (Tarn-et-Garonne), sur un promontoire dominant la vallée de l’Auroue. Des travaux de consolidation réalisés en 1988-89 par la commune qui venait de l’acquérir ont révélé qu’elle appartenait un petit château dont la période d’occupation se situe entre le XIIIe et le milieu du XIVe siècle. Un puits dans lequel, selon la légende, se seraient précipités des Templiers pour échapper aux Anglais, a été retrouvé à cette occasion. Creusé dans le calcaire, il mesure 2,50 m de diamètre à son ouverture pour une profondeur de 10 m. Son remplissage était constitué uniquement par de terre cendreuse et des galets. Un abondant matériel archéologique trouvé pendant les travaux se rapporte à la construction (éléments de huisserie, serrures et clés), aux occupations des habitants (outillage agricole et artisanal, céramiques) et à leur habillement (boucles de ceinture en alliage cuivreux doré et émaillé). Le site a aussi livré des témoignages liés à des activités religieuses (fragments d’un encensoir avec décor ajouré représentant des griffons), administratives (deux matrices de sceaux) et militaires (boulets de catapulte et carreaux d’arbalète).

Questions diverses :
Françoise Merlet-Bagnéris : "Jules Ganot, créateur de la médaille de la Société archéologique : formation, choix de carrière".

 

 

 


Présents : Mme Nadal, Présidente, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone, Secrétaire-adjointe, M. Péligry, Bibliothécaire-archiviste ; Mmes Haruna-Czaplicki, Jaoul, Merlet-Bagnéris, Watin-Grandchamp, MM. Balty, Cazes, Garland, Lassure, Peyrusse, Scellès, Testard, membres titulaires ; Mme Balty, MM. Darles, Pousthomis, Suzzoni, membres correspondants.
Excusés : Mmes Bessis, Cazes, Queixalós, Sénard et Vène, MM. Garrigou Grandchamp, Marquebielle, Penent, Sournia et Tollon.

La Présidente ouvre la séance en évoquant l’incendie de Notre-Dame de Paris survenu la veille. Elle souligne le sentiment de sidération ressenti par tous, même si l’état de l’édifice paraît ce matin moins grave que ce que l’on craignait. Les grands monuments traversent en effet les siècles et nous paraissent éternels. On se rend compte en fait qu’un simple incendie peut les faire disparaître. Émilie Nadal nous propose quelques secondes de recueillement.

Christian Darles signale que les spécialistes restent pessimistes et craignent l’effondrement de l’édifice à cause du plomb qui a fondu et qui pèse toujours sur les voûtes. Guy Ahlsell de Toulza ajoute que les voûtes n’ont que 25 cm d’épaisseur et qu’en plus du plomb elles ont reçu beaucoup d’eau, ce qui peut contribuer à les fragiliser. Il cite l’exemple de l’incendie de la cathédrale de Chartres.
Daniel Cazes se demande comment est organisée la sécurité dans le cadre d’un édifice pareil. D’après les informations qu’il a pu recueillir, une équipe de sécurité à donné l’alarme à 18 heures 20, les pompiers sont arrivés 20 minutes après, l’incendie avait déjà pris une grande ampleur ; selon lui, quelque chose n’a pas fonctionné. Il explique ensuite que dans un cas pareil, lorsque l’alarme est donnée, une équipe fait la visite complète du monument pour effectuer ce qu’on appelle une levée de doute. Pour redonner un peu d’optimisme à la discussion qui s’est engagée, Louis Peyrusse rappelle que les voûtes de la cathédrale de Nantes ont résisté à l’incendie qui a emporté sa charpente en 1972.

Il est ensuite procédé à la lecture du procès-verbal de la dernière séance, qui est adopté.

Émilie Nadal donne enfin la parole à Christian Darles et à Jean-Michel Lassure pour une communication longue intitulée Le site de Turas à Dunes (canton d’Auvillar, Tarn-et-Garonne). Intervention archéologique.

Elle remercie nos deux confrères pour cette présentation intéressante et demande si les objets dont il a été question ont été récupérés. Jean-Michel Lassure précise que la mairie de Dunes avait acheté le site et y a entrepris des travaux de décaissement, déversant les terres dans un champ voisin. L’équipe a donc effectué un travail de récolte dans ces déblais. D’autres objets ont été trouvés dans un puits ; tout a été déposé à la mairie. Maurice Scellès demande s’il a été trouvé des tessons modernes. Jean-Michel Lassure répond que le matériel est homogène d’un point de vue chronologique. Louis Peyrusse émet des doutes, car selon lui les fers à bœufs qui ont été présentés sont tardifs. Christian Darles ajoute que la tour se rattache aux modèles gascons décrits par Gilles Séraphin avec un rez-de-chaussée aveugle et une porte ouverte au premier étage nécessitant l’usage d’un escalier ou d’une échelle. Daniel Cazes revient sur les objets très intéressants qui ont été présentés, actuellement stockés dans les locaux de la mairie. Ils mériteraient selon lui de bénéficier des conditions de conservation d’un musée. Maurice Scellès pense qu’ils sont en effet en danger de dégradation voire de disparition ; il évoque le cas des objets rares du Musée de Minerve qui, faute de moyens corrects de conservation, sont actuellement en train de se détériorer. La solution serait peut-être de créer des musées départementaux. Daniel Cazes renchérit en évoquant les objets qui ont été jadis déposés à la mairie de Martres-Tolosane et qui ont aujourd’hui disparu. Bernard Pousthomis demande enfin s’il existe des textes sur la fondation du site. Jean-Michel Lassure répond qu’il n’y a rien à sa connaissance.

Dans le cadre des questions diverses, la Présidente donne la parole à Françoise Merlet-Bagnéris, qui nous rend compte de ses recherches sur Jean Ganot, créateur de notre médaille.

Jean Ganot (1838 ?-1900...)

  • Jean Ganot, graveur, domicilié à Toulouse, 9 rue Saint-Rome. Il pourrait être né vers 1838, aurait eu 10 ans en 1848, serait rentré à l’École des Beaux-Arts et des Sciences Industrielles qui suivait alors le règlement donné par Gaillard (importance du dessin identique pour toutes les sections). Contexte : la ville de Toulouse est très favorable au développement des arts et métiers à partir de 1827 : salons, et des centaines d’exposants. À partir de 1836, l’École des Beaux-Arts (située dans l’ancien couvent des Augustins) ajoute la mention « Sciences Industrielles » à son nom. L’enseignement regroupe plus de 300 enfants à partir de l’âge de 11 ans, divisés en groupes de 10 sous la direction d’un moniteur. Cours de 6 à 8 h du matin l’été, de 6 à 8 h du soir l’hiver, avant d’aller travailler comme apprenti chez un patron. (ou de 11 à 13 h.). On distingue deux pratiques chez les sculpteurs : la sculpture statuaire pratiquée par les futurs artistes, et la sculpture d’ornement liée à l’art industriel : doreurs, fondeurs, ciseleurs, orfèvres, bijoutiers, ferblantiers, graveurs… Il s’agit bien d’une gravure sur métal issue du dessin, sans travail sur le volume. 1858 : Jean Ganot, ancien élève, maîtrise parfaitement cette gravure sur métal : il mentionne dans une lettre de candidature au poste de professeur la création d’une plaque d’adresse au burin, récompensée par une médaille d’or de 1re classe à l’exposition de Toulouse de 1858. Il est candidat en 1869 à la succession de M. Chambarron, graveur, professeur titulaire de la classe de gravure sur bois mentionnée durant un an (1868-1869). Dans une lettre du 25 février 1869, Jean Ganot prend pour preuve de sa science de graveur sur métal en citant la médaille de la Société archéologique du Midi, et celle de l’Académie des Sciences. Il s’agit de gravures sur métal, et en volume, ce qui ne convainc pas le jury : le matériel de l’atelier est-il adapté ? est-il trop « artiste » par rapport à un enseignement d’art appliqué destiné aux ouvriers et qui recrute de nombreux candidats ? Jean Ganot n’est pas reçu en tant que professeur. Pourtant, une classe de gravure sur bois et cuivre est ajoutée en 1869 à l’École des Beaux-Arts.
  • Jules Ganot, son fils, naît en 1863. Jean Ganot aurait pu avoir 25 ans (?) lorsque Jules est né. Jules sera élève également à l’École des Beaux-Arts et des Sciences Industrielles, obtiendra le prix d’encouragement en dessin et solide au trait en classe de ronde-bosse et antique, et le 2e prix de tête d’après l’antique en classe de ronde-bosse et d’antique. Il vit toujours rue Saint-Rome, où il travaille dans l’atelier familial. En 1882, il va à Paris et entre dans l’atelier d’Alexandre Falguière durant un an, puis revient à Toulouse pour y pratiquer la gravure industrielle, bénéficiant de nombreuses commandes. L’École déménageant quai de la Daurade, Jean est alors recruté en 1896 et y enseignera jusqu’à sa mort. En 1900, il avait fondé l’atelier de gravure en médaille.

Jules Ganot (1863-1933)

  • Jules Ganot, fils de Jean Ganot, naît à Toulouse le 26 décembre 1863. (Réforme du dessin appliquée à partir de 1863.) En 1870 sont instituées deux sections artistiques : cours d’éléments du dessin et de ronde-bosse, et cours de dessin graphique et d’ornement. Il entre à l’École en 1874. Parallèlement à l’enseignement suivi dès l’enfance dans l’atelier de son père, il suit les cours de dessin et obtient en 1879 le prix d’encouragement en dessin et solide au trait en classe de ronde-bosse et antique, et le 2e prix ex aequo de tête d’après l’antique en classe ronde-bosse et d’antique. Il est donc très compétent dans ces formations. Pas de prix de modèle vivant ni d’ornement. 1882 : il va à Paris et se présente au concours d’entrée à l’École nationale des Beaux-Arts. Il y est reçu directement. Il rentre dans l’atelier de sculpture d’Alexandre Falguière (Toulouse 1831-Paris 1900), nommé à l’École nationale des Beaux-Arts de Paris la même année, et qui a dû proposer à Ganot de le rejoindre. Il y fréquente les ateliers de peinture et de sculpture du maître, mais pas son atelier de gravure, inutile. Il reste un an à Paris, puis revient à Toulouse sans avoir désiré poursuivre des études à l’É.N.B.-A. pour obtenir un diplôme parisien. Il y retrouve l’atelier paternel de la rue Saint-Rome où il choisit de pratiquer la gravure industrielle, en collaboration avec un autre graveur toulousain : Payrau. Ils réalisent des cachets, des chiffres, des lettres, des plaques, etc. Dès 1884, la Ville de Toulouse le charge de l’exécution de divers travaux comme des en-têtes de courriers, des libellés, et quelques sceaux. Production abondante et de qualité en travaux de taille-douce, eau-forte, taille d’épargne, ciselure... pour le commerce et l’industrie. Travail en atelier et vie professionnelle assurée par des commandes officielles et privées. Il pose sa candidature au poste de professeur suppléant de la classe de gravure de l’École des Beaux-Arts et des Sciences Industrielles, section en développement constant. Il y intervient à partir du 30 avril 1896, fonde l’atelier de gravure en médaille en 1900, est nommé professeur-adjoint de gravure sur bois et cuivre en 1905, et est titularisé en mars 1909. En 1890, on comptait 600 élèves en section Arts Industriels, en 1906, on en comptait 900. Appui de Jean-Paul Laurens comme directeur de l’École (depuis Paris) de 1893 jusqu’en 1902, relayé sur place par Joseph Galinier (sous-directeur en 1893, puis directeur en 1906), puis Henri Rachou (1906-1933), avec l’appui d’Honoré Serres, maire de 1893 à 1905, qui développe artisanat et commerce. Plein accord avec la politique artistique locale liée au développement de l’industrie et du commerce local. 1914 : affirmation de cette option de l’École : fondation d’un atelier de gravure industrielle, et d’un atelier en gravure industrielle et arts appliqués jusqu’en 1921. Insistance sur cette pratique et sa pédagogie : il rédige une proposition d’enseignement : les élèves suivraient 4 années d’études « normales » c’est-à-dire 2 heures de cours par jour, accompagnés de travaux pratiques très longs le reste de la journée. Mais cette formation rencontre des limites : regrettant l’impossibilité d’obtenir un « coin » définitif avec le matériel de l’École faute de moyens financiers, il propose de baser son enseignement sur l’étude de certains bas-reliefs et de médailles de l’Antiquité et de la Renaissance ainsi que de certains maîtres contemporains : pour lui, l’étude et l’interprétation des figures d’antiques ou de modèle vivant sont des préalables indispensables à l’enseignement dans une école d’art et des sciences industrielles. Il relie le travail de médaille au travail du sculpteur, car à ses yeux la pratique du modelage et du bas-relief sont seuls capables de déboucher sur une gravure de qualité. Exemple d’équilibre entre la pratique artistique et la pratique industrielle, qui sera poursuivi par les enseignants suivants. Il meurt le 25 décembre 1933. Dernier descendant d’une lignée de graveurs. Ses engagements en dehors de l’École : Officier d’infanterie de réserve pendant plusieurs années. 1886 : Il figure parmi les membres fondateurs de l’Union artistique de Toulouse lors d’une de ses expositions. 17 janvier 1914 : il figure parmi les membres d’honneur pour la création d’un monument en l’honneur de Falguière, en compagnie d’autres ex-élèves soutenus par le maître à Paris à partir de 1882, et qui ont mené de brillantes carrières. Bibliographie : ISDAT, fonds ancien, dossier n° 160.

Maurice Scellès demande à notre consœur en quelle année Jules, fils de Jean Ganot, est devenu professeur. Celle-ci répond qu’il a fréquenté l’atelier de Falguière, qu’il est ensuite resté un an à Paris, avant de revenir à Toulouse pour faire de la gravure industrielle. Il occupe un poste de professeur à partir de 1905 et obtient sa titularisation en 1909. Maurice Scellès remercie notre consœur d’avoir découvert la clé de l’énigme posée par notre médaille car les numismates venus enquêter à la Société sur son histoire n’ont trouvé que le nom de Berdaulat, orfèvre de son métier. Louis Peyrusse ajoute que Berdaulat a acheté le modèle de la médaille à Ganot ; c’est la raison pour laquelle on retrouve son nom gravé sur l’avers aux côté des initiales de Jean Ganot. La double signature s’explique donc, reprend Maurice Scellès, Berdaulat étant l’éditeur. Guy Ahlsell de Toulza nous apprend que l’atelier de Berdaulat se trouvait au rez-de-chaussée de l’immeuble où il habite et qu’il y a retrouvé, à l’occasion de travaux de rénovation de ce niveau, de nombreux objets dont deux plaques de cuivre. Il a par ailleurs laissé son monogramme sur une porte du XVIIe siècle.

Daniel Cazes nous livre une dernière information concernant le palais de Via à Cahors, qui faisait, jusqu’à il y a peu de temps, l’objet d’un projet de réhabilitation. La Ville désirerait se porter acquéreuse, souhaitant que le bâtiment soit ouvert à la population et à l’hébergement, et elle a fait un appel à projet dans ce sens. Le palais ayant servi de prison, la DRAC a donné son accord pour opérer des démolitions des parties datant des XIXe et XXe siècles. Maurice Scellès propose d’adresser une lettre de félicitations et d’encouragements au maire de Cahors ; une médaille pourra lui être remise lorsque le projet sera affiné.


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