Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 2019

Séance privée
separateur

 

Présents : Mmes Nadal, Présidente, Sénard, Directrice, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone, Secrétaire-adjointe, M. Péligry Bibliothécaire-archiviste ; Mmes Bessis, Haruna-Czaplicki, Pradalier-Schlumberger, MM. Cazes, Garrigou Grandchamp, Lassure, Peyrusse, Scellès, Stouffs, Surmonne, Testard, membres titulaires ; Mme Viers, MM. Gardes, Suzzoni, membres correspondants.
Excusés : Mmes Cazes et Czerniak, MM. Garland, Julien et Tollon.

Émilie Nadal nous informe qu’une invitation de l’Académie des Jeux Floraux nous a été adressée ; elle concerne la conférence « Les trésors des cathédrales » que Marie-Anne Sire donnera le 28 novembre. Elle ajoute qu’Aurélia Cohendy, que nous avions invitée l’année dernière, va soutenir sa thèse très prochainement. Enfin, elle signale que Nicolas Corrigio a fait don à la Société d’un répertoire de représentations de villes au Moyen Âge qu’il a réunies.
Concernant la conférence de Marie-Anne Sire, et les autres conférences organisées par l’Académie des Jeux Floraux, Daniel Cazes regrette qu’elles aient toujours lieu en même temps que nos séances, bien que notre Trésorier ait pris soin chaque année de communiquer notre calendrier aux membres de leur Bureau.
On procède ensuite à la lecture du procès-verbal de la première séance de l’année académique, qui est adopté.

Notre Présidente donne enfin la parole à Philippe Gardes pour la première communication : Léon Joulin et la question du rempart de Vieille-Toulouse :

 


« Le site de Vieille-Toulouse apparaît comme une des agglomérations gauloises les plus importantes du sud de la France. Pourtant, il a longtemps souffert d’un certain dénigrement, surtout après la thèse de Michel Labrousse qui n’y voyait « que des cabanes ou des huttes plus ou moins serrées en villages ». Il ne pouvait donc s’agir de la Toulouse gauloise. Ce point de vue a prévalu jusqu’au milieu des années 2000. Grâce à de nouvelles recherches et à la réévaluation des données de fouilles anciennes, le rôle politique, économique et religieux du site a été reconsidéré récemment. Les éléments d’une fortification sont même apparus à l’occasion de diagnostics, depuis les années 2000.
Malgré tout, nous pensions, comme Michel Labrousse, que le site se limitait au plateau de La Planho. Or, en 2019, une découverte inattendue est venue balayer nos certitudes sur la géométrie de l’agglomération… Celle-ci nous permet de renouer avec la contribution, quelque peu oubliée, d’un grand archéologue toulousain : Léon Joulin. »

Émilie Nadal remercie notre confrère de nous avoir fait part de cette découverte passionnante et demande si les prescriptions systématiques de fouilles n’ont été faites, jusqu’à aujourd’hui, que sur la zone définie par Michel Labrousse et ses successeurs. C’est effectivement le cas, confirme Philippe Gardes, ce qui explique que la zone située entre Vieille-Toulouse et le plateau de l’Estarac s’est construite sans surveillance archéologique et a pu subir d’importantes destructions. Pierre Garrigou Grandchamp demande s’il est possible d’établir une réserve archéologique sur cette zone. La partie sommitale occupée actuellement par un terrain de golf est une réserve archéologique, répond le conférencier ; on continue cependant à construire sur la Toulouse gauloise, après des diagnostics préalables bien entendu. Philippe Gardes espère que la politique archéologique va évoluer après cette découverte.
Daniel Cazes remercie notre confrère et évoque le dynamisme archéologique allemand en prenant exemple sur l’oppidum de Manching en Bavière, établi réserve archéologique et lié au Musée de Munich, qui a chaque année des crédits pour la fouille et la mise en valeur du site. Léon Joulin, poursuit-il, a été très bon pour le repérage sur le site de Vieille-Toulouse, qui était déjà connu depuis un siècle, et qui a malheureusement fait l’objet d’une grande hémorragie d’œuvres d’art. Le site avait livré par ailleurs la plus ancienne inscription latine de France, ce qui aurait dû, selon lui, alerter les archéologues. Michel Labrousse, conclut-il, aurait voulu que soit créé un musée sur le site. Daniel Cazes espère que la Métropole portera désormais un peu plus d’intérêt à Vieille-Toulouse. Philippe Gardes approuve ce que vient de dire notre confrère et affirme qu’il n’y a désormais plus de doute sur l’emplacement de la Toulouse gauloise ; il s’agit de surcroît de l’oppidum le plus vaste du sud de la Gaule, dont la surface est comparable à celle de Bibracte.
Louis Peyrusse s’interroge sur les accès percés dans la muraille, tels qu’ils ont été présentés par le conférencier, et sur les possibilités de passage de charrois. Le système d’accès protégé par des portes monumentales, répond Philippe Gardes, est bien connu par les fouilles allemandes ; il reste à vérifier que ce sont les mêmes à Toulouse. Il s’agit, dans les exemples germaniques, de portes protégées et dotées d’un système de chicanes.
Jean-Michel Lassure demande enfin ce qui justifie les comparaisons qu’il a effectuées avec la ville romaine de Toulouse. Philippe Gardes trouve intéressant de comparer les surfaces (Vieille-Toulouse : 200 ha, Toulouse romaine : 90 ha) et les sites semblant être habités de la même façon, c’est-à-dire très densément au centre, et de façon plus lâche autour, avec pour Vieille-Toulouse, un four de tuilier à l’est sur La Planho. On constate le même système de répartition dans les autres oppida connus.

La Présidente donne ensuite la parole à Catherine Viers pour la seconde communication de la séance, consacrée au château d’Ornézan dans le Gers  :

 


« Le château d’Ornézan par son volume et son organisation répond au type des châteaux gascons de la fin du XIIIe siècle ou du début du siècle suivant. Vaste bâtisse rectangulaire défendue par un chemin de ronde crénelé intégralement conservé, il est flanqué d’une tour carrée à une extrémité et intègre une grande tour maîtresse de l’autre. Le corps de logis s’organise sur deux niveaux : un rez-de-chaussée à caractère défensif, éclairé par d’étroits jours et ouvert d’un portail en ogive, et un premier niveau où se trouve l’aula. Au XVe siècle, on y aménage un plancher intermédiaire pour créer un étage supplémentaire où se répartissent vraisemblablement des chambres. De part et d’autre, les tours dominent le corps central d’un étage auquel il faut restituer au moins un niveau supplémentaire. La magnificence de la demeure est illustrée par les sculptures des chapiteaux des piliers du rez-de-chaussée, par les croisées d’ogives de la salle du premier niveau de la tour intégrée et sur deux niveaux dans la petite tour, supportées par des culots sculptés de visages ou d’animaux. Si la tour intégrée communique directement avec le corps de logis, la tour flanquée a un fonctionnement autonome et indépendant du reste de l’édifice : rez-de-chaussée aveugle, accès par une porte en hauteur munie d’un escalier en bois escamotable, circulations intramurales, relayées aux étages supérieurs par un escalier en vis dans une tourelle d’angle. Le système des circulations traduit un parcours codifié du public vers le privé depuis la grande salle du rez-de-chaussée, jusqu’à l’aula et aux étages des tours. »

Émilie Nadal remercie la conférencière pour la présentation remarquable de cet édifice complètement inédit. Louis Peyrusse signale qu’ici habitait le grand préhistorien Édouard Lartet, dont les collections découvertes sur place sont conservées au Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse. Catherine Viers précise qu’elle compte solliciter Jacques Lapart pour l’historique de l’édifice. Patrice Cabau note par ailleurs que la famille Labarthe, propriétaire du château, est vraiment du cru, mais qu’il faut la différencier bien sûr de celle des vicomtes de Labarthe. Maurice Scellès voudrait des précisions quant à la datation donnée. Notre consœur s’appuie-t-elle sur des textes pour situer la construction du château au XIVe siècle ? La datation ne repose que sur des critères stylistiques, répond-elle, mais les bois des poutres du rez-de-chaussée, qui sont en place, pourraient être prélevés pour d’éventuelles analyses de dendrochronologie. D’après le style, Daniel Cazes pense en effet que l’on peut avancer une datation située vers fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle. Maurice Scellès note que les tableaux obliques des embrasures des fenêtres pourraient être un argument en faveur de cette proposition ou d’une datation un peu plus tardive. Pierre Garrigou Grandchamp trouve que le cadastre ancien présenté est particulièrement évocateur de l’organisation primitive des structures autour du château avec peut-être une basse-cour au sud-est et un moulin. Il précise ensuite que la pièce du rez-de-chaussée, que notre consœur interprète comme un espace de stockage, est plus vraisemblablement une salle basse permettant de recevoir les gens du commun (car les individus reçus sont hiérarchisés). Anne-Laure Napoléone demande comment se présentait la toiture par-dessus le chemin de ronde. En tenant compte des traces de solin conservées, répond Catherine Viers, il faut restituer un système de toiture à exutoires, disposé donc derrière le chemin de ronde.

Émilie Nadal donne la parole à Daniel Cazes pour un compte rendu de la visite que notre confrère effectue tous les ans dans notre domaine de Chiragan. Il rappelle que la Mairie de Martres-Tolosane avait imaginé, il y a quelques années, faire un chemin autour du site, en mettant à la disposition des randonneurs de petits dépliants explicatifs. Cette décision avait d’ailleurs occasionné de grandes négociations avec les fermiers qui cultivent le terrain. Ces derniers finirent par accepter d’entretenir les lieux et le chemin. En 2000, le chemin était dégradé, le petit pont de bois avait disparu ainsi que la signalétique. On peut constater tout de même que les fermiers sont restés respectueux de l’accord conclu avec la Mairie puisque le chemin est visiblement toujours entretenu ; mais le reste est à l’abandon malgré le projet annoncé par le maire actuel de remettre le circuit de randonnée en état. Notre confrère a pu noter que le site porte les traces de visites de clandestins ; il serait sans doute nécessaire d’en informer la municipalité par courrier. Daniel Cazes aimerait que la Société reprenne le combat de la mise en valeur du site et renouvelle la sensibilisation sur le plan local.

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