Société Archéologique  du Midi de la France
FacebookFlux RSS

SÉANCE DU 6 OCTOBRE 2020

Séance privée
separateur

 

Présents : M. Peyrusse, Président, Mme Sénard, Directrice, M. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mme Napoléone, Secrétaire-adjointe, M. Péligry, Bibliothécaire-archiviste ; Mmes Andrieu, Bessis, Nadal, Pradalier-Schlumberger, MM. Garrigou Grandchamp, Macé, Scellès, Sournia, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mme Dumoulin, membre correspondant.
Excusés : M. Cabau, Secrétaire général ; Mmes Balty, Cazes, Fournié, Jaoul, Watin-Grandchamp, MM. Balty, Cazes, Garland, Julien.

Louis Peyrusse déclare ouverte l’année académique 2020-2021 et exprime sa joie de nous retrouver dans cette salle. Il espère que la situation sanitaire ne nous empêchera pas cette année de suivre normalement le calendrier des séances. Il nous annonce ensuite une triste nouvelle, celle du décès, le 15 juin dernier, de Michel Roquebert. Il était membre de notre Société, devenu honoraire en 2018. Le Président demande à l’assemblée de respecter une minute de silence en sa mémoire.

Michel Roquebert
7 août 1928-15 juin 2020

Michel Roquebert est mort à la veille de l’été à l’âge de 91 ans. Comment un Bordelais, un temps professeur de philosophie, arrivé à Toulouse en 1955 pour un nouveau métier de journaliste à La Dépêche du Midi a-t-il vécu avec le catharisme l’aventure d’une vie ?
Travailler à La Dépêche conduisait à rencontrer toute l’intelligentsia toulousaine et les artistes. Michel Roquebert a été un très brillant pédagogue dans ces pages Culture, arts et spectacles qui étaient alors importantes et très lues. Il fit équipe avec Marie Louise Roubaud et Étienne Chaumeton, entre autres. On y trouve effervescence et alacrité, dans le traitement de l’actualité, les mêmes plus tard dans le Sud Ouest de Pierre Veilletet. Durant l’été 1964, il consacra plusieurs pages de l’édition dominicale aux châteaux-forts de l’Aude et de l’Ariège qu’il avait explorés avec passion. Leur lien avec l’histoire du catharisme était alors peu connu. Ces reportages deviennent un livre avec de superbes photographies de Christian Soula, Citadelles du vertige. Naquit ainsi le légendaire des « châteaux cathares ». L’auteur préférait parler de châteaux du pays cathare. Ce volume paru en juin 1966 rencontra un succès inattendu à la suite de la diffusion par la télévision française de deux émissions de Stellio Lorenzi Les Cathares (La Caméra explore le temps). Les cathares devinrent alors un thème de la revendication occitane. Évelyne Jean Baylet commanda alors une histoire des cathares qui parut en feuilleton d’avril à octobre 1966, la première copie devant être rendue sous trois jours. C’est la base du tome premier de L’Épopée cathare (1970). Michel Roquebert devient un spécialiste en écrivant, avec l’aide pour les archives de Jean Duvernoy et de Philippe Wolff (dont Roquebert suivit les cours à l’Université).
N’ayant pas abandonné son métier de journaliste, il mit sept ans à écrire le tome 2 : Muret ou la dépossession. En 1983 il prend une retraite anticipée et s’installe à Montségur pendant neuf ans ; il y suit attentivement les fouilles. Le tome 3, Le Lys et la croix, paraît en 1986. L’auteur s’attaque alors au second volet de l’histoire, l’Inquisition. Deux volumes sont publiés en 1989 et 1998. Au total, 3000 pages qu’il résuma dans un petit livre de la collection Tempus. Reprenant par la suite les travaux inaugurés par René Nelli, il dessina en 2001 les bases d’une Religion cathare qui ne retint guère les historiens. Ajoutons deux portraits de saint Dominique et de Simon de Montfort, suites biographiques du grand œuvre.
Michel Roquebert est venu à la Société Archéologique du Midi de la France par curiosité et pour être reconnu par ses pairs. Je me souviens de l’extrême modestie du chercheur et de l’écrivain, trop intelligent pour ne pas savoir qu’il ne devait pas être le Napoléon Peyrat du XXe siècle. Devenu un peu par hasard spécialiste d’un sujet complexe, Michel Roquebert souhaitait réconcilier histoire scientifique et histoire mémorielle. La forte charge mémorielle et politique des sujets qu’il a traités garantit son travail de l’oubli.

Louis PEYRUSSE

Après l’annonce du décès de Michel Roquebert dans Le Monde, notre Président a envoyé les condoléances de la Société à la famille de celui-ci ; ses enfants nous ont récemment adressé leurs remerciements.
Louis Peyrusse donne ensuite la parole au Trésorier pour présenter à l’assemblée les dernières acquisitions destinées à améliorer le confort de notre salle des séances. Il s’agit tout d’abord d’une table de mixage assortie de deux micros sur pied, l’un pour le Président et l’autre pour l’orateur, ainsi que quatre autres micros sans fil, le tout branché sur un haut-parleur disposé dans un angle pour diffuser le son dans toute la salle. Il a acquis par ailleurs une série de fauteuils dont une partie est en cours de rénovation. Tous ces sièges pourront être en service lors de la prochaine séance, ainsi que de nouvelles nappes rouges assorties à la tapisserie des fauteuils. Il ajoute encore qu’il a fait restaurer et encadrer un tableau que nous avons en dépôt, daté de 1904 et signé de Miriam Rocher, épouse de Joseph Rocher, architecte de la Ville et membre de notre Société. Selon Geneviève Bessis, Miriam Rocher est une peintre proche d’Henri Martin que l’on situe dans le courant postimpressionniste ; il s’agit du portrait du poète François Tresserre, de l’Académie des Jeux Floraux. Guy Ahlsell de Toulza nous annonce enfin qu’il nous présentera lors de la prochaine séance deux grands portraits de la famille Gèze, propriétaires de l’Hôtel d’Assézat pendant deux générations au XIXe siècle ; ces œuvres sont signées de Pichon et datées de 1860. Ces portraits, restaurés et encadrés, sont actuellement dans l’antichambre de la salle Clémence-Isaure.
Louis Peyrusse rappelle par ailleurs qu’une réunion a eu lieu dans nos locaux pour préparer le centenaire d’Émile Cartailhac, mort en 1921 alors qu’il était Président de notre Société. L’événement sera marqué par une exposition qui se tiendra à la Bibliothèque d’Étude et du Patrimoine, rue de Périgord, et par la publication d’un livre-album. Il s’achèvera par une journée d’étude qui se tiendra en novembre 2021.
Au titre des courriers reçus, le Musée National Suisse de Zurich (Musée d’archéologie et d’histoire) nous adresse une demande de prêt de la stèle de Montels pour une exposition sur le thème des stèles néolithiques qui se tiendra entre septembre 2021 et janvier 2022. Le Président demande si certains de nos membres verraient une objection à ce prêt, la décision définitive revenant au Bureau.
Enfin, la Société Archéologique a été sollicitée au sujet du projet de réaménagement du Belvédère et de l’escalier monumental de la place des moines de Saint-Antonin-Noble-Val, au pied de l’Aveyron et devant l’établissement thermal. Par courrier, nous avons appelé l’attention du Maire sur le fait que le projet envisagé est particulièrement contre-productif.

Louis Peyrusse annonce que les volumes 2017 et 2018 de nos Mémoires sont sur le point d’être achevés et qu’un volume double regroupera les articles de l’année dernière et de cette année (2019-2020 et 2020-2021).
Par ailleurs, on nous apprend que nos consœurs Émilie Nadal et Magali Vène s’apprêtent à publier aux PUM un gros ouvrage intitulé La bibliothèque des dominicains , encore en souscription.

Notre bibliothèque s’enrichit de plusieurs volumes :
Par l’intermédiaire de Jacques Surmonne :
- Cahors. Du palais épiscopal à l’Hôtel de la Préfecture.
Christian Péligry offre l’ouvrage dont il est l’auteur :
- 1632. L’exécution de Montmorency, la mort d’un « Grand ».
Pierre Garrigou Grandchamp donne :
- Les lieux de Mémoire de la Corse médiévale. Bonifacio, un territoire d’exception.
Guy Ahlsell de Toulza donne enfin :
- 44 numéros de la revue Archistra (une partie des numéros manquants a été achetée).

Le Président rappelle enfin qu’il faut envoyer aux cinq lauréats de l’année dernière (la séance publique ne s’étant pas tenue à cause du confinement) les chèques que nous leur destinions.
Il conclut en évoquant l’inauguration de la deuxième tranche de travaux du château de la Salvetat-Saint-Gilles, présentée par notre confrère Jean-Louis Rebière, pour laquelle notre Société a été représentée.

Puis il donne la parole à notre confrère Bruno Tollon pour une communication intitulée Emblématique et Histoire de l’art :

embl1566chix-l.jpg

« On a peine aujourd’hui à prendre la mesure de la place qu’a pu tenir l’emblématique dans l’histoire non seulement culturelle mais aussi politique et sociale. Le choix de l’emblème pour un souverain de la Renaissance n’est pas moins médité que celui de la devise qui l’accompagne. Aussi, quand Charles IX décide de conserver cette dernière et de modifier le caractère de son emblème, ses raisons dépassent son goût propre pour se trouver en résonance avec les orientations générales de sa politique, jusque dans ses aspects internationaux. À petit signe, grands effets parfois. On pourra en juger dans un cas où l’emblématique vient apporter une preuve irréfutable dans la datation d’une œuvre. Dans ce cas l’emblématique apporte la preuve qu’elle mérite de rester l’indispensable auxiliaire de l’histoire de l’art, tout autant que de l’histoire. Deux dossiers toulousains nous intéressent à cet égard : travaux d’intérieur à l’Hôtel Molinier, et sur cour chez Jean Burnet, à celui du Vieux-Raisin. »

Le Président remercie Bruno Tollon de nous avoir parlé d’une très belle œuvre en faisant une lecture très savante. Il y aurait donc selon lui deux thèses : celle de Pascal Julien et de Colin Debuiche qui rattachent la cheminée au marché de construction, et la sienne qui renvoie à la date donnée par l’emblématique de Charles IX une fois les colonnes de ce dernier redressées. Selon Louis Peyrusse, il reste difficile de choisir un parti en l’absence de sources écrites. Il demande par ailleurs à l’orateur si l’on a des informations sur la culture de la famille Molinier. Il a été dit en effet que Gaspard Molinier possédait un ouvrage de Vitruve édité par Dominique Bertin, ce qui pourrait indiquer un intérêt du juriste pour l’architecture et la culture des arts. Bruno Tollon répond que cet ouvrage est un épitomé : il résume le texte de Vitruve et a été édité à Toulouse dans un petit format. Les exemplaires conservés se trouvent dans le fonds Pifteau à l’Arsenal et dans le fonds d’étude de la Bibliothèque Municipale de Toulouse. Sur l’un d’eux se trouvent les lettres masquées par des « gribouillis » que l’on a voulu interpréter comme un G et un M. Or les spécialistes d’épigraphie remettent en cause cette interprétation. On ne peut donc se servir de cet ouvrage pour évoquer la culture de la famille Molinier. Laurent Macé demande si le regard d’Hercule vers un des deux portraits figurés dans les médaillons, dans la partie supérieure de la cheminée, a une signification particulière et s’il y a une dialectique particulière entre les personnages de ces médaillons et le personnage central. Il ne s’agit pas bien sûr de vrais portraits, répond Bruno Tollon, et le personnage de gauche serait l’empereur Antonin le Pieux (face à Constantin). Guy Ahlsell de Toulza se rappelle que lors de sa dernière visite de l’édifice, il avait été dit que ces médaillons étaient en marbre, et il se demande par ailleurs si la cheminée a été sculptée à Toulouse ou si ses éléments ont été acheminés en caisses d’un lieu où se seraient trouvés le matériau et le sculpteur. Bruno Tollon, informé par notre confrère Gabriel Burroni, pense que l’on connaît plusieurs procédés pour imiter les beaux marbres ; ces éléments n’ont d’ailleurs pas été nettoyés comme le reste de la cheminée.

Haut de page