Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 05 JANVIER 2021

Séance privée
separateur

Commission pour les prix : désignation des rapporteurs.

Communication de Sophie Fradier : « Géo-topographie et typologie des hôtels particuliers toulousains (XVe-XVIIIe s.) ».

Toulouse, Hôtel Ricardy, état actuel (2017). © Cliché S. Fradier.

 

Depuis ces vingt dernières années, le profond renouvellement des études sur les grandes résidences urbaines en Europe a ouvert la recherche à de nouvelles perspectives, qui permettent notamment pour la période moderne de mieux envisager l’hôtel particulier dans ses dimensions spatiales et sociales. Partant de là, et pour répondre à une commande municipale, nous avons étudié les hôtels particuliers construits à Toulouse entre les XVe et XVIIIe siècles, en choisissant une approche globale élargie à l’ensemble du corpus afin de questionner tout particulièrement le rapport de l’hôtel à la ville. Tirant profit d’enquêtes réalisées sur le terrain avec le service de l’inventaire et de l’archéologie de Toulouse Métropole, de la lecture de sources écrites et iconographiques, ainsi que du recalage des cadastres anciens sur le cadastre actuel via l’application UrbanHist, il est possible d’apporter un éclairage inédit sur l’histoire de l’hôtel tant d’un point de vue chronologique que géographique et typologique.

 

 Jouvin de Rochefort et Nicolas de Fer, Extrait du plan de Tolose divisé en huict capitoulats}, 1678, gravure sur cuivre, 52 x 63 cm, Toulouse, Archives municipales, 20Fi259. © Archives municipales de Toulouse. Jouvin de Rochefort et Nicolas de Fer, Extrait du plan de Tolose divisé en huict capitoulats, 1678, gravure sur cuivre, 52 x 63 cm, Toulouse, Archives municipales, 20Fi259. © Archives municipales de Toulouse.

 

 

 

 


Présents  : M. Peyrusse Président, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry Bibliothécaire, Mme Napoléone Secrétaire-Adjointe ; Mmes, Bessis, Fournié, Merlet-Bagnéris ; MM. Cazes, Garrigou Grandchamp, Scellès, Sournia, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Dumoulin, Fradier ; membres correspondants.
Excusés : Mmes Balty, Jaoul, Nadal, Sénart, MM. Balty, Lassure, Macé, Marquebielle.

Louis Peyrusse se réjouit de voir la salle des séances se remplir à nouveau et recommande aux membres de bien se répartir dans la salle. Au titre des courriers reçus, il signale une carte de vœux que Georges Méric, le président du Conseil départemental, nous a adressée. Par ailleurs, trois travaux universitaires nous ont été envoyés pour le concours qui se tiendra au printemps :
- Céline LEDRU, Les chapiteaux du second atelier du cloître de l’ancien prieuré de Notre-Dame de la Daurade et leur rapport avec les arts précieux, Mémoire de Master 2 de l’Université de Lille, sous la direction de Marc Gilles (rapporteur Henri Pradalier).
- Clément BIROUSTE, Le magdalénien après la nature, une étude des relations entre humains et animaux durant le magdalénien moyen, Thèse de l’Université de Toulouse (rapporteur Benjamin Marquebielle).
- Hortense ROLLAND,Châsses peintes du sud-ouest de la France, Mémoire de master 2 sous la direction de Virginie Czerniak (rapporteur Quitterie Cazes).

Le président signale encore une série de notes parues dans le dernier numéro du Bulletin Monumental sur « Une maison du XVe siècle de Larroque-Bouillac à Livinhac-le-Haut en Aveyron », dont l’analyse architecturale a été faite par nos confrères Diane Joy et Gilles Séraphin, alors que le magnifique décor peint fait d’arbres et de fleurs a été étudié par Virginie Czerniak également membre de notre société.

À la séance prochaine se tiendra l’assemblée générale, et à cette occasion le président souhaiterait entretenir les membres des projets que nous pourrions mettre en place dans la perspective du bicentenaire de la société en 2031.
Il nous annonce ensuite que Daniel Cazes a offert à la bibliothèque de la société son dernier ouvrage ; il s’agit d’un petit fascicule sur la basilique Saint-Sernin de Toulouse :
- Daniel CAZES, La basilique Saint-Sernin de Toulouse, Lavaur 2020.
Puis, la secrétaire adjointe lit le PV de la dernière séance, adopté par l’assemblée avec un petit ajout.

Enfin, Louis Peyrusse donne la parole à notre consœur Sophie Fradier pour sa communication intitulée : L’hôtel particulier toulousain : symbole dormant de la mémoire d’une ville et de son territoire.

Le président félicite notre consœur pour cette reprise globale du problème de l’habitat, en liaison avec la fortune et le rang social des propriétaires. Il s’agit d’une synthèse méritante au regard des lacunes de la documentation et de l’état de conservation catastrophique de certains bâtiments. Il demande si cette étude permettra de relancer la protection de cet ensemble d’édifices. En 2017-2018, lorsqu’a débuté cette enquête, répond Sophie Fradier, une liste de monuments protégés a pu être établie, ainsi que de ceux très nombreux qui ne le sont toujours pas ; cette liste a été communiquée à la DRAC. Les protections datent pour la plus grande partie de la fin XIXe-début XXe, et des années 1990, puis, le PSMV devant, selon l’État, prendre le relais, le corpus ne s’est pas élargi. Notre consœur avoue cependant ne pas avoir connaissance d’une campagne de protection globale de cet ensemble d’édifices. Daniel Cazes se dit également très séduit par cette nouvelle approche des hôtels toulousains. A-t-on une idée, demande-t-il, du nombre d’hôtels bâtis entre le Moyen Âge et le XVIIIe siècle, détruits aux XIXe et XXe siècles, suite notamment aux percements de la rue Alsace, de la rue de Metz et de la rue Ozenne, mais aussi aux démolitions du quartier Saint-Georges ? Notre consœur avoue ne pas en avoir idée, il paraîtrait alors intéressant d’un point de vue scientifique d’évaluer autant que possible ces démolitions et de donner leur contexte. Daniel Cazes se demande encore s’il est possible de mieux définir le mot « hôtel » de façon par exemple à établir une limite nette avec la « propriété de campagne », beaucoup d’hôtels ayant été bâtis hors les murs. Il pense en particulier au magnifique domaine de Frescati, tout près de la ville : le bâtiment était-il un hôtel, un château, une folie ? La question peut être posée pour bien d’autres édifices et mériterait sans doute d’être abordée ici pour élargir l’étude. Revenant sur la conservation et la mise en valeur de l’ensemble des hôtels toulousains, notre trésorier pense que la municipalité toulousaine porte malheureusement peu d’intérêt à ce patrimoine, contrairement à celles de Dijon, de Bordeaux ou de Lyon qui ont une réelle vision patrimoniale. Puis il se dit farouchement opposé aux appellations d’« hôtel capitulaire » ou de « tour capitulaire » qu’il faudrait, selon lui, bannir. En effet, les capitouls sont choisis pour leurs qualités dans le domaine de l’administration et ne sont désignés que pour un an ; la fortune ayant permis la construction d’un hôtel s’étant constituée, bien évidemment, avant l’accession à la charge capitulaire. La plupart des capitouls n’ont jamais habité dans un hôtel mais dans une maison ou un appartement. Maurice Scellès fait d’ailleurs remarquer qu’il n’y a pas de désignations équivalentes dans les autres villes de France. Bruno Tollon veut faire remarquer à notre trésorier que ces appellations sont l’héritage de Jules Chalande qui, dans son ouvrage descriptif des édifices des rues de Toulouse, n’a donné d’importance qu’aux familles de capitouls ; il reste donc à renouveler cette étude. Il demande à notre consœur pourquoi son enquête n’a pas englobé le Moyen Âge dont les hôtels ont contribué à structurer la ville. Daniel Cazes propose encore à la conférencière de se pencher sur la destinée, le plus souvent méconnue, des éléments artistiques dispersés ayant appartenu aux hôtels toulousains. Dans le meilleur des cas, dit-il, ils se trouvaient au Musée, ou au terrain Maury (faubourg Bonnefoy) où la ville de Toulouse avait entreposé beaucoup d’éléments provenant entre autres de démolitions entreprises depuis le XIXe siècle. Tous les éléments récupérés de la tour de Rivière, par exemple, s’y trouvaient avant d’être transférés dans les réserves du Musée des Augustins. D’autres éléments ont été remployés dans les bâtiments neufs, comme la porte de cet hôtel remontée dans l’impasse de la cathédrale, constituant un accès secondaire de la préfecture, et ce, sans être signalée par un cartel. Dans la plupart des cas malheureusement, les éléments provenant des démolitions ont été récupérés par des particuliers ou des antiquaires. Ce serait là une piste, certes difficile à suivre, mais qui permettrait encore d’enrichir cette étude. Michelle Fournié se dit très intéressée par le vocabulaire employé dans les textes pour mentionner les hôtels. Au XIVe siècle, le terme hospicium, est le seul mot latin qu’elle a rencontré dans sa documentation, désignant des bâtiments de tailles très différentes. Elle voudrait savoir si le lexique est plus varié ou plus précis à partir de la Renaissance. Maurice Scellès fait remarquer qu’on rencontre les termes de maio ou d’ostal, qui sont équivalents, dans les textes du Moyen Âge, accompagnés parfois d’un qualificatif « grand » ou « petit ». La conférencière répond que c’est aussi le mot ostal qui est employé, puis celui d’hôtel mais seulement à partir de l’extrême fin de l’époque moderne et au XIXe siècle. Le terme ne semble pas recouvrir une même réalité architecturale puisqu’il peut désigner aussi bien un immeuble qu’une maison, vraisemblablement parfois dans un souci de marketing urbain, ce que suggère la lecture des permis de construire du XIXe siècle. Louis Peyrusse voudrait savoir sous quelle forme sera finalisé ce travail d’inventaire de recherche et de synthèse. Sophie Fradier répond que cette étude sera publiée dans nos Mémoires, accompagnée de cartes. Notre président demande encore si la vie sociale sera abordée. Notre consœur répond qu’elle ne dispose pour l’instant que d’études de cas pour la période du début du XVIIe siècle, qu’elle a effectuées dans le cadre de sa thèse et qu’il faudrait sans doute élargir les recherches. Par ailleurs, elle rappelle que l’axe privilégié pour cette étude n’était pas celui des sources écrites. Valérie Dumoulin se demande si une carte tenant compte, non pas des charges capitulaires mais des corps de métiers ne serait pas éclairante sur le plan social évoqué précédemment. Aborder cet aspect serait certainement très intéressant pense Sophie Fradier mais le résultat resterait malheureusement très partiel car l’étude historique d’une grande partie de ces hôtels n’est toujours pas faite. Pierre Garrigou Grandchamp est ravi de voir en cette étude le signe qu’une étude globale de l’habitat toulousain pourrait être envisagée. Il voudrait revenir sur les problèmes de définition qui ont largement animé ce débat et se demande si nous ne mélangeons pas deux notions : les types architecturaux et les programmes de vie, sociaux et fonctionnels. Nous rencontrons, dit-il, les mêmes difficultés pour aborder les grandes demeures médiévales. Nous construisons des concepts architecturaux comme les demeures « en forme d’hôtel » avec plusieurs corps de bâtiments et cours ou des « maisons-tours » par exemple, ces dernières pouvant être habitées par des chevaliers comme par des bourgeois. En revanche, comme cela avait été bien défini par Bernard Sournia à Montpellier, les maisons peuvent avoir des fonctionnalités différentes, certaines ont un logis avec des magasins et des lieux de stockage tandis que d’autres sont des résidences pures. Nous avons tendance, continue-t-il, à reconnaître les hôtels dans cette seconde catégorie. Dans ce type d’étude, il sera peut-être nécessaire de distinguer les formes architecturales des programmes. Ces programmes peuvent également intégrer des locations, ajoute Bruno Tollon : les textes ont montré par exemple que l’hôtel de Bagis comptait 5 logements destinés à être loués.
Guy Ahlsell de Toulza voudrait revenir sur « la destinée, le plus souvent méconnue, des éléments artistiques dispersés ayant appartenu aux hôtels toulousains » évoquée plus haut par Daniel Cazes en signalant le château de Castelfranc bâti par la famille de Solages à côté de Montredon-La Bessonnié où il existe une galerie avec des chapiteaux évoquant des chapiteaux de cloître et des décors sur la façade principale (bâtie au milieu du XIXe siècle) très proches de ceux qui se trouvent sur les baies de la maison d’angle de la rue Joutx-Aigues et de la rue des Filatiers à Toulouse (femmes libellules aux ailes étendues sur la croisée). Cette façade est d’ailleurs remarquable pour l’intégration et la réutilisation d’éléments de décors anciens. Les dépouilles de ces anciens hôtels toulousains ont donc pu partir assez loin de Toulouse.
Daniel Cazes est persuadé qu’il ne s’agit pas là d’un cas isolé et déplore que de nombreux vestiges de décors d’hôtels toulousains de la Renaissance ou du XVIIIe siècle - patrimoine public -, nourrissent les fonds de commerce des antiquaires un peu partout et notamment les parisiens... et pas seulement les antiquaires parisiens. Maurice Scellès rappelle que le secteur sauvegardé de Toulouse a été instruit dans les années 1980 et qu’il n’a pas été adopté par la municipalité : il est donc toujours en cours d’instruction et c’est à l’architecte des bâtiments de France qu’il revient de décider ce qui doit être conservé. Ces dernières années, poursuit-il, à l’occasion de l’amélioration de l’habitat du quartier de la Bourse, en particulier dans la rue de la Dalbade, on a vu massacrer et vider les principaux bâtiments. On est amené à penser que l’adoption du secteur sauvegardé a été retardée jusqu’au moment où la protection du patrimoine ne serait plus une gêne pour les opérations immobilières. Guy Ahlsell de Toulza fait remarquer que le projet qu’il avait eu avec Hélène Kemplaire d’ouvrir les hôtels et de trouver des subventions municipales pour la rénovation des façades et des cours intérieures est resté sans suite.
Notre trésorier nous informe enfin qu’à la moitié du mois de décembre, en retirant des baguettes, dans le salon du premier étage de l’Hôtel de pierre, il a découvert un décor mural, vraisemblablement une frise sous plafond, avec un motif de jeux de blasons (du XVIe siècle ?) ou de grotesques. Il promet de nous en montrer des photos à la prochaine séance.


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