Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 16 MARS 2021

Séance privée
separateur

Communication de Jacques Dubois : Un grand chantier méconnu des années 1500 : la cathédrale d’Auch.
Séance en visio-conférence.

De la cathédrale d’Auch, auteurs anciens et chercheurs récents ont surtout retenu les parties construites à partir du milieu du XVIe siècle, son achèvement au siècle suivant et ses deux ensembles Renaissance de vitraux et de stalles. Le chevet, remontant aux années 1500, a très peu été regardé. Or, son parti et les formules architecturales mis en place signalent un monument qui n’a pas la place qu’il mériterait dans l’historiographie des grands chantiers de la fin du Moyen Age. L’étude du bâti et les connaissances récentes du fonctionnement des chantiers permettent une révision de la chronologie admise jusque-là. Si des sources attestent bien plusieurs projets de reconstruction depuis la fin du XIIIe siècle, il aura fallu attendre le début des années 1490 et la bonne volonté de l’archevêque Jean de la Trémouille à verser sa contribution financière pour voir enfin sortir de terre le chevet. Une nouvelle ampleur est alors donnée à la construction sous la direction d’un maître d’œuvre créatif, dont l’identité ne peut plus faire de doute aujourd’hui. L’étude stéréotomique des maçonneries montre à quel point le chantier de la cathédrale s’inscrit, comme ses contemporains, dans la modernité et le phénomène de circulations et d’échange des hommes et des techniques entre Normandie et Pays de la Loire.
L’actualité des recherches sur la dernière phase du gothique tardif de ces dernières années permet donc une réévaluation complète du monument dont le chantier apparaît comme un foyer majeur des années 1500.


16 MARS 2021 (séance en visioconférence)

Présents : M. Peyrusse Président, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry Bibliothécaire, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone Secrétaire-Adjointe ; Mmes Bessis, Czerniak, Fournié, Haruna-Czaplicki, Merlet-Bagnéris, Pousthomis-Dalle ; MM. Garland, Macé, Scellès, Sournia, Surmonne, membres titulaires ; Mmes de Barrau, Dumoulin ; MM. Bru, Dubois, Mattalia, Penent, Pousthomis, Rigault ; membres correspondants.
Excusé : M. Cazes

Louis Peyrusse ouvre la séance par la lecture d’un courrier que nous adresse la Mairie de Toulouse. Celle-ci invite le président à participer à la cinquième commission locale de l’Unesco qui se tiendra le 22 mars pour élaborer le plan de gestion de ses biens à Toulouse, à savoir la basilique Saint-Sernin et l’Hôtel-Dieu. Louis Peyrusse se rendra à cette réunion. Par ailleurs, notre consœur Virginie Czerniak nous informe que la société française d’archéologie tiendra son congrès dans le département du Gers en 2023. Chargée de la coordination scientifique de cette rencontre, elle fait appel aux suggestions des membres de notre société.
Notre président annonce enfin l’achèvement du volume 2017 de nos Mémoires, dont il a terminé la relecture ; il devrait paraître avant la fin du printemps. Il remercie notre présidente Adriana Sénart pour sa coordination éditoriale et nous informe par ailleurs que le volume 2019 est en préparation et que la secrétaire adjointe commence à récolter les textes pour le volume double 2020-2021.

Puis, la compagnie se constitue en assemblée générale pour entendre les rapports du président, du trésorier et du bibliothécaire avant de voter aux élections statutaires pour les postes de directeur, de secrétaire-adjoint et de trésorier.

Rapport moral du président :
Ce rapport échappera à l’emprise nécessaire de bons sentiments et à l’optimisme volontariste, lois du genre. J’ai été élu président de la Société le 21 janvier 2020, après la lecture du bilan tiré par notre très chère Émilie Nadal et ma « pesée » annuelle est maigre. Le calendrier des séances a été percuté à trois reprises, en mars avec le confinement général de la population, en novembre avec l’annulation des visites, puis le couvre-feu avancé de 20 heures à 18 heures, rendant impossible toute séance physique. Honnêtement, la présidence n’a pas su réagir à temps pour passer immédiatement à la vidéo-conférence. Nous nous bercions d’illusions d’un retour rapide à la vie normale. Deux essais en février, avec une conférence de Virginie Czerniak et une commission restreinte pour l’examen des manuscrits soumis au concours, ont abouti le 2 mars à la nouvelle formule de ces séances via Zoom qui va être désormais notre ordinaire. Jusques à quand ? Espérons et disons au passage toute notre gratitude à l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres qui nous fait partager son application. Nous avons dû renoncer aux séances publiques de 2020 et 2021. Rappelons qu’elles n’existent que depuis peu, 1869, soit 38 ans après la fondation. Était alors à la manœuvre Émile Cartailhac, âgé de 24 ans, qui poussa aussi la Société à éditer un Bulletin, à côté des Mémoires. On doit à cette génération de la fin du second Empire un spectaculaire redémarrage de notre Société.

Malgré ces déconvenues, arrêt brutal de mars à juin, reprise poussive en octobre arrêtée en novembre, nous avons entendu quelques beaux travaux où le Moyen âge se taille la part du lion : les poutres peintes du collège de Foix par Valérie Dumoulin, la collégiale d’Orthez par Bernard Sournia, la restauration de la chapelle d’Ourjout par Jean Louis Rebière et Anne Boussoutrot, la charte de Landeyrat par Jean Luc Boudartchouk et Patrice Cabau, la première partie d’une étude sur la sculpture romane entre Aulnay et Cahors par Olivier Testard. J’y ajoute la discussion menée par Maurice Scellès sur les moyens à adopter pour sauver les maisons médiévales de la ruine, achat ou non. La période moderne suit avec trois communications : Bruno Tollon se fonde sur les emblèmes de Charles IX pour maintenir les datations d’œuvres de la Renaissance, Sophie Fradier nous a présenté une synthèse de son étude des hôtels particuliers de Toulouse, Stéphane Piques enfin nous a fait découvrir deux centres producteurs de céramiques des Petites Pyrénées dont on peut dater la production grâce à un détour américain. Il nous faudrait rattraper les séances prévues pour Hiromi Haruna Czaplicki, Catherine Viers, Laurent Macé et Olivier Testard. Notre volume double 2020-2021 ne devrait pas démériter. Mais j’aurais tendance à appliquer à notre activité empêchée les mots d’une féministe américaine, Camille Paglia, qui décrit « l’état professoral normal : un mélange de ressentiment, d’aliénation, de tergiversation passive et d’inaction ».

Comment en sortir ? Je ne crois pas trop que la crise sanitaire soit l’occasion d’une remise en cause (toujours salutaire !). Je crois en revanche au travail collectif et à notre chance d’être un organisme indépendant fédérant des gens de bonne volonté, venus d’horizons divers et œuvrant pour le bien commun. Des chantiers ouverts ou à ouvrir, je rappelle l’édition des procès-verbaux inédits des années 1831-1869. Guy de Toulza a photographié le premier registre de ces PV ; il nous faut des petites mains et des têtes pensantes pour la saisie et l’élaboration des index. Il conviendrait de même que l’édition électronique de nos publications soit complète sur Gallica. À ma grande stupeur, il manque des volumes du Bulletin. Enfin, dans la perspective pas si éloignée de notre bicentenaire, il nous faut dresser le catalogue des collections de la Société. Et l’on espère que les générations montantes voudront bien ouvrir un blog pour une protection réactive du patrimoine, moyens d’aujourd’hui même si ceux d’hier, les publications restent pour nous prioritaires, car essentiels.

Maurice Scellès félicite le bureau d’avoir mis en place le système de séances en visioconférence et constate que les membres qui se connectent ne sont pas forcément ceux qui fréquentent habituellement notre salle de l’hôtel d’Assézat. Il pense qu’il faudra conserver ce système, lorsque la crise sanitaire sera passée, de façon à permettre aux membres correspondants qui ne résident pas à Toulouse de suivre nos conférences. Le président approuve cette proposition mais rappelle que nous utilisons pour l’instant les codes que l’Académie des Sciences nous a aimablement transmis et qu’il faudra alors songer à avoir notre propre abonnement.

Puis il passe la parole à Guy Ahlsell de Toulza pour nous présenter le bilan financier de la société pour l’année.

Les Mémoires publiés chaque année par la Société archéologique du Midi nous permettent d’accroître, par échanges, nos collections de périodiques ; nous sommes sur le point d’envoyer 161 exemplaires du volume LXXVIII, en France, en Europe et même hors d’Europe (en Suisse, au Maroc et depuis peu au Royaume-Uni, Brexit oblige !). Il faut remercier Guy Alhsell de Toulza pour avoir efficacement géré nos rapports avec les services de la Poste. Avant lui, Michèle Pradalier avait assumé pendant longtemps cette responsabilité.
Parmi les acquisitions réalisées en 2020, soit à titre gracieux soit à titre onéreux, je signalerai l’ouvrage récent de Sophie Brouquet : Toulouse, une capitale culturelle et artistique à la fin du Moyen Âge ainsi que celui offert début janvier par Daniel Cazes, la basilique Saint-Sernin ; d’autre part notre trésorier nous a permis de compléter en grande partie la revue Archistra qu’avait fondée en 1972 Pierre Salies et qui a paru jusqu’à la mort de celui-ci en 2002. Cette revue mensuelle est une mine d’informations sur l’histoire de la France méridionale ; Pierre Salies à qui Lucien Remplon a rendu hommage dans un récent numéro de l’Auta, en était à la fois l’auteur, l’imprimeur et le diffuseur.
Nous avons entrepris, il y a trois ans, la refonte complète du catalogue de la bibliothèque pour le rendre consultable en ligne. Le recul que nous avons aujourd’hui, par rapport à cette initiative, nous conforte dans le choix qui a été fait. D’abord c’est un hommage rendu à tous ceux qui nous ont précédés, à tous ceux qui ont cherché, travaillé, publié avant nous : en répertoriant des publications souvent anciennes, ne sommes-nous pas en accord avec la devise de notre Société : « Gloriae Majorum » ? Ensuite le nouveau catalogue, en cours de réalisation, apparaît comme un inventaire précis, désormais accessible à tous, des ouvrages et des œuvres que possède la Société archéologique du Midi de la France : livres, périodiques, cartes, dessins, aquarelles, estampes, photographies et bientôt objets divers. Ils sont peu à peu décrits selon de nouveaux standards, enregistrés, cotés, clairement signalés. Un certain nombre d’entre eux (en particulier les documents graphiques) n’avaient jamais été identifiés à ce jour. Geneviève Bessis a pris part à leur description, tandis que Georges Cugullière enregistrait et rangeait les périodiques au fur et à mesure de leur arrivée. En outre, la base des auteurs figurant dans ce corpus a été revue et normalisée par Jacques Surmonne, auquel on doit beaucoup d’excellentes notices. Tous trois méritent notre reconnaissance : merci et bravo pour ce qu’ils ont fait avec compétence et constance. Enfin, ce chantier ne prend toute sa signification que si on le considère comme un outil destiné à faciliter le travail des chercheurs, qu’ils soient ou non membres de notre Compagnie. Si les Mémoires sont le fer de lance de la Société archéologique, la bibliothèque en est le trésor de guerre !
Ce catalogue en ligne comporte à ce jour un peu plus de 8.600 notices. Les deux confinements ne nous ont pas empêché de l’alimenter régulièrement, bien au contraire ; grâce au télétravail, de nombreuses brochures ont grossi le corpus que nous avions déjà constitué au cours des trois dernières années : parmi elles, des tirés à part, de minuscules articles de 3 ou 4 pages, des publications plus importantes (de 15, 20, voire cinquante pages ou plus), des coupures de presse, des textes multigraphiés ou photocopiés, des opuscules dont les feuilles n’avaient pas encore été coupées, toute une documentation précieuse léguée par les anciens membres de notre Société qui ont publié non seulement dans des revues locales ou régionales mais aussi dans des revues éloignées du Midi de la France et parfois même dans des revues étrangères. Ces tirés à part, que leurs auteurs ont souvent gratifié d’un hommage manuscrit, témoignent de l’attachement que ces derniers portaient à la Société archéologique. On peut les retrouver aisément, dans notre catalogue, soit par noms d’auteurs, soit par mots du titre.
Les ecclésiastiques, au cours de la première moitié du XXe siècle, occupent une place privilégiée au sein de nos collections : songeons à l’abbé Jean Lestrade qui compte à lui seul 191 notices, faisons aussi mémoire de Firmin Galabert, de Jean Contrasty, de Raymond Corraze, de Mgr Célestin Douais, de Mgr Clément Tournier, sans oublier le chanoine Achille Auriol, et plus près de nous l’abbé Baccrabère ou le Père Montagnes. Nous avons rencontré, chemin faisant, d’admirables instituteurs, comme Albert Carrière qui enseigna dans l’Aveyron, à Peyreleau, au moment de la première Guerre mondiale et rédigea des centaines de pages, souvent inédites, sur sa terre natale à laquelle il demeura fidèle : nous conservons, ici, l’essentiel de sa production ; il fut plusieurs fois primé par notre Société. Par ailleurs la liste serait longue s’il fallait citer les grandes figures du passé dont les travaux font toujours autorité, d’Henri Graillot à Michel Labrousse, du comte Begouën à Michel Roquebert, de Félix Pasquier à Robert Mesuret ou Maurice Prin. Le centenaire de la mort d’Émile Cartailhac que l’on va commémorer cette année nous a permis de faire le point sur les œuvres manuscrites ou imprimées de cet éminent préhistorien (soit, au total, une quarantaine de notices), sans parler des nombreuses publications qui lui ont été dédicacées par des savants du monde entier. Toutes les époques sont représentées dans notre fonds ainsi que les disciplines les plus diverses : préhistoire, histoire ancienne, médiévale et moderne, archéologie, numismatique, architecture, peinture et sculpture, muséographie, histoire du livre, diplomatique, géographie, géologie, urbanisme, démographie, littérature, étude des courants religieux et des traditions populaires. Au risque de me répéter, nous nous efforçons de porter à la connaissance de chacun le moindre volume, la moindre brochure, la moindre image, le moindre objet qui forment les éléments constitutifs de la bibliothèque. Nous devrions atteindre 10.000 notices à la fin de cette année et 12.000 l’année prochaine ; à ce moment-là nous ne serons pas loin de toucher au but : avant trois ans le contenu du nouveau catalogue aura absorbé l’ancien et comportera même un certain nombre de documents qui ne s’y trouvaient pas.
Comme le rapport du bibliothécaire peut vous paraître un peu désincarné pour ne pas dire fastidieux, je voudrais vous présenter brièvement quelques échantillons des trésors, pièces remarquables ou témoignages de valeur que renferme notre bibliothèque.

Les rapports moral et financier sont soumis au vote et approuvés.
Quitus est également donné au trésorier.
Enfin, l’augmentation de la cotisation remporte 22 voix « pour » et une « contre ».

Dans le cadre des élections statutaires, les membres titulaires doivent voter pour le renouvellement des directeur, secrétaire-adjoint et trésorier, puisqu’aucun autre membre ne s’est porté candidat.
Les votes reconduisent nos trois confrères à leur poste.

Par ailleurs, le bureau demande à l’assemblée d’élire deux membres titulaires : Virginie Czerniak et Jean-Pierre Suzoni. Cette demande est acceptée.
Enfin, l’assemblée doit élire Jérôme Kérambloch nouveau membre correspondant, actuellement assistant de conservation au Musée du Vieux Toulouse.
Jérôme Kérambloch est élu.

Louis Peyrusse passe enfin la parole à notre confrère Jacques Dubois pour une communication longue intitulée Un grand chantier méconnu des années 1500 : la cathédrale d’Auch.
Le président remercie le conférencier pour cette relecture de l’histoire de la cathédrale abondamment nourrie de détails : les dotations, les directions de chantiers, le tout étayé par de nombreuses comparaisons avec les mises en œuvre d’édifices contemporains. Il donne la parole à notre consœur Françoise Merlet-Bagnéris spécialiste de l’histoire de la cathédrale d’Auch. Celle-ci reconnaît n’avoir pas pu, pour diverses raisons, approfondir autant que Jacques Dubois la période allant de 1400 à 1500 dans la thèse qu’elle a faite sur l’édifice il y a quarante ans de cela. L’articulation entre la cathédrale et les bâtiments canoniaux dont il a été question l’avait aussi beaucoup préoccupée. Pour cette période, elle avait dénoncé la date de 1489, pose de la première pierre, qui lui semblait erronée. Par ailleurs, l’évocation d’une première mise en chantier à partir de 1288 et d’indulgences données pour deux ans pour une éventuelle campagne de modernisation, restent à son sens des hypothèses. Les bâtiments canoniaux l’avaient beaucoup intéressée car elle avait découvert leur existence avec le plan conservé aux archives départementales du Gers. Notre consœur félicite enfin Jacques Dubois pour son analyse des contreforts ornés des blasons des archevêques, dont elle avait analysé les emplacements avec Marcel Durliat, et elle avoue qu’elle espérait que la consultation des sources écrites - notamment les notaires d’Auch -, qu’elle n’avait pas pu faire, se serait avérée plus fructueuse. Elle signale enfin que des fouilles seraient en vue place Salinis. Jacques Dubois reconnaît qu’il a dû travailler avec très peu de sources. Concernant la date de 1288, étant donné que d’autres cathédrales se lançaient dans des chantiers, il lui paraît logique que celle d’Auch ait suivi le mouvement et ce d’autant plus que le diocèse, très étendu, était un des plus riches du royaume ; c’est selon lui une hypothèse vraisemblable. Il regrette par ailleurs de n’avoir pu évoquer aujourd’hui d’autres aspects comme les modifications de projets concernant la crypte, dont la fonction limitée dans un premier temps au support des chapelles supérieures, fut modifié vers 1500 avec le transfert des reliques des saints Taurin, Léothade et Austinde depuis Saint-Orens. Cet évènement est sans doute à mettre en parallèle avec la réactivation de cultes populaires au profit de de la cathédrale de façon à augmenter l’apport financier destiné aux chantiers. Françoise Merlet-Bagnéris revient sur les fouilles à venir, et espère qu’elles pourront apporter des informations sur le cloître qui se trouve sous la place Salinis et affiner les dates des différentes campagnes de constructions, notamment celle de 1430 qui n’est pas documentée par les textes.
Virginie Czerniak se réjouit des futures fouilles programmées sur la place Salinis, espérant que de nouvelles informations pourront être présentées au congrès de 2023.

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