Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 4 janvier 2022

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Communication de Bernard Sournia : Le rond point champenois de la cathédrale de Bayonne

A défaut de documents d’archives (incendiés en 1908) l’on se propose de reconstituer la chronologie de la cathédrale par une observation fine du bâtiment lui-même et de situer l’ouvrage par analogie avec quelques uns des modèles dont s’est inspiré l’architecte de Bayonne. Parmi ces modèles, une importance décisive revient à quelques réalisations du domaine champenois, calqués, parfois, au centimètre et à la moulure près ! Ces emprunts donnent d’intéressants points de repère chronologiques pour situer le chantier bayonnais. L’analyse architecturale adopte le parti pris d’une sorte de chronique de chantier, procédé d’exposition qui a la propriété de mettre en évidence des enchaînements et des connexions autrement inapparents. Le dessin est un autre auxiliaire de l’enquête, d’une incomparable efficacité heuristique. L’étude, prévue pour embrasser l’histoire entière de la cathédrale, ne s’occupe pour l’instant que d’en reconstituer le projet, d’analyser la construction de son rond point ainsi que celle, concomitante, du cloître.

Présents : M. Peyrusse Président, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone Secrétaire-Adjointe ; Mmes Andrieu, Cazes, Czerniak, Fournié, Jaoul ; MM. Cazes, Garland, Garrigou-Grandchamp, Scellès, Sournia, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Caucanas, Rolland ; MM. Kérambloch, Mattalia, membres correspondants.
Excusés : Mmes Balty, Ledru, Machabert et Pradalier ; MM. Balty et Péligry

Le Président salue l’assemblée à qui il présente ses vœux pour cette nouvelle année. Il accueille plus particulièrement Sylvie Caucanas nouvellement élue membre correspondant de notre société.
Au titre des courriers reçus, Louis Peyrusse rappelle qu’on a fait suivre aux membres le lien envoyé par le Musée national Suisse, permettant une visite en 3D de l’exposition sur les stèles néolithiques « Les hommes debout » (traduction du titre allemand). Il nous annonce en outre que notre stèle rejoindra la salle des séances le 28 janvier au matin.
Le président nous avise par ailleurs que deux candidatures au concours nous sont parvenues. Il s’agit tout d’abord de la thèse, envoyée pour l’instant sous la forme d’un fichier numérique, de Jules Masson Mourey qui a écrit dans le catalogue d’exposition suisse la notice sur notre stèle des Montels. Cette thèse a été soutenue à l’Université d’Aix-Marseille en novembre dernier et porte sur près de 250 stèles néolithiques du sud-est de la France. Sont incluses également celles du Massif central et du Rouergue. Il précise, suite à une remarque de Maurice Scellès, que la version papier de ce travail nous sera envoyée plus tard ainsi qu’une lettre de candidature, selon les règles instaurées pour tous les candidats. Le Président espère que Benjamin Marquebielle voudra bien accepter d’être le rapporteur de ce travail.
Nous avons également reçu un Mémoire de Master 2 rédigé par Marion Ortiz, Les plafonds peints du château de Pomas (Aude), soutenu en juin 2021 à l’université de Toulouse Jean-Jaurès, sous la direction de notre consœur Virginie Czerniak. Louis Peyrusse précise par ailleurs que nous accepterons les dossiers de candidature jusqu’au 18 janvier (et non jusqu’au 15).
Il signale aussi que la bibliothèque d’étude et du Patrimoine de la rue du Périgord a enfin ouvert l’exposition Cartailhac. Celle-ci est très riche en documents grâce aux archives de la famille Bégouen. Un petit film est présenté, mais celui-ci prend le personnage par les marges. En effet, François Bon présente l’archéologue pour la partie université où Cartailhac n’était qu’un orateur invité. Il est aussi question des décors pariétaux et des relations avec la famille Bégouen. Son énorme travail dans les revues, les congrès et les sociétés savantes est à peine évoqué. On y voit en revanche les plaques photographiques avec lesquelles il illustrait ses cours publics ainsi que ses notes de préparation, abondamment raturées, témoignant d’une éloquence très troisième République. Notre Président conseille donc vivement à l’assemblée d’aller voir cette exposition tout à fait remarquable.
Il nous rappelle par ailleurs que nous nous retrouvons dans quinze jours pour une assemblée générale, c’est donc aujourd’hui la dernière séance qu’il préside. Il fait appel à d’éventuelles candidatures, bien que le bureau ait déjà sollicité notre consœur Virginie Czerniak. C’est elle qui décidera sans doute, si la séance publique se tiendra le 20 ou le 27 mars, si seulement elle peut se tenir.
Notre trésorier prend la parole pour faire le point sur les cotisations. Il dit avoir envoyé en décembre pas moins de 55 rappels de cotisation et sur deux années pour plus de la moitié. Le covid est incontestablement la cause principale de ce retard. À l’heure actuelle, les cotisations commencent à entrer et nous sommes invités à payer celle de 2022 dès à présent. Nous déplorons cependant la démission d’un de nos membres archéologue, Frédéric Veyssières, qui ne peut plus venir assister à nos séances.
Daniel Cazes demande la parole pour nous transmettre une information qui lui a été donnée par notre confrère Xavier Barral i Altet. Il s’agit d’un double congrès de sigillographie qui aura lieu l’année prochaine. Une partie se tiendra en novembre à Barcelone, organisée par l’Institut d’études catalanes, elle sera consacrée à la sigillographie médiévale en Catalogne et dans les territoires de la couronne d’Aragon dans un contexte européen. Un autre colloque lui succèdera, toujours en novembre, à Naples, organisé par l’Université Frédéric II, qui traitera plus particulièrement de la sigillographie féminine dans l’Europe méditerranéenne, catalano-aragonaise et angevine. Ce double congrès sera donc très important et constituera un lien entre l’université de Naples et l’Institut d’études catalanes dans ce domaine de recherche particulier. Daniel Cazes regrette l’absence de notre confrère Laurent Macé qui aurait été très intéressé par la nouvelle de cette manifestation. L’information lui sera transmise.

Le Président passe enfin la parole à notre confrère Bernard Sournia pour une communication longue : Le rond-point champenois de la cathédrale Sainte-Marie de Bayonne.
Il remercie l’orateur pour cette enquête passionnante sur un édifice majeur pour l’implantation de l’architecture du nord dans le Midi et qui est aujourd’hui si difficile à lire. Il se dit frappé par ce roman de la cathédrale qui nous a été offert, un peu à la manière de Fernand Pouillon dans Les pierres sauvages. Cependant, qu’en est-il de la firme rémoise ou champenoise à Bayonne ? Bernard Sournia a le sentiment que l’artiste qui a dessiné les chapelles absidiales est particulièrement talentueux : en témoignent la remarquable qualité d’exécution et sa géométrie impeccable. On sent, selon lui, la présence d’un chef d’équipe exigeant et doué. Il a sans doute fallu, en arrivant sur place, établir le relevé de la vieille cathédrale, effectuer des visées pour bien fixer les axes. Il a fallu également s’enquérir des matériaux pour les maçonneries et les encadrements de baies. Il a fallu enfin, calculer la profondeur des fondations. Ce travail préalable a été fait par un « architecte » sans doute accompagné de deux ou trois assistants. S’agissait-il d’une compagnie de maçons champenois ? C’est probable, ayant œuvré sur les chantiers d’Amiens et de Reims dans les années 1250-1260. Comment expliquer, reprend Louis Peyrusse, si on a une telle sophistication du dessin architectural, la relative médiocrité de la sculpture ? Notre confrère reconnaît ne pas s’être penché sur le problème de la sculpture. Le portail sculpté du croisillon sud dont il a été question a été construit dans la lancée du cloître par l’équipe des Champenois mais avec une moindre qualité d’exécution. Enfin, remarque notre Président, visiblement l’évêque et le chapitre avaient les moyens pour lancer un tel chantier et de faire appel à une équipe de qualité, comment à partir de la documentation publiée au XIXe siècle, peut-on juger de l’état du diocèse de Bayonne au milieu du XIIIe siècle ? Notre confrère préfère ne pas se lancer dans cette question purement historique.
Virginie Czerniak voudrait savoir quelles archives ont été détruites. Toutes les archives épiscopales, ainsi que celles du chapitre cathédral ont été brûlées en 1908, répond notre confrère, et seules subsistent celles concernant les restaurations du XIXe siècle, qui rendent compte quelquefois de l’état du monument avant restauration. Émile Boeswildwald qui a été l’architecte diocésain chargé des restaurations à partir des années 1850 et jusque vers 1885, a œuvré sur cette cathédrale avec talent mais sans grand scrupule archéologique. Il a remplacé, par exemple, les remplages flamboyants des fenêtres du transept par des remplages rayonnants. Virginie Czerniak est admirative devant les dessins réalisés par notre confrère qui en plus d’être beaux sont très pédagogiques. Bernard Sournia répond que dessiner lui permet de comprendre le monument et de visualiser ses hypothèses. Tout en suivant constamment les conclusions d’Élie Lambert, son propos a surtout été d’étudier en détail le déroulement du chantier, qui n’a pas précisément intéressé E. Lambert, et qui fait ressortir des données essentielles sur le processus d’élaboration et d’évolution du projet, le dessin se donnant pour objectif de dresser une image complète et détaillée d’un édifice regrettablement peu connu. Le président rappelle qu’Élie Lambert a été membre de notre Société au moment où il était réfugié à Toulouse pendant la guerre à cause de la persécution nazie. Il était par ailleurs agrégé d’allemand et s’est passionné pour l’Espagne et l’art musulman. Daniel Cazes ajoute qu’il lui semble qu’Élie Lambert voulait faire de Bayonne une étape dans la diffusion de l’architecture gothique vers les grandes cathédrales de Castille, Léon, Burgos… Il demande ce que l’on peut en penser aujourd’hui à la lumière des études récentes effectuées sur les cathédrales espagnoles. Bernard Sournia répond qu’en 1234, un comte de Champagne, Thibaut dit « le chansonnier » devient roi de Navarre fondant une dynastie qui perdurera sur trois générations avant d’être supplantée par la famille des comtes d’Évreux jusqu’au XVe siècle Ces présences françaises en Navarre ont évidemment favorisé la diffusion des formes gothiques outremonts. Par ailleurs, la Navarre convoitait Bayonne bien qu’elle n’ait jamais pu s’y implanter. Cependant, les Bayonnais, grands navigateurs et grands ingénieurs de marine, prêtaient leurs bateaux aux Navarrais. Ils en ont fourni en particulier aux rois de Navarre pour la Croisade. En retour, ils aidaient militairement les Bayonnais pour défendre leur trafic commercial. Il y a donc des liens très étroits entre Bayonne et la Navarre. Les édifices gothiques du pays navarrais témoignent d’une forte influence de la France du Nord sinon précisément champenoise. Daniel Cazes pense que c’est plutôt à León que celle-ci se fait sentir et il est vrai que les références rémoises abondent dans cette cathédrale. Nicole Andrieu suppose qu’il pourrait y avoir des archives à Reims ou des chercheurs qui suivent cette piste. Pierre Garrigou Grandchamp fait remarquer que Soissons et Amiens étant en Picardie, il faudrait sans doute parler d’une équipe champenoise et picarde, mais peut-on faire la part entre les deux régions. Les influences les plus marquées proviennent-elles de Reims et de Saint-Nicaise ? L’orateur déclare ne pas vouloir rentrer dans un débat de distinction entre écoles picarde et champenoise, l’influence de Reims restant toutefois dominante à Bayonne. Pierre Garrigou Grandchamp revient sur la question des ressources dont l’orateur a donné quelques éléments dans sa présentation, et il pense que nous sous-estimons à l’heure actuelle la richesse de la ville. Élie Lambert avait le premier signalé la grande série de caves voûtées des XIIIe-XIVe siècles existant à Bayonne, cas pour ainsi dire unique dans le groupe des villes du sud-ouest de la France. Ces nombreuses caves témoignent de la puissance commerciale de Bayonne ; on peut penser que le chapitre et l’évêque avaient des droits sur ce commerce. Bernard Sournia promet à l’assemblée une autre communication sur la construction de cette cathédrale, faisant suite à celle-ci.
Au titre des questions diverses, Louis Peyrusse donne la parole à notre trésorier pour nous présenter la restauration de l’hôtel Castellane où a été créée la Société archéologique du Midi de la France en 1831.
Louis Peyrusse voudrait enfin apporter une petite modification au règlement intérieur en intégrant dans le bureau les anciens présidents, ils y seraient alors membres de droit. Nous en comptons cinq à l’heure actuelle : Michèle et Henri Pradalier, Daniel Cazes, Émilie Nadal et Louis Peyrusse. L’idée serait de donner à l’un ou l’autre une mission - Daniel Cazes se chargeant déjà de notre patrimoine à Chiragan -. Il faudrait donc mettre les textes en accord avec les pratiques et le Président soumet donc à l’assemblée cette possibilité d’amendement au règlement intérieur qui a été voté il y a 15 ans.

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