Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 18 janvier 2022

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ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Communication courte de Bernard Sournia, Observations sur la nef du cardinal Godin aux Jacobins de Toulouse

La question porte sur la nef des Jacobins de Toulouse, celle édifiée par le cardinal Godin à partir de 1325 sur l’emplacement de l’église antérieure. Maurice Prin, dans son grand livre sur les Jacobins, propose (page 99) une explication sur le mode de construction de cette partie de l’édifice. La technique décrite apparaît fort compliquée et peu rationnelle. Sur quelles observations, sur quelles sources, s’appuie la lecture de Maurice Prin ? D’autres procédures n’auraient-elles pas été plus simples et plus efficaces ?

Présents : M. Peyrusse Président, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry Bibliothécaire, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone Secrétaire-Adjointe ; Mmes Andrieu, Bessis, Cazes, Czerniak, Fournié, Jaoul, Pradalier-Schlumberger ; MM. Cazes, Garland, Macé, Scellès, Sournia, Stouffs, Surmonne, Testard, membres titulaires ; Mmes Dumoulin, Ledru, Rolland ; M. Kérambloch, membres correspondants.
Excusés : Mmes Balty, Nadal ; MM. Balty, Garrigou Grandchamp, Tollon.

Le Président salue l’assemblée puis nous informe des courriers reçus. Un message électronique nous a été adressé par Monsieur Denis Apvrille pour attirer l’attention de la Société sur l’état des ruines de l’église romane de Cadalen, petite église du Tarn sur laquelle le clocher s’est effondré en 1951 - au moment où l’on entreprenait des travaux pour la consolider -, et dont la sculpture montre l’influence de Saint-Sernin de Toulouse. Marcel Durliat a d’ailleurs fait une notice sur cette église dans Haut-Languedoc roman (coll. Zodiaque). Monsieur Apvrille s’émeut du lierre qui envahit les murs de l’abside et des arbustes qui poussent à l’intérieur des ruines au risque de fragiliser les vestiges du bâtiment. Louis Peyrusse propose que la Société écrive au Maire de Cadalen, propriétaire de l’édifice, à M. Gironnet, A.B.F. du Tarn et responsable de l’UDAP, et à la conservatrice des Monuments historiques de la D.R.A.C. Occitanie, pour attirer l’attention sur ce problème qui peut se résoudre facilement par la maîtrise de la végétation.
Il suggère que l’on envoie une lettre du type :

Un visiteur régulier de l’église romane de Cadalen a récemment attiré l’attention de la Société archéologique du Midi de la France sur l’état préoccupant des ruines envahies par la végétation, en particulier des murs couverts de lierre. Un jardin spontané. Après la chute du clocher en 1951 et l’effondrement des voûtes, l’église semble menacée par une nouvelle catastrophe, plus lente à venir, certes, celle de la déstabilisation des murs sous l’action de végétaux divers. Le problème appelle une solution simple que nous vous demandons d’opérer : qu’un entretien soigneux débarrasse les murs médiévaux de toute flore parasite et dangereuse. Nous vous prions de croire…..

Maurice Scellès demande si l’édifice est protégé au titre des monuments historiques. Oui, répond le Président, c’est la raison pour laquelle nous pouvons interpeller l’A.B.F. et la C.R.M.H. Quitterie Cazes signale qu’une étude du monument avait été faite par Mélanie Chaillou il y a une dizaine d’année. Il s’agissait d’une commande d’analyse archéologique du bâti de l’église financée par la Mairie. Cela veut dire qu’à une époque la municipalité a eu envie de mieux connaître le monument ; il faut sans doute rappeler cette étude dans le courrier. Louis Peyrusse précise que le Maire a changé en 2020 et il propose de préparer le courrier qui sera à la signature de son successeur.
Nous avons également reçu par courrier, poursuit-il, les conventions de prêt pour l’exposition Cartailhac, et Sandra Péré-Noguès, qui est une des commissaires de l’exposition, nous fait savoir qu’elle est prête à faire visiter l’exposition aux membres de la Société, par groupes de dix personnes (conformément aux normes sanitaires en vigueur).
Par ailleurs, le C.N.R.S. nous a envoyé un questionnaire destiné aux associations. Même si ce n’est pas notre profil, le Président suggère que nous répondions.
Notre consœur Inocencia Queixalos nous a envoyé par mail un annuaire des laboratoires d’analyses français reconnus.
Enfin, l’Institut catholique nous invite à une exposition Monique Frydman dans l’espace muséographique Georges Baccrabère. Elle commence le 20 janvier et se tiendra jusqu’au 19 février de cette année.

Parmi les nouvelles diverses, un don d’un tiré-à-part pour notre bibliothèque :
Jean-Luc Boudartchouk et Jean-Pierre Chambon, « Une confrontation expérimentale entre données linguistiques et données archéologiques toponymes gothiques et sites goths dans l’ancien diocèse d’Albi », Revue de linguistique romane, t. 85, Strasbourg 2021, p. 3-18.
Par ailleurs, nous avons reçu de Mme Claire Jover l’extrémité d’un pieu de la pile du ponceau trouvé, il y a plus de 30 ans, au confluent de la Lèze et de l’Ariège. Daniel Cazes pense qu’il pourrait être antique, le Président le pense plutôt récent, mais il pourrait aussi être médiéval. Avant de l’examiner de plus près, nous remercions Mme Jover pour ce don. Louis Peyrusse rappelle par ailleurs que la stèle des Montels nous reviendra le 28 janvier.

Le Président nous informe de quelques modifications à porter dans notre calendrier de l’année. La séance publique devra en effet être fixée au 27 mars en raison du décalage dû à la mise au point des travaux en commission pour le concours. Les membres de cette commission, dont fait partie le bureau, se réuniront en visioconférence le 24 février en fin d’après-midi et le vote de la société se fera le 8 mars. Il restera donc trois semaines pour prévenir nos futurs lauréats. Louis Peyrusse propose également de profiter de la séance publique pour vendre à prix réduits des volumes dont il nous reste des stocks importants à savoir :
-  les volumes du Congrès archéologique du Quercy de la S.F.A.
-  les Mélanges Marcel Durliat
-  les Mélanges Michel Labrousse
-  les tirés-à-part de Marcel Durliat sur « La sculpture au XIe siècle en occident »
-  le catalogue de Toulouse à l’époque romantique

La modification du règlement intérieur proposée la semaine dernière, à savoir intégrer les anciens présidents dans une commission qui pourrait être consultée par le bureau, appelle un délai réglementaire d’un mois après la proposition (4 janvier), elle sera donc votée en février.
Enfin, nous ne pourrons pas cette année fêter les rois comme nous le faisions d’habitude pour des raisons sanitaires.

En faisant le point sur les travaux présentés au concours le Président déplore les difficultés qu’il rencontre pour récupérer les envois postaux.
Nous en avons donc 8 mis au concours cette année dont deux thèses.

- Thèse de Jules Masson Mourey, Les stèles anthropomorphes néolithiques du sud-est de la France. C’est Michel Barbaza, professeur émérite à l’université qui nous en fera le rapport.
- Mémoire de Master 2 par Marion Ortiz, Les plafonds peints du château de Pomas (Aude), soutenu en juin 2021 à l’université de Toulouse Jean-Jaurès, sous la direction de notre consœur Virginie Czerniak. La lecture de ce travail a été confiée à Michèle Pradalier.
- Mémoire de Master 2 de Nicolas Duthoit, L’archéologie des grands tracés linéaires en France : le cas de la région Midi-Pyrénées entre les années 1990 et 2000, sous la direction de Florent Hautefeuille, université de Toulouse Jean-Jaurès, 2021. Jean-Luc Boudartchouk s’est proposé pour en faire le compte-rendu.
- Mémoire de Master de Carole Dhuicque, La conservation-restauration de la pierre sculptée à Toulouse (fin XVe-XVIe siècles) dont le rapport a été confié à Bruno Tollon.
- Mémoire de master 1 Valentine Bacconnier, L’église de Bourg-Saint-Andéol, réalisé à l’Université de Montpellier sous la direction de Géraldine Mallet. Quitterie Cazes en. Quitterie Cazes en sera le rapporteur.
- Master 2 d’Élodie Domain, Le château de Pibrac de l’humanisme à l’éclectisme. Le compte-rendu sera fait par Louis Peyrusse.
- Thèse de Coline Polo, Les résidences aristocratiques dans le comtat Venaissin (XIVe-XVe siècles), université d’Avignon, que Bernard Sournia a accepté de relire.
- Master de Quentin Sintès, La submersion des vignes et la trajectoire de la monoculture viticole pendant la crise du phylloxera dans les Pyrénées orientales 1871-1885. Une histoire environnementale des usages de la terre et de l’eau dans le paysage viticole roussillonnais. Master d’histoire de l’Institut politique de Paris. Ce travail sera relu par Sylvie Caucanas.

Notre trésorier se demande si ce dernier travail n’aurait pas plus sa place à l’Académie des sciences. Maurice Scellès rappelle que nous avons déjà primé une thèse de l’histoire du droit.
Le Président rappelle que les membres qui ont accepté de faire les rapports des travaux au concours doivent donner une note chiffrée sur 20 prenant en compte l’originalité du sujet, la méthodologie, la qualité d’écriture et la maîtrise du sujet (chaque critère noté sur 5).

Nous passons donc à l’ordre du jour annuel :
- le rapport moral du Président.
- le rapport d’activité de la bibliothèque
- le bilan financier

Rapport moral du Président :

Au moment où je succédais à Émilie Nadal à la présidence ad interim de notre Société, je ne songeais pas que celle-ci allait voir ses activités percutées par un virus couronné dont la virulence mettrait à mal notre programme. On croise les doigts : pour l’instant, le virus, même sous sa forme omicron, n’a conduit aucun de nos membres à l’hôpital. Je regrette, dans ma stupeur d’alors, de ne pas avoir vu venir la pandémie et ne pas être passé plus tôt à la visioconférence, qui eût permis une plus riche moisson de communications, donc d’articles. La Société a vécu dans des circonstances fluctuantes. Nous avons à déplorer la mort en juin 2021 de Christian Darles, des suites d’une longue maladie. Nos rangs se sont étoffés de plusieurs membres correspondants dont quatre anciens lauréats de nos concours, ce qui nous apporte une jouvence appréciée.
Au moment où les sociétés savantes se posent des questions sur leur présent et leur avenir, je crois qu’il faut voir notre compagnie comme une réussite. La cohabitation entre historiens, archéologues, historiens de l’art, conservateurs de musées, de l’Inventaire, des services d’archives, fonctionnaires des services patrimoniaux et amateurs fonctionne plutôt bien et l’interruption momentanée de nos séances bimensuelles nous a montré combien étaient agréables, non seulement la question au programme (souvent éloignée des préoccupations de chacun), mais aussi la sociabilité, les rencontres, les regards croisés, le protocole au charme désuet, tout ce qui fait la vie d’une société. Et pourtant, nous ne sommes pas, comme le disait avec humour Émile Cartailhac il y a cent cinquante ans, l’antichambre de l’Académie des Jeux floraux ! Réussite à apprécier – prenons du champ – alors que les institutions patrimoniales nous ont retiré la liberté qui était la nôtre jusqu’en 1940, alors que l’Université et le CNRS ont mis à l’étude les terrains sur lesquels nos confrères du passé étaient des pionniers et bien seuls.
Un élément essentiel de cette réussite : la publication des Mémoires. Au superbe volume de 2018 a succédé 2017, édité par Adriana Sénard. La dernière année de la présidence d’Émilie Nadal, 2019, est toujours aux mains de notre directrice. Le volume double, tome 60-61, 2020-2021, correspondant à ma présidence est en bonne voie, Anne Laure Napoléone, notre secrétaire adjointe, étant à la manœuvre. Il paraîtra cette année. On peut espérer que les retards seront ainsi résorbés.
Que retenir de nos activités, vues autrement que dans les précieux procès-verbaux pour lesquels il faut féliciter Anne Laure Napoléone. Tout d’abord la célébration du centenaire de la mort d’Émile Cartailhac. La Société a prêté la salle Clémence Isaure, offert un déjeuner sur le pouce pour une journée d’études coordonnée par Sandra Péré Noguès et Marie-Laure Le Brazidec, responsables à l’Université du PCR Cartailhac. J’ai essayé, en introduction de cette journée, de dessiner un portrait de Cartailhac en jeune homme de 22 ans, au moment où il entre à la Société. Dans les communications présentées lors de nos séances, l’antiquité a une part fort mince (1 communication), le Moyen Âge la place essentielle (10 travaux), l’époque Moderne le suit de près (6). Rien pour l’époque contemporaine. Il faudra y songer, comme il faudra coordonner dans le futur plusieurs articles sur un même thème pour rendre plus visible notre travail nécessairement éclaté.

Ce bref bilan, très positif, n’existerait pas sans le travail invisible de tous nos membres impliqués dans la bonne marche de notre Société : bibliothèque, édition, envois de volumes, coordination avec l’hôtel d’Assézat. Je dis à chacune et chacun mes vifs remerciements et ceux de la Société. Qu’il me soit permis de saluer en particulier le dévouement et l’efficacité d’A. L. Napoléone et la quasi permanence de Guy de Toulza alors que l’hôtel d’Assézat fonctionne mal du fait de la fermeture pour travaux de la Fondation Bemberg. Je dirai enfin tout le plaisir que j’ai eu à m’occuper de notre Société pendant ces deux années. Comme tout enseignant, j’aurai travaillé à me rendre inutile, la génération des anciens étudiants de Marcel Durliat dans les années 1960-1970 passant logiquement.

Rapport d’activité de la bibliothèque :

Nous avons préparé, en 2021, l’expédition des deux volumes de Mémoires publiés coup sur coup par la Société archéologique : le volume LXXVII correspondant à l’année 2017 et le volume LXXVIII de 2018.
Les collections de la bibliothèque se sont enrichies, non seulement à la faveur des échanges de périodiques, mais aussi grâce aux membres qui nous ont fait bénéficier de leurs propres publications ou qui ont donné des ouvrages ayant une affinité particulière avec notre fonds ; je citerai par exemple « les portraits romains » de l’époque des Sévères provenant de la villa de Chiragan et conservés au Musée Saint-Raymond ; ce volume a été rédigé par Jean-Charles Balty et Daniel Cazes et coordonné par Pascal Capus ; signalons encore les actes d’un colloque qui s’est tenu en 2017 à l’hôtel d’Assézat et dont la direction scientifique fut assurée par Virginie Czerniak et Charlotte Riou : « Toulouse au XIVe siècle, histoire, arts et archéologie » ; Pierre Garrigou-Grandchamp a offert récemment un magnifique ouvrage consacré à « Angers ; formation de la ville, évolution de l’habitat » ; on ne saurait omettre l’hommage rendu à Yvette Carbonell-Lamothe (historienne de l’art que certains d’entre vous ont bien connue) ; il s’agit d’un beau volume de 250 pages, publié sous la direction de Géraldine Mallet avec la participation et le soutien financier d’Agnès Carbonell ; je rappellerai enfin que Maurice Scellès donna à la bibliothèque, en septembre dernier, le glossaire de Du Cange ; cette oeuvre majeure du célèbre linguiste et philologue, publiée en 1733-1736 comporte 6 volumes in-folio que complètent 4 volumes de suppléments édités par les bénédictins de Saint-Maur, tous corsetés dans une reliure en veau brun moucheté. Ni dictionnaire monolingue ni dictionnaire bilingue, Le « Glossarium mediae et infimae latinitatis » fournit des définitions et des explications en latin, avec de nombreuses citations en latin, en grec et en ancien français. Que tous les donateurs soient ici remerciés pour leur générosité.
La convention qui avait été signée en 2014 entre l’Université et la Société archéologique pour la valorisation des publications en série dans le catalogue du SUDOC, est en cours de renouvellement.
J’ai pris contact avec le service de coopération régionale, à la BnF, pour savoir si les quelques fascicules de notre Bulletin qui avaient été oubliés lors de la précédente campagne de numérisation (environ 300 pages) et qui n’apparaissent donc pas dans Gallica, pouvaient faire l’objet d’un rattrapage par cet établissement ; j’ai reçu, à ce sujet, une réponse favorable.
Deux documents ont été prêtés à la Bibliothèque d’étude et du patrimoine pour l’exposition que celle-ci vient d’ouvrir au public : « Émile Cartailhac (1845-1921), la vie toulousaine d’un illustre préhistorien » : d’une part un portrait photographique de l’érudit, avec dédicace au poète ariégeois Raoul Lafagette, d’autre part une lettre de candidature adressée au président de la Société archéologique par Émile Cartailhac qui souhaitait devenir membre de ladite société, le 17 février 1867, à l’âge de 22 ans.
Nous continuons d’enrichir le catalogue en ligne qui compte aujourd’hui 9.300 notices. Je pense qu’au terme des deux prochaines années le nouveau catalogue aura absorbé toutes les notices de l’ancien et offrira, en outre, aux chercheurs bon nombre de documents qui n’étaient pas répertoriés jusque-là. Plutôt que de présenter, sous forme de statistiques un peu désincarnées, le travail que nous effectuons depuis quatre ans, avec Jacques Surmonne et Geneviève Bessis, j’ai préféré commenter, à l’aide d’un power point, une dizaine de pièces curieuses, insolites, voire uniques, issues de nos collections.

Choix de documents rares, remarquables ou simplement dignes d’intérêt :
Lors des travaux de restauration qu’il effectua en 1872-1873 dans la chapelle Notre-Dame des anges de la cathédrale Saint-Etienne, l’architecte Edmond Chambert découvrit, en haut de la voûte, un signe tracé par un ouvrier du Moyen Âge ; il en fit le dessin et communiqua immédiatement sa découverte à la Société archéologique, le 9 mars 1872. Daniel Cazes, Yvette Carbonell et Michèle Pradalier en avaient fait mention lorsqu’ils publièrent, dans les Mémoires XLIII de l’année 1980, un bilan des Travaux et restaurations de la cathédrale Saint-Etienne aux XIXe et XXe siècles (p. 36 et note 177) ; j’ai eu la chance de retrouver, par hasard, le dessin original d’Edmond Chambert, négligemment glissé entre les feuilles d’un livre qui concernait la signification des marques d’artisans ou d’ouvriers sur les anciens monuments du Portugal. (2 Fi 173).
Parmi les quelque 3.000 brochures qui figurent désormais dans le catalogue en ligne, celle-ci publiée en 1879 dans le Bulletin monumental a retenu mon attention, malgré son titre peu explicite : « Recherches sur deux tombeaux antiques en marbre blanc ». En fait, on y découvre que l’un des deux sarcophages était celui qui avait contenu la dépouille de saint Didier, évêque de Cahors vers le milieu du VIIe siècle. Ce sarcophage connut un destin mouvementé, puisqu’il fut déplacé plusieurs fois à l’intérieur de la cathédrale, relégué dans un coin insalubre, près des latrines, puis profané en 1580 par les Protestants qui jetèrent et brûlèrent le corps de l’évêque. Au XVIIIe siècle, le sarcophage se trouvait toujours dans la cathédrale, puis il devint, au XIXe siècle, la propriété d’un paysan qui l’utilisait comme abreuvoir pour ses animaux ; en 1865 la ville de Cahors n’eut pas la volonté de l’acquérir, pas plus que le musée de Toulouse ; ce fut alors un certain Basilewski, collectionneur parisien d’origine russe, qui en devint l’heureux propriétaire ; dix ans plus tard, le gouvernement russe rachetait sa collection, de sorte que le sarcophage de saint Didier, évêque de Cahors, constitue aujourd’hui, avec d’autres pièces de cet ensemble important, le noyau du département d’art antique du Musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg. (4664-26)

1- En ouvrant un des livres anciens de notre bibliothèque, j’ai découvert cette image pieuse du XVIIe ou du XVIIIe siècle, découpée dans du papier ; on lui a donné la forme d’une empreinte de pas, tirée du soulier de la Vierge que conserverait, nous dit-on, un monastère de religieuses de Saragosse, peut-être le couvent de Santa Clara. Il s’agirait donc, ni plus ni moins, de la mesure exacte du pied de la Vierge ! Dix ans d’indulgences étaient accordés à ceux qui baiseraient trois fois cette relique et réciteraient trois fois l’Ave Maria. Il faut souligner l’intérêt de ce curieux document car l’imagerie pieuse semble attirer aujourd’hui l’attention des chercheurs, comme en témoigne un colloque organisé par la bibliothèque du Saulchoir en 2019 ; du côté de l’Espagne, en Aragon plus précisément, j’ai pu voir des études récentes sur les objets de dévotion liés au culte marial ; des images dessinées comme celles-ci ou même gravées ont été largement diffusées dans le Piémont Italien, à Rome et aussi à Valence, dès le début du XVIIe siècle. J’en ai localisé deux ou trois en France, dont l’une se trouve aux archives départementales des Deux-Sèvres. Il y aurait sans doute une recherche à mener sur ce sujet qui relève de l’histoire des pratiques religieuses et de l’histoire des mentalités. (MSS 300)

2- La présente affichette, destinée à être placardée sur les murs de Toulouse, annonçait l’arrivée dans cette ville d’Henri de Polony, marchand d’orviétan, qui s’engageait à fabriquer un antidote censé soigner, comme la thériaque, beaucoup de maladies. Ce charlatan devait s’installer sur la place du Salin pour vendre son élixir de vie. Il proposait aussi à tous ceux qui en auraient besoin d’autres baumes destinés à soulager les patients atteints de maladies pestilentielles, et se vantait d’arracher les dents mieux que personne. Bien que l’on ne connaisse pas le nom de l’imprimeur ni la date d’impression, on peut attribuer ce feuillet à Jean Auridan (1699-1764), qui exerçait dans la première moitié du XVIIIe siècle, si l’on en juge par le matériel typographique utilisé. (RES. 10061)

3- C’est le 20 juillet 1842 que Platon de Tchihatcheff, un officier d’origine russe, fit pour la première fois l’ascension du Néthou, c’est-à-dire du pic d’Aneto, car les deux formes de ce nom ont été utilisés concurremment jusqu’à la fin du XIXe siècle. La Société Ramond publia en 1924 ce petit ouvrage, tiré à 300 exemplaires, qui nous rappelle, au-delà du caractère anecdotique de cet exploit, la relative importance de notre fonds pyrénéen (environ 250 ouvrages ou articles répertoriés à ce jour) et l’intérêt que les Pyrénées suscitaient auprès des membres de la Société archéologique tels que Pierre de Gorsse, auteur de nombreuses publications sur ce sujet. (4532-6)

4- Ce recueil comporte 246 articles publiés dans « l’Express du Midi » par Jules de Lahondès qui fut, vous le savez, président de notre Société de 1889 jusqu’à sa mort en 1914. Lahondès publia chaque dimanche, pendant 7 ans, à partir de novembre 1907, une chronique sur le vieux Toulouse, où il évoquait tour à tour, une rue, une place, un quartier, un monument, une œuvre d’art, un évènement, un personnage célèbre (soit au total plus de 300 chroniques). Émile Cartailhac, plein d’admiration, pouvait parler à juste titre, « d’un ensemble de causeries très simplement écrites, remarquables par la sûreté des informations, la conscience et la valeur des observations personnelles, des souvenirs inédits, d’autant plus estimables qu’il y est fréquemment question d’édifices aujourd’hui détruits ». Il m’a donc semblé utile d’en faire le dépouillement et d’en dresser un inventaire qui permettra aux chercheurs de retrouver rapidement le titre susceptible de les intéresser. Jules Chalande, quelques années plus tard, de 1921 à 1924, publia lui aussi, mais dans un autre périodique, « le Journal de Toulouse », une série d’articles sur le Toulouse d’autrefois. Nous possédons ainsi 130 coupures de presse qui ont été recensées de la même façon que les articles de Lahondès. (4610 R)

5- Rodolphe Champreux d’Altenbourg (1839-1914) fut un membre fidèle de la Société archéologique du Midi à laquelle il légua, par testament, la somme de 5.000 Francs. Un prix qui porte son nom sera d’ailleurs attribué, cette année. Bien que son portrait figure déjà sur notre site, accompagné de son éloge funèbre prononcé par Jules de Lahondès, je ne résiste pas au plaisir de vous le présenter une nouvelle fois, en y joignant une carte postale qu’il adressa à ses collègues depuis Venise, le 18 novembre 1911. On le reconnaît aisément, assis devant la basilique Saint-Marc, grâce à ses moustaches à la Victor-Emmanuel II ; il écrivait avec humour : "Avant d’être entièrement dévoré par les bêtes féroces de Venise, j’adresse à mes chers collègues un dernier souvenir ; après il ne serait plus temps" ! Il devait mourir deux ans et demi plus tard. 3 Fi 1(173)

6- Cette lettre adressée par Émile Cartailhac au président du Conseil général de la Haute-Garonne [Jean Cruppi] concerne "la destruction des anciennes lignes de nos quais" et son impact sur le Pont de pierre (MSS 267). Elle nous renvoie à de longues et vives discussions qui ont eu lieu vers 1916-1922 pour protéger le faubourg Saint-Cyprien contre les inondations. Les rapports successifs rédigés par l’ingénieur en chef, Pendariès, font état des avant-projets, parfois surprenants, qui ont été alors conçus par les experts (7049 R bis). L’un d’entre eux prévoyait de créer un canal de dérivation traversant le quartier Saint-Cyprien, en-deçà de la Patte d’oie, de transformer la chaussée du Bazacle, de supprimer le Pont-Neuf, accusé de tous les maux en raison de ses grosses piles et de le remplacer par un pont métallique plus léger ; on devait aussi raboter les berges de la rive gauche, pour élargir le lit de la Garonne, ce qui aurait eu pour conséquence la destruction de l’Hôtel-Dieu. La Société archéologique, présidée par Émile Cartailhac protesta vigoureusement contre ces élucubrations et aucun de ces projets ne vit le jour. Mais on reparlait toujours en 1930. Toute cette documentation est conservée aujourd’hui dans notre bibliothèque. (MSS 267)

7- Maurice Prin, auquel la Société archéologique rendra bientôt hommage dans un prochain numéro des Mémoires, occupe une place privilégiée dans notre bibliothèque par ses articles et ses ouvrages, mais aussi par ses dessins, ses aquarelles ou ses gouaches, comme cet ange musicien que lui inspira une fresque de la chapelle Saint-Antonin de l’église des Jacobins. Il utilisait généralement de grossières feuilles de papier Kraft, collées ensemble, et ses œuvres occupaient souvent les deux faces du support. Nous avons ici au recto, un ange musicien jouant de la cornemuse, et au verso l’une des deux rosaces gothiques des Jacobins. L’œuvre, de grande dimension, mesure une fois dépliée, près d’un mètre soixante-dix de côté.
(2 Fi 171)

Bilan financier :
Le trésorier se demande s’il ne faudrait pas transférer le compte de la Poste à la Caisse d’épargne où se trouvent les comptes de l’Union et de l’Académie des Sciences pour avoir la possibilité d’effectuer facilement des virements et pour visualiser les comptes sur internet, système qui est très coûteux à la Poste. C’est un problème qu’il faudra soulever en bureau.
Il est par ailleurs compliqué d’avoir les bilans au 31 décembre chaque année avec la banque Paribas dans la mesure où ils sont envoyés vers le 15 janvier et reçus en fin de mois. Le plus pratique serait donc de repousser l’assemblée générale à la première séance de février. Celle-ci a cependant été placée statutairement à la deuxième séance de janvier. Il faudra donc voir si des modifications sont possibles. Cela faciliterait par ailleurs la tâche de l’adjoint et futur trésorier qui succèdera à Guy Ahlsell de Toulza.
Maurice Scellès fait remarquer qu’il serait facile de modifier la date indiquée dans cet article du règlement intérieur car cela ne modifie pas fondamentalement le fonctionnement de la Société.

Le Président propose par ailleurs d’adopter un système de rappel de cotisation à partir du début du deuxième trimestre pour éviter que les membres ne se retrouvent à payer plusieurs années de retard.

On procède au vote :
- le rapport moral du Président est accepté à l’unanimité
- le rapport d’activité de la Bibliothèque est accepté à l’unanimité
- quitus est donné au trésorier pour son bilan financier à l’unanimité

Le Président rappelle que la Société a été riche mais aussi ruinée par l’État, comme par exemple après la guerre de 1914 et après 1945, car tous les capitaux des société reconnues d’utilité publique étaient placés en bons d’État. Nous sommes donc ravis d’être actuellement dans une phase positive mais on ne sait pas ce que peut nous réserver l’avenir.

Trois postes du bureau sont également soumis au vote :
- le Président (qui ne se représente pas), Virginie Czerniak propose sa candidature.
- le Bibliothécaire (qui se représente pour son dernier mandat)
- le Secrétaire général (qui se représente)

Virginie Czerniak, Christian Péligry et Patrice Cabau sont élus à l’unanimité.

Louis Peyrusse félicite les trois membres du bureau et passe la parole à Bernard Sournia pour une question diverse : Jacobins de Toulouse : questions sur la nef du Cardinal Godin.

Ma question trouve son origine dans une lecture du livre de Maurice Prin sur les jacobins, qui m’a troublé et que je voudrais poser devant vous afin d’avoir votre avis. J’ai d’abord eu scrupule à venir mettre en discussion un point (d’ailleurs mineur) du travail de cet homme exceptionnel que fut MP, celui-ci ne pouvant évidemment pas venir me donner la réplique. Ayant confié ce scrupule à notre ami Daniel, celui-ci m’a assuré que MP acceptait volontiers la controverse et la contradiction et m’a engagé à venir mettre ma question sur le tapis.
Vous connaissez tous la genèse en trois temps de cet édifice tel que l’a reconstituée MP, que je rappelle ici brièvement. Il y a d’abord la création en 1230, d’un premier vaisseau, rectangulaire, charpenté avec file centrale de piles. Vient ensuite à partir de 1245, la création, à l’est du vaisseau, d’un vaste chœur et chevet en hémicycle, puis après quelques tergiversations et changements de parti sur la forme du couvert, après 1275, la création du sublime palmier ; messe de consécration en 1292. Enfin, vient la construction à partir de 1324 d’une nouvelle nef sur l’emplacement du vieux vaisseau à la suite d’un don considérable du cardinal Godin
Ayant fait la connaissance du cardinal Godin à l’occasion des enquêtes dont je vous ai parlé ici sur l’abbatiale d’Orthez puis sur la cathédrale de Bayonne, j’ai éprouvé le besoin d’en savoir plus sur ses œuvres, à commencer par son ouvrage majeur, la belle nef de Toulouse.
Voici de quelle manière Maurice Prin (page 99) décrit le chantier : « on ne perdit pas de temps à détruire les murailles de la première église » écrit-il, « on pratiqua tout d’abord des brèches verticales en intervalles réguliers dans les anciennes parois, afin de mettre en place la série des contreforts monumentaux de cette nouvelle église ». Il explique ensuite comment, d’un contrefort à l’autre, furent lancés les grands arcs brisés devant former l’entrée des chapelles latérales, par dessus lesquels arcs furent élevés les murs d’enveloppe de la nef, de sorte que (je reprends ma citation) « ces parois se trouvaient plaquées contre les murailles de la première église ; on avait donc deux édifices imbriqués l’un dans l’autre. Ce n’est qu’à la suite de la destruction des murailles anciennes que l’on parvint à édifier le long de la nef les nouvelles chapelles ». Il ressort implicitement de ce scénario que MP a essayé de rendre compatibles, simultanément, la marche du chantier et la continuation des offices religieux dans le vaisseau.

D’après les relevés de fouille de MP j’ai donc dessiné à l’échelle et en perspective axonométrique l’ensemble des Jacobins vers le moment où l’on s’apprête à souder l’œuvre nouveau du chœur au vieux vaisseau de 1230 (figure 1). Sur ce dernier j’ai tracé en pointillé magenta la place des brèches dans lesquelles l’on aurait « enfilé » les contreforts de la nef de Godin et là m’est apparue la complication extrême du scénario de chantier de MP. Représentez-vous en effet ces murs gouttereaux fragilisés par ces brèches de 13 mètres de haut ; représentez-vous la charpente n’ayant plus de points d’appui à l’aplomb de ces brèches ; représentez-vous la communauté des Prêcheurs astreinte à célébrer ses offices de chœur dans la poussière du chantier et dans les courants d’air. Enfin, dites-moi comment vous allez creuser les fondations des contreforts, à une profondeur d’environ cinq à six mètres, sans avoir au préalable fait place nette ?

Le présent croquis (figure 2) fait apparaître, en plan et en perspective, une section de l’ouvrage de la nef tel que le décrit MP. En jaune est représenté le mur gouttereau du vieux vaisseau « traversé » par les contreforts de la nef nouvelle, couleur brique, ayant pris place dans les brèches préalablement pratiquées dans le vieux mur. La même chose apparaît dans la perspective : mur jaune du vaisseau ancien et bâti de la nef nouvelle en teinte brique avec les arcs d’entrée des chapelles portant sur leur extrados le nouveau mur gouttereau : l’on voit distinctement les deux murs « imbriqués l’un dans l’autre » dont parle MP, le mur jaune étant en attente de destruction, laquelle n’interviendra qu’une fois achetées les concessions de chapelles par les bonnes familles toulousaines, ainsi que l’explique MP, lesquelles auront à parachever à leurs frais l’édification proprement dite des chapelles et à élever le mur de fond desdites chapelles, en pointillé sur le plan.
Une planche pédagogique en vue cavalière, figurant aujourd’hui à l’entrée de l’église, permet de visualiser l’hypothèse de MP. Ce dessin représente distinctement comment les contreforts s’« enfilent » dans les fameuses brèches préalablement pratiquées dans les murs du vieux vaisseau. Sur le papier tout est facile. Mais enfin, ces contreforts sont des ouvrages de maçonnerie lourds et puissants, qu’il faut aller fonder profond dans le sol : il ne s’agit pas de menues lattes ou réglettes de bois que l’on insérerait d’un geste léger dans les encoches ou brèches prévues à cet effet dans la maquette en balza !
Parvenu à ce point de mon exposé, je devrais peut-être vous demander si vous éprouvez, devant la description du chantier par MP, le même sentiment de doute que j’éprouve moi-même. Mais là se présente un autre passage du livre dans lequel, décrivant de nouveau le même mode opératoire, l’auteur précise que les choses se sont ainsi passées « selon toute vraisemblance ». Ce « selon toute vraisemblance » me rassure, car il implique qu’il n’y a dans la procédure décrite aucune certitude absolue. C’est très vraisemblable pense-t-il mais, enfin, ajouterai-je, ce n’est que vraisemblable ! Je vais donc vous proposer un scénario alternatif permettant la continuation de la fonction religieuse pendant la durée du chantier
La restitution générale du chantier dessinée en perspective (figure 1) fait apparaître clairement que, pour achever de bâtir le chœur, en 1275, l’on fut obligé au préalable de sacrifier l’ultime travée du vaisseau de 1230 puisque la première pile du chœur est assise au beau milieu du mur de chevet dudit vaisseau. Pour permettre la continuation des offices religieux dans le vaisseau pendant le chantier du chœur, il fallut donc le fermer par une cloison A posée en limite de ses 5 et 6e travées. Une fois le chœur achevé, l’on peut logiquement penser que l’on y transféra les stalles des religieux, les célébrations se déroulant dès lors dans ce nouvel espace, une seconde cloison ayant été élevée en B pour isoler le sanctuaire. Dès lors, le vieux vaisseau devenu inutile, l’on put en raser les ouvrages et là, oui, il devint possible de creuser les fondations des contreforts, puis de bâtir la nef épaulée par ses puissants contreforts, une travée après l’autre, d’est en ouest, comme c’est partout l’usage ! Côté midi, une porte, dont il n’y a plus trace aujourd’hui (l’ensemble du mur ayant été re-parementé à une période récente) mais qui figure dans tous les dessins de MP (d’après, sûrement, un relevé ancien), une porte a existé à hauteur de la première travée du chœur qui permettait aux fidèles d’entrer du dehors dans le sanctuaire, porte qui n’a pu exister que parce que l’espace en était clos et cloisonné.

Ce plan d’ensemble du vieux vaisseau coloré en jaune (figure 3) montre comment la trame du chœur de Godin (en magenta) se superpose à la trame antérieure de 1230. L’alignement des piles a été décalé et centré (ce qu’il n’était pas dans le vaisseau primitif où la nef méridionale était plus large que la nef nord). On remarque aussi que, au lieu de six travées, il n’y en a plus que cinq que l’on a mises au pas de la travée du nouveau chœur, travées de huit mètre au lieu des sept mètres du vieux vaisseau. Et l’on remarque aussi que l’on a égalisé le nouveau rythme par rapport à l’ancien où la première travée ne comptait que 5,50 mètres : l’ouvrage de Godin unifie donc l’espace intérieur et lui confère la régularité et l’ampleur monumentale qui donnent toute sa splendeur à l’église des Jacobins.
Et, sur ce même plan d’ensemble, l’on peut, par hypothèse, localiser par un pointillé vert la cloison B ayant permis de rendre l’espace liturgique indépendant du chantier de la nef.

Il existe un indice, sur la face externe méridionale de l’édifice (figure 4) ayant peut-être un rapport avec la présence hypothétique de notre cloison B. Tandis que les berceaux portant la galerie supérieure de l’église ont leur intrados mourant dans le même plan que les faces latérales des contreforts, l’on relève une exception : à la jointure, exactement, du chœur et de la nef de Godin où existe un ressaut de 20 à 30 centimètres, qui pourrait avoir été prévu pour fournir la feuillure utile au calage de la cloison B.

Le présent croquis (figure 5) suggère la manière dont fut probablement fixée la cloison B. L’on ne pouvait évidemment pas élever cette cloison dans le plan du doubleau, au beau milieu de la pile médiane. La feuillure donne la place de caser la cloison juste en avant de ladite pile sans avoir à y planter les fers de fixation de la cloison au risque de la détériorer.
Je n’ai pour intention ici que de proposer un scénario. MP, qui a suivi jour par jour la fouille du monument et sa restauration, a vu dans l’édifice des configurations et des indices archéologiques qui ne sont plus visibles aujourd’hui. Il a peut-être aussi consulté des documents que moi, je n’ai pas vus et que, malheureusement, il ne cite pas dans son livre. Après tout, c’est peut-être lui qui a raison et je vous demande alors pardon de vous avoir fait perdre du temps avec mes doutes !
Mais je persiste à douter !

Du doute comme moyen de recherche et d’analyse, remarque le Président, en effet cet arc bandé entre les contreforts à la jonction du chœur et de la nef est intrigant. Louis Peyrusse se demande pourquoi Maurice Prin s’est lancé dans cette interprétation extrêmement compliquée et sophistiquée pour expliquer la coexistence momentanée de maçonneries. Daniel Cazes remercie notre confrère pour ces remarques très intéressantes et voudrait savoir si le texte de Maurice Prin évoqué dans la question diverse est bien extrait du livre publié par celui-ci. Bernard Sournia répond affirmativement. Notre ancien Président rappelle que dans le premier article rédigé en 1955 l’auteur ne se lance pas dans ces explications. L’histoire de « la brèche », qui a également surpris Daniel Cazes, est donc apparue dans son livre dont il a été le relecteur. Il se demande si les choses ne sont pas en fait plus compliquées. Dans son article de 1955, Maurice Prin avait bien vu le passage entre le chevet et la nef du cardinal Godin avec le ressaut du contrefort, mais ce dernier juxtapose en fait deux maçonneries distinctes. On voit bien en effet, une suture entre ces deux maçonneries, qui monte jusqu’à la naissance de l’arc brisé et Maurice Prin avait fait la relation entre cet épaississement visible à l’extérieur et ce qu’il avait trouvé en fondation à l’occasion de fouilles. Selon lui, il s’agissait de ce qu’il restait du mur de la première nef de 1230. Il en avait fait des relevés précis et des plans qu’il avait publiés dans son article de 1955. La même chose se remarque côté nord au-dessus de la sacristie, indiquant que tout le système de la pile composée intérieure qui reçoit les nervures des voûtes de la première travée orientale des nefs de Godin est postérieur. C’est la raison pour laquelle il faisait de ce mur un élément antérieur, encore en élévation, à la maçonnerie de la phase 2 contre laquelle sont venus se plaquer les éléments du pilastre correspondant à la phase 4 (nefs de Godin). Daniel Cazes se souvient avoir eu des discussions sur ce point, complexe, avec Maurice Prin, qui lui avait bien montré l’existence de deux étapes dans la structuration des pilastres situés entre les cinquième et sixième travées de l’église. Il est donc important de partir de ce premier article de 1955. Maurice Prin avait exposé son hypothèse à Élie Lambert en visite sur le chantier. Ce dernier avait trouvé ses arguments très intéressants mais lui avait conseillé de les appuyer sur des preuves. Maurice Prin avait donc décidé de faire des fouilles. Il a trouvé les piles carrées de la première église et tout le périmètre extérieur des murs de la première double nef. En publiant ses résultats il a pris le contre-pied de ce qu’avait écrit Élie Lambert, qui pensait que le chevet était une réalisation de la fin du Moyen Âge (1369 – 1385). Élie Lambert a cependant été le premier, reprend Louis Peyrusse, à noter que le bâtiment n’était pas homogène. Mais c’est Maurice Prin, répond Daniel Cazes, qui a trouvé le périmètre exact de l’ancienne église avec les piles et les contreforts. Cela, reprend Bernard Sournia, ne répond pas à mes doutes sur ces fameuses brèches. Quitterie Cazes remercie notre confrère pour ses remarques très intéressantes et se demande si l’idée de ces brèches ne vient pas des fouilles que Maurice Prin a faites. En effet, en trouvant le mur arasé de la première église, cassé par les fondations des contreforts, il a pu penser que l’on avait effectué des brèches dans les maçonneries anciennes. Or, ne faut-il pas penser plutôt qu’après avoir arasé les murs au niveau du sol, on a creusé des fondations plus importantes pour les contreforts pour élever ensuite les murs de la nouvelle église. On peut alors se demander pourquoi les fondations n’ont pas été entièrement vidées pour récupérer les matériaux ; cette opération aurait sans doute déstabilisé le sol qui devait assoir la nouvelle église. Le scénario décrit par notre confrère serait, dans ce cadre, tout à fait crédible. En revanche, ce qui paraît plus compliqué à comprendre, c’est la feuillure extérieure qui induit la présence d’une cloison à l’intérieur. En effet, celle-ci n’explique pas le décalage visible à l’extérieur. Bernard Sournia promet de continuer à réfléchir dessus. Louis Peyrusse fait remarquer que l’on est dans le même schéma que dans la cathédrale de Cologne. Valérie Dumoulin voudrait revoir la diapositive reproduisant le texte de Prin en ayant à l’esprit les explications données par notre confrère et Quitterie Cazes. Dans celui-ci, il est bien précisé qu’il s’agit de « brèches verticales », l’auteur pensait donc bien à des murs en élévation ce qui, de l’avis général, paraît difficile à envisager. N’oublions pas, reprend Daniel Cazes, que d’après les explications de Maurice Prin, on s’active aux phases 2 et 3 de l’édifice alors que la vieille nef est encore en élévation. Elle aurait été encore debout alors que l’on aurait achevé le chevet de 1292 et Godin est arrivé après. Bernard Sournia n’est pas persuadé par cette hypothèse de Prin. Pour lui, la logique voudrait que la communauté ait été transportée dans le chœur pour libérer complètement l’espace du vaisseau. C’est effectivement la question que se pose Valérie Dumoulin car en tenant compte de la présence du petit cloître devant le portail ouest, elle se demande comment circulaient les frères pendant les travaux ? Par où entraient-ils dans l’église, par où regagnaient-ils le cloître ? Olivier Testard propose un exemple comparable plus proche que Cologne, celui de la cathédrale de Toulouse, Bernard Sournia évoque également celui de la cathédrale de Narbonne et d’autres pour lesquels nous sommes documentés sur la création de ces cloisons pour permettre l’exercice liturgique indépendamment du chantier. L’avantage de la cathédrale de Cologne reprend le Président c’est que nous avons des sources contemporaines que nous n’avons pas pour le Moyen Âge.

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