Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 9 mai 2023

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Communication longue de Bernard Sournia, Sainte-Marie de Bayonne : chronique de chantier, suite et fin.

On va continuer la chronique de chantier commencée lors d’une précédente communication. L’on prendra les choses vers 1315, à la reprise des travaux (après quelques années d’interruption). L’on suivra les diverses phases de l’ouvrage (abside, transept, vaisseau triple) jusqu’à la fin du gros œuvre quelque part entre 1451 et 1475. L’on verra en particulier comment au cours de cette dernière phase de chantier est tentée une ré-écriture de l’édifice dans un éblouissant style flamboyant ; puis comment, à partir de 1850, une restauration approfondie, sous la direction d’Emile Boeswillwald, architecte diocésain, ramène l’ouvrage au style rayonnant et à la pureté présumée de ses origines.

Situation du chantier vers 1325

Calepinage de l’une des fenêtre ouest du vaisseau triple, dessin de Boeswillwald.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Communication courte de Dominique Watin Grandchamp, Un Benezet dans l’ombre

Une demande de protection au titre des Objets mobiliers des tableaux de chœur de l’église de Saint-Julia (31) a été l’occasion de redécouvrir un tableau relativement important dans l’œuvre du peintre Bernard Benezet (1835-1897). Connu de l’historien d’Art Christian Mange, ce tableau, encore peu lisible, avait quasiment disparu sous la poussière et les chancis. Il illustre la conduite exemplaire de l’évêque Henri-François-Xavier de Belzunce de Castelmoron lors de l’épidémie de peste qui frappe la ville de Marseille, en 1720. Le tableau est signé et daté de 1887. Outre la scène principale, traitée dans le goût du « gothic revival » cher à Benezet, il porte la représentation du « Sacré Cœur » de Jésus dont le peintre fixe la nouvelle iconographie, en 1874, à la demande du père Ramière qui est à la tête de la compagnie des jésuites à Toulouse.

Présents : Mme Czerniak, Présidente, MM. Cabau, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mmes Napoléone, Secrétaire générale, Machabert, Secrétaire adjointe ; Mme Watin-Grandchamp, MM. Balty, Cazes, Garland, Garrigou Grandchamp, Macé, Peyrusse, Scellès, Sournia, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Balty, Hénocq, Rollins, M. Kérambloch, membres correspondants.
Excusés : Mmes Dumoulin, Fournié, Ledru, Merlet-Bagnéris, Rolland Fabre, MM. Péligry, Surmonne.

La Présidente ouvre la séance et annonce que les membres de la Société sont conviés le mardi 6 juin à 17 h, à une visite de l’exposition « Saint Thomas d’Aquin, une sagesse offerte à tous » proposée à l’Institut Catholique de Toulouse (espace Georges Baccrabère). Les membres souhaitant y assister sont priés de s’inscrire directement auprès d’elle. Daniel Cazes et Dominique Watin-Grandchamp, présents au vernissage, soulignent la qualité de l’exposition. Concernant le château de Scopont, la Présidente nous informe qu’un courrier de protestation contre le tracé de l’autoroute, validé par le Bureau, a été adressé en recommandé : au Préfet de Région, au Préfet du Département, à l’Architecte des Bâtiments de France du Tarn, à la Ministre de la Culture, au Ministre délégué auprès du Ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires chargé des Transports, au Maire de Maurens-Scopont et au Directeur des Affaires Culturelles de la Région. Louis Peyrusse nous informe ensuite que le 2 mai a été inaugurée l’exposition « Fernand Pifteau. La passion du patrimoine écrit toulousain ». Elle est présentée conjointement au Musée du Vieux Toulouse et à la Bibliothèque Universitaire de l’Arsenal jusqu’au 15 juin. Enfin, Laurent Macé fait un point sur la séance du 13 juin dédiée à Jean-Luc Bourdatchouk ; à ce jour six membres se sont manifestés pour participer à cet hommage.

La Présidente donne ensuite la parole à Bernard Sournia pour sa communication longue : Sainte-Marie de Bayonne : chronique de chantier, suite et fin .
La Présidente remercie Bernard Sournia pour sa présentation et salue l’impressionnante qualité de ses dessins de relevés. Virginie Czerniak appuie la conclusion proposée : Sainte-Marie de Bayonne est un édifice « incroyable », en termes d’évolution des formes notamment. Daniel Cazes a été particulièrement séduit par la beauté de la voûte de la croisée du transept avec les liernes et tiercerons. Notre confrère demande : est-elle plus précisément datable, dans la « période Godin » ou simplement avant 1336 ? Bernard Sournia est formel, elle date de la période du cardinal Godin qui, dans son testament de 1336, rappelle qu’il a réalisé, « iam est diu » (« il y a pas mal de temps »), sur ses deniers, les voûtes de la croisée. Cette affirmation, vague, ne permet pas de connaître exactement la date de construction mais situe tout de même l’ouvrage dans l’espace de la dizaine d’années précédant le testament du cardinal. Virginie Czerniak s’interroge : n’est-ce pas précoce pour une voûte à liernes et tiercerons ? Bernard Sournia évoque l’exemple d’Amiens, première réalisation de ce type au milieu du XIIIe siècle, autour de 1240. Cette référence se situe loin de Bayonne, mais les constructeurs de Sainte-Marie sont imprégnés de l’art du Nord, poursuit Bernard Sournia, ils sont d’ailleurs eux-mêmes des gens du Nord, des Picards, des Champenois, des Franciliens ! Daniel Cazes fait remarquer que l’utilisation de ces voûtes à liernes et tiercerons est un des traits de génie du « palmier » de l’église des Jacobins de Toulouse. Certes, il s’agit dans ce cas de voûtes triangulaires, mais elles datent d’avant 1292, aussi Godin aurait-il pu se souvenir de cet exemple suggère notre confrère. Bernard Sournia explique que la voûte à liernes et tiercerons s’impose comme une formule usuelle dès le milieu du XIIIe siècle, comme la solution la plus pertinente pour couvrir le grand espace des croisées de transept. Pierre Garrigou Grandchamp ajoute que dans l’art gothique dit angevin ce type arrive très tôt, dès les années 1230 (entre Saumur et Angers).
Virginie Czerniak souligne le caractère extraordinaire de la clef de voûte du transept qui présente une iconographie singulière : un navire accompagné des symboles des quatre évangélistes tenant des phylactères. À ce sujet Dominique Watin-Grandchamp suggère qu’il puisse s’agir d’une confrérie de marins de haute mer plutôt que d’une confrérie de constructeurs de bateaux. En effet, le bateau reprend les caractéristiques des navires hauturiers, de haute mer (hune, dispositif de la nef…). Ces confréries étaient souvent très riches : les membres commerçaient. D’ailleurs, dans cette représentation, l’équipage est nombreux. Bernard Sournia abonde en ce sens : il existe des mentions d’archives du XVIe siècle, relevées avant l’incendie en 1908, qui signalent que les maîtres et compagnons mariniers, au retour de leur voyage, devaient verser une somme qui entrait dans la caisse de la fabrique de la cathédrale. Laurent Macé précise qu’il faut regarder cette clef de voûte du transept en ayant aussi en tête les sceaux urbains. Pour des villes de l’Atlantique telles que Biarritz, Bayonne ou San Sebastian, il y a pour cette période des représentations de bateaux et de leurs équipages. Notre confrère explique qu’il s’agit d’un élément identitaire très fort, qui peut aussi bien correspondre à une confrérie ou à un groupe corporatif qu’à une identité urbaine. Ainsi, les édiles ou les consuls de Bayonne ont peut-être participé au financement de la construction de l’édifice. Bernard Sournia évoque la présence des armes de France sur la façade occidentale, qui peuvent faire envisager un don royal pour la ville. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées. La nef apparaît comme un motif sur les monnaies, complète Laurent Macé. Il renvoie notamment à celles des Plantagenêt, au XIVe siècle, qui figurent souvent le roi dans une nef dans le contexte de la guerre de Cent ans. Les représentations des marins sur le gréement et de personnages à la manœuvre sont des éléments d’iconographie fréquents sur les monnaies de cette époque.

La Présidente donne ensuite la parole à Dominique Watin-Grandchamp pour une communication courte intitulée : un Benezet dans l’ombre .
Virginie Czerniak demande si d’autres illustrations de cette iconographie par Bernard Benezet sont connues, y compris dans ses compositions murales ? Il n’en existe pas d’autres, répond Dominique Watin-Grandchamp. Notre consœur ajoute que, paradoxalement, cet épisode (l’évêque Henri-François-Xavier de Belsunce de Castelmoron face à l’épidémie de peste qui frappe la ville de Marseille en 1720) a donné lieu à des commandes de la part de communautés religieuses et de familles catholiques, mais qu’il n’y a pas eu de nombreuses représentations de ce thème. Notre Présidente note qu’il est surprenant de trouver cette iconographie dans le modeste édifice paroissial d’une petite localité du Midi. Louis Peyrusse explique que cette iconographie relève plus du thème du Sacré-Cœur que de l’histoire de monseigneur de Belsunce, qui est secondaire. Malheureusement, aucune trace de la genèse de la commande n’a été trouvée. Notre consœur suppose qu’elle provient de la famille de Bernard Benezet qui habitait à Saint-Julia depuis le XVIIIe siècle et qui faisait partie des bienfaiteurs de l’hôpital. Dominique Watin-Grandchamp pense que Bernard Benezet lui-même a pu faire un don. À la disparition de l’hôpital, le tableau a pu être déposé dans l’église. Elle insiste sur la surabondance de toiles peintes dans ce modeste édifice situé dans une petite commune. Ces tableaux, de qualité pour certains, attestent le déploiement d’une floraison de peintres, encore mal connus, qui produisaient des toiles de grand format pour de petites églises. En effet, d’autres toiles de ces peintres anonymes, de facture identique et avec les mêmes poncifs, se retrouvent dans les environs de Saint-Julia. Selon Louis Peyrusse, l’ancrage local de Benezet explique ainsi la présence de cette peinture. Dominique Watin-Grandchamp nous présentera une suite à sa communication après la restauration de la toile.

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