Communication longue de Chantal Fraisse, Lecture de quelques graffitis de l’autel préroman de Moissac.
Un autel antérieur à 1063 de l’église abbatiale de l’ancien monastère Saint-Pierre porte une série de graffitis. Une lecture de ces inscriptions permet d’émettre quelques hypothèses sur leur nature et sur le contexte haut médiéval du pays moissagais, encore si mal connu.
Présents : Mmes Czerniak, Présidente, MM. Cabau, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mmes Napoléone, Secrétaire générale, Machabert, Secrétaire adjointe ; Mmes Haruna-Czaplicki, Pradalier-Schlumberger, MM. Cazes, Garrigou-Grandchamp, Péligry, Peyrusse, Pradalier, Sournia, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Fraïsse, Henocq, Ledru, Rolland Fabre, MM. Mange, Peloux, Rigault, Terrasson, membres correspondants.
Excusés : Mmes Cazes, Fournié, Nadal, Vallée-Roche, MM. Garland, Penent.
Invitée : Mme Shandrila Martin, étudiante en master des Mondes médiévaux sous la direction de Virginie Czerniak, et intéressée par le sujet de la communication du jour.
Virginie Czerniak salue l’assemblée pour cette ultime séance de l’année académique et souhaite la bienvenue à Guillaume Terrasson, nouvellement élu membre correspondant de notre Société.
Elle annonce que notre consœur Émilie Nadal a obtenu un contrat pour l’étude du fonds des Augustins, ce qui signifie qu’elle fera sur celui-ci le même travail qu’elle a effectué sur le fonds des Dominicains de Toulouse. C’est une excellente nouvelle pour elle, pour la communauté scientifique et pour notre Société. La Présidente annonce ensuite la réception de la candidature de Clémentine Stunault pour une place de membre correspondant de notre Société. Elle rappelle que sa thèse d’histoire médiévale (sous la direction de Sophie Brouquet) a été primée à l’occasion du concours de la SAMF de cette année. Cette candidature sera présentée et étudiée dans la séance du 5 novembre de la prochaine année académique ; la Présidente se propose de faire le rapport sur cette candidature.
Virginie Czerniak rappelle enfin que le calendrier des communications de la prochaine année académique n’est pas complet et invite les membres à s’inscrire auprès d’elle. Elle annonce que la première réunion sera consacrée à la visite de l’exposition Cathares, Toulouse dans la Croisade, le vendredi 11 octobre de 18h00 à 20h00, qui nous sera présentée par Laure Barthet.
Puis elle donne la parole à Chantal Fraisse pour une communication longue intitulée, Lecture de quelques graffitis de l’autel préroman de Moissac.
Virginie Czerniak remercie notre consœur pour cette présentation très convaincante. Elle se rappelle avoir alerté Christian Sapin sur les problèmes de conservation de cet autel préroman avec enduit peint, unique exemplaire connu, – bien qu’il existe des mentions textuelles – et qui n’a toujours pas fait l’objet de relevés archéologiques. Il y a bien eu un projet de moulage, mais celui-ci n’a pas abouti. Elle ajoute que les conditions de conservation sont particulièrement mauvaises puisque les bases de l’autel ont subi régulièrement la remontée des eaux en période hivernale – problème aujourd’hui résolu –, mais l’endroit reste toujours très humide, ce qui est particulièrement néfaste pour les enduits peints. Chantal Fraïsse, très inquiète, avoue revenir régulièrement prendre des photographies ; elle reste persuadée que les couleurs des peintures passent et que des fragments d’enduits s’effritent avec le temps. Notre Présidente espère que la publication de cet article permettra de faire prendre conscience du caractère exceptionnel de ce vestige et de l’urgence d’agir pour sa conservation. Elle demande si les différentes graphies observées par notre consœur, et le désordre dans lequel sont gravés ces noms, peuvent indiquer que les scripteurs sont des gens qui écrivent peu souvent ou jamais. Chantal Fraïsse confirme que d’après l’inventaire qu’elle a fait, l’énorme disparité des types d’écriture apparaît clairement. Les chevauchements peuvent également indiquer la tenue de différents plaids. Louis Peyrusse se demande quelle est la culture de ces presbyteri qui écrivent si mal alors qu’il s’agit d’un moment solennel ; les graffitis de l’autel de Minerve lui semblaient plus soignés. Les graffitis de Minerve sont gravés sur la pierre, fait remarquer notre consœur, peut-être que l’enduit ne permet pas une gravure régulière (gravure effectuée à la pointe d’un couteau ?). Fernand Peloux, quant à lui, n’est pas choqué par la graphie et la langue, par rapport à ce qui se fait habituellement au début du XIe siècle, certaines formes pourraient correspondre en effet à la langue parlée. Nous n’avons pas affaire selon lui à des illettrés, au contraire, nous voyons plutôt ici un attachement à l’écrit. Le support inhabituel pourrait expliquer l’impression de peu de soin que peuvent produire ces graffitis. Chantal Fraïsse pense par ailleurs que ces gens savent écrire mais qu’ils ne sont pas des scribes. Fernand Peloux propose à notre consœur de consulter la thèse de Laura Viaut, « Fecimus concordiam ». Les mécanismes de gestion des conflits dans l’espace aquitain au Haut Moyen Âge (VIIIe-XIIe s.), Université de Limoges, 2018 (primée par notre Société en 2019), qui décrit les cérémonies dont il a été question. Elle a par ailleurs analysé tous les manuscrits de la lex wisigotorum de cet espace-là, et a montré qu’ils continuent à être annotés jusque vers l’an mil environ.
Revenant sur le problème de la maladresse de l’écriture qui a été soulevé, Daniel Cazes propose de se remettre dans la situation de ceux qui ont tracé ces graffitis : il fallait être à quatre pattes près de l’autel et graver sur une surface verticale sans appui, et cela sans être des graveurs professionnels. Notre confrère évoque les graffitis qui couvrent le mur rouge de la memoria de Saint-Pierre de Rome. De la même façon, l’écriture est maladroite et les graffitis sont disposés dans tous les sens. Par ailleurs, il trouve dramatique que l’on n’ait pas pris le soin d’aménager de meilleures conditions de conservation pour ce précieux vestige. Il se demande s’il ne vaudrait pas mieux le prélever et le mettre dans un musée, dans une atmosphère sèche. Notre Présidente répond que cette entreprise rencontrerait un obstacle technique important car la crypte est très basse et l’entrée particulière étroite. Henri Pradalier voudrait savoir si ces graffitis permettent de proposer une date approximative. Notre consœur répond que la mention des missi dominici nous amènerait au plus tard sous le règne de Charles le Chauve, c’est-à-dire au IXe siècle. Quant à la graphie, malgré sa volonté de prudence, notre consœur a noté la forme de certains « T » avec la barre qui se recourbe du côté gauche, ce qui est considéré dans les catalogues de paléographie comme un caractère « wisigothique » ; un certain nombre d’éléments semble donc converger vers la seconde moitié du IXe siècle. Virginie Czerniak précise que l’enduit dans lequel sont gravés ces graffitis est homogène et fait le tour de l’autel. Les peintures qui recouvrent cet enduit évoquent celles que l’on trouve au début du Xe siècle dans le monde asturien. Enfin, le niveau du sol indique bien que l’on est avant 1063. Il y a donc un faisceau d’indices convergents pour la datation. À la demande d’Henri Pradalier, notre Présidente précise encore que le décor peint est composé de motifs géométriques, des cercles essentiellement. Ce sont les peintures les plus anciennes de toute l’Occitanie et nous avons là un témoignage du monde carolingien, dont il faut reconnaître que l’on sait très peu de choses. Elle regrette encore le manque d’intérêt pour ce vestige exceptionnel, qu’elle a tant essayé de documenter avec notre consoeur.
Louis Peyrusse demande si ce vestige peut être remis dans le contexte de l’histoire de Moissac ; un autel peint est-il un signe de pauvreté ? Virginie Czerniak pense au contraire qu’un autel peint induit la présence de tout un decorum autour de celui-ci. Chantal Fraïsse rappelle que Moissac est un phare dès que l’abbaye est affiliée à Cluny, mais si on fait le point sur ce qui existe avant, on peut dire qu’il s’agit d’un monastère du Quercy raisonnablement important avec une zone d’influence qui n’est pas très vaste, concernant le temporel, mais avec une aura culturelle plus importante grâce à ses liens avec Limoges.
La Présidente remercie notre consœur et donne la parole à Céline Ledru pour une question d’actualité. Celle-ci revient sur le château de Baravit dont elle nous avait entretenus lors de la séance du 4 juin. Elle rappelle les questionnements de son collègue préhistorien Joël Malassagne, qui habite l’édifice. Celui-ci voulait connaître la fonction des ouvertures qui se trouvent sur la tour de droite et la datation de la maison. Lors de la dernière séance, nous avions pu reconnaître des bouches à feu et dater l’édifice du XVIIe siècle, avec des remaniements de la façade au XVIIIe. Des conseils de recherche avaient été donnés, et Céline Ledru nous présente les résultats obtenus. Elle montre tout d’abord une vue du cadastre de 1836 qui révèle des bâtiments aujourd’hui disparus, rasés semble-t-il en 2002 et 2006, et la destruction d’une grosse partie des ailes du château. Notre consœur montre encore une vue de la façade nord-est pour laquelle le propriétaire désire savoir si les ouvertures sont d’origine. Dans cette cour, il ne reste qu’un pigeonnier, le second ayant été abattu il y a vingt ans. Sur l’emprise de l’aile visible sur le cadastre ancien a été élevé un bâtiment moderne ayant fonction de ferme. Par ailleurs, l’intérieur ne conserve ni cheminée ni escalier d’époque et a été complètement refait dans les années 1980. La distribution actuelle est composée d’un escalier central et deux grandes pièces à chaque niveau. Le seul espace qui semble ancien serait la cave voûtée. Le propriétaire serait ravi d’accueillir les membres de la Société et serait preneur de toutes les informations que l’on pourrait lui fournir sur l’édifice. Notre Trésorier note que ces nouvelles informations confirment ce qui avait été dit la dernière fois, à savoir que nous somme en présence d’un rez-de-chaussée quasiment aveugle avec de petites fenêtres faisant écho aux demi-fenêtres « bâtardes » de l’étage. Pour le reste, on ne peut que regretter les travaux destructeurs des années 1980. Selon lui, si l’escalier a été reconstruit, c’est que l’original était en bois. Les fenêtres authentiques sont visibles sur la façade arrière. L’alignement des baies laisse deviner la présence de l’escalier au milieu. Louis Peyrusse trouve surprenante la présence de ces petits jours chanfreinés qui permettent peut-être de maintenir la fraîcheur à ce niveau. Notre Trésorier se questionne sur la fonction des pièces se trouvant derrière ces petites fenêtres : cuisine, souillarde ou autre. Daniel Cazes demande si ces petites fenêtres n’indiqueraient pas une époque antérieure au XVIIe siècle. Guy Ahlsell de Toulza pense au contraire qu’elles sont bien insérées dans la construction de briques neuves et contemporaines des ouvertures caractéristiques de cette époque.
La Présidente remercie notre consœur et donne la parole au Trésorier pour une information au sujet des Journées du Patrimoine à venir. En accord avec les Académies des Jeux Floraux et des Sciences, l’Hôtel sera ouvert les 22 et 23 septembre. À cette occasion, comme il l’a fait durant plusieurs années, Guy Ahlsell de Toulza se propose de faire - les samedi et dimanche après-midi -, une communication de 40 mn retraçant l’histoire de la famille d’Assézat, de l’Hôtel et de ses occupants des origines jusqu’à nos jours. Les Académies du premier étage voulant faire visiter leur salon, notre Trésorier leur a proposé de mettre en place deux circuits : le premier consacré à la visite des locaux et le second conduisant à la conférence proposée par lui sous l’égide de la Société Archéologique. Cette proposition a été acceptée mais il serait nécessaire qu’une personne s’occupe d’accueillir et de guider le public, ainsi que de donner éventuellement des informations sur l’horaire de la conférence suivante. La Secrétaire générale se propose pour remplir ce rôle auprès de notre Trésorier. Bernard Sournia demande si le grand escalier sera ouvert à cette occasion. Guy Ahlsell de Toulza répond que c’est un détail qui reste à discuter.
On rappelle les problèmes sans fin que nous avons eu, dès les années 2000, pour bénéficier de l’accès au grand escalier depuis la salle, la porte de celle-ci est aujourd’hui interdite par des témoins mis en place sans notre autorisation. Daniel Cazes fait remarquer que sans l’accès à ce passage, les conditions de sécurité ne sont pas respectées alors que nous nous réunissons dans cette salle tous les quinze jours. Par ailleurs, la possibilité d’accéder à ce passage est stipulée dans le Règlement Intérieur. Notre Présidente se propose d’échanger avec Mme Debénedetti et la Mairie pour pointer tous les manquements au Règlement Intérieur.
Puis elle donne la parole à Daniel Cazes pour une information sur le site de Chiragan. Il nous avait informé en début d’année académique que la mise en place du sentier de randonnée avait été bloquée par l’initiative d’un seul propriétaire qui était revenu sur son accord de passage. Il semblerait que le problème soit en voie de règlement, mais le projet de a pris plus d’un an de retard. L’inauguration devait se faire à l’origine fin juillet, date que notre confrère avait refusée puisque les membres de notre Société ne pouvaient se rendre disponibles à ce moment-là. Le chantier ayant été retardé, la date de l’inauguration a été repoussée au printemps prochain. La Présidente y voit une joyeuse perspective et l’occasion d’y faire un pique-nique.
Olivier Testard demande la parole pour une information et une demande d’avis à l’assemblée. Dans le contexte des bâtiments qui s’effondrent à Toulouse, il a été consulté pour l’immeuble qui se trouve à l’angle de la rue Malcousinat et de la rue des Changes dont la structure de base date du XVe siècle, avec une surélévation en pan de bois du XVIe siècle. L’édifice a été amputé de sa partie arrière lors de travaux d’alignement en 1879. Il est en mauvais état et l’architecte en charge de cet édifice a demandé à notre confrère de l’assister. Pour l’avoir visité, il peut nous affirmer qu’il ne reste plus rien d’ancien à l’intérieur. En revanche, la structure en béton que l’on peut y voir aujourd’hui l’empêchera certainement de s’effondrer. Cette consolidation date peut-être d’après-guerre. Cependant, sur le pan de bois se trouve un enduit peint d’un faux-appareil de brique (fin XIXe-début XXe ?). La question se pose de sa conservation ou des chances de trouver des décors plus anciens au-dessous (aucun sondage n’a été fait pour l’instant). Olivier Testard serait donc intéressé par des informations, des remarques ou des suggestions sur ce sujet.