Société Archéologique  du Midi de la France
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L’Hôtel d’Assézat

De Pierre d’Assézat à l’Hôtel des Académies
separateur

 

 « L’effet du commerce sont les richesses, la suite des richesses le luxe, celle du luxe la perfection des arts. Les arts, portés au point où on les trouve au temps de Semiramis, nous marquent un grand commerce déjà établi... Ce serait une belle partie de l’histoire du commerce que l’histoire du luxe ». Ainsi écrit Montesquieu, au chapitre sixième du livre XXI De l’Esprit des Lois et, si nous substituons Assézat à Semiramis, nous aurons le texte des réflexions d’un voyageur de l’an 3000 qui, retrouvant ce beau palais, pourrait deviner son histoire.

 

PIERRE D’ASSÉZAT

NICOLAS BACHELIER

CE NE SONT QU’ASTRAGALES...

MONLUC PACIFICATEUR ?

DE PUYMAURIN À OZENNE

LA GALERIE DES ANCÊTRES

FEUILLETS D’AZUR & FLEURS D’ARGENT

 

PIERRE D’ASSÉZAT

 Le pastel, récolté dans les champs de l’Albigeois et du Lauragais, mis en boules (cocas) dans les fermes et broyé dans les moulins, était la meilleure teinture du monde, donnant des noirs, des verts, des violets et des bleus indélébiles. Sur ses coques s’étaient édifiées les riches maisons : des Lancefoc dans la rue des Changes (n° 5, 27 et 31), des Cheverri dans la rue Malcousinat (n° 11 ), des Bernuy sur la place Peyrolières (1, rue Gambetta), des Delfau dans la rue de la Bourse (n° 20), des Assézat sur le carrefour du puits de la Trilhe (al pots de la Trelba), aujourd’hui la place d’Assézat. Originaires d’Espalion, Bernart, Noël et Peire Assézat avaient formé entre 1530 et 1540 une société fraternelle dont le dernier allait demeurer survivant. En 1545 il acquiert, pour y établir ses magasins de pastel, un immeuble de 455 cannes 11474 mètres carrés), sis dans la carriera dels Blanquiers (rue des Blanchers, 44-46), à l’angle de la plassa dels Pescadors, aujourd’hui disparue. Il a des procureurs à Londres et à Pampelune. Il expédie dans tous les ports de l’Atlantique : Bilbao, Saint-Sébastion, Bordeaux, Saint-Malo, Rouen, Anvers où il est assez riche pour se laisser voler par ses facteurs. Du 22 avril au 12 mai 1556, il fait charger à Bordeaux 2.748 balles de pastel, qui représentent 22.000 livres tournois environ 440.000 francs-or. Capitoul dès 1552- 1553, Assézat qui avait acquis à Bruguières et au Vernet les terres nobles du Petit-Paradis et de Ducède, est désormais gentilhomme. En 1551 il était devenu, pour ses domaines de l’Agenais, le trésorier d’Éléonore d’Autriche, infante d’Espagne, reine douairière de France et de Portugal. La même année, il achète à Peire de Montfort les deux parcelles qu’il agrandira par la suite et qui vont lui permettre d’entreprendre, quatre ans plus tard, la construction de son hôtel.

 

NICOLAS BACHELIER

 Le 26 mars 1555, dans la boutique de Peire Bolaroti, notaire royal, Joan Castanié, dit Nicot, maître maçon, s’engageait envers Peire Assézat, bourgeois de Toulouse, à démolir les anciennes bâtisses et à édifier les caves voûtées avec le chai et le grenier, le rez-de-chaussée avec la cage d’escalier, la cuisine et la grande salle chauffée par sa cheminée, surélevés d’un premier et d’un deuxième étage. Les façades de la cour auront des « piliers et colonnes qui sortiront dehors la muraille ». « Et a ainsi ledit Castanié, sous lesdits articles qu’il a dit avoir fait écrire et ordonner à Maître Nicolas Bachelier, a accepté et pris à faire les susdites murailles qui sont nécessaires, tant grandes que menues ». On ne saurait mieux dire que Castanié était l’entrepreneur et Bachelier l’architecte. Tous deux allaient mourir laissant l’œuvre inachevée ; le 4 août 1557, les travaux sont réceptionnés par Domenge Bachelier, le fils aîné de Nicolas, assisté de Guilhem Blanc, d’Antoni Vault et de Ramon Sudre, maîtres-maçons.
 Originaire d’Arras, dans la Flandre espagnole, Nicolas Bachelier a manifesté dans ses fabrique. les hésitations de son siècle. Ayant édifié dans le style gothique le clocher de la Dalbade (1527) et le baptistère (batistori) de Saint-Étienne (1547), il imite simultanément (1544-1546) l’Italie à la porte orientale de la cour Henri-IV, l’Espagne à l’Hôtel de Bernuy ou de Buet (3, rue de la Pomme) et au château de Saint-Jory qui semblent inspirés de l’Université d’Alcala de Hénarès, commence par Rodrigo Gil de Hontanon en 1543. En l’année 1555 il superpose à 1’Hôtel d’Assézat les trois ordres palladiens, tandis qu’au portail de l’Esquile (69 rue du Taur), ses bossages rappellent ceux d’Alonso de Covarrubias à la porte principale de l’Alcazar de Tolède (1538). Architecte et sculpteur, il est de 1538 à 1543 l’initiateur du Barochus Occitanicus, avec les termes de l’Hôtel de Bagis (25 rue de la Dalbade) ou les bas-reliefs de la Dalbade (Musée des Augustins), qui évoquent le trassagrario de Felipe Vigarni à Burgos et le retable de San Benito (1532), sculpté par Alonso Berruguete à Valladolid (Musée National de Sculpture). À qui connaît la langue instrumentale du XVIe siècle et l’œuvre de Bachelier dans sa diversité, on ne saurait opposer les arguments de style. Le maître hispano-flamand savait être gothique, baroque ou classique : tour à tour de la Flandre où il était né, de l’Espagne dont elle était sujette et de l’Italie qu’il admirait comme tous les hommes de son temps.

 

CE NE SONT QU’ASTRAGALES

 En 1547, Palladio avait donné ses relevés des monuments antiques que la gravure avait répandus dans toute l’Europe. Bachelier n’avait attendu qu’une commande aussi importante pour donner à Toulouse le premier ouvrage palladien qui ait été édifié dans les provinces de l’Occident. Deux ailes en équerre, percées de trente fenêtres, deux portes d’écorces avec abondance, trois étages où se superposent les ordres antiques avec des colonnes cannelées, engagées et accouplées, doriques au rez-de-chaussée, ioniques au premier, corinthiennes au troisième, forment le bâtiment le plus vaste et le plus noble que la Renaissance ait laissé dans notre ville. Si le XVIIIe siècle a emporté les meneaux des salles inférieures et du grand salon, il a laissé subsister les arcs qui les encadrent, avec leurs sommiers portés sur des corniches médianes en arrière des colonnes engagées. Les fenêtres du deuxième étage ont des arcs en plein cintre portés par des colonnettes de l’ordre ionique, et leurs écoinçons sont garnis de médaillons circulaires qui paraissent attendre la ronde bosse. Soutenue par des modillons en consoles, la corniche est garnie de muffles qui crachent l’eau des toits, cachés par un mur bahut décoré de tables et coupé par ses dosserets. L’angle de l’équerre est amorti par l’avancée de la tour scaligère dont l’escalier à rampes droites s’élève jusqu’au comble, au-dessus duquel se prolonge l’édifice flanqué d’une échauguette et surmonté d’un tambour polygonal qui porte un lanternon à l’italienne : belvédère dominant la ville et permettant, lorsque souffle l’autan, de voir les Pyrénées. Pour accéder à l’escalier dont les paliers sont décorés de termes et les volées d’astragales, un degré en hémicycle et un portail formé de deux colonnes torses soutenant un entablement à godrons, encadrent une porte tiercée, décorée de ses caissons à l’italienne et encore munie de la poignée de bronze de son loqueteau. Au bout de l’aile septentrionale est une autre porte dont le fronton brisé porté par deux consoles flanque un oculus ovale décoré de palmettes. Sur la métope sont taillées des palmes, des cornes d’abondance et un cartouche au-dessus duquel est un mascaron qui cèle la clef du linteau de la corniche où les oves et les rais de cœurs marquent la surcharge de la grammaire classique.
 Bachelier, qui avait tâté de tous les styles, a laissé pour son dernier ouvrage une ordonnance longtemps attribuée au Primatice ou à un élève de Pierre Lescot. Mais la cour du Louvre ne fut achevée qu’en 1558, un an après la mort de Bachelier, qui ignorait l’obscur Lescot mais qui connaissait le célèbre Palladio, ainsi que les superpositions des trois ordres déjà employées à l’Hôtel de Lamamie (31 rue de la Dalbade) et à l’Hôtel de Mansencal (3 rue Espinasse) sur la façade du jardin. Pour l’escalier à rampes droites, la vis à repos prescrite par l’architecte dans le contrat de Castanié, elle existait déjà à l’Hôtel d’Ulmo (19 rue Ninau) et à l’Hôtel de Bagis (25 rue de la Dalbade, œuvre du même Bachelier). 

 

MONLUC PACIFICATEUR ?

 Assézat était l’un des Capitouls qui s’enfuirent, avec le parti protestant, le 17 mai 1562. Le lendemain, sa maison fut mise à la disposition de Blaise de Monluc qui arriva, vers les huit heures du matin, trop tard pour participer à la bataille, assez tôt pour diriger la pacification et se vanter d’avoir maintenu Toulouse dans l’obéissance du roi. C’est à l’Hôtel d’Assézat qu’il reçut coup sur coup l’ordre de faire gens pour rompre les rassemblements religionnaires et la nouvelle de son éphémère disgrâce. C’est de la même maison qu’il écrivit à la reine mère la lettre vive et désespérée qui allait le remettre en cour : pouvait-on destituer l’homme qui se vantait d’avoir libéré Toulouse et qui, peut-être, le croyait ? Il quittera la ville le samedi 23 mai pour aller assiéger Montauban. Il avait apprécié l’Hôtel d’Assézat et au début de mars 1563 il écrira à la reine pour en solliciter le don. Le propriétaire a été banni par l’arrêt du 25 mai 1562. La Saint-Barthélemy le trouvera à Bordeaux, où il sera enfermé au château Trompette jusqu’à l’abjuration du 30 septembre 1572, prononcée dans la même ville, en l’église primatiale de Saint-André. Il peut désormais retourner en son hôtel où il mourra le 20 août 1581. Ces dix années lui suffirent-elles pour édifier le portail à bossages surmonté d’acrotères, la galerie à l’italienne surélevée d’un étage attique éclairée par des fenêtres à frontons, la « coursière dont les consoles portent des cosses repliés en volutes qui passèrent longtemps pour les fruits du pastel, le passage qui conduit au jardin et dont la voûte à liernes et à tiercerons a encore ses armes : de gueules au cygne d’argent, au chef d’azur chargé de trois étoiles d’or ? Faut-il croire que ces beaux ouvrages aient été ordonnés par sa veuve, Peyronne de Cheverri, ou par son fils, Pierre II d’Assézat, seigneur de Ducède, conseiller au Parlement ?
 De sa charge et de son hôtel héritèrent ses descendants : en 1650 Gaspard, en 1691 François, en 1693 Jean-Francois, en 1732 Jean-Pierre. En 1703, l’avant dernier propriétaire, Jean-François d’Assézat-Toupignon, seigneur de Préserville, fait don à la ville du Four d’Assézat qui faisait l’angle de la rue des Giponniers (rue de l’Écharpe), à la condition que le terrain servirait à former une place au devant de son hôtel. C’est ainsi que le carrefour du puits de la Trilhe est devenu la place d’Assézat, ouverte en 1869 par la percée de la rue de Metz.

 

DE PUYMAURIN À OZENNE

 La maison demeura dans la famille jusqu’à l’année 1761 où Jean-Pierre d’Assézat la vendit à un marchand drapier, Nicolas-Joseph Marcassus, baron de Puymaurin, qui fit supprimer les croisées des fenêtres et décorer le grand salon du premier étage (Académie des Jeux floraux), avec sa cheminée de marbre polychrome, ses lambris rehaussés d’or, ses frises ornées de festons, ses corniches garnies des trophées des arts et des lettres, où s’inscrit sur un livre le nom de CORNEILLE SANS COMMENTAIRE. Cet ennemi de Voltaire était un homme profond et cultivé qui avait une riche bibliothèque et un important cabinet dont nous avons l’inventaire, dressé après sa mort, en 1792, « dans sa maison, place d’Assézat ». Aux peintres du Bas-Languedoc comme Sébastien Bourdon, Étienne Théaulon, Joseph Natoire, s’ajoutent quelques italiens comme Antonio Verrio, qui avait travaillé à Toulouse, ou Félicia Tibaldi, I’épouse de Subleyras, dont il avait un projet d’éventail peint pour la reine d’Espagne (Musée des Augustins). De Jacques Gamelin, Puymaurin avait treize peintures et, sans compter les études en portefeuille, trente dessins encadrés, parmi lesquels l’Incendie du Temple de Vesta (Musée Paul-Dupuy), l’un des plus beaux ouvrages de ce temps (1787). Puymaurin fut le protecteur du maître de Carcassonne qui, en tête de son Nouveau Recueil d’Ostéologie (Bibliothèque Municipale et Musée Paul-Dupuy), fit graver par Lavalée l’image de son bienfaiteur. À ce portrait en manière de crayon qui est le plus achevé, il faut ajouter le médaillon de marbre blanc, taillé par Étienne d’Antoine et conservé au Musée des Augustins.
 Le fils du collectionneur, Jean-Pierre Casimir Marcassus, baron de Puymaurin, qui sera sous la Restauration le directeur de la Monnaie Royale des Médailles, ne conservera point l’hôtel, qui sera vendu, après la Révolution, à la société Carol et Sabatier. Au XlXe siècle, il devient une épicerie en gros où le sucre en pain, la cassonnade, le poivre et le café vont exiger des constructions adventices. Le Musée Paul-Dupuy garde les témoignages de ses avatars : les factures qui portent les raisons sociales de Plohais et Gèze (824), puis de Gèze frères (1848) ; les lithographies de Blouet et de Chapuy qui montrent cependant que l’Hôtel d’Assézat avait gardé intact le décor de sa cour et qu’il devait suffire de supprimer le passage couvert qui surmontait la coursière, les murs qui aveuglaient les arcs de la galerie, le cloisonnement qui coupait le porche. Mais le pavé jonché de paniers ou de barils, le garçon qui roule un tonneau marquent qu’en la demeure de Puymaurin, Hermès avait supplanté Phœbus. Les dieux sont sujets au caprice et voici que par un testament du 30 août 1895, ce même Mercure, sous les traits du banquier Théodore Ozenne, ramènera Apollon avec les Académies et les Sociétés Savantes qui ont trouvé à l’Hôtel d’Assézat l’asile tardif de leur itinérante carrière. Restauré par les soins d’Antonin Deloume, l’hôtel fut inauguré le 16 mai 1898 dans ses nouveaux aménagements. Et cette chaîne de négoce nous ramène à Semiramis et à Montesquieu : Assézat était marchand de pastel, Puymaurin drapier, Gèze épicier, Ozenne banquier, mais ils vivaient à Toulouse où le commerce de l’argent ne gêne point celui des Muses et où deux agents de change étaient en 1324 parmi les sept troubadours. 

 

LA GALERIE DES ANCÊTRES

 Au nom d’Assézat le testateur avait prescrit d’ajouter celui de Clémence Isaure, et l’on plaça au fond de la galerie l’image de notre légendaire restauratrice : un gisant naguère apporté au Grand Consistoire où se décernaient alors les fleurs : Morte elle n’est, seulement l’ont ravie Les astres clairs, sachant que sans tourment La vertu seule après mort donne vie. Ainsi chantait Pierre de Saint-Aignan dans une pièce qui reçut le souci le 3 mai 1549 : Ballade sur l’épitaphe de dame Clémence Isaure trouvée à son sépulcre à la Daurade [...] de laquelle avons la statue de marbre céans apportée dudit sépulcre. L’épitaphe de bronze, qui sera gravée en 1774 par Jean Pierre Brondes (Musée Paul Dupuy), était un texte apocryphe rédigé par Marin de Gascons, capitoul, dont le portrait attribué à Jean Faguelin porte le millésime de 1556 (Musée des Augustins). En 1627, Claude Pacot et Pierre Affre furent chargés d’accommoder le gisant de dame Clémence. Le cou remonté, les bras levés, le chapelet remplacé par des fleurs, elle fut dressée dans une niche décorée par Jean Chalette avec les blasons des Capitouls de 1626-1627 et gravée à 1’eau forte par Gilles Antin avec les armes des Capitouls de 1645-1646 (Bibliothèque Universitaire). La statue fut portée au XVIIIe siècle dans le Salon des Jeux floraux, qui faisait suite à la Galerie des Hommes illustres du côté méridional : Jean Pierre Brondes (1774) et Léon Soulié (1840) l’y ont figurée dans une niche, creuse dans un trumeau de la façade. Et la légende de Clémence Isaure se perpétue à Paris, dans le Jardin du Luxembourg, où entre Jeanne d’Albret et la Grande Mademoiselle, Augustin Préault a placé la dixième Muse dans la pose chantournée d’un dessus de pendule de style troubadour.
 Plus rigoureux sont les bustes néo-classiques de Beurné ou de Julie Charpentier (Musée des Augustins), mais plus troubadour que Préault s’est montré Félix Saurine dans un tableau présenté en 1840 à l’Exposition des Beaux-Arts et de l’industrie. Substitué au verger du faubourg des Augustines, le cloître des Augustins forme le décor d’une fête des fleurs. Clémence Isaure est la mère de Gabriel de Belcastel. Le troubadour est Dombrowski, élève de Saurine, et sans doute le fils du décorateur de Varsovie. Les mainteneurs sont le chevalier Dumège, le marquis d’Aguilar, le marquis de Villeneuve-Vernon. À l’opportunisme intransigeant des orléanistes, fut sacrifié le visage du comte de Montbel, maire de Toulouse et ministre du cabinet de Polignac. Ce tableau à clefs est dans l’antichambre du premier étage, avec les bienfaiteurs : Gaston de Roquemaurel, Fabien Artigue, Théodore Ozenne. Auprès de ces portraits de famille, nous apprécions les anglaises brunes et le regard langoureux de la marquise de Villeneuve-Arifat, maître ès Jeux, peinte par le baron Schwiter, moins célèbre par ses ouvrages que par l’amitié de Delacroix.
 Le salon de Puymaurin est aujourd’hui le salon de réception de l’Académie des Jeux floraux, qui a accroché sur ses lambris les portraits antérieurs à 1800. Guy du Faur de Pibrac n’est qu’une copie, mais Peire Godolin (prononcez Goudouli) est l’œuvre de Jean Chalette, qui fut le peintre du Capitole de 1610 à 1642. Auprès de ce visage magistral, les mainteneurs de jadis ont été tirés par des pinceaux anonymes et divers. Autour de Louis XIV qui, en 1694, a donné au Collège sa forme académique, voici Simon de Laloubère qui a sollicité sa décision, Jean Soubeiran de Scopon qui a fondé l’églantine d’or, le marquis de Pompignan, l’ennemi de Voltaire, Jean-Marie Saint-Jean, prieur de Roqueserrières, qui de 1791 à 1806 présida la dernière et la première assemblée. Après les mainteneurs, voici les maîtres ès jeux : en une peinture historiée, Priscille de Catellan, et en bustes de ronde basse : Jeanne de Ségla, dame de Montégut, qui fut la correspondante de Montesquieu, et la comtesse d’Esparbès de Lussan, aussi faible en ses vers que dans sa vertu. Cet ouvrage de marbre blanc a été signé en 1782 par Francois Lucas, qui la même année a modelé en terre cuite un autre buste (Musée des Augustins) dont nous avons ici une réplique de marbre André Bernard, augustin du couvent de Toulouse et poète à la cour d’Henri VIII. 

 

FEUILLETS D’AZUR ET FLEURS D’ARGENT

 Sur les murs du salon voisin, qui sert aux assemblées secrètes, sont accrochées les images des mainteneurs du XlXe siècle : le marquis de Villeneuve-Hauterive qui fut en 1815 le ministre de l’intérieur du « royaume d’Aquitaine », le président Boyer qui a fondé la primevère d’argent, Emile Vaïsse Cibiel par Henri Loubat, Émile Cartailhac par sa fille, le baron Desazars, marquis de Montgaillard, par Marguerite Loubat. Au milieu de ces peintures dont les modèles font le prix, on remarque le cardinal Mathieu, archevêque de Toulouse, L’un des portraits les plus célèbres de Carolus Duran. Dans une bibliothèque, qui fut l’un des clous de l’exposition de 1887, sont conservés les livres, les fleurs et les sceaux. Sur le plus ancien manuscrit des lois d’amour (las leis d’amors), sont peintes quatre figures féminines au recto du premier feuillet la Vierge à qui un poète remet les fleurs du Gai Savoir, au folio XIX trois dames qui représentent la Philosophie (Phylozophya Naturalis), la Logique (Logicalis vel racionalis) et la Morale (Moralis). Rédigé par Guilhem Molinier, ce code poétique fut promulgué en 1356 par une lettre envoyée aux notables (majorals) de l’Occitanie et scellée du nouveau scel de la Compagnie où était figuré AMORS sous les traits d’une dame de haut rang, avenante, gracieuse et belle, qui donnait une violette à un troubadour :

Et en lo mieg es en figura
Dona de mot nobbla natura
Avinens e olezens e bela
E quar leyeltatz la capdela
E, en totz sos fayts es honesta
Corona porta sus la testa.
De sobregrans vertutz ornada
Et es Amors entitulada.
Liberals es e gazardona
Lo sieu fin ayman e li dona
Una violeta d’aur fin.
Quar am cor humil et acli
I vers quès ha fayt li prezenta.

 Légende et exergue portaient les noms de Toulouse (THOLOZA), de la violette (VIULETA) et du sceau (SAGEL) des sept mainteneurs (DELS VII MANTENEDORS). En 1694 le roi concéda à l’Académie le droit de cacheter ses actes avec un sceau qui figure la Poésie donnant l’Amarante à un poète et un contre-sceau portant un parterre de fleurs. Le chancelier pourra faire ajouter son nom, et nous savons que Maniban, Morant et Bertier ont usé de cette licence. Avant 1749 Charles Norbert Roettiers grave un nouveau cachet que l’Académie a conservé, avec pour le sceau les figures prescrites par les statuts et pour le contre-sceau un bouquet des quatre fleurs principales : la violette, l’ancolie, l’amarante et le souci. En 1754 le même artiste grave au revers du jeton (Musée Paul-Dupuy) les mêmes fleurs, aussi honorables qu’à l’origine : HIS IDEM SEMPER HONOS. Au revers est un buste en profil de Clémence Isaure, restauratrice des Jeux floraux.
 Pour la confection des fleurs, l’Académie, inconstante comme une femme, a changé d’orfèvre et nous savons qu’au XVIIIe siècle Clémence Isaure a couru les ateliers de Codause (1714), de Lacère, de Laforgue (1750), de Samson, de Lacère fils (1763), de Gailhard (1782). De ce siècle nous n’avons qu’un œillet d’argent (Musée Paul-Dupuy) qui porte le poinçon de Samson et qui marque, avec le nombre de ses boutons et la richesse du vase balustre repoussé dans le goût espagnol, la munificence de nos devanciers. Après son rétablissement, l’Académie qui s’était d’abord adressée à Paris, à Matignon, orfèvre de la rue du Mail, revient aux ateliers toulousains de Bounaure (1826) et de Berdoulat (1842). Le volume des fleurs diminue, le vase demeure en forme de balustre, mais sur un plan carré qui est une concession au style néo-classique. 

 


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