Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 1er MARS 2016

Séance privée
separateur

Un travail inédit de Marie-Thérèse Blanc-Rouquette :

Quatre siècles d’imprimerie à Toulouse ou « les armes de la Lumière »

Cette communication à deux voix (Christian Péligry et Geneviève Bessis) rend compte du tapuscrit de Marie-Thérèse Blanc-Rouquette intitulé Quatre siècles d’imprimerie à Toulouse ou « les armes de la lumière » déposé à la SAMF. C’est l’occasion d’évoquer la carrière de bibliothécaire et les travaux concernant l’imprimerie et le commerce du livre à Toulouse et dans le Midi toulousain de Marie-Thérèse Blanc-Rouquette (Narbonne 21 avril 1920-Toulouse 13 mars 2008), membre de notre société de 1993 à 2005.


Présents : MM. Pradalier, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Péligry, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Andrieu, Fournié, Haruna-Czaplicki, Napoléone, Watin-Grandchamp, MM. Balty, Bordes, Garrigou Grandchamp, Lassure, Peyrusse, Surmonne, Stouffs, Testard, membres titulaires ; Mmes Balty, Bessis, MM. Gardes, Suzzoni, membres correspondants.
Excusés : MM. Cazes, Président, Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mmes Cassagnes-Brouquet, Cazes, Lamazou-Duplan, Pradalier-Schlumberger, Queixalós, MM. Boudartchouk, Chabbert, Darles, Garland, le Père Montagnes, MM. Penent, Sournia, Tollon.
Invitée : Mmes Odette Molinier, Marianne Miguet, bibliothécaire honoraire de la Bibliothèque d’étude et du patrimoine de Toulouse, Jeanne Péligry, MM. Maxence Fabiani, directeur des Nouvelles éditions Loubatières, Miguet.

En l’absence du Président, le Directeur ouvre la séance en disant le grand plaisir que nous avons à accueillir nos invités de ce soir, qui tous ont contribué à faire connaître les travaux de Marie-Thérèse Blanc-Rouquette.

Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 2 février, qui est adopté à l’unanimité.
Le Directeur rend compte de la correspondance qui comprend en particulier les candidatures au titre de membre correspondant de notre Société de Mme Sarah Munoz et de M. Colin Debuiche, qui seront examinées par le Bureau.

La parole est à Geneviève Bessis et Christian Péligry pour une communication sur Un travail inédit de Marie-Thérèse Blanc-Rouquette : Quatre siècles d’imprimerie à Toulouse ou « les armes de la Lumière » .

Le Directeur remercie Geneviève Bessis et Christian Péligry, en regrettant que la contrainte de temps les ait empêchés de développer tout leur propos, que l’on pourra peut-être lire dans le prochain volume de nos Mémoires.

François Bordes, qui a bien connu Marie-Thérèse Blanc-Rouquette, s’est souvent entretenu avec elle de son projet, qui n’a pas été vraiment soutenu. Si elle lui avait donné un caractère plus scientifique, avec notamment un appareil critique, son travail aurait en effet constitué la base de nouvelles recherches. Christian Péligry souligne qu’il est très frustrant de rencontrer au fil de la lecture des citations d’archives dont les références font défaut, et Geneviève Bessis confirme qu’il est très difficile de retrouver les actes concernés dans les registres notariés.
Madame Odette Molinier précise que les documents qu’elle a pu déposer auprès de notre Société ne représentent que ce qui est resté de la documentation que Marie-Thérèse Blanc-Rouquette lui avait confiée, après qu’a été égaré le fonds réservé lors du règlement de la succession pour être donné à la Ville de Toulouse. Après avoir évoqué l’estime et l’affection qu’elle avait pour Marie-Thérèse Blanc-Rouquette, Mme Odette Molinier exprime sa gratitude à la Compagnie pour cet hommage rendu à notre consœur, qui répare l’injuste oubli dont elle a été victime. Le Directeur remercie Mme Odette Molinier pour ces témoignages.

La parole est à Nicole Andrieu et Jean-Marc Stouffs pour une communication sur L’armoire peinte de Poubeau (Haute-Garonne) .

Le Directeur remercie les deux intervenants de nous avoir présenté cette armoire exceptionnelle, dont la découverte a dû être ressentie comme une chance pour la commune. Nous ne pouvons que nous féliciter de la bonne inspiration qu’a eue le maire de la faire restaurer, et nous avons pu apprécier toute l’habileté de Jean-Marc Stouffs : la lisibilité ainsi rendue au décor peint permet de reconnaître la majeure partie de l’iconographie.
Nicole Andrieu rappelle que la fonction de ce meuble reste incertaine, mais on sait que des armoires ont longtemps servi à abriter les objets du culte, jusqu’à ce que les églises aient été dotées d’une sacristie. L’iconographie pourrait être celle d’une armoire liturgique. En réponse à une question d’Henri Pradalier, Nicole Andrieu précise que l’église est dédiée à saint Simplice. Henri Pradalier note encore que le décor est plus récent que l’armoire.
Maurice Scellès s’étonne de la structure de la partie basse de l’armoire, qui n’est accessible que par une petite porte au lieu des deux battants qu’il y a dans la partie haute. Par ailleurs, les traces de brûlure laissées par des bougies ne seraient-elles pas en faveur d’une armoire-reliquaire ? Geneviève Bessis évoque les rituels de fécondité dont le « caillou » de Poubeau faisait l’objet.
Comme Louis Peyrusse demande si l’on connaît d’autres meubles semblables de cette époque, Jean-Marc Stouffs et Nicole Andrieu confirment qu’ils sont rares.
Guy Ahlsell de Toulza s’intéresse aux traces de brûlures qui semblent indiquer que le bas du meuble a été brûlé à la bougie. Pour Jean-Marc Stouffs, il s’agit de brûlures volontaires, très profondes, comme auraient pu en provoquer des bougies brûlant en permanence ; d’autres traces se trouvent sur le haut du meuble et sur les côtés. Guy Ahlsell de Toulza fait remarquer que l’armoire devait être surélevée.
Jean-Michel Lassure croit se souvenir que la Vierge au ciboire de Poubeau, publiée par Marcel Durliat, est une pièce remarquable en raison de ses particularités iconographiques. Il ajoute que c’est une période où l’on a orné de nombreuses églises.
Pierre Garrigou Grandchamp signale une publication anglaise sur les marques de flammes de bougies ou de lampes à huile, observées sur des meubles et des poutres, publication qui met en évidence des pratiques très diversifiées. Il remarque par ailleurs que si le meuble a été peint sur place au XVIe siècle, d’après le style, le meuble lui-même pourrait peut-être faire l’objet d’une datation par dendrochronologie. Le musée de Sion, en Suisse, pourrait fournir des comparaisons pour sa fonction. Nicole Andrieu signale aussi, dans la sacristie de Rieux-Volvestre, une immense armoire et une petite armoire des archives du XVe siècle.

La Compagnie consacre la dernière partie de la séance à l’audition de cinq des rapports pour le concours.

Philippe Gardes donne lecture de son rapport sur mémoire présenté par Gaëlle Guillerme : La parure du Cayla de Mailhac (Aude) durant la Protohistoire (du Bronze final IIIb au Ier siècle av. n. é.), mémoire de master II sous la direction d’Éric Guilledrat, Montpellier, Université Paul-Valéry, 2014-2015, 195 p.

Puis il donne lecture du rapport de Jean-Luc Boudartchouk sur le mémoire de Pierre Péfau, Étude archéologique des vestiges d’architecture de l’Âge du fer du site de Roquelaure « La Sioutat » (Gers).

Philippe Gardes présente enfin son rapport sur le travail de Stéphanie Adroit : Pratiques funéraires et sociétés de la Garonne à l’Ebre (Xe s. - Ve s. av. j.-c.), thèse de l’Université Toulouse Jean-Jaurès, 2015.

Stéphanie Adroit soumet au prix de notre société son important travail de thèse soutenu en 2015. Il se compose d’un volume de texte de plus de 600 pages et d’un volume d’annexes, dessins, plans et tableaux.

Je suis heureux que Stéphanie Adroit concoure au prix de la Société, heureux parce-que sa candidature montre ô combien la Protohistoire a aujourd’hui conquis ses lettres de noblesse dans le milieu académique et qu’elle se révèle, non plus comme une simple transition entre Préhistoire et Histoire, mais comme une période de bouleversement des sociétés qui annonce et prépare l’ascension de l’urbanité. Je suis également heureux car je connais et apprécie la candidate. Elle est en effet membre du laboratoire TRACES depuis 2010 et a participé depuis à son développement. En quelques années, elle a su s’intégrer dans les principaux projets de recherche de l’équipe, organiser un colloque international à Madrid et développer des programmes personnels tout en menant à bien sa thèse. Ceci est d’autant plus méritoire que son sujet concernait un très vaste espace géographique, à cheval sur deux pays, la France et l’Espagne, de la Méditerranée au Golfe de Gascogne et de la Garonne à son fleuve jumeau au sud des Pyrénées, l’Èbre. De plus, elle n’a bénéficié que d’un financement très partiel de ses travaux.
La thèse porte sur les pratiques funéraires au premier Âge du Fer, sujet a priori peu novateur tant la recherche protohistorique s’est focalisée sur cette question depuis un siècle. Mais l’auteur réussit le tour de force de renouveler complètement le sujet en s’affranchissant des pesanteurs historiographiques et en dépassant le carcan des études régionales ou micro-régionales Ce changement de perspective lui permet de révéler ce qui jusque-là n’était que soupçonné : l’intensité des relations transpyrénénnes.
De cet énorme travail réalisé sur plus de 400 nécropoles, on retiendra au moins deux résultats majeurs, qui font que ce travail marquera durablement la recherche protohistorique.
Un des acquis importants de cette thèse réside dans la mise à plat de la chronologie. L’auteur met de l’ordre dans le maquis des schémas chronologiques existants et propose enfin une nouvelle périodisation générale en 6 étapes, débarrassée de toute scorie régionaliste. Ce travail s’appuie non plus sur la typologie des mobiliers d’accompagnement mais sur les datations radiocarbone et aussi sur l’évolution, moins volatil que celle des objets, des structures funéraires.
Le deuxième apport majeur de cette étude réside dans l’identification de groupes de nécropoles présentant des caractères proches et semblant évoluer de manière cohérente. Jusque-là soupçonnées à travers la diffusion de certains objets dont des agrafes de ceinture ou des fibules, les relations transpyrénéennes sont enfin prouvées sur des bases archéologiques assurées. Ce résultat l’auteur l’a obtenu en confrontant les données des différents sites à travers la méthode de l’analyse des correspondances, qui lui fournit des résultats impressionnants et peu contestables.

Au bilan l’auteur dresse un portrait totalement inédit des sociétés péri-pyrénéennes au premier âge du Fer. Elle montre toute la richesse et la complexité de l’organisation sociale de ces différents groupes qui entretenaient des relations bien plus étroites entre eux qu’avec la Méditerranée, par exemple.

Cette thèse est donc remarquable tant par son ampleur, son originalité que par sa qualité formelle. En outre, elle offre de nouvelles perspectives à la recherche protohistorique.

François Bordes donne lecture de son rapport sur le travail présenté par Nicolas Marqué : Géohistoire de Toulouse et des villes de parlement (vers 1680 - vers 1830). Des centres administratifs et judiciaires d’Ancien Régime et leur redéfinition après la Révolution, thèse de doctorat sous la direction de Jack Thomas, Université de Toulouse - Jean Jaurès, FRAMESPA, décembre 2015, 2 vol Texte, 788 p. et 1 vol. Atlas, 174 p. + cd.

Henri Pradalier donne lecture de son rapport sur le travail présenté par Anna Thirion : La « tribune » de Saint-Michel de Cuxa : essai de restitution numérique au service d’une nouvelle approche historique, iconographique et liturgique, thèse sous la direction de Géraldine Mallet, Université Paul-Valéry – Montpellier 3, 2015, 4 vol.

Dans sa thèse intitulée La « tribune » de Saint-Michel de Cuxa : essai de restitution numérique au service d’une nouvelle approche historique, iconographique et liturgique, Mme Anna Thirion a repris un sujet largement abordé depuis les années 1950, date à laquelle on a commencé à supposer qu’une tribune avait existé à l’intérieur de la nef de l’abbatiale catalane, à l’image de celle du prieuré de Serrabonne.
Après une introduction qui souligne la particularité de son travail et qui annonce clairement le plan, l’auteure inventorie les sources tant écrites qu’iconographiques et explique la méthode suivie. Celle-ci, par l’analyse numérique des différents éléments épars de la tribune de Cuxa, vise à en proposer une anastylose virtuelle avant de réfléchir à sa fonction dans la nef de l’abbatiale catalane.
Dans la première partie elle étudie les différents éléments de la tribune actuellement connus. s’accompagne de remarques neuves et pertinentes sur les thèmes représentés et, à travers l’étude analytique des supports, du couvrement et des éléments de façade, sur le matériau — du marbre rose — et son aspect actuel avec cassures, traces d’outils, type de taille et relief.
Dans la deuxième partie, Anna Thirion analyse avec la plus extrême minutie, les résultats des fouilles antérieures, les mesures, les formes et dimensions des supports, chapiteaux, tailloirs et ogives afin de retrouver l’emplacement de la tribune dans la nef et d’en proposer le plan et l’élévation.
Le travail effectué, impressionnant, où les mesures et les contours des différentes œuvres sont prises au millimètre permet à l’auteure de proposer avec une argumentation convaincante de nouvelles attributions de fragments pour l’élévation de la tribune et d’en exclure d’autres que l’on en avait rapprochées à tort. Cette investigation aboutit d’une part à une tentative de localisation de l’emplacement des chapiteaux et des différents éléments sculptés des façades orientale et occidentale de l’édicule, d’autre part à la restitution complète de tous les fragments conservés.
C’est là que prend tout son sens le recours aux techniques les plus modernes d’investigation qui ont permis à Mme Thirion de déplacer et d’orienter à loisir les différentes pièces conservées par le biais du recours au virtuel, évitant ainsi la lourdeur de la manipulation physique et les risques de détérioration des œuvres.
Par ailleurs en examinant de façon rigoureuse une très copieuse bibliographie, en comparant avec manuscrits, portail de Ripoll, ciborium, tribune de Serrabonne, de Cruas, de Vezzolano elle parvient à déterminer l’emplacement de la tribune dans la nef et l’orientation de ses façades que plusieurs chercheurs avaient inversées plaçant à l’ouest celle qui devait être à l’est et vice versa. Il s’agit là d’une découverte définitive et incontestable.
Les deux premières parties de la thèse de Mme Thirion débouchent sur ce qui est essentiel : quelle était la fonction et la signification de cette tribune ?
Sur cette question pendante, elle avance des propositions — que je ne détaille pas — sur la signification iconographique, les fonctions à la fois mémorielle, liturgique et commémorative de la tribune de Saint-Michel de Cuxa dans laquelle la réinsertion sur la façade occidentale de la tribune de la fameuse plaque de l’abbé Grégoire tient une place essentielle.
Ainsi par l’analyse complète des travaux antérieurs, la minutie apportée à l’analyse des différents fragments restants, la reconstitution convaincante du plan et de l’élévation de la tribune, les propositions nouvelles sur son rôle et sa signification ce travail exhaustif, ouvre des perspectives prometteuses sur la connaissance de ce type de construction qui a posé tant de problèmes aux chercheurs qui l’ont précédemment étudié. Mme Thirion a su apporter à leurs travaux des corrections salutaires et irrévocables avec des arguments décisifs.
Tout ceci dans une langue sans reproche et un style agréable malgré la technicité de certaines pages, phénomène de plus en plus rare dans les travaux actuels des chercheurs et qui montrent que pour qui connaît la langue nulle réforme de l’orthographe et de la grammaire n’est nécessaire.
C’est pourquoi, devant l’ampleur et la qualité du travail effectué je propose qu’Anna Thirion puisse bénéficier d’un prix doté de notre société.


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