Mémoires |
BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE
2001-2002
établi par Patrice CABAU & Maurice SCELLÈS
Les parties non reproduites dans l'édition papier apparaissent en vert dans cette édition électronique.
Séances du 2 octobre 2001 au 5 février 2002 | Séances du 20 février 2002 au 19 juin 2002 |
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 237
SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2002
Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Coppolani,
Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès,
Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Napoléone, Noé-Dufour,
Pousthomis-Dalle, MM. Bordes, Boudartchouk, Gilles, Hermet, Nayrolles, Peyrusse,
Pradalier, Prin, Roquebert, Tollon, membres titulaires, Mmes Bayle, Conan, Czerniak,
Fournié, Piot, Watin-Grandchamp, MM. Burroni, Ginesty, Manuel, Molet, membres
correspondants.
Excusés : M. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mmes Cazes, Pujalte, MM. Catalo, Garland,
Gillis, le Père Montagnes.
Invités : MM. Marc Combelongue, Laurent Cleys.
Le Secrétaire-adjoint donne lecture du
procès-verbal de la séance du 5 février dernier, qui est adopté.
La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite. Notre
confrère M. Robert Gillis regrette que sa santé le tienne éloigné de nos séances; le
Père Montagnes, en voyage à Rome, demande à la Compagnie dexcuser son absence.
Plusieurs dons viennent enrichir notre bibliothèque :
Lordre du jour appelle lexamen des rapports pour le concours. La Présidente donne la parole à Jean Nayrolles pour son rapport sur le mémoire de M. Romain Rico, François-Martin Lebrun, 1799-1845. Architecte théoricien du béton, mémoire de maîtrise sous la direction de M. Louis Peyrusse, Université de Toulouse-Le Mirail, 2001, 1 vol. de texte 183 p., 1 album de 132 fig. :
« Létude de M. Romain Rico apporte une contribution très appréciable à lhistoire de larchitecture du XIXe siècle. Cette contribution concerne tout dabord le Midi toulousain, car luvre de François-Martin Lebrun se situe pour lessentiel dans les départements du Tarn et de Tarn-et-Garonne, mais il ne faut pas craindre daffirmer que le nom de Lebrun pourrait à bon droit figurer dans les panoramas sur lhistoire de la construction au siècle de lindustrie, car il illustre parfaitement les recherches des ingénieurs de son temps dans le domaines des matériaux nouveaux. En effet, Lebrun fut un précurseur dans linvention (ou la réinvention) du béton, ce matériau connu des Romains, oublié pendant plusieurs siècles, et qui devait triompher à notre époque, pour le meilleur et pour le pire. Or, on ignore habituellement que les ingénieurs préoccupés par la question du béton étaient déjà nombreux dans la première moitié du XIXe siècle, période durant laquelle semblent avoir prévalu exclusivement les recherches sur la fonte de fer. Avant de parvenir à coffrer de grandes quantités de béton autour dune armature métallique (le béton armé), il fallut mettre au point un matériau solide et durable. Cest à lorigine de la conception de ce matériau, dans les années 1830, que se situe luvre de théoricien de Lebrun.
Le mémoire de M. Romain Rico se compose de trois parties : la carrière de François-Martin Lebrun, son uvre de théoricien du béton, son uvre darchitecte.La biographie de Lebrun était à ce point méconnue que les dates de sa naissance et de sa mort demeuraient obscures. Dans une étude prosopographique tout à fait remarquable, M. Romain Rico restitue le milieu familial et trace, en partie tout au moins, le parcours de Lebrun. Des zones dombre demeurent pourtant. Ainsi, pour ce qui est de sa formation, on ne trouve trace de son passage dans aucune institution connue, ni école des Beaux-Arts, ni école dingénieurs. Il y a tout lieu de penser quau-delà dune première formation dans le giron familial, Lebrun acquit par lui-même une solide culture scientifique et technique. Plus tard, sa production théorique, sous forme de livres et darticles destinés à diffuser auprès des ingénieurs ses méthodes de construction en béton, l'attestera. Le parcours professionnel de Lebrun fut celui dun architecte de fonction passant au service de municipalités importantes (Castres et Gaillac entre 1826 et 1831), et terminant sa carrière comme architecte départemental de Tarn-et-Garonne.
Ingénieur et architecte, François-Martin Lebrun fut aussi un intrépide entrepreneur, épousant lesprit de son siècle au moment du premier essor industriel que connut la France. Il créa, à Marssac-sur-Tarn, entre Albi et Gaillac, lieu où il avait élu résidence (sa villa existe encore), une importante usine de ciment qui fonctionna jusquau XXe siècle et dont la production remporta de nombreux prix lors des expositions universelles.
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Dans la deuxième partie du mémoire, M. Romain Rico analyse le "procédé Lebrun". Louvrage dans lequel il est exposé, le Traité pratique de lart de bâtir en béton, fut publié à Paris en 1843. Le point de départ réside dans la recherche de la meilleure formule possible du mélange de chaux hydraulique, de sable, de gravier, de rocaille ou de pierre concassée. Dans ces recherches, Lebrun relaie les travaux dun ingénieur qui la précédé, Louis-Joseph Vicat, auteur en 1818 de Recherches expérimentales sur les chaux de construction, les bétons et les mortiers ordinaires. Le procédé constructif de Lebrun sinspire à lorigine de la technique du pisé : élévation de murs au moyen dencaissements et "massivation" du matériau de remplissage, consistant à tasser le béton au moyen dun pilon à manche au fur et à mesure quil est déposé. Lun des points forts du procédé consiste à sétendre à la construction de voûtes en béton, dites "pierre factice". Apparemment très simple, le procédé Lebrun nen est pas moins une des toutes premières applications du béton à lair libre. Son relatif succès dans la région sexplique par largument économique.
Aussi modestes quelles fussent, les mises en uvre concrètes du procédé nen sont pas moins de précieux jalons dans lhistoire des techniques architecturales : les caves voûtées de lHôtel-de-Ville de Gaillac (véritables prototypes des caves de propriétés viticoles de la région gaillacoise), la villa Lebrun de Marssac (sorte de laboratoire pour lapplication du béton à toutes les parties dun édifice), les fausses voûtes des églises Saint-Jean-Baptiste de Cazals et Saint-Grégoire de Varen, le temple protestant de Corbarieu, le ponceau sur lAzin à Castelsarrasin ainsi que le pont sur le canal latéral à Grisolles (détruit aujourdhui) sont autant de témoins de lactivité dingénieur de Lebrun.La troisième et dernière partie de létude ordonne la série des monographies dédifices dans deux sections : lune consacrée aux édifices en béton, lautre à larchitecture conventionnelle. Il ne faut surtout pas négliger cette dernière car, à lactif de larchitecte Lebrun, on compte deux des plus importants ensembles urbains et monumentaux à lépoque du néo-classicisme dans la région : lancienne place royale de Castres (aujourdhui place Jean-Jaurès) et lHôtel-de-Ville de Gaillac, avec la place qui lui sert décrin. Ces deux créations firent dailleurs lobjet dune publication dans les très officiels Choix dédifices publics de Gourlier, Biet, Grillon et Tardieu une sélection des meilleurs projets soumis au Conseil général des Bâtiments civils. Ces deux ensembles, dans leur style, leurs modules, le dessin de certains de leurs détails, sont à rapprocher des grands ensembles urbains créés à Toulouse par Jacques-Pascal Virebent dans les premières années du siècle. Au-delà de ces rapprochements, de nombreuses et très intéressantes spécificités signalent les uvres de Lebrun : la conception de la halle sur la place de Castres, celle de la mairie-école de Gaillac, hybridation très originale qui annonce les mairies-écoles de la IIIe République.
La qualité esthétique de ces uvres, qui na pas échappé au regard aiguisé des membres du Conseil des Bâtiments civils, suffirait seule à faire de Lebrun un architecte remarquable à lépoque du néo-classicisme tardif. En ajoutant à luvre de larchitecte la singularité de lactivité de lingénieur, M. Romain Rico dessine la figure dun homme dexception exceptionnellement représentatif de son temps. Il la fait en donnant à son travail toutes les qualités que lon peut attendre dun mémoire de maîtrise : rédaction soignée, appareil critique irréprochable, album très complet et parfaitement clair, toutes choses que les enseignants encadrant des maîtrises voient rarement réunies, à un tel niveau, dans un seul mémoire.Lattribution par la Société Archéologique du Midi de la France dun de ses prix à M. Romain Rico paraît doublement justifiée : tout dabord pour couronner une maîtrise dune rare qualité, mais aussi pour donner toute la publicité désirable à une étude qui doit compter dans la prise en considération dun patrimoine précieux (les édifices en béton) et qui, pourtant, ne se signale guère quau spécialiste instruit dune telle analyse. »
Daniel Cazes donne lecture du rapport de Quitterie Cazes, empêchée :
« Mlle Nancy Moreno soumet au concours de la Société Archéologique du Midi de la France le mémoire qu'elle a rédigé sous la direction de Mme le professeur Michèle Pradalier-Schlumberger pour l'obtention de la maîtrise d'Histoire de l'art, intitulé Architecture civile médiévale à Lauzerte (Tarn-et-Garonne) aux XIIIe et XIVe siècles et soutenu en septembre 2001 à l'Université de Toulouse-Le Mirail. Avec 137 pages et 292 figures, elle organise son travail en trois grandes parties.
La première partie est consacrée aux circonstances de la fondation de Lauzerte, dans le dernier quart du XIIe siècle, et aux grandes lignes de l'évolution urbaine jusqu'au XVe siècle. La ville haute, entourée de fortifications, est lotie dès l'origine en 200 parcelles et connaît un développement rapide, à tel point que les faubourgs sont cités dès 1259. À l'extrémité nord-est du plateau sur lequel la ville est édifiée, le château comtal se dresse dès le milieu du XIIIe siècle ; l'église Saint-Barthélemy et la place du marché trouvent place dans la partie la plus large. Les bâtiments publics, la place du marché et ses maisons médiévales existantes ou détruites, l'église Saint-Barthélemy et les fortifications sont rapidement étudiés ; puis Mlle Nancy Moreno répertorie les vestiges apparents d'architecture civile, soit une trentaine de maisons : ainsi, le cadre de l'étude est clairement fixé.
C'est dans la seconde partie qu'est exposé le cur de la recherche, fondé sur l'étude monographique de huit édifices. Ces analyses se déroulent suivant une méthodologie désormais bien établie, notamment par Anne-Laure Napoléone et Maurice Scellès. L'auteur a dressé les plans des constructions par niveau, relevé les élévations à l'intérieur et à
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l'extérieur, analysé les appareils de la construction, en pierre, en brique ou en pan-de-bois, mais aussi les modénatures et les sculptures ou les enduits peints quand ils existent encore, de même que tous les éléments qui permettent de restituer l'aménagement intérieur, placards, éviers, latrines, cheminées.
Dans sa troisième partie, Mlle Nancy Moreno peut dès lors tenter de restituer l'aspect des maisons de Lauzerte aux XIIIe et XIVe siècles. Le premier volet de la synthèse concerne l'utilisation des matériaux. Les constructions les plus anciennes pourraient avoir été édifiées en briques, du côté de la porte de la Barbacane, au sud-est de la ville. On n'attend certes pas ce matériau dans une ville du Quercy, la brique étant généralement utilisée dans les villes de la plaine : est-ce parce que la brique est plus rapidement mise en uvre ? son emploi renseigne-t-il sur les habitudes et les connaissances des premiers habitants ? Il y a là, sans aucun doute, matière à réflexion. L'appareil en pierres calcaires est toutefois largement dominant, sans que l'on puisse inférer de la taille des blocs une chronologie précise entre le XIIIe et le XVe siècle. L'un des apports de cette étude est également l'identification de pan-de-bois peut-être antérieurs à 1400, mais là seules des analyses dendrochronologiques permettraient d'aller plus loin.
Cette étude met également l'accent sur des éléments relevant de la sphère privée. Nombreux sont les édifices qui présentent un grand arc en façade, ouvrant sur un local commercial, et un arc plus petit donnant accès aux parties privées de la maison. Le logis familial est, comme ailleurs, situé au premier étage, largement éclairé et comporte les équipements habituels : dans ce sens, la maison médiévale de Lauzerte ne présente pas de caractère particulier. On notera cependant la "découverte" d'un panneau de meuble en bois présentant un décor sculpté à l'évidence gothique, retrouvé par l'un des propriétaires. Beaucoup plus exceptionnelle dans la région est la présence de caves, dont deux étaient connues, celles du bâtiment dit de la Sénéchaussée et celles du château, et une troisième que Nancy Moreno a révélée dans le sous-sol des parcelles 123 et 124 de la rue de la Gendarmerie. Voûtées d'ogives aux profils similaires, les deux premières comportant des clefs sculptées, leur destination n'est évidemment pas celle de simples réserves familiales, et là encore s'ouvre une piste de recherche de grand intérêt.
La chronologie de ces maisons peut être abordée par l'étude des formes des ouvertures. Ainsi, c'est dans les constructions en briques que l'on trouve des arcades en plein-cintre, forme héritée de l'architecture romane. Les édifices du XIIIe siècle se signalent par un étage largement ouvert sur la rue par des baies géminées à chapiteau central sculpté, couvertes d'arcs aux tracés brisés, forme qui évolue vers la baie à remplage au cours du XIVe siècle, rare à Lauzerte.
Les dernières constatations relèvent du domaine public. En premier lieu, la répétition des modules de parcelles, largement conservés dans le cadastre actuel, manifeste le caractère concerté du lotissement d'origine. La présence de boutiques met en évidence la fonction plus spécifiquement commerciale de certaines rues : c'est l'une des fonctions majeures de la ville médiévale qui s'exprime ainsi. D'autre part, les toits de ces maisons ont leur pignon sur les murs mitoyens ; les eaux de pluie sont ainsi orientées vers la rue, et également vers la venelle qui, dans certains cas, traverse les îlots. Cette disposition, comme les vestiges d'éviers ou de latrines relevés à l'arrière de quelques parcelles et donc orientés vers la venelle, suggèrent qu'un système de récupération et d'écoulement des eaux usées fut prévu dès la première planification urbaine du castelnau. Enfin, l'esthétique recherchée de façades régulières et ornées manifeste le caractère "bourgeois" (par opposition au milieu rural) de ces maisons et exprime la position sociale et économique de leurs propriétaires. C'est donc, au-delà du strict travail technique qui est mis en uvre, un pan de la société médiévale qu'il nous est donné de connaître et qui vient confirmer et enrichir les résultats des analyses entreprises depuis plusieurs années dans la région.
La recherche de Mlle Nancy Moreno doit être saluée pour sa cohérence, pour la précision de ses analyses, pour la rigueur de son écriture, pour les pistes qu'elle ouvre : c'est un travail qui manifeste une réelle maturité de chercheur. Il me semble donc que ce mémoire mérite d'être primé par la Société Archéologique du Midi de la France. »
Maurice Scellès donne lecture du rapport de Jean Catalo, empêché, sur le mémoire de Mlle Mélanie Chaillou, Les maisons médiévales de Puycelsi (XIIIe, XIVe et XVe siècles), mémoire de maîtrise sous la direction de M. Henri Pradalier, Université de Toulouse-Le Mirail, 2001, 1 vol. de texte de 336 p., 1 vol. de planches avec 284 fig. :
« Mélanie Chaillou sur les maisons médiévales de Puycelsi dans le Tarn se présente en deux volumes : un volume de texte accompagné des planches se rapportant à des monographies dédifice, un volume de figures comportant clichés photographiques et plans annexes. Son étude porte sur larchitecte civile médiévale encore identifiable dans ce village tarnais en bordure de la forêt de la Grésigne. Ce travail sinscrit dans la ligne des travaux universitaires et articles de Michèle Pradalier-Schlumberger, Anne-Laure Napoléone, Maurice Scellès ou Pierre Garrigou Grandchamp, tous membres éminents de notre Société, sur larchitecture des maisons médiévales du Midi toulousain.
Perché sur un promontoire rocheux, Puycelsi garde encore une structure cadastrale héritée du Moyen Âge. Bien que son château ait totalement disparu, la présence de léglise et de remparts associés à des éléments darchitecture civile justifie lintérêt de son étude au voisinage dagglomérations comme Bruniquel, Saint-Antonin-Noble-Val ou Cordes, dont on
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connaît la richesse du patrimoine. Après une présentation du cadre historique de Puycelsi, lauteur livre des monographies de dix demeures présentant les caractères architecturaux originaux les mieux conservés. Ces édifices sont relativement dispersés dans le village, ce qui ne fournit pas les éléments dune éventuelle chronologie relative entre eux. En dépit des contraintes inhérentes à lexercice (état de conservation ou de restauration, objet détude dans le domaine privé, difficulté didentification des remplois ), létude permet néanmoins de dégager quelques caractéristiques redondantes et répertoriées sur lensemble du village. Ces caractères sont regroupés dans une synthèse qui détaille utilisation des matériaux de construction, typologie des ouvertures et aménagements liés au confort ou à lapparat, définition de la modénature et du décor. En conclusion, Mélanie Chaillou montre quil napparaît pas de modèle de maison médiévale purement puycelsien. Les éléments en présence définissent plutôt un schéma classique de la « maison polyvalente ». À Puycelsi, larchitecture civile tend vers une grande sobriété du décor et des ouvertures, notamment les baies géminées. Une des rares singularités réside dans la présence de corniches à modillons sous la toiture dans plusieurs maisons. La chronologie est difficile à approcher en raison de la rareté des décors, qui rend lanalyse parfois assez ingrate. Les édifices étudiés sont plutôt des XIIIe et XIVe siècles, mais aussi parfois du XVe siècle. Il convient aussi de signaler un grand nombre de maisons à étages en pan de bois, qui sans être lobjet de cette étude, constituent une grande partie de larchitecture civile et qui resteraient à appréhender de manière plus précise.
Ce mémoire est dune grande qualité formelle, en particulier linfographie des plans et relevés qui est bien maîtrisée. La documentation des monographies est particulièrement riche et bienvenue. De manière plus générale, lattention semble plutôt portée sur ces monographies, quelque peu aux dépens des considérations plus globales qui auraient pu être approfondies, en matière historique et dorganisation de lespace au-delà des parcelles étudiées notamment. Si lanalyse architecturale mériterait parfois dêtre mieux argumentée, elle fait preuve dune grande prudence, souvent très à propos, ce dont témoignent plusieurs hypothèses de restitution graphique. Cette étude a le mérite de faire émerger le problème de la comparaison effective de larchitecture civile entre des villes richement ornée telles que Cordes ou Saint-Antonin-Noble-Val et des villages plus modestes comme le castrum de Puycelsi, dimportance et de statut bien différents au Moyen Âge. À ce titre, létude de Mélanie Chaillou me semble devoir retenir lattention de notre Société, et mériter notre soutien. »
La Présidente remercie les rapporteurs et rappelle
que nous avons à attribuer cette année le prix Ourgaud, doté de 2000 F.
Ayant demandé la parole, le Secrétaire général dit connaître les
deux mémoires consacrés aux maisons médiévales et avoir lu la plus grande partie de
celui de M. Romain Rico, dont le sujet ne pouvait que lintéresser pour avoir
croisé Lebrun lorsque le Service régional de lInventaire travaillait sur le
Tarn-et-Garonne. Sans que cela enlève rien aux premiers, il lui paraît clair que
le travail de Romain Rico se signale autant par la richesse de ses recherches que par la
qualité de la réflexion et de la rédaction, qui en font un mémoire de maîtrise
exceptionnel.
Louis Peyrusse précise que le sujet sur Lebrun avait été proposé
parce que lon ne pouvait quêtre souvent agacé de ne rien savoir dun
architecte qui était pourtant cité comme lun des pionniers du béton et il
souligne dune part le mérite de M. Romain Rico, qui a su travailler seul sur ce
sujet difficile, dautre part lexceptionnelle qualité de son mémoire.
Henri Pradalier confirme que si le mémoire de Romain Rico semble bien
simposer, les deux autres mémoires présentés sont néanmoins de très bons
travaux, dont les qualités sont sans doute différentes mais quil ne paraît pas
possible de départager.
La discussion sengage sur la création dun prix spécial de
la Société Archéologique. On procède aux votes. Le prix Ourgaud est attribué à
lunanimité des membres présents à M. Romain Rico et il est décidé
dattribuer le prix spécial de la Société Archéologique du Midi conjointement à
Mlles Nancy Moreno et Mélanie Chaillou.
La parole est à Jean-Luc Boudartchouk pour une communication sur Saint Antonin dit « de Pamiers », publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires .
La Présidente remercie Jean-Luc Boudartchouk de
nous avoir présenté un état de la question tout à fait passionnant, qui prend en
compte un nombre impressionnant de sources textuelles et archéologiques et apporte de
nombreuses nouveautés. Elle note en particulier le bouleversement opéré au début du XIIe
siècle.
Michelle Fournié sétant étonnée que Bernard Gui
napparaisse pas dans la série des sources médiévales, Jean-Luc Boudartchouk
reconnaît ne pas avoir vu ce texte. Michelle Fournié souligne le fait que Bernard Gui
a habituellement recours à de nombreuses sources anciennes, mais Jean-Luc Boudartchouk
rappelle que lon dispose de textes du début du XIIe
siècle.
Dominique Watin-Grandchamp sinterroge sur la nature des reliques
conservées à Pamiers, relevant quun bras et la tête sont mentionnés à
Saint-Antonin-Noble-Val. M. Laurent Cleys indique que les reliques de Pamiers ont été
détruites pendant les guerres de Religion. Michelle Fournié rappelle que dans sa
confirmation de lévêché de Pamiers, Jean XXII fait état du corpus sancti
Antonini. Patrice Cabau fait néanmoins remarquer que le mot corpus peut
sappliquer à un seul morceau du corps, parfois très petit ; quant au diplôme, très
frelaté, il nest sans doute pas antérieur au milieu du IXe
siècle, et sil fait mention de la tête du saint, il nest pas question du
bras. Jean-Luc Boudartchouk relève par ailleurs que les « corps » des disciples de
saint Antonin tiennent dans une simple capsa.
Henri Pradalier indique que les archives du XVe
siècle font état de la présence, dans le choeur de Saint-Antonin de Pamiers, de la grebo
autour de laquelle il semble que lon peut circuler : par référence à
lallemand Grab, on songe à une tombe qui serait ainsi mise en scène.
Patrice Cabau cite également le mot girba qui signifie « châsse ».
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Pour Jean-Luc Boudartchouk, il est évident que la situation même du
Mas-Vieux sexplique par des raisons spécifiques qui ont imposé linstallation
de léglise à cet endroit et non ailleurs. Après avoir rappelé litinéraire
de la navigation extraordinaire des reliques de Frédelas à Noble-Val, par
lAriège, la Garonne, le Tarn puis lAveyron, Patrice Cabau dit ne pas croire
que le testament de Raymond de Rouergue en 961 établisse une relation particulière entre
les deux monastères ariégeois et rouergat. Il ajoute que le manuscrit latin 17002 de la
Bibliothèque nationale provient de Moissac, et quil peut être daté pour
sa première partie des années
1030-1050, la circulation des reliques étant donc bien antérieure à lexpédition
du comte de Foix, ce dont Jean-Luc Boudartchouk convient. Henri Pradalier fait remarquer
que les relations entre les moines et le comte de Foix étaient mauvaises : la forteresse
est en pariage, le comte étant vassal du chapitre et lhostilité entre eux est
grande ; on voit mal que celui-ci ait offert des reliques au monastère de Frédelas. Il
lui semble en revanche que Raymond de Barbastro est un personnage essentiel. Jean-Luc
Boudartchouk pense néanmoins que la croisade a joué un rôle, peut-être en entraînant
un jeu de surenchère entre le comte et les moines.
Dominique Watin-Grandchamp évoque les communautés de prière et de
fraternité qui pouvaient lier les monastères et indique quil faudrait peut-être
consulter le rouleau mortuaire dOliba.
Henri Pradalier ayant évoqué les fouilles réalisées sur le site de
labbaye de Pamiers, Laurent Cleys précise que les trois sondages ouverts sur les
parties orientales de léglise ont montré quil sagissait dune
construction du début du XIIe siècle. Henri Pradalier rappelle
quil avait émis lhypothèse dun chantier réalisé en deux temps, et
que les fouilles ont en fait démontré quil y avait eu une campagne unique, datée
par la découverte dun élément sculpté proche des décors des tailloirs du
cloître de Moissac.
Daniel Cazes demande quels sont les éléments de confusion possibles
entre saint Antonin dApamée et le saint Antonin gaulois. Jean-Luc Boudartchouk dit
que les similitudes portent sur des petits détails, qui ne semblent pas dus au hasard,
mais que les différences restent importantes. Une deuxième source de contagion possible
pourrait être la Vie de saint Antonin de Palencia, décapité sur la rive dun
fleuve, même si ce détail nest pas rare dans les récits hagiographiques. Il
ajoute que sa conclusion la plus schématique serait quil nexiste pas de saint
Antonin gaulois, mais que le versant toulousain de la tradition a peut-être des rapports
avec les personnages toulousains dAntonin et de son disciple Almachius.
Au titre des questions diverses, Gabriel Burroni et Maurice Scellès attirent lattention de la Compagnie sur le château de Cascatel, dans les Corbières audoises.
« Lédifice comporte une tour qui jouxte un pont médiéval dont les arches ont été emportées par la crue de 1999. La tour se signale par le fait quelle ne présente aucun niveau dhabitation : sur un premier niveau bas est établie une haute pièce qui pouvait servir de grenier et dont la voûte porte la terrasse de la couverture.
Le rez-de-chaussée conserve cependant un décor de gypserie tout à fait exceptionnel. Les murs sont ornés de grands panneaux plus ou moins larges pour sadapter à la structure du plafond, disposés symétriquement selon laxe marqué par la cheminée et le panneau opposé où se trouvait sans doute une glace. Les encadrements sont formés de chicorée, de guirlandes de feuilles et de fleurs, roses et tournesol, auxquelles se mêlent des oiseaux, un carquois et des flèches, un cor de chasse Les angles de la corniche sont occupés par des dragons à corps doiseaux, ailes de chauves-souris et longue queue en fer de lance, dont les têtes ont malheureusement toutes été brisées. Lencadrement de lemplacement de la glace est enrichi de roseaux et de branches dolivier; en partie haute apparaît un buste de Diane, un croissant de lune dans les cheveux ; lun des deux chiens, réalisé en très haut relief, subsiste en partie basse. Sur le mur voisin se distingue encore nettement la trace dun paon. Lensemble du décor semble avoir été peint au naturel, à lorigine.
CASCATEL (AUDE), décor de gypserie.
Cliché G. Burroni.CASCATEL (AUDE), décor de gypserie.
Cliché G. Burroni.
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CASCATEL (AUDE), décor de gypserie.
Cliché G. Burroni.CASCATEL (AUDE), décor de gypserie.
Cliché G. Burroni.CASCATEL (AUDE), décor de gypserie.
Cliché G. Burroni.Le caractère exceptionnel de ce décor de gypserie tient à la très grande qualité du dessin et de la facture, mais aussi à la composition de lensemble. On notera en particulier lépaisseur très importante des motifs placés à la base des panneaux, qui reposent sur le lambris bas en menuiserie, épaisseur qui va ensuite en diminuant vers le haut des murs. Autre particularité, le dessin préparatoire peut-être tracé au charbon, alors que l'on a habituellement des tracés à la sanguine. Une étude minutieuse permettrait de préciser la technique et peut-être de mieux cerner le milieu dorigine de lartiste auquel on a fait appel.
Ce salon consacré au thème de la chasse a été la seule pièce à recevoir un décor de cette qualité. On saccordera avec M. Laurent Hugues, conservateur du patrimoine chargé des objets mobiliers à la conservation régionale des Monuments historiques de Languedoc-Roussillon, pour en situer la réalisation au milieu du XVIIIe siècle.Lensemble de ce décor est aujourdhui en mauvais état mais il peut encore être sauvé, à la condition que soient prises au plus vite des mesures conservatoires : des pans entiers sont décollés et risquent de seffondrer sils ne sont pas consolidés dans les plus brefs délais. M. Laurent Hugues nous a confirmé que lensemble du château a été inscrit à lInventaire supplémentaire en juin 2001, et que le classement du décor de gypserie était envisagé. Il faut souhaiter que celui-ci soit prononcé au plus tôt, et que les mesures conservatoires soient prises sans attendre. »
SÉANCE DU 5 MARS 2002
Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Coppolani,
Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour,
Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint,
Mmes Napoléone, Noé-Dufour, MM. labbé Baccrabère, Boudartchouk, Hermet, le Père
Montagnes, Peyrusse, Tollon, membres titulaires, Mmes Bayle, Czerniak, Félix, MM.
Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mmes Cazes, Fournié, Pousthomis-Dalle, Pujalte, MM. Garland, Pradalier, Mgr
Rocacher.
La Présidente ouvre la séance en regrettant que
notre assemblée soit si peu nombreuse. Le Secrétaire général donne lecture du
procès-verbal de la séance du 26 février dernier : à sa demande, le procès-verbal est
adopté sous la réserve déventuelles corrections que pourrait demander Jean-Luc
Boudartchouk, qui na pu être joint avant la séance de ce soir.
En marge du procès-verbal, Patrice Cabau confirme que la consultation
des rouleaux funéraires, sur lesquels Dominique Watin-Grandchamp a attiré notre
attention, est intéressante. Lédition de Léopold Delisle (1866) donne celui de
Guifred, mort en 1051, mais pas celui dOliba, mort en 1046, qui a cependant été
publié dans les Annales du Midi en 1951. Pour Saint-Antonin-Noble-Val, le rouleau
dOliba ne mentionne comme relique que la tête alors que le rouleau de Guifred parle
de la tête et dune partie du corps.
La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite. Cest en particulier Me Bouscatel, Maire-adjoint chargé de la coordination des actions culturelles, qui nous remercie de lenvoi du tome LX de nos Mémoires.
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Deux dons viennent enrichir notre bibliothèque :
La Présidente exprime les remerciements de notre Société aux donateurs.
Le Secrétaire général indique que les carreaux de faïence que nous conservons dans notre salle des séances intéresseraient Jean-Louis Vayssettes et quil se propose de lui en faire parvenir des photographies. Daniel Cazes rappelle que ces carreaux proviennent dun immeuble proche de lHôtel dAssézat, qui se trouvait entre la rue de lÉcharpe et la rue de Metz, sur lemplacement du théâtre romain, immeuble qui a été détruit lors de lalignement de cette dernière; les carreaux ornaient les murs dun couloir, comme cela se trouve fréquemment en Espagne.
Lordre du jour appelle lélection de
membres dhonneur. La Présidente donne la parole à Louis Peyrusse qui explique que
notre Société dispose par ses statuts de places de membres honoraires, dont nous avons
usé avec une parcimonie redoutable. Il lui a paru que la désignation de membres
honoraires ne pouvait que contribuer au rayonnement de notre Société hors de Toulouse et
il avait donc proposé que ce titre soit décerné aux membres extérieurs du comité
scientifique de nos Mémoires, auquel serait adjoint M. Bruno Foucart, éminent
spécialiste de l'art des XIXe et XXe siècles.
La Compagnie entend alors les rapports présentés par Daniel Cazes,
Michèle Pradalier-Schlumberger et Louis Peyrusse. Mme Éliane Vergnolle, professeur
dart médiéval à lUniversité de Besançon, MM. Jean Guyon, directeur de
recherche au Centre Camille-Jullian, Patrick Périn, conservateur en chef du Musée des
Antiquités nationales, et Bruno Foucart, professeur dhistoire de lart
contemporain à lUniversité de Paris IV-Sorbonne, sont élus membres dhonneur
de notre Société.
La Présidente rappelle que la séance publique annuelle de notre Société se tiendra dimanche prochain, 10 mars, à 16 heures. Elle annonce que le Maire de Toulouse, M. Philippe Douste-Blazy, ne pourra se joindre à nous ; Mme Sudre, conseiller municipal délégué à larchéologie, le représentera.
La parole est à Marc Salvan-Guillotin pour une communication sur Les peintures murales de Notre-Dame de Sescas à Bourisp (Hautes-Pyrénées), publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.
La Présidente remercie Marc Salvan-Guillotin pour
cette superbe collection de photographies qui exalte des peintures que certains jugeraient
modestes, mais dont la communication révèle la qualité et lintérêt. Les
nouveautés sont tout aussi importantes, mais faut-il vraiment penser que parmi ces
décors nouvellement apparus, le Jugement dernier, par exemple, soit du même peintre?
Marc Salvan-Guillotin précise que ce nest que par facilité quil emploie le
terme de « peintre », mais quil faut entendre « atelier ». Virginie Czerniak
pense que plusieurs mains sont intervenues, et elle demande quels sont les rapports
stylistiques qui peuvent être établis entre les peintures du porche et les autres
décors de léglise. Marc Salvan-Guillotin répond que les peintures du porche ne
lui semblent pas avoir été réalisées par latelier de Ramond Sabatier, mais par
un second atelier dont on reconnaît également quelques incursions dans la nef. Maurice
Scellès dit ne pas être complètement convaincu par lanalyse stylistique. Virginie
Czerniak ayant relevé les lettres G et B qui apparaissent sur un décor du porche, Marc
Salvan-Guillotin indique quil sagit dun graffiti, ce que confirme la
photographie.
Après avoir rappelé létude de Sylvie Decottignies sur le Dit
des trois morts et des trois vifs et le parallèle qui peut être établi avec la scène
voisine du Péché originel grâce à un texte contemporain, Virginie Czerniak remarque
que des bois gravés ont pu servir de modèles. Marc Salvan-Guillotin le confirme en
ajoutant que les images imprimées sont parfois utilisées longtemps après leur
production, retard qui se traduit par exemple dans les costumes, qui ne sauraient donc
dater les peintures.
À partir des peintures de Guchen, de Bourisp et de Mont, il semble à
Virginie Czerniak quil est possible de saisir une progression dans le style de
Ramond Sabatier. Marc Salvan-Guillotin ne le croit pas et il fait remarquer quil
nest pas sûr que Ramond Sabatier ait travaillé à Mont : le visage du Christ
indiquerait plutôt que les artistes de Mont se sont inspirés des peintures de Bourisp.
Maurice Scellès demande quelles sont les parties de léglise qui
ont été badigeonnées au XVIIIe siècle. Marc Salvan-Guillotin précise que
seuls labside et le porche ont été passés en blanc, le décor de la nef restant
visible. Louis Peyrusse remarque que, sil y a eu des repeints, ils ont été faits
sans déformation des peintures originelles et sans introduction de traits stylistiques
nouveaux. Marc Salvan-Guillotin indique que la présence des repeints a été confirmée
par le restaurateur, M. Jean-Marc Stouffs.
Le Secrétaire général annonce la parution du tome LXI des Mémoires pour la fin du mois de mars.
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SÉANCE DU 19 MARS 2002
Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes,
Directeur, Coppolani, Directeur honoraire, Scellès, Secrétaire général, Cabau,
Secrétaire-adjoint, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour,
Bibliothécaire-Archiviste ;
Mmes Napoléone, Noé-Dufour, MM. Bordes, Boudartchouk, Ginesty, Peyrusse, Roquebert,
Tollon, membres titulaires ; Mmes Bayle, Czerniak, Fournié, Fraïsse, Pujalte,
Watin-Grandchamp, MM. Fau, Manuel, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mme Cazes, M. Garland.
La Présidente ouvre la séance à 17 heures. La
parole est au Secrétaire général pour la lecture du procès-verbal de la séance du 5
mars 2002, qui est adopté.
Michèle Pradalier-Schlumberger rend compte de la correspondance
manuscrite, qui comprend notamment un courrier de M. Martin Malvy, Président du Conseil
régional, qui prie notre Société dexcuser son absence à la séance publique du
10 mars, et une lettre de Mme Sudre, Conseiller municipal de Toulouse, chargée des
fouilles archéologiques, qui nous remercie de laccueil qui lui a été réservé
lors de la même séance publique.
Mme Pradalier-Schlumberger fait ensuite circuler la correspondance imprimée, qui consiste en annonces de manifestations diverses, puis elle présente une série de tirés à part et douvrages que nos confrères Gilles Séraphin et Jean-Claude Fau offrent à la Bibliothèque de la Société :
La Présidente donne le résultat de la vente douvrages anciens organisée le 16 mars par Martine Rieg, Bibliothécaire de lUnion des Six Académies et Sociétés savantes, qu'elle remercie au nom de notre Société.
La parole est à Jean-Claude Fau pour la première communication du jour, consacrée à Une scène de guérison sur un chapiteau roman en provenance de Sainte-Foy de Conques :
Lauteur, Bernard, directeur de lécole épiscopale dAngers on disait écolâtre et disciple de lévêque lettré Fulbert de Chartres, se rendit à Conques à plusieurs reprises au début du XIe siècle, pour y rédiger son recueil à partir de témoignages recueillis sur place. Il commence par cet avertissement au lecteur : Il me serait impossible de rapporter le nombre et les circonstances de guérisons de toutes sortes qui se sont opérées constamment en ce lieu par la divine bonté. Ainsi, peu de temps avant mon arrivée, onze malheureux affligés des maux les plus divers et les plus graves avaient été entièrement guéris en une seule nuit. Nous nentreprendrons pas de raconter les guérisons de tous les« Au même titre que Saint-Gilles du Gard ou Notre-Dame de Rocamadour, Sainte-Foy de Conques, à lépoque romane, comptait parmi les grands sanctuaires de réputation internationale où les reliques avaient le pouvoir dattirer les foules de pèlerins. Beaucoup dentre eux, malades ou infirmes, venaient prier devant la statue-reliquaire, la fameuse Majesté dor de sainte Foy, dans lespoir dun soulagement à leurs maux. Un chapiteau en provenance de lancien cloître est encore là aujourdhui pour en témoigner.
Conques, lieu privilégié de guérisons
Au XIe siècle, le rôle de Conques comme lieu privilégié de guérisons a été mis en évidence par le Livre des miracles de sainte Foy (1), véritable mine de renseignements pour lhistorien. Le texte, sans doute raconté oralement par les moines aux pèlerins de passage, et dont les copies se répandirent dans toute la Chrétienté occidentale, a constitué un remarquable outil de propagande en faveur de sainte Foy, de son culte et, bien sûr, de son abbaye conquoise.
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infirmes que lon porte ici tous les jours Nous nous bornerons à recueillir les prodiges qui offrent quelque chose dextraordinaire.
Parmi la centaine de miracles rapportés par Bernard dAngers et le moine conquois anonyme continuateur de son uvre, un certain nombre concerne soit un châtiment infligé par la sainte, soit la libération de prisonniers. On dénombre ensuite une trentaine de cas de guérisons parmi lesquels près de la moitié sapplique à des aveugles, huit à des paralytiques, quatre à des chevaliers blessés au combat. La sainte a guéri encore deux sourds-muets, un épileptique ou cet enfant tout à la fois aveugle, boiteux et sourd-muet de naissance, que ses parents avaient déposé au pied de la statue de sainte Foy.
Rendre la vue aux aveugles, cette spécialité de la sainte, apparaît chargé dun symbolisme bien conforme aux mentalités religieuses de lépoque. La foi ouvre les yeux de celui qui vivait dans les ténèbres du péché. Et le nom même de la sainte patronne de Conques (Fides, en latin) ne semblait-il pas prédestiné ? La foi sauve, la foi guérit aussi.
Au livre IV des Miracles , le récit de la guérison dun chevalier atteint dune grande infirmité intestinale une éventration sans doute est suivi de ce commentaire : Voici un genre de guérison bien singulier La bonne sainte ne se pique-t-elle pas davoir des remèdes merveilleux pour les variétés les plus extraordinaires des maux auxquels peut être sujette notre nature dégénérée. Parfois, elle se plaît à imaginer des potions admirables Elle ne sarrête point à user du tranchant du fer pour opérer les membres atteints, ni à murmurer des charmes denchantement pour calmer les cruelles souffrances. Son commandement suffit à tout. Il a le pouvoir dopérer des merveilles. Ainsi sainte Foy est-elle présentée tout à la fois dans le rôle dapothicaire, élaborant des remèdes merveilleux, de chirurgien usant du bistouri, le tranchant du fer, apportant même son soutien psychologique afin dadoucir de cruelles souffrances. Elle apparaît de la sorte comme une concurrente redoutable du corps médical. Nous sommes bien en présence dune médecine parallèle, pour reprendre la formule du professeur Pierre-André Sigal (2).
CONQUES, CHAPITEAU fragmentaire provenant du cloître, détail : scène de guérison.
Cliché P. Sirgant.CONQUES, CHAPITEAU fragmentaire provenant du cloître : scène de guérison.
Cliché P. Sirgant.Le Livre des miracles nous renseigne aussi, avec beaucoup de précisions parfois, sur les conditions et les circonstances dans lesquelles sopéraient ces guérisons. Il existait des moments privilégiés, comme les veillées de prières et de chants ininterrompus qui rassemblaient les pèlerins aux pieds de la Majesté dor de sainte Foy. Daprès une ancienne coutume, écrit Bernard dAngers, les pèlerins célébraient des veilles dans léglise de sainte Foy, munis de cierges et de torches. Pendant ce temps, les clercs chantent les psaumes et les offices de la vigile. (Livre II, 12). Et les cas de guérison les plus fréquents sobservaient à lissue de cette sainte veille : Dès que laurore se fut levée, le muet parla distinctement. Ou encore : Le matin, un prêtre célèbre le Saint Sacrifice pour lheureux retour des pèlerins Or, par une intervention divine au moment de la communion, la petite percluse se trouva entièrement guérie.
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La guérison par imposition de lÉvangile
Enfin, cest à un
rite de guérison bien spécifique que lauteur fait allusion dans lépilogue
du livre I, rédigé lors de son premier séjour à Conques entre 1013 et 1016
environ : Afin que rien de ce qui est consigné ici ne paraisse appuyé ou
affirmé sur ma seule autorité, notre livre a été soumis à des hommes compétents
Je veux parler de mon frère révéré Raynold ou Rainaud écolâtre de
Tours, homme très versé dans les sciences libérales. Il a fait un si grand cas de
ce volume (le livre I des Miracles) que, se sentant gravement malade,
dans ma maison, il lappliqua sur sa tête comme le livre des Évangiles
lui-même, dans la persuasion quil serait soulagé par
lintercession de sainte Foy. Ainsi, le geste de poser le Livre des
Miracles sur la tête du malade se substituait, mais de façon tout à fait
exceptionnelle, à un cérémonial usuel, celui de limposition du livre des
Évangiles.
Un
rapprochement simpose, semble-t-il, entre ce passage de Bernard dAngers et un
chapiteau historié, en très mauvais état, conservé au musée Dr Joseph Fau
de Conques, et dont le thème était resté énigmatique (3). La corbeille, dont il ne
subsiste que la moitié supérieure, sur deux côtés, est taillée dans le calcaire gris
clair du Causse Comtal, un matériau utilisé exclusivement pour les chapiteaux du
cloître (4) que labbé Bégon avait fait édifier au tout début du XIIe
siècle, peu après le cloître de Moissac.
Un moine,
reconnaissable à son étole, et dont la tête a été mutilée, occupe langle droit
de la corbeille. De la main droite, il tient un livre grand ouvert au-dessus dun
homme présenté sans doute en position agenouillée à lorigine, mais dont il ne
reste plus que la tête au milieu de la face principale. Sur lautre face, plus
abîmée encore, on distingue la tête dun second personnage, une femme sans doute,
surmontée dun livre. Mais seuls subsistent le bras et la main de celui qui le
portait, à langle. Il sagit bien dune scène de guérison par
imposition (au sens étymologique du latin poser sur) de lÉvangile,
telle quelle avait été évoquée dans le Livre des miracles de sainte
Foy.
Ce
rite, que le sculpteur du cloître de Conques a fixé dans la pierre, voici neuf cents
ans, est toujours en usage de nos jours, même sil a tendance à tomber en
désuétude. En Quercy par exemple, il était pratiqué il y a quelques années à peine
dans la petite paroisse de Sainte-Juliette, près de Lauzerte (Tarn-et-Garonne), à
loccasion du pèlerinage annuel à saint Fort, un saint éponyme considéré comme
le premier évêque de Bordeaux. Dans la même région, à Saint-Julien de Moissac où ce
même évêque saint Fort fut longtemps lobjet dun culte particulier, la
cérémonie de limposition de lÉvangile a disparu seulement après la
Seconde Guerre mondiale. De telles pratiques, en réalité, semblent traduire les efforts de
lÉglise pour éviter toute déviation de la foi vers la superstition, un risque
aggravé au Moyen Âge par le foisonnement des reliques, en particulier celles des saints
guérisseurs plus ou moins imaginaires. La référence au livre des Évangiles était là
pour rappeler que les saints ne sont que des intermédiaires entre Dieu et le peuple
chrétien.
Le
rituel entourant la cérémonie se perpétue, immuable : le prêtre dispose sur la
tête de la personne malade lévangile selon saint Marc ouvert à la dernière page,
la finale, où lon peut lire : Jésus ressuscité apparaît aux apôtres
pour leur dire : Allez dans le monde entier, proclamez lÉvangile. Celui qui
croira et sera baptisé sera sauvé
Et voici les signes qui accompagneront ceux qui
ont cru. En mon nom, ils chasseront les démons
Ils imposeront les mains aux
infirmes et ceux-ci seront guéris (Marc, XVI, 20).
Mais si ce rite était dune pratique courante, semble-t-il, dans de grands centres de pèlerinage comme Conques, il nen constitue pas moins un thème original pour un chapiteau. À ma connaissance, il nen existe aucune autre représentation dans lart roman. Le choix de ce thème vient confirmer la prédilection manifestée par les sculpteurs du cloître pour les scènes, religieuses ou profanes, prises sur le vif, dans la société de leur temps. Et lon peut très bien imaginer que lauteur de ce chapiteau ait été personnellement le témoin de scènes de guérisons semblables, selon le même rituel, au cours de la sainte veille dans labbatiale Sainte-Foy.
Jean-Claude FAU »
1.
Traduction : A. BOUILLET et L. SERVIÈRES, Sainte Foy, vierge et martyre,
Rodez, 1900.
2. Pierre-André SIGAL, Lhomme et le miracle dans la France médiévale (XIe-XIIe
s.), Cerf, Paris, 1985.
3. Jacques BOUSQUET, La sculpture à Conques aux XIe et XIIe
siècles, Lille, 1973, t. 1, p. 394, a proposé cette interprétation : On
a sûrement voulu évoquer la domination de lÉcriture Sainte, peut-être sur
le paganisme.
4. Au sujet des chapiteaux du cloître de Conques : Marcel DURLIAT, La sculpture
romane de la route de Saint-Jacques, Mont-de-Marsan, 1991, p. 417 ; Jean-Claude
FAU, Rouergue roman, Zodiaque, 3e édition, 1990, p. 219.
Je tiens à exprimer toute ma gratitude à mon ami le chanoine Pierre Sirgant, de Moissac,
pour laide précieuse apportée dans lidentification de ce chapiteau. Mes
remerciements sadressent aussi à Monsieur Frédéric de Gournay qui ma fait
bénéficier de sa parfaite connaissance du Livre des miracles de sainte Foy.
Après avoir remercié notre confrère, Michèle
Pradalier-Schlumberger lui demande si lon connaît dans lart roman
dautres exemples de liconographie que présente ce fragment de chapiteau
provenant du cloître de Sainte-Foy de Conques. Jean-Claude Fau répond par la négative.
Louis Peyrusse senquiert de léconomie générale du
chapiteau auquel appartenait ce fragment, afin de se faire une idée de son épannelage et
de la manière dont sorganisaient les différentes scènes. M. Fau dit quil
sagissait d'un chapiteau sculpté sur
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trois de ses faces, représentant la guérison
dun homme et dune femme, chacun à genoux devant un moine dont la tête occupe
la place de la volute dangle et imposant un livre figuré à la place du dé
médian.
Si François Bordes, grand familier des récits et des recueils de
miracles, déclare navoir jamais trouvé mention de guérison par contact avec un
livre, Olivier Testard fait observer que les images peintes dans certains manuscrits
montrent les traces dune usure due à des contacts répétés.
Maurice Scellès demandant si limposition dun livre pour
guérir un malade était un rite propre à Conques, Jean-Claude Fau répond quil
sagissait dune pratique autrefois répandue, qui a dailleurs perduré
dans les campagnes jusquau siècle dernier.
Louis Peyrusse, revenant sur luvre elle-même, déclare
quil sagit dune sculpture fascinante qui, par comparaison avec
dautres chapiteaux subsistant dans le cloître de Conques et figurant des guerriers
en veille, des maçons au travail ou des jongleurs, élève liconographie
présentée en ce lieu à des hauteurs supérieures.
La parole est ensuite à Jean-Luc Boudartchouk pour la seconde communication du jour :
« Le souvenir de lédifice antique de la Daurade (Toulouse) à travers légendes et traditions médiévales
Lénigmatique et unique édifice antique de la Daurade a généré une importante bibliographie depuis le XVIIe siècle jusquà ces derniers mois ; on trouvera les principales de ces contributions in fine dans larticle que nous avons consacré, dans les Mémoires de lannée précédente, à un fragment de mosaïque de la Daurade (Boudartchouk 2001, p. 89-91).
La dernière synthèse sur léglise de la fin de lAntiquité est due à Q. Cazes et M. Scellès (2001, p. 483-490). Les auteurs concluent sur la difficulté de saisir de façon irréfutable la destination de lédifice polygonal de la fin de lAntiquité. Des incertitudes subsistent sur des points aussi fondamentaux que la forme dorigine du bâtiment, les phases de construction et de réaménagement éventuel À lheure actuelle, trois hypothèses sont régulièrement avancées quant à la destination du bâtiment : un temple païen christianisé, un mausolée ou une chapelle funéraire de la famille royale wisigothique, un édifice de culte arien lié au palais ou une chapelle palatine. Un consensus dordre chronologique et culturel se dégage pourtant chez les chercheurs : la Daurade avec son programme unique de mosaïques chrétiennes à fond dor relève bien dune "ambiance wisigothique" et entretient un rapport étroit avec le pouvoir royal du Ve siècle.
Lessentiel de ces conclusions avait déjà été énoncé au XVIIe siècle (Chabanel 1621 par exemple).
Pour autant, lintérêt pour les origines de la Daurade sest manifesté bien avant le XVIIe siècle : des légendes, des traditions médiévales, recueillies aux XVe et XVIe siècles, sont susceptibles, mises en perspectives avec des données historiques et archéologiques, dapporter un éclairage complémentaire sur lhistoire "pré-mérovingienne" du monument.
En effet, contrairement à la basilique Saint-Sernin, nous ne disposons daucune source ancienne relative aux origines de la Daurade ; peut-être faut-il y voir, si lédifice était en effet marqué par son lien avec le pouvoir wisigothique, une conséquence de la conquête franque de 508. Logiquement, cette amnésie a été partiellement compensée au Moyen Âge par lélaboration graduelle de légendes sur lorigine de la Daurade, légendes et traditions que lon ne connaît que grâce à leur transcription tardive (XVe-XVIe siècles).
Nous avons relevé quatre légendes médiévales se rapportant à la Daurade antique :
- Lemplacement du lac sacré (ou du gouffre) des Tectosages et son trésor
- Le temple païen de la Daurade dédié à Apollon ou à Jupiter
- Le rôle de Théodose dans la consécration de la Daurade et son inhumation dans le sanctuaire
- Le roi de Toulouse Marcellus et sa fille Austris (alias Pédauque), inhumée dans le sanctuaire, dont on montre la tombe.Légendes relatives à une antiquité non chrétienne : le lac ou abîme des Tectosages et le temple païen de la Daurade
Le lac ou abîme des Tectosages
Il est possible mais non démontrable à lheure actuelle que la vita dAntonin de Pamiers (cf. article de lauteur dans ce même numéro des Mémoires), apparue vers 1100 et narrant les mésaventures dAntonin et son compagnon Almaque à Toulouse, alors sous la férule dun roi Théodoric, fasse allusion à la Daurade à travers le lieu de détention et de supplice qualifié de "praecipitio", " carcere tenebroso" ou même "Spelunca Nociva". Nicolas Bertrand (1515) qui reprend la vie dAntonin et dAlmaque parle lui de " spelunca votiva" et de "loco tenebroso" ; mais surtout il situe explicitement cette fois le fameux lac des Tectosages sous la Daurade. Cest ce lac, couronné par la Daurade alors temple de Jupiter ou dApollon qui a été pillé par le consul romain Caepio. Au début du XVIe siècle, ce lieu maudit qualifié de "lac et abisme fort horrible et ténébreux" est parfois situé à Saint-Sernin (Boudartchouk 1994). Mais lidée dun lac ou dun gouffre consacré sous la Daurade fait son chemin et elle est développée par Dom Martin (1727), qui semble ignorer pourtant la vita dAntonin comme luvre de Nicolas Bertrand. Lauteur imagine un lac naturel, ou un trou deau, ou un gouffre gaulois ultérieurement " monumentalisé" après la conquête romaine par la construction
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de la Daurade. Cette théorie sera malmenée par Montégut (1782) et ne sera plus développée par la suite : la légende médiévale a été éradiquée.
On peut sinterroger sur lancrage de cette légende : sans doute y a-t-il eu une certaine assimilation de lor des mosaïques de la Daurade à celui des Tectosages. Peut-être la fascination exercée par la "crypte" de la Daurade, parfois considérée comme une sorte de "fosse au trésor" (mss. Chantelou) a-t-elle également joué un rôle. Évoquons aussi la proximité de la Daurade et du cours de la Garonne. Enfin les auteurs du début de lépoque moderne établissent un lien topographique (cest-à-dire une confusion des sites) entre le "lac des Tectosages" et le "temple dApollon" (Bertrand 1515 ; Noguier 1556).
Le temple païen de la Daurade et sa divinité
Lidée que la Daurade fut à lorigine un temple païen est commune aux auteurs des XVe et XVIe siècles (Étienne de Gan, Nicolas Bertrand, Antoine Noguier, Forcatel). La tradition la plus ancienne (depuis le milieu du XVe siècle au moins et Étienne de Gan) et la plus répandue y voit le temple dApollon cité par Orose, toujours à propos du pillage de lor des Tectosages qui y aurait été stocké selon lui. Nicolas Bertrand se fait toutefois lécho dune tradition plus complexe. Après avoir clairement identifié la Daurade au temple dApollon des Tectosages, il lattribue ensuite, à plusieurs reprises, ce qui exclut un lapsus, à un temple de Jupiter altitonans, lui-même distinct dun capitolium situé par lauteur à la porte narbonnaise. À lévidence, Bertrand juxtapose sans souci de logique plusieurs traditions, mais à bien y regarder il paraît y avoir une nuance chronologique entre la dédicace à Apollon et celle à Jupiter : cette dernière prend place dans une Antiquité plus tardive que lépisode tectosage, proche dans lesprit de Bertrand de labandon des cultes traditionnels et du triomphe du christianisme (légende dAustris). La Daurade, initialement dédiée à lApollon des Tectosages, aurait été réaffectée au culte de Jupiter jusquà sa transformation en église. Pourquoi cette tradition Jupitérienne peu suivie par les auteurs ultérieurs ? Est-elle liée au souvenir dAlmaque, tenu pour avoir été exécuté au Capitole mais dont le nom pouvait figurer sur les mosaïques (Boudartchouk 2001) ? Ou bien nest-ce quune extrapolation de Bertrand au regard de la mention selon Sidoine Apollinaire du culte à Jupiter rendu par les Toulousains?
Mentionnons enfin pour mémoire une dédicace à Pallas-Athéna envisagée par Forcatel (1580), qui résulte dune démarche érudite nayant rien à voir avec les traditions médiévales.
Tout ceci nous paraît découler du souvenir confus et déformé dun rôle cultuel joué par le bâtiment avant sa transformation en église, même sil ne faut pas négliger le besoin chez les auteurs médiévaux de "donner corps" aux temples et aux dieux des Toulousains cités par les Anciens (Orose, Sidoine, Ausone).
Légendes dune antiquité chrétienne : Théodose et les rois (wisigoths) de Toulouse à la Daurade
Théodose et la Daurade
La légende de Théodose à la Daurade est ancienne : Catel assure (1623, p. 124-125) quil a lu dans un missel de 1415, dans loffice de la dédicace de léglise : "Theodosius magnificus Imperator, vir Christianissimus, fabricari fecit". Théodose serait à lorigine de la (re)construction ou de la dédicace de léglise de la Daurade. Catel était dautant plus sceptique que le corps du même Théodose était censé reposer dans la crypte !
Cest Nicolas Bertrand (1515 et 1555, p. 22, 27, 41) qui le signale à trois reprises : "Theodosius Empereur de Romme fut ensepulturé a Tolose a la Daurade" ; il ajoute même "( ) plusieurs Empereurs et Senateurs, et pareillement des Legislateurs, lesquelz sont ensepulturés a la Daurade" ; Antoine Noguier (1556, p. 30, 73) confirme les dires de Bertrand et donne même une description de la sépulture de Théodose : "( ) ladite Eglise, netant si longue comme elle est à present : ains alloit seulement iusques à la porte vers la place ioignant le clocher. Le reste (comme on dit) fut bâti par lEmpereur Theodose : duquel la cendre repose en un vase, fait en forme durne, souz le grand autel de ladite Eglise, chose que iai veu et est aisé à voir à qui la désire".
Ces descriptions sont vivement critiquées par Chabanel (1621, p. 30-32) : "ce sont des inepties et absurdités ridicules, et pleines dignorance palpable" ; lauteur de la première monographie sur la Daurade est suivi par Catel (1633, p. 124-125) : "quant à lurne qui se voit encore transparante dans le grand Autel de léglise de la Daurade, il y a plus dapparence que ce fussent des reliques ou des cendres de quelque saint ou martyr ( )".
Lempereur auquel font référence le missel du XVe siècle et Nicolas Bertrand est indubitablement Théodose Ier, empereur unique de 392 à 395, mort à Milan et inhumé à Constantinople. Loctroi de privilèges légendaires par Théodose aux Toulousains relaté par Bertrand relève peut-être dune confusion avec le Code théodosien compilé sous Théodose II, empereur dOrient. Enfin, rappelons quun enfant de Galla Placidia et du roi wisigoth Athaulf, nommé également Théodose, est mort en bas âge à Barcelone en 415 alors quil avait environ un an ; sa dépouille fut transférée à Rome en 450 (Demougeot 1988, p. 188-190).
Il est bien sûr hors de propos quune dépouille impériale ait jamais été déposée à la Daurade ; de même lon ne peut suivre Chabanel lorsquil propose de restituer « Théodoric » à la place de Théodose au motif que les rois wisigoths, et en particulier Théodoric II, ont pu jouer un rôle important dans lhistoire de la Daurade (Chabanel 1621, p. 30-32).
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Alors ? Peut-être convient-il de dissocier un lien éventuel peut-être simplement chronologique entre la dédicace de léglise et Théodose et la légende rapportée par Bertrand de linhumation dun Théodose dans lédifice. Le réceptacle du corps, déposé dans la crypte sous lautel majeur, est donc qualifié d"urne" au XVIe siècle. Cest sans doute un coffret ou un vase de petite taille qui peut plus difficilement être assimilé à un sarcophage recelant un corps entier (bien que le latin médiéval urna puisse avoir ce sens) ; Catel lassimile dailleurs implicitement à un reliquaire et Chabanel pense à un corps incinéré. Pour autant, ces restes ne semblent pas faire lobjet dun culte et ne paraissent pas être des reliques à proprement parler.
On peut postuler une homonymie avec des saints chrétiens : il existe deux saints Théodose célébrés le 11 janvier, mais surtout, léglise de la Daurade possédait des reliques de sainte Théodosa, vierge et martyre, arrivées de Rome au sein dun lot de reliques en 1240 (mss. Chantelou, fol 89v.). Les reliques de cette Théodosa auraient-elles généré la légende de la présence du corps de Théodose, ce dernier étant considéré par ailleurs et sans doute plus anciennement comme fondateur de léglise ?
Plus généralement, à la fin du Moyen Âge, le nom de Théodose est à la fois synonyme de grand empereur chrétien et de grand législateur ; ce sont ces deux aspects dont on cultive alors le souvenir à la Daurade.
Les rois wisigoths de Toulouse à la Daurade ? Marcellus et sa fille Austris alias Pédauque
Il nest pas dans notre propos détudier dans le détail la légende médiévale rapportée par Nicolas Bertrand de la Reine Austris, alias Pédauque, fille dun roi païen de Toulouse appelé Marcellus, atteinte de la lèpre et convertie secrètement au christianisme. Cette princesse, morte dans son "palais" de Peyrolade, de lautre côté de la Garonne, fut ensevelie par son père Marcellus "in templo Jovis supra Garumnam : ubi nunc ecclesia beate Marie Deaurate sita est" (Bertrand 1515). Le personnage au nom biblique dAustris est attesté dès lépoque romane grâce à la description que fait Nicolas Bertrand du décor du portail disparu de Saint-Sernin : Martial et Saturnin y baptisent la lépreuse Austris. Dans le corpus de légendes transmis par Nicolas Bertrand au XVIe siècle, Austris alias Pédauque est un personnage lié à la fois aux rois de Toulouse et aux vestiges de laqueduc de la ville antique.
Pour Bertrand, le souvenir de la vie dAustris est loccasion dévoquer les ruines de laqueduc encore visibles dans les années 1500 : Peyrolade (extrémité de laqueduc avant la traversée de la Garonne où se trouvait peut-être un réservoir ; le Pont-Vieux (aqueduc-pont sur la Garonne). Lassociation de vestiges de laqueduc et du souvenir de la reine Austris est attestée dès le milieu du XVe siècle (Labrousse 1968, p. 394). Austris-Pédauque (surnom qui renvoie à la lèpre, renseignement fourni par Fr. Bordes que nous remercions vivement) apparaît donc dans la légende médiévale et de plus en plus à lépoque moderne comme un personnage lié à leau, celle de laqueduc et celle de la Garonne ; Bertrand situe la Daurade "sur la Garonne". Incidemment, la Daurade déjà considérée comme lieu du lac des Tectosages se trouve associée, par lintermédiaire dAustris, aux eaux courantes de laqueduc et de la Garonne.
Par ailleurs, le personnage légendaire Austris est implicitement lié à la famille royale wisigothique : Nicolas Bertrand situe le roi toulousain Marcellus, père dAustris dans la légende, postérieurement à un Théodose et antérieurement à un Théodoric. De fait, la légende est ancrée, ou peu sen faut, dans les débuts du royaume wisigothique de Toulouse. Or, Noguier (1556, p. 69) donne des précisions sur la sépulture dAustris à la Daurade : "Son corps est (ainsi quon dit) ensépulturé au temple dApollon (bien quelle fût chrétienne) sur la porte par laquelle on va au cimetière des Comtes qui est sur la Garone". On montre donc, dès cette époque, le sépulcre dAustris. Il sagissait dun couvercle de sarcophage historié, daté par D. Cazes de la fin du IVe ou du début du Ve siècle, peut-être réutilisé comme linteau lors de la construction de la nef médiévale (Durliat, Deroo, Scelles 1987, p. 109-111, n° 155, avec historique complet du monument). La cuve du même sarcophage était quant à elle également réutilisée sans doute tardivement en linteau à léglise Saint-Michel-du-Touch, dépendant de la Daurade (Durliat, Deroo, Scelles 1987, p. 116-117, n° 159). Il est permis de se demander si les remplois antiques et plus précisément la série de sarcophages de Saint-Michel-du-Touch nest pas en provenance de la Daurade, où se trouvaient plusieurs tombeaux antiques selon N. Bertrand.
LE « TOMBEAU DE LA REINE PÉDAUQUE », couvercle de sarcophage provenant de l’ancienne église de la Daurade, actuellement au Musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse. Cliché Mairie de Toulouse, Joachim Hocine.
Quétaient ces tombeaux antiques, dont un élément a ainsi fixé une partie de la légende de cette Austris, considérée
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 250
en 1515 comme la fille dun roi de Toulouse postérieur à Théodose et antérieur à un Théodoric ? En clair, et comme cela a déjà été avancé, des membres de la famille royale wisigothique ont-ils été inhumés à la Daurade ?
Perspectives
Ces quatre légendes ou traditions médiévales, bien que très disparates, permettent donc daborder de façon différente plusieurs problèmes non résolus relatifs à la Daurade antique.
En ce qui concerne la fonction originelle du bâtiment, deux traits sont à retenir : linsistance des traditions à y voir un édifice de culte, quil ait été dédié à Jupiter ou à Apollon ; la volonté den faire un lieu « humide », en relation avec le lac des Tectosages, la Garonne ou laqueduc.
Sur le premier point, on ne peut exclure et cela a été développé par plusieurs auteurs quil sagisse dun petit temple à plan centré. Sur le second point, lon peut se demander lidée men a été suggérée par Daniel Cazes, sur la base dune comparaison avec lédifice dit temple de Minerva Medica si la Daurade na pas été à lorigine un monument des eaux, une fontaine monumentale. Dans cette optique, la fameuse description de Montégut publiée en 1782 acquiert une signification évocatrice : "Lorsquon démolit le chevet de lEglise, on découvrit dans le milieu, à quinze pieds délévation au-dessus du rez-de-chaussée, une niche pratiquée dans lépaisseur du mur et dans laquelle un homme pouvoit se placer. Dans cette niche étoit louverture dun tuyau qui se continuoit en descendant dans la muraille jusquà lAutel et à lendroit où a dû être élevée la statue de la divinité ( )". Serait-ce une adduction deau ? Que penser alors de la "source" de léglise de la Daurade dont parle lingénieur Laupiès en 1811 : "( ) lorsquon creusa les fondements de la nouvelle église de la Daurade, on fut fort incommodé par une source assez abondante dont on ne parvint à se débarrasser quen lenfermant dans un puisard quon recouvrit ( ) sa plus grande élévation ( ) est un peu inférieure au niveau du carrelage de léglise ( )". Ces observations incitent à aller à la rencontre de la légende du lacus (pouvant signifier "lac" mais aussi justement "monument des eaux") de la Daurade. Dautant que les monuments des eaux ont très souvent un aspect religieux.
En ce qui concerne la transformation du monument en église, on retiendra la présence de Théodose Ier dans deux traditions, lune cléricale et lautre laïque, en tant que jalon chronologique : cest autour de 400 que le capitolium est mis hors dusage, et quest construite la nouvelle basilique en lhonneur de Saturnin ; la réaffectation de la Daurade au culte chrétien pourrait procéder de la même démarche.
En ce qui concerne enfin la destination de la Daurade sous la domination wisigothique, on rappellera la présence dun élément de sarcophage compatible dun point de vue chronologique avec la présence royale à Toulouse. Rappelons que quatre dépouilles, au moins, de rois accompagnés de leur famille devaient reposer à Toulouse. Or le seul objet connu pouvant provenir dune dépouille royale (ou du trésor) est une intaille en saphir légendée "alaricvs rex gothorvm", de provenance inconnue, que lon attribue à Alaric II, mort au combat à Vouillé en 507. Le ou les mausolées royaux restent à identifier. Lassimilation de la Daurade à un mausolée royal, déjà proposée par plusieurs auteurs, a contre elle la localisation intra muros de lédifice ; on y objectera le cas du mausolée de Dioclétien à Split, en contexte palatial. Il reste que, de façon plus prosaïque, la mention chez Grégoire de Tours (Historia Francorum VII, 10) du séjour de deux princesses mérovingiennes à la Daurade a peut-être oeuvré également à la formation de la légende dAustris.
Jean-Luc BOUDARTCHOUK »
Sources publiées
Vie de saint Antonin (dit de Pamiers) (vers 1100 ?), publiée dans Catalogus codicum hagiographicorum latinorum, antiquiorum saeculo XVI qui asservantur in bibliotheca nationali parisiensi, ediderunt hagiographi Bollandiani. Tomus I, Bruxelles-Paris, 1889, codex 2553, p. 131-139.
Gano, Étienne de - Dissertation historique sur les origines de Toulouse (1451-1474), ms Archives Municipales de Toulouse AA5, 1. Publié dans Devic, dom Cl., Vaissète, dom J., Du Mège Al., 1840, p. 640-645.Manuscrits
Dom Odon Lamothe - Chronique commencée en 1623, Paris, Bibliothèque Nationale de France, ms. lat. 12680 (publié et traduit en partie par Degert abbé, 1903-1906a. Voir aussi pour une nouvelle édition du texte latin : Cahiers Archéologiques, XIII, 1962, p. 261-265.
Dom Chantelou - Mémoires manuscrits, Paris, Bibliothèque Nationale de France, ms. lat. 13815 (partiellement publié dans le Bulletin paroissial de la Daurade, 1929 et par Lafargue M., 1940).Bibliographie
Bertrand N., 1515 = Opus de Tholosanorum gestis, Toulouse, Jean Grandjean, 1515.
Bertrand N., 1555 = Les Gestes des Tholosains ; 2e éd., Toulouse, traduction par Guillaume de la Perrière, éd. Jacques Colomiès, 1555.
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 251
"VBI ALMA-" , à propos dune inscription en partie inédite provenant de la mosaïque paléochrétienne de léglise de la Daurade », dans M.S.A.M.F., t. LXI, 2001, p. 79-92.Boudartchouk J.-L., 1994 = « Le locus de la première sépulture de l'évêque Saturnin de Toulouse : un état de la question », dans M.S.A.M.F., t. LIV, 1994, p. 59-69.
Boudartchouk J.-L., 2001 = «
Après avoir remercié notre confrère, la
Présidente fait appel aux questions et observations de la Compagnie.
Daniel Cazes lui ayant demandé comment sétait effectué le
passage du personnage de la reine Austris à celui de la reine Pédauque, Jean-Luc
Boudartchouk répond quil sagit là dune transposition érudite, tout à
fait artificielle, qui peut avoir été facilitée par lassimilation des rideaux
figurés sur le sarcophage de la Daurade à des pattes doie. M. Cazes pose le
problème de la destination de la Daurade antique et déclare ne pas parvenir à croire
quil sagissait dun édifice à vocation funéraire : il paraît
inconcevable que lon ait pu, à la fin de lAntiquité, établir une sépulture
royale à lintérieur des murs dune ville ; à Ravenne, en 526, le tombeau de
Théodoric le Grand fut élevé extra muros. M. Boudartchouk convient quil y a
là une difficulté, mais il cite à lappui de son opinion le contre-exemple de
Dioclétien à Split. Daniel Cazes aborde ensuite la question du remploi des sarcophages
antiques, constant à Toulouse au Moyen Âge comme à lépoque moderne. Il cite les
éléments de sarcophages provenant de Saint-Michel-du-Touch, qui fut une dépendance de
la Daurade, et montre quils nont à lorigine rien à voir avec ce
site ;
leur remploi dans lencadrement de la porte de léglise paraît seulement
remonter au XVIIIe siècle.
Maurice Scellès relève que le sarcophage dit de la reine Pédauque se
trouvait dans la partie occidentale de léglise de la Daurade, dans la nef
construite entre le XIe siècle et le XIIIe, quil y était
remployé comme linteau de porte et quil ne sagissait plus vraiment dun
tombeau. Puis il demande des précisions au sujet des premières mentions de la crypte de
la Daurade. Jean-Luc Boudartchouk ayant indiqué quil est question de la crypte dès
le XVIe siècle, M. Scellès dit quil la croyait plus tardive, ajoutant
que le plan du XVIIe ou XVIIIe siècle conservé à la Bibliothèque
nationale paraît figurer une fausse crypte.
Louis Latour revient sur la figure de la reine Pédauque et signale que
ce personnage aurait pu être ainsi désigné en raison dune légère infirmité :
des orteils palmés ; or la reine Austris est présentée comme affectée de la lèpre.
Dans le même sens, François Bordes note que les cagots se reconnaissaient à un signe
figurant des pieds palmés et que les lépreux habitaient au XIVe siècle dans
le quartier Saint-Cyprien, où la reine Pédauque aurait eu son palais.
Patrice Cabau intervient sur divers points de détail :
lépithète altitonans employée par Nicolas Bertrand pour qualifier Jupiter
na rien que de banal ; le roi Theodericus mentionné par le même auteur peut
être aussi bien un roi wisigoth (Théodoric) quun roi franc (Thierry) ; la vierge
et martyre Theodosia, dont des reliques furent envoyées en 1241 au monastère de
la Daurade par le Chapitre de Saint-Adrien de Rome, na certainement pas grand-chose
à voir avec lempereur Théodose.
Au titre des questions diverses, le Secrétaire général commente les statistiques concernant la fréquentation du site Internet de notre Société. Le volume des consultations est en progression continue. Ce succès est confirmé par des courriers indiquant lutilité des informations fournies en ligne. Les messages témoignent aussi de létonnante curiosité des internautes.
Le Secrétaire général présente ensuite quelques vues de la tour du palais de Via, à Cahors. Ce bâtiment du XIVe siècle, qui est inscrit parmi les Monuments historiques, va être abandonné par le ministère de la Justice et la mairie de Cahors a fait savoir par voie de presse quelle se préoccupait de son devenir. Louis Peyrusse indique que lon aurait envisagé dy établir le pôle
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universitaire qui doit être créé à Cahors. Il est proposé que notre Société émette un vu pour que cet édifice remarquable soit conservé et étudié dans les meilleures conditions.
Un souhait semblable est exprimé à propos de la Prison Saint-Michel de Toulouse et de lHôpital Marchand, édifices conçus par larchitecte Jacques-Jean Esquié.
SÉANCE DU 2 AVRIL 2002
Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes,
Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès,
Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mme Napoléone, MM. labbé
Baccrabère, Nayrolles, Peyrusse, Mgr Rocacher, membres titulaires, Mmes Andrieu, Bayle,
Blanc-Rouquette, Czerniak, Pujalte, MM. Burroni, Manuel, Testard, membres correspondants.
Excusés : M. Coppolani, Directeur honoraire, Mmes Cazes, Fraïsse, M. Garland.
Le Secrétaire-adjoint donne lecture du
procès-verbal de la séance du 19 mars, adopté après une correction demandée par Louis
Peyrusse.
La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite. Ce sont en
particulier deux courriers de la Mairie de Toulouse, lun pour nous annoncer le
versement de la subvention annuelle de 1 525 euros, lautre nous indiquant que la
Ville a transmis à son assureur le dossier relatif aux dommages subis par notre
ordinateur.
Puis la Présidente signale la dernière livraison de la Lettre des
Amis de lHôtel dAssézat, dont léditorial est consacré à la
présentation de notre Société.
La parole est donnée à Louis Peyrusse qui expose à la Compagnie le
budget de publication des actes des journées détude sur la maison médiévale
organisée en mai 2001.
Lordre du jour appelle lélection de
membres correspondants. Olivier Testard présente ses deux rapports sur les candidatures
de Mme Anne Boussoutrot et de M. Jean-Louis Rebière. La Présidente donne lecture de son
rapport sur la candidature de Mme Françoise Galés.
On procède au vote. Mme Anne Boussoutrot, Mme Françoise Galés et M.
Jean-Louis Rebière sont élus membres correspondants.
La parole est à Christophe Balagna pour une communication sur Les débuts de larchitecture gothique en Gascogne centrale.
La Présidente félicite Christophe Balagna pour ce
travail sur les débuts dune technique, débuts quil est toujours intéressant
de mettre en lumière. Puis elle demande quels sont les arguments en faveur de la datation
proposée pour Mouchan. Christophe Balagna rappelle que lessentiel de
lédifice appartient à la première moitié du XIIe siècle et que la
voûte doit être située un peu plus tard ; par ailleurs, la voûte de Flaran montre des
progrès dans la mise en uvre et il faut donc la dater des années 1170-1180. Une
chronologie relative peut ainsi être établie entre les édifices. Si lon élargit
le champ à dautres constructions, ce type de croisée paraît se développer entre
le début de la seconde moitié du XIIe siècle et le début du XIIIe.
La Présidente remarque que la datation de Flaran est bien sûr conditionnée par la date
de la fondation.
Daniel Cazes a limpression, autant quil ait pu en juger
daprès les photographies, que le jeu stéréotomique des nervures nest pas le
même à la salle basse du porche de Moissac et à Mouchan où les deux branches du second
arc viennent sappuyer sur le premier arc diagonal. Christophe Balagna précise que
lenduit masque un peu la rencontre des nervures, puis il ajoute que le système à
agrafes que lon a à Moissac se retrouve plus au nord, par exemple à Rocamadour. Guy
Ahlsell de Toulza nayant pas souvenir de telles agrafes à Rocamadour, Christophe
Balagna précise quil sagit de petites agrafes placées aux angles des
nervures.
Mgr Rocacher note que lon ne parle pas suffisamment du
surhaussement des extrados des arcs diagonaux établis sur un plan rectangulaire. Ils
témoignent dun problème évident de liaison entre les arcs et la voûte, donnant
limpression dêtre en présence dune voûte darêtes et
darcs bandés au-dessous. Un bon nombre dédifices religieux ou civils
présentent des voûtes établies sur ces principes. Christophe Balagna rappelle que sa
chronologie repose surtout sur la datation de la tour-porche de Moissac et il souligne le
fait que Flaran ne présente pas ce comblement entre les arcs et la voûte.
Louis Peyrusse constate que les Cisterciens ne
seraient donc plus les fourriers du gothique dans le Midi de la France. On aurait un foyer
méridional, mais les exemples évoqués sont-ils vraiment des chantiers de création
gothique ? Christophe Balagna dit ne pas le penser, au sens propre : il y voit surtout des
tentatives pour voûter de grands espaces, sur des portions limitées des édifices, à
limitation des réalisations du nord de la France.
Mgr Rocacher demande à Christophe Balagna sil na pas
limpression que larchitecture cistercienne relève dune autre
esthétique, ce dont celui-ci convient tout en insistant sur le fait que toutes les
abbayes cisterciennes du Midi connaissent deux campagnes principales de construction et
que ce nest quavec la seconde quapparaissent les croisées dogives
dites « cisterciennes » : les formes employées dans les années 1180-1240 empruntent au
fonds local et à des formes importées.
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Guy Ahlsell de Toulza relève quil na
pas été fait état des deux premières travées du collatéral nord de Flaran, que
Marcel Durliat plaçait vers 1200 et qui lui paraissent plus probantes que la salle
capitulaire. La présence ou non dun support pour recevoir les nervures correspond
à une architectonique. Sil est plus maladroit à Mouchan, il est néanmoins
dimensionné en rapport avec la largeur de nervure ; à Flaran, en revanche, la retombée
des nervures se fait en sifflet. Les formules sont donc différentes et sont également
différentes de celle de Moissac. Christophe Balagna faisant remarquer que lon
aurait pu utiliser les ogives toriques sur la croisée de Flaran, Guy Ahlsell de Toulza
affirme que la salle capitulaire doit être située plus tard ; en outre, les voûtements
de Moissac lui paraissent plus sophistiqués et ceux de Flaran et Mouchan trop différents
dans leur conception pour être liés. Pour Christophe Balagna, le dosseret et
lamortissement en sifflet des départs des nervures montrent une parfaite adaptation
à Flaran. Il ajoute que létude archéologique pierre à pierre de léglise
abbatiale qui a été réalisée par Cécile Potêl (L'abbaye de Flaran,
D.É.A., Université de Toulouse-Le Mirail, 1998) met déjà en évidence la complexité
de la chronologie de la construction.
Guy Ahlsell de Toulza et Christophe Balagna conviennent que ces
édifices montrent des tâtonnements et des influences diverses, ces expérimentations
devant finalement aboutir à la croisée dogive bien pensée.
Au titre des questions diverses, le Directeur rend
compte de sa récente visite à Martres-Tolosane pour une réunion avec Mme le
Maire et les adjoints chargés de la Culture et des écoles. Lobjet en était
laménagement du parcours de découverte autour du site de la villa de
Chiragan, dont on est convenu quil soit mis en place pour le début de lété.
Un premier panneau explicatif sera installé sur lemplacement du cimetière
Saint-Nicolas, puis un deuxième sur la voie romaine qui menait de Tolosa à Lugdunum
Convenarum, à un endroit où les recharges sont très lisibles. Après le
franchissement du canal de Palaminy, un troisième panneau présentera les plans de la villa.
Le sentier franchira le ruisseau de la Nause par un petit pont de bois et rejoindra les
bords de Garonne où un panneau sera consacré à la zone thermale, puis se poursuivra
jusquà lédicule octogonal où un dernier panneau traitera de la zone
résidentielle et de la découverte des sculptures au XIXe siècle. Le chemin
pourrait être prolongé sur la rive de la Garonne jusquà la fontaine Saint-Vidian
et la zone dentrepôts de la villa, mais cela nécessite laccord de
lÉtat et la certitude que la promenade puisse se faire sans danger.
Daniel Cazes souligne que cet aménagement devrait permettre un
meilleur respect du site, fondé sur linformation : si pendant plusieurs années, on
a hésité entre rendre publiques ou non les informations sur les sites archéologiques,
lexpérience acquise dans toute lEurope montre quil vaut mieux informer.
La réalisation des panneaux correspondra à la fin des rapports sur
les sondages. Une inauguration officielle est prévue, à laquelle notre Société sera
bien sûr conviée.
La Présidente ayant demandé si une autre campagne de fouilles était
prévue cette année, Daniel Cazes indique que M. Martinaud doit achever létude
géophysique et quil sera peut-être procédé à deux ou trois sondages
complémentaires.
On attire ensuite l'attention de la Compagnie sur la manière dont sont traités les bâtiments du collège de Périgord, au 56 rue du Taur. La porte placée sous le passage a été agrandie et couverte par un linteau en béton ; si le grand volume de la chapelle est réapparu quelque temps après la démolition du plancher en bois, il est de nouveau recoupé, désormais par une dalle de béton. Il est tout à fait regrettable quaucune étude, aucune observation naient été faites pendant les travaux, alors quil est certain que les traces qui auraient été mises au jour auraient permis de mieux connaître lédifice. Il faut rappeler que lUniversité de Toulouse-Le Mirail, en la personne de son ancien Président, a toujours refusé de prendre en compte la dimension patrimoniale des bâtiments, hormis lobligation découlant du classement au titre des Monuments historiques de la tour Maurand. Le courrier que notre Société avait adressé à la Direction régionale des Affaires culturelles pour demander lextension de la protection sest vu opposer une fin de non-recevoir : le dossier na pas été présenté à la C.R.P.S. (Commission Régionale du Patrimoine et des Sites) et les Services de lÉtat nont pas même exigé létude darchéologie monumentale qui simposait pourtant.
SÉANCE DU 23 AVRIL 2002
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur,
Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire
général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Cazes, Napoléone, MM. labbé
Baccrabère, Bordes, Boudartchouk, Hermet, le Père Montagnes, Pradalier, Prin, Mgr
Rocacher, membres titulaires, Mmes Andrieu, Blanc-Rouquette, Boussoutrot, Czerniak,
Félix, Fronton-Wessel, Fournié, Galés, Jimenez, Watin-Grandchamp, MM. Burroni, Manuel,
Rebière, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mme Pujalte,
M. Garland.
La Présidente ouvre la séance en souhaitant la bienvenue à nos trois nouveaux membres correspondants qui prennent séance ce soir : Mme Anne Boussoutrot, Mme Françoise Galés et M. Jean-Louis Rebière.
Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 2 avril, qui est adopté.
La Présidente rend compte de la correspondance imprimée qui comprend principalement des invitations et des programmes de colloques. Le 54e congrès régional de la Fédération historique de Midi-Pyrénées, organisé cette année par la Société des lettres, sciences et arts de lAveyron et la Société détudes millavoises, se tiendra à Millau les 21-23 juin 2002, sous le titre Rouergue, carrefour dhistoire et de nature; plusieurs membres de notre Société, Mmes Bernadette Suau et Nicole Andrieu, MM. Jean-Claude Richard, Vincent Geneviève et Jean-Claude Fau, y présenteront des communications.
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 254
Plusieurs dons viennent enrichir notre bibliothèque :
- Anne Boussoutrot, « La Pierre mise à nu : vêtement et revêtement », dans Lithique, n° 6, Pierres de Bourgogne (1), 1984, p. 48-49 ;
- Jean-Louis Rebière et Anne Boussoutrot, « Le château de Pierre Le Gendre à Alincourt », dans Bulletin monumental, t. 155 (1997), p. 127-133 ;
- Jean-Louis Rebière, « Van der Meulen hors des routes : identification dune vue de Chantilly », dans Bulletin du Groupe dÉtudes des Monuments et uvres dart de lOise et du Beauvaisis, n° 52-53, 1992 ;
- Madeleine Olivier, Léon Soulié (1804-1862). Une peintre régional du XIXe siècle, catalogue de lexposition présentée du 6 avril au 2 juin 2002, Cahiers du Musée Calbet, Grisolles, 18 p.
La Présidente remercie les donateurs.
La parole est à Nicole Andrieu pour la communication du jour : Léglise de Montesquieu-Volvestre. Le rôle de la Fabrique, publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.
La Présidente
remercie Nicole Andrieu et la félicite pour ce bel exemple de méthode que représente
son exposé à travers la confrontation des textes et des objets. Lhistoire de la
paroisse et la vie dans cette église tout au long du XIXe siècle sont
particulièrement intéressantes en ce quelles nous font assister à
lévolution des mentalités après la Révolution et jusquà lorée du
XXe siècle.
Mgr Rocacher félicite
à son tour Nicole Andrieu et la remercie davoir eu, dans son introduction, le
courage et la lucidité de souligner la précarité de notre patrimoine religieux. Depuis
quelques années, le vide des campagnes, avec le départ des jeunes et un clergé rural de
moins en moins nombreux, fait peser une menace de plus en plus grave sur cet immense
patrimoine. Mgr Rocacher reconnaît le rôle important des divers groupements et
associations qui se constituent pour en assurer la sauvegarde. Nous sommes tous concernés
de près ou de loin, mais si lon peut applaudir au travail accompli par ces
associations, il faut néanmoins savoir rappeler quelles nont pas de pouvoir
légal, et quil convient donc de surveiller de près la manière dont est
appliquée, ou nest pas appliquée, la loi de 1905. Certaines de ces associations
ont en effet une fâcheuse tendance à outrepasser leurs prérogatives et lon a des
exemples daliénations de mobilier tout à fait illégales. Louis Latour cite
plusieurs cas quil a connus de sauvetage darchives paroissiales du XIXe
siècle : des registres ont été retrouvés lors dun nettoyage effectué dans
léglise de la Madeleine dAuterive ; ailleurs, à loccasion de la
mise en location dun presbytère inoccupé, le bâtiment a été entièrement vidé
par une entreprise et un rouleau de documents de la Fabrique a été récupéré sur un
terrain vague et acheté par les Archives départementales ; à larrivée
dun nouveau curé à Auterive, on a vidé une armoire des vieux papiers quelle
contenait, dont linventaire a demandé deux à trois mois de travail. Louis Latour
demande à tous dêtre vigilants. Mgr Rocacher précise quil faut distinguer
les documents qui relèvent des Archives communales et ceux qui doivent être versés aux
Archives diocésaines. Nicole Andrieu remarque que les registres de Fabrique relèvent de
ce dernier cas, mais quils sont bien souvent, par ignorance, déposés aux Archives
communales.
Quant aux consorces de
prêtres, dont la fonction était de dire des messes pour les âmes du Purgatoire, Mgr
Rocacher signale quune maison du XVe siècle conservée en face de
léglise Saint-Nicolas à Toulouse était celle dune telle consorce, et que
lon en connaît également un exemple à la Dalbade. Ces prêtres obituaires ne sont
pas assimilables à des chanoines, ce à quoi Nicole Andrieu acquiesce. Louis Latour
précise quil sagit de fraternités de prêtres. Il indique que les statuts
des consorces, par exemple ceux de Marquefave, imposent à leurs membres dêtre
natifs de la commune, afin décarter les convoitises que ne manquaient de susciter
les sommes considérables apportées par lensemble des obits dune paroisse.
Mgr Rocacher
rappelle encore que la liturgie romaine a été rendue obligatoire par le Concile de
Trente. Nicole Andrieu dit sêtre sans doute mal exprimée en voulant souligner que
lusage de la liturgie romaine était réaffirmé en 1862 dans le diocèse de
Toulouse. Pour Mgr Rocacher, il faudrait définir les détails des rites gallicans qui
sétaient en effet répandus ; tous les diocèses disposaient de leur Propre
particulier sans que cela soit la marque de lusage de rites gallicans.
À propos du
chemin de croix, Mgr Rocacher ne croit pas que celui qui est conservé soit celui de
1851 : il correspond à ceux, très nombreux, qui ont été achetés dans les années
1930 et ont remplacé les chemins de croix du XIXe siècle, qui étaient très souvent
constitués de gravures ou de chromolithographies.
Mgr Rocacher souligne
ensuite un aspect très intéressant de lexposé de Nicole Andrieu, qui demanderait
un long développement. Il sagit des difficultés nombreuses qui émaillent les
relations entre la commune, la Fabrique et le clergé dans de très nombreuses paroisses.
Le décret de 1809 est en effet interprété différemment selon les lieux, et les
responsabilités ne sont jamais claires avant 1905. Lors de son travail sur Rocamadour,
ces relations difficiles lui sont bien apparues, encore compliquées par les interventions
du diocèse et du service des Monuments historiques. Il faudrait interroger les historiens
du Droit pour mieux comprendre le contexte des reconstructions réalisées au XIXe
siècle et en particulier sous le Second Empire.
Daniel Cazes
layant interrogée sur La déposition de croix
due au pinceau de Girodet, Nicole Andrieu précise quelle nen a pas fait état
faute de mention dans les archives. Elle ajoute que le tableau devant être présenté
dans une exposition qui se tiendra à New-York et Philadelphie en 2003-2004, Sylvain
Bélanger lui a demandé de le documenter. Elle sait que le tableau se trouvait dans
léglise en 1863, mais il a probablement été peint pour le couvent des Capucins de
Loches en 1789. Il ne figure pas dans la liste des dépôts de lÉtat et le
dépouillement des archives na rien donné, alors que toute donation fait
normalement lobjet dun suivi administratif très attentif.
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 255
Au titre des questions diverses, Virginie Czerniak présente à la Compagnie Les peintures murales de la maison Lobios à Moissac (Tarn-et-Garonne) :
« Cette maison moissagaise, que nous appelons du nom de lactuelle propriétaire, présente toutes les caractéristiques structurelles et décoratives dun hôtel patricien. Elle est sise à langle ouest de la rue Malaveille et de lactuelle rue des Templiers, anciennement rue des Masels, sur le côté nord de lactuelle place des Récollets.
Une grande demeure patricienne
Les renseignements émanant des documents darchives ne fournissent pas dinformations directes sur lhistoire de la maison Lobios. La consultation du plus ancien cadastre de la ville de Moissac, daté de 1480, permet néanmoins denvisager, pour cette fin du XVe siècle, loctroi de la propriété de lédifice à Jean de Gaulejac, seigneur de Piac (1). La première mention de la famille de Gaulejac dans le Quercy remonte à la fin du XIe siècle (2), mais leur présence à Moissac nest attestée quà partir de 1468 grâce à un acte rédigé par Bertrand de Montesquieu, seigneur de Fumel, par lequel il institue pour héritier de la seigneurie de Piac, voisine de la cité quercinoise, Jean de Gaulejac, qualifié de bourgeois moissagais (3). Lintérêt principal de cette information est quelle permet dassocier les Gaulejac à lune des plus prestigieuses familles du Quercy, liée à Moissac de longue date : Gausbert de Fumel est en effet abbé-chevalier de Saint-Pierre de Moissac dans le second quart du XIIe siècle (4). On peut dès lors imaginer que les seigneurs de Fumel puissent avoir eu depuis longtemps une représentation urbaine à Moissac. Pourrait-il sagir de notre maison, qui serait passée aux Gaulejac au XVe siècle par héritage ?
MOISSAC, MAISON LOBIOS. Schéma d'élévation du mur occidental de la salle haute. Dessin Virginie Czerniak.
La façade méridionale de la maison qui ouvre sur la rue ne trahit aucunement les origines médiévales de lédifice : un enduit dissimule totalement lappareil et des ouvertures contemporaines ont modifié notre perception des étages. Le rez-de-chaussée, aujourdhui occupé par deux établissements commerciaux, est ponctué de quatre arcades plaquées, à lintérieur desquelles souvrent des fenêtres. Le premier étage est rythmé par la disposition linéaire de huit grandes baies rectangulaires modernes. Un dernier niveau douvertures a été organisé immédiatement au-dessous de la corniche supportant la gouttière du toit avec de petites fenêtres elles aussi rectangulaires. Leur percement a respecté la distribution des fenêtres du bel étage.
La façade arrière est plus intéressante car elle est dépourvue de tout enduit à mi-hauteur de son élévation et la maçonnerie de briques offre un certain nombre de renseignements sur la distribution originelle des volumes internes. Outre un léger décrochement perceptible sur la partie orientale du mur, on retrouve ici les trois niveaux de fenêtres présents sur la façade sud. Mais les détails essentiels de ce mur nord sont trois petites baies en plein cintre aujourdhui murées qui scandent à intervalles réguliers un niveau exactement intermédiaire entre le premier et le second étage
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actuel. Les jambages et le couvrement de ces baies ont été exécutés en briques. Elles sont lultime témoignage des ouvertures destinées à léclairage de la salle haute qui se développait à létage de la maison à lépoque médiévale. Il est difficile, sans la réalisation dun relevé brique à brique, et au regard des désordres engendrés pas les percements ultérieurs, de déterminer sil existait dautres ouvertures qui participaient à léclairage de létage.
La salle haute, dans laquelle sont conservées les peintures murales, ne peut plus aujourdhui être appréciée dans la totalité de son ampleur originelle. Les volumes intérieurs de lédifice ont en effet été intégralement modifiés par le percement, au début du XXe siècle, dune grande cage descalier au centre du bâtiment, et lorganisation dappartements sur deux étages. Seul le dernier étage de la maison, situé immédiatement sous le toit, permet aujourdhui davoir une idée de lorganisation structurelle et des volumes de la grande salle de la demeure. Sa superficie devait avoisiner à lorigine les cent vingt-cinq mètres carrés. Les peintures conservées nous permettent daffirmer que cette vaste pièce sous charpente a vu son niveau de plancher surélevé, mais quen revanche, la toiture a été à peine abaissée.
Le levé du plan de ce dernier étage a permis de mettre en lumière lépaisseur particulière du mur oriental de la pièce qui marque le passage vers une autre partie de la maison. Une telle épaisseur ne semble pas convenir pour un simple mur de refend et il faut souligner que ce mur se situe très exactement à hauteur du décrochement remarqué sur la façade extérieure nord. Cela peut signifier que la partie orientale de la maison a été rajoutée.
Au regard des éléments en notre possession, quelle date pouvons-nous assigner à la construction de la maison ? Si nous ne disposons pas à Moissac même dédifices comparables, les études récentes sur lhabitat civil médiéval dans le Quercy permettent de nous faire une idée sur la période qui a vu la réalisation de cette demeure et la dimension sociale qui pouvait être la sienne. Les proportions octroyées à la salle haute, située au premier ou au second étage (5), associées à lampleur et à la qualité de sa décoration picturale, permettent dévoquer une maison patricienne, lune de ces grandes demeures polyvalentes qui à partir du XIIIe siècle se multiplient dans les cités (6).
Il reste à signaler que nous ne disposons peut-être pas de lédifice en totalité : les transformations subies par lîlot qui se développe à larrière de la maison ne permettent plus dapprécier léventuel développement en L de lédifice qui aurait pu, comme bon nombre de bâtiments auxquels il peut être comparé, disposer dune seconde aile, établie à partir de la tour dangle, et dune cour intérieure. Toutes ces suppositions restent pour lheure en suspens : seule une étude archéologique complète du bâti, dans lidéal assortie dune analyse en dendrochronologie de quelques échantillons provenant de certains des entraits ou arbalétriers de la charpente qui paraissent dorigine, pourrait resserrer une datation imprécise qui repose aujourdhui principalement sur les peintures murales.
Les peintures murales de la salle haute : une illustration inédite de tournoi
Deux décors peints distincts ont été partiellement préservés dans les parties hautes de lédifice : un premier historié sur les parois de ce qui subsiste de la grande salle haute et un second, à caractère strictement ornemental, au revers du mur de séparation entre la salle et la tour dangle. On y devine une suite de grands compartiments rectangulaires ponctués dun faux appareil de marbre brèche semblable à celui présent dans les parties basses de la chapelle du château de Bioule dans le Tarn-et-Garonne, et que lon retrouve aussi dans la sacristie de La Romieu dans le Gers, dans la salle capitulaire de labbaye de Beaulieu dans lAveyron, dans celle du prieuré de Laramière, ainsi que dans des maisons de Lectoure et de Cordes. Ces différents exemples sont communément attribués à la première moitié du XIVe siècle (7).
Le décor historié est dun très grand intérêt, en raison de son ampleur et du programme iconographique proposé. Les éléments les plus distincts sont conservés sur la paroi occidentale de lancienne salle haute. Un premier registre, tronqué dans sa partie inférieure par la surélévation du plancher, est occupé par une série de personnages à cheval. La composition présente en fait deux groupes de cavaliers convergeant lun vers lautre et qui se rejoignent approximativement au centre du mur. Lusure de la couche picturale, qui a entraîné leffacement irrémédiable de la majorité des figures, nous prive dune appréciation satisfaisante de la scène, qui nest dailleurs pas perceptible en totalité, un quart de la partie nord du mur étant dissimulé, à larrière dune cloison de briques, sous un badigeon blanc.
Si la moitié septentrionale de la paroi est amputée et plus considérablement altérée, ne laissant deviner que deux chevaux, deux cavaliers saluant, dont lun avec un écu, et trois étendards, la moitié méridionale de la paroi est plus parlante. Ainsi, dix personnages sont visibles, avec cinq chevaux, tous alignés dans le sens de la marche qui les conduit vers le milieu du mur. Le groupe est mené par un cavalier muni dun écu qui lève le bras, répondant au salut du cavalier qui arrive en tête de lautre troupe. Deux étendards flottent derrière le meneur du premier groupe. Le cavalier le plus lisible de la composition occupe lextrémité sud du mur. Il porte un écu ainsi quune lance et son visage aux joues rondes, mangé par de grands yeux fortement cernés, est encadré par une chevelure blonde et courte dont on perçoit le tracé de quelques mèches. Ce personnage regarde ostensiblement vers le haut, peut-être vers lautre partie de la composition historiée, qui occupe le sommet triangulaire du mur pignon. Malgré labrasion des autres figures, qui ne permet pas de déterminer si elles étaient également armées, il faut noter quelles sont toutes dépourvues de casques, affichant la même chevelure blonde, coupée courte un peu en dessous des oreilles.
Un registre ornemental se développe au centre du mur occidental. Une première bande rouge et blanche sépare la représentation des cavaliers dune large frise où alternaient des sortes de croix potencées rouges bordées de jaune et
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MOISSAC, MAISON LOBIOS. Cavalier du registre inférieur du mur occidental de la salle haute (détail). Cliché Didier Taillefer, Centre d'Art roman Marcel-Durliat.
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MOISSAC, MAISON LOBIOS. Roi d'armes, registre supérieur du mur occidental de la salle haute (détail). Cliché Virginie Czerniak.
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des cartouches jaunes encadrés de rouge au centre desquels se trouvaient des écus, aujourdhui réduits à létat de traces. Les grandes croix qui rythment ce registre médian ne sont pas exactement potencées, selon la définition héraldique du terme. En effet, ce qualificatif désigne une figure dont toutes les extrémités se terminent en forme de T (8), or ce tracé na été adopté que pour les bras inférieur et supérieur de ces croix et non pour les bras latéraux. Il faut noter la présence de triangles plus foncés au niveau des intersections des bras, qui laissent penser que lon avait cherché à conférer à ces croix une certaine mise en relief. Quatre bandes de couleur, successivement jaune, rouge, puis de nouveau jaune et blanche, bordées de traits noirs, achèvent le décor jusquà hauteur de lentrait de la charpente. Lentrait de la ferme actuelle est à peine surélevé dune quinzaine de centimètres par rapport au moment de la réalisation des peintures car on peut noter une interruption de lenduit équivalente à la largeur de la poutre contre laquelle venait buter le retour de lapprêt, soigneusement lissé.
Le décor se poursuit dans la partie haute du mur, les figures sadaptant à lespace triangulaire formé par le mur pignon. Les difficultés de lecture rencontrées pour le bas de la composition se retrouvent ici, accentuées par la distance et le peu de recul. De plus, cette zone située directement sous le toit a souffert de diverses infiltrations qui se sont matérialisées sur les peintures par des coulures agglomérées de crasse qui brouillent considérablement notre vision des figures. Un examen attentif à hauteur des peintures permet néanmoins de reconnaître la représentation (9). On peut ainsi découvrir deux cavaliers, le bras levé dans un geste de salut, qui encadrent un personnage debout en position frontale. Cette figure centrale a les bras ouverts, portant deux étendards quelle maintient par la hampe. Certains détails sont encore visibles, comme la chausse de mailles du cavalier de droite ou le filet de sa cotte de mailles qui enveloppe son bras levé. On peut également voir les clous qui dépassent du sabot de sa monture. En ce qui concerne le personnage central, on peut apprécier la simplicité de sa cotte aux manches étroites très resserrées aux poignets et qui sévase en trapèze à partir dun corsage ajusté, ainsi que sa coiffure : ses cheveux blonds, coupés au carré à hauteur du menton, sont soigneusement roulés sur les côtés.
Cette scène de la partie supérieure de la composition permet didentifier très exactement le programme iconographique. En effet, le personnage installé entre les deux cavaliers avec deux drapeaux peut être reconnu comme un roi darmes, acteur essentiel du bon déroulement dun tournoi. Le roi darmes est considéré comme le héraut principal, celui qui donne le signal du tournoi mais aussi celui qui, en amont, fait le lien entre les tournoyeurs. Sa fonction nous est, tardivement (10), mais clairement expliquée dans le traité du roi René rédigé entre 1455 et 1460. Dans Traittié de la Forme et Devis dung Tournoy (11), René dAnjou mentionne le roi darmes à maintes reprises et la fait figurer en frontispice du manuscrit, portant quatre bannières. Ce héraut est chargé de porter le défi en présentant au seigneur « défendant » une épée de tournoi transmise par le seigneur « appelant ». Le premier approuve la confrontation en acceptant lépée. Le roi darmes établit en suivant une liste de huit chevaliers parmi lesquels le seigneur défendant désigne quatre juges diseurs dont les armes viendront timbrer les bannières que le héraut affichera. Dès lors, il peut crier le tournoi et assumer à la fois larbitrage et le bon suivi de la cérémonie.
La représentation moissagaise est assez éloquente quant à la phase du tournoi quelle illustre. Les deux chevaliers qui encadrent le roi darmes, identifiables au seigneur appelant et au seigneur défendant, se saluent, tout comme le font les deux groupes de cavaliers disposés au registre inférieur qui composent leurs osts respectifs. Rappelons que ces cavaliers ne sont pas casqués, et lon comprend que lon a représenté ici la première étape de lhastiludium, le moment où les deux formations de chevaliers, les conrois, se rencontrent avant de saffronter.
Ce premier épisode était complété par une seconde composition picturale qui prenait place sur le mur pignon oriental, exactement en face, à lautre extrémité de la salle. Car, malgré les aménagements ultérieurs, on peut se faire une idée
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MOISSAC, MAISON LOBIOS. Schéma d'élévation du mur oriental de la salle haute. Dessin Virginie Czerniak.
de lampleur initiale du décor peint grâce à quelques fragments visibles sur le mur méridional de la salle, au revers de la façade sur rue. À trois endroits précisément à gauche de la seconde et de part et dautre de la cinquième fenêtre le registre médian ornemental ponctué de croix apparaît distinctement, garantissant le développement initial du décor sur tout le pourtour de la salle.
Le mur oriental a été mutilé lors de linstallation de la cage descalier et il nen subsiste plus que la moitié sud. De fait, la peinture conservée ne représente plus que la moitié de la composition dorigine. Malgré cela, la représentation est éloquente pour le programme iconographique. On retrouve lorganisation en trois registres décrite pour le mur occidental. La partie inférieure de la paroi présente trois cavaliers casqués, portant écus et étendards. La disposition de ces derniers indique clairement que les cavaliers défilent. Le premier dentre eux, à droite, a été coupé par louverture dune porte qui permet daccéder à la tour. Au-dessus, la frise de croix accompagnée des bandes de couleur occupe la partie médiane du mur. Un petit détail, à peine perceptible, ponctue cette zone ornementale. Entre les deux croix, sur le cartouche jaune, destiné sur le mur ouest au décor armorié, on peut voir juste au-dessus dune lacune qui laisse la brique apparente une petite tête danimal disposée de profil. Il est difficilement identifiable chien ou lion et on ne parvient pas à déterminer sil sagit dun meuble héraldique en forme danimal contourné ou dun support darmoiries, quelques traces laissant supposer que lanimal, dressé sur ses membres postérieurs, était rampant ou saillant. Quelques graffiti ponctuent cette partie des peintures.
Sur la partie haute du mur, du côté droit, subsistent deux bandes parallèles disposées en oblique qui étaient apparemment destinées à souligner larbalétrier de la ferme. Ce détail confirme que cette salle était dès lorigine une salle sous charpente et que le niveau initial a été respecté.
Il faut noter que, dans cette zone supérieure, la lecture est rendue délicate par lextrême usure de la couche picturale. Nous ne disposons plus que du tracé préparatoire ou plus exactement des tracés de lunique figure conservée. Elle a été dessinée à main levée et lartiste sy est repris à plusieurs fois avant de trouver les justes proportions de sa représentation. Nous avons donc plusieurs traits rapprochés pour une même ligne de contour, ce qui brouille considérablement la lisibilité. Néanmoins, une observation attentive permet de découvrir la croupe et les jambes dun cheval portant un cavalier casqué et muni dun écu. La monture est houssée et la position du chevalier, associée au mouvement de son destrier permet dévoquer la représentation dune charge à lance couchée.
Exposé dans sa première étape sur le mur ouest, le tournoi se poursuivait donc sur le mur den face avec cette scène illustrant lengagement des participants.
Un témoignage unique menacé
Notre connaissance des peintures murales civiles réalisées dans le Midi médiéval sest récemment enrichie et les études menées sur le sujet (12) permettent aujourdhui de prendre toute la mesure dun patrimoine qui na rien à envier à celui plus anciennement connu de la moitié nord de la France. La mise en parallèle des corpus méridional et septentrional (13) met en lumière une même difficulté à comprendre précisément la dimension iconographique que lon doit accorder aux illustrations des combats de chevaliers qui composent lessentiel des décors historiés recensés dans les architectures civiles. Dans certains cas, le caractère historique de la représentation ou la référence directe à la littérature chevaleresque peuvent être évoqués, comme à Pernes-les-Fontaines ou à Courtchamp (14). Mais ces exemples restent isolés et lanalyse de la majorité des représentations permet rarement de trancher entre une évocation inspirée de la littérature courtoise, ou le rappel dun épisode historique, dun glorieux fait de guerre impliquant des personnalités individuelles identifiables. Aussi faut-il le plus souvent interpréter ces images comme des représentations à caractère symbolique, destinées à évoquer un modèle de chevalerie universelle revendiqué par le propriétaire de la demeure. Le tournoi, pratique chevaleresque par excellence, entre dans cette catégorie et il est bien souvent illusoire de chercher à faire la distinction entre une illustration de joute et un fait de guerre authentique. Cest pour cela que les peintures de la maison Lobios à Moissac sont du plus grand intérêt : elles sont pour lheure le seul exemple identifié de représentation de tournoi dans la peinture murale médiévale méridionale.
Mais ce précieux unicum est menacé, les peintures étant dans un état de conservation alarmant. Elles nont jamais fait
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lobjet dune campagne de conservation-restauration et, outre leffacement inéluctable des figures qui les composent, dû à lérosion de la matière picturale, on doit déplorer dimportantes pulvérulences. Celles-ci sont particulièrement manifestes sur le mur occidental de la salle, spécialement dans les parties hautes : le beau visage du roi darmes est principalement exposé. De multiples soulèvements de matière ont été repérés et, ceux-ci nétant pas traités, cela entraîne bien sûr dirrémédiables pertes. Des prélèvements effectués en juillet 2001 ont permis de caractériser trois des principaux pigments utilisés : azurite, hématite et minium, mais ils ont également révélé la présence de gypse et doxalates (15). Le gypse ou sulfate de calcium peut être lié à la présence dun plâtre qui aurait pu recouvrir les peintures à un moment donné, mais cela peut aussi provenir dune altération du carbonate de calcium du support. Quant aux oxalates, leur présence indique vraisemblablement une activité organique liée à des micro-organismes, lichens ou autres. Ces éléments sont des facteurs daltération actifs des peintures.
Proposition de datation
Les premières observations, circonscrites aux figures de la zone inférieure du mur occidental, pouvaient conduire à rapprocher ces peintures de celles retrouvées en 1998 dans lancien Hôtel des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem à Toulouse. Les visages des anges disposés en buste, entre les modillons de lun des enfeus mis au jour dans lHôtel, sont en effet traités de façon assez similaire à ceux de nos chevaliers : un même cerne noir appuyé accentue la rondeur de leurs traits. Les peintures de Toulouse peuvent être attribuées au XIIIe siècle, et si cette datation semble pouvoir être retenue pour lensemble moissagais, un certain nombre de détails relevés depuis lors permettent dévoquer pour sa réalisation un XIIIe siècle vraisemblablement plus avancé.
Quelques éléments, tels que les cheveux du roi darmes, roulés au fer à hauteur des oreilles, ou la housse de croupe qui habille la monture du chevalier du mur oriental, permettent en effet de ne pas situer la réalisation de ce décor avant le deuxième quart du XIIIe siècle. La forme des écus ou celle des heaumes peut aussi être un repère chronologique intéressant. Les heaumes arborés par les chevaliers du mur oriental sont cylindriques. Cette forme, associée à une calotte supérieure légèrement convexe, se généralise à partir de 1240 environ. Quant aux écus, ils sont presque aussi hauts que larges et témoignent de lévolution entreprise entre 1230 et 1260 visant à diminuer leur longueur : les écus sont alors progressivement raccourcis car les chausses de maille, les grèves et les genouillères de fer se généralisant, il nest alors plus nécessaire que la pointe de lécu protège le genou (16).
Le terminus post quem est en revanche un peu plus difficile à déterminer. On se doit de faire référence à lart français, pour la forme assurément la chevelure blonde au modelé vigoureux du roi darmes na rien de méridional mais aussi pour le fond, le tournoi étant reconnu comme une pratique dinfluence française qui se diffuse dans le Midi médiéval au cours du XIIIe siècle (17). Si lon réalise une comparaison formelle entre lensemble moissagais et la production septentrionale du XIIIe siècle, on note immédiatement que lon est éloigné des lignes sinueuses et affectées des uvres les plus avancées, celles postérieures au règne de saint Louis. Le trait des peintures de la maison Lobios est ferme et précis, rigoureux même, et aucune expression dun quelconque maniérisme dans les contours ne peut y être décelé. Cela peut être attribué au thème iconographique qui sassocie sans doute assez difficilement à une expression graphique trop élaborée. Mais cela peut aussi traduire un attachement à un certain classicisme. On peut alors se demander si lélaboration de cet ensemble est antérieure aux conventions du linéarisme parisien, qui simposent progressivement dans la seconde moitié du XIIIe siècle, ou si celles-ci nont pas été assimilées.
Les données stylistiques sont toutefois à considérer avec prudence au regard de létat de conservation des peintures. La représentation elle-même est peut être plus parlante. Nous lavons vu, le décor met en scène deux groupes de chevaliers qui se rencontrent avant de se combattre. Comment se déroule laffrontement ? Sagit-il dun combat collectif ou dune succession de joutes individuelles ? Cette question peut avoir son importance car le simulacre de guerre quest le tournoi à lorigine, avec lopposition frontale de deux camps, va se faire de plus en plus rare au fil des années pour disparaître au milieu du XIVe siècle (18). Il nest malheureusement pas vraiment possible de répondre car en fait les représentations du mur oriental peuvent correspondre aux deux possibilités : le chevalier de la partie supérieure est en position de jouteur et les cavaliers du registre inférieur peuvent très bien sapprêter à participer à une mêlée. Néanmoins, il faut souligner lapparente pondération des scènes dans lesquelles laccent est exclusivement mis sur les participants : toute dimension théâtrale de la manifestation est absente. Or, lévolution du tournoi en spectacle, avec cortèges, tribunes et spectateurs, peut être située au début du XIVe siècle et serait attribuable à Édouard III dAngleterre (19). Ainsi, si lon sen tient à la représentation aujourdhui visible (20), il semblerait que lon ne puisse fixer la réalisation de ce décor au-delà du début du XIVe siècle.
Cette datation peu précise, qui fixerait donc lexécution des peintures entre le deuxième quart et la fin du XIIIe siècle, pourra sans doute être affinée grâce à une analyse architecturale détaillée. Quoi quil en soit, cet ensemble peint, important témoignage direct de lempreinte française, est pour lheure la seule représentation monumentale dun tournoi connue dans le Midi médiéval et mériterait, à ce titre, dêtre protégé.
Virginie CZERNIAK »
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1. Archives communales de Moissac, CC. Ce cadastre est strictement descriptif et énumératif : il ne dispose pas de plan cadastral mais énumère les différents propriétaires en les situant les uns par rapport aux autres, quartier par quartier et rue par rue. Nous devons à lamitié de Chantal Fraïsse létablissement de la liste des occupants installés à la fin du XVe siècle dans la portion de la rue Malaveille où se dresse la maison Lobios.
2. Un Béral de Gaulejac assiste en 1090 à une donation faite au chapitre de Cahors, Documents historiques sur la maison de Gaulejac, Archives départementales de Tarn-et-Garonne, Série A, t. 1, Montauban, 1901.
3. A.D. Tarn-et-Garonne, G 624.
4. Jacques CAYROU, « Les seigneurs de la communauté de Montesquieu », Bulletin de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, t. XXXI, 1903, p. 19-51 et 254-272. Louis ESQUIEU, Essai dun armorial quercinois, Paris, Cahors, 1907, p. 114.
5. Pour lheure, sans une étude archéologique plus complète de la maison, nous ne sommes pas en mesure de préciser si la grande salle occupait le premier ou le second étage de la bâtisse. En effet, il arrive que dans certaines habitations où les rez-de-chaussée sont particulièrement hauts, on dispose dun entresol qui renvoie ainsi la salle haute au second niveau. Voir par exemple la maison dite des Templiers à Figeac, Anne-Laure NAPOLÉONE, « Urbanisme et habitat à Figeac aux XIIe, XIIIe, XIVe siècles », M.S.A.M.F., t. LVIII, 1998, p. 67-92, Figeac au Moyen Âge. Les maisons du XIIe au XIVe siècle, Figeac, ASFE, 1998, p. 130-158, et Pierre GARRIGOU GRANDCHAMP, Demeures médiévales. Cur de la cité, REMPART, Desclée de Brouwer, 1994, p. 35.
6. Exemples de cet habitat patricien à Gand, Montpellier, Reims, Figeac, Cahors, Cordes ., P. GARRIGOU GRANDCHAMP, op. cit., p. 34.
7. Paul DESCHAMPS et Marc THIBOUT, La peinture murale en France au début de lépoque gothique, CNRS, 1963, p. 168-169. Les auteurs citent laconiquement, en quatrième exemple après Lectoure (Gers), Cordes (Tarn) et Bioule, la maison Lautard à Moissac. Il sagit de la maison Lobios, alors propriété de la famille Lautard.
8. Les armoiries. Lecture et identification, Inventaire général, 1994, p. 63.
9. Lidentification iconographique de cette partie du décor naurait pu être réalisée sans laide amicale de Jean-Marc Stouffs.
10. Avant le XVe siècle, nous ne disposons pas de textes précis sur les tournois. Les mentions à notre disposition sont issues de sources littéraires telles que LHistoire de Guillaume le Maréchal, Le tournoi de Chauvency et Le Roman dHem, uvres en vers qui relatent certains événements en fournissant de multiples informations sur les exploits et déboires des participants, mais qui ne sont guère prolixes sur les règles et le déroulement des tournois. Cela sexplique par le fait que les commanditaires et lecteurs de ces textes les connaissaient et navaient donc nul besoin de les voir exposer. Il faut donc attendre le XVe siècle pour voir apparaître des traités sur les règles à observer durant les tournois celui de René dAnjou est le plus connu à partir desquels on peut se faire une idée a posteriori du déroulement des tournois antérieurs. Richard BARBER et Juliet BARKER, Les tournois, 1989, p. 20-21.
11. Cet ouvrage, rédigé par René pour son frère Charles, est une sorte de compilation des coutumes allemandes, flamandes et françaises en matière de tournoi, doù résulte une façon de faire qui se veut idéale. Ce texte a connu un certain succès en son temps puisque six manuscrits du XVe siècle nous sont parvenus. Quatre dentre eux sont conservés à la Bibliothèque nationale, dont deux enluminés (ms 2692 et 2693). Le manuscrit 2693 a été publié in extenso par la revue Verve, Revue artistique et littéraire, vol. IV, n° 16, 1946.
12. Gretchen LONO, La peinture murale civile dans le Midi de la France. Étude iconographique préliminaire, Mémoire de D.É.A., Université Toulouse-Le Mirail, 1999, Valérie ROUSSET, « Le castrum de Larnagol », Bulletin de la Société des Études du Lot, t. CXXIII, 2002, p. 97-121, Anne-Laure NAPOLÉONE, Catherine GUIRAUD, Bertrand de VIVIÈS, « Lhôtel de la famille de Gaillac ou tour de Palmata (Gaillac, Tarn) », dans B.M., t. 160 (2002), p. 97-119.
13. Pour les exemples septentrionaux voir à titre dexemple, Gaël CARRE, Étude de lhabitat aristocratique en pierre (1150-1350) : lexemple de lAnjou-Touraine, Mémoire de D.É.A., Université de Paris I, 1999, « Architecture domestique : décors peints de la seconde moitié du XIIe siècle jusquau milieu du XIVe siècle » B.M., t. 159, 2001, p. 169-172.
14. Marie-Hélène DIDIER, « La tour Ferrande à Pernes-les-Fontaines », Monuments Historiques, n° 170, 1990, p. 49-52, G. Carré, op. cit., p. 171.
15. Ces analyses techniques ont été réalisées par léquipe de minéralogie, UMR 5563-CNRS, de lUniversité Paul-Sabatier de Toulouse. Nous les devons, ainsi que leur interprétation, à la collaboration amicale de Jean-Marc Stouffs.
16. VIOLLET-LE-DUC, Encyclopédie médiévale, reprise du Dictionnaire raisonné de larchitecture, Éditions Inter-Livres, t. II, 1992, p. 293-294. G. DEMAY, Le costume au Moyen Âge par les sceaux, Paris, 1880, p. 133-134.
17. Laurent MACÉ, « La culture chevaleresque méridionale au XIIe siècle : une idéologie sans tournoi ? », Terres et Hommes du Sud, Actes du 126e Congrès des Sociétés historiques et savantes (Toulouse, 9-14 avril 2001), Paris, CTHS, à paraître.
18. R. BARBER et J. BARKER, op. cit., p. 223.
19. Op. cit., p. 42.
20. Il faut rester prudent car on ne sait pas si le décor initial était seulement composé des trois registres aujourdhui visibles. Rappelons que le plancher de la salle haute a été surhaussé, ce qui peut toujours laisser penser quil existait un autre registre inférieur.
Après avoir remercié Virginie Czerniak de nous avoir révélé cet important ensemble de peintures médiévales civiles, la Présidente lui demande si un simple dépoussiérage pourrait être une première étape du sauvetage. Virginie Czerniak dit que cela permettrait en effet une meilleure perception des décors et elle précise que des prélèvements de pigments pour analyse ont déjà été effectués par Jean-Marc Stouffs.
À propos du style, la Présidente note que les rapprochements proposés avec les peintures de lenfeu de lHôtel Saint-Jean à Toulouse sont intéressants mais quils se heurtent néanmoins au caractère encore très roman de ces figures, dont le trait principal est constitué par les rehauts de rouge sur les pommettes. On sorientera sans doute vers une datation du milieu du XIIIe siècle, période jusque-là totalement absente dans la série des peintures murales connues à Toulouse. La Présidente invite néanmoins à la prudence, sentiment partagé par Maurice Scellès et Daniel Cazes. Celui-ci daterait plus volontiers les peintures de Moissac de la fin du XIIIe siècle, en sappuyant en particulier sur les carreaux émaillés retrouvés dans léglise des Jacobins par Maurice Prin.
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François Bordes fait
remarquer que le tournoi ne fait pas partie de la culture languedocienne et que les
contacts avec le Nord sont jusque-là épisodiques. Il se demande sil ne faut pas
plutôt songer à une représentation symbolique, de laquelle pourrait par exemple
participer le fond bleu faisant allusion au roi de France, la scène mettant en présence
deux grandes puissances. La représentation dun tournoi à Moissac dans le second
quart du XIIIe lui paraît en tout cas improbable. Virginie Czerniak rappelle
que le Languedoc a des contacts nombreux avec le Nord bien avant la fin du
siècle
elle évoque entre autres Constance de France et elle ajoute que Moissac sest
trouvé à deux reprises sous la domination de Richard Cur-de-Lion, premier roi à
avoir codifié les tournois, en Angleterre. Le roi darmes des peintures de Moissac
lui paraît bien français.
Pour Maurice Scellès,
il ne faut peut-être pas se fixer sur une fourchette chronologique aussi resserrée, les
seuls critères stylistiques étant dans ce cas insuffisants pour décider entre les
années 1230-1240 et les années 1250-1260. Il rappelle surtout que lintroduction
des formes françaises est évidente dès le milieu du siècle dans larchitecture
comme dans la sculpture.
Jean-Louis Rebière
évoque les peintures de la tour dArles à Caussade, dont les figures présentent
des coiffures qui sont celles du règne de saint Louis, disant quil les situerait
plutôt à la fin du XIIIe siècle. Virginie Czerniak fait remarquer, pour
Moissac, le dessin moins appuyé des chevelures, la frange moins marquée, alors
quelle se développe au cours du XIIIe siècle.
Guy Ahlsell de Toulza,
se fondant sur la longue robe du personnage central et labsence de bouclettes dans
sa chevelure, y verrait peut-être une figure allégorique féminine, ce que récuse
Virginie Czerniak. On revoit alors les photographies et la discussion se poursuit sur le
style et la signification de ce personnage. Pour ce qui est de la datation, Maurice
Scellès précise que les bois conservés en place dans lédifice permettront
peut-être, un jour quil faut espérer pas trop lointain, dapporter des
repères chronologiques précis.
Conformément à la décision prise lors de la séance du 19 mars dernier, et après avoir rappelé à grands traits lintérêt monumental et archéologique de lédifice, la Présidente présente à la Compagnie le texte de la motion concernant le palais de Via à Cahors :
« Informée de la décision du Ministère de la Justice dabandonner prochainement le site de la maison darrêt de Cahors, installée dans les bâtiments du « château du roi », la Société Archéologique du Midi de France sinquiète du devenir de cet ensemble exceptionnel qui comprend en particulier la tour et dimportants vestiges des bâtiments environnants du palais de Via, construit au début du XIVe siècle. Le palais de Via compte parmi les grands monuments médiévaux de la ville, à côté de la cathédrale, du pont Valentré et des ruines du palais Duèze.
La Société Archéologique du Midi de la France a donc tout lieu de se féliciter des intentions déclarées de la Mairie de Cahors de ne pas rester indifférente au sort de ce monument majeur du patrimoine médiéval de la ville et de lui donner une nouvelle affectation.
Elle souhaite quintervienne au plus tôt une protection au titre des Monuments historiques à la hauteur de lintérêt patrimonial de lédifice, et qui soit en mesure den garantir au mieux la conservation et la restauration, et quà cet effet le Ministère de la Culture reprenne linstruction du dossier de classement en totalité au titre des Monuments historiques, tant des élévations que du potentiel archéologique de son sous-sol, conformément à lavis donné par la Commission régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnographique (COREPHAE) en 1996. »
Ce texte sera envoyé
au Maire de Cahors, à la Préfète du Lot, au Directeur régional des Affaires
Culturelles et à la presse. Il est demandé que les envois à la presse soient
accompagnés dune présentation de lédifice.
Soumise au vote, la
motion est adoptée à lunanimité des membres présents.
Le Secrétaire général prend la parole pour rendre compte dun courrier électronique reçu il y a déjà quelques semaines. Ce courrier émane dun guide toulousain, dont le site Internet, surtout, contient des informations qui paraissent devoir faire lobjet de quelques observations. Il est ainsi affirmé que seuls les « guides diplômés » sont habilités à conduire des visites dans les monuments historiques et même à leurs abords, à lintérieur du périmètre de 500 mètres. Il sagit daffirmations à lévidence abusives sinon mensongères. Le Secrétaire général demande donc aux membres qui disposeraient dinformations précises sur la réglementation en vigueur de bien vouloir les communiquer à la Société, afin que nous soyons en mesure de faire une réponse argumentée.
SÉANCE DU 7 MAI 2002
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Coppolani, Directeur honoraire, Latour,
Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint,
Mmes Cazes, MM. Costa, Gilles, Prin, Mgr
Rocacher, membres titulaires, Mmes Boussoutrot, Conan, Watin-Grandchamp, MM. Balagna,
Molet, Rebière, Testard, membres correspondants.
Excusés : M. Cazes, Directeur, Mmes Fraïsse, Napoléone, MM. Burroni, Évrard,
Garland, Pradalier.
La Présidente ouvre
la séance en annonçant un programme allégé en raison du report à lautomne
prochain de la communication que Céline Piot devait présenter sur Une inscription
romaine inédite de la cité des Nitiobroges (Lot-et-Garonne).
Le Secrétaire
général donne lecture du procès-verbal de la séance du 23 avril, adopté après deux
corrections demandées par Louis Latour.
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 262
La Présidente rend
compte de la correspondance manuscrite et imprimée. Notre confrère Jean-Claude Richard
nous fait part de sa récente élévation au grade de chevalier de la légion
dhonneur : la Présidente lui adressera les félicitations de notre Société.
Sandrine Conan nous communique le programme des journées détude organisées à
Perpignan le 25 mai prochain à loccasion de lexposition consacrée aux
Clarisses du XVIIe siècle à nos jours.
Louis Latour donne
ensuite des précisions sur la journée détude dédiée aux marbres de
Caunes, marbriers et sculpteurs, qui se tiendra à Auterive le samedi 1er
juin sous légide de notre Société.
Lordre du jour appelle lélection dun membre correspondant. Le Secrétaire général donne lecture du rapport dAnne-Laure Napoléone, empêchée dêtre parmi nous ce soir, sur la candidature de Mme Agnès Marin. On procède au vote : Mme Agnès Marin est élue membre correspondant de notre Société.
La parole est à Georges Costa pour une communication sur Les entrepreneurs parisiens du Pont Neuf, publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.
La Présidente remercie Georges Costa et lui dit le plaisir toujours renouvelé que nous procurent les épisodes, quil sait si bien rendre captivants, de la longue construction du Pont Neuf. Georges Costa avoue avoir été parfois découragé par limportance du fonds darchives que connaissent tous ceux qui lont approché, dont lanalyse est compliquée par la numérotation des piles ; ce nest quà la retraite quil a pu trouver le temps de sy consacrer et den venir à bout, avec quel soulagement ! La Présidente souligne combien les résultats en sont passionnants puis demande si le chantier de Toulouse est exceptionnel par sa durée ou lorganisation du travail. Georges Costa répond que la construction du pont de Rouen a été plus difficile encore : les projets de reconstruction se sont multipliés, on a fait appel à des Flamands, on a consulté jusquà vingt spécialistes dont les projets nont pas abouti Toulouse a eu une chance, celle davoir un extraordinaire défenseur en la personne du sieur de Bellebat, maître des requêtes et intendant du roi, qui a endossé le projet du Pont Neuf.
La Présidente
voudrait avoir des précisions sur les statuts respectifs des entrepreneurs et des
architectes. Georges Costa indique quil sagit de professions jumelées et
rappelle que Salomon de Brosse était architecte et entrepreneur. On a demandé des plans
à Caillon, lun des entrepreneurs du Pont Neuf, commande sans doute facilitée par
le fait que celui-ci était le neveu par alliance de Jacques Lemercier. Georges Costa
ajoute, à propos des pavillons du Pont Neuf réalisés par Caillon, que les toitures
dardoise ont été voulues par la commission locale et non par les maîtres
duvre parisiens, comme on avait déjà placé de lardoise sur le
monument à Henri IV dans la cour du Capitole.
Jean-Louis Rebière
rappelle que la construction dun pont était une entreprise difficile : on
rapporte ainsi cette anecdote selon laquelle Jules Hardouin-Mansart demandant des
nouvelles du pont de Moulins, dont il avait donné les dessins, il lui fut répondu
quil devait être à Nantes. Léchelonnement des chantiers a en outre imposé
jusquau XVIIIe siècle détablir des piles ayant une épaisseur
égale au moins à un cinquième des arches.
Henri Molet explique que le « trou » que montrent les graphiques autour de l'année 1625 doit être apprécié en fonction des arbitrages quil fallut alors opérer en raison de leffondrement des défenses de Saint-Cyprien lors de l'inondation de 1621. Les travaux réalisés à partir de cette date en amont du pont, puis après 1624 en aval, ont mobilisé les financements de la Ville et des États du Languedoc. Georges Costa remercie Henri Molet pour ces compléments qui montrent quil y avait des circonstances aggravantes quil ignorait. Henri Molet ajoute que ladjudication de louvrage du pont à 600 000 livres, quand le budget annuel de la ville était de 45 000 livres, explique en partie que les entrepreneurs toulousains naient pas été en mesure de soumissionner.
Dominique
Watin-Grandchamp sintéresse à la maison de luvre du pont, dont
linstitution offre une belle permanence depuis le Moyen Âge, et plus
particulièrement à son mode dacquisition. Georges Costa dit sêtre attendu
à la question, tout en confessant quil ne connaît pas lemplacement précis,
sans doute peu éloigné du pont, de cette maison dite parfois « les maisons de
luvre » ; les détails manquent, qui seraient sans doute à chercher
dans les cadastres.
Lassemblée se
tourne vers Henri Molet, lequel dit consulter sa mémoire depuis dix minutes pour
retrouver le nom de lhôtel acheté par la Ville, rive gauche, dans le capitoulat de
la Daurade, et qui nexistait plus en 1631-1632, ayant été arasé pour établir la
descente du pont. Georges Costa citant lhôtel de M. de Papus, Henri Molet confirme
quil sagit bien de lédifice qui, acheté par la Ville en 1547-1548, est
devenu maison de luvre, une partie des dépendances de lhôtel ayant
dailleurs été détruite pour permettre la construction de la culée du pont.
Louis Latour note que cest la Ville qui est à linitiative de la construction du Pont Neuf de Toulouse, alors que pendant tout le Moyen Âge, celle-ci appartient le plus souvent à luvre du pont, ce que tempèrent Jean-Louis Rebière et Maurice Scellès en rappelant quà Montauban comme à Cahors la décision a relevé des consuls.
SÉANCE DU 21 MAI 2002
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour,
Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Napoléone, MM. labbé Baccrabère,
Bordes, le Père Montagnes, M. Prin, membres titulaires ; Mmes Andrieu, Bayle,
Blanc-Rouquette, Conan, Fronton-Wessel, Czerniak, Galés, Marin, Pujalte, Tollon,
Watin-Grandchamp, MM. Garland, Geneviève, Testard, membres correspondants.
Excusés : MM. Cazes, Directeur, Scellès, Secrétaire général, Ahlsell
de Toulza, Trésorier, Mme Cazes, M. Roquebert.
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 263
La Présidente ouvre
la séance à 17 heures. La parole est au Secrétaire-adjoint pour la lecture du
procès-verbal de la séance du 7 mai 2002, rédigé par le Secrétaire général ;
ce compte-rendu est adopté.
Michèle
Pradalier-Schlumberger accueille Mme Agnès Marin, élue membre correspondant lors de
cette précédente séance. Puis elle fait circuler la correspondance imprimée, qui
comprend notamment lannonce de deux expositions organisées à Toulouse :
lune au Musée des Augustins : « Lubin Baugin (vers 1610-1663). Un grand
maître enfin retrouvé », du 8 juin au 9 septembre 2002 ; lautre aux
Archives municipales : « Ils observaient les étoiles
», du 21 juin
au 28 décembre 2002.
La parole est à Vincent Geneviève pour la première communication du jour, intitulée Du nouveau sur le trésor de Tournefeuille, publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.
Après avoir remercié
notre confrère, la Présidente se dit impressionnée par la véritable « traque
policière » à laquelle il sest livré, dabord pour repérer dans la
collection numismatique du musée Saint-Raymond les pièces provenant de ce trésor,
acquises par le conservateur Ernest Roschach le 10 mars 1894, et ensuite les confronter
avec les espèces énumérées par Emmanuel Delorme dans sa communication à la S.A.M.F.
du 27 février précédent, enfin pour situer dans le temps ce dépôt monétaire et
parvenir à le dater des premières années du IVe siècle. Vincent Geneviève
précise quil est dans lattente de renseignements complémentaires concernant
un bronze de Constantin Auguste qui devrait lui permettre daffiner la
chronologie : cet exemplaire, unique dans la collection du musée, à demi restauré
et présentant sur une face une patine particulière, est datable au plus tard de la fin
de lannée 307 et il pourrait provenir du trésor de Tournefeuille. Michèle
Pradalier-Schlumberger sétant enquise de la raison pour laquelle les pièces de ce
trésor ont un aspect brun lustré ponctué de pigments verts, M. Geneviève donne les
explications suivantes : les pièces ont été nettoyées, puis reconditionnées avec
un produit cireux, mais elles nétaient pas alors suffisamment sèches, de sorte que
le traitement a eu pour effet un début de corrosion par des chlorures. Mme
Pradalier-Schlumberger demande si une nouvelle restauration est envisagée. M. Geneviève
se montre très dubitatif : il lui apparaît quil est préférable de laisser
ce numéraire en létat, étant donné dune part que la corrosion est
stabilisée, dautre part quil se révèle indispensable danalyser au
préalable les produits utilisés dans les traitements anciens si lon veut
identifier la provenance des pièces composant le médaillier du musée. À ce propos, il
indique quelques-unes des diverses « recettes » utilisées, aujourdhui
comme hier, pour « restaurer » les monnaies.
Sagissant du lieu
de la découverte du trésor, à louest de Toulouse, labbé Baccrabère est
invité à le replacer dans le contexte des établissements antiques situés sur la rive
gauche de la Garonne ; il souligne que les abords du confluent du Touch, où avaient
été édifiés notamment un temple, des thermes, un amphithéâtre, ont dû constituer
une zone de circulation intense. Vincent Geneviève abonde en ce sens, et il mentionne une
autre trouvaille monétaire ancienne, à quelques centaines de mètres du lieu
dinvention du dépôt de Tournefeuille : celle dun quinaire dor. Il
imagine quil a pu exister dans ces parages un axe de circulation, quil
sagirait de mettre en évidence en étudiant les traces de loccupation du sol
à lépoque romaine.
Dominique
Watin-Grandchamp intervient à propos des circonstances de la découverte du trésor,
demandant si celle-ci a été faite à loccasion de travaux publics ou privés, si
elle naurait pas fait lobjet de mentions dans la presse du temps... Vincent
Geneviève rappelle le caractère généralement très confidentiel, pour ainsi dire
furtif, des découvertes monétaires, ainsi que la rapidité de dispersion des
trouvailles : les trésors sévanouissent aussitôt quaperçus. Il
insiste sur le fait que le dépôt de Tournefeuille aurait compris « plusieurs
centaines » de monnaies, dont 93 ont été vues par Delorme et dont 51 seulement ont
pu être acquises par Roschach.
Emmanuel Garland fait
observer quil peut paraître hasardeux de raisonner sur des séries aussi peu
nombreuses et, partant, peu représentatives. M. Geneviève expose de nouveau les
prémisses de sa communication, soulignant une fois encore lhomogénéité interne
des deux lots connus ainsi que la cohérence de la composition de cet ensemble ; le
tout provient dun dépôt dont la date de clôture ne saurait, en raison de la
disparition ultérieure des espèces à leffigie de Maxence, guère excéder les
années 313/315.
La parole est ensuite à Françoise Tollon pour les deux autres communications du jour. La première est consacrée à La restauration des peintures murales de léglise de La Masse (Lot) :
« La commune des Junies, dans le Lot, comporte trois églises, dont celle de la Masse, construite au XIIe siècle. Les parties basses des murs de cette église ont été peintes sur toute leur longueur. Les sondages effectués par M. Langlois en 1996 montrent que les parties supérieures des murs nont pas reçu de décor, lenduit ayant été seulement recouvert dun badigeon ocre rosé.
Sur le mur sud se trouve une sorte de frise qui représente les Sept Péchés Capitaux, avec, à lest, la gueule du diable béante, vers laquelle savancent les figures des Péchés montées chacune sur un animal réel ou imaginaire et précédées dun diable. Lensemble du cortège est relié par une grande chaîne et un diable, placé à la fin, fouette le dernier personnage, la Paresse. Cette scène est cernée dans sa partie basse par une bande rouge entre deux filets noirs et dans sa partie haute par une bande ocre jaune entre deux filets noirs. Le soubassement est blanc à lexception dune scène représentant un évêque accompagné de deux personnages.
Sur le mur nord sont représentées deux scènes de la Passion du Christ (le Baiser de Judas et la Flagellation), cernées dans leur partie haute, par une large bande noire entre une bande jaune et une bande rouge, chaque bande colorée étant soulignée de filets noirs. La partie basse de ces scènes consiste en deux bandes, jaune et rouge. La Flagellation et le Baiser de Judas sont séparés par une large bande rouge cernée de deux bandes noires. La bande centrale était
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 264
ornée de motifs illisibles aujourdhui. Enfin, le Baiser de Judas est
limité, à lest, par deux bandes, rouge et jaune, ornées de "rinceaux"
noirs et cernées de deux bandes noires. Ces peintures peuvent êtres datées du XVe
siècle.
Du côté oriental du mur nord sont encore en
place les restes dune scène illisible, fermée par des rubans plissés et qui est
antérieure aux scènes de la Passion.
LES JUNIES (LOT),
église de la Masse,
relevé de la peinture monumentale du mur sud représentant les Sept
péchés
capitaux. Relevé Françoise Tollon.
LES JUNIES (LOT),
église de la Masse,
détail des Sept péchés capitaux après restauration. Cliché Françoise Tollon.
Lensemble des
peintures a été réalisé à la détrempe sur une polissure de chaux dont
lépaisseur varie entre un et deux millimètres, elle-même posée sur un mortier de
chaux rose, couleur résultant du sable local.
Deux caractéristiques techniques sont à noter
: tout dabord et contrairement aux pratiques, le mortier a été posé de bas en
haut, la peinture ayant été réalisée dans la foulée. Par ailleurs, des bouchages
espacés régulièrement, constitués du même mortier et peints dans le frais
correspondent à la réutilisation de trous de boulin. Cest donc un échafaudage
lourd qui a été installé au XVe siècle, peut-être pour des travaux plus
conséquents comme la réfection du plafond ou de la toiture, et lon en aurait alors
profité pour enduire lensemble des murs et en peindre les parties basses. Ainsi,
compte tenu de ces données et bien que les peintures des murs nord et sud soient
stylistiquement différentes, nous devons les rapprocher dans le temps.
Le dessin préparatoire a été réalisé en
noir. Les couleurs ont ensuite été posées en aplat puis les traits du dessin à nouveau
soulignés en noir. Les couleurs utilisées sont des plus classiques : ocre jaune, ocre
rouge, noir..., utilisées pures ou mélangées à de la chaux. On remarque cependant que
certains visages des damnés sont bruns, de même que certaines de leurs mains, une sur
deux en général, lautre étant dune couleur différente, comme si elle
était gantée. Des analyses au MEB et diffraction X réalisées à lÉcole
Nationale Supérieure de Chimie de Toulouse, que nous remercions, montrent que cette
couleur brune est due à laltération dun pigment à base de plomb, blanc ou
rouge, qui a été utilisé uniquement pour les carnations des Sept Péchés Capitaux. Les
carnations de la scène de lévêque et de la vie du Christ ont été peintes avec
dautres pigments, plus stables. On retrouve ce type daltération des
carnations dans les églises de Canourgue (commune des Junies) et des Arques. Un glacis
légèrement coloré a ensuite été passé sur certaines couleurs. Nous ne pouvons dire
si ce glacis est original ou a été posé ultérieurement. On note enfin un glacis
particulier sur le tablier de la Luxure.
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 265
Les Sept Péchés
Capitaux ont été réalisés à la hâte, car on remarque des erreurs. Par exemple, la
main gauche de la Luxure et la corne de la chèvre sont à moitié peintes en rouge,
couleur de la robe de la Luxure.
Ces peintures ont été recouvertes à
plusieurs reprises, tout dabord par une peinture blanche (kaolin) à la détrempe,
puis par une peinture ocre à la détrempe et enfin par trois badigeons de chaux blancs,
le dernier étant accompagné dun soubassement gris. Elles ont été découvertes et
partiellement dégagées par des amateurs, à la lame de rasoir, dans les années 1930.
Létat de
conservation de ces peintures est médiocre : le mortier, sur les deux murs, perd sa
cohésion et se décolle du support. Le mortier du mur sud présente relativement peu de
lacunes sur la scène des Sept Péchés Capitaux, à lexception dune zone qui
a été lessivée par des coulures deau. Par contre, le soubassement est très
lacunaire à cause des remontées capillaires. Sur le mur nord, on trouve une multitude de
petites lacunes ainsi quune lacune le long de la partie basse provoquées également
par les remontées capillaires. La polissure de chaux présente pas mal de lacunes sur les
scènes de lévêque et de la vie du Christ.
Le liant de la peinture des Sept Péchés
Capitaux sest désagrégé et la couche picturale est extrêmement pulvérulente. Le
liant de la peinture blanche qui recouvre directement les peintures sétant lui
aussi désagrégé, celle-ci sest amalgamée à la couche picturale originale.
Louest de cette scène a été lessivé par les coulures deau. Enfin, la
couche picturale est abrasée et on note par endroit les coups de lame des rasoirs qui ont
servi au dégagement initial.
Lors dune première intervention en 1996,
M. Langlois a consolidé les mortiers des murs nord et sud, refixé et nettoyé les deux
scènes de la vie du Christ. Notre intervention a donc consisté en la restauration
complète du mur sud ainsi quà la retouche picturale du mur nord. Elle a eu lieu
entre octobre 1999 et juin 2000 sous la maîtrise duvre de la Conservation
Régionale des Monuments Historiques de Midi-Pyrénées. Nous avons dû entreprendre une
nouvelle campagne de consolidation des mortiers par injection de PLMA (CTS).
Dans un deuxième temps, nous avons achevé le
dégagement de la couche picturale du mur sud au bistouri. Lenlèvement du voile
blanc laissé par la peinture blanche à la détrempe a été réalisé mécaniquement
dans un premier temps, et ce parallèlement au refixage de la couche picturale au
paraloïd B72 à 3,5 % en solution dans du xylène, le nombre de couches du fixatif
variant selon les couleurs et leur pulvérulence. La finition du nettoyage a été
réalisée par la pose de compresses douate imprégnées dun mélange
dEDTA (sel trisodique dammonium) et deau déminéralisée au taux de un
pour cent. Notons quà ce moment-là, nous navions pas encore le résultat des
analyses sur la nature de la strate blanche à enlever. Cest pourquoi nous avons
volontairement choisi un très faible pourcentage dEDTA.
Le mur nord, nettoyé et refixé par M.
Langlois, a été dépoussiéré avec des pinceaux doux et des gommes Wishab. Sur les murs
nord et sud, les lacunes de mortier ont été mastiquées avec un mortier de chaux et de
sable, la couche de finition réalisée avec un mélange de chaux et de carbonate de
calcium micronisé. Les lacunes où le motif ne pouvait être restitué ont été
bouchées avec un mortier de chaux et de sable coloré dans la masse. La retouche
picturale des lacunes de mortier a été faite a tratteggio à laquarelle.
Enfin, nous avons réalisé un repiquage le plus léger possible sur les abrasions de
couche picturale.
Françoise TOLLON »
Françoise Tollon présente ensuite La restauration de La Visitation (chapelle du Saint-Sacrement) à la cathédrale de Cahors :
« Suite à létude des niches de la chapelle du Saint-Sacrement, ou « chapelle profonde », dans la cathédrale de Cahors (Lot), en 1997 (cf. M.S.A.M.F., t. LIX, 1999, p. 270-274), nous avons entrepris la restauration de la scène de la Visitation en septembre 2001, sous la maîtrise duvre de la Conservation Régionale des Monuments Historiques de Midi-Pyrénées.
Cette peinture, datable du XVIIe siècle, réalisée sur un mur dobturation, est inscrite dans une niche du XVe siècle, sur une largeur de 270 cm et une hauteur de 240 cm.Les personnages sont situés au premier plan dans la moitié droite de la scène, devant une imposante architecture de trois étages qui représente la maison dÉlisabeth. Marie se tient debout tandis quÉlisabeth, à genoux, pose ses mains sur le ventre de la Vierge. Cette iconographie apparaît au XIIIe siècle mais tend à disparaître à la fin du Moyen Âge, où lon représente plutôt les deux femmes sembrassant. Les deux cousines sont entourées de Joseph et Zacharie.
La partie gauche de la scène constitue un paysage, avec un premier plan de coteaux et une rivière qui ceint un château tandis quà larrière-plan se trouve une ville entourée de remparts, bordée dun tempietto à sa droite. Au fond, un ciel rose et des nuages gris. La zone historiée et celle du paysage sont séparées par un grand arbre.Il sagit dune peinture à lhuile, réalisée sur un mortier de chaux qui vient recouvrir la maçonnerie dobturation. Avant de recevoir la scène historiée, ce mortier a été recouvert dune couche dimprimitura rouge, strate également à base dhuile. La peinture utilisée pour la scène de la Visitation est riche en liant, souvent empâtée, la couche dimprimitura apparaissant parfois entre les stries du pinceau ou dans des zones de réserve. Nous pensons
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 266
quoriginellement cette peinture était entourée dun cadre, par exemple un cadre en bois doré, imitant ainsi une uvre sur toile : les bordures, le long de la limite du mortier XVIIe siècle, sont peu soignées et nont pas été recouvertes de la peinture utilisée pour la scène historiée, et des ferrures ont été placées en divers points, entre la pierre et le mortier. Nous ne pouvons dire, compte tenu des données actuelles (voir ci-dessous), si luvre a reçu, à lorigine, un vernis. Nous pouvons cependant imaginer que ce fut le cas dans la mesure où, ceinte dun cadre, la peinture murale était censée donner lillusion dune peinture de chevalet.
CAHORS,
CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE,
chapelle du Saint-Sacrement, La Visitation après restauration. Cliché
Françoise Tollon.
La scène de la
Visitation a été lobjet de nombreuses interventions au cours des siècles. Aucune
na pu être datée, faute de documents, mais nous avons pu cependant, par
lobservation visuelle, les placer selon une chronologie plus ou moins précise. Dans
la mesure où la peinture aurait reçu un vernis original, celui-ci a été enlevé
préalablement à toutes les interventions antérieures que nous avons pu constater.
Une première série de repeints a été posée
sur la couche picturale. Il sagit de repeints colorés, dont le liant est à base
dhuile. Ils recouvrent pour la plupart de larges plages de la scène comme les
nuages et le rose du ciel, la quasi totalité du château, de la rivière et des herbages
alentour, ainsi que les trois quarts de la maison dÉlisabeth. Ils sont également
ponctuels, posés de façon largement débordante, sur des lacunes isolées. Quelques
lacunes de mortier ont été rebouchées à ce moment-là avec un enduit bâtard puis
retouchées.
Vient ensuite une seconde série de repeints
notables. Ils sont noirs et concernent les coteaux du premier plan, larbre, la robe
de la Vierge, blanche à lorigine, et une zone très lacunaire entre Zacharie et
Élisabeth où cette intervention prend nettement laspect dun cache-misère.
Nous pouvons toutefois noter que le liant utilisé est différent du liant des
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 267
premiers
repeints et questhétiquement ils sont largement moins soignés. Nous tendons donc
à penser que ces repeints noirs sont postérieurs aux premiers repeints colorés.
Par la suite, une cire de couleur bleue,
certainement additionnée de résine, a été posée, jouant dans le même temps les
rôles de fixatif de la couche picturale soulevée et de masticage des lacunes. Une zone
très localisée du haut de larchitecture a été enduite dune cire verdâtre.
Enfin, de petites lacunes ont été retouchées, de façon plus ou moins débordante, avec
un vernis coloré en bleu, très dense et qui donne un aspect noir. Après tous ces
repeints et retouches, la couche picturale a été recouverte de vernis. Il sagit
dun vernis très épais et diversement coloré selon les zones de la scène :
verdâtre pour le ciel et le paysage, brun foncé pour le haut de la maison
dÉlisabeth, brun clair pour sa partie inférieure et le groupe de personnages, noir
pour les coteaux du premier plan.
Sur le vernis verdâtre du paysage, nous avons
pu constater un second vernis, non coloré à lorigine, dont nous ne pouvons dire
sil est contemporain des autres vernis ou ultérieur. Dans un dernier temps, une
dernière série de retouches picturales a été réalisée, directement sur le mortier,
avec une peinture synthétique.
Le support est en
assez bon état de conservation. Le mortier de chaux entre les briques tend à perdre sa
cohésion, de même que le mortier de surface le long des bordures, notamment sur la
partie haute. On peut également noter des soulèvements entre le mortier final et la
maçonnerie. Les lacunes de mortier, rares, sont principalement situées dans la partie
droite de la peinture et le long des bordures. Elles ont pour la plupart été rebouchées
avant la pose du premier repeint. Ces anciens masticages ont souffert de la circulation
dhumidité et de la cristallisation des nitrates ; ils se soulèvent, perdent
leur cohésion voire ont chuté en partie. Une lacune de support (mur dobturation et
mortier) en haut à droite de la scène est due à un ancien sondage pratiqué pour voir
lintérieur de la niche.
La couche picturale est en très mauvais état
de conservation. La principale cause de son altération est lhumidité. Nous avons
réalisé une cartographie de lhumidité relative contenue dans le mortier qui
supporte la peinture ainsi que dans les pierres de taille qui lentourent. Nous avons
pu constater que le calcaire du cadre du XVe siècle est bien plus humide que
le mortier du XVIIe siècle sur lequel se trouvent les peintures. La maçonnerie du XVIIe
siècle, rappelons-le, est une maçonnerie dobturation dune dizaine de
centimètres dépaisseur environ, ce qui explique quelle soit moins humide que
la pierre du cadre. Par contre, la surface de contact entre eux est loccasion de la
circulation de lhumidité : leau contenue dans la pierre migre naturellement
dans la maçonnerie du XVIIe siècle, plus sèche. Ainsi, les altérations de la couche
picturale sont principalement situées sur les bordures, le long de la zone de contact,
notamment sur la partie droite de la peinture, là où le calcaire est le plus humide.
La couche picturale est altérée, notamment
sur les bordures de la partie droite, par des efflorescences salines. Les tests
(Merckoquant des Laboratoires Merck) ont révélé quil sagit de nitrates. Les
mêmes tests effectués sur les pierres calcaires du cadre ont également montré la
présence de nitrates et de nitrites. Entraînés par leau, les nitrates migrent de
la pierre vers le mur dobturation du XVIIe siècle, puis, dans un second temps,
les sels migrent de la maçonnerie dobturation et du mortier vers la couche
picturale. Cest cette dernière migration de leau, accompagnée ou non de la
cristallisation des nitrates lorsquils affleurent la couche picturale, qui engendre
les dégâts et altérations constatés : efflorescences salines qui génèrent micro-écailles et pulvérulence de la couche picturale, notamment sur le long des bordures de
la moitié droite de la peinture, réseau décaillage sur la quasi totalité de la
couche picturale, soulèvements des écaillages, plus ou moins prononcés selon les zones,
la partie droite et les bordures étant les plus touchées, chanci du vernis, lacunes de
couche picturale, principalement sur les bordures. Notons que laltération de la
couche picturale sest accélérée depuis la dernière intervention de restauration.
Ainsi que le montre clairement le plan de la
cathédrale, la chapelle profonde ne comporte aucun mur extérieur. Elle est
littéralement englobée dans la masse du site de la cathédrale, avec à louest le
cloître, au sud la chapelle Saint-Gausbert et à lest lactuelle sacristie :
ses larges murs sont donc protégés de toute imprégnation directe par les eaux de pluie.
La voûte de la chapelle a été lobjet, avant les dernières restaurations,
dinfiltrations dont on peut aujourdhui encore voir les conséquences. Le
cloître a également connu des problèmes de couverture réglés depuis une vingtaine
dannées. Une partie de lhumidité contenue dans la maçonnerie du XVe
siècle peut éventuellement être la résultante de telles infiltrations, à condition
que celles-ci aient été très importantes et sachant quune maçonnerie
sassèche au rythme moyen dun ou deux centimètres par an. Le mur étant plus
humide en partie basse quen partie haute, nous avons voulu évaluer lhumidité
due aux remontées capillaires : les mesures effectuées ne peuvent être prises en
compte dans la mesure où le mortier de restauration, du sol jusquaux niches, est
un
béton recouvert dune polissure de chaux patinée.
La présence de nitrates en telle quantité est
difficilement explicable. Ils pourraient provenir du sol par les remontées capillaires,
bien quil napparaisse pas quil y ait eu de cimetière à proximité de
la chapelle. Ils pourraient également être le résultat du lessivage de déjections de
pigeons, notamment au niveau du cloître : cette hypothèse paraît cependant
difficilement recevable dans la mesure où lon trouve des nitrates en partie basse.
Il est à noter que le mur ouest de la chapelle
est le plus altéré par la circulation de leau et ses conséquences ; le mur
oriental est largement moins atteint par ce phénomène.
Lintervention de
conservation-restauration a débuté par lenlèvement du vernis au "diluente
nitro" (CTS) et ce parallèlement au refixage de la couche picturale au primal E330
à 3,5 % dans léthanol, avec remise dans le plan à la
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roulette. Daprès les
tests (Merckoquant des Laboratoires Merck) réalisés sur les cotons après
lenlèvement du vernis, cette opération a également ôté les efflorescences de
nitrates. Les soulèvements de mortier ont été consolidés par injection de PLMA (CTS),
les zones de décohésion du mortier au primal AC33 à 8% dans leau. Des solins ont
été posés le long de la bordure haute du mortier, particulièrement fragilisée par les
amas de poussière. Les bouchages/refixages à base de cire ont été enlevés avec la
spatule chauffante à travers une compresse douate, finitions faites au
"diluente nitro".
Compte tenu de lampleur des repeints, il
était impensable, tant techniquement questhétiquement, de les supprimer dans leur
totalité. Nous avons privilégié le groupe de personnages en lui rendant un peu de
lisibilité et desthétique. Nous avons donc enlevé les retouches localisées
gênantes et certains repeints noirs, notamment la zone entre Zacharie et Élisabeth, au
"diluente nitro" laissé quelques instants en compresses. Les lacunes de la
couche picturale ont été dégraissées au "diluente nitro", celles du support
mastiquées avec un mortier de chaux et de sable. La retouche picturale a été réalisée
à laquarelle. Compte tenu de létat de la couche picturale et de
lampleur des repeints, nous avons opté pour une retouche
"semi-archéologique" : laquarelle a été posée directement dans les
lacunes de couche picturale, sur le support original. Cependant, au lieu dun ton
unique, nous avons préparé un ton pour les zones claires et un autre pour les zones
foncées. Enfin, la couche picturale a reçu un passage de paraloïd B72 à 5 % dans du
xylène.
Il faut remarquer que dans la mesure où la cause de laltération nétait pas traitée, nous navons pas réalisé de dessalinisation du support. Dans lavenir, on peut envisager de stopper la migration des nitrates du calcaire vers le mur de comblement du XVIIe siècle, en utilisant notamment les procédés employés pour la maçonnerie, par exemple des injections de résine tout autour du mur dobturation. Il sagit cependant dune intervention délicate dans la mesure où la résine risquerait datteindre la couche picturale. Par ailleurs, dans la situation actuelle, la couche picturale, bien que refixée, continuera à saltérer au gré des migrations deau et de nitrates.
Françoise TOLLON »
La Présidente remercie notre consur, se déclarant admirative devant le travail détude et de restauration quelle accomplit, puis elle en vient au problème de la datation de la peinture murale de la cathédrale de Cahors, attribuée au XVIIe siècle, mais qui pourrait semble-t-il aussi bien se placer à la fin du XVIe. Françoise Tollon dit sêtre fondée pour la datation avancée sur létude archéologique à laquelle Valérie Rousset a procédé. Dominique Watin-Grandchamp se demande si lexécution de cette peinture ne pourrait pas être contemporaine de la mise en place du grand retable mais on est sans documentation à ce sujet , puis elle rappelle quil importe de préciser les différentes étapes de lutilisation de la niche qui sert de cadre à ce « tableau » : létat actuel paraît consécutif aux dévastations perpétrées par les huguenots, qui ont dû détruire le groupe sculpté que la niche abritait certainement à lorigine, au XVe siècle. Olivier Testard ajoute pour sa part que les fenêtres à meneaux visibles en haut et à droite de la peinture font partie du vocabulaire architectural jusquau XVIIe siècle. Concernant le paysage urbain qui apparaît à larrière-plan, MM. Testard et Garland conviennent quil ne saurait sagir dune ville réelle identifiable par les monuments figurés par exemple Cahors , mais quil faut linterpréter comme une représentation théorique de Jérusalem. Revenant sur la question de la datation, Mme Tollon constate que si le style des personnages peut sembler « médiéval », ou « maladroit », les techniques picturales sont sans conteste celles employées au XVIIe siècle. Virginie Czerniak se déclare daccord avec la datation proposée, puis elle admet que lon manque de références. Françoise Tollon cite certain « tableau » de Saint-Salvy dAlbi, peint sur une paroi à limitation dune peinture de chevalet, mais elle note quil sagit là dune uvre dune qualité bien supérieure à celle de Cahors. Pour Marie-Thérèse Blanc-Rouquette, les « tableaux » de Cahors et dAlbi sont très différents.
Pour ce qui est du décor peint de la chapelle Saint-Perdulphe, Mme Czerniak signale que la scène où se voit une figure dévêque doit correspondre à un ex-voto, ce qui paraît cohérent avec le reste de liconographie. Elle met cette scène en relation avec les épisodes analogues représentés sur lintrados de larc dentrée de la chapelle Saint-Ferréol à labbaye de Moissac, dans léglise dAudressein (Ariège), datables de la fin du XVe siècle ou du début du suivant, ainsi que dans léglise Sainte-Radegonde (Aveyron), de la seconde moitié du XIIIe siècle.
SÉANCE DU 4 JUIN 2002
Présents : Mme
Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur,
Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau,
Secrétaire-adjoint ; Mmes Cazes, Napoléone, le Père Montagnes, M. Prin, membres
titulaires ; Mmes Blanc-Rouquette, Conan, Czerniak, Félix, Fronton-Wessel, Jiménez,
Marin, MM. Burroni, Pousthomis, Rebière, Testard, de Viviès, membres correspondants.
Excusés : Mmes Bayle, Boussoutrot, Pujalte, Watin-Granchamp, MM. Garland, Peyrusse,
Pradalier, Rebière, Mgr Rocacher, M. Tollon.
Après avoir rappelé que cette séance est la dernière de lannée académique, la Présidente se félicite de la parfaite réussite de la journée détude de samedi dernier à Auterive, consacrée aux marbres et aux marbriers de Caunes-Minervois, et elle remercie Louis Latour davoir su allier plaisir et travail, en nous faisant découvrir toute la richesse des marbres des autels de léglise dAuterive, puis en nous offrant le cadre enchanteur de la manufacture pour le déjeuner, avant une après-midi de communications
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qui ont été suivies avec beaucoup dattention. Louis Latour rappelle
quil souhaitait beaucoup que cette journée soit conviviale, peut-être au
détriment dune très haute exigence scientifique, lassistance étant sans
doute surtout intéressée par les aspects techniques. Il a en tout cas été très
agréablement surpris que des personnes venant de tout le midi méditerranéen aient
répondu à linvitation.
Le Directeur dit à son tour toute la
satisfaction que lui a procurée cette journée et souhaite que dautres semblables
soient organisées. La Présidente indique quune proposition lui a été faite
dune journée foraine à Mirepoix lannée prochaine.
Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 21 mai dernier, qui est adopté. La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite. La correspondance imprimée comprend en particulier lannonce du XXXVIIIe colloque de Fanjeaux qui a cette année pour thème Lanticléricalisme en France méridionale (milieu XIIe siècle-début XIVe siècle).
Plusieurs dons viennent enrichir notre bibliothèque. DAgnès Marin :
- LEntre-Deux-Mers et son identité. Actes du 7e colloque tenu à Sauveterre-de-Guyenne les 25-26 septembre 1999, 72 p.
De Daniel Cazes :
- Le Point,
numéro spécial consacré à Toulouse : Lépopée Toulouse. De
lAntiquité à aujourdhui ;
- Cursos sobre el patrimonio histórico 5,
Actas de los XI cursos monográficos sobre el patrimonio histórico (Reinosa, julio 2000),
Universidad de Cantabria, Ayuntamiento de Reinosa, 2001, 440 p.
Au nom de la Société, la Présidente remercie les donateurs.
La parole est à Anne-Laure Napoléone et Bertrand de Viviès pour une communication sur la tour de Palmata à Gaillac (Tarn) :
« En 1865, Élie Rossignol publiait dans les Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, la première étude de la tour de Palmata de Gaillac, quelques années après sa découverte et le dégagement de son décor peint. L'analyse de cet édifice exceptionnel méritait d'être approfondie et renouvelée à la lumière des récentes recherches portant plus spécifiquement sur l'architecture civile du Moyen Âge. La dernière étude publiée dans le Bulletin Monumental (t. 160, 2002, p. 97-119) a permis d'attribuer la construction de ce grand bâtiment à la puissante famille de Gaillac, présente au sein du pouvoir de la ville dès la première moitié du XIIIe siècle. De ce grand hôtel, qui comportait au moins deux ailes et une cour, ne subsiste que la tour d'angle dont les parties hautes ont été abattues. La forme des ouvertures et le décor sculpté permettent cependant de dater l'édifice vers le milieu du XIIIe siècle.
Les peintures qui décoraient la salle voûtée du premier étage sont en partie conservées. Elles révèlent un vaste programme illustrant la vie des grands seigneurs du XIIIe siècle, chassant sur leurs terres et guerroyant en terre sainte ».
GAILLAC, TOUR DE PALMATA, DÉTAIL DU DÉCOR PEINT de la paroi est : cavalier en armure portant un oiseau à bout de bras.
Cliché A.-L. Napoléone.
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 270
M.S.A.M.F., t. LXII, p. 271
La Présidente remercie les orateurs et souligne tout lintérêt dune monographie bien conduite qui conjugue lanalyse des sources, létude de lhéraldique et de liconographie et larchéologie du bâti. À propos des voûtes dogives, elle demande si lon a affaire à des nervures en brique portées par des retombées en pierre, ce qui rappellerait les formules utilisées à la salle capitulaire de Flaran, aux Jacobins de Toulouse ou encore à Belleperche Anne-Laure Napoléone précise que les parties basses des voûtes ne sont malheureusement pas conservées et que les murs sont entièrement enduits à ce niveau.
La Présidente note
combien il est passionnant de voir ainsi réapparaître ce décor peint si peu visible. Si
la comparaison avec Barcelone est convaincante, il faut toutefois garder à lesprit
que les peintures du palais royal ne sont pas antérieures à la fin du XIIIe
siècle ; la représentation dun Sarrazin peut en tout cas aussi évoquer
lEspagne. Anne-Laure Napoléone dit rester très prudente sur la question du décor
peint : les hypothèses présentées sont le fruit dune collaboration qui a
largement impliqué Virginie Czerniak et Guy Ahlsell de Toulza.
Daniel Cazes ne croit pas à une scène de
chasse, très improbable en raison du heaume dont est coiffé le personnage. Il faudrait
pouvoir observer beaucoup plus précisément la façon dont loiseau est tenu,
lenvoi dun oiseau messager pouvant être par exemple un moment dune
scène de guerre. Virginie Czerniak cite une peinture disparue de Villefranche-de-Rouergue
où lon voyait au-dessus de deux chevaliers affrontés une femme couronnée tenant
un oiseau et une petite figure tenant une quenouille. Maurice Scellès ajoute quil
lui semble bien que les récits des croisades font état de faucons pris aux Sarrasins et
considérés comme des trophées.
Pour ce qui est de larmement, Daniel
Cazes relève que le type de heaume représenté à Gaillac serait un indice pour une date
un peu plus tardive quà Barcelone, allant dans le sens que donnent les
rapprochements possibles avec le sarcophage dHugues de Palais datable vers 1290.
Anne-Laure Napoléone rappelle que Viollet-Le-Duc date ces heaumes, comme dailleurs
les housses des chevaux, des années 1240.
La Présidente considère comme très
séduisante lhypothèse de la représentation dun navire. Guy Ahlsell de
Toulza dit que lidée lui est venue en consultant des récits de croisade illustrés
de très nombreux dessins figurant un Maure vaincu mais aussi des traversées
darmées en bateau.
Bernard Pousthomis apporte des précisions sur les peintures de la tour dArles à Caussade, actuellement dune lecture très difficile : il semble néanmoins quil sagisse non pas dun tournoi mais du combat dun chevalier contre un Maure, comme à Carcassonne et à Pernes, ajoute la Présidente. Virginie Czerniak indique que limage du combat singulier entre Richard Cur-de-Lion et Saladin devient très fréquente à partir de la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe en Angleterre et en Aquitaine, dans les manuscrits comme dans les peintures murales ou même sur des carreaux estampés. Elle ajoute quelle ne parvient pas à voir les armes de la famille de Lalo sur lécu du cavalier de la tour dArles et quil faut donc peut-être songer à une représentation allégorique du devoir de tout chevalier. La Présidente remarque quà Barcelone, cest un événement historique précis qui est représenté ; le décor se développe en frise à Gaillac, sur les quatre murs, ce qui ne permet guère de trancher, pour linstant, entre récit et allégorie.
La Présidente
sétant inquiétée du devenir de lédifice, Anne-Laure Napoléone répond que
lon espère quil sera acheté par la Ville de Gaillac. Bertrand de Viviès
confirme que la Ville est parfaitement consciente de lintérêt du monument et
quelle y est sensible ; le bail arrive à son terme, le propriétaire est âgé
et le bâtiment demande dimportant travaux : le moment est favorable
pour lacquisition. Guy Ahlsell de Toulza ayant demandé si une conférence avait été
donnée à Gaillac, Bertrand de Viviès et Anne-Laure Napoléone répondent quelle
reste à faire. Anne-Laure Napoléone ajoute que lachat par la Ville permettrait
sans aucun doute dautres sondages et probablement dautres découvertes. Daniel
Cazes souhaite que la restauration soit alors très soignée et aussi attentive que
nécessaire.
Répondant à une question de la Présidente,
Bertrand de Viviès et Anne-Laure Napoléone confirment que les peintures de la tour
Palmata nont jamais été restaurées, bien que lédifice soit classé au titre
des Monuments historiques depuis longtemps.
Au titre des questions diverses, Maurice Scellès donne lecture dun document trouvé un peu par hasard, en 1983,dans les archives communales de Montauban (Archives départementales du Tarn-et-Garonne) sous la cote DD 1746 et dont il a alors pris copie. Il sagit dune lettre adressée en 1746 par le sculpteur Rogier aux consuls de Montauban, qui vient donc compléter le dossier des deux anges adorateurs du maître-autel de léglise Saint-Jacques de Montauban, auxquels notre confrère Jean-Claude Fau sest tout récemment intéressé (« Des carrières de marbre de Carrare au maître-autel de Saint-Jacques de Montauban : les anges adorateurs », dans Bulletin de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, t. CXXV, 2000, p. 75-89) :
[Adresse]
Monsieur [?] Lieutenan principal
au présidial et premier consul de MontaubanMesieurs,
Je fu surpri de lors que jai Receus les modelle des deux ange adorateur, que celui quil me les a remis naïant ocune letre de vous autre Mesieur, Sepandan, Samedi passé jai receus avec plaisir voutre letre par la quelle vous me marqué voutre sentiman, Je suis charmé dumoin que vous aïés troué un des deux ange adorateur a voutre gre, je vous prom(et) don de le feir tous déus avec les genoux abas a terre, de meme que la tette quelle regardera en bas de tous deux, Jespere que en vous fesant ce que vous troveres a prepo que vous aurés lieú detre comptan, Il est verai que notre police porte de le feire suivant le dessein que vous mavés onoré à manvojer et meme que je le garde jusque a
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ce que je vindrai a vous porter louvrage et alors je vous le remetrai, Sojés don tranquille sur tous, que jespere de vous contanter en tout
Jai communiqué voutre letre à Monsieur de Luseman et il ma prié de vous feiire reponce moj meme.
Mesieur sofrés que me onore de vous presanter mes respect et croiés que je suis ave sinceritéa Montpelier le 13e voutre tres houmble
octobre 1746 et tres obbt serviteur
[signé] Rogier
Notre confrère Jean-Claude Fau, auquel le document a été transmis, note que cette lettre suscite quelques remarques :
« Les consuls de Montauban passent par un intermédiaire, M. de Luseman (dont nous ignorons lidentité), pour entrer en rapport avec Pierre Rogier à Montpellier.
Il sensuit tout un échange de correspondance, et même de dessins, entre commanditaires et artiste. Ce dernier a adressé un premier projet, puisque les consuls disent avoir trouvé un des deux anges à leur gré. Puis il reçoit à son tour un croquis, accompagné dun certain nombre de desiderata, regards tournés vers le bas, ou encore genoux à terre, souhait qui dailleurs ne sera pas respecté pour lune des deux statues.
Enfin ce document apporte une précision sur le long délai demandé, trois ans environ, entre la commande (1746) et la livraison (1749). »
En raison de lheure avancée, la présentation de la note de Françoise Zannese sur les cloches de Cornebarrieu est reportée à la rentrée.
La Présidente prononce la clôture de lannée académique 2001-2002 et invite la Compagnie à partager gâteau et champagne.
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