Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LXIV (2004)


BULLETIN DE L’ANNÉE ACADÉMIQUE
2003-2004

établi par Patrice CABAU & Maurice SCELLÈS  


Les parties non reproduites dans l'édition papier apparaissent en vert dans cette édition électronique.

Séances du 7 octobre 2003 au 3 février 2004 Séances du 24 février 2004 au 1er juin 2004

M.S.A.M.F., t. LXIV, p. 221

 

SÉANCE DU 7 OCTOBRE 2003

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Noé-Dufour, Watin-Grandchamp, M. Bordes, le Père Montagnes, MM. Gilles, Hermet, Prin, membres titulaires ; Mmes Bayle, Béa, Fournié, Marin, MM. Balagna, Lassure, Manuel, Stouffs, Testard, membres correspondants.
Excusés : MM. Cazes, Directeur, Scellès, Secrétaire général ; Mmes Bellin, Cazes, MM. Cranga, Garland.

La Présidente ouvre la séance à 17 h et prononce l’ouverture de l’année académique 2003-2004, qu’elle souhaite riche de communications et féconde en événements scientifiques. Elle espère que l’été caniculaire n’a pas été trop pénible pour nos confrères qui n’ont pu quitter Toulouse.

Michèle Pradalier-Schlumberger rend compte de l’abondant courrier qui nous est parvenu pendant les vacances, laissant de côté les invitations ou annonces périmées. Elle présente la correspondance manuscrite, qui comprend notamment deux lettres reçues du Conseil régional : 
         - l’une nous confirme l’allocation d’une subvention pour la publication des Actes du colloque sur la maison médiévale ; 
         - l’autre est la réponse de M. Martin Malvy, Président du Conseil régional, faite aux courriers qui lui ont été adressés au sujet de l’ancien collège de Périgord. La Présidente donne lecture de cette lettre, qui ne sort pas de la phraséologie « technico-politique » ordinaire et apparaît comme tout à fait symptomatique du manque d’intérêt et de compréhension dont le maître d’ouvrage a fait preuve face aux problèmes qui devaient inéluctablement résulter de l’installation d’une École supérieure d’audio-visuel dans les bâtiments d’une maison-forte et d’un collège du Moyen Âge ; il n’est même pas donné suite à notre demande, instamment réitérée, d’une visite de chantier.

S'agissant de l’affaire du collège de Périgord, la Présidente signale qu’elle va adresser l’ensemble du dossier au nouveau Directeur régional des Affaires culturelles, et elle informe la Compagnie que le Bureau a pris la décision de communiquer ce dossier à la presse. Des éléments seront publiés, notamment dans le premier numéro de la revue Patrimoine Midi-Pyrénées, à paraître prochainement.

La correspondance manuscrite contient en outre : 
         - une lettre de notre confrère Pierre Gérard, qui renonce à publier son article sur le collège de Foix (communication du 20 mai) ;
         - une lettre de notre confrère Jean-Claude Richard annonçant les manifestations organisées pour célébrer l’année prochaine le 1200e anniversaire de la fondation de l’abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert (804) ;
         - une demande émanée de M. Delbecque, qui nous interroge sur la présence des comtes de Toulouse lors des sacres de rois de France.

Michèle Pradalier-Schlumberger fait ensuite circuler la correspondance imprimée, qui consiste en une série de


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dépliants et de brochures concernant l’exposition de documents et de photographies anciennes présentée par l’Ensemble conventuel des Jacobins du 17 septembre au 31 octobre 2003, le colloque sur Pierre de Fermat à tenir à l’Hôtel d’Assézat le 15 octobre 2003, le colloque sur l’abbaye et le village de Caunes-Minervois (Aude) à tenir les 22 et 23 novembre 2003, le 129e congrès organisé par le C.T.H.S. et consacré au Temps ; s’y ajoutent diverses annonces de publications.

Parmi les ouvrages reçus, il faut signaler : 

- Patrimoine Midi-Pyrénées, n° 0, septembre 2003, Sarl Garonne Édition, 38 p. ; ce numéro de présentation d’une future revue trimestrielle contient un article sur la S.A.M.F. (p. 5) et des extraits de contributions de plusieurs de nos confrères ;
- La céramique médiévale et moderne du centre-ouest de la France (11e-17e siècle), supplément à la Revue archéologique du Centre de la France, n° 20, 2003, 116 p.  ;
- Dom Pierre Miquel, Dictionnaire symbolique des animaux. Zoologie mystique, Paris, Le Léopard d’or, 1992, 286 p., volume offert par notre confrère Bruno Tollon ;
- Dom Pierre Miquel, Sœur Paula Picard, Dictionnaire des symboles liturgiques, Paris, Le Léopard d’or, 1995, 287 p., volume offert par notre confrère Bruno Tollon ;
- Dom Pierre Miquel, Sœur Paula Picard, Dictionnaire des symboles mystiques, Paris, Le Léopard d’or, 1997, 637 p., volume offert par notre confrère Bruno Tollon ;
- Fontaines toulousaines, catalogue d’exposition (19 septembre-27 décembre 2003), Toulouse, Archives municipales de Toulouse, 2003, 293 p., volume offert par notre confrère François Bordes ;
- Michel Roquebert, Saint Dominique. La légende noire, Paris, Perrin, 2003, 341 p. env., hommage de notre confrère :

Mme Pradalier-Schlumberger remercie bien vivement les donateurs, qui contribuent ainsi de manière très appréciable à l’enrichissement de notre Bibliothèque. Elle envisage avec François Bordes la possibilité d’organiser pour notre Compagnie une visite de l’exposition présentée par les Archives municipales.

La Présidente présente enfin la dernière publication de notre Société : La maison au Moyen Âge dans le Midi de la France - Actes des Journées d’étude de Toulouse (19-20 mai 2001), M.S.A.M.F., hors série 2002, 288 p.

Elle fait voir ensuite deux travaux manuscrits, illustrés de nombreuses photographies :

- l’un de M. Dedieu, sur la chapelle castrale de Salies-du-Salat ;
            - l’autre de M. Carsalade, consacré à l’inventaire des Vierges à l’Enfant en Comminges.

Ce dernier recueil sera présenté au concours annuel de notre Société. Il est rappelé à ce propos que le Bureau a délibéré de fixer au 31 décembre la date limite pour la réception des travaux présentés, ceux-ci devant concerner l’histoire, l’histoire de l’art ou l’archéologie dans le Midi de la France, être inédits, et être de préférence envoyés à la S.A.M.F. par leurs auteurs. Le concours, jusqu’ici trop confidentiel, doit s’ouvrir plus largement au public : il conviendra de lui donner davantage de publicité.

La Présidente fait circuler le programme, à ce jour encore provisoire, des projets de communications prévus pour l’année 2003-2004.

La parole est au Secrétaire-adjoint pour la lecture des procès-verbaux des séances du 20 mai et du 3 juin, qui sont adoptés à l’unanimité, le premier après adjonction de quelques détails.

L’ordre du jour appelle Bernard Montagnes et Maurice Prin pour une communication intitulée Le tombeau des martyrs d’Avignonet dans l’église des Jacobins, publiée dans ce volume (t. LXIV, 2004) de nos Mémoires.

La Présidente remercie les intervenants pour leur exposé tout à la fois savant et passionnant. Après avoir relevé que la sacristie des Jacobins était le lieu où se conservait, parmi tant d’autres souvenirs ultimes, la dernière mémoire des martyrs dominicains, elle fait appel aux questions de l’assistance.

Michelle Fournié demande ce qu’il en est au juste des reliques des martyrs transférées à la Révolution dans la crypte de Saint-Sernin. Maurice Prin déclare qu’il faudrait, pour pouvoir les authentifier, procéder à l’ouverture du tombeau servant d’autel, et disposer de moyens d’identification ou de datation fiables. Le Père Montagnes note que la technique de datation par le carbone 14, naguère très destructrice, requiert aujourd’hui de moindres quantités ; mais il fait observer qu’on ne sait pas exactement en quoi consistent les quantités osseuses conservées.

Dominique Watin-Grandchamp dit qu’il n’est pas fait mention des reliques des martyrs dominicains d’Avignonet dans le fonds des archives de la paroisse Saint-Sernin, qui contient de nombreuses pièces concernant diverses


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vérifications de dépôts. Elle note du reste que la procédure de ces vérifications visait à reconnaître les reliques, et non à les réauthentifier.

Bernard Montagnes revient sur les traces archéologiques de la translation des reliques opérée dans l’église des Jacobins en 1383, depuis une chapelle située au nord de l’église vers une chapelle située au sud. Le Père Percin paraît s’être trompé, dans son ouvrage de 1693, en supposant que la chapelle méridionale avait été construite à l’occasion du transfert : cette chapelle existait auparavant et elle fit alors l’objet d’un remaniement destiné à loger les trois sarcophages des martyrs. Le Père Montagnes signale par ailleurs qu’il a publié une lettre de Sébastien Michaelis qui énumérait les « merveilles » visibles dans l’église des Jacobins au tout début du XVIIe siècle : le corps de saint Thomas d’Aquin, ceux des martyrs d’Avignonet…

Michèle Pradalier-Schlumberger s’interroge sur les restes de peintures murales existant dans la chapelle du Crucifix. Maurice Prin répond qu’il s’agissait de peintures à la colle, qui ont été décomposées par l’humidité, et pour lesquelles il ne subsiste qu’une sinopia très vague.

La Présidente s’enquiert ensuite de l'architecture du tombeau primitif de saint Thomas d’Aquin. Maurice Prin précise qu’on n’en connaît qu’une seule représentation, sur une gravure réalisée à Amsterdam pour un album consacré à la vie du saint Docteur ; malheureusement, cette image n’a pas été faite d’après nature ou d’après un croquis, mais sur la base d’une description orale. On s’accorde à comparer ce tombeau de la fin du XIVe siècle aux monuments érigés à Saint-Just de Valcabrère, à Saint-Maximin, à Saint-Savin-en-Lavedan, à Saint-Sernin de Toulouse où à la Sainte-Chapelle de Paris.

Michelle Fournié évoque les Frères mineurs également massacrés à Avignonet en 1242. Le Père Montagnes indique que leur épitaphe se trouvait dans l’ancienne église des Cordeliers et que le texte en a été donné par Guillaume de Catel. Maurice Prin précise que cette inscription était située dans le passage menant de l’église des Franciscains à la chapelle funéraire construite pour l’évêque de Rieux Jean Tissandier.

Bernard Montagnes signale par ailleurs qu’une autre épitaphe, consacrée aux martyrs de l’Église de Toulouse, se lisait dans l’une des chapelles du chœur de la cathédrale Saint-Étienne (chapelle Saint-Alexis). Maurice Prin remarque qu’il s’agissait d’une inscription ayant remplacé l’épitaphe primitive du XIIIe siècle. Patrice Cabau précise que celle-ci était originellement dans la galerie nord du cloître canonial et que le texte en a été publié aussi par Catel ; la nouvelle inscription fut faite à l’époque de la translation des corps des martyrs à l’intérieur de la cathédrale, transfert opéré au mois de novembre 1647 à l’instigation de l’archevêque Charles de Montchal.

 

SÉANCE DU 21 OCTOBRE 2003

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Scellès, Secrétaire général, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Noé-Dufour, Watin-Grandchamp, MM. l’abbé Baccrabère, Bordes, le Père Montagnes, MM. Hermet, Lapart, Peyrusse, Prin, membres titulaires ; Mmes Andrieu, Bellin, M. Balagna, membres correspondants.
Excusés : Mmes Cazes, Czerniak, Fournié, Galés, Napoléone, MM. Cranga, Garland, Laffont, Mgr Rocacher, M. Tollon.
Invitée : Mlle Martine Rieg.

La Présidente annonce qu’en raison d'une modification de programme, notre prochaine séance sera consacrée à la visite de l’exposition organisée par les Archives municipales sur les Fontaines toulousaines. Rendez-vous est donc donné à 17 heures sur place, où nous serons accueillis par notre confrère François Bordes, qui nous présentera l’exposition.

Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 7 octobre, qui est adopté.

La correspondance comprend une pétition pour sauver le Centre international d’art mural de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne, 86) que la Présidente fait circuler parmi l’assemblée, et le bulletin de souscription pour les Actes du congrès des sociétés savantes qui s’est tenu à Millau au printemps et auquel ont participé plusieurs membres de notre Société.

Notre bibliothèque s’enrichit de quelques ouvrages offerts à notre Société :

- Jacques Lapart, Les sculptures en calcaire trouvées dans les piles gallo-romaines de Belbèze à Mirande (Gers) d’après le carnet de fouilles inédit de Georges Fouet, tiré-à-part de Religion et politique dans les sociétés du Midi, 126e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Toulouse, 2002, p. 17-35 (don de l’auteur) ;
            - Jacques Lapart, Données nouvelles sur le peintre gersois Gustave de Lassalle-Bordes, tiré-à-part du Bulletin de la Société archéologique du Gers, 2002, p. 95-120 (don de l’auteur) ;


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- Les collégiales dans le Midi de la France au Moyen Âge, sous la direction de Michelle Fournié, Actes de l’atelier-séminaire des 15 et 16 septembre 2000 (Carcassonne), 290 p. (don de Michelle Fournié) ; 
            - Marie Azam, Seix en Languedoc. Des hommes et des rois, 2003, 185 p. (don de Mme Nicole Lombrail-Akermann).

La Présidente remercie les donateurs et annonce à la Compagnie qu’elle a pu rapporter de Poitiers une collection presque complète (quatre années seulement sont manquantes) des Cahiers de civilisation médiévale, de 1958 à 2003. Le cadeau est très appréciable et notre Société remercie le Centre d’Études médiévales de Poitiers, avec lequel la Présidente souhaite que s’instaure un échange de publications.

La parole est à l’abbé Georges Baccrabère pour une communication sur une Fosse gallo-romaine au sud de la rue des Pénitents-Blancs (quartier Saint-Georges) à Toulouse, publiée dans ce volume (t. LXIV, 2004) de nos Mémoires.

La Présidente remercie l’abbé Baccrabère de nous avoir présenté une nouvelle fois, pour accompagner sa communication, les objets mis au jour au cours de la fouille et elle souligne combien il est important que ces découvertes ne soient pas oubliées.

Daniel Cazes relève que notre confrère a dit et écrit qu’il n’y avait pas d’habitations dans cette zone et que, pourtant, des oscilla en marbre, récemment publiés par J.-M. Pailler, ont été retrouvés lors de la démolition du quartier Saint-Georges, attestant la présence à cet endroit ou au moins à proximité d’une très belle maison urbaine. Il voudrait savoir ce que l’abbé Baccrabère en pense. Celui-ci confirme qu’il n’y avait pas d’habitat à l’endroit où la fosse a été mise au jour. Il s’agit d’une zone plus basse que les autres, ce que montrait très bien la coupe du terrain qu’il a pu voir lors de la construction du parking. On était donc dans une zone qui n’était pas construite car humide. Sur le plan de la ville, on voit très bien que le tracé du rempart fait un détour pour contourner cette zone marécageuse.

Louis Peyrusse demande si les fouilles de Michel Vidal ont été publiées. L’abbé Baccrabère indique que Michel Vidal s’est aujourd’hui retiré pour achever l’étude des puits et les publier. Louis Peyrusse constate que notre confrère est donc encore pionnier et il l’interroge sur le nombre de fouilles « clandestines » qu’il lui reste à publier. L’abbé Baccrabère répond, avec un sourire, que la question est indiscrète.

Louis Latour note que l’amphore découpée vient appuyer l’hypothèse d’une zone humide, ce procédé étant en effet souvent utilisé pour des conduits de drainage. Dominique Watin-Grandchamp rappelle par ailleurs que la construction du palais Niel a rencontré d’importants problèmes de fondation en raison de l’instabilité du sol ; cette zone semble s’étendre entre le Grand-Rond et Saint-Georges.

L’abbé Baccrabère indique que personne n’avait fouillée cette zone et qu’il fallait donc le faire. Tout autour du creux de la place Occitane apparaissaient une terre noirâtre et un terrain en pente qui avait été utilisé comme poubelle.

L’ordre du jour appelle la communication de Bruno Tollon sur Le tronc de la Confrérie des Corps-Saints à Saint-Sernin de Toulouse, présentée par Louis Peyrusse, qui demande d’excuser l’absence de notre confrère empêché : 

« Les réserves de la basilique Saint-Sernin conservent une pièce qui mérite mieux que la relégation à laquelle elle est condamnée. Oubliée dans les tribunes du monument où elle avait rejoint le mobilier déposé sur les indications de Viollet-le-Duc, lors de la restauration du “Tour des Corps-Saints” (l), elle n’a pas été prise en compte par Georges Costa quand on a réinstallé les boiseries autour du déambulatoire (1980). C’est Maurice Prin qui a attiré l’attention sur ce rare élément de mobilier.
            Notre savant confrère avait remarqué l’intérêt de cette pièce restaurée au XIXe siècle, à partir d’éléments beaucoup plus anciens où il avait reconnu le style de la Renaissance. Cette pièce inédite est un objet de grand format qui comprend un coffret posé sur deux consoles, un haut dossier encadré de pilastres ; l’ensemble a pour couronnement un dais posé sur un entablement orné qui donne à l’objet plus de deux mètres de hauteur et l’allure générale d’un dressoir. L’inscription qui figure sur le panneau : “Donnez pour la restauration des Saints Tombeaux des Apôtres des Martyrs des Vierges et des Confesseurs de la Foi”, en grandes capitales dorées, sur le mode épigraphique, appartient au XIXe siècle, ce qui explique peut-être le désintérêt dont l’objet fut victime et l’oubli total dans lequel il tomba jusqu’à nos jours.
            Maurice Prin l’a connu accroché à un pilier près de l’entrée de la Porte Miègeville, mais au témoignage du sacristain Boussaguel, qui le tenait de son prédécesseur, le tronc était autrefois placé à l’entrée du déambulatoire, scellé à un pilier – confirmant ainsi le fait que sa fonction n’avait pas cessé avec les


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Saint-Sernin, Le tronc de la Confrérie des Corps-Saints dans le dépôt lapidaire des tribunes.

restaurations intérieures du monument, et qu’elle avait pu perdurer jusque dans les années 1960 au prix d’un déplacement dans l’édifice.

Peu de références

Il faut avouer que les troncs n’ont pas beaucoup retenu l’attention et les pièces anciennes sont trop rares ou trop modestes pour susciter leur prise en considération. Viollet-le -Duc leur accorde un brève notice dans son Dictionnaire du mobilier (2). Jacques Thirion, dans son monumental ouvrage consacré au Mobilier du Moyen Age et de la Renaissance (3), s’en tenant au mobilier civil, laisse de côté un domaine riche de parallèles possibles avec le décor domestique. Les travaux de Charles Tracy consacrés au mobilier religieux apportent des lumières considérables qu’on retrouve dans son dernier ouvrage, Continental Churchs Furniture in England: A Traffic in Piety (4). Malheureusement aucun tronc n’a intéressé les “antiquaires” d’outre-Manche lors de leurs achats de mobilier continental à l’encan. Pas d’exemplaire ici non plus. Faute de pouvoir vérifier si l’assemblage actuel est composite ou non, la notice qui suit va se limiter à une analyse de l’ouvrage et à quelques réflexions sur l’intérêt de son décor.
            Remisé dans le dépôt lapidaire des tribunes, le tronc présente aujourd’hui sa structure héritée du XIXe siècle. L’analyse détaillée de chacun des éléments permettra de distinguer ceux d’origine de ceux de la remise en état, sans doute antérieure à l’intervention de Viollet-le-Duc dans le chœur. Outre le grand panneau encadré de pilastres à candélabres, le montage actuel comprend le socle et son couvercle dont la fente forme la bouche d’un masque grimaçant, dont la moustache et la barbe en forme de feuilles donnent naissance à un rinceau aux feuillages identiques. Ce bas-relief sculpté avec vigueur appartient à la tradition des têtes de feuilles et des masques fantastiques si nombreux dans la sculpture ornementale. Le cadre qui l’entoure comprend une frise en candélabre dont les motifs se retrouvent sur les deux longs pilastres du dossier, et, sur le biais, une bordure de demi disques et de feuilles d’eau.

Ce répertoire élégant se retrouve sur la corniche du “baldaquin” qui couronne le meuble. Ici aussi, une


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Tronc de la Confrérie des Corps-Saints : le baldaquin.

Tronc de la Confrérie des Corps-Saints : le dossier et son entablement.

Tronc de la Confrérie des Corps-Saints : le couvercle.

Tronc de la Confrérie des Corps-Saints : le panneau consacré au médaillon figurant la représentation allégorique de la Foi ou de la Charité (?).


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analyse de détail fera la part des compléments lors du remontage, en particulier pour les chérubins qui pendent sous les deux montants. Quant à la formule du décor sommital, on la trouve sur les dressoirs ou les couronnements de stalles. Ce petit baldaquin comprend deux supports latéraux surmontés d’un attique ajouré orné de deux cornes d’abondance issues d’un masque, sur la face, et de simples rinceaux sur le côté, taillés avec la même vigueur. Vigueur qui caractérise aussi les quatre griffons juchés sur les angles.
            Une dernière sculpture attire l’attention au sommet du dorsal. On voit figurer, entre les deux consoles de l’entablement, un buste de femme dans un médaillon ; la frontalité hiératique de la figure est soulignée par la longueur du cou et la lourde coiffe autant que par les boucles symétriques échappées des bandeaux des deux côtés de son étroit visage. La signification de cette figure énigmatique reste à découvrir (dans un tel contexte l’absence d’attributs peut surprendre) mais l’intention emblématique ne saurait échapper à l’observateur : Foi ou Charité, on ne peut trancher, mais la comparaison s’impose avec des représentations contemporaines où l’intention allégorique est évidente, telles les deux figures de la Ville peintes dans le livre II des Annales (pages de titre de la chronique 210, 1532-1534), le rapprochement avec une médaille antique pour l’une, et l’installation dans un clipeus soutenu par deux génies pour l’autre, suffisent à exprimer clairement l’intention.
            Ce dernier relief, comme les autres, atteste une grande aisance dans le traitement plastique et l’agencement ornemental comme dans le traitement des volumes, et trouve sa place parmi les travaux de huchiers chargés de construire stalles et clôtures de chœur (comme celles de Saint-Bertrand-de-Comminges) mais aussi les meubles qui apportent un confort recherché. On y relève une souveraine aisance dans l’exécution des parties ornementales tant animalières que florales, qui tranche avec le traitement plus sec des pilastres ou de la figure.

Datation proposée

Si l’on revient à l’histoire du monument, les années 1520-1540 correspondent à un moment où les chanoines et la confrérie des Corps-Saints entreprennent une série de travaux destinés à mettre en valeur les reliques et à faciliter l’accès aux cryptes, en canalisant le circuit des pèlerins arrivés par le côté sud du sanctuaire (5). Les conditions de circulation sont améliorées par l’ouverture de deux portes d’accès pour mener aux cryptes basses et hautes. Les décors de ces deux portes jumelles, datés des années 1518 et suivantes, apportent pour la première fois dans le sanctuaire le thème du pilastre “à l’antique” orné de candélabres et de chapiteaux. On doit remarquer qu’il reste associé à des linteaux sculptés de motifs profondément fouillés dans le style “moderne” c’est-à-dire fidèle à la “manière française” ou flamboyante. Il est logique de proposer, pour l’exécution et la mise en place du tronc sur le parcours des pèlerins, une date proche de l’achèvement de cette campagne de travaux. Le style des reliefs comme le vocabulaire décoratif ne démentent pas le rapprochement proposé. C’est dire tout l’intérêt d’une pièce comme celle-ci pour mener à bien l’exploration des vestiges conservés dans les édifices religieux ou les réserves des musées et tenter de mieux comprendre cette période si riche de tentatives multiples, et encore si méconnue, de “l’invention de la Renaissance” pour reprendre le titre d’un livre récent (6).

Jusqu’à plus ample information dans les comptes de la fabrique du XIXe siècle, et en attendant l’examen critique préalable à toute restauration, il faut souligner que l’œuvre présente à tout le moins des éléments authentiques d’un grand intérêt (dans un domaine où la rareté des pièces échappées aux destructions ou à la négligence, dont elles sont trop souvent victimes, impose un soin redoublé). Et dans le cas du scénario le moins favorable où ce serait un remontage du XIXe siècle lui-même, il apporterait un exemple significatif d’un goût néo Renaissance auquel Alexandre Dumège, premier restaurateur de Saint-Sernin avec la Société Archéologique du Midi de la France, prit une part que l’on connaît bien. Autant d’arguments qui militent pour insister sur l’urgence de sa protection comme de sa restauration et pour voir ce témoignage du temps des pèlerinages installé enfin dans un lieu digne.

Bruno TOLLON »

1. Georges COSTA, « Remise en place des boiseries du “Tour des Corps Saints” », Monuments historiques, n° 112, 1980, p. 115.
2. E. VIOLLET-LE-DUC, Dictionnaire du mobilier, ad vocem.
3. Jacques THIRION, Le mobilier du Moyen Âge et de la Renaissance, Paris, Faton, 1999.
4. Charles TRACY, Continental Church Furniture in England: A Traffic in Piety, Antique Collectors’Club, Woodbridge, Suffolk, 2001.
5. Pascal JULIEN, D’or et de prière; Art et dévotion à Saint-Sernin de Toulouse, XVIe-XVIIe siècles, Presses Universitaires, Aix-en-Provence, 2004.


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6. Jean GUILLAUME (dir.), L’invention de la Renaissance, La réception des formes « à l’antique » au début de la Renaissance, Paris, Picard, 2003.

 

La Présidente remercie Louis Peyrusse de s’être fait le porte-parole de Bruno Tollon pour nous présenter cette belle œuvre dont on ne peut que souhaiter qu’elle soit protégée au titre des Monuments historiques et réhabilitée. Elle mériterait sans aucun doute d’être placée ailleurs, même si l’oubli dans lequel elle est restée jusqu’à présent l’a, d’une certaine manière, protégée. La Présidente s’étonne qu’aucune œuvre semblable ne soit connue. Louis Peyrusse confirme qu’il s’agit d’un exemplaire unique.

Dominique Watin-Grandchamp rappelle que les registres de la Confrérie des Corps-Saints ont été entièrement dépouillés pour les XVe et XVIe siècles et que l’on n’y trouve aucune trace de ce tronc. Daniel Cazes pense qu’en effet les registres de fabrique pourraient donner des indications et il se souvient avoir noté qu’à Saint-Étienne, au début du XIXe siècle, on reprend et réutilise de nombreux objets ; il est d’ailleurs tout à fait possible que ce tronc provienne d’une autre église de Toulouse. Dominique Watin-Grandchamp cite l’exemple de la chaire de Saint-Sernin, qui comporte des panneaux anciens remis en œuvre au XIXe siècle.

Pour Louis Peyrusse, un remontage est en effet possible et il ajoute qu’une analyse technique serait nécessaire. Les dragons sommitaux sont la partie la plus douteuse. Avant d’être convaincus de l’authenticité de l’objet, au moins de ses parties principales, Maurice Prin et Bruno Tollon se sont d’ailleurs longuement interrogés. Patrice Cabau note que l’espace laissé entre les deux pilastres fait un vide important qui n’est meublé que par l’inscription.

Après avoir indiqué qu’elle a été chargée par Daniel Cazes de faire l’inventaire des objets conservés dans les tribunes de Saint-Sernin, Nicole Andrieu précise que l’inscription que l’on voit aujourd’hui en recouvre d’autres, qui peuvent d’ailleurs également dater du XIXe siècle. Leur lecture pourrait en tout cas donner des pistes sur les utilisations successives du tronc. Daniel Cazes n’écarte pas une réutilisation dès les années 1810-1820 et Patrice Cabau évoque la restauration des cryptes, en relevant toutefois que le tronc tel qu’il nous apparaît n’est pas dans l’esprit des aménagements réalisés par Alexandre Du Mège.

Maurice Prin pense que le tronc a été réutilisé avant l’intervention de Du Mège. Il dit l’avoir connu présenté sur un pilier proche de la porte Miégeville, emplacement qui était le sien depuis la restauration de Viollet-le-Duc ; il a été déposé dans les tribunes quand l’architecte en chef Sylvain Stym-Popper a fait enlever les enduits intérieurs. Il se rappelle l’avoir retrouvé en cherchant autre chose et l’avoir montré à Marie-Anne Sire qui avait été émerveillée.

Michèle Bellin fait remarquer que le saint Christophe peint sur l’un des piliers proches de la porte des Comtes est accompagné de rinceaux Renaissance d’un dessin tout à fait semblable à ceux du tronc.

Louis Peyrusse confirme que l’enquête ne fait que commencer. La Compagnie estime que l’authenticité de l’objet dans son ensemble ne paraît guère contestable mais que le doute porte surtout sur son origine.

Au titre des questions diverses, le Secrétaire général informe la Compagnie de l’état d’avancement des Mémoires. D’importants retards ont été pris et le volume ne paraîtra pas avant le printemps 2004. 
            Puis le Secrétaire général signale que l’inventaire du patrimoine de la ville de Cahors sera prochainement mis en ligne sur le site Internet de la Ville.

 

SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 2003

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Scellès, Secrétaire général, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Merlet-Bagnéris, Napoléone, Watin-Grandchamp, MM. l’abbé Baccrabère, Boudartchouk, Bordes, Peyrusse, Prin, Mgr Rocacher, membres titulaires ; Mmes Andrieu, Bayle, Fournié, Galés, Pujalte, Suau, MM. Balagna, Testard, membres correspondants.
Excusés : M. Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Mmes Conan, Marin.
Invitée : Mlle Martine Rieg.

Notre confrère François Bordes, Directeur des Archives municipales, accueille la Compagnie. Il se déclare heureux et très honoré de recevoir pour la première fois la Société Archéologique du Midi de la France dans les locaux des Archives municipales de Toulouse.
         L’exposition consacrée aux Fontaines de Toulouse, qu’il va avoir le plaisir de nous présenter, est le résultat de deux années de travail. On n’avait, à vrai dire, que peu de données précises sur les fontaines et l’on a donc cherché à rassembler le plus d’informations possible pour les mettre à la disposition des Toulousains et des touristes, mais aussi du Service de l’urbanisme de la Ville de Toulouse. L’enquête approfondie dans les archives municipales a permis quelques découvertes, somme toute assez nouvelles.


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L’exposition propose essentiellement des documents appartenant au fonds des archives, mais sont également présentés une trentaine de documents et des objets prêtés par d’autres institutions publiques ou privées, dont en particulier l’inscription médiévale appartenant à la Société Archéologique du Midi de la France. Après une première section consacrée à la distribution de l’eau et à sa circulation dans la ville depuis l’Antiquité, ce sont les fontaines elles-mêmes qui sont montrées, fontaines anciennes encore existantes et fontaines disparues, fontaines éphémères puis fontaines contemporaines. Si toutes les fontaines n’ont pu être présentées dans l’exposition, toutes figurent dans le catalogue que l’on a voulu le plus complet.

La Présidente remercie François Bordes pour cette belle présentation de l’histoire de l’eau dans la ville et pour nous avoir fait participer, à chaque étape de cette visite, aux toutes dernières recherches.

Répondant à une question de Maurice Scellès, François Bordes précise qu’en effet le château d’eau de la prairie des Filtres était dépourvu de réservoir et que l’eau était donc envoyée sous pression dans les canalisations.

Louis Peyrusse ayant demandé si tous les projets avaient été étudiés, François Bordes confirme que tous ceux qui sont connus font l’objet d’une notice dans le catalogue.

Maurice Scellès rappelle que, lorsqu’ils furent assiégés dans leur couvent, les dominicains se trouvèrent empêchés d’accéder à la Garonne où ils puisaient l’eau pour la cuisson des légumes (d’après le récit de Guillaume Pélhisson précise Louis Peyrusse), ce qui fait supposer qu’il n’y avait alors pas de puits dans le cloître. François Bordes dit qu’ils ne se préoccupèrent en effet de faire creuser un puits que plus tard et il ajoute que les équipements privés n’ont pas été pris en compte dans le cadre de ce travail.

Louis Peyrusse souligne à quel point l’étude des fontaines exprime une large part de l’histoire artistique en alliant le plus souvent architecture et sculpture… François Bordes explique que l’exposition a bénéficié du travail réalisé par Laure Crispin pour son mémoire de D.É.A. et que le Service régional de l’Inventaire a pu fournir quelques fiches. La conservation des Archives municipales s’est en particulier appliquée à dépouiller toutes les pièces à l’appui des comptes. Répondant à une question de la Présidente, François Bordes indique que cent cinquante notices environ ont été établies, ce qui n’empêche pas, dit-il, que des lacunes subsistent : ainsi la date de la fontaine de la place Roland n’est-elle pas connue… Maurice Scellès affirme que le dépouillement de la presse donne le plus souvent de très bons résultats pour le XIXe siècle ; Louis Peyrusse fait remarquer que cela constitue néanmoins un travail considérable. François Bordes et Bernadette Suau constatent tous deux qu’aucune institution à Toulouse ne possède par exemple la collection complète de La Dépêche du Midi. La fiabilité de l’information donnée par la presse étant mise en doute, Louis Peyrusse rappelle qu’une erreur fait presque toujours l’objet d’un rectificatif car il n’y a pas à cette époque de monopole.

Guy Ahlsell de Toulza demande si l’enlèvement des éléments en bronze des fontaines, dans le cadre de la récupération des métaux non ferreux, a eu lieu en 1942. François Bordes croit se souvenir qu’elle est décidée à Toulouse en novembre 1942 mais que la récupération et la fonte sont effectivement réalisées en 1943. Maurice Scellès dit que le gouvernement de Vichy met en avant les besoins de l’agriculture pour les traitements au cuivre pour justifier la récupération des métaux non ferreux. Louis Peyrusse rappelle que cela a servi à épurer la statuaire publique jugée en général trop marquée à gauche, mais que l’on n’a pas, néanmoins, porté atteinte aux plus grands des monuments érigés à la gloire de la République.

La Présidente l’ayant interrogé sur les projets d’exposition des Archives municipales, François Bordes annonce pour le printemps prochain une Toulouse impériale (1804-1814), à l’occasion du cent quatre-vingt-dixième anniversaire de la bataille de Toulouse, le choix ayant porté sur une présentation de la vie à Toulouse de 1804 à Napoléon III. Le bicentenaire de la réouverture du Théâtre du Capitole sera célébré à l’automne par une exposition sur le théâtre. En 2005, les archives municipales se montreront hors les murs avec une grande exposition aux Jacobins pour commémorer le huitième centenaire de la naissance des archives municipales de Toulouse ; la mémoire de l’espace en sera l’un des thèmes… François Bordes ajoute que nous aurons l’occasion de parler des applications développées à partir du S.I.G. (système d’information géographique) de la Ville de Toulouse… La Présidente le remercie à nouveau au nom de la Compagnie.

 

SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 2003

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Scellès, Secrétaire général, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Merlet-Bagnéris, Napoléone, Noé-Dufour, Watin-Grandchamp, MM. Bordes, Gilles, Lapart, le Père Montagnes, MM. Peyrusse, Prin, Mgr Rocacher, membres


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titulaires ; Mmes Fournié, Suau, MM. Balagna, Stouffs, Testard, membres correspondants.
Excusés : M. Cazes, Directeur, Mmes Blanc-Rouquette, Galés, MM. Garland, Pradalier, Tollon.
Invités : MM. Hugues Labarthe, Fabrice Rickebush.

La Présidente annonce une séance assez longue, en raison des élections inscrites à l’ordre du jour et de deux communications courtes qui seront présentées au titre des questions diverses.

Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 21 octobre dernier, qui est adopté.

La Présidente signale l’article paru dans la revue interne de l’Université de Toulouse-Le Mirail à l’occasion de l’installation de l'É.S.A.V. dans ses nouveaux locaux de la rue du Taur, et elle lit des passages qui intéressent particulièrement notre Compagnie. On propose de republier intégralement l’article, en en donnant une analyse, dans le dossier qui sera consacré au massacre de l’ancien collège de Périgord dans le prochain volume de nos Mémoires. Un membre exprime ses réserves, s’agissant d’un texte produit par un Service de communication ; un autre proteste de la nécessité de procéder de façon systématique à l’analyse critique de ce genre de distillats.

Plusieurs dons viennent enrichir notre bibliothèque :

    - Maurice Prin, Notre-Dame du Férétra, Toulouse, 2003, 52 p. (don de l’auteur) ;
            - Christophe Balagna, « L’apparition des formes de la Renaissance dans l’architecture religieuse de la Gascogne centrale », tiré-à-part de Du gothique à la Renaissance. Architecture et décor en France, 1470-1550, Aix-en-Provence, Université de Provence, 2003, p. 154-162 (don de l’auteur) ;
            - Christophe Balagna, « La collégiale de La Romieu : symbole de l’architecture rayonnante en Gascogne centrale », tiré-à-part de Les collégiales dans le Midi de la France au Moyen Âge, sous la direction de Michelle Fournié, Actes de l’atelier-séminaire des 15 et 16 septembre 2000 (Carcassonne), p. 107-123 (don de l’auteur) ;
            - Christophe Balagna, « L’architecture gothique en Gascogne gersoise : méthode et résultats », tiré-à-part de Mémoire et actualités des pays de Gascogne. Actes du 53e Congrès de la Fédération historique de Midi-Pyrénées, Auch 23-24-25 juin 2000, vol. 1, p. 235-248 (don de l’auteur).

La Présidente remercie les donateurs au nom de notre Société.

L’ordre du jour appelle l’élection d’un membre libre et celle d’un membre titulaire. Pierre Gérard et Olivier Testard sont élus respectivement membre libre et membre titulaire de notre Société.

La Présidente rappelle qu’une sortie exceptionnelle aura lieu mardi prochain sur le site du chantier de fouilles de la place des Carmes, dont la présentation nous sera faite par notre confrère Jean-Luc Boudartchouk. Elle précise par ailleurs que la séance publique est fixée au samedi 27 mars 2004 à 16 heures : notre confrère Jean Catalo donnera une conférence sur le Château Narbonnais.

La parole est à Françoise Merlet-Bagnéris pour une communication sur La structure du chapitre de la cathédrale d’Auch au XIIIe siècle, et ses relations avec les archevêques.

La Présidente remercie notre consœur pour cette présentation très claire de l’Église et du chapitre d’Auch qui provoquera sans doute des discussions fructueuses et elle lui demande s’il est possible d’établir une relation précise entre la composition du chapitre et l’organisation du chœur au début du XVIe siècle tel que nous le connaissons au travers des stalles de la cathédrale. Françoise Merlet-Bagnéris indique que les registres de fabrique ont disparu mais que les archives du XVIIIe siècle donnent la place de chacun dans le chœur, selon un plan qui n’a probablement que peu varié depuis le Moyen Âge.

Henri Gilles fait remarquer qu’il n’y a pas lieu de s’étonner que les chanoines d’Auch n’apparaissent pas dans les registres pontificaux à cette époque, car ce n’est qu’à partir du XIVe siècle et les papes d’Avignon que la papauté intervient dans ces nominations, la même remarque valant pour tous les évêchés de France.

Les stalles de la cathédrale d’Auch étant au nombre de cent treize, Jacques Lapart doute que le personnel du chœur ait jamais été aussi nombreux. Quitterie Cazes rappelle que de très nombreuses personnes autres que les chanoines prennent place dans le chœur et Patrice Cabau ajoute que les autorités laïques y rejoignent les autorités religieuses.

À propos de la relation entre la richesse du chapitre et les travaux à la cathédrale, Quitterie Cazes souligne qu’à Toulouse il semble bien que le chapitre n’ait nullement à se prononcer sur la reconstruction de la cathédrale qui relève en fait de l’évêque. Le chapitre ne participe qu’aux travaux d’entretien et pour un tiers seulement. Elle demande ensuite à quelle date apparaît à Auch la fonction d’« ouvrier »,  qui n’est pas antérieure à la fin du XIIe siècle à


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Toulouse. Françoise Merlet-Bagnéris croit se souvenir que cela se passe assez tôt, au XIIe siècle, et reconnaissant avoir anticipé à partir de la situation du XVe siècle, elle se déclare tout à fait d’accord avec Quitterie Cazes sur la répartition des rôles entre l’évêque et le chapitre.

Interpellée par Françoise Merlet-Bagnéris, Michelle Fournié dit n’être qu’une simple courroie de transmission entre l’équipe d’Hélène Millet et les doctorants. Elle ne travaille pas en effet directement au sein de l’équipe des Fasti Ecclesiae gallicanae. Fabrice Rickebush et, plus récemment, Hugues Labarthe sont eux impliqués, avec des études portant pour le premier sur le remodelage du diocèse de Toulouse par Jean XXII, pour le second sur le choix des prélats gascons au moment du Grand Schisme. Françoise Merlet-Bagnéris tient à leur manifester une nouvelle fois sa reconnaissance pour toute l’aide qu’ils lui ont apportée.

Jacques Lapart annonce la disparition du professeur Maurice Bordes qui fut longtemps président de la Société archéologique du Gers, avant de commenter, au titre des questions diverses, le récent retour des éléments sculptés du cloître de Berdoues (Gers) :

« L’histoire du cloître de l’abbaye cistercienne de Berdoues

Les élements lapidaires du cloître de l’abbaye cistercienne de Berdoues, démoli au début du XIXe siècle, ont été longtemps dispersés entre plusieurs propriétaires publics ou privés des environs de Mirande. Entre les deux Guerres mondiales, une partie importante du cloître devint la propriété du marchand d’art parisien Paul Gouvert qui le vendit ensuite au maréchal allemand Goering (1). Un ensemble de blocs (chapiteaux, tailloirs, bases etc.) était entreposé depuis l’après-guerre au musée de Nuremberg. Le retour en Gascogne a été organisé par la D.R.A.C. de Toulouse (Conservation régionale des Monuments Historiques) (2).

L’histoire de l’abbaye cistercienne de Berdoues, fondée en 1135 à quelques kilomètres au sud de Mirande, au bord de la Baïse, est assez bien connue grâce à l’énorme publication de son cartulaire par l’abbé Cazauran en 1905 (3). Après une phase de croissance et d’enrichissement durant les XIIe, XIIIe et XIVe siècles, le nombre de moines diminua, d’une vingtaine au XIVe siècle à sept seulement à la fin de l’Ancien Régime, et l’abbaye vécut une longue décadence.
         Les moines possédaient environ 800 hectares répartis en treize métairies (4) le long des vallées de la Baïse, et le total de la vente, au début de la Révolution Française, fut de 675 000 livres. Les principaux acquéreurs sont les bourgeois de Mirande, bastide fondée par les moines cisterciens (5).
         En 1791, la maison conventuelle et l’enclos muré, ensemble la ci-devant église des ci-devant religieux de Berdoues sont acquis par le comte Pierre Anne de Montesquiou pour la somme de 46 500 francs. En novembre 1792, devenu suspect, il émigre. Ses biens sont confisqués (6) et revendus en 1793 pour 152 700 livres à un citoyen Saintes de Ponsampère, qui commence la démolition et la vente des matériaux des bâtiments anciens (7).
        D’après l’abbé Cazauran, qui avait eu le témoignage écrit de l’abbé Sothom, en partie contemporain des événements, Saintes a exploité les lieux comme une simple carrière : sous le Directoire et le Premier Empire, disparaissent tour à tour la moitié de la façade occidentale depuis le vestibule jusqu’à l’église, le beau clocher de la chapelle, l’église elle-même, les remises du midi avec leur tour, la majeure partie des bâtiments primitifs et du cloître… (8).
        Le mobilier de l’église est dispersé : vers 1806, l’église de Mirande achète le maître-autel, tabernacle, retable et toile de l’Assomption du milieu du XVIIIe siècle (9), classé parmi les Monuments Historiques au titre objet depuis 1981. Les stalles sont enlevées et dispersées entre les églises de Saint-Orens d’Auch, Mirande et Miramont d’Astarac.

En 1810, la nomenclature officielle des châteaux du Gers contient une description de l’abbaye de Berdoues : les anciens bâtiments n’existent plus, les nouveaux qui n’étaient pas finis au commencement de la Révolution, servent de logement à M. Saintes qui en est devenu propriétaire. Ils n’offrent rien de remarquable en architecture, sculpture ni peinture… (10).
        En 1842, le compte-rendu d’une visite pastorale contient une description qui montre bien que le cloître a disparu : La grande porte d’entrée à deux battants, s’ouvre dans un vaste et haut vestibule pavé en pierre de taille éclairé par cinq croisées dont trois sont situées au dessus de la corniche de la porte du seuil. L’œil plongeait autrefois dans l’un des côtés du cloître où la vue se jouait en se perdant à travers les nombreuses arcades des voûtes soutenues si délicatement chacune par une double colonnette en marbre de couleurs


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diverses et dont les bases et les chapiteaux en marbre ciselé reproduisaient les mille caprices de l’imagination : l’on en peut juger par ce que l’on en voit de dispersé ça et là soit à la ville soit à la campagne. A la place de ces gracieuses richesses, l’œil déconcerté du visiteur ne rencontre plus aujourd’hui que quelques légumes défendus par des clairevoies contre la voracité des poules… (11).

Une autre description est publiée peu après, en 1857, par l’érudit local Cénac-Moncaut : L’église et le cloître, bâtis complètement en grandes briques, furent faits sur les dessins de l’architecture de transition. Le cloître avait trente mètres carrés, les galeries étaient voûtées avec nervures toriques à moitié engagées, réunissant leur croisure autour d’un tourteau de pierre évidée. Chaque arcade regardant le préau, grande et large ogive privée de toute ornementation, fut subdivisée en deux pleins cintres romans supportés, à chaque retombée des voûtes par deux colonnettes de marbre. Ces colonnes, assises sur une base formée d’un grand tore et d’une baguette, avaient à chaque angle du soubassement ce qu’on appelle une griffe, et que nous préférons nommer un fruit car cet ornement nous paraît vouloir imiter les pommes tombées des branches du chapiteau. Ces chapiteaux de marbre blanc, qui réunissaient les colonnes gémissées, présentaient à chaque angle ces feuilles tantôt plates et entrelacées, tantôt volutées ou à crochets qui annonçaient la corbeille gracieuse et légère du treizième siècle.
        Aucun oculus, aucune ouverture ne perçait les timpans des arcs du cloître. Les piliers des quatre coins intérieurs n’avaient pas de colonnes. Celui qui peut encore servir de spécimen présente un faisceau de quatre pilastres à angles droits appliqués contre un pilier également rectangulaire… mais il ne reste aujourd’hui que trois travées de la galerie méridionale et le mur appuyant les voûtes du couchant ; tout juste assez pour retrouver le plan primitif du cloître
(12).
       
Justin Cénac-Moncaut (1814-1871) n’a pas pu voir l’abbaye avant sa destruction et on ignore les sources, sans doute des témoignages oraux, qu’il a utilisées.

Au début du XXe siècle, l’abbé Cazauran donne encore une description des lieux : … le cloître formait un carré parfait de quatre séries de cinq arcatures gothiques déterminées au moyen de colonnettes géminées en marbre qui soutenaient des chapiteaux doubles historiés… est-il vrai – certains l’ont prétendu – que le cloître de l’abbaye fut modifié au 18e siècle sous l’administration de Dom Flory, avant dernier prieur de Berdoues ? Originairement, des arcatures ogivales ouvertes se montraient aux quatre faces du préau soutenues par des colonnettes doubles à chapiteau historié. Dans les derniers temps, on aurait, dit-on, subdivisé la moitié des arcatures (une entre autres) en deux baies au moyen d’une colonnette en marbre de six centimètres de diamètre. Ainsi le veut M. Sothom qui a pu voir debout l’abbaye et son cloître… (13).
        Les hésitations de Cazauran sont surprenantes car, pour la première fois, il paraît mettre en doute l’abbé Sothom, qui est sa seule source. Il est vrai qu’on peut s’interroger car il indique par ailleurs que ce prêtre est né en l’an VIII, vers 1800 (14). Il était donc un très jeune enfant au moment de la démolition, qui semble achevée en 1810. Sothom a pu recueillir des témoignages d’anciens moines mais il n’a certainement pas pu voir le cloître en élévation.

À la fin du XIXe siècle, les lieux changent de propriétaires. L’intervention de l’abbé Darées, curé de Berdoues, permet l’installation de sœurs de la Sainte Famille venues de Bordeaux. L’angle sud-ouest est alors transformé en chapelle comme le décrit l’abbé Cazauran en 1905 : c’est à son goût exquis que le nouveau couvent dut la prompte fondation d’une chapelle délicieuse pleine d’harmonie qui s’élève à l’entrée de l’aile méridionale… Glanant de tous côtés les fûts, les bases, les chapiteaux sculptés, des colonnettes de l’ancienne abbaye, il éleva un petit bijou d’architecture ogivale dont les nervures de la voûte reposent au nord et au midi sur la corbeille de colonnes de marbre rouge et blanc méthodiquement disposées contre les murs de la nef… (15).
        Vers 1880-1890, une petite note manuscrite, sans doute d’Adrien Lavergne, excellent archéologue de l’époque, rapporte qu’un certain nombre de colonnes et de chapiteaux du cloître [sont] dispersé[s] dans les jardins les mieux entretenus de Mirande comme sièges et supports de leur cabinet de verdure… (16).
        En 1905, un témoin confirme : il ne reste qu’une belle partie d’une allée du cloître qui sert de chapelle ; et dans les jardins de la ville de Mirande, on nous a montré des chapiteaux simplement épannelés comme ceux de Flaran (17).
        La maison religieuse de Berdoues ferme. En 1905, la famille des propriétaires actuels achète les lieux mais la majeure partie du cloître se trouve désormais détachée de l’abbaye. L’antiquaire parisien des années 1930 n’a certainement pas pu racheter l’ensemble, qui comportait six chapiteaux et six colonnes sur chaque côté. Or il reste, semble-t-il dans la région, une demi douzaine de chapiteaux épars qui pourraient correspondre à une aile. De plus, la fiche de retour des vestiges ne mentionne que quinze chapiteaux, ce qui ne peut correspondre qu’à une moitié du cloître. Les décorateurs et les amateurs d’autrefois souhaitaient


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souvent avoir "des ruines archéologiques" dans leur parc, et si l’ensemble n’était pas complet, il n’était pas rare qu’il fût achevé avec des copies.
        Berdoues n’est pas une exception. Dans le Gers, des monastères importants comme Bouillas près de Fleurance (18) ou La Case-Dieu près de Beaumarchés (19) ont totalement disparu en laissant très peu de traces. Il ne reste qu’une très petite partie de l’abbaye de Planselve à Gimont.

Il n’y a pas eu, semble-t-il, de mouvement en faveur du sauvetage archéologique de Berdoues à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle. En 1865, Justin Cénac-Moncaut a alerté les autorités sur l’intérêt patrimonial des piles gallo-romaines du Gers : l’État achète celles de Saint-Lary et de Biran mais échoue dans sa tentative pour celle de Betbèze à Mirande du fait de l’opposition du propriétaire (20). La législation sur la protection des vestiges du passé est lente à se mettre en place et la loi de 1913 est un premier pas important. La jeune Société archéologique et historique du Gers multiplie les démarches pour sauver le patrimoine architectural avec des succès : classement d’objets d’art, sauvetage de l’abbaye de Flaran, et des échecs comme le départ de la porte gothique de Bassoues ou le démontage et la vente du cloître de Marciac (21). Le premier président de la Société, Jules de Carsalade du Pont, devenu évêque de Perpignan, fera acheter et restaurer les ruines de l’abbaye Saint-Martin du Canigou.

Avec le retour de cet ensemble de blocs de Berdoues débute un long travail d’inventaire des palettes, d’identifications et d’étude des vestiges, de comparaisons avec les autres cloîtres existants ou disparus de la région, d’analyse des formes pour tenter de faire des propositions de remontage qui ne verra sans doute pas le jour avant de nombreuses années.

Jacques LAPART
conservateur des Antiquités et Objets d’Art du Gers »

1. Lynn H. Nicholas, Le pillage de l’Europe, les œuvres d’art volées par les nazis, éditions du Seuil, Paris, p. 185.
2. Voir le journal Sud-Ouest du jeudi 25 septembre 2003, édition du Gers « Le cloître est de retour », le journal La Dépêche du Midi, même date « Berdoues, le retour du cloître » ainsi que plusieurs reportages des chaînes de télévision TF1, France 2, France 3, etc.
3. Abbé J.-J. Cazauran, Cartulaire de l’abbaye de Berdoues, gros volume, La Haye, 1905 ; résumé pratique de l’histoire de l’abbaye par M. Chanche, « Étude sur l’abbaye de Berdoues », Bulletin de la Société gersoise des études locales, 3e trimestre 1921, p. 1-14 et plus récemment par Jean Michel Lassure, notice « Berdoues », dans Flaran et l’ordre cistercien en Gascogne, catalogue de l'exposition du Centre culturel départemental de l’abbaye de Flaran, Condom, s.d., p. 8-9.
4. Yves Coustau, « La vente des biens nationaux dans le Gers, biens de première origine », Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Gers, 1962, p. 55.
5. Mirande et son pays, ouvrage collectif, Auch, 1981, p. 146 et 166.
6. Le 19 prairial an III, cf. Y. Coustau, « La vente des biens nationaux… », p. 77.
7. Annuaire administratif du Gers, 1889, p. 331-332.
8. Abbé J.-J. Cazauran, Cartulaire de l’abbaye de Berdoues…, p. 264.
9. Ibidem, p. 264, note.
10. Texte de 1810 publié par Henri Polge, « Nomenclature officielle des châteaux du Gers », Annuaire administratif du département du Gers, 1956, p. 644.
11. Texte sans doute écrit par l’abbé Sothom alors curé de Berdoues, inséré dans le volume des visites pastorales de Mgr de la Croix d’Azolette, archevêque d’Auch, conservé aux archives diocésaines d’Auch.
12. M. Cénac-Moncaut, Voyage archéologique et Historique dans les anciens comtés d’Astarac et de Pardiac, Paris-Mirande, 1857, p. 24-25.
13. J.-J. Cazauran, Cartulaire de Berdoues…, p. 246. Je n’ai pas encore pu retrouver le gros manuscrit Jean Sothom, Essai historique sur la paroisse de Berdoues, grand cahier in 8° de plus de 400 pages signalé par Cazauran.
14. Abbé J.-J. Cazauran, Cartulaire de Berdoues…, p. 261.
15. Ibidem, p. 264.
16. Archives diocésaines, Auch, dossier Berdoues.
17. Compte rendu bibliographique lors de la publication du Cartulaire de Berdoues, Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Gers, 1905, p. 330.
18. Chanoine Charles Bourgeat, « L’abbaye de Bouillas », Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Gers, 1953, p. 273-282, 1954, p. 60-90, p. 388-405, 1955, p. 83-109, p. 180-205.
19. C. Balagna, « Quelques chapiteaux romans et gothiques de l’ancienne abbaye de la Case-Dieu », Actes de la 21e Journée des Archéologues gersois (Vic-Fezensac 1999), publication de la Société Archéologique du Gers, Auch, 2000, p. 100-132.
20. J. Lapart, « Les sculptures en calcaire trouvées dans les piles gallo-romaines de Betbèze à Mirande (Gers) d’après le carnet de fouilles inédit de Georges Fouet », 126e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Toulouse, 2001, volume Religion et politique dans les sociétés du Midi, p. 17-35 ; voir p. 17 note 1.
21. Georges Courtès, « La Société archéologique du Gers et la sauvegarde du patrimoine (1891-1939) », Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Gers, 1995, p. 350-374.


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Christophe Balagna complète le rappel historique proposé par Jacques Lapart sur les circonstances de la démolition du cloître, la dispersion de ses éléments sculptés jusqu’à leur vente à Goering et leur retour sur le site de l’ancienne abbaye, par une présentation des bâtiments conservés et une analyse de l’architecture et du décor du cloître :

« Les vestiges de l’abbaye cistercienne de Berdoues

Le monastère de Berdoues est le premier monastère cistercien fondé en Gascogne centrale. Malheureusement, la quasi-totalité des bâtiments médiévaux a disparu au cours des siècles, en particulier après la vente de l’ensemble monastique en 1791. Néanmoins, grâce à la publication du cartulaire de l’abbaye au début du XXe siècle (1), quelques éléments chronologiques peuvent servir de point de départ à une étude d’ensemble. Tout d’abord, nous savons que l’autel majeur de l’église a été consacré le troisième jour des ides d’octobre 1157, par Guillaume Arnaud, évêque d’Auch (2). Nous savons également qu’en 1164, un autel dédié à saint Paul et à saint Pierre est consacré dans le chœur des convers. L’année suivante, un nouvel autel est consacré ; dédié à saint Jacques et à saint Saturnin, il est placé dans la nef. Enfin, un autre autel, dédié à la Vierge et situé dans le chœur des convers, est consacré en 1250 (3). Grâce à ces dates, et à quelques autres (4), on peut penser qu’à l’extrême fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle, une partie du monastère est construite, du moins l’église abbatiale et les bâtiments les plus importants.

BERDOUES, ANCIENNE ABBAYE CISTERCIENNE, 
vue intérieure de la galerie sud du cloître. Cliché C. Balagna
.

Malgré les mésaventures de l’histoire, l’aile occidentale du monastère est parvenue jusqu'à nous grâce aux transformations dont elle fut l’objet au XVIIIe siècle de la part des abbés commendataires. À l’origine, on trouvait, à la place du vestibule actuel, le parloir, qui occupait alors l’extrémité de cette aile occidentale, au sud. Puis cette aile fut transformée en hôtellerie et prolongée au sud par un bâtiment construit à l’identique dans ses dispositions intérieures et son élévation en façade. Au centre de cette nouvelle aile, le parloir fut changé en un vestibule donnant accès au grand escalier d’honneur.

L’intérêt principal du monastère de Berdoues réside dans la présence d’une partie de l’aile méridionale du cloître médiéval, conservée sur son emplacement d’origine. Elle est constituée des trois premières travées sud-ouest de la galerie sud, voûtées d’ogives quadripartites toriques. Ce type de voûtement permet de mieux comprendre la manière de construire des moines cisterciens ainsi que l’évolution de ces nouvelles techniques.

En effet, les éléments en place sont tout à fait caractéristiques des constructions cisterciennes de Gascogne centrale de la fin du XIIe siècle et du premier quart du XIIIe : nervures de profil circulaire, terminaison en sifflet ou en biseau de ces nervures telles qu’elles apparaissent dans la sacristie de l’abbaye de Flaran (5). On y observe également une pénétration directe des nervures dans les angles des murs et l’absence d’arcs formerets et de retombée harmonieuse pour les arcs doubleaux. De plus, on n’utilise pas encore de véritable clef de voûte.

En fait, c’est la salle capitulaire et le collatéral nord de l’église de l’abbaye de Flaran qui vont véritablement témoigner d’une évolution dans la mise en œuvre du voûtement sur croisées d’ogives. On y voit par exemple l’utilisation d’arcs formerets qui reposent, avec les doubleaux, sur une console prévue à cet effet, placée soit le long des murs, soit dans les angles. On remarque aussi que les clefs de voûte circulaires apparaissent et qu’elles


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sont munies d’encoches dans lesquelles viennent s’insérer les nervures. Au centre, l’espace évidé est agrémenté d’un motif floral, annonçant les futures clefs de voûtes à décor végétal.

Tous ces progrès auraient pu rester marginaux s’ils n’avaient été répétés dans d’autres édifices cisterciens, à l’Escaladieu, en Bigorre, à Planselve et à Berdoues, en Gascogne (6). À Berdoues, l’une des nouveautés réside dans le fait que l’on a utilisé la voûte d’ogives au-dessus des galeries du cloître. Bien que l’on s’inspire directement des techniques mises en œuvre à Flaran, des améliorations se font jour, notamment dans le profil des nervures. En effet, à Berdoues, certaines nervures conservent leur profil torique jusqu'à leur base et ne s’achèvent plus en sifflet. Elles sont reçues par un support parfaitement adéquat. Il s’agit d’une nouvelle étape dans la recherche d’un support adapté au profil de la nervure. Quant aux clefs de voûte, elles renvoient à celles de la salle capitulaire de Flaran. En revanche, elles n’ont pas reçu de décor sculpté.

Cette utilisation systématique du voûtement sur croisées d’ogives est associée à des chapiteaux sculptés, eux aussi parfaitement représentatifs de l’évolution du décor dans les édifices cisterciens de Gascogne à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe. Simples et élégants, ils se divisent en trois groupes :

- le premier correspond à des chapiteaux tronconiques dans lesquels les corbeilles sont recouvertes de feuilles d’eau lisses et épaisses, légèrement recourbées dans leur partie supérieure. Elles sont agrémentées d’une fine nervure médiane. On peut en voir de semblables à Flaran ou à l’Escaladieu ;

- le deuxième, variante du précédent, s’en différencie par la présence de boules accrochées dans le haut de la feuille (7) ;

BERDOUES, ANCIENNE ABBAYE CISTERCIENNE, 
détail d'une clef de voûte. Cliché C. Balagna
.

BERDOUES, ANCIENNE ABBAYE CISTERCIENNE, 
chapiteau à boules. Cliché C. Balagna
.

BERDOUES, ANCIENNE ABBAYE CISTERCIENNE, 
chapiteau à palmettes renversées. Cliché C. Balagna
.

- le troisième est constitué d’un chapiteau agrémenté aux angles d’un motif de palmette renversée ou de coquille, très proche de la volute du chapiteau corinthien par son traitement et son emplacement (8).

Les quelques vestiges de l’ancienne abbaye de Berdoues encore en place constituent d’importants témoins de la présence des moines de Cîteaux en Gascogne centrale. En effet, ils démontrent toute l’importance des constructions cisterciennes dans l’évolution de l’architecture et du décor sculpté vers l’art gothique. On y


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voit apparaître la voûte d’ogives associée à une véritable recherche structurelle concernant la retombée des éléments d’architecture, la modénature des arcs, leur profil et la constitution de la clef de voûte. Quant au décor, présent en particulier sur les chapiteaux, il démontre la recherche de simplicité et d’élégance des cisterciens, l’abandon définitif de corbeilles à figures et l’évolution vers des compositions naturalistes, en harmonie avec le reste de l’élévation. D’ailleurs, il est tout à fait intéressant de remarquer que ce type de décor séduit des communautés non cisterciennes, comme on peut le voir dans ce qu’il reste de l’ancienne salle capitulaire de la cathédrale d’Auch, construite dans le deuxième quart du XIIIe siècle ou parmi les vestiges conservés de l’ancienne abbaye de prémontrés de La Case-Dieu, à Beaumarchés (Gers) (9).

L’arrivée dans le département du Gers des vestiges du cloître de Berdoues auparavant conservés en Allemagne doit permettre d’en savoir plus sur la structure du cloître, son élévation, son décor sculpté. En effet, très peu de cloîtres cisterciens sont encore debout dans le Midi de la France. Celui-ci a la particularité d’appartenir probablement au premier quart du XIIIe siècle et donc aux premières phases de construction de ces monastères cisterciens. À ce titre, il est d’un grand intérêt et il constitue un important témoignage de la vitalité des constructions cisterciennes en Gascogne centrale.

Christophe BALAGNA »

1. Cf. Abbé J.-J. Cazauran, Cartulaire de l’abbaye de Berdoues, La Haye, 1905.
2. Cf. également R. Favreau, J. Michaud et B. Leplant, Corpus des Inscriptions de la France médiévale, Gers, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques, t. 6, Paris, 1982, p. 36-37.
3. Ibidem, p. 38.
4. Cf. C. Balagna, L’architecture gothique religieuse en Gascogne centrale, thèse, Université de Toulouse-Le Mirail, 2000, t. 1, p. 62-65.
5. Ibidem, p. 78-79.
6. Ibidem, p. 78-92.
7. Un chapiteau semblable est conservé au musée des Beaux-Arts de Mirande et provient sans aucun doute de l’ancien cloître de Berdoues. Cf. C. Balagna, « Le fonds lapidaire du musée des Beaux-Arts de Mirande (Gers) », dans M.S.A.M.F., t. LXI, 2001, p. 111-118.
8. Deux chapiteaux ont été remployés en tant que supports de croix dans le petit village de Sauviac, situé à quelques kilomètres de Berdoues. Ils sont issus eux aussi du cloître de Berdoues.
9. Cf. C. Balagna, « Quelques chapiteaux romans et gothiques de l’ancienne abbaye de La Case-Dieu (Gers) », dans Actes de la 21e Journée des Archéologues Gersois (Vic-Fezensac 1999), Auch, 2000, p. 100-133. Une mise au point plus complète est publiée dans ce même tome des Mémoires.

La Présidente remercie les deux intervenants pour ce point d’actualité qui suscite bien des questions et des attentes et elle leur demande de bien vouloir informer notre Compagnie des suites qui seront données à cette affaire. Elle se souvient que Paul Gouvert est l’antiquaire qui avait sévi à Saint-Genis-des-Fontaines : il serait donc possible que parmi les trop nombreuses sculptures rapportées à Berdoues se trouvent des éléments roussillonnais.

Louis Peyrusse demande si le musée de Nuremberg n’a pas de photographies de toutes ces pièces. Jacques Lapart sait que des photographies existent en effet, mais il explique les circonstances dans lesquelles s’est fait ce rapatriement, qui a impliqué les ministères des Affaires étrangères et de la Culture ; il ajoute que le statut juridique de ces pièces est encore actuellement très incertain (on attend une confirmation écrite), que les conditions de conservation sur le site de Berdoues n’offrent pas une garantie suffisante et que pour sa part il souhaite une protection de l’ensemble au titre des Monuments historiques. Jacques Lapart aurait préféré que pour entreposer tous ces éléments l’on choisisse un lieu neutre, plutôt qu’un site privé, permettant plus aisément leur étude ; il rappelle par ailleurs les problèmes que posent des monuments importants à des communes trop petites pour en assumer l’entretien. Christophe Balagna pense que le site de l’ancienne abbaye a été retenu dans la précipitation. Louis Peyrusse fait remarquer que leur dépôt à Mirande permettrait en outre de sauver les collections lapidaires qui s’y trouvent déjà.

Dominique Watin-Grandchamp confirme qu’au moment de la vente, de nombreux éléments sculptés du cloître avaient déjà été dispersés et qu’une seule galerie semble alors avoir été vendue ; les sculptures provenant de Berdoues font donc partie d’un lot d’origines diverses, ce qui complique encore son statut juridique.

Bernadette Suau indique que le fonds Gratien Leblanc a été légué aux Archives de la Haute-Garonne, puis, après avoir précisé qu’elle était originaire de Mirande, elle dit se souvenir de la visite de Gratien Leblanc alors qu’il parcourait la région à la recherche des éléments sculptés dispersés ; sa famille avait en effet un chapiteau de Berdoues, qu’elle possède encore et qu’elle se déclare prête à donner à une institution publique. Michèle Pradalier-Schlumberger rappelle qu’en effet Gratien Leblanc avait entrepris une thèse sur l’art cistercien.

Louis Peyrusse pense que cette affaire est tout à fait passionnante et qu’un tel fonds, qui à l’évidence n’est pas homogène, mériterait une protection, surtout en raison de son histoire mouvementée et particulièrement romanesque. La discussion se poursuit sur les nombreuses questions posées par ce « retour » impromptu de Nuremberg à Berdoues.


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Quitterie Cazes signale qu’un chapiteau réputé provenir de Bonnefont est en vente chez un antiquaire parisien, rue des Saints-Pères ; elle propose d’en faire éventuellement une photographie. Louis Peyrusse recommande d’avertir la Société des Études du Comminges.

 

SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 2003

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier ; Mmes Cazes, Napoléone, Noé-Dufour, Pousthomis-Dalle, M. l’abbé Baccrabère, MM. Bordes, Peyrusse, Mgr Rocacher, MM. Roquebert, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Andrieu, Bayle, Bellin, Conan, Félix-Kerbrat, Fronton-Wessel, Galés, Suau, MM. Laurière, Manuel, Pousthomis, Stouffs, membres correspondants.
Excusées : Mmes Fournié, Watin-Grandchamp.

La Présidente ouvre la séance à 17 h en annonçant qu’il ne sera pas procédé à l’élection d’un membre correspondant prévue à l’ordre du jour puisque l’impétrante s’est entre-temps portée candidate au concours annuel de notre Société. Puis elle informe la Compagnie de la tenue, au musée Saint-Raymond, d’une belle exposition que nous sommes conviés à visiter : Périple méditerranéen (28 novembre 2003-4 avril 2004) ; elle en présente le riche catalogue, dont notre confrère Daniel Cazes nous fait l’hommage. La Présidente fait ensuite circuler deux ouvrages relatifs aux maisons médiévales, offerts pour notre Bibliothèque : 

- Gaël Carré, Emmanuel Litoux, Jean-Yves Hunot, « Les ligneries à Charentilly (Indre-et-Loire) : du logis à salle basse au manoir du XVe s. », photocopie d’un article paru dans la Revue archéologique du Centre de la France, t. 41, 2002, p. 239-263 ;
        - les mêmes, Demeures seigneuriales en Anjou - XIIe-XVe siècles, Patrimoine d’Anjou : études et travaux, 2, Conseil général de Maine-et-Loire, Service archéologique, Angers, 2002, 84 p. 

À l'occasion de l'entrée dans notre bibliothèque du tome XVIII des Analecta Mercedaria, Louis Latour donne diverses informations sur l’ordre de la Merci, fondé en Catalogne en 1218 par le Français saint Pierre Nolasque (+ 1249) et approuvé par le pape Grégoire IX en 1235 :

« L’ordre religieux de Notre-Dame de la Merci est peu connu en France. Il n’est représenté dans le Midi que par les couvents du Mas-Saintes-Puelles, d’Auterive et de Cahors.
            L’ordre fondé par Pierre Nolasque, né au Mas-Saintes-Puelles vers 1186, se consacrait au rachat – on disait la rédemption – des captifs pris en otages par les pirates barbaresques. Créé le 10 août 1218, ses statuts ou constitutions furent formulés par écrit en 1272. L’ordre se répandit rapidement en Espagne puis, bien plus tard, en Amérique latine où vivent encore plusieurs couvents des religieux de la Merci, les "mercédaires".
            Notre bibliothèque possédait déjà un ouvrage de A. B. Marfan, Figures lauragaises (Perrin, 1937) qui consacre soixante pages à saint Pierre Nolasque et à l’ordre de la Merci. Elle s’enrichit aujourd’hui du tome XVIII (1999) des Analecta Mercedaria, publication de l’Institut historique de l’ordre de la Merci dont le siège est à Rome. 
            Cet ouvrage renferme, entre autres, une très intéressante étude du frère Hugues Cocard, Les Mercédaires français et le rachat des captifs entre 1574 et 1789 (p. 75-143). L’auteur y définit d’abord "le quatrième vœu" auquel étaient astreints les religieux, fondé sur la parole du Christ, dans l’évangile de saint Jean, "personne n’a de plus grand amour que celui qui livre sa vie pour ses amis". Il précise ensuite le financement nécessaire au paiement des rançons : quêtes et collectes, fonds provenant des corps, des confréries, des communautés, des dons des familles des captifs, du pouvoir royal même, des legs, des rentes, voire des emprunts. L’auteur montre les pressions nombreuses et variées que subit l’ordre pour accélérer la libération des prisonniers.
            Il présente enfin la préparation et le déroulement des "rédemptions" : le départ des "rédempteurs", les négociations et le rachat, le retour en France des captifs libérés et les processions solennelles qui clôturent les cérémonies. L’étude se termine par une évaluation chiffrée du bilan de l’ordre de la Merci – nombre et diversité des "rédemptions", montant des rançons, nombre et condition des captifs libérés… – et par une analyse de l’évolution des "rédemptions" à l’époque moderne. »


M.S.A.M.F., t. LXIV, p. 238

Le Trésorier dresse le bilan, inquiétant, des versements des cotisations des membres de la Société et rappelle que, comme régulièrement indiqué sur les convocations, « la cotisation annuelle doit être payée au cours du premier trimestre de l’année civile ».

La Présidente donne la parole à Sandrine Conan pour la communication du jour, intitulée La Casa Julia à Perpignan : l’exemple d’une demeure patricienne du XIIIe au XVIe siècle, publiée dans ce volume (t. LXIV, 2004) de nos Mémoires. Sandrine Conan prie la Compagnie d’excuser l’absence de M. Laurent Hernandez, doctorant en Histoire à l’Université de Perpignan, avec qui elle devait présenter cette rare maison médiévale et qui s’est trouvé empêché ce soir.

Michèle Pradalier-Schlumberger remercie Sandrine Conan pour une « belle communication » consacrée à un édifice passionnant, dont l’étude est d’ailleurs loin d’être terminée, des analyses dendrochronologiques devant notamment permettre d’affiner les datations. Concernant les éléments de pierre sculptée du patio, la Présidente confirme que les comparaisons pertinentes concernant les bases et les chapiteaux des colonnettes amènent à les dater du début du XVe siècle.
            Daniel Cazes se montre très intrigué par le relief encastré dans le mur d’une des galeries, à l’étage du patio : s’agit-t-il d’un demi-relief, ou d’une statue, et est-ce vraiment une représentation de « saint Jean-Baptiste » ? En revoyant les diapositives, notre confrère exprime son sentiment de se trouver face à un portrait antique. À l’impression esthétique s’ajoute une constatation d’ordre technique : la tête est distincte du buste dans lequel elle vient s’encastrer, comme dans la statuaire romaine. Michel Roquebert et Jeanne Bayle abondent en ce sens, puis ils font l’hypothèse d’une réplique de l’époque de la Renaissance, ou plus récente. Interrogée sur le matériau et la provenance de cette sculpture, Sandrine Conan dit qu’elle est taillée dans le marbre, que tout ce qu’on en sait, c’est qu’elle se trouvait à la Casa Julia en 1868 et qu’elle était alors placée dans une niche, dont il n’y a pas de traces. Bernard Pousthomis signale que Pierre Ponsich s’était intéressé à cette œuvre, sans parvenir à en percer le secret.
            Louis Peyrusse, frappé par l’état « 1900 » dans lequel la Casa Julia paraît figée, s’enquiert de la nature et de l’importance des coûts des travaux réalisés en 1914. Notre consœur répond que les rapports des Monuments historiques suggèrent que le chantier fut énorme. Considérables, les restaurations portèrent notamment sur l’arcature du patio et sur les baies géminées. 
            Olivier Testard s’intéresse à la partie de l’édifice qualifiée de « tour », laquelle n’a que trois côtés. Maurice Scellès évoque la possibilité que la quatrième face ait reçu un pan de bois, et Louis Peyrusse qu’elle soit restée ouverte.
            Maurice Scellès veut savoir si les maçonneries de la maison étaient enduites. Sandrine Conan répond que tous les enduits anciens ont disparu. Maurice Scellès demande ensuite si la Casa Julia est classée parmi les Monuments historiques, ce qui est effectivement le cas, puis il pose la question de savoir si l’Architecte en chef des M.H. intervient sur ce chantier ; il indique avoir récemment appris que cette intervention n’a lieu que dans le cas où les travaux bénéficient d’une subvention de l’État. De l’échange de vues qui s’ensuit, il ressort qu’en effet, dans le cas où il n’y a pas de demande de subvention publique, l’avis conforme de l’Architecte en chef est requis, mais que son intervention dans les travaux n’est pas obligatoire.
            Répondant à une question de Guy Ahlsell de Toulza sur le devenir de la Casa Julia, vendue en 2000 et destinée à être divisée en espaces locatifs, Sandrine Conan précise que la rénovation, promue par la société Cogimm de Lyon, est conduite par M. Alain Vernet, Architecte des Bâtiments de France pour l’Hérault, qui se montre soucieux de respecter autant que possible le caractère de cette demeure patricienne. Elle ajoute que le patio et tout le premier étage, dont les volumes seront conservés, resteront accessibles au public.

Le Secrétaire général, heureusement parvenu jusqu’à nous, peut enfin faire entendre les procès-verbaux des séances des 4 et 18 novembre, qui sont adoptés.

En marge du dernier compte rendu, Bernadette Suau dit qu’elle a été voir, lors d’un récent séjour à Paris, le chapiteau signalé par Quitterie Cazes. Exposé dans la vitrine d’un magasin d’antiquités, ce chapiteau en marbre, à décor de feuilles de chêne, datable du XIVe siècle, est accompagné d’un cartel le réputant provenir de « Bonnefont (Ariège) » ; il fut acquis à la Foire des Antiquaires de Toulouse, à la suite de la dispersion de la collection Huc. 
            Michèle Pradalier-Schlumberger précise que cette collection consistait en un décor de jardin associant des chapiteaux du Moyen Âge et des moulages en terre cuite issus de la fabrique des Virebent, qu’elle a fait l’objet d’un travail universitaire dirigée par Louis Peyrusse, et que la Ville de Toulouse refusa d’en faire l’acquisition.
            On fait remarquer que le prix demandé pour le chapiteau en vente à Paris ne paraît pas excessif pour le budget d’une institution publique. Un membre signale par ailleurs l’entreprise de récupération d’éléments lapidaires lancée dans le cadre de l’ancienne abbaye de Bonnefont en Comminges, initiative qui lui paraît tout à fait louable.


M.S.A.M.F., t. LXIV, p. 239

Au titre des questions diverses, on signale que le portail du n° 56 de la rue du Taur, conçu vers 1910 par l’architecte Joseph Thillet pour la Bibliothèque universitaire à l’imitation du portail édifié par Nicolas Bachelier pour le collège de l’Esquile (n° 69), vient d’être partiellement ravalé et réparé, autrement dit massacré : l’urgence de l’inauguration de l’École supérieure d’audiovisuel, qui a eu lieu le 3 novembre, a déterminé une opération de sablage ou de « gommage », effectuée à très forte pression sur une pierre calcaire très fragile, poreuse et friable, d’où une dégradation catastrophique de la surface de taille. La Compagnie examine un échantillon de cette pierre, prélevé le 5 novembre, au moment où l’on reconstituait au ciment-pierre les claveaux vermiculés et autres éléments du portail endommagés par les camions du chantier ouvert dans l’ancien collège de Périgord.

Un membre indique ensuite que des travaux très importants, liés à une vaste opération de promotion immobilière, ont lieu dans les bâtiments délimités par les rues Clémence-Isaure (n° 2) et de l’Écharpe (n° 1 bis), sur l’emplacement acquis au début du XIVe siècle par les Izalguier et que cette célèbre famille patricienne posséda jusqu’au début du XVIIe. L’enlèvement du crépi de la façade sud, sur la rue de l’Écharpe, a fait apparaître intégralement un grand arc de brique dont on apercevait naguère le départ, mais le filet de protection de l’échafaudage ne permet guère d’en voir davantage. Guy Ahlsell de Toulza précise que cet arc, très vraisemblablement médiéval, est en plein cintre. Il y a malheureusement toute apparence que la façade en question sera prochainement à nouveau enduite.

On cite encore une décision de Justice placardée sur le portail du n° 8 de la rue la Trinité : un jugement de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, en date du 19 décembre 2002, annule d’une part un jugement du Tribunal administratif de Toulouse, du 5 novembre 1998, d’autre part un arrêté du maire de Toulouse, du 25 juillet 1995, lequel refusait d’accorder un permis de construire modificatif se rapportant à la création de quatre fenêtres sur la cour intérieure ainsi qu’à la transformation de la toiture. Dans cette affaire, il paraît étonnant que ne soit pas évoqué le « Secteur sauvegardé » dans le périmètre duquel l’immeuble se trouverait pourtant situé. La discussion qui s’engage entre plusieurs membres fait apparaître qu’il n’existe pas à Toulouse de « Secteur sauvegardé », le projet publié dans les années 1970 n’ayant jamais été ratifié. On s’interroge sur l’opportunité d’adresser à la Ville de Toulouse un courrier visant à clarifier ce point.

Des indications sont données sur les travaux en cours dans les bâtiments et la cour de l’ancien collège de l’Esquile : les planchers des étages du long bâtiment en façade sur la rue des Lois ont été détruits et remplacés par des plateaux en béton, l’arcature d’ordre toscan élevée au XVIIe siècle sur le côté ouest de la cour intérieure vient d’être rouverte et il apparaît que le niveau du sol de cette cour avait été par la suite considérablement surhaussé. On déplore n'avoir eu aucune information sur le projet que l’État fait exécuter dans un bâtiment important, tout à la fois connu et méconnu, qui n’aura pas été davantage étudié que l’ancien collège de Périgord.
            Dans le même ordre d’idées est cité le cas de l’ancienne maison des Théatins (rue du lieutenant-colonel Pélissier), dont la façade vient d’être badigeonnée à l’italienne, fraise et vanille, dans le goût de l’Architecte des Bâtiments de France. Il est souligné qu’une fois encore, les dispositions intérieures du bâtiment ont été sacrifiées, selon la logique d’un « façadisme » dont, ailleurs qu’à Toulouse, on commence à refuser les effets pervers.

 

SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 2003

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Napoléone, Watin-Grandchamp, M. l’abbé Baccrabère, le Père Montagnes, MM. Bordes, Testard, membres titulaires ; Mmes Bayle, Fronton-Wessel, Suau, MM. Balagna, Burroni, Cranga, Laurière, Rebière, Stouffs, membres correspondants.
Excusés : MM. Cazes, Directeur, Scellès, Secrétaire général ; Mme Cazes, M. Hermet.
Invités : Mme Cranga, M. Jean-Pierre Amalric, Président de la Fédération historique de Midi-Pyrénées.

La Présidente ouvre la séance à 17 h et commence par rendre compte de la correspondance manuscrite. Celle-ci comprend en particulier :

- le programme annoncé pour la « 2e rencontre Pierre de Fermat », qui doit se tenir à l’Hôtel d’Assézat le 21 janvier 2004 ;
        - une lettre de Mme Hélène Guiraud, professeur d’Histoire antique à l’Université de Toulouse-Le Mirail, qui remercie notre Compagnie de lui avoir permis d’utiliser ses locaux.


M.S.A.M.F., t. LXIV, p. 240

La Présidente présente ensuite une série de travaux dont notre confrère Raymond Laurière nous fait l’hommage pour notre bibliothèque. Au nom de la Compagnie, la Présidente remercie notre confrère.

Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 2 décembre 2003, qui est adopté. À propos de l’immeuble en façade sur la rue de l’Écharpe (n° 1 bis), Patrice Cabau annonce que, comme on pouvait le craindre, le crépissage a fait disparaître les traces archéologiques naguère visibles au niveau du premier étage, et Guy Ahlsell de Toulza signale qu’en revanche, au rez-de-chaussée, l’arc en pierre et brique alternées d’un portail muré datable du XVIIe siècle a été laissé apparent.

La Présidente donne la parole à Yves Cranga et à son épouse pour la principale communication du jour, intitulée Le parc du château de Pompignan (Tarn-et-Garonne) : état des recherches, publiée dans ce volume (t. LXIV, 2004) de nos Mémoires.

Michèle Pradalier-Schlumberger remercie les intervenants pour leur présentation très réussie : à partir de l’étude d’un parc se révèle tout un art de vivre, celui du XVIIIe siècle finissant. Invité à réagir, Jean-Pierre Amalric s’intéresse au problème posé par l’attribution des fabriques du parc soit au marquis de Pompignan, décédé en 1784, soit à son fils. Au sujet du père, il évoque une personnalité complexe, un homme à double visage, aux dehors affables mais avec un côté inquiétant. Ainsi voit-on le marquis se comporter en bienfaiteur des paysans et les poursuivre dans de rudes procès.
            Yves Cranga souligne tout l’intérêt qu’il y a à croiser les perspectives sur le personnage, son œuvre, son château et son parc ; il dit avoir ainsi formé, avec le propriétaire actuel du château, le projet d’un colloque consacré à une approche multiple. Concernant le parc, M. Cranga insiste sur le fait qu’il s’agit d’une superposition de strates, d’une addition diffuse et confuse d’états successifs réalisée sur une longue période, entre le milieu du XVIIIe siècle et celui du XIXe, au cours de laquelle les fabriques furent appropriées à des discours divers.
            Jean-Louis Rebière se fait confirmer que la « chapelle gothique » actuelle n’est autre que le noyau de l’ancien « temple gaulois », puis il relève le caractère « très parisien » du parc, l’aspect « très moderne » du château, son allure de « château russe ». Très cohérent, jusqu’au mobilier de style « retour d’Égypte », l’ensemble lui paraît s’inscrire dans les toutes dernières décennies du XVIIIe siècle et devoir être ainsi attribué au fils plutôt qu’au père.
            La discussion porte ensuite sur la protection du site, aujourd’hui altéré par la « banlieurisation », c’est-à-dire la multiplication des constructions et des « animations ».
            Louis Latour signale l’existence dans la région de Toulouse d’un autre parc intéressant, celui du Secourieu, près de Cintegabelle, que M. et Mme Cranga connaissent effectivement.

La parole est ensuite à Raymond Laurière pour une communication brève : À propos d’une peinture murale civile gothique de Villefranche-de-Rouergue, problèmes iconographiques

« À l’occasion, en 1986, d’un réaménagement intérieur total d’une des plus anciennes maisons bourgeoises du centre ville, une peinture murale a été mise en évidence. Elle occupait un mur de séparation entre deux pièces, mur voué à la démolition immédiate dans le cadre des travaux prévus. L’urgence de ces travaux n’a permis qu’un examen dans des conditions précaires d’éclairage, un relevé photographique et la dépose partielle. Les fragments déposés sont conservés au siège de la Société archéologique de Villefranche. Nicole Fayel a consacré une notice à cette peinture dans Les peintures murales du diocèse de Rodez, mémoire de maîtrise sous la direction de Michèle Pradalier-Schlumberger, Université de Toulouse-Le Mirail, 1988, p. 113-116. 
            Des aménagements multiples depuis sa réalisation (percements de portes et de placards, abaissement du plafond), ne permettent pas une lecture iconographique d’ensemble cohérente d’autant qu’il semble qu’il y ait eu deux campagnes successives aboutissant à deux décors superposés. On doit se contenter d’images certes fragmentaires mais fort intéressantes.

Sur un semis de croix cantonnées de points ocre ou manganèse, on reconnaît essentiellement deux scènes. En haut un affrontement de cavaliers (dont on ne voit que la partie inférieure) évoque une classique scène de tournoi ; en bas un personnage féminin, d’une réelle beauté, ostensiblement couronné, est vêtu d’une robe simple avec surcots. Les bras sont ouverts à l’horizontale et portent, à droite un faucon dont on n’aperçoit que le bec, à gauche un animal fièrement campé sur ses pattes arrière, qui porte un bâton rectiligne et qui file quenouille. Bien que le dessin soit assez “rustique” on peut reconnaître dans cet animal une levrette. 


M.S.A.M.F., t. LXIV, p. 241

 

VILLEFRANCHE-DE-ROUERGUE, PEINTURE MURALE, ensemble du décor mis au jour en 1986. 

VILLEFRANCHE-DE-ROUERGUE, PEINTURE MURALE, détail : vestige d'un cavalier et écu dans un quadrilobe. 

VILLEFRANCHE-DE-ROUERGUE, PEINTURE MURALE, détail : personnage féminin couronné et levrette. 

VILLEFRANCHE-DE-ROUERGUE, PEINTURE MURALE, détail : frise d'écus dans des quadrilobes. 

En dehors de ces deux éléments, le décor comporte quelques rinceaux et des armoiries (non identifiées) dans des quadrilobes.

On peut avancer comme datation la période du troisième quart du XIVe siècle. Mais la question est de savoir si ce personnage féminin qui, grâce surtout à la couronne, paraît de haute lignée, peut recevoir une identité. Certes une représentation symbolique est possible dans le contexte courtois de l’époque. Mais pourquoi ne pas voir une allusion directe à un personnage ayant existé ? À cette époque Villefranche est sous occupation anglaise et l’on sait que des responsables anglais ont été hébergés dans la ville dans des maisons bourgeoises. Par ailleurs, la création de la ville s’est faite dans la lignée comtale toulousaine.
            Comme identification du personnage, on pourrait proposer Jeanne, fille d’Aliénor d’Aquitaine et épouse du comte de Toulouse Raymond VI, et pourquoi pas Aliénor elle-même ? Son sceau est très semblable… la quenouille, la couronne de duchesse… un certain nombre d’arguments ne permettent pas d’éliminer formellement cette proposition.

Raymond LAURIÈRE »

La Présidente remercie M. Laurière pour son exposé, puis elle fait appel aux questions de l’assemblée.
            On regrette en premier lieu que cette opération de sauvetage hasardeuse ait conduit à une destruction. La dépose


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de cette peinture murale aurait dû être confiée à des spécialistes maîtrisant l’ensemble du processus, et capables de réaliser au préalable une couverture photographique.
            S’agissant des décors perceptibles sur les clichés présentés, M. Rebière fait observer que deux sujets se superposent en décalage et qu’ils sont donc sans rapport du point de vue de leur signification. Pour la partie haute, dans la scène figurant des cavaliers, il paraît primordial d’étudier les vestiges d’armoiries, car celles-ci pourraient permettre d’identifier les propriétaires de la maison. Dominique Watin-Grandchamp abonde en ce sens et l’on évoque les décors héraldiques analogues connus à Avignon, Périgueux, Gaillac, Vielmur, etc.
            Raymond Laurière se montre persuadé de l’importance des éléments héraldiques ; il redit qu’aucun des spécialistes qu’il a consultés n’est parvenu à les attribuer. Quant à l’opération de dépose à laquelle il a cru devoir et pouvoir procéder, il déclare s’être conformé aux indications communiquées par le spécialiste à qui des autorités lui avaient recommandé de s’adresser.
            Pour ce qui est de la scène représentée en partie basse, une reine filant quenouille, Jean-Louis Rebière, Olivier Testard et Dominique Watin-Grandchamp font observer qu’elle a une connotation satirique très éloignée du sujet héraldique. M. Rebière note que la couronne orfévrée à trois fleurons est de type royal et que le personnage représenté apparaît comme l’allégorie d’une reine en général, qu’il est inutile de chercher à identifier. Guy Ahlsell de Toulza évoque également une allégorie de Vertu, telle la Charité. Avec Anne-Laure Napoléone, il rapproche cette figure de celle du roi d’armes paraissant sur la peinture de la maison Lobios, à Moissac, qui nous a été présentée par Virginie Czerniak (M.S.A.M.F., t. LXII, 2002, p. 255-259).

 

SÉANCE DU 6 JANVIER 2004

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mme Napoléone, M. Bordes, le Père Montagnes, MM. Peyrusse, Prin, Roquebert, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Bayle, Fournié, Stutz, MM. Ginesty, Gironnet, Manuel, membres correspondants.
Excusée : Mme Cazes.
Invitée : Mlle Géraldine Cazals.

La Présidente ouvre la séance en souhaitant que cette nouvelle année soit pour tous une année heureuse tant sur le plan personnel que scientifique.
            La Présidente informe la Compagnie du décès de Me Viala, membre de l’Académie des Jeux Floraux et Président de l’Union des Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat. Elle rappelle l’action particulièrement importante de Me Viala tout au long des négociations menées lors de l’installation dans l’Hôtel d’Assézat de la Fondation Bemberg et l’efficacité avec laquelle il a toujours su défendre les intérêts des académies et sociétés savantes.
            La lecture du procès-verbal de la séance du 16 décembre est reportée. La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite, qui compte des cartes de vœux, le programme du colloque organisé par l’Association Française pour l’Étude de l’Âge du Fer, qui se tiendra à Toulouse les 20-23 mai 2004, et le compte rendu de l’assemblée générale de la Fédération Historique de Midi-Pyrénées.

Avant de donner la parole à Bruno Tollon et Henri Ginesty pour la communication du jour : Guillaume de La Perrière et la publication des Annales de Foix en 1539, la Présidente présente à la Compagnie notre invitée pour cette séance, Mlle Géraldine Cazals, auteur d’une récente thèse de droit consacrée à Guillaume de La Perrière.

La Présidente remercie nos deux confrères de nous avoir présenté ce travail original sur Guillaume de La Perrière et demande si d’autres contrats de fabrication de livres sont connus. Bruno Tollon croit pouvoir affirmer que de tels contrats sont rares et que celui-ci est en outre exceptionnel par les précisions qu’il contient.
         Ayant relevé que Guillaume de La Perrière serait le premier collectionneur attesté de médailles antiques, Louis Peyrusse remarque que le graphisme très archaïque des médaillons reproduits dans l’ouvrage les rapproche cependant plus des médaillons sculptés. Est-il possible de proposer d’autres comparaisons ? Bruno Tollon regrette que le défaut de diapositives ne lui ait pas permis de développer cet aspect comme il l’avait prévu, et il acquiesce au propos de Louis Peyrusse, reconnaissant avec lui un dessin très stéréotypé, que l’on retrouve d’ailleurs dans d’autres ouvrages contemporains. Parmi les acquisitions de la Bibliothèque municipale de Toulouse de ces dernières décennies figure un livre imprimé à Lyon à 1505 qui présente des médaillons rectangulaires dans des marges très larges et la


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formulation des personnages se trouve déjà dans le Calendrier des Bergers. Il n’y a donc rien de neuf, même si, comme l’a supposé Mlle Cazals, Guillaume de La Perrière a lui-même dirigé le travail.
         Géraldine Cazals se dit convaincue par les arguments présentés, tout en rappelant que, n’étant pas historienne de l’art, c’est une question qu’elle ne s’est pas posée. Elle peut en revanche affirmer que de La Perrière était collectionneur de médailles, mais elle ne croit pas non plus qu’il ait été le premier collectionneur toulousain : l’ouvrage de Guillaume Budé publié en 1520 ou ceux de Jean de Pins ont eu un grand succès chez les gens de justice ; le mouvement d’intérêt des intellectuels pour les monnaies antiques a sans doute été bien antérieur à ce que l’on croyait.
         François Bordes rappelle que le deuxième livre des Annales manuscrites de Toulouse comporte des médaillons qui sont dans cet esprit. Patrice Cabau pense que l’intérêt pour les médailles antiques traverse l’Histoire et que des collections ont dû exister à peu près à toutes les époques.
         Mme Bayle fait remarquer que certains des personnages arborent des armures de fantaisie ou de parade, et Daniel Cazes évoque celles que fabriquent alors les grands armuriers d’Allemagne et d’Autriche.
         Louis Peyrusse dit avoir l’impression que l’on a économisé sur l’illustration. Henri Ginesty précise qu’il n’est fait aucune mention de l’illustration de l’ouvrage dans le contrat. Il faut donc penser qu’elle a été payée par Guillaume de La Perrière. Il ajoute que l’on peut se demander si un ouvrage ancien qui aurait été conservé dans les archives de Foix a pu servir de modèle. Géraldine Cazals précise que l’on a deux traditions manuscrites de l’histoire du comté de Foix. Celle qui a inspiré Guillaume de La Perrière vient clairement d’un manuscrit religieux dû à Miègeville. Concernant les bois gravés, elle se demande si l’imprimeur n’avait pas intérêt à les conserver. Henri Ginesty affirme que le contrat parle des moles, c’est-à-dire des caractères de plomb, mais qu’il ne dit rien des bois des illustrations. Mme Bayle rappelle que l’on peut aussi avoir affaire à des bois récupérés. Pour Géraldine Cazals, il semble qu’il n’y ait aucun doute sur le fait que de La Perrière ait lui-même dessiné les illustrations de tous ses ouvrages.
         Patrice Cabau l’interroge sur la valeur historique des Annales de Foix. Géraldine Cazals dit qu’il s’agit d’un bon livre même s’il a assez peu d’intérêt aujourd’hui pour l’histoire du comté de Foix. Il transcrit en partie un texte en langue béarnaise enrichi d’autres lectures. Guillaume de La Perrière s’excuse d’ailleurs de l’avoir arrêté à la fin du XVe siècle. L’ouvrage de Bertrand Élie, publié l’année suivante et qui couvre le début du XVIe siècle, aura plus de succès. Il n’en demeure pas moins que Montaigne fait référence à Guillaume de La Perrière et que ses Annales de Foix sont encore citées au XVIIe siècle. On le cite également du point de vue de l’histoire politique, l’ouvrage étant en effet précédé d’une copieuse épître à Marguerite de Navarre avec des considérations sur le bon gouvernement, la tyrannie, etc., en rapport avec les démêlés de l’auteur avec l’entourage de la reine.
         Patrice Cabau demande quelle est la relation entre Guillaume de La Perrière et Nicolas Bertrand. Géraldine Cazals dit qu’il n’y a pas entre eux de relation familiale. Guillaume de La Perrière intervient dans la traduction de l’ouvrage de Nicolas Bertrand par amitié pour le neveu d’Antoine Noguier, un compagnon d’études, mais il est également possible qu’il ait été l’élève de Nicolas Bertrand. Patrice Cabau fait remarquer que très tôt, en 1515, Nicolas Bertrand fait dialoguer le texte et l’image.
         Louis Peyrusse demande comment s’inscrit ce « coup éditorial » dans la carrière de Guillaume de La Perrière. Pour Géraldine Cazals, cette affaire est marginale dans l’activité de ce polygraphe.
         Patrick Gironnet est frappé par la précision des références architecturales que montre en particulier l’illustration du frontispice. Il rappelle que les livres sont chers et qu’ils se transmettent de génération en génération, fournissant des modèles aux maîtres d’œuvre. Ainsi le château du Masnau-Massuguiès, dans le Tarn, est-il construit au début du XVIIe siècle dans un esprit qui est celui des années 1530-1540. Bruno Tollon souligne les parallèles qui peuvent être établis dans la composition et la perspective entre l’art du dessin et celui de l’architecture. Patrick Gironnet note que ces gravures sont à même de guider les restaurateurs d’aujourd’hui.
         François Bordes voudrait savoir si les attributs des personnages représentés sont répétés de façon aléatoire ou s’ils sont censés correspondre à des personnalités. Pour Bruno Tollon, ils ne sont que des stéréotypes de l’autorité. Géraldine Cazals dit que les attributs ne reviennent pas en effet dans le même ordre et elle s’interroge sur le choix du type de portrait et sa relation avec le texte qui l’accompagne. Bruno Tollon signale que l’un des grands intérêts de l’exposition en préparation sera de présenter un grand in-folio antérieur à 1500 comptant des pages à cinq ou six vignettes.

La Présidente remercie tous les intervenants, et plus particulièrement Mlle Géraldine Cazals, disant que l’on attend avec intérêt la publication de sa thèse.

Au titre des questions diverses, le Bibliothécaire-archiviste présente deux ouvrages offerts par des membres de la Compagnie et qui viennent d’être reliés. Chacun peut ainsi constater que les dons qui sont faits à notre bibliothèque sont précieusement « thésaurisés », pour le plus grand bonheur des chercheurs d’aujourd’hui et de demain.


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SÉANCE DU 20 JANVIER 2004

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Napoléone, Noé-Dufour, M. Lassure, Mgr Rocacher, M. Testard, membres titulaires ; Mmes Bayle, Fronton-Wessel, MM. Garland, Ginesty, Manuel, membres correspondants.
Excusée : Mme Fournié.

La Présidente ouvre la séance en regrettant une assistance peu nombreuse, sans doute en raison du mauvais temps, puis elle annonce les modifications de calendrier affectant les prochaines séances : l’assemblé générale a été reportée à la séance du 24 février et la visite de l’exposition « Périple méditerranéen. Antiquités d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient » du Musée Saint-Raymond aura lieu le mardi 23 mars, en sus des séances ordinaires.
         Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 16 décembre 2003, qui est adopté après deux corrections.
         Mgr Rocacher demande s’il est envisagé d’inscrire au programme une visite du très important chantier de fouilles de l’Hôtel Saint-Jean. La Présidente pense que Nelly Pousthomis-Dalle pourrait sans doute l’organiser. Le Secrétaire général croit savoir qu’une journée porte ouverte est prévue prochainement sur le site, ce que confirment le Directeur et Annie Noé-Dufour.

De nombreux dons viennent enrichir notre bibliothèque :

- Jeanne Bayle, Les églises de Vals en Ariège, tiré-à-part du Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1980, p. 89-91 (don de l’auteur) ;
- Jeanne Bayle, Histoire et archéologie à Saint-Volusien de Foix. Bref essai de chronologie, tiré-à-part du Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, t. XXIII (1967), p. 5-16 (don de l’auteur) ;
- Jeanne Bayle, La Mise au tombeau de Foix, œuvre d’Auguste Virebent, tiré-à-part du Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1991, p. 107-125 (don de l’auteur) ;
- Jeanne Bayle, L’église de Lézat (Ariège), tiré-à-part du Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, t. XXII (1966), p. 1-8 (don de l’auteur) ;
- Jeanne Bayle, Le sculpteur Pierre Cailhive, tiré-à-part du Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1995, p. 117-133 (don de l’auteur) ;
- Jeanne Bayle, Chapiteaux dispersés des églises détruites de Pamiers, tiré-à-part du Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1982, p. 37-54 (don de l’auteur) ;
- Jeanne Bayle, Le château de Longpré, tiré-à-part du Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1986, p. 5-22 (don de l’auteur) ;
- Jeanne Bayle, L’industrie dans la région de Mirepoix au XVIe siècle, tiré-à-part du Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1999, p. 111-135 (don de l’auteur) ;
- Jeanne Bayle, Art et archéologie dans le canton de La Bastide-de-Sérou, tiré-à-part du Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1976, p. 233-272 (don de l’auteur) ;
- Jeanne Bayle, Archéologie du canton de Varilhes tiré-à-part du Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, t. XXVI (1970-1971), p. 69-117 (don de l’auteur) ;
- Jeanne Bayle, Le château de Montaillou en 1415, tiré-à-part du Colloque de Montaillou (25-27 août 2000), sous la direction d’E. Le Roy Ladurie, p. 75-85 (don de l’auteur) ;
- Geneviève Sendrail, Philippe Durand, Guide du haut Salat, Saint-Girons, 1981, 238 p. (don de l’auteur) ;
- Geneviève Durand-Sendrail, Huit siècles d’histoire à Salau, Association pour la reconstruction de l’église de Salau, 1992, 59 p. (don de l’auteur) ;
- Geneviève Durand-Sendrail, Clermont-le-Fort à travers les âges, Les Amis de Clermont-le-Fort, multigraphié, 33 p. (don de l’auteur) ;
- Geneviève Durand-Sendrail, L’église de Salau et la commanderie des chevaliers hospitaliers, Association pour la vie de Notre-Dame de Salau, 2003, 43 p. (don de l’auteur) ;
- Du Gothique à la Renaissance. Actes du colloque de Viviers (20-23 septembre 2001), II. L'introduction de la Renaissance en Vivarais et Dauphiné (1520-1550) sous la direction d'Yves Esquieu, (Revue du Vivarais, t. CVII, n° 1, janvier-mars 2003, fasc. 753), 248 p. (don d’Yves Esquieu) ; 
- Du gothique à la Renaissance, architecture et décor en France 1470-1550, textes réunis par Y. Esquieu, Actes


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du colloque de Viviers (20-23 septembre 2001), Aix-en-Provence, Publications de l'Université de Provence, 2003, 318 p. (don d’Yves Esquieu). 

Au nom de la Société, la Présidente remercie les donateurs en soulignant combien sont en particulier précieux pour notre bibliothèque les tirés-à-part et ouvrages qui resteraient sinon peu accessibles.

L’ordre du jour appelle l’élection d’un membre libre, de deux membres honoraires et d’un membre titulaire : M. Gillis est élu membre libre, MM. Blaquière et Manière sont élus membres honoraires, Mme Suau est élue membre titulaire.

La parole est à Jean-Michel Lassure pour une communication consacrée au Bilan de trois années de recherches sur le village potier de Cox, publiée dans ce volume (t. LXIV, 2004) de nos Mémoires.

La Présidente remercie Jean-Michel Lassure en affirmant que sa communication n’a pas paru trop longue tant elle a été passionnante, nous apportant nombre d’éléments nouveaux et la primeur d’une recherche en cours. Elle lui demande si certains des sites de Cox sont protégés au titre des Monuments historiques, ou s’il en est qui pourraient l’être et pour lesquels ce serait envisagé. Jean-Michel Lassure cite en particulier les maisons Laballe et Laffont ; le propriétaire de cette dernière a beaucoup de mal à entretenir les 450 m2 de toiture. Il est probable que les ateliers et fabriques encore conservés disparaîtront ou seront transformés au cours des dix prochaines années.
         La Présidente l’ayant interrogé sur la commercialisation des poteries de Cox, comparée à celle des productions de Giroussens, Jean-Michel Lassure indique qu’il s’agissait surtout d’une vente indirecte, le transport s’effectuant par voitures sur les foires et les marchés de la région, jusque dans le Val d’Aran. Leur diffusion peut même aller jusqu’à Bordeaux. Guy Ahlsell de Toulza rappelle que la commercialisation des productions de Giroussens fait également appel au transport terrestre par voiture, mais qu’elle utilise surtout la batellerie. Il signale qu’une terre cuite de Giroussens a d’ailleurs été retrouvée sur le site d’une abbaye vendéenne abandonnée en 1717. Les productions de Cox et de Giroussens paraissent complémentaires. Jean-Michel Lassure note que les poteries de Cox sont bien représentées dans les fouilles préventives réalisées à Toulouse, alors que celles de Giroussens y sont rares.
         Guy Ahlsell de Toulza fait remarquer que Cox a conservé ses fours, ce qui n’est pas le cas de Giroussens, pour lequel il faut souhaiter un travail semblable à celui qui a été réalisé par notre confrère. Jean-Michel Lassure affirme qu’il est toujours possible de retrouver en fouille les parties enterrées des fours, à la condition bien sûr que des fouilles archéologiques soient possibles. Il signale par ailleurs que Séverine Jarland a l’intention d’engager une recherche sur la commercialisation des productions de Cox et de Giroussens.
         On voudrait savoir si le musée de Cox qui a été évoqué est propriété communale ou privée. Jean-Michel Lassure dit qu’il s’agit d’une structure associative. La situation est en fait complexe : il y a eu des velléités de protection au titre des Monuments historiques, soutenues par le conseiller à l’ethnologie de la DRAC, mais l’une des manufactures appartenait au maire de l’époque. Il semble cependant que la fabrique Laballe, où est installé le musée, soit protégée au titre des Monuments historiques. Jean-Michel Lassure précise que la municipalité de Cox n’est pas favorable à des mesures de conservation préventives, d’autant que la zone où sont réalisées les fouilles est en cours de construction. Cox est très bien situé, pas très loin de Toulouse et sur une route en bon état, et son inévitable urbanisation entraînera la destruction des manufactures encore conservées. On fait observer qu’il serait pourtant possible de renforcer le musée et d’en faire le centre d’une opération de sauvegarde. Guy Ahlsell de Toulza souligne que la manufacture Laballe est si bien conservée que l’on a l’impression de retrouver intact un état du XVIIe ou XVIIIe siècle ; M. Picard a pu réunir de nombreuses pièces, dont certaines du XVIe siècle, qui font de ce musée un ensemble tout à fait passionnant, mais c’est aujourd’hui un homme âgé. Qu’adviendra-t-il des collections et de la documentation ? Certains départements se sont dotés d’un conservateur départemental, mais pas la Haute-Garonne. On regarderait volontiers du côté de la Région, et on ajoute que le travail scientifique tout à fait remarquable de Jean-Michel Lassure demanderait à être suivi d’une mise en valeur.
         Répondant à une question d’Annie Noé-Dufour, Jean-Michel Lassure confirme qu’en raison de la taille très réduite de Cox, les recherches ont tout naturellement touché les villages voisins. Dominique Watin-Grandchamp souligne la permanence assez exceptionnelle de l’activité sur le site et demande si l’on y connaît des dynasties de potiers. Jean-Michel Lassure explique que des bancs d’argile peu profonds et abondants ont favorisé l’installation des potiers qui ont pu utiliser, dès le début de leur activité et pendant plus d’un siècle, une pâte blanche. Quant aux dynasties de potiers, elles ne sont pas connues, faute de recherches d’archives semblables à celles qui sont menées pour Giroussens.


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Au titre des questions diverses, la Présidente donne lecture d’un courrier qui nous a été adressé pour attirer notre attention sur l’état de l’ancien Hôtel du marquis de Castellane, rue Croix-Baragnon. Guy Ahlsell de Toulza dit qu’il faudrait en effet protéger les parties les plus importantes de l’Hôtel, qui est dans un état de décrépitude avancé, mais il ajoute qu’on ne sait rien des décors intérieurs. Une discussion s’ensuit sur les effets et les intérêts respectifs du « secteur sauvegardé » et de l’inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Après avoir rappelé qu’une protection au titre des Monuments historiques est inutile sans la volonté de faire des travaux, on souligne qu’il faudrait, avant toute autre démarche, prendre contact avec les propriétaires. 

La Présidente donne ensuite lecture de la réponse que le Ministre de la Culture a faite à M. Lucien Remplon, Président des Toulousains de Toulouse, à propos des travaux dans les bâtiments de l’ancien collège de Périgord et la tour Maurand. La Compagnie est unanimement favorable à la publication de cette lettre si M. Remplon en est d’accord. La Présidente rend alors compte à la Compagnie de son entrevue du 14 janvier avec le nouveau Directeur régional des Affaires culturelles. Plusieurs membres déplorent que nous soyons les seuls à avoir une conception archéologique de la restauration. On évoque le projet d’étude des maisons en pan-de-bois de Toulouse, en signalant que deux de ces maisons situées rue des Couteliers viennent de faire l’objet de relevés en élévation et de fouilles archéologiques, ce qui n’a pas empêché l’entrepreneur de détruire l’arc de la porte.
         On constate que la seule commune de Toulouse compte 12000 ha et qu’il faut y ajouter les milliers d’hectares soumis à une urbanisation qui constituent de fait l’ensemble de l’agglomération (englobant par exemple la commune de Cox). La réflexion devrait porter sur ce que l’on veut et ce que l’on doit conserver du patrimoine dans l’ensemble de ce vaste territoire, en s’interrogeant sur la qualification et l’utilisation des bâtiments. Ainsi pourrait-on concevoir qu’un édifice comme l’ancien Hôtel du marquis de Castellane devienne le siège d’une entreprise dans une agglomération dynamique. De la même manière, l’aménagement de l’ensemble du site de Cox devrait être intégré dans une réflexion globale à l’échelle de l’agglomération toulousaine des vingt ans à venir. Tout le travail accompli par Jean-Michel Lassure est très intéressant, mais qu’en fait-on ?
         Plusieurs membres évoquent la vente prochaine de l’hôpital de La Grave, dont seulement une petite partie est protégée au titre des Monuments historiques, et l’on note que c’est encore là le type d’édifice dont la réaffectation devrait être raisonnée au niveau de l’agglomération. On fait remarquer que les interventions de la Ville, de la Région et de la DRAC se limitent à du coup par coup et qu’il serait nécessaire de comparer ce qui se fait à Toulouse avec la pratique d’autres grandes villes européennes dont les projets urbains intègrent la dimension patrimoniale. Pourquoi ne serait-il pas possible de faire la même chose chez nous ? Les recherches réalisées ne débouchent jamais sur une prise en compte du patrimoine ainsi révélé. Il faudrait sans doute sensibiliser la population par la presse. On cite encore l’exemple de la place extérieure Saint-Cyprien, et le procès gagné par une Toulousaine qui retardera un peu la destruction de l’ancien entrepôt de vins au port Saint-Sauveur, mais sur des arguments de pure forme juridique. C’est pourtant tout ce qui subsiste des équipements portuaires de Toulouse, tout le reste ayant été détruit ou presque.

Patrice Cabau signale l’article consacré à l’« Hôtel Duranti », nos 4-8 rue du Lieutenant-Colonel-Pélissier, dans le dernier numéro de Capitole infos (n° 143, décembre 2003, p. 20), en relevant une erreur qui, après bien d’autres, révèle une méconnaissance complète de l’histoire et des monuments de la ville. Le bâtiment, propriété de la Ville, vient d’être « totalement réhabilité et rénové » pour héberger des services publics et des associations. La légende des photographies le présente comme « un ancien bâtiment religieux du XVIIe siècle » et un cliché reproduit l’inscription apposée par le Syndicat d’initiative en 1946 : « Commanderie de Saint Antoine du T par Jean-Pierre Rivalz XVIIe siècle ». Il s’agit effectivement de l’ancienne commanderie de Saint-Antoine de Viennois, qui abrita de 1621 à 1790 des clercs réguliers appartenant à la Congrégation des Théatins. L’ordonnance majestueuse du bâtiment en façade sur la rue, élevé de 1695 à 1702, où alternent des frontons triangulaires et curvilignes, est attribuée à l’architecte Jean-Pierre Rivalz, qui introduisit à Toulouse (Hôtel de Malte, n° 32 rue de la Dalbade) le grand style romain du palais Chigi. La Mairie de Toulouse confond ce bâtiment religieux avec l’Hôtel particulier situé de l’autre côté de la rue (n° 3), qui fut édifié pour les présidents au Parlement Jean Étienne Duranti (+ 1589) et François de Rességuier (fin XVIe-XVIIIe s.) et presque complètement détruite à la fin des années 1950 pour la construction des « Nouvelles Galeries » : il n’en subsiste que la façade sur rue.


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SÉANCE DU 3 FÉVRIER 2004

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Napoléone, Watin-Grandchamp, M. Bordes, le Père Montagnes, MM. Peyrusse, Pradalier, Prin, Mgr Rocacher, MM. Roquebert, Vézian, membres titulaires ; Mmes Bayle, Conan, Félix-Kerbrat, Pousthomis-Dalle, Noé-Dufour, MM. Balagna, Manuel, Stouffs, membres correspondants.
Excusés : MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mmes Cazes, Fournié, Marin.

La Présidente ouvre la séance à 17 heures. La parole est au Secrétaire général pour la lecture du procès-verbal de la séance du 6 janvier, qui est adopté après de menues corrections.

Michèle Pradalier-Schlumberger rappelle le calendrier des prochaines réunions. S’agissant du concours, trois candidats ont présenté leurs travaux : 

- Mlle Karine Madiès, une thèse d’histoire de l’art intitulée Les clochers « limousins » : origine, filiation et signification liturgique, soutenue en septembre 2003 à l’Université de Toulouse II-Le Mirail ;
- Mlle Géraldine Cazals, une thèse de doctorat d’histoire du droit consacrée à Guillaume de La Perrière (1499-1554) - Un humaniste à l’étude du politique, soutenue en décembre 2003 à l’Université des Sciences sociales-Toulouse I ;
- M. Jean-Claude Carsalade, un mémoire portant inventaire des statues médiévales de La Vierge dans l’ancien évêché du Comminges.

La Présidente annonce la récente élection, en date du 27 janvier, de notre confrère Henri Pradalier à la Présidence de l’Union des Six Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat – qu’il ne faut pas confondre avec l’Association des Amis de l’Hôtel d’Assézat. La Présidente rappelle que cette Union a été créée à l’occasion de l’installation de la Fondation Bemberg dans l’Hôtel, afin notamment de représenter les Six Académies et Sociétés savantes auprès de la Ville de Toulouse. Son Conseil d’administration comprend douze membres, chaque Académie étant représentée par deux délégués désignés. L’Union a été présidée successivement par MM. Jean-Charles-Auvergnat, Jean Sermet, Lucien Remplon et Albert Viala. Le Bureau qui vient d’être renouvelé est formé de M. Henri Pradalier, Président, Mme Lise Enjalbert, Vice-Présidente, MM. Lucien Remplon, Vice-Président, Paul Féron, Secrétaire, Mme Arlet-Suau, Secrétaire-adjoint, MM. Pierre-Yves Péchoux, Trésorier, Guy Ahlsell de Toulza, Trésorier-adjoint. On fait observer qu’il y a tout lieu de se réjouir de l’élection comme Président de l’Union du membre le plus jeune de ce nouveau Bureau. L’Union a la charge des problèmes matériels inhérents à la gestion de l’Hôtel, en particulier de l’affectation de la Salle Clémence-Isaure. Il est indiqué à ce propos que l’utilisation des locaux de l’Hôtel pour les soutenances de thèses, consécutivement à l’explosion de l’usine AZF, a pris fin le 1er février dernier. 
            L’Union a aussi pour rôle de financer des projets communs, telle la mise en réseau des bibliothèques. Louis Latour s’étant enquis de la consistance du budget de l’Union, Louis Peyrusse explique que celui-ci est alimenté par les cotisations des six Académies et Sociétés savantes, par des subventions allouées par la Ville de Toulouse, ainsi que par un reliquat résultant d’une manifestation organisée par le passé. 

La parole est à M. Christophe Balagna pour la communication du jour, intitulée Le monastère prémontré de La Case-Dieu, publiée dans ce volume (t. LXIV, 2004) de nos Mémoires.

La Présidente remercie notre collègue. Elle le félicite pour son exposé, qui révèle un édifice jusqu’ici quasi inconnu, et pour sa recherche, qui rapproche utilement des éléments lapidaires dispersés et fait apparaître des problèmes intéressants pour l’étude de la sculpture monumentale du Moyen Âge central.
         Michèle Pradalier-Schlumberger lui ayant demandé s’il existe en Gascogne d’autres exemples de piédroits de portail portant un décor de bâtons brisés, Christophe Balagna répond par la négative. Mme Pradalier-Schlumberger s’intéresse ensuite aux bases remployées sur le côté gauche de la façade ouest de l’église de Marciac et qui portent un cordon tressé ; on s’accorde sur la rareté de ce motif. Puis la discussion porte sur des problèmes de terminologie, certaines sculptures paraissant devoir être qualifiée de « prégothiques » plutôt que de « romanes », et l’on évoque à ce sujet le portail occidental de l’église des Jacobins de Toulouse, datable au plus tôt de 1234.
         Mme Pradalier-Schlumberger souligne la pertinence des rapprochements faits à propos de la série des chapiteaux des XIIIe-XIVe siècles, qui, comme ceux du cloître des Jacobins de Toulouse ou les chapiteaux de Rieux conservés au musée des Augustins de Toulouse, présentent des tenons entre les corbeilles ; elle note ensuite la perduration des


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chapiteaux à boules. La clef de voûte montrant une tête d’homme lui paraît très intéressante, et elle la compare avec une clef de l’église de Najac ; M. Balagna évoque quant à lui une clef de la tour de Constance à Aigues-Mortes.
         Henri Pradalier intervient pour indiquer que la clef en question devait appartenir à une abside. Il souligne lui aussi l’intérêt de la série d’éléments lapidaires présentée et récuse également l’utilisation abusive du terme « roman ». Il met en évidence la relation existant entre l’architecture ou la sculpture des établissements des Cisterciens et des Prémontrés. Il mentionne en particulier des exemples espagnols : le monastère prémontré d’Aguilar de Campo et l’église cistercienne de Guadafes. Concernant les piédroits de portail à décor de bâtons brisés, il signale, outre l’exemple de Saint-Guilhem-le-Désert, des références dans la France de l’Ouest, en Angoumois et en Anjou.

Louis Peyrusse pose la question du mode d’articulation des piédroits et des voussures du portail, que l’on comprend difficilement d’après la reproduction de la photographie qui a été distribuée. Christophe Balagna répond que le raccordement était assuré par des impostes, ainsi qu’on peut le voir sur un dessin réalisé en 1841 et publié par l’abbé Gaubin en 1905. M. Peyrusse s’interroge sur les informations qui pourraient être tirées des sources archivistiques. M. Balagna dit qu’il a fait aux Archives départementales un dépouillement qui n’a livré que peu de renseignements sur les constructions : les pièces conservées concernent tout au plus des réparations.
         Maurice Scellès demande si des plans anciens du monastère ont été conservés, et si les plans cadastraux donnent des indications. Christophe Balagna donne une réponse négative.
         Henri Pradalier exprime ses doutes quant au chapiteau double remployé dans l’église de Marciac comme support de la chaire. M. Balagna indique que ses dimensions sont conformes à celles des autres chapiteaux et qu’il s’agit très certainement d’un élément authentique réutilisé.
         Revenant sur la question de la sculpture, Nelly-Pousthomis-Dalle souligne l’importance de l’influence « cistercienne », et Henri Pradalier évoque le « style sobre » auquel M. Pierre Dubourg-Noves a consacré un article.

Au titre des questions diverses, Patrice Cabau annonce que le compte-rendu critique qu’il a rédigé au sujet de la dernière édition du Cartulaire de Saint-Sernin de Toulouse, publiée en 1999 par Pierre et Marie-Thérèse Gérard, pourra être consulté sur le site Internet de notre Société : www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/samf/memoires/t_64/cartul.htm

La Compagnie examine ensuite un dossier photographique qui montre l’état préoccupant de l’Hôtel de Castellane, sis au n° 10 de la rue Croix-Baragnon, sur lequel notre attention a été appelée par une démarche des descendants du marquis de Castellane relayée par la Société des Amis du Muretain. On rappelle que c’est dans les salons de cet Hôtel que la Société Archéologique du Midi de la France a été fondée en 1831. On signale la qualité architecturale de cette demeure du XVIIIe siècle, remaniée dans la première moitié du XIXe, en insistant sur la beauté de la cage d’escalier. Seules sont protégées, au titre d’une mesure d’inscription prise en 1927, les ferronneries des balcons et de l’escalier. Les clichés présentés font voir que les ornements de terre cuite sommant le portail sur la rue sont très abîmés.
        On fait remarquer que les propriétaires désireux de faire des travaux de restauration dans des bâtiments protégés reculent souvent devant l’importance des coûts. Plusieurs membres abondent en ce sens, soulignant le fait que l’inscription ou le classement des édifices ne résout pas le problème de leur état matériel, et qu’il est fréquent que les propriétaires refusent des subventions publiques qui sont pour eux source de contraintes.

 

SÉANCE DU 24 FÉVRIER 2004

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Napoléone, Watin-Grandchamp, MM. l’abbé Baccrabère, Bordes, Catalo, Hermet, le Père Montagnes, MM. Peyrusse, Pradalier, Prin, Mgr Rocacher, MM. Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Andrieu, Bayle, Czerniak, Pousthomis-Dalle, Suau, MM. Burroni, Laurière, Manuel, Stouffs, membres correspondants.
Excusé : M. Scellès, Secrétaire général.

La parole est au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal de la séance du 20 janvier, qui est adopté après suppression d’une information restée invérifiable. 

La Présidente fait état d’un courrier de M. Rémy Pech, Président de l’Université de Toulouse-Le Mirail, paru dans le n° 2 du magazine Patrimoine Midi-Pyrénées en réponse à l’article publié par la Société Archéologique critiquant le traitement infligé aux bâtiments du n° 56 de la rue du Taur pour l’installation de l’École supérieure d’audio-visuel. La lecture de cette réponse est renvoyée à la prochaine séance, où devrait être présentée la version finale du document de synthèse sur l’affaire du collège de Périgord.


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La Présidente détaille la correspondance imprimée, qui comprend essentiellement des annonces de publications et manifestations diverses :

- Centenaire de la Société préhistorique française célébré le 23 mars 2004 par l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse ;
- Journée du Patrimoine de Pays organisée le 20 juin 2004 sur le thème « Pierre : pierre brute, pierre taillée » ;
- dixième Salon du livre d’histoire locale de Mirepoix (Ariège), à tenir le 4 juillet 2004.

La Compagnie se constitue ensuite en Assemblée générale annuelle pour entendre d’abord le rapport moral, puis le bilan financier, et enfin procéder aux élections statutaires.
         La Présidente retrace les activités de notre Société pour l’année passée, féconde en travaux ; elle insiste sur l’importance du colloque sur la maison médiévale et annonce qu’un projet similaire est à l’étude pour la maison moderne.
         Guy Ahlsell de Toulza présente le bilan financier pour l’exercice courant du 22 janvier 2003 au 20 janvier 2004. Louis Peyrusse demande quelques précisions concernant les subventions reçues par notre Société. 

Les rapports moral et financier sont adoptés et quitus est donné au Trésorier pour sa bonne gestion.

Les élections statutaires, qui portent sur la moitié du Bureau, concernent cette année les fonctions de Président, de Secrétaire général et de Bibliothécaire-Archiviste.

La Présidente rappelle que Louis Latour a déjà exprimé le souhait de ne pas être reconduit dans sa charge, qu’il remplit depuis 1993. Elle rend hommage au travail énorme accompli pendant une décennie décisive pour notre Société, dont la Bibliothèque est devenue un instrument de travail remarquable pour les chercheurs travaillant à Toulouse sur le fonds local. M. Latour a organisé le déménagement de la Bibliothèque pendant les travaux de l’Hôtel d’Assézat, puis le rangement dans les nouveaux locaux, le classement des volumes et l’informatisation du fichier. Il a veillé à la conservation des collections et à leur enrichissement, en multipliant notamment les échanges avec les revues étrangères. Il a assuré une permanence hebdomadaire, ouvert la salle de lecture au public le mardi après-midi. Ne ménageant ni son temps ni sa peine, rayonnant toujours de bonne humeur, de cordialité et d’érudition, il a fait de notre Bibliothèque un lieu de rencontre où se sont nouées des sympathies. Louis Latour ne quitte pas tout à fait la Bibliothèque, puisqu’il occupera le poste de Bibliothécaire-adjoint, créé spécialement à son intention.
         Louis Peyrusse, ancien Président, se joint à Mme Pradalier-Schlumberger pour dire à Louis Latour toute la reconnaissance que notre Compagnie lui doit pour son extrême efficacité ; par souci de ne pas mettre trop à l’épreuve la modestie de notre collègue, il n’ose insister sur ses qualités humaines.
         La Présidente présente ensuite la candidature de Mme Suau, dont elle rappelle la formation d’archiviste-paléographe et la carrière comme Conservateur des Archives des départements de l’Eure, puis des Landes, enfin de la Haute-Garonne. Conservateur général du Patrimoine, Bernadette Suau est également Conservateur des antiquités et objets d’art. Nous connaissons tous son efficacité professionnelle et son rayonnement scientifique, et c’est pour notre Société un honneur que de lui proposer d’exercer les fonctions de Bibliothécaire-Archiviste.
         Michèle Pradalier-Schlumberger annonce que Maurice Scellès a souhaité être reconduit à son poste et qu’elle-même brigue un nouveau mandat.
         Daniel Cazes, Directeur de notre Société, manifeste la satisfaction que lui procurent ces différentes candidatures. Il est procédé au vote à bulletins secrets. À l’unanimité des membres titulaires présents, Michèle Pradalier-Schlumberger, Maurice Scellès et Bernadette Suau sont élus ou réélus respectivement Présidente, Secrétaire général et Bibliothécaire-Archiviste.

L’ordre du jour appelant ensuite une communication consacrée à La restauration des peintures murales du XIVe siècle de l’église du Taur à Toulouse, la parole est à M. Jean-Marc Stouffs.

La Présidente remercie notre collègue et le félicite pour avoir présenté un bilan technique très précis du chantier de restauration ouvert voici trois ans dans la nef de l’église du Taur. L’analyse révèle le caractère savant d’une peinture dont les pigments rares ne laissent pas de poser de problèmes. Michèle Pradalier-Schlumberger demande pourquoi le blanc de céruse, qui ailleurs a si souvent viré au noir, ne s’est pas oxydé ici. Jean-Marc Stouffs répond que le noircissement du carbonate de plomb n’est pas systématique et il en indique les causes chimiques.

Mme Pradalier-Schlumberger note que l’utilisation de l’or devait donner à cette peinture murale un aspect somptueux. Elle évoque à cet égard le décor des chapelles du chevet de l’église des Augustins de Toulouse. M. Stouffs préfère rapprocher la peinture de la nef de celles de l’église des Jacobins, ainsi que d’œuvres espagnoles, telles celles réalisées par Juan Oliver dans le réfectoire de la cathédrale de Pampelune.

Louis Peyrusse se déclare frappé par une « lecture technique » qui permet de reconnaître un grand degré de


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sophistication à l’utilisation de substances précieuses. Jean-Marc Stouffs précise que les analyses sont encore très récentes, que les éléments absolument caractéristiques sont peu nombreux, et qu’il avait pour sa part jusqu’ici seulement travaillé sur des peintures romanes. Il relève par ailleurs le caractère très complexe de l’exécution des peintures murales, fréquemment exécutées à la fois à fresque et à sec.

M. Peyrusse se demande pourquoi l’atelier du Taur a travaillé directement sur la paroi murale et non sur des panneaux de bois. Michèle Pradalier-Schlumberger fait observer que l’on connaît très peu de peintures sur bois à Toulouse et dans sa région, exception faite du diptyque de Rabastens, exécuté sur parchemin collé sur bois, qui se trouve au musée de Périgueux. Virginie Czerniak évoque le décor peint réalisé pour l’église d’Aragnouet, dans les Pyrénées. Mme Pradalier-Schlumberger conclut en soulignant la grande qualité de la peinture sur mur à Toulouse dans la première moitié du XIVe siècle.

Henri Pradalier s’intéresse aux écussons cantonnant la peinture de l’église du Taur. Ayant remarqué que les coiffes des trois têtes servant de meubles paraissent difficilement être du XIVe siècle, il se demande si elles n’ont pas été ajoutées postérieurement. Jean-Marc Stouffs répond par la négative, tout en signalant l’importance des repeints. Virginie Czerniak et Dominique Watin-Grandchamp s’accordent sur la possibilité que la forme des coiffes en question puisse remonter au XIIIe siècle ; il est d’ailleurs probable que la figuration héraldique ait figé un modèle antérieur à la date d’exécution de la peinture.

Mme Watin-Grandchamp souligne la ressemblance du panneau mural peint de la nef de l’église du Taur avec une tapisserie à bordure qui aurait pu être accrochée au-dessus d’un banc de confrérie. Mme Czerniak note à propos de la bordure à décor végétal encadrant le panneau que le type provient de l’enluminure, et François Bordes, interrogé sur les corps de métiers liés à la coiffure, indique qu’aucun n’avait son siège dans l’église du Taur.

 


Séances du 24 février 2004 au 1er juin 2004


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