Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LXII (2002)


BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE
2001-2002

établi par Patrice CABAU & Maurice SCELLÈS  


    Le Bulletin est intégralement mis en ligne sur le site Internet de la Société archéologique du Midi de la France : www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/samf/memoires/t_62/bul20021.htm.  Il peut également être consulté à partir d'un index des matières.   

Séances du 2 octobre 2001 au 5 février 2002 Séances du 20 février 2002 au 19 juin 2002

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SÉANCE DU 2 OCTOBRE 2001

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Noé-Dufour, Pousthomis-Dalle, MM. l’abbé Baccrabère, Nayrolles, Roquebert, Tollon, membres titulaires, Mmes Andrieu, Blanc-Rouquette, Fronton-Wessel, Pujalte, MM. Balagna, Cranga, Manuel, Salvan-Guillotin, membres correspondants.
Excusés : M. Cazes, Directeur, Mmes Cazes, Pradalier-Schlumberger, MM. Bordes, Garland, Garrigou Grandchamp, Ginesty, Laffont, Lapart, Pradalier, Mgr Rocacher.

    Le Président déclare ouverte l’année académique 2001-2002. Nul doute que l’on aurait souhaité des conditions différentes. Treize jours après la catastrophe qui a endeuillé Toulouse, notre première pensée va aux victimes de l’explosion : les 29 morts, les blessés graves, les accidentés et tous ceux qui, au-delà d’une peur bien compréhensible, se trouvent encore sinistrés, dont l’un des nôtres en la personne de Maurice Prin. Aux familles, aux proches, la Société Archéologique du Midi de la France dit sa compassion et elle partage la solidarité des Toulousains dans le drame.

    Notre Société a perdu à la fin de l’été, le 3 septembre dernier, l’un de ses membres les plus prestigieux, Philippe Wolff, à l’âge de 88 ans. Le Président évoque pour la Compagnie la figure de notre confrère disparu :

    «  Philippe Wolff avait souhaité devenir, avec le grand âge, membre libre et avait été élu membre honoraire en 1986, au moment où il se retirait en Andorre. Tout le monde autour de cette table a connu Philippe Wolff, soit l’homme et l’enseignant, soit l’auteur. Je retiendrai de lui trois aspects.
    Le grand universitaire à la carrière exemplaire. Agrégé d’histoire (le deuxième de la promotion de 1936), Philippe Wolff a enseigné quelques années dans le secondaire (auquel il s’intéressa en rédigeant des manuels en collaboration avec Charles Morazé), avant de passer au C.N.R.S. et à l’assistanat à la Sorbonne. Il devait arriver à Toulouse en octobre 1945, pour y occuper la chaire d’histoire médiévale de Joseph Calmette, chaire qu’il occupa pendant près de trente ans. N’oubliant pas le double intitulé de cette chaire d’histoire du Moyen Âge et de la France méridionale, Philippe Wolff fut un pionner du travail en équipe, invitant le chanoine Delaruelle ou Georges Duby, depuis Aix-en-Provence, ou le jeune Leroy-Ladurie, depuis Montpellier, pour les premières Journées de recherche méridionales, dans les bâtiments de la rue du Taur.
    L’historien, qui a laissé des ouvrages qui resteront des outils pour les chercheurs. Sa thèse, Commerce et marchands de Toulouse (1350-1450), soutenue en 1952 et publiée en 1954 (740 pages !), dédiée à Marc Bloch qui avait été son premier directeur de thèse, conduisit Philippe Wolff à l’histoire urbaine. Mais ses curiosités furent diverses, comme le furent ses enseignements : on le vit bien lorsque, proche de la retraite, il publia sur L’éveil intellectuel de l’Europe, les Origines linguistiques de l’Europe occidentale et Les révoltes populaires en Europe aux XIVe et XVe siècles (ce dernier ouvrage avec Michel Mollat).
    La voie la plus féconde empruntée par Philippe Wolff sous la Ve République a été celle de l’histoire des villes et des provinces. Philippe Wolff signe tout seul chez Privat, en 1958, une Histoire de Toulouse, qui entendait remplacer celle 


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d’Henri Ramet en proposant une synthèse érudite, soucieuse de la dialectique des spécificités locales et du cadre général : réussite éclatante qui arrachait l’histoire locale à la lecture myope des annalistes. Le succès vint, sans doute amplifié par le mouvement régionaliste nourri par une centralisation politique excessive : les cartes des ventes des volumes d’histoire des villes et des provinces, dans les années 1960-1980, peuvent se superposer sans difficulté à celles des politologues. Philippe Wolff, en restant dans le cadre imposé par les éditions Privat – et leur triste maquette –, révéla toutes ses qualités d’animateur d’équipe : comme la deuxième Histoire de Toulouse co-rédigée avec cinq de ses collègues, villes et provinces se virent dotées de synthèses reflétant les dernières recherches universitaires. 33 provinces ou pays et 68 villes : un effort exceptionnel dans l’histoire régionale, qui restera un modèle.

    Je n’ai personnellement connu Philippe Wolff que dans ses années de vieillesse, moment où tous les honneurs lui étaient venus, à commencer par un fauteuil à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres récompensant l’un des meilleurs spécialistes de sa génération. Je préfère oublier l’homme très dépité par l’ingratitude de la maison Privat pour ressusciter la figure du grand savant et du grand professeur, infatigable artisan d’un travail collectif qui assurera sa survie. »

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 19 juin dernier, qui est adopté, puis de la lettre qui a été adressée au Maire de Toulouse, conformément à la motion votée lors de cette même séance :

« Monsieur le Maire,

    Les berges de la Garonne constituent l’un des plus beaux sites de notre ville, heureusement mis en valeur au cours de ces dix dernières années. Un délicat équilibre entre le site lui-même et ses aménagements a été trouvé et l’on a su à peu près mesurer les interventions.
    La passerelle qui est aujourd’hui proposée aux Toulousains rompt sans raison cet équilibre, sacrifiant à la spirale du suréquipement qui semblait pourtant avoir été évitée.

    C’est pourquoi la Société Archéologique du Midi de la France a adopté, dans sa séance du 19 juin dernier, la motion présentée par les Toulousains de Toulouse et dont vous trouverez la copie ci-joint.
    La Société Archéologique du Midi de la France rejoint donc les Toulousains de Toulouse pour vous demander, Monsieur le Maire, de bien vouloir réexaminer le projet et renoncer à une réalisation aussi coûteuse que préjudiciable à l’un des plus beaux sites de notre ville.

    Dans cette attente, je vous prie de recevoir, Monsieur le Maire, l’expression de ma haute considération.

Le Président    
Louis Peyrusse »

 

    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite.
    M. Patrick Périn, conservateur du Musée des Antiquités nationales nous remercie de l’envoi du t. LX de nos Mémoires.
    Cecilia d’Ercole, en raison de sa récente nomination à l’Université de Paris I-Sorbonne, nous adresse sa démission de membre correspondant de notre Société. Nous avons en revanche reçu les candidatures de Mme France Félix-Kerbrat, chargée de mission d’action culturelle auprès du rectorat, et de Mme Michelle Fournié, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Toulouse-Le Mirail : les rapports sur ces deux candidatures seront présentés à la Compagnie respectivement par Bruno Tollon et Michèle Pradalier-Schlumberger le 6 novembre prochain.

    Un courrier du tribunal correctionnel de Saint-Gaudens nous informe que la date de l’audience concernant la plainte déposée conjointement par le Service régional de l’archéologie et la Société archéologique du Midi de la France à l’encontre de M. E. B. pour « exécution de fouilles archéologiques sans autorisation » et « utilisation non autorisée d’un détecteur de métaux pour recherche historique ou archéologique » a été fixée au 4 octobre 2001. Le Président donne lecture de la demande de dommages qui a été présentée au tribunal :

« […] la Société Archéologique du Midi, propriétaire du terrain contenant la majeure partie des vestiges de la villa de Chiragan, demande qu’il plaise au tribunal d’ordonner :

  1. que M. B. restitue tous les vestiges archéologiques qu’il a pu ramasser sur le site de Chiragan,
  2. que M. B. soit condamné, au titre de dommages, à payer une somme non symbolique, de l’ordre de 10 000 à 20 000 francs, ou celle qu'il plaira au tribunal de fixer.

    Cette demande pourra paraître singulière car nous ne savons pas si un objet de valeur a été dérobé (M. B. ne l’avouera pas) ; et il est par ailleurs difficile d’estimer la valeur des vestiges archéologiques (hors les monnaies et les fragments commercialisables). Par sa prospection illicite, M. B. a cherché sciemment à profiter des sondages officiels menés par le Service régional de l’archéologie pour réunir un butin archéologique (destiné à la collection ou à la vente) ; il a faussé volontairement les résultats de la campagne scientifique en ramassant éléments ou indices qui manqueront à l’étude des archéologues et des historiens, causant ainsi un tort irréparable au patrimoine public et à la recherche.


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    La Société s’engage à affecter la somme ordonnée par le tribunal au financement de la publication (prévue en 2002) du bilan scientifique des connaissances sur la villa de Chiragan […] pour donner à cet argent sa pleine valeur de réparation. »

 

    Notre bibliothèque s’enrichit d’un nouveau don, de la part de notre confrère Pierre Garrigou Grandchamp : Une histoire de Vincennes. Mémoire pour l’an 2000, Vincennes, Maury, 2000, 256 p.

    Le Président informe la Compagnie qu’après avoir consulté dans l’urgence les membres du Bureau qu’il a pu joindre, il a accepté au nom de notre Société de prêter notre salle des séances pour deux soutenances de thèse initialement prévues dans des bâtiments de l’université qui ont été gravement endommagés par l’explosion du 21 septembre. Il a en outre autorisé certains de nos membres à utiliser notre salle de lecture pour la soutenance de mémoires de maîtrise. Le Président signale en outre que Mlle Martine Rieg a proposé d’ouvrir plus largement aux étudiants de maîtrise et de D.É.A. les bibliothèques des Académies et Sociétés savantes, toutes les bibliothèques publiques de Toulouse étant actuellement fermées. La Compagnie approuve ces initiatives.

    L’ordre du jour appelle l’élection d’un membre correspondant. Maurice Scellès présente son rapport sur la candidature de Mme Sandrine Conan. On procède au vote : Mme Sandrine Conan est élue membre correspondant de notre Société.

    La parole est à Louis Peyrusse pour une communication consacrée à Un projet d’Henri Labrouste pour Saint-Aubin de Toulouse (1844), publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.

    Au nom de la Compagnie, Jean Coppolani remercie Louis Peyrusse de nous avoir fait découvrir ce projet très original, dont on ne peut que regretter qu’il ait été contrarié. Louis Peyrusse le croit aussi, jugeant par ailleurs que le projet de Labrouste était plus raisonnable que celui de Delort. Le projet de Delort a, de plus, cristallisé la colère, ne suscitant de ce fait que peu de dons.
    Bruno Tollon remarque que les références de Labrouste semblent plus venir du quattrocento que de l’Italie classique. On est tenté d’évoquer Pavie. La massivité attendue à l’examen du plan est déjouée par les articulations extérieures. Louis Peyrusse est d’accord pour considérer que les élévations sont des chefs-d’œuvre de légèreté. Bruno Tollon ayant demandé si le cahier des charges imposait les matériaux de construction, Louis Peyrusse précise que seul était défini le programme ; il pense, pour sa part, que, pour 400 000 francs, Labrouste prévoyait une construction en brique enduite.
    Maurice Scellès, relevant que l’inscription du fronton faisait référence aux défunts, voudrait savoir si le choix d’un plan centré pour le site de Saint-Aubin était motivé. Louis Peyrusse ne le croit pas, le projet n’étant pas celui d’une église funéraire, bien que cette hypothèse ait été sa première pensée en raison aussi de la présence de la clôture. D’autres indications pourraient apparaître dans les papiers de Labrouste, qui sont malheureusement très dispersés.

    Répondant à une question de Jean Nayrolles, Louis Peyrusse précise que l’aide de l’État pour Saint-Aubin a été très peu importante. Jean Nayrolles note qu’il est très étonnant que l’avis du Conseil des bâtiments civils, auquel étaient liées les aides financières, ait pu faire plier la municipalité, ajoutant qu’une bonne synthèse sur cette institution manque cruellement. Pour Jean Nayrolles, à cette époque, les avis du Conseil des bâtiments civils n’engagent que l’aide de l’État et ne valent pas interdiction. Il dit avoir été frappé par l’importance prise par le Conseil, au regard des aides minimes qui étaient accordées, importance peut-être due à la qualité d’expert qui lui était reconnue. Il faut sans doute admettre que certains des projets refusés l’étaient parce qu’ils étaient techniquement mauvais : c’était sans doute le cas pour la flèche en fonte proposée par le projet de Virebent pour Saint-Aubin, le refus d’un projet néo-gothique à Toulouse faisant d’ailleurs figure d’exception. Louis Peyrusse croit plutôt que c’est l’aspect industriel des productions de Virebent qui a entraîné le refus du projet, et il souligne que le procès-verbal n’insiste que sur les aspects techniques, ce qui permet de taire le véritable motif du refus. Jean Nayrolles dit ne pas en être convaincu. Louis Peyrusse ajoute que si l’anonymat des projets est sans doute respecté, il n’en demeure pas moins que les auteurs finissent par être identifiés : ainsi le premier avis sur le projet de Labrouste, très négatif, est-il finalement corrigé.
    Maurice Scellès demande quels ont été les avis techniques sur le projet de Labrouste. Louis Peyrusse précise que la seule critique absolue porte sur la forme triangulaire du pilier de la rotonde et le mauvais rapport établi avec les colonnes servant de clôture aux chapelles, mais l’avis souligne en même temps l’esprit d’invention dont fait preuve l’architecte. 
    Jean Nayrolles ajoute une remarque sur la recherche des références, qu’il convient de ne pas trop pousser dans le cas de Labrouste, dont l’école de pensée signe les façades de la bibliothèque Sainte-Geneviève. Contrairement à Viollet-le-Duc qui fige l’architecture dans des états de perfection, Labrouste est le tenant d’une pensée évolutive qui prend les architectures dans leur dynamisme, dans la perspective de ce qu’Engels appellera le socialisme utopique. Il y du romain, du roman, de la Renaissance, mais chercher des modèles de référence précis est peut-être une fausse piste. Louis Peyrusse en convient tout en remarquant qu’il est intéressant de noter ce que Labrouste a vu et relevé en Italie, comme il est intéressant de voir ce qu’il en a fait, en s’appuyant en particulier sur les carnets de dessin du jeune architecte.

 

SÉANCE DU 16 OCTOBRE 2001

Présents : MM. Peyrusse, Président, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Napoléone, Pradalier-Schlumberger, Sudre, MM. Hermet, le Père Montagnes, Roquebert, membres titulaires, Mmes Andrieu, Pujalte, MM. Manuel, Salvan-Guillotin, Veyssière, membres correspondants.


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Excusés : MM. Bordes, Garland, Tollon.
Invitées : Mme Latour, Mlle Rieg.

    La séance se tient au Musée Paul-Dupuy. Le Président remercie Jean Penent, conservateur du musée, d’accueillir la Société Archéologique du Midi de la France dans cette exposition qui a été l’un des succès de l’été, et il se félicite du programme très excitant qui est annoncé jusqu’à la fin de l’année. Tout le monde se souvient de l’exposition sur les faïences de Toulouse. C’est aujourd’hui le tour des Terres cuites vernissées de Giroussens, qui nous sont présentées par notre confrère Guy Ahlsell de Toulza, auquel le Président cède la parole.

    Après avoir remercié Guy Ahlsell de Toulza de nous avoir fait découvrir ces terres cuites vernissées de Giroussens, le Président relève que les commandes pour la marine royale pourraient indiquer qu’il s’agit de pièces de service et non de montre. Guy Ahlsell de Toulza, se fondant sur l’avis d’une personne particulièrement compétente, rappelle que, selon la législation de Colbert, le roi devait au capitaine des bâtiments de la marine la vaisselle de service et celle de prestige, et cette obligation de l’administration royale s’étendait aux commandements des forteresses dans les colonies. Des commandes de la marine royale ont été retrouvées, mais il s’agit de découvertes récentes qui attendent vérification.
    Après avoir indiqué qu’elle appartient à une famille de marins, Mlle Sudre confirme que la vaisselle était effectivement due par le roi, étant entendu que cela supposait tout un apparat et de grands services. Elle ajoute qu’elle connaît un coffre de bois recouvert de cuir qui porte les mêmes armes que celles que nous venons de voir sur un plat, et fait remarquer que les provenances étaient autant Nantes et Brest que Rochefort. Guy Ahlsell de Toulza précise qu’il fait mention de Rochefort parce c’est le port qui est indiqué, avec d’ailleurs la mention plus générale d’arrière-pays bordelais. Mais on sait aujourd’hui que les productions peuvent provenir de Cox ou de Giroussens.
    À propos de la vaisselle de montre, Guy Ahlsell de Toulza évoque l’Italie et ses grands buffets dans les salles à manger, dont les tableaux de Bassano rendent bien compte. En outre, les plats en terre cuite se rayent facilement quand ils sont utilisés, et ceux-là ne portent aucune trace d’usage. La vaisselle utile est jetée quand elle est usée ou ébréchée, et les pièces que nous voyons aujourd’hui correspondent en fait à la plus belle production.
    Le Président voudrait savoir si l’on a d’autres exemples de vaisselle blasonnée et si les étudiants qui ont travaillé sur ces terres cuites ont pu identifier des modèles pour les décors. Guy Ahlsell de Toulza ne connaît pas d’autres exemples de blasons estampés en dehors de la vaisselle d’étain dans le Midi de la France. Pour le décor, il faut souligner que les bouquets sont un motif courant partout mais que le hibou est particulier à Giroussens. En fait, le P.C.R. (Programme collectif de recherche) n’a que trois ans d’âge et la recherche n’en est donc qu’à ses débuts.
    Le Président demande encore si l’on a des indications sur les cuissons. Guy Ahlsell de Toulza rappelle que l’on connaît pour Cox un four extérieur à une maison et un autre situé au rez-de-chaussée. Quant aux modes d’enfournement, il fait remarquer que l’on ne distingue sur les pièces de vaisselle aucune trace de cales ou de séparation. En outre, aucun four n’est connu par fouilles à Giroussens.
    Répondant à Maurice Scellès, il précise que les pièces sont montées au colombin et reprises au tour. Maurice Scellès note encore qu’il est gênant que les deux motifs de la feuille de fougère et de la feuille de chêne, qui font le lien avec la pièce datée, soient aussi peu représentés.
    Le Président ayant demandé si les archives de la marine avaient été exploitées, Guy Ahlsell de Toulza répond que les recherches effectuées par des étudiants de maîtrise ont porté sur les seules archives de Giroussens. Quant au bateau retrouvé avec son chargement au Québec, seules quelques pièces ont été publiées ; tout le reste est à faire, et on peut en attendre beaucoup, les Canadiens procédant en outre à des analyses de pâte.
    Mlle Sudre évoque Robert Mesuret, qui lui avait montré trois pièces provenant de Giroussens en lui précisant qu’il ne s’agissait pas de productions hispano-mauresques. Le Président rappelle qu’il a fallu que quelques personnes s’enthousiasment pour les faïences de Delft pour qu’elles soient reconnues.

    Le Président remercie à nouveau Guy Ahlsell de Toulza et le félicite en lui souhaitant des suites fructueuses dans ses recherches et pour la publication du livre annoncé, qui est désormais attendu.

 

SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2001

Présents : MM. Peyrusse, Président, Cazes, Directeur, Coppolani, Directeur honoraire, Cabau, Secrétaire-adjoint, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Mmes Napoléone, Pousthomis-Dalle, Pradalier-Schlumberger, l’abbé Baccrabère, MM. Bordes, Gilles, Hermet, le Père Montagnes, MM. Nayrolles, Prin, Mgr Rocacher, MM. Roquebert, Tollon, Vézian, membres titulaires ; Mmes Fronton-Wessel, Pujalte, MM. Balagna, Macé, Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusés : M. Scellès, Secrétaire général, Mmes Jimenez, Stutz, M. Garland.

    Le Président ouvre la séance à 17 heures. En raison de l’absence du Secrétaire général, empêché, le rendu compte de la visite du 16 octobre, consacrée à l’exposition organisée au musée Paul-Dupuy sur les « Terres cuites vernissées de Giroussens », est 


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renvoyé à la prochaine séance. Louis Peyrusse dit que cette visite a été tout à fait passionnante, riche de questions, tant les terres cuites de Giroussens paraissent hors norme par rapport aux productions des XVIIe et XVIIIe siècles ; la publication du volume que Guy Ahlsell de Toulza doit leur consacrer est attendue avec impatience.

    Au nom de la Compagnie, le Président remercie Daniel Cazes, le musée Saint-Raymond et Jean-Louis Laffont, chef de l’atelier de restauration des musées de la Ville de Toulouse, pour la restauration d’un moulage ancien, appartenant à notre Société, d’un relief en marbre figurant « Les deux Tetricus » et la mise en place de ce moulage dans la salle de lecture de notre Bibliothèque. Louis Peyrusse rappelle à ce propos que, dans les années 1830, Théodore Chrétin, sculpteur de Nérac et faussaire talentueux, parvint à abuser non seulement les membres de la Société archéologique du Midi de la France, au premier rang desquels Alexandre Du Mège, mais encore Prosper Mérimée, par la confection de cette œuvre supposée antique ; cependant, les archéologues parisiens et les membres de l’Institut de France ne tardèrent pas à émettre les plus expresses réserves quant à la plausibilité des inscriptions et des représentations des deux Tetricus.

    Le Président rend compte de la correspondance imprimée, qui comprend notamment :

– une convocation de la Fédération historique de Midi-Pyrénées à la tenue de son assemblée générale ; procuration est donnée à Bernadette Suau pour représenter notre Société ;
– un courrier de la Société généalogique canadienne française proposant l’échange de sa revue avec nos mémoires ; l’opportunité de cet échange sera examinée lors de la future réunion du Bureau.

    Louis Peyrusse présente le bulletin de souscription annonçant la parution du prochain volume de la série consacrée aux églises et chapelles des cantons du département de Haute-Garonne. Il donne la parole au promoteur de cette publication, Mgr Rocacher. Celui-ci rappelle que la collection, éditée par une association culturelle, l’AREC 31, comprend déjà les volumes relatifs aux cantons de Fronton, Revel, Muret et Aurignac ; le nouveau volume, dont la préparation a été assurée par notre confrère Louis Latour, concerne le canton d’Auterive.

    Le Président cède ensuite la parole au Directeur pour un bilan de l’évolution de nos « affaires martraises ». Puis il indique les suites judiciaires des faits survenus à la fin de la campagne de sondages du printemps 2001 : au soir du 13 juin, un individu fut appréhendé sur le site alors qu’il procédait, muni d’un détecteur à métaux, à une exploration clandestine devenue quotidienne ; plainte fut déposée au nom de notre Société, propriétaire des lieux, ainsi que par le Service régional de l’archéologie, représentant l’État, pour non-respect de la réglementation en vigueur ; le 4 octobre, le Tribunal correctionnel de Saint-Gaudens a rendu un arrêt condamnant M. E. B. à une amende de 30 000 F pour « exécution de fouilles archéologiques sans autorisation » et « utilisation non autorisée d’un détecteur de métaux pour recherche historique ou archéologique ». Le Directeur signale pour terminer que la publicité donnée par la presse locale à cette décision de Justice a suscité à Martres-Tolosane une prise de conscience des plus salutaires.

    L’ordre du jour prévoyant l’élection de deux membres correspondants, le Président fait intervenir les rapporteurs désignés pour présenter les candidats. Bruno Tollon fait son rapport sur la candidature de Mme France Félix-Kerbrat, professeur d’Histoire de l’Art auprès du Service éducatif du Rectorat ; Michèle Pradalier-Schlumberger lit le sien sur celle de Michelle Fournié, professeur d’Histoire médiévale à l’Université de Toulouse-Le Mirail. Il est procédé au vote : Mmes Félix-Kerbrat et Fournié sont élues membres correspondants.

    Le Président donne la parole à Laurent Macé pour la communication du jour, intitulée : Pouvoir comtal et autorité consulaire : analyse d’une miniature du XIIIe siècle, publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.

    Louis Peyrusse remercie Laurent Macé, puis il ouvre la discussion en lui demandant s’il était d’usage de figurer un viguier avec une épée en pal. Laurent Macé répond qu’une telle représentation convient tout à fait à un justicier dans l’exercice du pouvoir délégué par le comte. Henri Gilles intervient pour souligner l’intérêt politique de l’enluminure initiale du cartulaire de la Cité de Toulouse, datable de 1205. Comme M. Macé, il reconnaît dans les figures des médaillons supérieur et médian le comte et son viguier. S’agissant du médaillon inférieur, où paraît un personnage barbu, juriste ou consul, M. Gilles rappelle que depuis 1189 les consuls toulousains exerçaient, conjointement avec le viguier comtal, la juridiction sur la ville ; ainsi le personnage doit-il bien être identifié comme un consul (plutôt que comme un « juriste », c’est-à-dire à cette époque un praticien du droit). François Bordes félicite Laurent Macé d’avoir su mettre en relief l’enluminure du cartulaire de la Cité (A.M.T., AA 2), sans doute beaucoup plus significative que celle du cartulaire du Bourg (A.M.T., AA 1), qui ne montre qu’un personnage coiffé d’un chaperon (attribut d’une position sociale relativement éminente) et tenant un rouleau. La prégnance de la représentation lui paraît s’expliquer par le fait que la Cité était par excellence, avant la fusion financière des deux parties de la ville (1269), le territoire du pouvoir politique. M. Bordes signale qu’on ne connaissait jusqu’ici aucune image du viguier de Toulouse antérieure à la miniature ornant un manuscrit des coutumes de Toulouse datable de 1296 (B.n.F, ms. 9187) ; il suppose que le viguier devait être représenté dans le premier livre des Annales de la Ville, commencé en 1295 et malheureusement perdu. Revenant à l’enluminure de 1205, il confirme qu’à cette date l’autorité consulaire était considérable : depuis 1189, les consuls exerçaient la justice criminelle ; à partir de 1190, ils avaient acquis les terrains nécessaires à l’édification d’une Maison commune, siège et symbole du consulat ; au début des années 1200, ils s’assurent par des expéditions militaires le contrôle du « pays toulousain ».


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    Daniel Cazes se dit quant à lui très sensible à la qualité plastique de l’image, révélée par l’agrandissement dû à la projection. Analysant les motifs décoratifs, il montre qu’ils sont identiques à ceux de la sculpture romane toulousaine du XIIe siècle finissant : cette enluminure appartient de toute évidence au « style 1200 ». S’agissant des figures humaines, le personnage barbu du médaillon inférieur frappe surtout par son caractère antiquisant, un aspect byzantinisant que l’on retrouve dans les peintures qui ornaient la salle capitulaire du monastère de Sigena, incendié pendant la guerre civile espagnole, et qui sont conservées à Barcelone au musée d’Art catalan. Insistant sur les liens entre le Midi toulousain et la Catalogne à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe, Patrice Cabau rappelle que c’est dans le monastère des moniales de Sigena que le roi d’Aragon Pierre II, tué à Muret en 1213, puis transporté à Toulouse dans la maison des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, fut finalement inhumé.
    L’échange de vues se poursuit avec diverses remarques montrant les dimensions multiples de l’enluminure du cartulaire de la Cité. Bruno Tollon y voit une parfaite illustration de la polyvalence formulée par Erwin Panofsky : l’image en tant que document (pour l’Histoire), l’image en tant que monument (pour l’Histoire de l’Art). Louis Peyrusse fait observer la valeur hautement symbolique des rinceaux qui unissent les trois médaillons. Michèle Pradalier-Schlumberger note l’absolue frontalité de la figure du comte, dont la majesté est celle d’un archétype : le Christ. François Bordes relève que le personnage du médaillon inférieur pointe l’index de sa main droite sur un passage du livre qu’il tient ouvert dans sa main gauche, lequel apparaît comme un document probatoire : le consul montre la preuve dans le cartulaire rassemblant les actes qui établissent son autorité. Henri Gilles ajoute que ce cartulaire, qui contient également les sentences rendues par les consuls, est en même temps un ouvrage de jurisprudence. Patrice Cabau fait enfin observer que cette enluminure de 1205 peut apparaître comme la synthèse de moments historiques antithétiques : une situation passée (le comte Alphonse Jourdain, disparu en 1148, au sommet de la hiérarchie, en tête du cartulaire) et une situation présente (les consuls détiennent la réalité du pouvoir sur la ville) ; à la date où elle est créée, cette image théorise un équilibre entre rapports politiques inverses : elle appartient à l’ordre du discours.

 

SÉANCE DU 20 NOVEMBRE 2001

Présents : MM. Peyrusse, Président, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Napoléone, Pradalier-Schlumberger, MM. l’abbé Baccrabère, Gilles, Mgr Rocacher, MM. Prin, Tollon, membres titulaires, Mmes Andrieu, Aribaud, Blanc-Rouquette, Conan, Félix, Fournié, Jiménez, Pujalte, MM. Balagna, Cranga, Manuel, membres correspondants.
Excusé : M. Bordes.

    Le Président salue la présence de Mme Sandrine Conan, qu’il n’avait pas eu encore l’occasion de présenter à la Compagnie, et de Mmes France Félix et Michelle Fournié qui prennent séance ce soir, et il leur souhaite la bienvenue.

    Le Secrétaire général donne lecture des procès-verbaux des séances des 2 et 16 octobre derniers et le Secrétaire-adjoint de celui de la séance du 6 novembre, procès-verbaux qui sont adoptés.

    M. Henri Gilles apporte une observation en complément à la discussion de la dernière séance sur la miniature du cartulaire de la cité. Il rappelle que les trois personnages représentent Alphonse Jourdain, le viguier et un consul, et que tous les intervenants ont été d’accord pour reconnaître la charte des franchises et libertés dans le rouleau déployé que tient le comte. Le consul tient quant à lui un livre ouvert qu’il désigne de l’index : un livre de Droit, et François Bordes pense qu’il s’agit du cartulaire lui-même. Pour M. Gilles, le miniaturiste a voulu montrer quels étaient les avantages pour la municipalité de posséder un cartulaire qui était une garantie contre la disparition des actes et en permettait une consultation facile. Mais le propos va au-delà : le miniaturiste souligne que le texte du cartulaire a même force probante que l’original. Patrice Cabau abonde dans ce sens en rappelant que les copies du cartulaire sont authentifiées par quatre notaires.
    Le Président remercie M. Gilles pour ces précisions qui seront transmises à notre confrère.

    Le Président félicite Yves Cranga pour sa toute récente intégration dans le corps des conservateurs du patrimoine. Puis il rend compte de la correspondance manuscrite.
    M. Robert Manuel offre à la Société un texte inédit pour servir à l’histoire du puits de Cordes. Notre confrère précise qu’il s’agit d’une compilation de textes, dont un inédit qui lui a été communiqué par le Père Montagnes, qu’il lui a paru intéressant de rassembler au moment où le Musée de Cordes consacre une salle à l’histoire de ce puits. Le Président et Guy Ahlsell de Toulza lui ayant demandé s’il songeait à une publication, M. Manuel dit qu’il pourrait en effet le proposer à la Revue du Tarn. Répondant à Louis Latour, il rappelle que plusieurs articles ont fait état des fouilles réalisées dans le puits, et que la dernière expédition n’a été qu’une simple descente.

    La parole est à l’abbé Georges Baccrabère pour une communication sur Les réchauds toulousains aux XVIe et XVIIIe siècles, publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.

    Après avoir remercié l’abbé Baccrabère, le Président précise qu’en parlant de « trésor » il pensait bien sûr aux trésors archéologiques qui sont des trésors de mémoire. Puis le Président rappelle pour les plus jeunes membres de notre Compagnie que l’abbé Baccrabère était bien seul lorsqu’il s’intéressait dans les années 1970 à la céramique commune du Moyen Âge et de 


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l’époque moderne. Il le remercie de nous avoir donné une fois de plus le privilège d’examiner les pièces, et note que notre confrère est resté volontairement prudent dans ses conclusions sur l’utilisation des réchauds les plus beaux et sur la datation de certaines pièces.
    Louis Latour remarque que les premiers réchauds qui nous ont été présentés sont sans aucun doute de très belles pièces, dont on imagine qu’elles ont peu servi. Les dernières sont au contraire communes et correspondent aux nombreux tétons que l’on retrouve lors des labours dans nos campagnes. L’abbé Baccrabère confirme que les pièces du XVIe siècle se caractérisent par un caractère très décoratif et que les réchauds évoluent ensuite vers des formes plus pratiques. Louis Latour se demande s’il ne faut pas envisager, comme l’indiquait Guy Ahlsell de Toulza, un remplacement des terres vernissées par des objets en faïence, et l’abbé Baccrabère précise que les datations proposées reposent sur des comparaisons avec d’autres types de vaisselle et quelques monnaies, souvent « très fatiguées », retrouvées sur les sites.
    Maurice Scellès demande si l’on a une idée de la durée d’utilisation de ce type d’objet et il voudrait avoir des précisions sur leur fréquence et sur leur répartition dans la ville, se souvenant que la verrerie dessinait des quartiers d’habitat privilégié. L’abbé Baccrabère indique que les réchauds sont peu nombreux au regard de la très grande quantité de vaisselle qu’il a recueillie dans Toulouse au cours de ses différentes fouilles.
    Répondant au Président, l’abbé Baccrabère dit qu’il ne peut être sûr de la datation du réchaud à décor de torsades, même si l’ensemble lui paraît pouvoir être daté du XVIIe siècle. Le plus important lui semble toujours de publier ces pièces, de les décrire, afin de les mettre à la disposition des chercheurs. Le Président remercie à nouveau l’abbé Baccrabère.

    La parole est à Nicole Andrieu pour une communication brève consacrée à Un ostensoir du XVIIe siècle trouvé à Montesquieu-Volvestre :

Ostensoir

AUTERIVE (HAUTE-GARONNE). Ostensoir « soleil » du XVIIe siècle. Cliché N. Andrieu.

« Ostensoir "soleil", 1686 ou 1687.
Argent repoussé partiellement doré, décor ciselé et fondu.
Hauteur : env. 42 cm.
Poinçons sous le pied et sur un rayon : 1. Poinçon de maître : absent ou disparu ; 2. Poinçon de jurande de décembre 1685 à avril 1688 : lettre R couronnée ; 3. Poinçon de charge : trace de fleur de lys + TOL.

    Le pied ovale, comme de coutume, est bordé d’une frise de godrons et cuirs ajourés. La tige est proche de celle des ciboires, constituée d’un nœud piriforme sobrement décoré entre deux collerettes de godrons. Au-dessus de la seconde bague, la tige se poursuit en balustre jusqu’à une troisième collerette à godrons. La jonction de la tige et de la custode est ornée d’un panache de feuilles. La custode est entourée d’une couronne de perles et de cartouches plats.
    Les rayons sont ciselés et découpés. Manquent la croix sommitale et la lunule.
Ce soleil a été transformé en reliquaire-monstrance de la Croix, d’une façon « hérétique », les reliquaires de la Croix devant toujours être cruciformes.

    La visite des sacristies réserve parfois de petites surprises... Dans la plupart des cas, on y trouve les calice, ciboire, croix d’autel en argent avec poinçon de Louis III Samson, orfèvre toulousain bien connu, actif de 1778 à 1822, et surtout, de 1798 à 1822, comme en témoignent les poinçons de titre et de garantie. Ces objets témoignent, eux, de la nécessité pour les fabriques nouvellement nommées après le Concordat de 1801 de reconstituer le "matériel" indispensable au rétablissement du culte catholique. De 1790 à 1794, toutes les églises de Haute-Garonne avaient dû livrer à la Monnaie de Toulouse toutes les pièces d’argenterie ou d’orfèvrerie qu’elles possédaient, pour qu’elles soient transformées en espèces sonnantes et trébuchantes. Certaines pièces, soustraites à l’attention des commissaires par des paroissiens réfractaires aux mesures révolutionnaires, et parfois de nouveau absentes des inventaires de 1905, réapparaissent à l’occasion des inventaires nettement plus sereins que nous réalisons avec les responsables locaux.
    C’est le cas de l’objet que je vous présente aujourd’hui : un 


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petit ostensoir, un "soleil", selon la terminologie d’Ancien Régime, transformé en reliquaire de la Croix, probablement au XIXe siècle, et privé à ce moment-là de sa lunule et de la croix sommitale. Nous l’avons sorti du fond d’une armoire de la sacristie de Montesquieu-Volvestre, derrière plusieurs reliquaires-monstrances de laiton ou bronze doré, des modèles industriels des années 1860/1880.
    La sacristie devant être entièrement vidée de son contenu, dans la perspective de travaux de mise hors d’eau et de réfection complète, l’Association des amis de l’église Saint-Victor a souhaité que soit fait un inventaire du patrimoine mobilier avant d’emballer tous les objets pour les déposer dans une salle de la mairie.
    Étant donné la date donnée par le poinçon, je suis allée consulter le procès-verbal de visite de Monseigneur de Johanne de Saumery, évêque de Rieux, le 27 mai 1725. Il n’y avait pas de soleil dans l’église : "le soleil n’a point de pied, on le met sur le reliquaire d’argent", mais la chapelle Notre-Dame-du-Bout-du-Pont et la chapelle des Pénitents bleus possédaient chacune un soleil d’argent. Ces deux chapelles ayant disparu conséquemment à la Révolution, il n’est pas interdit de penser que ce soleil en est un des rescapés.
    Bien qu’en mauvais état, ce "soleil" est un objet rare. Le catalogue de l’exposition "Trésors des églises de France" (Paris 1965) n’en présentait qu’un, provenant d’Aups (Var). Les publications de l’Inventaire Général des Richesses de la France sur les orfèvres régionaux les comptent sur les doigts d’une main… Il en existe un dans l’église de Ris (Hautes-Pyrénées) à peu près contemporain, classé Monument historique en 1979.

Nicole ANDRIEU »

    Le Président remercie Nicole Andrieu et la félicite de cette découverte qui mérite publication : l’œuvre est en effet extrêmement intéressante et significative.

    Au titre des questions diverses, Maurice Scellès présente les photographies d’une tête d’évêque retrouvée en remploi dans le mur d’une maison de Cahors, dans le quartier de l’église Saint-Urcisse. La statuaire gothique n’est qu’exceptionnellement représentée à Cahors : il subsiste dans la cathédrale le gisant de Raymond de Cornil, dont la tête a malheureusement disparu, et une Vierge, également sans tête, qui a sans doute appartenu à un groupe de l’Annonciation. La réapparition de cette tête d’évêque, outre les qualités plastiques de l’œuvre, est donc un événement pour notre connaissance de l’art gothique à Cahors. Les dimensions indiquent qu’elle a appartenu à une figure presque grandeur nature ; elle est en calcaire blanc crème, très fin, qui tranche avec le grès qui prédomine pour le décor sculpté de Cahors au moins jusqu’au XIVe siècle.

CAHORS, TÊTE D'ÉVÊQUE, XIVe SIÈCLE. Vue de face.

CAHORS, TÊTE D'ÉVÊQUE, XIVe SIÈCLE. Revers.


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    Michèle Pradalier-Schlumberger propose une première analyse de l’œuvre à partir des photographies dont elle a pu disposer :

     « Malgré l’absence de nez et de menton, la tête d’évêque, qui faisait sans doute partie d’une statue en pied, présente un intérêt certain par sa facture et peut être datée du XIVe siècle. Le visage lisse, au front bombé à peine marqué par la ligne des sourcils, se caractérise par l’étirement des yeux, largement fendus et étirés vers les tempes ; la paupière supérieure dessine un bourrelet régulier et la paupière inférieure est rectiligne, un peu remontée dans sa partie centrale. La bouche, malheureusement très abîmée, laisse encore deviner un très léger sourire qui creuse les joues et dessine les commissures des lèvres. L’ensemble du visage s’inscrit dans un rectangle que le menton et la mâchoire un peu forte devaient accuser. On aperçoit l’implantation de la chevelure sous la base de la mitre, les mèches de cheveux sont régulièrement alignées et dessinent une ligne un peu raide au-dessus du front.
    L’arrière de la tête, en assez bon état, laisse apparaître le cercle gemmé qui formait la base de la mitre ainsi que les deux pans de la mitre, mais la partie haute de la mitre a disparu. Le cercle gemmé est bordé de deux cercles ajourés, et le motif orfévré est encore lisible, le sculpteur a fait alterner des motifs circulaires, aux bords recreusés, et une superposition de deux petits médaillons intermédiaires. Sous la mitre, les cheveux, encore bien visibles sur les côtés de la tête, s’organisent en petites mèches ondées.
    Les comparaisons que l’on peut faire avec la statuaire languedocienne de la première moitié du XIVe siècle écartent les figurations d’évêques de l’atelier du Maître de Rieux ; même si certains traits du visage, comme les sourcils peu marqués, les yeux étirés et la bouche souriante sont communs à la plupart des visages de l’atelier toulousain, le visage de Cahors est plus étroit et les cheveux très différents, par leur aspect lisse et bien ordonné. Les mitres du Maître de Rieux n’ont jamais de cercle gemmé à la base et on s’oriente plutôt vers des œuvres un peu postérieures, datées de la décennie 1350-1360, par exemple la statue d’évêque du musée de Carcassonne, dont les cheveux ont encore le caractère bouffant de l’atelier toulousain, mais dont la mitre est très proche de celle de Cahors (même cercle gemmé à la base). Le visage lisse, l’absence de sourcils et les yeux étirés de l’évêque du musée de Carcassonne peuvent évoquer le visage de l’évêque de Cahors. Signalons également le gisant de l’évêque Jean de Cojordan (mort en 1364), dans l’église de Belpech, qui a le même type de mitre. Ces mitres à motifs d’orfèvrerie semblent avoir remplacé les grandes mitres à motifs de remplages rayonnants des années 1330-1340. On peut proposer le milieu du XIVe siècle pour la tête de Cahors, et un atelier méridional. 

Michèle PRADALIER-SCHLUMBERGER »

    Maurice Scellès explique que la proximité de la découverte permet de faire l’hypothèse d’une statue provenant de l’église Saint-Urcisse : le saint évêque a-t-il éventuellement été représenté sur le trumeau du portail ? Il conviendrait en tout cas de compléter la recherche iconographique pour savoir si saint Urcisse est habituellement représenté jeune. Aucune autre provenance ne doit cependant être exclue. Michèle Pradalier-Schlumberger rappelle que la statuaire conservée en Quercy est peu nombreuse et que les gisants y sont rares.
    Le Président remercie les deux intervenants et demande quel est le sort réservé à cette sculpture. Maurice Scellès précise qu'elle appartient à un particulier qui serait disposé à la céder au musée de Cahors.

    Louis Latour s’inquiète du devenir de l’hôpital Marchand, gravement endommagé par l’explosion du 21 septembre, alors que des rumeurs parlent de démolition. Il est précisé que l’édifice n’est pas protégé au titre des Monuments historiques, mais qu’il a fait l’objet d’un dossier très complet dû à Odile Foucaud. Une éventuelle protection ne fait pas l’unanimité dans les circonstances actuelles, et le directeur de l’hôpital y était jusqu’ici opposé.

    Christine Aribaud propose de laisser quelque temps en consultation à la bibliothèque de notre Société le beau catalogue de l’exposition Corsica christiana inaugurée le 2 juin dernier.

 

SÉANCE DU 4 DÉCEMBRE 2001

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Napoléone, Noé-Dufour, Pradalier-Schlumberger, MM. l’abbé Baccrabère, Catalo, Gilles, le Père Montagnes, Mgr Rocacher, MM. Prin, Roquebert, membres titulaires, Mmes Andrieu, Blanc-Rouquette, Jiménez, Watin-Grandchamp, MM. Garland, Ginesty, Manuel, Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusé : M. Ahlsell de Toulza, Trésorier.
Invitée : Mme Vidal.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 20 novembre dernier, qui est adopté. 
    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite, avec en particulier les candidatures au titre de membres correspondants de notre Société de Mme Jeanne Bayle et de Mme Virginie Czerniak. Les rapports sur ces candidatures seront respectivement confiés à Henri Pradalier et à Anne-Laure Napoléone.
    M. Romain Rico nous adresse pour le concours annuel de la Société le mémoire de maîtrise qu’il a consacré à l’architecte Lebrun. Un rapporteur devra être désigné.


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    Le Président donne ensuite lecture d’un courrier qui nous a été adressé, il y a déjà quelque temps, par le directeur des Archives départementales des Hautes-Pyrénées, M. Jean-François Le Nail, citant plus particulièrement le passage qui concerne nos Mémoires :

    « Je saisis cette occasion pour vous redire tout l’intérêt que je prends à la lecture des Mémoires de votre Société : non seulement bien sûr, des contributions que vous publiez, toutes de haute qualité et apportant de neufs et solides éléments de connaissance et de comparaison en matière d’archéologie et d’histoire de l’art au plan régional ; mais aussi des chroniques retraçant la vie académique de la Société archéologique, extrêmement intéressantes pour les détails qu’elles donnent sur l’activité, les projets, les avis et les prises de position significatives de votre compagnie et de ses membres en matière de protection et de conservation des édifices notamment. Ces chroniques constituent l’organe de la Société, instrument d’information sans équivalent pour les lecteurs éloignés de Toulouse, et bien évidemment elles sont une mine infiniment riche pour nos successeurs. Me doutant de ce que représentent la constitution et l’édition de ce volume annuel, je veux vous dire toute mon admiration pour votre magnifique publication. Et je vous livre mon sentiment… pour valoir ce que de droit ! »

    Deux dons viennent enrichir notre bibliothèque. De la part de Gabriel Manière, De la vénération historique à saint Jacques le Majeur dans le Volvestre, 44 p., et de celle de Quitterie Cazes et Maurice Scellès, Le cloître de Moissac, Éditions Sud-Ouest, 2001, 239 p.

    La parole est à Christine Jiménez pour une communication sur Les couvents des Dominicains et des Franciscains à Rieux-Volvestre (Haute-Garonne) :

« La cité épiscopale de Rieux-Volvestre est située à 47 km au sud-ouest de Toulouse. Au Xe siècle, la première mention du site concerne l’église qui est donnée à l’abbaye bénédictine de Lézat. Les moines installèrent un prieuré mentionné en 1119. La population se regroupa autour de l’église et de son cimetière donnant naissance ainsi à un bourg ecclésial. À l’initiative des Tersac, un autre bourg s’organisa à l’ouest. Sous les comtes de Toulouse, elle est le siège d’un bailliage et d’un archiprêtré dépendant du diocèse de Toulouse. En 1249, à la mort de Raymond VII, Rieux passa à Alphonse de Poitiers, puis, en 1271, elle fut rattachée à la couronne et devint une Jugerie royale en 1272. C’est l’époque où les Dominicains et les Franciscains s’installèrent dans la ville. Ces fondations confirment que le bourg est devenu une véritable ville. En 1317, Jean XXII démembra le diocèse de Toulouse et Rieux fut promue cité épiscopale. Au XVe siècle et jusqu’à la Révolution, elle fut le siège du diocèse civil. En 1801, la promulgation du Concordat supprima le diocèse religieux.

Les deux couvents ont aujourd’hui quasiment disparu ; toutefois, les textes, un dessin de 1828 et l’étude de leurs vestiges permettent de retrouver les bâtiments (1).

Le couvent des Dominicains 

Les Tersac introduisirent l’ordre à Rieux afin d’utiliser le couvent comme lieu de sépulture (2). Dès 1272, six religieux furent chargés d’étudier le projet de cette fondation, puis, en 1273, les prieurs du Puy et de Prouille vinrent enquêter sur les conditions et les promesses d’établissement ; il y eut une seconde visite en 1274, et en 1275 le couvent fut définitivement constitué (3) . 

Un autre bienfaiteur du couvent, Arnaud Frédet ou Fradet, dominicain, prieur du couvent de Bordeaux en 1302, chapelain et confesseur du pape Clément V en 1305, évêque de Couserans en 1309, mort en 1329, y avait lui aussi élu sépulture (4). Il finança, de son vivant, la construction de l’église, et fit voûter le chœur et la première travée de la nef (5).

Dès 1274, les Dominicains achetèrent au roi des maisons situées rue du Soulé du Comte (6). Peu de temps après, les Franciscains s’installèrent dans le même quartier et un conflit éclata entre les deux ordres mendiants. Un texte daté de 1282, intitulé "accord entre les frères Prêcheurs et Frères Mineurs", nous apprend que les frères Mineurs acceptèrent en effet un emplacement trop rapproché du couvent des Dominicains. Ceux-ci, arrivés les premiers, revendiquèrent le privilège des cannes et imposèrent aux Cordeliers de déménager, au plus tôt, sur un nouvel emplacement situé à l’extérieur des remparts ; eux-mêmes eurent droit de s’étendre jusqu’à la rue d’Auriac (7). 

Dès 1277, le studium était organisé, preuve que certains bâtiments existaient déjà (8). Par la suite, les frères achetèrent ou reçurent des terrains et agrandirent leur couvent, petit à petit. En 1308, un chapitre provincial se tint à Rieux, ce qui suppose que le couvent avait la capacité de loger les participants. Il est probable qu’à cette date la plupart des bâtiments étaient achevés.

À la Révolution, les religieux quittèrent le couvent et l’église fut fermée ; rendue au culte catholique en juillet 1800, elle fut détruite entre 1801 et 1804 (9). 

En 1554, les bâtiments et les jardins du couvent avaient pour limites, à l’ouest, la place des Jacobins, et trois rues, au 


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RIEUX01P.JPG (18268 octets)

RIEUX-VOLVESTRE, VUE DE LA VILLE EN 1828, dessin anonyme.
Collection particulière.

nord, la rue du Four, à l’est, la rue de l’Ort et au sud, la rue de Solé du Comte (10). Le terrain avait la forme d’un quadrilatère se rapprochant d’un rectangle régulier, ayant pour superficie 10000 m2 environ, plus de la moitié étant occupée par les jardins. Le côté sud du terrain avait à l’origine une forme plus régulière. En effet, lors des guerres de Religion les consuls empiétèrent sur les jardins afin d’agrandir le chemin de ronde puis, en 1595, des particuliers construisirent des habitations sur ce terrain en s’appuyant sur le mur de clôture du jardin (11).

L’église  

L’église était placée sous le vocable de saint Dominique, puis sous celui de sainte Eugénie à la suite de la translation des reliques de la sainte à Rieux, au XVIIe siècle (12). Au cours des siècles, tous les documents la situent sur l’emplacement actuel de la promenade publique (13). D’après le dessin de 1828, l’église était orientée. Elle se composait d’une abside polygonale, éclairée par quatre baies et d’une nef à quatre travées éclairées chacune par une baie. Les fenêtres s’inscrivaient dans des arcs bandés entre les contreforts comme aux Jacobins et aux Cordeliers de Toulouse. Le chœur et deux travées étaient voûtés mais le reste de l’église ne l’était pas (14). Le clocher, copié sur celui des Jacobins de Toulouse, s’élevait au nord de la troisième travée : c’était une tour octogonale à trois étages, composée d’un soubassement aux baies aveugles et de deux étages décorés de baies en mitre ; elle était coiffée d’un toit. L’église fut édifiée dans la campagne de travaux achevée en 1308 d’après le style de trois consoles qui peuvent avoir été exécutées entre 1280 et 1320. 

Analyse archéologique des vestiges

J. Contrasty, qui ne connaissait pas le dessin de 1828 publié pour la première fois en 1976 (15), situait l’église sur 


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l’emplacement de la maison de Me Oziouls. À l’intérieur de la cave, nous avons retrouvé les vestiges d’une abside orientée à l’ouest. Il ne s’agit pas d’une chapelle construite entre les contreforts de la nef de l’église car, sur le dessin de 1828, l’édifice était nettement détaché de l’église. Les sondages effectués par Michèle François montrent l’utilisation de plusieurs rangées de galets pour les fondations sur une hauteur de 1,20 m ; seule la dernière rangée est régulière et disposée en épi. Le reste de l’élévation est construit entièrement en briques de 5 à 6 cm d’épaisseur. Si le niveau de la cave est inférieur aux bases des colonnes, c’est parce que le sol fut creusé en 1830 pour aménager une cave vinaire. Les colonnes en briques, à demi engagées, ont été réutilisées, au XIXe siècle, pour supporter le plancher du rez-de-chaussée.

RIEUX02.gif (4959 octets)

RIEUX-VOLVESTRE, CAVE DE LA MAISON OZIOULS-ARNAULT. Relevé C. Jiménez.

À cause de ses dimensions modestes, 10,50 m sur 5,10 m, il pourrait s’agir de la première église des Dominicains construite vers 1275 qui devint chapelle funéraire et prit le vocable de Notre-Dame du Rosaire. Nous avons retrouvé de nombreuses mentions d’habitants désirant se faire enterrer dès le début du XVIIe siècle dans cette chapelle (16). Les premiers bâtiments se situaient au sud de cette église ; après 1282 et suite à l’acquisition de nouveaux terrains, les Prêcheurs demandèrent aux consuls l’autorisation d’empiéter sur la rue publique, afin de bâtir une église plus importante (17).

À l’intérieur d’une grange de la maison Pérez, construite au XIXe siècle, nous avons retrouvé le mur nord d’un bâtiment médiéval, percé de deux oculi. Ces ouvertures donnant sur l’extérieur, il s’agit d’un mur gouttereau, confirmé par la présence d’un contrefort à l’angle est et des traces d’arrachement d’un second contrefort au centre du mur actuel. Ces ouvertures devaient porter un décor de quatre-feuilles. Le cordon, intact, est composé de trois rangées de briques dont une seule porte un quart de rond. Au niveau du rez-de-chaussée, nous avons retrouvé le prolongement de ce mur avec les vestiges d’un arc brisé.

RIEUX-VOLVESTRE, GRANGE DE LA MAISON PÉREZ : 
le plan montre le mur conservé avec ses contreforts et deux oculi
. Relevé A.-L. Napoléone, C. Jiménez.

Le mur se prolonge dans une ancienne cuisine. Dessous, à 2,10 m, dans une petite cave aménagée au XIXe siècle, le mur médiéval est bâti avec des galets disposés sur une rangée entre trois assises de brique. Cette technique est utilisée pour les fondations, sur une hauteur de 1,65 m, le reste de l’élévation étant construit en briques de 5 cm d’épaisseur. L’élévation du mur se poursuit à l’étage de la maison, où elle est masquée. 

Il s’agit peut-être d’une chapelle axiale et d’une sacristie qui s’appuyait sur le mur est du chœur.

Les bâtiments conventuels

Nous ne savons rien des premiers bâtiments conventuels qui devaient se situer au sud de l’église primitive. Les bâtiments que nous voyons encore de nos jours à l’est de l’emplacement de l’église pourraient dater de reconstructions postérieures à la réforme du couvent au XVIe siècle. Les bâtiments de plain pied et assez longs pouvaient abriter le réfectoire, le dortoir des novices et servir de galeries pour accéder à l’église ; actuellement, les murs étant entièrement recouverts, aucun passage n’est visible. Le bâtiment principal était probablement un édifice entièrement à pans de bois dont seule la façade méridionale fut reconstruite en briques au XVIIe siècle. Il se composait d’une cave, d’un rez-de-chaussée, d’un étage d’habitation et d’un grenier accessible par une trappe. Le sous-sol a été en partie comblé mais on voit encore des niches en bâtière et un placard qui pourraient dater du XIVe siècle. À l’intérieur, l’édifice a subi de nombreuses transformations. Au sud, d’autres bâtiments, visibles sur le dessin de 1828, servaient sûrement de dépendances, cuisine, boulangerie, chai… 

Le cloître se trouvait au sud de l’église ainsi que la salle capitulaire qui ouvrait sur la galerie ouest ; sur la galerie méridionale, on voit encore des traces d’ouvertures ; seul l’arc brisé à double rouleau pourrait dater du XIVe siècle (18). 


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D’autres bâtiments dont nous ne connaissons pas la destination, visibles sur le dessin de 1828, ouvraient sur cette galerie. L’étude de dix-sept chapiteaux et de huit bases provenant du cloître nous permet de dégager trois campagnes de construction : une première campagne vers 1277, une deuxième au tout début du XIVe siècle et une troisième vers le milieu de ce même siècle (19). D’après les vestiges encore en place, la salle capitulaire était un bâtiment de 12 m de long à trois travées. Elle devait être achevée en 1308 car les bases de la porte et les chapiteaux des fenêtres sont très proches de ceux de la salle capitulaire du couvent des Jacobins de Toulouse, achevée en 1301.

Les Cordeliers

Nous avons peu de textes sur l’histoire du couvent. En 1347, Bernard Délicieux y fut détenu (20). En 1534, il passa à l’Observance mais resta rattaché à l’Aquitaine Ancienne. En 1609, le couvent comptait huit religieux, entre huit et six au XVIIIe siècle, et seulement trois en 1790 (21). En 1792, le couvent servit de maison d’arrêt et, en 1798, tous les bâtiments et les jardins furent vendus : "… le dit couvent et dépendances consistant en une église, un cloître, un logement pour les Religieux, un enclos et jardin de contenance d’environ un arpent…" (22).

 Situé extra muros, le couvent était enclavé entre deux fossés et le rempart. Seule la façade nord ouvrait sur la ville. Ce sont les mentions des fossés de la ville, des remparts sud-ouest et de la rue de la Bastide, puis des casernes qui furent construites sur les fossés aliénés par le roi qui permettent de le localiser (23). En mars 1798, l’acte de vente des bâtiments donne pour confronts, au nord, la rue du faubourg de la Bastide, au sud, l’Arize, à l’est, le petit jardin de l’hospice et la maison d’André Baron, à l’ouest, les casernes des gendarmeries. Le couvent occupait un quadrilatère dont trois côtés avaient 70 m de long ; le quatrième, en façade sur la rue de la Bastide, mesurait 25 m. Il est évident que les bâtiments s’adaptèrent à la topographie du terrain. Une ruelle très étroite, dite des Cordeliers, longeait le fossé ouest dit du bout de la ville.

L’église

Le dessin de l’église de 1828 montre qu’elle était orientée au sud. Elle se présentait comme un long édifice, avec de hautes fenêtres qui s’inscrivaient dans des arcs bandés entre les contreforts. On compte dix ouvertures, une pour l’abside polygonale et neuf entre les contreforts signalant neuf travées. Au-dessus des fenêtres, des oculi aéraient les combles. Si nous comparons ce dessin à celui de l’église des Cordeliers de Toulouse, la ressemblance est frappante : une nef très allongée, d'allure massive et puissante, arcs bandés reliant les contreforts, fenêtres étroites et même type de clocher. En outre, les comptes de réparations attestaient la présence de chapelles construites entre les contreforts de la nef, trois à l’est, et trois à l’ouest (24). 

Le cloître est signalé mais il semblerait qu’il était en bois.

La maison Vital n’est pas portée sur le cadastre de 1823 et l’église était déjà démolie. Un mur traverse la maison du nord au sud, conservé sur une élévation est de 7 m, pour une profondeur de 70 cm ; les briques ont une épaisseur de 3,5 cm à 4 cm. Le mur se prolonge vers le sud où il a été arasé et sert de limite de propriété.

Un autre mur, d’après la tradition, appartenait au couvent. Il est visible sur 16 m, côté maison Lucas et sur 30 m côté jardin Cazarré. Il a été arasé sur 2 m et il a une épaisseur de 1 m. Il s’agit probablement du mur ouest du grand bâtiment, à deux étages, que l’on voit sur le dessin de 1828 et qui, d’après les baux à besogne, regroupait la cuisine, le réfectoire et les chambres. Dans un document de 1736, les religieux signalaient l’église, la sacristie, la bibliothèque, le dortoir, la dépense, la busquière (remise à bois ?), la cave, une grange et le jardin (25). Ce dernier bordait l’Arize, en contrebas des terrains occupés par le couvent. On voit encore une fontaine dite des Cordeliers. Un autre mur où l’on remarque un cordon pourrait être celui de la salle capitulaire.

Nous avons retrouvé très peu de sculptures. Une clef de voûte quadripartite et une console portant le blason de la famille Lévis de Léran provenaient sûrement du voûtement de l’église, confirmant la participation de cette famille au financement de la construction. Les sculptures sont traitées d’une manière assez fruste et bien que contemporaines de celles du couvent des Dominicains de Rieux, elles ne sont pas aussi raffinées. Yvette Carbonell-Lamothe a constaté que les établissements franciscains en Gascogne vers 1300, donnèrent la priorité à l’église qui était d’une taille remarquable par rapport au reste de l’installation (26). Elle a constaté l’importance du bois et c’est le cas à Rieux avec une église où, seule, l’abside était voûtée et peut-être une travée. Les religieux avaient fait construire un cloître en bois, faute de moyens ou volonté d’affirmer l’esprit de pauvreté dicté par la règle de l’ordre. Ainsi, si l’église était conforme à ce qui se faisait à Toulouse dans le domaine de l’architecture : nef unique très allongée, arcs bandés reliant les contreforts, fenêtres étroites, oculi aérant les combles, chapelles entre les contreforts…, dans le domaine de la sculpture, on constate une certaine retenue. Francesca Picou étudiant les plans des couvents constate que les dimensions restaient modestes, que les nefs étaient allongées, étroites et de faible hauteur avec des dimensions courantes de 50 m pour 9 à 10 m de largeur (27). Ce sont les dimensions approximatives que nous avons constatées pour l’église de Rieux. 

Christine JIMÉNEZ »


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1. Cet article est extrait de notre thèse de doctorat : La cité épiscopale de Rieux-Volvestre (Haute-Garonne), sous la direction de Michèle Pradalier-Schlumberger, Université de Toulouse-Le Mirail, 2000. 
2. Maurice Vuillier, Histoire de la famille de Tersac de Montberaud des origines à la Révolution, t. V, Toulouse, 1998. 
3. P. A. Amargier, O. P., Bernardus Guidonis, De fundatione et prioribus conventuum provinciarum
Tolosanae et Provinciae ordinis Praedicatorum, Instituto Storico Domenicano, Rome, 1961, p. 189-192. 
4. P. A. Amargier, op. cit., p. 87 ; B.n.F., Collection de Languedoc, Mémoire de Blaise Binet, vol. 20, fol. 180. A.D. Haute-Garonne, Q 593 1791. 
5. B. Binet, op. cit., fol 180. 
6. A.M. Rieux, S 4 : Vidimus par l’official de Toulouse de lettres de 1274 du sénéchal Eustache de Beaumarchais vendant aux frères Prêcheurs des maisons appartenant au roi. 
7. A.D. Haute-Garonne, 2 G 166. 
8. Jean Contrasty, Histoire de Rieux-Volvestre et de ses évêques, 1936, p. 55. 
9. A.D. Haute-Garonne, 2 O 1110 et A.M. Rieux, D 9. 
10. A.D. Haute-Garonne, Q 264, A.M. Rieux, compoix G 1, G 2 et G 3, et repérage sur le terrain. 
11. A.D. Haute-Garonne 2 G 166 : en 1595, les Dominicains portèrent l'affaire devant Johan Tamans, notaire royal ; la bande de terrain avait pour superficie 4 cannes sur 12, soit environ 150 m2. A.D. Haute-Garonne, 2 G 165 : en 1783, les Dominicains se plaignant que le jardin ne recevait plus les rayons de soleil nécessaires pour fertiliser les terres portèrent l'affaire devant le Parlement de Toulouse ; nous ne connaissons pas l'issue du procès. 
12. B. Binet, op. cit
13. A.M. Rieux, G 1, G 2 et G 3. 
14. B. Binet, op. cit. Logiquement, dans son énumération, l'auteur aurait dit : « la troisième n'est point voûtée ». Il signale un don de l’évêque de Rieux Hugues d’Espagne (1487-1500) pour le voûtement d’une travée. Nous avons retrouvé un fragment de clé de voûte portant une partie du blason du prélat confirmant le voûtement de la troisième travée à la fin du XVe siècle, cf. le volume III de notre thèse p. 5 et 6. 
15. Raymond Houlès, Rieux-Volvestre, t. II Les Rivois (1780-Directoire-1842-1910), Muret, 1976, p. 12. Le dessin se trouvait chez le docteur Patte ; depuis, il se trouve chez sa petite-fille à Montauban. Une habitante de Rieux, E. Vital, avait elle aussi photographié ce dessin en 1974 ; elle nous a communiqué très aimablement le cliché.
16. A.D. Haute-Garonne, 2 G 139, Registre des obits et fondations avec copie des testaments faits par divers particuliers en faveur du clergé de Rieux de l’année 1544 à 1666. Avant 1620, le lieu de sépulture n’était pas précisé. Ajoutons que nous n’avons jamais trouvé mention de cimetière. En revanche, lors des travaux de voirie, de nombreux ossements furent mis au jour sur l’emplacement de l’église. 
17. Cette ruelle était mentionnée comme confront sur l'acte de vente d'une maison située rue du Four qui est dite « dépendante de la ruelle des Jacobins » ; elle n'apparaît sur aucun compoix : visiblement elle longeait la partie nord du couvent.  
18. Archives des Monuments historiques, relevé de Maurice Prin. 
19. La plupart appartenaient à la famille de Pardaillan : ils furent dispersés dans les années 1970. Voir le volume III de notre thèse p. 32-58. 
20. François Gonzaga, De origine Seraphicae Religionis Franciscanae, eiusque progressibus, Rome, 1587, p. 728-729. 
21. A.D. Haute-Garonne, 118 bis H 2, dossier Réforme ; L 4214, Département de la Haute-Garonne, district de Rieux, état nominatif des religieux. 
22. A.D. Haute-Garonne, 2 O 1109, Préfecture, Procès-verbal d’adjudication et vente des Domaines nationaux, conformément à l’article IV des lois du 28 Ventôse. 
23. A.M. Rieux, D 3 : « La muraille du bout de la ville proche des Cordeliers menace totale ruine ». La tour que nous avons repérée sur le terrain est toujours signalée derrière les Cordeliers ; idem, G 1, G 2, G 3. 
24. A.D. Haute-Garonne, 2 G 84 : Liste des recettes des couvents. Celles de l’est étaient dédiées l’une à saint Roch, l’autre à saint François, saint Antoine, sur le mur ouest à sainte Anne, saint Joseph, et la dernière proche de l’abside dédiée à Notre-Dame. 
25. Idem
26. Yvette Carbonell-Lamothe, « Les établissements franciscains de Gascogne vers 1300 », dans Cahiers de Fanjeaux, n° 9, 1974, Privat, Toulouse, p. 166-183. 
27. Francesca Picou, « Églises et couvents des frères Mineurs en France : recueil de plans », Bulletin Archéologique du Comité des Travaux historiques et scientifiques, n° 17-18, fasc. A, 1981-82, Paris, CTHS, 1984.

 

    Le Président remercie Christine Jiménez de nous avoir guidés à travers cette difficile lecture des vestiges archéologiques conservés dans les maisons de Rieux. Il note le grand intérêt des fragments de décor sculpté, très dispersés, qui montrent une grande diversité de qualité qui va des productions communes à des œuvres plus caractérisées.
    Patrice Cabau attire l’attention sur le plan de la chapelle des dominicains, où il voit une chapelle funéraire dès l’origine plutôt qu’un premier établissement, ajoutant qu’il faudrait bien sûr savoir si elle a fait l’objet d’une vénération particulière. Christine Jiménez précise que l’on demande à être enterré dans cette chapelle à partir du XVIe siècle.
    Patrice Cabau remarque que les armes de Gaillard de Preyssac sont partie de Bertrand de Got parce qu’il s’agit de l’un de ses neveux par sa mère Gaillarde de Got, et donc dans ce cas d’un personnage de la plus noble extraction.
    Gabriel Manière s’étant enquis de l’activité des frères, le Père Montagnes dit que c’est là l’une des difficultés de l’étude de ces couvents, car les archives ne disent en général rien de la vie de la communauté. Il rappelle que les archives conservées sont en général celles qui concernent les revenus de l’établissement, puis il demande des précisions sur la vente des bâtiments comme biens nationaux. Christine Jiménez indique que la vente s’est faite en trois lots, dont l’un comprenait l’église et le cloître ; l’église a ensuite été revendue puis rendue au culte en 1800.


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    Le Président ayant demandé si l’on disposait de descriptions des bâtiments, Christine Jiménez dit que les informations sont rares, les textes se bornant à faire état d’une église très vaste dont le chœur est voûté et d’un grand bâtiment.
    S’attachant à quelques détails archéologiques, Maurice Scellès note que l’arc en partie dégagé présente un tracé qui semble correspondre à celui d’un arc segmentaire plutôt qu’à un arc brisé, la maçonnerie environnante, très médiocre, ne lui paraissant pas médiévale. Quant au faux-appareil, il peut être très tardif, ce type de décor, à fausses pierres de grandes dimensions dessinées par des traits simples, étant encore employé du XVIe siècle jusqu’au XIXe. Christine Jiménez fait cependant remarquer que des comparaisons sont également possibles avec le décor de certaines chapelles des Jacobins de Toulouse.

    Au titre des questions diverses, Dominique Watin-Grandchamp attire l’attention de la Compagnie sur un bâtiment médiéval de l’abbaye Saint-Sernin.

    Ce bâtiment est aujourd’hui en vente et pourrait faire l’objet d’une opération de promotion immobilière. On s'accorde pour considérer qu'il mérite d'être protégé au titre des Monuments historiques, en insistant sur le fait qu’il est important de le faire connaître.

    Le Secrétaire général annonce que les membres qui souhaitent publier un article dans le prochain volume de nos Mémoires devront lui indiquer le titre et le nombre de pages souhaitées avant le 31 décembre prochain. Il rappelle que la publication est soumise à l’approbation du Bureau et du Comité scientifique.

 

SÉANCE DU 18 DÉCEMBRE 2001

Présents : MM. Cazes, Directeur, Coppolani, Directeur honoraire, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier ; Mmes Napoléone, Noé-Dufour, M. l’abbé Baccrabère, MM. Bordes, Prin, membres titulaires ; Mmes Félix, Fournié, Fraïsse, Pujalte, MM. Burroni, Testard, membres correspondants.
Invité : M. Patrick Gironnet, architecte des Bâtiments de France du département du Tarn.
Excusé : M. Peyrusse, Président.

    La séance s’ouvre à 17 heures sous la présidence du Directeur. Après avoir constaté que la froidure a quelque peu réduit le nombre ordinaire des membres de l’assemblée, Daniel Cazes annonce l’ordre du jour de la séance.
    La parole est au Secrétaire général pour la lecture du procès-verbal de la séance du 4 décembre 2001, qui est adopté.
    Le Directeur rend compte de la correspondance, qui comprend notamment une copie du jugement rendu en date du 4 octobre 2001 par le Tribunal correctionnel de Saint-Gaudens à l’encontre de M. E. B. pour infraction à la législation sur les fouilles archéologiques et condamnant celui-ci à verser une amende de 30 000 F, dont 5 000 sont attribués à notre Société à titre de dommages et intérêts.

    Daniel Cazes présente l’ouvrage, tout récemment paru, de notre confrère Louis Latour : Le canton d’Auterive (Empreinte éditions, 2001), cinquième volume de la série consacrée aux Églises et Chapelles de la Haute-Garonne, dont la publication est assurée par l’AREC 31 sous la direction de Mgr Jean Rocacher. Le Directeur remercie M. Latour d’avoir offert pour notre bibliothèque un exemplaire de son travail, qui circule dans l’assemblée.

    La parole est à Anne-Laure Napoléone pour son rapport sur la candidature de Mme Virginie Czerniak, assistante de conservation à Moissac, au titre de membre correspondant de notre Société. Il est procédé au vote : Mme Czerniak est élue membre correspondant.

    Le président de séance donne ensuite la parole à Chantal Fraïsse pour la communication du jour, intitulée Observations sur le fonctionnement du scriptorium de Moissac autour de 1100, publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.

    Daniel Cazes remercie vivement Chantal Fraïsse, qui a su faire revivre parmi nous le scriptorium de Moissac, à la fois si familier et si énigmatique. Il évoque l’extraordinaire qualité esthétique de ces lettres ornées où se mêlent entrelacs et rinceaux dévorés ou crachés par des créatures étranges, toutes images qui donnent à rêver. S’il rappelle les relations existant entre les jeux graphiques de ces enluminures et la plastique des chapiteaux du cloître de Moissac, c’est pour souligner que le travail sur le parchemin est d’une précision beaucoup plus grande que le travail dans la pierre, cela s’expliquant sans doute par des raisons techniques. Le Directeur fait ensuite appel aux questions et observations de la Compagnie.

    Maurice Scellès revient sur le problème du rapport entre lettrines et rubriques. Chantal Fraïsse confirme que l’analyse des textes reste à préciser pour établir une relation d’identité entre peintre des initiales ornées, scripteur des incipit et copiste du corps du texte. Puis elle exprime son sentiment que l’apprentissage paraît se faire directement, au contact de la tâche, en quelque sorte sur le tas, tant il est manifeste que certains peintres évoluent au cours même de leur travail. M. Scellès indique avoir fait avec Quitterie Cazes le même constat pour ce qui est de la sculpture du cloître. Il note que les chapiteaux présentent de sensibles variations de qualité, juxtaposant des prestations d’artistes de haut niveau et des productions d’opérateurs moins doués. Relevant l’utilisation du mot « artiste », Mme Fraïsse dit que ce terme dont nous nous servons à propos des peintres ou sculpteurs « principaux » ne doit pas laisser croire à une individualité spécialisée, isolée, possédant un statut à part : s’agissant des lettres 


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enluminées, elle est convaincue que leur auteur ne se pensait pas comme un « artiste » singulier. Elle insiste sur le fait que, manifestement, pour ceux qui travaillaient dans le scriptorium de Moissac, l’écriture était première. M. Scellès abonde en ce sens. Reprenant le parallèle avec la sculpture, il montre que le cloître de Moissac est tout entier un discours, illustré certes, mais avant tout un texte.
    Mme Fraïsse rappelle que le peintre auteur du manuscrit illustré du Traité des Vertus et des Vices, compilé à Moissac dans la première ou la deuxième décennie du XIe siècle (B.n.F., ms. 2077 ; voir « Bulletin de l’année académique 1999-2000 », dans M.S.A.M.F., t. LX, 2000, p. 213), concevait l’image comme un medium, un moyen de transmettre la parole de Dieu ; aux environs de 1100, il n’y a pas à Moissac de « grande illustration », d’« iconographie pure ». Daniel Cazes se demandant si l’image ne vient pas par le truchement du jeu épigraphique, particulièrement élaboré dans les incipit, Mme Fraïsse déclare que les rubriques constituent une forme intermédiaire entre texte et image. Maurice Scellès s’interroge sur la disparition des illustrations au profit des lettrines, explicable par la primauté accordée au texte : cet abandon de l’image participe-t-il d’un phénomène général au XIe siècle, ou bien est-il propre à l’abbaye de Moissac ? Chantal Fraïsse dit qu’une pareille évolution peut paraître s’esquisser pour le scriptorium de l’abbaye Saint-Martial de Limoges, mais qu’elle y est beaucoup moins perceptible qu’à Moissac.
    Un membre de l’assemblée s’étant intéressé à telle grande initiale A réalisée en deux temps, « commencée par le maître » et « achevée par un élève », notre consœur précise qu’il s’agit, pour le scriptorium de Moissac, de la seule lettrine peinte à deux (ou quatre) mains, puis elle exprime toute sa réticence à parler en termes de « maître » et d’« élève » : une telle hiérarchisation lui apparaît comme peu conforme à l’esprit d’une communauté monastique qui accueillait des individus sans doute divers, mais qu’il importait d’intégrer très vite dans une relation de confraternité. Olivier Testard intervient en ce sens, qualifiant la relation entre peintres complémentaires de « rapport de bonne compagnie », de « coup de main prêté à un confrère ».
    François Bordes revient sur l’importance des textes, demandant si la transcription d’un ouvrage a été assurée, du début à la fin, par le même scripteur, puis, de façon plus générale, il pose la question de savoir s’il est possible de parler d’une « culture » du scriptorium de Moissac. Mme Fraïsse souligne combien tout ce qui est systématique est étranger au scriptorium moissagais : les manuscrits y sont des œuvres plurielles, collectivement élaborées, et aucun scripteur n’est attaché à un ouvrage particulier ou exclusivement affecté à un type d’ouvrage ; quant à la notion de « culture », elle est bien trop moderne, par trop contemporaine pour être pertinente.
    Daniel Cazes remercie une fois encore Chantal Fraïsse de nous avoir offert une communication aussi passionnante.

    Au titre des questions diverses, Guy Ahlsell de Toulza annonce qu’il a reçu de Mme Martine Rouche un message électronique daté du 5 décembre sollicitant le patronage de notre Société pour le Salon du livre d’histoire locale qui doit se tenir à Mirepoix en 2002. François Bordes présente en quelques mots cette manifestation, organisée chaque année et fort conviviale.

    L’ordre du jour étant épuisé, le Directeur, en son nom et au nom du Bureau, souhaite à tous de bonnes fêtes de Noël et de fin d’année.

 

SÉANCE DU 8 JANVIER 2002

Présents : MM. Peyrusse, Président, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Merlet-Bagnéris, Napoléone, Noé-Dufour, Pousthomis-Dalle, MM. Prin, Tollon, Vézian, membres titulaires ; Mmes Conan, Fronton-Wessel, Jiménez, Pujalte, Ugaglia, Watin-Grandchamp, MM. Burroni, Cranga, Ginesty, Macé, membres correspondants.
Excusés : M. Coppolani, Directeur honoraire, Mme Cazes.
Invitées : Mme Latour, Mlle Rieg.

    La Compagnie se retrouve à 17 h au Musée Saint-Raymond pour une visite de l’exposition L’or de Tolosa. Le Président remercie Daniel Cazes et Évelyne Ugaglia de nous offrir ce premier bonheur de l’année civile en nous accueillant au Musée Saint-Raymond pour nous permettre de revisiter, non pas une exposition au titre accrocheur comme L’or des Scythes, L’or des Incas ou L’or des steppes, mais un vrai sujet d’histoire toulousaine. On sait qu’il y a là quelques points de discorde entre les historiens de l’Antiquité, mais nous n’entrerons pas dans ces débats, portant plutôt notre attention sur les études techniques très savantes qui nous sont proposées.

    Évelyne Ugaglia, commissaire de l’exposition, présente alors à la Compagnie les sections successives de l’exposition : l’or de Toulouse entre histoire et légende, l’extraction du minerai et une exceptionnelle série de parures d’or, torques, bracelets et anneaux de chevilles, rassemblés pour la première fois.
    Le Président remercie Évelyne Ugaglia d’avoir su nous présenter aussi prestement un ensemble qui comprend en fait trois expositions, et il demande s’il est possible de rêver à une grande exposition qui ne ferait justement pas l’économie de tous les mythes. Évelyne Ugaglia abonde dans ce sens en estimant qu’il faudra consacrer une grande exposition aux origines de Toulouse prenant en compte jusqu’aux découvertes récentes faites à Vieille-Toulouse.
    À propos des torques d’une seule pièce, le Président s’étonne de leur taille et demande s’il faut penser qu’ils étaient portés par des enfants. Évelyne Ugaglia le confirme en précisant que l’on a des exemples de sépultures d’enfant accompagnées d’armes de dimensions réduites, ou de défunts accompagnés des parures de tailles différentes portées pendant leur vie. Le Président l’ayant 


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interrogée sur les traces d’usure que portent ces bijoux, Évelyne Ugaglia indique qu’elles sont en particulier visibles sur les fermetures.
    Le Président demande si l’on a une idée des alliages et des provenances de l’or. Après avoir rendu hommage à l’extraordinaire travail réalisé par Mme Hélène Hautenove, spécialiste de l’orfèvrerie, et Mme Ambruster, orfèvre, Évelyne Ugaglia dit que les analyses des torques conservés au Musée Saint-Raymond sont anciennes : de nouveaux matériels sont attendus, qui devraient prochainement permettre des avancées. Elle souligne que l’intérêt de l’exposition actuelle est en particulier de s’attacher aux bijoux eux-mêmes, alors qu’ils sont toujours montrés comme objets d’illustration.

    Le Président remercie Évelyne Ugaglia en prenant rendez-vous au nom de la Compagnie pour la prochaine exposition.

 

SÉANCE DU 22 JANVIER 2002

Présents : MM. Peyrusse, Président, M. Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Cazes, Napoléone, Pradalier-Schlumberger, MM. Bordes, Catalo, Pradalier, Prin, Mgr Rocacher, MM. Roquebert, Tollon, membres titulaires ; Mmes Blanc-Rouquette, Conan, Czerniak, Fraïsse, Fronton-Wessel, Jiménez, MM. Geneviève, Ginesty, Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mme Pousthomis-Dalle, MM. Garland, Pousthomis.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 8 janvier et le Secrétaire-adjoint de celui de la séance du 18 décembre : les deux procès-verbaux sont adoptés.

    Le Président présente à la Compagnie Mme Virginie Czerniak, nouvellement élue membre correspondant et qui prend séance ce soir. Puis il rend compte de la correspondance manuscrite :
    - Christian Mange, directeur de la section d’Histoire de l’Art à l’Université de Toulouse-Le Mirail, remercie notre Société de l’aide qu’elle lui a apportée en lui permettant d’organiser les soutenances de thèses et de maîtrises dans ses locaux après l’explosion d’A.Z.F. ;
    - notre confrère Pierre Gérard nous adresse ses vœux en regrettant que sa santé ne lui permette pas d’être plus souvent présent parmi nous ;
    - notre Président et notre Trésorier sont convoqués à la prochaine réunion du Bureau de la Fédération des Sociétés savantes et académiques de Toulouse ;
    - la Fédération historique de Midi-Pyrénées lance un appel à communication pour le 54e congrès régional qui se tiendra à Millau les 21-23 juin 2002.

    Notre bibliothèque s’enrichit de plusieurs dons :
    - Louis Malet et Françoise Nobaut-Martin, préface de Louis Peyrusse, Pierre-Paul Laclau, sculpteur Tarnais de mobilier d’église et autres artisans sur bois des Ségalas au XIXe siècle, Archives et patrimoine, 2001, 141 p. (don des auteurs) ;
    - de la part de Michel Roquebert, un épais dossier de photocopies du fonds Doat concernant l’abbaye de Boulbonne ;
    - de M. Pierre Carci, Villeneuve d’Aveyron, maison impasse de Cavalier : étude de la charpente, 2001, 5 p. + 11 p. d’illustrations, photocopie, inédit.

    Nous avons par ailleurs reçu deux candidatures pour le concours : Mlles Mélanie Chaillou et Nancy Moreno présentent leurs mémoires de maîtrise, respectivement sur les maisons médiévales de Puycelsi (Tarn) et de Lauzerte (Tarn-et-Garonne). Le premier rapport est confié à Quitterie Cazes, le second à Jean Catalo.

    L’ordre du jour appelle l’élection d’un membre correspondant. Le rapport d’Henri Pradalier sur la candidature de Mme Jeanne Bayle entendu, celle-ci est élue membre correspondant.

    La Compagnie se constitue en Assemblée générale et le Président présente le rapport moral de l’année 2001. La parole est ensuite au Trésorier pour le rapport financier. Le rapport moral est soumis à l’approbation de la Compagnie et approuvé. Le rapport financier est approuvé et il est donné quitus de sa bonne gestion au Trésorier.

    Le Président rend compte de la dernière réunion du Bureau et indique qu’il est envisagé de nommer plusieurs membres honoraires, en vue d’accroître le rayonnement de notre Société. Les membres du comité scientifique des Mémoires, Mme Éliane Vergnole, M. Patrick Périn et M. Jean Guyon seront proposés et le Président propose également M. Bruno Foucart. Leur élection sera évoquée à la prochaine séance.
    Puis le Président rappelle que les élections statutaires concernent cette année les fonctions de Président, de Secrétaire général et de Bibliothécaire-Archiviste. Le Bureau propose la candidature de Michèle Pradalier-Schlumberger qui a bien voulu accepter de se présenter aux suffrages de la Compagnie pour la fonction de Président. Il est bien difficile de faire son éloge devant elle, mais chacun ici connaît la rigueur et l’exigence avec lesquelles elle assure son enseignement à l’Université et suit le travail de ses étudiants. La Société Archéologique du Midi de la France trouvera ainsi l’occasion de montrer qu’elle est ouverte aux femmes et capable de leur donner toute leur place. Notre consœur ne sera pas la première femme à exercer la présidence de l’une des 


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Compagnies de l’Hôtel d’Assézat, venant après Mme Enjalbert élue à l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres, dont la présidence est cependant tournante, mais la première à être élue à la Présidence de notre Société.
    Après avoir souligné l’énorme travail réalisé par le Bibliothécaire-Archiviste et le Secrétaire général, le Président demande à la Compagnie de leur renouveler sa confiance. Louis Latour annonce que ce sera son dernier mandat de Bibliothécaire-Archiviste. Il souhaite être remplacé dans deux ans, en assurant toutefois qu’il aidera son successeur.

    On procède au vote. Au moment de dépouiller les bulletins, le Président fait remarquer au Trésorier, pour la dernière fois précise-t-il, que l’urne est extraordinairement incommode.
    Votent les dix-sept membres titulaires. Michèle Pradalier-Schlumberger, Louis Latour et Maurice Scellès sont élus ou réélus respectivement Présidente, Bibliothécaire-Archiviste et Secrétaire général. Louis Peyrusse les félicite tous trois en leur prodiguant ses encouragements.

    La parole est à Jean Catalo pour une communication sur Le couvent médiéval des Cordeliers de Castres (Tarn), publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Jean Catalo d’avoir su nous présenter, en respectant la contrainte de temps imposée, un exposé aussi passionnant sur une fouille pourtant assez complexe. Jean Catalo dit qu’en effet il s’agit d’un état du site difficile à percevoir, ne présentant que peu d’éléments en élévation, les Protestants ayant récupéré tous les matériaux pour construire un bastion ; les conditions de fouille ont en outre imposé d’aller au plus rapide, sans que trop d’informations aient cependant été perdues. L’un des principaux acquis est celui du plan des bâtiments du couvent médiéval.
    Le Président remarque la spectaculaire rencontre des données de l’histoire sérielle et de l’archéologie, et demande s’il ne faut pas s’inquiéter d’une aussi parfaite correspondance. Jean Catalo reconnaît que les conclusions de l’étude ont été sur ce point surprenantes, considérant qu’une telle coïncidence rendait d’autant plus utile leur présentation.
    Quitterie Cazes demande des précisions sur les éléments qui ont imposé une orientation de l’église si peu conforme. Pour Jean Catalo, ce sont sans doute le rempart du XIIIe siècle et la volonté d’utiliser le mur de la fortification tout en se plaçant au plus près d’une entrée dans la ville qui ont dicté l’implantation des bâtiments du couvent.
    Daniel Cazes l’ayant interrogé sur d’éventuelles découvertes d’éléments sculptés ou épigraphiques en liaison avec le cloître ou la salle capitulaire, Jean Catalo indique que la seule sculpture mise au jour par la fouille est la tête retrouvée dans la fondation du chevet de l’église. Il précise que le sol de la salle capitulaire avait été excavé, peut-être pour récupérer les dalles funéraires qui pouvaient s’y trouver. Le Président demande s’il faut y voir la manifestation de l’iconoclasme des Protestants ou bien la seule volonté de récupérer tous les matériaux disponibles. Pour Jean Catalo, il s’agit plutôt de récupération et il serait sans aucun doute intéressant de pouvoir examiner le bastion qui, aujourd’hui, se trouve sous la place.
    Quant à la tête sculptée qui a été présentée, Michèle Pradalier-Schlumberger dit qu’elle la situerait plus volontiers dans la première moitié du XIIIe siècle, proche donc de la fondation du couvent, et pas au-delà du milieu du siècle. Sa facture est élaborée et montre un traitement très décoratif. Jean Catalo dit avoir eu l’impression d’être en présence d’une sculpture juste ébauchée. Daniel Cazes remarque qu’elle évoque des types antiques, celui d’un Silène ou encore le type socratique si l’on se réfère au profil encore perceptible en dépit de la cassure. Elle appartiendrait ainsi à un répertoire bien représenté dans la sculpture gothique et plus particulièrement utilisé dans les parties hautes des édifices.
    Henri Pradalier s’interroge sur la pertinence de l’attribution de cette sculpture, si l’on en remonte la datation au début du XIIIe siècle, au premier couvent des Cordeliers, dont les constructions devaient être bien modestes. Jean Catalo confirme que le site n’était auparavant occupé par aucun autre édifice.
    À propos du cimetière, Henri Pradalier demande où étaient enterrées les femmes puisqu’elles y sont aussi nettement sous-représentées. Jean Catalo explique que la clientèle des Franciscains est surtout recrutée parmi les artisans et les marchands et que l’élection de sépulture suppose un testament. Les analyses de Marie-Claude Marandet sur le Toulousain, le Lauraguais et le pays castrais à la fin du Moyen Âge ont montré qu’il y avait une relation étroite entre la rédaction d’un testament et le niveau de richesse, les femmes ayant de fait moins souvent les moyens de tester que les hommes. Henri Pradalier en convient mais fait remarquer que cela n’explique pas que les épouses soient enterrées ailleurs, la même interrogation valant pour les enfants, comme le note Quitterie Cazes. Jean Catalo précise que dans 60 % des volontés exprimées, les hommes demandent à être enterrés auprès des parents hors le conjoint, mais que dans bien des cas on choisit de se faire inhumer auprès d’un confrère ou d’un ami, signe peut-être d’un certain relâchement des liens familiaux au profit de liens autres. Les femmes, elles, demandent majoritairement à être enterrées auprès de leur conjoint.
    Après une question sur le statut de ce cimetière, Bruno Tollon demande si la fouille des sépultures a été exhaustive. Jean Catalo répond par la négative, en affirmant toutefois que l’on dispose d’un bon échantillon puisque ce sont 135 individus qui ont été identifiés à l’intérieur de l’enclos, ce qui représente à peu près la moitié de l’emprise probable du cimetière. On se trouve dans un contexte particulier où les données statistiques sont donc significatives. Daniel Cazes voudrait savoir où étaient inhumés les frères. Jean Catalo indique qu’à son corps défendant, il ne lui a pas été possible de fouiller la galerie du cloître et la salle capitulaire, excepté un caveau familial. On ne peut donc exclure qu’elles aient été le lieu privilégié des premières sépultures des frères ; la question reste posée d’un éventuel mélange, par la suite, des sépultures des frères et de personnes extérieures au couvent.

    Au titre des questions diverses, le Président annonce que la livraison d’avril 2002 de la Lettre des Amis de l’Hôtel d’Assézat sera consacrée à la présentation de la Société Archéologique. Par ailleurs, le concert organisé par les Amis de l’Hôtel d’Assézat aura lieu le 8 février.


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    Est ensuite évoqué le projet d’agrandissement du bâtiment du catéchisme sur l’emplacement du cloître de la cathédrale de Saint-Étienne. Le projet est surprenant si l’on se rappelle que les déclarations d’intention depuis les interventions de Stym-Popper ont toujours affirmé la nécessité du dégagement de l’espace du cloître afin d’en permettre la fouille et une présentation un peu plus digne. Il faut relever qu’il vient au jour après que l’on a, sur le site voisin de la rue Sainte-Anne, évacué toute possibilité de fouille et de mise en valeur des vestiges de l’ancienne église Saint-Jacques et que l’on a masqué le rempart romain, pourtant conservé jusqu’à son crénelage que l’on est en train de recrépir consciencieusement. Il est clair qu’il n’y a aucune réflexion sur la sauvegarde et la mise en valeur de l’environnement de la cathédrale. Un membre renchérit en relevant que l’on constate une fois de plus l’absence de toute vision d’ensemble. Un autre précise que, s'il a bien lu le panneau de travaux, c’est l’architecte en chef qui intervient sur ces bâtiments déplorables, presque du préfabriqué, au lieu de les démolir comme on pouvait raisonnablement l’attendre de l’administration des Monuments historiques.

    Le Secrétaire général rend compte de l’entrevue qu’il a eue, en compagnie de M. Féron, avec l’adjoint au Maire de Toulouse chargé de la culture, Me Bouscatel. L’objet était l’informatisation des catalogues des bibliothèques des Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat et leur éventuel intégration dans le réseau des bibliothèques et de la médiathèque de la Ville de Toulouse. Me Bouscatel a confirmé que le Maire de Toulouse était très favorable au projet, comme lui-même, et que cela allait dans le sens de la politique culturelle de la Ville. En levant toute éventuelle ambiguïté sur le sens de l’expression « politique culturelle », le Secrétaire général saisit l’occasion pour rappeler que toute discussion politique ou religieuse est interdite par les statuts de notre Société. Le Secrétaire général brosse à grands traits le tableau des implications que pourrait avoir l’entrée de la bibliothèque de notre Société dans le réseau des bibliothèques de la Ville et conclut son propos en souhaitant un débat en séance sur ce sujet.
    Mme Blanc-Rouquette rappelle que ce projet de réseau est déjà un très vieux projet. Le Bibliothécaire-Archiviste exprime un accord de principe.

    Maurice Scellès présente ensuite à la Compagnie un document acheté tout récemment sur le marché Saint-Sernin, parmi divers actes notariés privés, d’une importance très secondaire mais qui peut être ajouté au dossier de la fabrique de faïence Fouque et Arnoux. Il s’agit d’une procuration, établie sur papier timbré :

Je soussigné Jean Monthieu Propriétaire demeurant à Ardiège déclare constituer par ces présentes pour mon mandataire général et spécial, le sieur Léon Arnoux Manufacturier demeurant à St Gaudens auquel je donne pouvoir pour et moi et en mon nom, de me représenter à l’assemblée générale des créanciers de la Société Fouque et Arnoux et Cie qui doit avoir lieu le 25 du courant à Toulouse, et de faire valoir mes droits relativement à ma créance sur cette société laquelle créance l’élève à la somme de f 1521 signer les concordates et généralement faire relativement à ce que dessus tout ce qui sera utile et nécessaire, promettant de ratifier les engagements qui seront contractés en mon nom par mon mandataire.

Fait à Ardiège le 15 septembre 1848

Monthieu

 

SÉANCE DU 5 FÉVRIER 2002

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Coppolani, Directeur honoraire, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Napoléone, Noé-Dufour, M. Gilles, le Père Montagnes, MM. Peyrusse, Pradalier, Prin, Mgr Rocacher, M. Vézian, membres titulaires ; Mmes Bayle, Czerniak, Fronton-Wessel, Pousthomis-Dalle, Rousset, MM. Balagna, Burroni, Ginesty, membres correspondants.
Excusé : MM. Scellès, Secrétaire général, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Garland, membre correspondant.

    La séance s’ouvre à 17 heures sous la présidence de Michèle Pradalier-Schlumberger, qui se déclare très impressionnée en prenant ses nouvelles fonctions. Après avoir exprimé son regret que Louis Peyrusse n’ait pas souhaité continuer d’animer notre Société, d’une façon dont le rapport d’activité rend compte éloquemment, elle remercie ses collègues pour la confiance qu’ils lui ont témoignée par leur vote. Mme Pradalier-Schlumberger se dit très heureuse d’être la première femme à présider notre Compagnie, novation qui lui paraît porteuse d’espoir ; elle indique qu’elle s’est fixé pour programme de continuer à faire vivre notre vieille institution.
    La Présidente accueille Mme Jeanne Bayle, récemment élue membre correspondant, qui prend séance ce soir.
    La parole est au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal de la séance du 22 janvier, qui est adopté.
    Jean Rocacher intervient à propos de la cour Sainte-Anne, dénonçant la « gestion bâtarde » de cet espace, l’absence de tout plan concerté : l’église Sainte-Anne et le terrain de la cour appartiennent à la Ville de Toulouse ; la cathédrale et les bâtiments de la préfecture sont propriété de l’État ; les lieux sont occupés par le clergé, qui a constitué une association sous le régime de la loi de 1901, chargée de la gestion. Concernant le bâtiment de la manécanterie, le projet élaboré par l’architecte de la Ville vise à créer un corps unique comportant deux niveaux, dont un en rochelle. Les travaux en cours consistent à le consolider et à le surélever 


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légèrement – de 0,30 ou 0,40 m –, ainsi qu’à supprimer les constructions adventices en appentis. S’agissant de la cour elle-même, Mgr Rocacher déplore qu’elle serve de dépôt, voire de décharge. Il rappelle que l’entreprise Réal y avait entassé les éléments sculptés provenant de la dépose de la balustrade du portail occidental de la cathédrale, qu’une autre entreprise les a déplacés devant l’entrée de la chapelle Sainte-Anne, actuellement fermée pour travaux, et que des tas d’ordures se sont depuis agrégés au dépôt lapidaire. Inquiet de cette dérive, il a adressé dans le courant de la semaine précédente un courrier à l’architecte en chef des Monuments historiques, M. Bernard Voinchet.
    Henri Pradalier constate avec amertume que les fouilles et les publications de notre consœur Quitterie Cazes ne paraissent pas avoir provoqué la nécessaire prise de conscience de la haute valeur historique et archéologique des lieux. Il demande par qui sont financés les travaux qui vont pérenniser un bâtiment tout juste bon à démolir. Jean Rocacher répond qu’ils sont intégralement à la charge de la Ville, maître d’ouvrage. M. Pradalier envisage la possibilité d’une intervention auprès des autorités paroissiales et diocésaines. Mgr Rocacher dit que le problème qui s’est posé à elles était celui de trouver un lieu de réunion commode pour les groupes de la paroisse, et que la rénovation du bâtiment de la cour Sainte-Anne est apparue comme la solution la plus appropriée. Sans doute est-il trop tard pour empêcher la réfection de cette « misérable bicoque ».

    Un membre souligne que nous avons maintes fois posé le problème des opérations menées sur le site du quartier canonial de la cathédrale Saint-Étienne, dans un secteur où le rempart romain est conservé sur toute son élévation ; cependant, les comptes rendus de nos séances n’étant publiés que plusieurs mois après l’actualité, il se trouve que les personnes décisionnaires intéressées ne sont pas informées en temps utile. Dans ces conditions, il lui paraît souhaitable de faire passer immédiatement dans la presse la teneur de nos discussions.
    Jean Rocacher objecte la grande complexité de dossiers où interviennent des entités multiples et très diverses, la lenteur des négociations, et la difficulté d’obtenir des informations valables. À ce sujet, Henri Pradalier se demande si l’Architecte en chef des Monuments historiques a été prévenu des travaux projetés dans l’environnement du monument classé qu’est la cathédrale Saint-Étienne.
    On propose de s’assurer un relais dans la presse, ce qui serait le seul moyen efficace pour faire passer rapidement les informations, en dehors bien entendu de tout esprit de polémique. Louis Peyrusse concède que la Société manque assurément d’un attaché de presse, mais il fait observer que les procès-verbaux de nos séances sont publiés dans le mois qui suit sur le réseau Internet et qu’ils sont accessibles à tous ceux qui désirent s’informer ; il est en l’occurrence à noter que le site de notre Société est cité en exemple par les membres de la Société française d’Archéologie.

    La Présidente présente un ouvrage collectif offert par notre consœur Virginie Czerniak : Groupe de Recherches sur les Peintures murales, Vifs nous sommes…, morts nous serons… La rencontre des trois morts et des trois vifs dans la peinture murale en France, éditions du Cherche-Lune, Vendôme, 2001, 173 p., 118 photographies en couleurs.

 

    La parole est à Valérie Rousset pour la communication du jour, consacrée à des Maisons jumelles médiévales de Mayrinhac-Le-Francal (Lot), publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.

    La Présidente remercie l’intervenante pour cette étude d’une maison rurale du Lot, qui vient compléter les recherches menées sur les maisons urbaines de Cahors, Figeac, Gourdon et Martel. Après voir insisté sur l’intérêt présenté par les éléments en place dans leur état originel ou quasi originel : placards, éviers, foyers…, Mme Pradalier-Schlumberger relève que la reconstruction du mur de façade donne à l’édifice un aspect très sec. Puis elle fait appel aux questions et observations de la Compagnie.
    Anne-Laure Napoléone incite à la prudence quant à la datation du monument. Il semble en effet difficile de raisonner sur l’absence de cheminée : on construisait encore au XIVe siècle des maisons où il n’y en avait pas. Sans doute est-il nécessaire d’attendre les résultats de l’analyse dendrochronologique. Valérie Rousset précise à ce sujet que cette étude portera sur des éléments fiables : il s’agit des linteaux de bois surmontant les éviers, ainsi que de l’extrémité de corbeau incluse dans la façade. Concernant l’utilisation du bois dans la construction, elle souligne que l’espace intérieur de cette maison double devait être divisé non par un mur de refend (pas de traces d’arrachement dans les maçonneries), mais par une structure légère, certainement en pan-de-bois. Pour la datation, elle dit s’être également référée à l’absence de chanfrein sur l’encadrement des fenêtres. Anne-Laure Napoléone fait observer que ce critère est discutable, étant donné que la taille d’arêtes vives ou abattues paraît être liée à la nature du matériau mis en œuvre.
    Louis Peyrusse se déclare « spectaculairement frappé » par la brutalité des opérations de restauration et pose la question de la protection du monument. Valérie Rousset répond qu’il n’existe aucune disposition en ce sens, et qu’aucune procédure n’a été engagée pour en obtenir une. M. Peyrusse demande s’il n’y avait pas moyen de procéder autrement que par démolition et reconstruction du mur de façade. Mme Rousset indique que le démontage et le remontage sont apparus comme la solution la plus expédiente, tout à la fois pour des raisons de délai, de coût et d’efficacité technique. Louis Peyrusse s’étant enquis de l’existence d’autres maisons aussi ajourées dans la partie centrale de leur façade, Valérie Rousset dit qu’elle n’en connaît pas d’autres exemples.
    Nelly Pousthomis-Dalle s’interrogeant sur le point de savoir si l’irrégularité de l’appareil peut suggérer une date plutôt tardive, Valérie Rousset précise que les maçonneries, bien montées, mais non assisées, liées à l’argile, paraissent correspondre à un milieu particulier, dont la connaissance demande à être approfondie.
    Patrice Cabau relève la proximité d’un prieuré bénédictin dépendant de l’abbaye de Tulle et pose la question d’une relation 


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possible entre cet établissement religieux et l’architecture particulière des maisons à double module. Mme Rousset répond qu’il y a là certainement une voie de recherche à explorer ; elle dit avoir prévu en ce sens une analyse du bourg dans son ensemble.

 


Séances du 20 février 2001 au 19 juin 2001


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