Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LXII (2002)


BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE
2001-2002

établi par Patrice CABAU & Maurice SCELLÈS  


Les parties non reproduites dans l'édition papier apparaissent en vert dans cette édition électronique.

Séances du 2 octobre 2001 au 5 février 2002 Séances du 20 février 2002 au 19 juin 2002

M.S.A.M.F., t. LXII, p. 237

 

SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2002

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Napoléone, Noé-Dufour, Pousthomis-Dalle, MM. Bordes, Boudartchouk, Gilles, Hermet, Nayrolles, Peyrusse, Pradalier, Prin, Roquebert, Tollon, membres titulaires, Mmes Bayle, Conan, Czerniak, Fournié, Piot, Watin-Grandchamp, MM. Burroni, Ginesty, Manuel, Molet, membres correspondants.
Excusés : M. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mmes Cazes, Pujalte, MM. Catalo, Garland, Gillis, le Père Montagnes.
Invités : MM. Marc Combelongue, Laurent Cleys.

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 5 février dernier, qui est adopté.
    La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite. Notre confrère M. Robert Gillis regrette que sa santé le tienne éloigné de nos séances; le Père Montagnes, en voyage à Rome, demande à la Compagnie d’excuser son absence.

    Plusieurs dons viennent enrichir notre bibliothèque :

    L’ordre du jour appelle l’examen des rapports pour le concours. La Présidente donne la parole à Jean Nayrolles pour son rapport sur le mémoire de M. Romain Rico, François-Martin Lebrun, 1799-1845. Architecte théoricien du béton, mémoire de maîtrise sous la direction de M. Louis Peyrusse, Université de Toulouse-Le Mirail, 2001, 1 vol. de texte 183 p., 1 album de 132 fig. :

    « L’étude de M. Romain Rico apporte une contribution très appréciable à l’histoire de l’architecture du XIXe siècle. Cette contribution concerne tout d’abord le Midi toulousain, car l’œuvre de François-Martin Lebrun se situe pour l’essentiel dans les départements du Tarn et de Tarn-et-Garonne, mais il ne faut pas craindre d’affirmer que le nom de Lebrun pourrait à bon droit figurer dans les panoramas sur l’histoire de la construction au siècle de l’industrie, car il illustre parfaitement les recherches des ingénieurs de son temps dans le domaines des matériaux nouveaux. En effet, Lebrun fut un précurseur dans l’invention (ou la réinvention) du béton, ce matériau connu des Romains, oublié pendant plusieurs siècles, et qui devait triompher à notre époque, pour le meilleur et pour le pire. Or, on ignore habituellement que les ingénieurs préoccupés par la question du béton étaient déjà nombreux dans la première moitié du XIXe siècle, période durant laquelle semblent avoir prévalu exclusivement les recherches sur la fonte de fer. Avant de parvenir à coffrer de grandes quantités de béton autour d’une armature métallique (le béton armé), il fallut mettre au point un matériau solide et durable. C’est à l’origine de la conception de ce matériau, dans les années 1830, que se situe l’œuvre de théoricien de Lebrun.
    Le mémoire de M. Romain Rico se compose de trois parties : la carrière de François-Martin Lebrun, son œuvre de théoricien du béton, son œuvre d’architecte.

    La biographie de Lebrun était à ce point méconnue que les dates de sa naissance et de sa mort demeuraient obscures. Dans une étude prosopographique tout à fait remarquable, M. Romain Rico restitue le milieu familial et trace, en partie tout au moins, le parcours de Lebrun. Des zones d’ombre demeurent pourtant. Ainsi, pour ce qui est de sa formation, on ne trouve trace de son passage dans aucune institution connue, ni école des Beaux-Arts, ni école d’ingénieurs. Il y a tout lieu de penser qu’au-delà d’une première formation dans le giron familial, Lebrun acquit par lui-même une solide culture scientifique et technique. Plus tard, sa production théorique, sous forme de livres et d’articles destinés à diffuser auprès des ingénieurs ses méthodes de construction en béton, l'attestera. Le parcours professionnel de Lebrun fut celui d’un architecte de fonction passant au service de municipalités importantes (Castres et Gaillac entre 1826 et 1831), et terminant sa carrière comme architecte départemental de Tarn-et-Garonne.
    Ingénieur et architecte, François-Martin Lebrun fut aussi un intrépide entrepreneur, épousant l’esprit de son siècle au moment du premier essor industriel que connut la France. Il créa, à Marssac-sur-Tarn, entre Albi et Gaillac, lieu où il avait élu résidence (sa villa existe encore), une importante usine de ciment qui fonctionna jusqu’au XXe siècle et dont la production remporta de nombreux prix lors des expositions universelles.


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    Dans la deuxième partie du mémoire, M. Romain Rico analyse le "procédé Lebrun". L’ouvrage dans lequel il est exposé, le Traité pratique de l’art de bâtir en béton, fut publié à Paris en 1843. Le point de départ réside dans la recherche de la meilleure formule possible du mélange de chaux hydraulique, de sable, de gravier, de rocaille ou de pierre concassée. Dans ces recherches, Lebrun relaie les travaux d’un ingénieur qui l’a précédé, Louis-Joseph Vicat, auteur en 1818 de Recherches expérimentales sur les chaux de construction, les bétons et les mortiers ordinaires. Le procédé constructif de Lebrun s’inspire à l’origine de la technique du pisé : élévation de murs au moyen d’encaissements et "massivation" du matériau de remplissage, consistant à tasser le béton au moyen d’un pilon à manche au fur et à mesure qu’il est déposé. L’un des points forts du procédé consiste à s’étendre à la construction de voûtes en béton, dites "pierre factice". Apparemment très simple, le procédé Lebrun n’en est pas moins une des toutes premières applications du béton à l’air libre. Son relatif succès dans la région s’explique par l’argument économique.
    Aussi modestes qu’elles fussent, les mises en œuvre concrètes du procédé n’en sont pas moins de précieux jalons dans l’histoire des techniques architecturales : les caves voûtées de l’Hôtel-de-Ville de Gaillac (véritables prototypes des caves de propriétés viticoles de la région gaillacoise), la villa Lebrun de Marssac (sorte de laboratoire pour l’application du béton à toutes les parties d’un édifice), les fausses voûtes des églises Saint-Jean-Baptiste de Cazals et Saint-Grégoire de Varen, le temple protestant de Corbarieu, le ponceau sur l’Azin à Castelsarrasin ainsi que le pont sur le canal latéral à Grisolles (détruit aujourd’hui) sont autant de témoins de l’activité d’ingénieur de Lebrun.

    La troisième et dernière partie de l’étude ordonne la série des monographies d’édifices dans deux sections : l’une consacrée aux édifices en béton, l’autre à l’architecture conventionnelle. Il ne faut surtout pas négliger cette dernière car, à l’actif de l’architecte Lebrun, on compte deux des plus importants ensembles urbains et monumentaux à l’époque du néo-classicisme dans la région : l’ancienne place royale de Castres (aujourd’hui place Jean-Jaurès) et l’Hôtel-de-Ville de Gaillac, avec la place qui lui sert d’écrin. Ces deux créations firent d’ailleurs l’objet d’une publication dans les très officiels Choix d’édifices publics de Gourlier, Biet, Grillon et Tardieu – une sélection des meilleurs projets soumis au Conseil général des Bâtiments civils. Ces deux ensembles, dans leur style, leurs modules, le dessin de certains de leurs détails, sont à rapprocher des grands ensembles urbains créés à Toulouse par Jacques-Pascal Virebent dans les premières années du siècle. Au-delà de ces rapprochements, de nombreuses et très intéressantes spécificités signalent les œuvres de Lebrun : la conception de la halle sur la place de Castres, celle de la mairie-école de Gaillac, hybridation très originale qui annonce les mairies-écoles de la IIIe République.
    La qualité esthétique de ces œuvres, qui n’a pas échappé au regard aiguisé des membres du Conseil des Bâtiments civils, suffirait seule à faire de Lebrun un architecte remarquable à l’époque du néo-classicisme tardif. En ajoutant à l’œuvre de l’architecte la singularité de l’activité de l’ingénieur, M. Romain Rico dessine la figure d’un homme d’exception – exceptionnellement représentatif de son temps. Il l’a fait en donnant à son travail toutes les qualités que l’on peut attendre d’un mémoire de maîtrise : rédaction soignée, appareil critique irréprochable, album très complet et parfaitement clair, toutes choses que les enseignants encadrant des maîtrises voient rarement réunies, à un tel niveau, dans un seul mémoire.

    L’attribution par la Société Archéologique du Midi de la France d’un de ses prix à M. Romain Rico paraît doublement justifiée : tout d’abord pour couronner une maîtrise d’une rare qualité, mais aussi pour donner toute la publicité désirable à une étude qui doit compter dans la prise en considération d’un patrimoine précieux (les édifices en béton) et qui, pourtant, ne se signale guère qu’au spécialiste instruit d’une telle analyse. »

    Daniel Cazes donne lecture du rapport de Quitterie Cazes, empêchée :

    « Mlle Nancy Moreno soumet au concours de la Société Archéologique du Midi de la France le mémoire qu'elle a rédigé sous la direction de Mme le professeur Michèle Pradalier-Schlumberger pour l'obtention de la maîtrise d'Histoire de l'art, intitulé Architecture civile médiévale à Lauzerte (Tarn-et-Garonne) aux XIIIe et XIVe siècles et soutenu en septembre 2001 à l'Université de Toulouse-Le Mirail. Avec 137 pages et 292 figures, elle organise son travail en trois grandes parties.

    La première partie est consacrée aux circonstances de la fondation de Lauzerte, dans le dernier quart du XIIe siècle, et aux grandes lignes de l'évolution urbaine jusqu'au XVe siècle. La ville haute, entourée de fortifications, est lotie dès l'origine en 200 parcelles et connaît un développement rapide, à tel point que les faubourgs sont cités dès 1259. À l'extrémité nord-est du plateau sur lequel la ville est édifiée, le château comtal se dresse dès le milieu du XIIIe siècle ; l'église Saint-Barthélemy et la place du marché trouvent place dans la partie la plus large. Les bâtiments publics, la place du marché et ses maisons médiévales existantes ou détruites, l'église Saint-Barthélemy et les fortifications sont rapidement étudiés ; puis Mlle Nancy Moreno répertorie les vestiges apparents d'architecture civile, soit une trentaine de maisons : ainsi, le cadre de l'étude est clairement fixé.
    C'est dans la seconde partie qu'est exposé le cœur de la recherche, fondé sur l'étude monographique de huit édifices. Ces analyses se déroulent suivant une méthodologie désormais bien établie, notamment par Anne-Laure Napoléone et Maurice Scellès. L'auteur a dressé les plans des constructions par niveau, relevé les élévations à l'intérieur et à 


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l'extérieur, analysé les appareils de la construction, en pierre, en brique ou en pan-de-bois, mais aussi les modénatures et les sculptures ou les enduits peints quand ils existent encore, de même que tous les éléments qui permettent de restituer l'aménagement intérieur, placards, éviers, latrines, cheminées.

    Dans sa troisième partie, Mlle Nancy Moreno peut dès lors tenter de restituer l'aspect des maisons de Lauzerte aux XIIIe et XIVe siècles. Le premier volet de la synthèse concerne l'utilisation des matériaux. Les constructions les plus anciennes pourraient avoir été édifiées en briques, du côté de la porte de la Barbacane, au sud-est de la ville. On n'attend certes pas ce matériau dans une ville du Quercy, la brique étant généralement utilisée dans les villes de la plaine : est-ce parce que la brique est plus rapidement mise en œuvre ? son emploi renseigne-t-il sur les habitudes et les connaissances des premiers habitants ? Il y a là, sans aucun doute, matière à réflexion. L'appareil en pierres calcaires est toutefois largement dominant, sans que l'on puisse inférer de la taille des blocs une chronologie précise entre le XIIIe et le XVe siècle. L'un des apports de cette étude est également l'identification de pan-de-bois peut-être antérieurs à 1400, mais là seules des analyses dendrochronologiques permettraient d'aller plus loin.

   Cette étude met également l'accent sur des éléments relevant de la sphère privée. Nombreux sont les édifices qui présentent un grand arc en façade, ouvrant sur un local commercial, et un arc plus petit donnant accès aux parties privées de la maison. Le logis familial est, comme ailleurs, situé au premier étage, largement éclairé et comporte les équipements habituels : dans ce sens, la maison médiévale de Lauzerte ne présente pas de caractère particulier. On notera cependant la "découverte" d'un panneau de meuble en bois présentant un décor sculpté à l'évidence gothique, retrouvé par l'un des propriétaires. Beaucoup plus exceptionnelle dans la région est la présence de caves, dont deux étaient connues, celles du bâtiment dit de la Sénéchaussée et celles du château, et une troisième que Nancy Moreno a révélée dans le sous-sol des parcelles 123 et 124 de la rue de la Gendarmerie. Voûtées d'ogives aux profils similaires, les deux premières comportant des clefs sculptées, leur destination n'est évidemment pas celle de simples réserves familiales, et là encore s'ouvre une piste de recherche de grand intérêt.

   La chronologie de ces maisons peut être abordée par l'étude des formes des ouvertures. Ainsi, c'est dans les constructions en briques que l'on trouve des arcades en plein-cintre, forme héritée de l'architecture romane. Les édifices du XIIIe siècle se signalent par un étage largement ouvert sur la rue par des baies géminées à chapiteau central sculpté, couvertes d'arcs aux tracés brisés, forme qui évolue vers la baie à remplage au cours du XIVe siècle, rare à Lauzerte.

   Les dernières constatations relèvent du domaine public. En premier lieu, la répétition des modules de parcelles, largement conservés dans le cadastre actuel, manifeste le caractère concerté du lotissement d'origine. La présence de boutiques met en évidence la fonction plus spécifiquement commerciale de certaines rues : c'est l'une des fonctions majeures de la ville médiévale qui s'exprime ainsi. D'autre part, les toits de ces maisons ont leur pignon sur les murs mitoyens ; les eaux de pluie sont ainsi orientées vers la rue, et également vers la venelle qui, dans certains cas, traverse les îlots. Cette disposition, comme les vestiges d'éviers ou de latrines relevés à l'arrière de quelques parcelles et donc orientés vers la venelle, suggèrent qu'un système de récupération et d'écoulement des eaux usées fut prévu dès la première planification urbaine du castelnau. Enfin, l'esthétique recherchée de façades régulières et ornées manifeste le caractère "bourgeois" (par opposition au milieu rural) de ces maisons et exprime la position sociale et économique de leurs propriétaires. C'est donc, au-delà du strict travail technique qui est mis en œuvre, un pan de la société médiévale qu'il nous est donné de connaître et qui vient confirmer et enrichir les résultats des analyses entreprises depuis plusieurs années dans la région.

   La recherche de Mlle Nancy Moreno doit être saluée pour sa cohérence, pour la précision de ses analyses, pour la rigueur de son écriture, pour les pistes qu'elle ouvre : c'est un travail qui manifeste une réelle maturité de chercheur. Il me semble donc que ce mémoire mérite d'être primé par la Société Archéologique du Midi de la France. »

    Maurice Scellès donne lecture du rapport de Jean Catalo, empêché, sur le mémoire de Mlle Mélanie Chaillou, Les maisons médiévales de Puycelsi (XIIIe, XIVe et XVe siècles), mémoire de maîtrise sous la direction de M. Henri Pradalier, Université de Toulouse-Le Mirail, 2001, 1 vol. de texte de 336 p., 1 vol. de planches avec 284 fig. : 

    « Mélanie Chaillou sur les maisons médiévales de Puycelsi dans le Tarn se présente en deux volumes : un volume de texte accompagné des planches se rapportant à des monographies d’édifice, un volume de figures comportant clichés photographiques et plans annexes. Son étude porte sur l’architecte civile médiévale encore identifiable dans ce village tarnais en bordure de la forêt de la Grésigne. Ce travail s’inscrit dans la ligne des travaux universitaires et articles de Michèle Pradalier-Schlumberger, Anne-Laure Napoléone, Maurice Scellès ou Pierre Garrigou Grandchamp, tous membres éminents de notre Société, sur l’architecture des maisons médiévales du Midi toulousain.

    Perché sur un promontoire rocheux, Puycelsi garde encore une structure cadastrale héritée du Moyen Âge. Bien que son château ait totalement disparu, la présence de l’église et de remparts associés à des éléments d’architecture civile justifie l’intérêt de son étude au voisinage d’agglomérations comme Bruniquel, Saint-Antonin-Noble-Val ou Cordes, dont on 


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connaît la richesse du patrimoine. Après une présentation du cadre historique de Puycelsi, l’auteur livre des monographies de dix demeures présentant les caractères architecturaux originaux les mieux conservés. Ces édifices sont relativement dispersés dans le village, ce qui ne fournit pas les éléments d’une éventuelle chronologie relative entre eux. En dépit des contraintes inhérentes à l’exercice (état de conservation ou de restauration, objet d’étude dans le domaine privé, difficulté d’identification des remplois…), l’étude permet néanmoins de dégager quelques caractéristiques redondantes et répertoriées sur l’ensemble du village. Ces caractères sont regroupés dans une synthèse qui détaille utilisation des matériaux de construction, typologie des ouvertures et aménagements liés au confort ou à l’apparat, définition de la modénature et du décor. En conclusion, Mélanie Chaillou montre qu’il n’apparaît pas de modèle de maison médiévale purement puycelsien. Les éléments en présence définissent plutôt un schéma classique de la « maison polyvalente ». À Puycelsi, l’architecture civile tend vers une grande sobriété du décor et des ouvertures, notamment les baies géminées. Une des rares singularités réside dans la présence de corniches à modillons sous la toiture dans plusieurs maisons. La chronologie est difficile à approcher en raison de la rareté des décors, qui rend l’analyse parfois assez ingrate. Les édifices étudiés sont plutôt des XIIIe et XIVe siècles, mais aussi parfois du XVe siècle. Il convient aussi de signaler un grand nombre de maisons à étages en pan de bois, qui sans être l’objet de cette étude, constituent une grande partie de l’architecture civile et qui resteraient à appréhender de manière plus précise.

    Ce mémoire est d’une grande qualité formelle, en particulier l’infographie des plans et relevés qui est bien maîtrisée. La documentation des monographies est particulièrement riche et bienvenue. De manière plus générale, l’attention semble plutôt portée sur ces monographies, quelque peu aux dépens des considérations plus globales qui auraient pu être approfondies, en matière historique et d’organisation de l’espace au-delà des parcelles étudiées notamment. Si l’analyse architecturale mériterait parfois d’être mieux argumentée, elle fait preuve d’une grande prudence, souvent très à propos, ce dont témoignent plusieurs hypothèses de restitution graphique. Cette étude a le mérite de faire émerger le problème de la comparaison effective de l’architecture civile entre des villes richement ornée telles que Cordes ou Saint-Antonin-Noble-Val et des villages plus modestes comme le castrum de Puycelsi, d’importance et de statut bien différents au Moyen Âge. À ce titre, l’étude de Mélanie Chaillou me semble devoir retenir l’attention de notre Société, et mériter notre soutien. »

    La Présidente remercie les rapporteurs et rappelle que nous avons à attribuer cette année le prix Ourgaud, doté de 2000 F.
    Ayant demandé la parole, le Secrétaire général dit connaître les deux mémoires consacrés aux maisons médiévales et avoir lu la plus grande partie de celui de M. Romain Rico, dont le sujet ne pouvait que l’intéresser pour avoir croisé Lebrun lorsque le Service régional de l’Inventaire travaillait sur le Tarn-et-Garonne. Sans que cela enlève rien aux premiers, il lui paraît clair que le travail de Romain Rico se signale autant par la richesse de ses recherches que par la qualité de la réflexion et de la rédaction, qui en font un mémoire de maîtrise exceptionnel.
    Louis Peyrusse précise que le sujet sur Lebrun avait été proposé parce que l’on ne pouvait qu’être souvent agacé de ne rien savoir d’un architecte qui était pourtant cité comme l’un des pionniers du béton et il souligne d’une part le mérite de M. Romain Rico, qui a su travailler seul sur ce sujet difficile, d’autre part l’exceptionnelle qualité de son mémoire.
    Henri Pradalier confirme que si le mémoire de Romain Rico semble bien s’imposer, les deux autres mémoires présentés sont néanmoins de très bons travaux, dont les qualités sont sans doute différentes mais qu’il ne paraît pas possible de départager.
    La discussion s’engage sur la création d’un prix spécial de la Société Archéologique. On procède aux votes. Le prix Ourgaud est attribué à l’unanimité des membres présents à M. Romain Rico et il est décidé d’attribuer le prix spécial de la Société Archéologique du Midi conjointement à Mlles Nancy Moreno et Mélanie Chaillou.

    La parole est à Jean-Luc Boudartchouk pour une communication sur Saint Antonin dit « de Pamiers », publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires .

    La Présidente remercie Jean-Luc Boudartchouk de nous avoir présenté un état de la question tout à fait passionnant, qui prend en compte un nombre impressionnant de sources textuelles et archéologiques et apporte de nombreuses nouveautés. Elle note en particulier le bouleversement opéré au début du XIIe siècle.
    Michelle Fournié s’étant étonnée que Bernard Gui n’apparaisse pas dans la série des sources médiévales, Jean-Luc Boudartchouk reconnaît ne pas avoir vu ce texte. Michelle Fournié souligne le fait que Bernard Gui a habituellement recours à de nombreuses sources anciennes, mais Jean-Luc Boudartchouk rappelle que l’on dispose de textes du début du XIIe siècle.
    Dominique Watin-Grandchamp s’interroge sur la nature des reliques conservées à Pamiers, relevant qu’un bras et la tête sont mentionnés à Saint-Antonin-Noble-Val. M. Laurent Cleys indique que les reliques de Pamiers ont été détruites pendant les guerres de Religion. Michelle Fournié rappelle que dans sa confirmation de l’évêché de Pamiers, Jean XXII fait état du corpus sancti Antonini. Patrice Cabau fait néanmoins remarquer que le mot corpus peut s’appliquer à un seul morceau du corps, parfois très petit ; quant au diplôme, très frelaté, il n’est sans doute pas antérieur au milieu du IXe siècle, et s’il fait mention de la tête du saint, il n’est pas question du bras. Jean-Luc Boudartchouk relève par ailleurs que les « corps » des disciples de saint Antonin tiennent dans une simple capsa.
    Henri Pradalier indique que les archives du XVe siècle font état de la présence, dans le choeur de Saint-Antonin de Pamiers, de la grebo autour de laquelle il semble que l’on peut circuler : par référence à l’allemand Grab, on songe à une tombe qui serait ainsi mise en scène. Patrice Cabau cite également le mot girba qui signifie « châsse ».


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    Pour Jean-Luc Boudartchouk, il est évident que la situation même du Mas-Vieux s’explique par des raisons spécifiques qui ont imposé l’installation de l’église à cet endroit et non ailleurs. Après avoir rappelé l’itinéraire de la navigation extraordinaire des reliques de Frédelas à Noble-Val, par l’Ariège, la Garonne, le Tarn puis l’Aveyron, Patrice Cabau dit ne pas croire que le testament de Raymond de Rouergue en 961 établisse une relation particulière entre les deux monastères ariégeois et rouergat. Il ajoute que le manuscrit latin 17002 de la Bibliothèque nationale provient de Moissac, et qu’il peut être daté pour sa première partie des années 1030-1050, la circulation des reliques étant donc bien antérieure à l’expédition du comte de Foix, ce dont Jean-Luc Boudartchouk convient. Henri Pradalier fait remarquer que les relations entre les moines et le comte de Foix étaient mauvaises : la forteresse est en pariage, le comte étant vassal du chapitre et l’hostilité entre eux est grande ; on voit mal que celui-ci ait offert des reliques au monastère de Frédelas. Il lui semble en revanche que Raymond de Barbastro est un personnage essentiel. Jean-Luc Boudartchouk pense néanmoins que la croisade a joué un rôle, peut-être en entraînant un jeu de surenchère entre le comte et les moines.
    Dominique Watin-Grandchamp évoque les communautés de prière et de fraternité qui pouvaient lier les monastères et indique qu’il faudrait peut-être consulter le rouleau mortuaire d’Oliba.
    Henri Pradalier ayant évoqué les fouilles réalisées sur le site de l’abbaye de Pamiers, Laurent Cleys précise que les trois sondages ouverts sur les parties orientales de l’église ont montré qu’il s’agissait d’une construction du début du XIIe siècle. Henri Pradalier rappelle qu’il avait émis l’hypothèse d’un chantier réalisé en deux temps, et que les fouilles ont en fait démontré qu’il y avait eu une campagne unique, datée par la découverte d’un élément sculpté proche des décors des tailloirs du cloître de Moissac.
    Daniel Cazes demande quels sont les éléments de confusion possibles entre saint Antonin d’Apamée et le saint Antonin gaulois. Jean-Luc Boudartchouk dit que les similitudes portent sur des petits détails, qui ne semblent pas dus au hasard, mais que les différences restent importantes. Une deuxième source de contagion possible pourrait être la Vie de saint Antonin de Palencia, décapité sur la rive d’un fleuve, même si ce détail n’est pas rare dans les récits hagiographiques. Il ajoute que sa conclusion la plus schématique serait qu’il n’existe pas de saint Antonin gaulois, mais que le versant toulousain de la tradition a peut-être des rapports avec les personnages toulousains d’Antonin et de son disciple Almachius.

    Au titre des questions diverses, Gabriel Burroni et Maurice Scellès attirent l’attention de la Compagnie sur le château de Cascatel, dans les Corbières audoises.

    « L’édifice comporte une tour qui jouxte un pont médiéval dont les arches ont été emportées par la crue de 1999. La tour se signale par le fait qu’elle ne présente aucun niveau d’habitation : sur un premier niveau bas est établie une haute pièce qui pouvait servir de grenier et dont la voûte porte la terrasse de la couverture.

Photo Jean-Louis Vayssettes

CASCATEL (AUDE), carreaux émaillés.
Cliché J.-L. Vayssettes.

Au XVe siècle ou au début du XVIe siècle lui a été accolé un corps de logis (la datation est déduite de quelques maigres vestiges de fenêtre sur l’élévation orientale), modifié au XVIIe siècle : de cet état témoignent les croisées de l’élévation sur la rivière et d’importants restes d’un pavement de carreaux émaillés de la fin du XVIe (cf. Henri Amouric, Lucie Vallauri, Jean-Louis Vayssettes, Vanités de faïence : entre Provence et Languedoc, carreaux de céramique espagnols, XVe-XVIIIe siècle, catalogue de l'exposition du Museon Arlaten, Arles, Museon Arlaten, 2000,  p. 78, 84, pl. 28 n° 8). Le logis a ensuite été profondément modifié au XVIIIe siècle, puis délaissé au XIXe siècle : il est aujourd’hui en grande partie ruiné.

   Le rez-de-chaussée conserve cependant un décor de gypserie tout à fait exceptionnel. Les murs sont ornés de grands panneaux plus ou moins larges pour s’adapter à la structure du plafond, disposés symétriquement selon l’axe marqué par la cheminée et le panneau opposé où se trouvait sans doute une glace. Les encadrements sont formés de chicorée, de guirlandes de feuilles et de fleurs, roses et tournesol, auxquelles se mêlent des oiseaux, un carquois et des flèches, un cor de chasse… Les angles de la corniche sont occupés par des dragons à corps d’oiseaux, ailes de chauves-souris et longue queue en fer de lance, dont les têtes ont malheureusement toutes été brisées. L’encadrement de l’emplacement de la glace est enrichi de roseaux et de branches d’olivier; en partie haute apparaît un buste de Diane, un croissant de lune dans les cheveux ; l’un des deux chiens, réalisé en très haut relief, subsiste en partie basse. Sur le mur voisin se distingue encore nettement la trace d’un paon. L’ensemble du décor semble avoir été peint au naturel, à l’origine.

CASCATEL (AUDE), décor de gypserie.
Cliché G. Burroni.

CASCATEL (AUDE), décor de gypserie.
Cliché G. Burroni.


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CASCATEL (AUDE), décor de gypserie.
Cliché G. Burroni.

 

   CASCATEL (AUDE), décor de gypserie.
Cliché G. Burroni.

CASCATEL (AUDE), décor de gypserie.
Cliché G. Burroni.

    Le caractère exceptionnel de ce décor de gypserie tient à la très grande qualité du dessin et de la facture, mais aussi à la composition de l’ensemble. On notera en particulier l’épaisseur très importante des motifs placés à la base des panneaux, qui reposent sur le lambris bas en menuiserie, épaisseur qui va ensuite en diminuant vers le haut des murs. Autre particularité, le dessin préparatoire peut-être tracé au charbon, alors que l'on a habituellement des tracés à la sanguine. Une étude minutieuse permettrait de préciser la technique et peut-être de mieux cerner le milieu d’origine de l’artiste auquel on a fait appel.
    Ce salon consacré au thème de la chasse a été la seule pièce à recevoir un décor de cette qualité. On s’accordera avec M. Laurent Hugues, conservateur du patrimoine chargé des objets mobiliers à la conservation régionale des Monuments historiques de Languedoc-Roussillon, pour en situer la réalisation au milieu du XVIIIe siècle.

    L’ensemble de ce décor est aujourd’hui en mauvais état mais il peut encore être sauvé, à la condition que soient prises au plus vite des mesures conservatoires : des pans entiers sont décollés et risquent de s’effondrer s’ils ne sont pas consolidés dans les plus brefs délais. M. Laurent Hugues nous a confirmé que l’ensemble du château a été inscrit à l’Inventaire supplémentaire en juin 2001, et que le classement du décor de gypserie était envisagé. Il faut souhaiter que celui-ci soit prononcé au plus tôt, et que les mesures conservatoires soient prises sans attendre. »

 

SÉANCE DU 5 MARS 2002

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Napoléone, Noé-Dufour, MM. l’abbé Baccrabère, Boudartchouk, Hermet, le Père Montagnes, Peyrusse, Tollon, membres titulaires, Mmes Bayle, Czerniak, Félix, MM. Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mmes Cazes, Fournié, Pousthomis-Dalle, Pujalte, MM. Garland, Pradalier, Mgr Rocacher.

    La Présidente ouvre la séance en regrettant que notre assemblée soit si peu nombreuse. Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 26 février dernier : à sa demande, le procès-verbal est adopté sous la réserve d’éventuelles corrections que pourrait demander Jean-Luc Boudartchouk, qui n’a pu être joint avant la séance de ce soir.
    En marge du procès-verbal, Patrice Cabau confirme que la consultation des rouleaux funéraires, sur lesquels Dominique Watin-Grandchamp a attiré notre attention, est intéressante. L’édition de Léopold Delisle (1866) donne celui de Guifred, mort en 1051, mais pas celui d’Oliba, mort en 1046, qui a cependant été publié dans les Annales du Midi en 1951. Pour Saint-Antonin-Noble-Val, le rouleau d’Oliba ne mentionne comme relique que la tête alors que le rouleau de Guifred parle de la tête et d’une partie du corps.

    La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite. C’est en particulier Me Bouscatel, Maire-adjoint chargé de la coordination des actions culturelles, qui nous remercie de l’envoi du tome LX de nos Mémoires.


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    Deux dons viennent enrichir notre bibliothèque :

    La Présidente exprime les remerciements de notre Société aux donateurs.

    Le Secrétaire général indique que les carreaux de faïence que nous conservons dans notre salle des séances intéresseraient Jean-Louis Vayssettes et qu’il se propose de lui en faire parvenir des photographies. Daniel Cazes rappelle que ces carreaux proviennent d’un immeuble proche de l’Hôtel d’Assézat, qui se trouvait entre la rue de l’Écharpe et la rue de Metz, sur l’emplacement du théâtre romain, immeuble qui a été détruit lors de l’alignement de cette dernière; les carreaux ornaient les murs d’un couloir, comme cela se trouve fréquemment en Espagne.

    L’ordre du jour appelle l’élection de membres d’honneur. La Présidente donne la parole à Louis Peyrusse qui explique que notre Société dispose par ses statuts de places de membres honoraires, dont nous avons usé avec une parcimonie redoutable. Il lui a paru que la désignation de membres honoraires ne pouvait que contribuer au rayonnement de notre Société hors de Toulouse et il avait donc proposé que ce titre soit décerné aux membres extérieurs du comité scientifique de nos Mémoires, auquel serait adjoint M. Bruno Foucart, éminent spécialiste de l'art des XIXe et XXe siècles.
    La Compagnie entend alors les rapports présentés par Daniel Cazes, Michèle Pradalier-Schlumberger et Louis Peyrusse. Mme Éliane Vergnolle, professeur d’art médiéval à l’Université de Besançon, MM. Jean Guyon, directeur de recherche au Centre Camille-Jullian, Patrick Périn, conservateur en chef du Musée des Antiquités nationales, et Bruno Foucart, professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université de Paris IV-Sorbonne, sont élus membres d’honneur de notre Société.

    La Présidente rappelle que la séance publique annuelle de notre Société se tiendra dimanche prochain, 10 mars, à 16 heures. Elle annonce que le Maire de Toulouse, M. Philippe Douste-Blazy, ne pourra se joindre à nous ; Mme Sudre, conseiller municipal délégué à l’archéologie, le représentera.

    La parole est à Marc Salvan-Guillotin pour une communication sur Les peintures murales de Notre-Dame de Sescas à Bourisp (Hautes-Pyrénées), publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.

    La Présidente remercie Marc Salvan-Guillotin pour cette superbe collection de photographies qui exalte des peintures que certains jugeraient modestes, mais dont la communication révèle la qualité et l’intérêt. Les nouveautés sont tout aussi importantes, mais faut-il vraiment penser que parmi ces décors nouvellement apparus, le Jugement dernier, par exemple, soit du même peintre? Marc Salvan-Guillotin précise que ce n’est que par facilité qu’il emploie le terme de « peintre », mais qu’il faut entendre « atelier ». Virginie Czerniak pense que plusieurs mains sont intervenues, et elle demande quels sont les rapports stylistiques qui peuvent être établis entre les peintures du porche et les autres décors de l’église. Marc Salvan-Guillotin répond que les peintures du porche ne lui semblent pas avoir été réalisées par l’atelier de Ramond Sabatier, mais par un second atelier dont on reconnaît également quelques incursions dans la nef. Maurice Scellès dit ne pas être complètement convaincu par l’analyse stylistique. Virginie Czerniak ayant relevé les lettres G et B qui apparaissent sur un décor du porche, Marc Salvan-Guillotin indique qu’il s’agit d’un graffiti, ce que confirme la photographie.
    Après avoir rappelé l’étude de Sylvie Decottignies sur le Dit des trois morts et des trois vifs et le parallèle qui peut être établi avec la scène voisine du Péché originel grâce à un texte contemporain, Virginie Czerniak remarque que des bois gravés ont pu servir de modèles. Marc Salvan-Guillotin le confirme en ajoutant que les images imprimées sont parfois utilisées longtemps après leur production, retard qui se traduit par exemple dans les costumes, qui ne sauraient donc dater les peintures.
    À partir des peintures de Guchen, de Bourisp et de Mont, il semble à Virginie Czerniak qu’il est possible de saisir une progression dans le style de Ramond Sabatier. Marc Salvan-Guillotin ne le croit pas et il fait remarquer qu’il n’est pas sûr que Ramond Sabatier ait travaillé à Mont : le visage du Christ indiquerait plutôt que les artistes de Mont se sont inspirés des peintures de Bourisp.
    Maurice Scellès demande quelles sont les parties de l’église qui ont été badigeonnées au XVIIIe siècle. Marc Salvan-Guillotin précise que seuls l’abside et le porche ont été passés en blanc, le décor de la nef restant visible. Louis Peyrusse remarque que, s’il y a eu des repeints, ils ont été faits sans déformation des peintures originelles et sans introduction de traits stylistiques nouveaux. Marc Salvan-Guillotin indique que la présence des repeints a été confirmée par le restaurateur, M. Jean-Marc Stouffs.

    Le Secrétaire général annonce la parution du tome LXI des Mémoires pour la fin du mois de mars.


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SÉANCE DU 19 MARS 2002

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Coppolani, Directeur honoraire, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Napoléone, Noé-Dufour, MM. Bordes, Boudartchouk, Ginesty, Peyrusse, Roquebert, Tollon, membres titulaires ; Mmes Bayle, Czerniak, Fournié, Fraïsse, Pujalte, Watin-Grandchamp, MM. Fau, Manuel, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mme Cazes, M. Garland.

    La Présidente ouvre la séance à 17 heures. La parole est au Secrétaire général pour la lecture du procès-verbal de la séance du 5 mars 2002, qui est adopté.
    Michèle Pradalier-Schlumberger rend compte de la correspondance manuscrite, qui comprend notamment un courrier de M. Martin Malvy, Président du Conseil régional, qui prie notre Société d’excuser son absence à la séance publique du 10 mars, et une lettre de Mme Sudre, Conseiller municipal de Toulouse, chargée des fouilles archéologiques, qui nous remercie de l’accueil qui lui a été réservé lors de la même séance publique.

    Mme Pradalier-Schlumberger fait ensuite circuler la correspondance imprimée, qui consiste en annonces de manifestations diverses, puis elle présente une série de tirés à part et d’ouvrages que nos confrères Gilles Séraphin et Jean-Claude Fau offrent à la Bibliothèque de la Société :

    La Présidente donne le résultat de la vente d’ouvrages anciens organisée le 16 mars par Martine Rieg, Bibliothécaire de l’Union des Six Académies et Sociétés savantes, qu'elle remercie au nom de notre Société. 

    La parole est à Jean-Claude Fau pour la première communication du jour, consacrée à Une scène de guérison sur un chapiteau roman en provenance de Sainte-Foy de Conques

« Au même titre que Saint-Gilles du Gard ou Notre-Dame de Rocamadour, Sainte-Foy de Conques, à l’époque romane, comptait parmi les grands sanctuaires de réputation internationale où les reliques avaient le pouvoir d’attirer les foules de pèlerins. Beaucoup d’entre eux, malades ou infirmes, venaient prier devant la statue-reliquaire, la fameuse “Majesté” d’or de sainte Foy, dans l’espoir d’un soulagement à leurs maux. Un chapiteau en provenance de l’ancien cloître est encore là aujourd’hui pour en témoigner.

Conques, lieu privilégié de guérisons

Au XIe siècle, le rôle de Conques comme lieu privilégié de guérisons a été mis en évidence par le “Livre des miracles de sainte Foy” (1), véritable mine de renseignements pour l’historien. Le texte, sans doute raconté oralement par les moines aux pèlerins de passage, et dont les copies se répandirent dans toute la Chrétienté occidentale, a constitué un remarquable outil de propagande en faveur de sainte Foy, de son culte et, bien sûr, de son abbaye conquoise. 
   
         L’auteur, Bernard, directeur de l’école épiscopale d’Angers – on disait écolâtre – et disciple de l’évêque lettré Fulbert de Chartres, se rendit à Conques à plusieurs reprises au début du XIe siècle, pour y rédiger son recueil à partir de témoignages recueillis sur place. Il commence par cet avertissement au lecteur : “Il me serait impossible de rapporter le nombre et les circonstances de guérisons de toutes sortes qui se sont opérées constamment en ce lieu par la divine bonté. Ainsi, peu de temps avant mon arrivée, onze malheureux affligés des maux les plus divers et les plus graves avaient été entièrement guéris en une seule nuit. Nous n’entreprendrons pas de raconter les guérisons de tous les 


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infirmes que l’on porte ici tous les jours… Nous nous bornerons à recueillir les prodiges qui offrent quelque chose d’extraordinaire.” 
   
         Parmi la centaine de miracles rapportés par Bernard d’Angers et le moine conquois anonyme continuateur de son œuvre, un certain nombre concerne soit un châtiment infligé par la sainte, soit la libération de prisonniers. On dénombre ensuite une trentaine de cas de guérisons parmi lesquels près de la moitié s’applique à des aveugles, huit à des paralytiques, quatre à des chevaliers blessés au combat. La sainte a guéri encore deux sourds-muets, un épileptique ou cet enfant tout à la fois aveugle, boiteux et sourd-muet de naissance, que ses parents avaient déposé au pied de la statue de sainte Foy. 
   
         Rendre la vue aux aveugles, cette “spécialité” de la sainte, apparaît chargé d’un symbolisme bien conforme aux mentalités religieuses de l’époque. La foi ouvre les yeux de celui qui vivait dans les ténèbres du péché. Et le nom même de la sainte patronne de Conques (“Fides”, en latin) ne semblait-il pas prédestiné ? La foi sauve, la foi guérit aussi. 
   
         Au livre IV des “ Miracles ”, le récit de la guérison d’un chevalier atteint d’une grande infirmité intestinale – une éventration sans doute – est suivi de ce commentaire : “Voici un genre de guérison bien singulier… La bonne sainte ne se pique-t-elle pas d’avoir des remèdes merveilleux pour les variétés les plus extraordinaires des maux auxquels peut être sujette notre nature dégénérée. Parfois, elle se plaît à imaginer des potions admirables… Elle ne s’arrête point à user du tranchant du fer pour opérer les membres atteints, ni à murmurer des charmes d’enchantement pour calmer les cruelles souffrances. Son commandement suffit à tout. Il a le pouvoir d’opérer des merveilles.” Ainsi sainte Foy est-elle présentée tout à la fois dans le rôle d’apothicaire, élaborant des “remèdes merveilleux”, de chirurgien usant du bistouri, le “tranchant du fer”, apportant même son soutien psychologique afin d’adoucir de “cruelles souffrances”. Elle apparaît de la sorte comme une concurrente redoutable du corps médical. Nous sommes bien en présence d’une “médecine parallèle”, pour reprendre la formule du professeur Pierre-André Sigal (2). 

CONQUES, CHAPITEAU fragmentaire provenant du cloître, détail : scène de guérison. 
Cliché P. Sirgant.

CONQUES, CHAPITEAU fragmentaire provenant du cloître : scène de guérison. 
Cliché P. Sirgant.

            Le “Livre des miracles” nous renseigne aussi, avec beaucoup de précisions parfois, sur les conditions et les circonstances dans lesquelles s’opéraient ces guérisons. Il existait des moments privilégiés, comme les veillées de prières et de chants ininterrompus qui rassemblaient les pèlerins aux pieds de la Majesté d’or de sainte Foy. “D’après une ancienne coutume, écrit Bernard d’Angers, les pèlerins célébraient des veilles dans l’église de sainte Foy, munis de cierges et de torches. Pendant ce temps, les clercs chantent les psaumes et les offices de la vigile.” (Livre II, 12). Et les cas de guérison les plus fréquents s’observaient à l’issue de cette “sainte veille” : “Dès que l’aurore se fut levée, le muet parla distinctement.” Ou encore : “Le matin, un prêtre célèbre le Saint Sacrifice pour l’heureux retour des pèlerins… Or, par une intervention divine au moment de la communion, la petite percluse se trouva entièrement guérie”.


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La guérison par imposition de l’Évangile

Enfin, c’est à un rite de guérison bien spécifique que l’auteur fait allusion dans l’épilogue du livre I, rédigé lors de son premier séjour à Conques entre 1013 et 1016 environ : “Afin que rien de ce qui est consigné ici ne paraisse appuyé ou affirmé sur ma seule autorité, notre livre a été soumis à des hommes compétents… Je veux parler de mon frère révéré Raynold – ou Rainaud – écolâtre de Tours, homme très versé dans les sciences libérales. Il a fait un si grand cas de ce volume (le livre I des “Miracles”) que, se sentant gravement malade, dans ma maison, il l’appliqua sur sa tête comme le livre des Évangiles lui-même, dans la persuasion qu’il serait soulagé par l’intercession de sainte Foy.” Ainsi, le geste de poser le “Livre des Miracles” sur la tête du malade se substituait, mais de façon tout à fait exceptionnelle, à un cérémonial usuel, celui de l’imposition du livre des Évangiles. 
   
         Un rapprochement s’impose, semble-t-il, entre ce passage de Bernard d’Angers et un chapiteau historié, en très mauvais état, conservé au musée Dr Joseph Fau de Conques, et dont le thème était resté énigmatique (3). La corbeille, dont il ne subsiste que la moitié supérieure, sur deux côtés, est taillée dans le calcaire gris clair du Causse Comtal, un matériau utilisé exclusivement pour les chapiteaux du cloître (4) que l’abbé Bégon avait fait édifier au tout début du XIIe siècle, peu après le cloître de Moissac. 

Un moine, reconnaissable à son étole, et dont la tête a été mutilée, occupe l’angle droit de la corbeille. De la main droite, il tient un livre grand ouvert au-dessus d’un homme présenté sans doute en position agenouillée à l’origine, mais dont il ne reste plus que la tête au milieu de la face principale. Sur l’autre face, plus abîmée encore, on distingue la tête d’un second personnage, une femme sans doute, surmontée d’un livre. Mais seuls subsistent le bras et la main de celui qui le portait, à l’angle. Il s’agit bien d’une scène de guérison par imposition (au sens étymologique du latin “poser sur”) de l’Évangile, telle qu’elle avait été évoquée dans le “Livre des miracles de sainte Foy”. 
   
         Ce rite, que le sculpteur du cloître de Conques a fixé dans la pierre, voici neuf cents ans, est toujours en usage de nos jours, même s’il a tendance à tomber en désuétude. En Quercy par exemple, il était pratiqué il y a quelques années à peine dans la petite paroisse de Sainte-Juliette, près de Lauzerte (Tarn-et-Garonne), à l’occasion du pèlerinage annuel à saint Fort, un saint éponyme considéré comme le premier évêque de Bordeaux. Dans la même région, à Saint-Julien de Moissac où ce même évêque saint Fort fut longtemps l’objet d’un culte particulier, la cérémonie de l’imposition de l’Évangile a disparu seulement après la Seconde Guerre mondiale. De telles pratiques, en réalité, semblent traduire les efforts de l’Église pour éviter toute déviation de la foi vers la superstition, un risque aggravé au Moyen Âge par le foisonnement des reliques, en particulier celles des saints guérisseurs plus ou moins imaginaires. La référence au livre des Évangiles était là pour rappeler que les saints ne sont que des intermédiaires entre Dieu et le peuple chrétien. 
   
         Le rituel entourant la cérémonie se perpétue, immuable : le prêtre dispose sur la tête de la personne malade l’évangile selon saint Marc ouvert à la dernière page, la finale, où l’on peut lire : “Jésus ressuscité apparaît aux apôtres pour leur dire : Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé… Et voici les signes qui accompagneront ceux qui ont cru. En mon nom, ils chasseront les démons… Ils imposeront les mains aux infirmes et ceux-ci seront guéris” (Marc, XVI, 20).

Mais si ce rite était d’une pratique courante, semble-t-il, dans de grands centres de pèlerinage comme Conques, il n’en constitue pas moins un thème original pour un chapiteau. À ma connaissance, il n’en existe aucune autre représentation dans l’art roman. Le choix de ce thème vient confirmer la prédilection manifestée par les sculpteurs du cloître pour les scènes, religieuses ou profanes, prises sur le vif, dans la société de leur temps. Et l’on peut très bien imaginer que l’auteur de ce chapiteau ait été personnellement le témoin de scènes de guérisons semblables, selon le même rituel, au cours de la “sainte veille” dans l’abbatiale Sainte-Foy.

Jean-Claude FAU »

1. Traduction : A. BOUILLET et L. SERVIÈRES, Sainte Foy, vierge et martyre, Rodez, 1900. 
2. Pierre-André SIGAL, L’homme et le miracle dans la France médiévale (XIe-XIIe s.), Cerf, Paris, 1985. 
3. Jacques BOUSQUET, La sculpture à Conques aux XIe et XIIe siècles, Lille, 1973, t. 1, p. 394, a proposé cette interprétation : “On a sûrement voulu évoquer la domination de l’Écriture Sainte, peut-être sur le paganisme.” 
4. Au sujet des chapiteaux du cloître de Conques : Marcel DURLIAT, La sculpture romane de la route de Saint-Jacques, Mont-de-Marsan, 1991, p. 417 ; Jean-Claude FAU, Rouergue roman, Zodiaque, 3e édition, 1990, p. 219. 
Je tiens à exprimer toute ma gratitude à mon ami le chanoine Pierre Sirgant, de Moissac, pour l’aide précieuse apportée dans l’identification de ce chapiteau. Mes remerciements s’adressent aussi à Monsieur Frédéric de Gournay qui m’a fait bénéficier de sa parfaite connaissance du “Livre des miracles de sainte Foy”.

    Après avoir remercié notre confrère, Michèle Pradalier-Schlumberger lui demande si l’on connaît dans l’art roman d’autres exemples de l’iconographie que présente ce fragment de chapiteau provenant du cloître de Sainte-Foy de Conques. Jean-Claude Fau répond par la négative.
    Louis Peyrusse s’enquiert de l’économie générale du chapiteau auquel appartenait ce fragment, afin de se faire une idée de son épannelage et de la manière dont s’organisaient les différentes scènes. M. Fau dit qu’il s’agissait d'un chapiteau sculpté sur 


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trois de ses faces, représentant la guérison d’un homme et d’une femme, chacun à genoux devant un moine dont la tête occupe la place de la volute d’angle et imposant un livre figuré à la place du dé médian.
    Si François Bordes, grand familier des récits et des recueils de miracles, déclare n’avoir jamais trouvé mention de guérison par contact avec un livre, Olivier Testard fait observer que les images peintes dans certains manuscrits montrent les traces d’une usure due à des contacts répétés.
    Maurice Scellès demandant si l’imposition d’un livre pour guérir un malade était un rite propre à Conques, Jean-Claude Fau répond qu’il s’agissait d’une pratique autrefois répandue, qui a d’ailleurs perduré dans les campagnes jusqu’au siècle dernier.
    Louis Peyrusse, revenant sur l’œuvre elle-même, déclare qu’il s’agit d’une sculpture fascinante qui, par comparaison avec d’autres chapiteaux subsistant dans le cloître de Conques et figurant des guerriers en veille, des maçons au travail ou des jongleurs, élève l’iconographie présentée en ce lieu à des hauteurs supérieures.

    La parole est ensuite à Jean-Luc Boudartchouk pour la seconde communication du jour : 

« Le souvenir de l’édifice antique de la Daurade (Toulouse) à travers légendes et traditions médiévales

L’énigmatique et unique édifice antique de la Daurade a généré une importante bibliographie depuis le XVIIe siècle jusqu’à ces derniers mois ; on trouvera les principales de ces contributions in fine dans l’article que nous avons consacré, dans les Mémoires de l’année précédente, à un fragment de mosaïque de la Daurade (Boudartchouk 2001, p. 89-91).

La dernière synthèse sur l’église de la fin de l’Antiquité est due à Q. Cazes et M. Scellès (2001, p. 483-490). Les auteurs concluent sur la difficulté de saisir de façon irréfutable la destination de l’édifice polygonal de la fin de l’Antiquité. Des incertitudes subsistent sur des points aussi fondamentaux que la forme d’origine du bâtiment, les phases de construction et de réaménagement éventuel… À l’heure actuelle, trois hypothèses sont régulièrement avancées quant à la destination du bâtiment : un temple païen christianisé, un mausolée ou une chapelle funéraire de la famille royale wisigothique, un édifice de culte arien lié au palais ou une chapelle palatine. Un consensus d’ordre chronologique et culturel se dégage pourtant chez les chercheurs : la Daurade avec son programme unique de mosaïques chrétiennes à fond d’or relève bien d’une  "ambiance wisigothique" et entretient un rapport étroit avec le pouvoir royal du Ve siècle.

L’essentiel de ces conclusions avait déjà été énoncé au XVIIe siècle (Chabanel 1621 par exemple).

Pour autant, l’intérêt pour les origines de la Daurade s’est manifesté bien avant le XVIIe siècle : des légendes, des traditions médiévales, recueillies aux XVe et XVIe siècles, sont susceptibles, mises en perspectives avec des données historiques et archéologiques, d’apporter un éclairage complémentaire sur l’histoire "pré-mérovingienne" du monument.

En effet, contrairement à la basilique Saint-Sernin, nous ne disposons d’aucune source ancienne relative aux origines de la Daurade ; peut-être faut-il y voir, si l’édifice était en effet marqué par son lien avec le pouvoir wisigothique, une conséquence de la conquête franque de 508. Logiquement, cette amnésie a été partiellement compensée au Moyen Âge par l’élaboration graduelle de légendes sur l’origine de la Daurade, légendes et traditions que l’on ne connaît que grâce à leur transcription tardive (XVe-XVIe siècles).

Nous avons relevé quatre légendes médiévales se rapportant à la Daurade antique :

- L’emplacement du lac sacré (ou du gouffre) des Tectosages et son trésor 
            - Le temple païen de la Daurade dédié à Apollon ou à Jupiter
            - Le rôle de Théodose dans la consécration de la Daurade et son inhumation dans le sanctuaire
            - Le roi de Toulouse Marcellus et sa fille Austris (alias Pédauque), inhumée dans le sanctuaire, dont on montre la tombe.

Légendes relatives à une antiquité non chrétienne : le lac ou abîme des Tectosages et le temple païen de la Daurade

Le lac ou abîme des Tectosages

Il est possible – mais non démontrable à l’heure actuelle – que la vita d’Antonin de Pamiers (cf. article de l’auteur dans ce même numéro des Mémoires), apparue vers 1100 et narrant les mésaventures d’Antonin et son compagnon Almaque à Toulouse, alors sous la férule d’un roi Théodoric, fasse allusion à la Daurade à travers le lieu de détention et de supplice qualifié de  "praecipitio", " carcere tenebroso" ou même "Spelunca Nociva". Nicolas Bertrand (1515) qui reprend la vie d’Antonin et d’Almaque parle lui de " spelunca votiva" et de "loco tenebroso" ; mais surtout il situe explicitement cette fois le fameux lac des Tectosages sous la Daurade. C’est ce lac, couronné par la Daurade – alors temple de Jupiter ou d’Apollon – qui a été pillé par le consul romain Caepio. Au début du XVIe siècle, ce lieu maudit qualifié de "lac et abisme fort horrible et ténébreux" est parfois situé à Saint-Sernin (Boudartchouk 1994). Mais l’idée d’un lac ou d’un gouffre consacré sous la Daurade fait son chemin et elle est développée par Dom Martin (1727), qui semble ignorer pourtant la vita d’Antonin comme l’œuvre de Nicolas Bertrand. L’auteur imagine un lac naturel, ou un trou d’eau, ou un gouffre gaulois ultérieurement " monumentalisé" après la conquête romaine par la construction 


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de la Daurade. Cette théorie sera malmenée par Montégut (1782) et ne sera plus développée par la suite : la légende médiévale a été éradiquée.

On peut s’interroger sur l’ancrage de cette légende : sans doute y a-t-il eu une certaine assimilation de l’or des mosaïques de la Daurade à celui des Tectosages. Peut-être la fascination exercée par la "crypte" de la Daurade, parfois considérée comme une sorte de "fosse au trésor" (mss. Chantelou) a-t-elle également joué un rôle. Évoquons aussi la proximité de la Daurade et du cours de la Garonne. Enfin les auteurs du début de l’époque moderne établissent un lien topographique (c’est-à-dire une confusion des sites) entre le "lac des Tectosages" et le "temple d’Apollon" (Bertrand 1515 ; Noguier 1556).

Le temple païen de la Daurade et sa divinité

L’idée que la Daurade fut à l’origine un temple païen est commune aux auteurs des XVe et XVIe siècles (Étienne de Gan, Nicolas Bertrand, Antoine Noguier, Forcatel). La tradition la plus ancienne (depuis le milieu du XVe siècle au moins et Étienne de Gan) et la plus répandue y voit le temple d’Apollon cité par Orose, toujours à propos du pillage de l’or des Tectosages qui y aurait été stocké selon lui. Nicolas Bertrand se fait toutefois l’écho d’une tradition plus complexe. Après avoir clairement identifié la Daurade au temple d’Apollon des Tectosages, il l’attribue ensuite, à plusieurs reprises, ce qui exclut un lapsus, à un temple de Jupiter altitonans, lui-même distinct d’un capitolium situé par l’auteur à la porte narbonnaise. À l’évidence, Bertrand juxtapose sans souci de logique plusieurs traditions, mais à bien y regarder il paraît y avoir une nuance chronologique entre la dédicace à Apollon et celle à Jupiter : cette dernière prend place dans une Antiquité plus tardive que l’épisode tectosage, proche dans l’esprit de Bertrand de l’abandon des cultes traditionnels et du triomphe du christianisme (légende d’Austris). La Daurade, initialement dédiée à l’Apollon des Tectosages, aurait été réaffectée au culte de Jupiter jusqu’à sa transformation en église. Pourquoi cette tradition Jupitérienne – peu suivie par les auteurs ultérieurs – ? Est-elle liée au souvenir d’Almaque, tenu pour avoir été exécuté au Capitole mais dont le nom pouvait figurer sur les mosaïques (Boudartchouk 2001) ? Ou bien n’est-ce qu’une extrapolation de Bertrand au regard de la mention selon Sidoine Apollinaire du culte à Jupiter rendu par les Toulousains?

Mentionnons enfin pour mémoire une dédicace à Pallas-Athéna envisagée par Forcatel (1580), qui résulte d’une démarche érudite n’ayant rien à voir avec les traditions médiévales.

Tout ceci nous paraît découler du souvenir – confus et déformé – d’un rôle cultuel joué par le bâtiment avant sa transformation en église, même s’il ne faut pas négliger le besoin chez les auteurs médiévaux de "donner corps" aux temples et aux dieux des Toulousains cités par les Anciens (Orose, Sidoine, Ausone).

Légendes d’une antiquité chrétienne : Théodose et les rois (wisigoths) de Toulouse à la Daurade

Théodose et la Daurade

La légende de Théodose à la Daurade est ancienne : Catel assure (1623, p. 124-125) qu’il a lu dans un missel de 1415, dans l’office de la dédicace de l’église : "Theodosius magnificus Imperator, vir Christianissimus, fabricari fecit". Théodose serait à l’origine de la (re)construction ou de la dédicace de l’église de la Daurade. Catel était d’autant plus sceptique que le corps du même Théodose était censé reposer dans la crypte !

C’est Nicolas Bertrand (1515 et 1555, p. 22, 27, 41) qui le signale à trois reprises : "Theodosius Empereur de Romme fut ensepulturé a Tolose a la Daurade" ; il ajoute même "(…) plusieurs Empereurs et Senateurs, et pareillement des Legislateurs, lesquelz sont ensepulturés a la Daurade" ; Antoine Noguier (1556, p. 30, 73) confirme les dires de Bertrand et donne même une description de la sépulture de Théodose : "( …) ladite Eglise, n’etant si longue comme elle est à present : ains alloit seulement iusques à la porte vers la place ioignant le clocher. Le reste (comme on dit) fut bâti par l’Empereur Theodose : duquel la cendre repose en un vase, fait en forme d’urne, souz le grand autel de ladite Eglise, chose que i’ai veu et est aisé à voir à qui la désire".

Ces descriptions sont vivement critiquées par Chabanel (1621, p. 30-32) : "ce sont des inepties et absurdités ridicules, et pleines d’ignorance palpable" ; l’auteur de la première monographie sur la Daurade est suivi par Catel (1633, p. 124-125) : "quant à l’urne qui se voit encore transparante dans le grand Autel de l’église de la Daurade, il y a plus d’apparence que ce fussent des reliques ou des cendres de quelque saint ou martyr (…)".

L’empereur auquel font référence le missel du XVe siècle et Nicolas Bertrand est indubitablement Théodose Ier, empereur unique de 392 à 395, mort à Milan et inhumé à Constantinople. L’octroi de privilèges légendaires par Théodose aux Toulousains relaté par Bertrand relève peut-être d’une confusion avec le Code théodosien compilé sous Théodose II, empereur d’Orient. Enfin, rappelons qu’un enfant de Galla Placidia et du roi wisigoth Athaulf, nommé également Théodose, est mort en bas âge à Barcelone en 415 alors qu’il avait environ un an ; sa dépouille fut transférée à Rome en 450 (Demougeot 1988, p. 188-190).

Il est bien sûr hors de propos qu’une dépouille impériale ait jamais été déposée à la Daurade ; de même l’on ne peut suivre Chabanel lorsqu’il propose de restituer « Théodoric » à la place de Théodose au motif que les rois wisigoths, et en particulier Théodoric II, ont pu jouer un rôle important dans l’histoire de la Daurade (Chabanel 1621, p. 30-32). 


M.S.A.M.F., t. LXII, p. 249

Alors ? Peut-être convient-il de dissocier un lien éventuel – peut-être simplement chronologique – entre la dédicace de l’église et Théodose et la légende rapportée par Bertrand de l’inhumation d’un Théodose dans l’édifice. Le réceptacle du corps, déposé dans la crypte sous l’autel majeur, est donc qualifié d’"urne" au XVIe siècle. C’est sans doute un coffret ou un vase de petite taille qui peut plus difficilement être assimilé à un sarcophage recelant un corps entier (bien que le latin médiéval urna puisse avoir ce sens) ; Catel l’assimile d’ailleurs implicitement à un reliquaire et Chabanel pense à un corps incinéré. Pour autant, ces restes ne semblent pas faire l’objet d’un culte et ne paraissent pas être des reliques à proprement parler.

On peut postuler une homonymie avec des saints chrétiens : il existe deux saints Théodose célébrés le 11 janvier, mais surtout, l’église de la Daurade possédait des reliques de sainte Théodosa, vierge et martyre, arrivées de Rome au sein d’un lot de reliques en 1240 (mss. Chantelou, fol 89v.). Les reliques de cette Théodosa auraient-elles généré la légende de la présence du corps de Théodose, ce dernier étant considéré par ailleurs – et sans doute plus anciennement – comme fondateur de l’église ?

Plus généralement, à la fin du  Moyen Âge, le nom de Théodose est à la fois synonyme de grand empereur chrétien et de grand législateur ; ce sont ces deux aspects dont on cultive alors le souvenir à la Daurade.

Les rois wisigoths de Toulouse à la Daurade ? Marcellus et sa fille Austris alias Pédauque

Il n’est pas dans notre propos d’étudier dans le détail la légende médiévale rapportée par Nicolas Bertrand de la Reine Austris, alias Pédauque, fille d’un roi païen de Toulouse appelé Marcellus, atteinte de la lèpre et convertie secrètement au christianisme. Cette princesse, morte dans son "palais" de Peyrolade, de l’autre côté de la Garonne, fut ensevelie par son père Marcellus "in templo Jovis supra Garumnam : ubi nunc ecclesia beate Marie Deaurate sita est" (Bertrand 1515). Le personnage au nom biblique d’Austris est attesté dès l’époque romane grâce à la description que fait Nicolas Bertrand du décor du portail disparu de Saint-Sernin : Martial et Saturnin y baptisent la lépreuse Austris. Dans le corpus de légendes transmis par Nicolas Bertrand au XVIe siècle, Austris alias Pédauque est un personnage lié à la fois aux rois de Toulouse et aux vestiges de l’aqueduc de la ville antique.

Pour Bertrand, le souvenir de la vie d’Austris est l’occasion d’évoquer les ruines de l’aqueduc encore visibles dans les années 1500 : Peyrolade (extrémité de l’aqueduc avant la traversée de la Garonne où se trouvait peut-être un réservoir ; le Pont-Vieux (aqueduc-pont sur la Garonne). L’association de vestiges de l’aqueduc et du souvenir de la reine Austris est attestée dès le milieu du XVe siècle (Labrousse 1968, p. 394). Austris-Pédauque (surnom qui renvoie à la lèpre, renseignement fourni par Fr. Bordes que nous remercions vivement) apparaît donc dans la légende médiévale – et de plus en plus à l’époque moderne – comme un personnage lié à l’eau, celle de l’aqueduc et celle de la Garonne ; Bertrand situe la Daurade "sur la Garonne". Incidemment, la Daurade déjà considérée comme lieu du lac des Tectosages se trouve associée, par l’intermédiaire d’Austris, aux eaux courantes de l’aqueduc et de la Garonne.

Par ailleurs, le personnage légendaire Austris est implicitement lié à la famille royale wisigothique : Nicolas Bertrand situe le roi toulousain Marcellus, père d’Austris dans la légende, postérieurement à un Théodose et antérieurement à un Théodoric. De fait, la légende est ancrée, ou peu s’en faut, dans les débuts du royaume wisigothique de Toulouse. Or, Noguier (1556, p. 69) donne des précisions sur la sépulture d’Austris à la Daurade : "Son corps est (ainsi qu’on dit) ensépulturé au temple d’Apollon (bien qu’elle fût chrétienne) sur la porte par laquelle on va au cimetière des Comtes qui est sur la Garone". On montre donc, dès cette époque, le sépulcre d’Austris. Il s’agissait d’un couvercle de sarcophage historié, daté par D. Cazes de la fin du IVe ou du début du Ve siècle, peut-être réutilisé comme linteau lors de la construction de la nef médiévale (Durliat, Deroo, Scelles 1987, p. 109-111, n° 155, avec historique complet du monument). La cuve du même sarcophage était quant à elle également réutilisée – sans doute tardivement – en linteau à l’église Saint-Michel-du-Touch, dépendant de la Daurade (Durliat, Deroo, Scelles 1987, p. 116-117, n° 159). Il est permis de se demander si les remplois antiques et plus précisément la série de sarcophages de Saint-Michel-du-Touch n’est pas en provenance de la Daurade, où se trouvaient plusieurs tombeaux antiques selon N. Bertrand.

LE « TOMBEAU DE LA REINE PÉDAUQUE », couvercle de sarcophage provenant de l’ancienne église de la Daurade, actuellement au Musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse. Cliché Mairie de Toulouse, Joachim Hocine.

Qu’étaient ces tombeaux antiques, dont un élément a ainsi fixé une partie de la légende de cette Austris, considérée 


M.S.A.M.F., t. LXII, p. 250

en 1515 comme la fille d’un roi de Toulouse postérieur à Théodose et antérieur à un Théodoric ? En clair, et comme cela a déjà été avancé, des membres de la famille royale wisigothique ont-ils été inhumés à la Daurade ?

Perspectives

Ces quatre légendes ou traditions médiévales, bien que très disparates, permettent donc d’aborder de façon différente plusieurs problèmes non résolus relatifs à la Daurade antique.

En ce qui concerne la fonction originelle du bâtiment, deux traits sont à retenir : l’insistance des traditions à y voir un édifice de culte, qu’il ait été dédié à Jupiter ou à Apollon ; la volonté d’en faire un lieu « humide », en relation avec le lac des Tectosages, la Garonne ou l’aqueduc.

Sur le premier point, on ne peut exclure – et cela a été développé par plusieurs auteurs – qu’il s’agisse d’un petit temple à plan centré. Sur le second point, l’on peut se demander – l’idée m’en a été suggérée par Daniel Cazes, sur la base d’une comparaison avec l’édifice dit temple de Minerva Medica – si la Daurade n’a pas été à l’origine un monument des eaux, une fontaine monumentale. Dans cette optique, la fameuse description de Montégut publiée en 1782 acquiert une signification évocatrice : "Lorsqu’on démolit le chevet de l’Eglise, on découvrit dans le milieu, à quinze pieds d’élévation au-dessus du rez-de-chaussée, une niche pratiquée dans l’épaisseur du mur et dans laquelle un homme pouvoit se placer. Dans cette niche étoit l’ouverture d’un tuyau qui se continuoit en descendant dans la muraille jusqu’à l’Autel et à l’endroit où a dû être élevée la statue de la divinité (…)". Serait-ce une adduction d’eau ? Que penser alors de la "source" de l’église de la Daurade dont parle l’ingénieur Laupiès en 1811 : "(…) lorsqu’on creusa les fondements de la nouvelle église de la Daurade, on fut fort incommodé par une source assez abondante dont on ne parvint à se débarrasser qu’en l’enfermant dans un puisard qu’on recouvrit (…) sa plus grande élévation (…) est un peu inférieure au niveau du carrelage de l’église (…)". Ces observations incitent à aller à la rencontre de la légende du lacus (pouvant signifier "lac" mais aussi justement "monument des eaux") de la Daurade. D’autant que les monuments des eaux ont très souvent un aspect religieux.

En ce qui concerne la transformation du monument en église, on retiendra la présence de Théodose Ier dans deux traditions, l’une cléricale et l’autre laïque, en tant que jalon chronologique : c’est autour de 400 que le capitolium est mis hors d’usage, et qu’est construite la nouvelle basilique en l’honneur de Saturnin ; la réaffectation de la Daurade au culte chrétien pourrait procéder de la même démarche.

En ce qui concerne enfin la destination de la Daurade sous la domination wisigothique, on rappellera la présence d’un élément de sarcophage compatible d’un point de vue chronologique avec la présence royale à Toulouse. Rappelons que quatre dépouilles, au moins, de rois accompagnés de leur famille devaient reposer à Toulouse. Or le seul objet connu pouvant provenir d’une dépouille royale (ou du trésor) est une intaille en saphir légendée "alaricvs rex gothorvm", de provenance inconnue, que l’on attribue à Alaric II, mort au combat à Vouillé en 507. Le ou les mausolées royaux restent à identifier. L’assimilation de la Daurade à un mausolée royal, déjà proposée par plusieurs auteurs, a contre elle la localisation intra muros de l’édifice ; on y objectera le cas du mausolée de Dioclétien à Split, en contexte palatial. Il reste que, de façon plus prosaïque, la mention chez Grégoire de Tours (Historia Francorum VII, 10) du séjour de deux princesses mérovingiennes à la Daurade a peut-être oeuvré également à la formation de la légende d’Austris.

Jean-Luc BOUDARTCHOUK »

Sources publiées

Vie de saint Antonin (dit de Pamiers) (vers 1100 ?), publiée dans Catalogus codicum hagiographicorum latinorum, antiquiorum saeculo XVI qui asservantur in bibliotheca nationali parisiensi, ediderunt hagiographi Bollandiani. Tomus I, Bruxelles-Paris, 1889, codex 2553, p. 131-139. 
Gano, Étienne de - Dissertation historique sur les origines de Toulouse (1451-1474), ms Archives Municipales de Toulouse AA5, 1. Publié dans Devic, dom Cl., Vaissète, dom J., Du Mège Al., 1840, p. 640-645.

Manuscrits

Dom Odon Lamothe - Chronique commencée en 1623, Paris, Bibliothèque Nationale de France, ms. lat. 12680 (publié et traduit en partie par Degert abbé, 1903-1906a. Voir aussi pour une nouvelle édition du texte latin : Cahiers Archéologiques, XIII, 1962, p. 261-265. 
Dom Chantelou - Mémoires manuscrits, Paris, Bibliothèque Nationale de France, ms. lat. 13815 (partiellement publié dans le Bulletin paroissial de la Daurade, 1929 et par Lafargue M., 1940). 

Bibliographie

Bertrand N., 1515 = Opus de Tholosanorum gestis, Toulouse, Jean Grandjean, 1515. 
Bertrand N., 1555 = Les Gestes des Tholosains ; 2e éd., Toulouse, traduction par Guillaume de la Perrière, éd. Jacques Colomiès, 1555. 


M.S.A.M.F., t. LXII, p. 251

Boudartchouk J.-L., 1994 = « Le locus de la première sépulture de l'évêque Saturnin de Toulouse : un état de la question », dans M.S.A.M.F., t. LIV, 1994, p. 59-69. 
Boudartchouk J.-L., 2001 = « 
"VBI ALMA-" , à propos d’une inscription en partie inédite provenant de la mosaïque paléochrétienne de l’église de la Daurade », dans M.S.A.M.F., t. LXI, 2001, p. 79-92. 
Catel G., 1623 = Histoire des comtes de Tolose, Toulouse, Pierre Bosc, 1623, 2 parties en 1 vol. 
1633 = Mémoires de l'histoire du Languedoc, Toulouse, Pierre Bosc, 1633, 1038 p. 
Cazes D., 1993 = « Les sarcophages sculptés de Toulouse », dans Les sarcophages d'Aquitaine, Actes du colloque sur les “ sarcophages d'Aquitaine ”, Genève, 27-29 oct. 1991, (Antiquité tardive, 1), 1993, p. 65-74. 
Cazes D. (dir), 1999 = Le Musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse, Toulouse, 1999, 190 p., ill. 
Cazes Q., Scellès M., 2002 = « La basilique Sainte-Marie : Notre-Dame-la-Daurade », dans Tolosa, nouvelles recherches sur Toulouse et son territoire dans l’Antiquité, dir. J.-M. Pailler, Toulouse, 2002, 601 p. ; p. 483-490. 
Chabanel J. de, 1621 = De l'antiquité de l'Eglise Nostre Dame dite la Daurade, Toulouse, Colomiez, 1621, 124 p. 
Chabanel J. de, 1625 = De l’estat de police de l’Eglise de la Daurade, Toulouse, Boude, 1625, 182 p.
Demougeot E., 1988 =
« L’évolution politique de Galla Placidia », dans L’Empire romain et les barbares d’Occident, scripta varia, Paris, Sorbonne, 1988, p. 173-210. 
Deroo Chr., Durliat M., Scelles M., 1987 = Recueil général des monuments sculptés en France pendant le Haut Moyen Age (IVe-Xe siècles), t. IV, Haute-Garonne, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 188 p., CXLIX pl. 
Labrousse M., 1968 = Toulouse antique des origines à l'établissement des Wisigoths, Paris, École Française de Rome (Bibliothèque des Écoles Françaises d'Athènes et de Rome ; 212), 1968, 644 p., IX pl. 
Laupiès M., 1811 = Mémoire concernant le projet d'une fontaine sur le port de la Daurade, ms. dans les Mémoires copiés de l'Académie, t. 10, f° 287-295, (résumé dans M.A.S.I.B.L.T., I, 1827, p. 42-43). 
Mackie G., 1994 = « La Daurade : a royal mausoleum », dans Cahiers Archéologiques, n° 42, 1994, p. 17-34. 
Martin J. dom, 1727 = La religion des Gaulois tirée des plus pures sources de l'Antiquité, Paris, Saugrain fils, 1727, 2 vol. [I, p. 146-172 et pl. IV] 
Montégut J.-F. de, 1782 = « Recherches sur les Antiquités de Toulouse », dans Histoire et Mémoires de l’Académie royale des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse, I, 1782, p. 65-110 et pl. IV-XII. 
Noguier A., 1556 = Histoire tolosaine, Toulouse, Guyon Boudeville, 1556 (rééd. 1559). 
Roquebert M., 1986 = Récits et légendes de l’Antiquité toulousaine, Toulouse, 1986, 160 p., ill. 
Scelles M., 1996 = « Toulouse, église Notre-Dame La Daurade »
, dans Les premiers monuments chrétiens de la France : 2. Sud-Ouest et Centre, (Atlas archéologique de la France), Ministère de la Culture, Paris, Picard, 1996, p. 190-196.

 

    Après avoir remercié notre confrère, la Présidente fait appel aux questions et observations de la Compagnie.
    Daniel Cazes lui ayant demandé comment s’était effectué le passage du personnage de la reine Austris à celui de la reine Pédauque, Jean-Luc Boudartchouk répond qu’il s’agit là d’une transposition érudite, tout à fait artificielle, qui peut avoir été facilitée par l’assimilation des rideaux figurés sur le sarcophage de la Daurade à des pattes d’oie. M. Cazes pose le problème de la destination de la Daurade antique et déclare ne pas parvenir à croire qu’il s’agissait d’un édifice à vocation funéraire : il paraît inconcevable que l’on ait pu, à la fin de l’Antiquité, établir une sépulture royale à l’intérieur des murs d’une ville ; à Ravenne, en 526, le tombeau de Théodoric le Grand fut élevé extra muros. M. Boudartchouk convient qu’il y a là une difficulté, mais il cite à l’appui de son opinion le contre-exemple de Dioclétien à Split. Daniel Cazes aborde ensuite la question du remploi des sarcophages antiques, constant à Toulouse au Moyen Âge comme à l’époque moderne. Il cite les éléments de sarcophages provenant de Saint-Michel-du-Touch, qui fut une dépendance de la Daurade, et montre qu’ils n’ont à l’origine rien à voir avec ce site ; leur remploi dans l’encadrement de la porte de l’église paraît seulement remonter au XVIIIe siècle.
    Maurice Scellès relève que le sarcophage dit de la reine Pédauque se trouvait dans la partie occidentale de l’église de la Daurade, dans la nef construite entre le XIe siècle et le XIIIe, qu’il y était remployé comme linteau de porte et qu’il ne s’agissait plus vraiment d’un tombeau. Puis il demande des précisions au sujet des premières mentions de la crypte de la Daurade. Jean-Luc Boudartchouk ayant indiqué qu’il est question de la crypte dès le XVIe siècle, M. Scellès dit qu’il la croyait plus tardive, ajoutant que le plan du XVIIe ou XVIIIe siècle conservé à la Bibliothèque nationale paraît figurer une fausse crypte.
    Louis Latour revient sur la figure de la reine Pédauque et signale que ce personnage aurait pu être ainsi désigné en raison d’une légère infirmité : des orteils palmés ; or la reine Austris est présentée comme affectée de la lèpre. Dans le même sens, François Bordes note que les cagots se reconnaissaient à un signe figurant des pieds palmés et que les lépreux habitaient au XIVe siècle dans le quartier Saint-Cyprien, où la reine Pédauque aurait eu son palais.
    Patrice Cabau intervient sur divers points de détail : l’épithète altitonans employée par Nicolas Bertrand pour qualifier Jupiter n’a rien que de banal ; le roi Theodericus mentionné par le même auteur peut être aussi bien un roi wisigoth (Théodoric) qu’un roi franc (Thierry) ; la vierge et martyre Theodosia, dont des reliques furent envoyées en 1241 au monastère de la Daurade par le Chapitre de Saint-Adrien de Rome, n’a certainement pas grand-chose à voir avec l’empereur Théodose.

    Au titre des questions diverses, le Secrétaire général commente les statistiques concernant la fréquentation du site Internet de notre Société. Le volume des consultations est en progression continue. Ce succès est confirmé par des courriers indiquant l’utilité des informations fournies en ligne. Les messages témoignent aussi de l’étonnante curiosité des internautes.

    Le Secrétaire général présente ensuite quelques vues de la tour du palais de Via, à Cahors. Ce bâtiment du XIVe siècle, qui est inscrit parmi les Monuments historiques, va être abandonné par le ministère de la Justice et la mairie de Cahors a fait savoir par voie de presse qu’elle se préoccupait de son devenir. Louis Peyrusse indique que l’on aurait envisagé d’y établir le pôle 


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universitaire qui doit être créé à Cahors. Il est proposé que notre Société émette un vœu pour que cet édifice remarquable soit conservé et étudié dans les meilleures conditions.

    Un souhait semblable est exprimé à propos de la Prison Saint-Michel de Toulouse et de l’Hôpital Marchand, édifices conçus par l’architecte Jacques-Jean Esquié.

 

SÉANCE DU 2 AVRIL 2002

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mme Napoléone, MM. l’abbé Baccrabère, Nayrolles, Peyrusse, Mgr Rocacher, membres titulaires, Mmes Andrieu, Bayle, Blanc-Rouquette, Czerniak, Pujalte, MM. Burroni, Manuel, Testard, membres correspondants.
Excusés : M. Coppolani, Directeur honoraire, Mmes Cazes, Fraïsse, M. Garland. 

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 19 mars, adopté après une correction demandée par Louis Peyrusse.
    La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite. Ce sont en particulier deux courriers de la Mairie de Toulouse, l’un pour nous annoncer le versement de la subvention annuelle de 1 525 euros, l’autre nous indiquant que la Ville a transmis à son assureur le dossier relatif aux dommages subis par notre ordinateur.
    Puis la Présidente signale la dernière livraison de la Lettre des Amis de l’Hôtel d’Assézat, dont l’éditorial est consacré à la présentation de notre Société.
    La parole est donnée à Louis Peyrusse qui expose à la Compagnie le budget de publication des actes des journées d’étude sur la maison médiévale organisée en mai 2001.

    L’ordre du jour appelle l’élection de membres correspondants. Olivier Testard présente ses deux rapports sur les candidatures de Mme Anne Boussoutrot et de M. Jean-Louis Rebière. La Présidente donne lecture de son rapport sur la candidature de Mme Françoise Galés.
    On procède au vote. Mme Anne Boussoutrot, Mme Françoise Galés et M. Jean-Louis Rebière sont élus membres correspondants. 

    La parole est à Christophe Balagna pour une communication sur Les débuts de l’architecture gothique en Gascogne centrale

    La Présidente félicite Christophe Balagna pour ce travail sur les débuts d’une technique, débuts qu’il est toujours intéressant de mettre en lumière. Puis elle demande quels sont les arguments en faveur de la datation proposée pour Mouchan. Christophe Balagna rappelle que l’essentiel de l’édifice appartient à la première moitié du XIIe siècle et que la voûte doit être située un peu plus tard ; par ailleurs, la voûte de Flaran montre des progrès dans la mise en œuvre et il faut donc la dater des années 1170-1180. Une chronologie relative peut ainsi être établie entre les édifices. Si l’on élargit le champ à d’autres constructions, ce type de croisée paraît se développer entre le début de la seconde moitié du XIIe siècle et le début du XIIIe. La Présidente remarque que la datation de Flaran est bien sûr conditionnée par la date de la fondation.
    Daniel Cazes a l’impression, autant qu’il ait pu en juger d’après les photographies, que le jeu stéréotomique des nervures n’est pas le même à la salle basse du porche de Moissac et à Mouchan où les deux branches du second arc viennent s’appuyer sur le premier arc diagonal. Christophe Balagna précise que l’enduit masque un peu la rencontre des nervures, puis il ajoute que le système à agrafes que l’on a à Moissac se retrouve plus au nord, par exemple à Rocamadour. Guy Ahlsell de Toulza n’ayant pas souvenir de telles agrafes à Rocamadour, Christophe Balagna précise qu’il s’agit de petites agrafes placées aux angles des nervures.
    Mgr Rocacher note que l’on ne parle pas suffisamment du surhaussement des extrados des arcs diagonaux établis sur un plan rectangulaire. Ils témoignent d’un problème évident de liaison entre les arcs et la voûte, donnant l’impression d’être en présence d’une voûte d’arêtes et d’arcs bandés au-dessous. Un bon nombre d’édifices religieux ou civils présentent des voûtes établies sur ces principes. Christophe Balagna rappelle que sa chronologie repose surtout sur la datation de la tour-porche de Moissac et il souligne le fait que Flaran ne présente pas ce comblement entre les arcs et la voûte. 

    Louis Peyrusse constate que les Cisterciens ne seraient donc plus les fourriers du gothique dans le Midi de la France. On aurait un foyer méridional, mais les exemples évoqués sont-ils vraiment des chantiers de création gothique ? Christophe Balagna dit ne pas le penser, au sens propre : il y voit surtout des tentatives pour voûter de grands espaces, sur des portions limitées des édifices, à l’imitation des réalisations du nord de la France.
    Mgr Rocacher demande à Christophe Balagna s’il n’a pas l’impression que l’architecture cistercienne relève d’une autre esthétique, ce dont celui-ci convient tout en insistant sur le fait que toutes les abbayes cisterciennes du Midi connaissent deux campagnes principales de construction et que ce n’est qu’avec la seconde qu’apparaissent les croisées d’ogives dites « cisterciennes » : les formes employées dans les années 1180-1240 empruntent au fonds local et à des formes importées.


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    Guy Ahlsell de Toulza relève qu’il n’a pas été fait état des deux premières travées du collatéral nord de Flaran, que Marcel Durliat plaçait vers 1200 et qui lui paraissent plus probantes que la salle capitulaire. La présence ou non d’un support pour recevoir les nervures correspond à une architectonique. S’il est plus maladroit à Mouchan, il est néanmoins dimensionné en rapport avec la largeur de nervure ; à Flaran, en revanche, la retombée des nervures se fait en sifflet. Les formules sont donc différentes et sont également différentes de celle de Moissac. Christophe Balagna faisant remarquer que l’on aurait pu utiliser les ogives toriques sur la croisée de Flaran, Guy Ahlsell de Toulza affirme que la salle capitulaire doit être située plus tard ; en outre, les voûtements de Moissac lui paraissent plus sophistiqués et ceux de Flaran et Mouchan trop différents dans leur conception pour être liés. Pour Christophe Balagna, le dosseret et l’amortissement en sifflet des départs des nervures montrent une parfaite adaptation à Flaran. Il ajoute que l’étude archéologique pierre à pierre de l’église abbatiale qui a été réalisée par Cécile Potêl (L'abbaye de Flaran, D.É.A., Université de Toulouse-Le Mirail, 1998)  met déjà en évidence la complexité de la chronologie de la construction.
    Guy Ahlsell de Toulza et Christophe Balagna conviennent que ces édifices montrent des tâtonnements et des influences diverses, ces expérimentations devant finalement aboutir à la croisée d’ogive bien pensée.

    Au titre des questions diverses, le Directeur rend compte de sa récente visite à Martres-Tolosane pour une réunion avec Mme le Maire et les adjoints chargés de la Culture et des écoles. L’objet en était l’aménagement du parcours de découverte autour du site de la villa de Chiragan, dont on est convenu qu’il soit mis en place pour le début de l’été. Un premier panneau explicatif sera installé sur l’emplacement du cimetière Saint-Nicolas, puis un deuxième sur la voie romaine qui menait de Tolosa à Lugdunum Convenarum, à un endroit où les recharges sont très lisibles. Après le franchissement du canal de Palaminy, un troisième panneau présentera les plans de la villa. Le sentier franchira le ruisseau de la Nause par un petit pont de bois et rejoindra les bords de Garonne où un panneau sera consacré à la zone thermale, puis se poursuivra jusqu’à l’édicule octogonal où un dernier panneau traitera de la zone résidentielle et de la découverte des sculptures au XIXe siècle. Le chemin pourrait être prolongé sur la rive de la Garonne jusqu’à la fontaine Saint-Vidian et la zone d’entrepôts de la villa, mais cela nécessite l’accord de l’État et la certitude que la promenade puisse se faire sans danger.
    Daniel Cazes souligne que cet aménagement devrait permettre un meilleur respect du site, fondé sur l’information : si pendant plusieurs années, on a hésité entre rendre publiques ou non les informations sur les sites archéologiques, l’expérience acquise dans toute l’Europe montre qu’il vaut mieux informer.
    La réalisation des panneaux correspondra à la fin des rapports sur les sondages. Une inauguration officielle est prévue, à laquelle notre Société sera bien sûr conviée.
    La Présidente ayant demandé si une autre campagne de fouilles était prévue cette année, Daniel Cazes indique que M. Martinaud doit achever l’étude géophysique et qu’il sera peut-être procédé à deux ou trois sondages complémentaires. 

    On attire ensuite l'attention de la Compagnie sur la manière dont sont traités les bâtiments du collège de Périgord, au 56 rue du Taur. La porte placée sous le passage a été agrandie et couverte par un linteau en béton ; si le grand volume de la chapelle est réapparu quelque temps après la démolition du plancher en bois, il est de nouveau recoupé, désormais par une dalle de béton. Il est tout à fait regrettable qu’aucune étude, aucune observation n’aient été faites pendant les travaux, alors qu’il est certain que les traces qui auraient été mises au jour auraient permis de mieux connaître l’édifice. Il faut rappeler que l’Université de Toulouse-Le Mirail, en la personne de son ancien Président, a toujours refusé de prendre en compte la dimension patrimoniale des bâtiments, hormis l’obligation découlant du classement au titre des Monuments historiques de la tour Maurand. Le courrier que notre Société avait adressé à la Direction régionale des Affaires culturelles pour demander l’extension de la protection s’est vu opposer une fin de non-recevoir : le dossier n’a pas été présenté à la C.R.P.S. (Commission Régionale du Patrimoine et des Sites) et les Services de l’État n’ont pas même exigé l’étude d’archéologie monumentale qui s’imposait pourtant.

 

SÉANCE DU 23 AVRIL 2002

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Cazes, Napoléone, MM. l’abbé Baccrabère, Bordes, Boudartchouk, Hermet, le Père Montagnes, Pradalier, Prin, Mgr Rocacher, membres titulaires, Mmes Andrieu, Blanc-Rouquette, Boussoutrot, Czerniak, Félix, Fronton-Wessel, Fournié, Galés, Jimenez, Watin-Grandchamp, MM. Burroni, Manuel, Rebière, Testard, membres correspondants. 
            Excusés : Mme Pujalte, M. Garland.

La Présidente ouvre la séance en souhaitant la bienvenue à nos trois nouveaux membres correspondants qui prennent séance ce soir : Mme Anne Boussoutrot, Mme Françoise Galés et M. Jean-Louis Rebière. 

Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 2 avril, qui est adopté. 

La Présidente rend compte de la correspondance imprimée qui comprend principalement des invitations et des programmes de colloques. Le 54e congrès régional de la Fédération historique de Midi-Pyrénées, organisé cette année par la Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron et la Société d’études millavoises, se tiendra à Millau les 21-23 juin 2002, sous le titre Rouergue, carrefour d’histoire et de nature; plusieurs membres de notre Société, Mmes Bernadette Suau et Nicole Andrieu, MM. Jean-Claude Richard, Vincent Geneviève et Jean-Claude Fau, y présenteront des communications. 


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Plusieurs dons viennent enrichir notre bibliothèque : 

 - Anne Boussoutrot, « La Pierre mise à nu : vêtement et revêtement », dans Lithique, n° 6, Pierres de Bourgogne (1), 1984, p. 48-49 ; 
            - Jean-Louis Rebière et Anne Boussoutrot, « Le château de Pierre Le Gendre à Alincourt », dans Bulletin monumental, t. 155 (1997), p. 127-133 ;
            - Jean-Louis Rebière, « Van der Meulen hors des routes : identification d’une vue de Chantilly », dans Bulletin du Groupe d’Études des Monuments et Œuvres d’art de l’Oise et du Beauvaisis, n° 52-53, 1992 ;
            - Madeleine Olivier, Léon Soulié (1804-1862). Une peintre régional du XIXe siècle, catalogue de l’exposition présentée du 6 avril au 2 juin 2002, Cahiers du Musée Calbet, Grisolles, 18 p.

La Présidente remercie les donateurs.

La parole est à Nicole Andrieu pour la communication du jour : L’église de Montesquieu-Volvestre. Le rôle de la Fabrique, publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.

La Présidente remercie Nicole Andrieu et la félicite pour ce bel exemple de méthode que représente son exposé à travers la confrontation des textes et des objets. L’histoire de la paroisse et la vie dans cette église tout au long du XIXe siècle sont particulièrement intéressantes en ce qu’elles nous font assister à l’évolution des mentalités après la Révolution et jusqu’à l’orée du XXe siècle. 
            Mgr Rocacher félicite à son tour Nicole Andrieu et la remercie d’avoir eu, dans son introduction, le courage et la lucidité de souligner la précarité de notre patrimoine religieux. Depuis quelques années, le vide des campagnes, avec le départ des jeunes et un clergé rural de moins en moins nombreux, fait peser une menace de plus en plus grave sur cet immense patrimoine. Mgr Rocacher reconnaît le rôle important des divers groupements et associations qui se constituent pour en assurer la sauvegarde. Nous sommes tous concernés de près ou de loin, mais si l’on peut applaudir au travail accompli par ces associations, il faut néanmoins savoir rappeler qu’elles n’ont pas de pouvoir légal, et qu’il convient donc de surveiller de près la manière dont est appliquée, ou n’est pas appliquée, la loi de 1905. Certaines de ces associations ont en effet une fâcheuse tendance à outrepasser leurs prérogatives et l’on a des exemples d’aliénations de mobilier tout à fait illégales. Louis Latour cite plusieurs cas qu’il a connus de sauvetage d’archives paroissiales du XIXe siècle : des registres ont été retrouvés lors d’un nettoyage effectué dans l’église de la Madeleine d’Auterive ; ailleurs, à l’occasion de la mise en location d’un presbytère inoccupé, le bâtiment a été entièrement vidé par une entreprise et un rouleau de documents de la Fabrique a été récupéré sur un terrain vague et acheté par les Archives départementales ; à l’arrivée d’un nouveau curé à Auterive, on a vidé une armoire des vieux papiers qu’elle contenait, dont l’inventaire a demandé deux à trois mois de travail. Louis Latour demande à tous d’être vigilants. Mgr Rocacher précise qu’il faut distinguer les documents qui relèvent des Archives communales et ceux qui doivent être versés aux Archives diocésaines. Nicole Andrieu remarque que les registres de Fabrique relèvent de ce dernier cas, mais qu’ils sont bien souvent, par ignorance, déposés aux Archives communales. 
            Quant aux consorces de prêtres, dont la fonction était de dire des messes pour les âmes du Purgatoire, Mgr Rocacher signale qu’une maison du XVe siècle conservée en face de l’église Saint-Nicolas à Toulouse était celle d’une telle consorce, et que l’on en connaît également un exemple à la Dalbade. Ces prêtres obituaires ne sont pas assimilables à des chanoines, ce à quoi Nicole Andrieu acquiesce. Louis Latour précise qu’il s’agit de fraternités de prêtres. Il indique que les statuts des consorces, par exemple ceux de Marquefave, imposent à leurs membres d’être natifs de la commune, afin d’écarter les convoitises que ne manquaient de susciter les sommes considérables apportées par l’ensemble des obits d’une paroisse. 
   
         Mgr Rocacher rappelle encore que la liturgie romaine a été rendue obligatoire par le Concile de Trente. Nicole Andrieu dit s’être sans doute mal exprimée en voulant souligner que l’usage de la liturgie romaine était réaffirmé en 1862 dans le diocèse de Toulouse. Pour Mgr Rocacher, il faudrait définir les détails des rites gallicans qui s’étaient en effet répandus ; tous les diocèses disposaient de leur Propre particulier sans que cela soit la marque de l’usage de rites gallicans.  
   
         À propos du chemin de croix, Mgr Rocacher ne croit pas que celui qui est conservé soit celui de 1851 : il correspond à ceux, très nombreux, qui ont été achetés dans les années 1930 et ont remplacé les chemins de croix du XIXe siècle, qui étaient très souvent constitués de gravures ou de chromolithographies. 
            Mgr Rocacher souligne ensuite un aspect très intéressant de l’exposé de Nicole Andrieu, qui demanderait un long développement. Il s’agit des difficultés nombreuses qui émaillent les relations entre la commune, la Fabrique et le clergé dans de très nombreuses paroisses. Le décret de 1809 est en effet interprété différemment selon les lieux, et les responsabilités ne sont jamais claires avant 1905. Lors de son travail sur Rocamadour, ces relations difficiles lui sont bien apparues, encore compliquées par les interventions du diocèse et du service des Monuments historiques. Il faudrait interroger les historiens du Droit pour mieux comprendre le contexte des reconstructions réalisées au XIXe siècle et en particulier sous le Second Empire. 
            Daniel Cazes l’ayant interrogée sur La déposition de croix due au pinceau de Girodet, Nicole Andrieu précise qu’elle n’en a pas fait état faute de mention dans les archives. Elle ajoute que le tableau devant être présenté dans une exposition qui se tiendra à New-York et Philadelphie en 2003-2004, Sylvain Bélanger lui a demandé de le documenter. Elle sait que le tableau se trouvait dans l’église en 1863, mais il a probablement été peint pour le couvent des Capucins de Loches en 1789. Il ne figure pas dans la liste des dépôts de l’État et le dépouillement des archives n’a rien donné, alors que toute donation fait normalement l’objet d’un suivi administratif très attentif.


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Au titre des questions diverses, Virginie Czerniak présente à la Compagnie Les peintures murales de la maison Lobios à Moissac (Tarn-et-Garonne) :

« Cette maison moissagaise, que nous appelons du nom de l’actuelle propriétaire, présente toutes les caractéristiques structurelles et décoratives d’un hôtel patricien. Elle est sise à l’angle ouest de la rue Malaveille et de l’actuelle rue des Templiers, anciennement rue des Masels, sur le côté nord de l’actuelle place des Récollets. 

Une grande demeure patricienne

Les renseignements émanant des documents d’archives ne fournissent pas d’informations directes sur l’histoire de la maison Lobios. La consultation du plus ancien cadastre de la ville de Moissac, daté de 1480, permet néanmoins d’envisager, pour cette fin du XVe siècle, l’octroi de la propriété de l’édifice à Jean de Gaulejac, seigneur de Piac (1). La première mention de la famille de Gaulejac dans le Quercy remonte à la fin du XIe siècle (2), mais leur présence à Moissac n’est attestée qu’à partir de 1468 grâce à un acte rédigé par Bertrand de Montesquieu, seigneur de Fumel, par lequel il institue pour héritier de la seigneurie de Piac, voisine de la cité quercinoise, Jean de Gaulejac, qualifié de bourgeois moissagais (3). L’intérêt principal de cette information est qu’elle permet d’associer les Gaulejac à l’une des plus prestigieuses familles du Quercy, liée à Moissac de longue date : Gausbert de Fumel est en effet abbé-chevalier de Saint-Pierre de Moissac dans le second quart du XIIe siècle (4). On peut dès lors imaginer que les seigneurs de Fumel puissent avoir eu depuis longtemps une représentation urbaine à Moissac. Pourrait-il s’agir de notre maison, qui serait passée aux Gaulejac au XVe siècle par héritage ?

MOISSAC, MAISON LOBIOS. Schéma d'élévation du mur occidental de la salle haute. Dessin Virginie Czerniak.

 

La façade méridionale de la maison qui ouvre sur la rue ne trahit aucunement les origines médiévales de l’édifice : un enduit dissimule totalement l’appareil et des ouvertures contemporaines ont modifié notre perception des étages. Le rez-de-chaussée, aujourd’hui occupé par deux établissements commerciaux, est ponctué de quatre arcades plaquées, à l’intérieur desquelles s’ouvrent des fenêtres. Le premier étage est rythmé par la disposition linéaire de huit grandes baies rectangulaires modernes. Un dernier niveau d’ouvertures a été organisé immédiatement au-dessous de la corniche supportant la gouttière du toit avec de petites fenêtres elles aussi rectangulaires. Leur percement a respecté la distribution des fenêtres du bel étage. 

La façade arrière est plus intéressante car elle est dépourvue de tout enduit à mi-hauteur de son élévation et la maçonnerie de briques offre un certain nombre de renseignements sur la distribution originelle des volumes internes. Outre un léger décrochement perceptible sur la partie orientale du mur, on retrouve ici les trois niveaux de fenêtres présents sur la façade sud. Mais les détails essentiels de ce mur nord sont trois petites baies en plein cintre aujourd’hui murées qui scandent à intervalles réguliers un niveau exactement intermédiaire entre le premier et le second étage 


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actuel. Les jambages et le couvrement de ces baies ont été exécutés en briques. Elles sont l’ultime témoignage des ouvertures destinées à l’éclairage de la salle haute qui se développait à l’étage de la maison à l’époque médiévale. Il est difficile, sans la réalisation d’un relevé brique à brique, et au regard des désordres engendrés pas les percements ultérieurs, de déterminer s’il existait d’autres ouvertures qui participaient à l’éclairage de l’étage. 

La salle haute, dans laquelle sont conservées les peintures murales, ne peut plus aujourd’hui être appréciée dans la totalité de son ampleur originelle. Les volumes intérieurs de l’édifice ont en effet été intégralement modifiés par le percement, au début du XXe siècle, d’une grande cage d’escalier au centre du bâtiment, et l’organisation d’appartements sur deux étages. Seul le dernier étage de la maison, situé immédiatement sous le toit, permet aujourd’hui d’avoir une idée de l’organisation structurelle et des volumes de la grande salle de la demeure. Sa superficie devait avoisiner à l’origine les cent vingt-cinq mètres carrés. Les peintures conservées nous permettent d’affirmer que cette vaste pièce sous charpente a vu son niveau de plancher surélevé, mais qu’en revanche, la toiture a été à peine abaissée.

Le levé du plan de ce dernier étage a permis de mettre en lumière l’épaisseur particulière du mur oriental de la pièce qui marque le passage vers une autre partie de la maison. Une telle épaisseur ne semble pas convenir pour un simple mur de refend et il faut souligner que ce mur se situe très exactement à hauteur du décrochement remarqué sur la façade extérieure nord. Cela peut signifier que la partie orientale de la maison a été rajoutée. 

Au regard des éléments en notre possession, quelle date pouvons-nous assigner à la construction de la maison ? Si nous ne disposons pas à Moissac même d’édifices comparables, les études récentes sur l’habitat civil médiéval dans le Quercy permettent de nous faire une idée sur la période qui a vu la réalisation de cette demeure et la dimension sociale qui pouvait être la sienne. Les proportions octroyées à la salle haute, située au premier ou au second étage (5), associées à l’ampleur et à la qualité de sa décoration picturale, permettent d’évoquer une maison patricienne, l’une de ces grandes demeures polyvalentes qui à partir du XIIIe siècle se multiplient dans les cités (6).

Il reste à signaler que nous ne disposons peut-être pas de l’édifice en totalité : les transformations subies par l’îlot qui se développe à l’arrière de la maison ne permettent plus d’apprécier l’éventuel développement en L de l’édifice qui aurait pu, comme bon nombre de bâtiments auxquels il peut être comparé, disposer d’une seconde aile, établie à partir de la tour d’angle, et d’une cour intérieure. Toutes ces suppositions restent pour l’heure en suspens : seule une étude archéologique complète du bâti, dans l’idéal assortie d’une analyse en dendrochronologie de quelques échantillons provenant de certains des entraits ou arbalétriers de la charpente qui paraissent d’origine, pourrait resserrer une datation imprécise qui repose aujourd’hui principalement sur les peintures murales.

Les peintures murales de la salle haute : une illustration inédite de tournoi

Deux décors peints distincts ont été partiellement préservés dans les parties hautes de l’édifice : un premier historié sur les parois de ce qui subsiste de la grande salle haute et un second, à caractère strictement ornemental, au revers du mur de séparation entre la salle et la tour d’angle. On y devine une suite de grands compartiments rectangulaires ponctués d’un faux appareil de marbre brèche semblable à celui présent dans les parties basses de la chapelle du château de Bioule dans le Tarn-et-Garonne, et que l’on retrouve aussi dans la sacristie de La Romieu dans le Gers, dans la salle capitulaire de l’abbaye de Beaulieu dans l’Aveyron, dans celle du prieuré de Laramière, ainsi que dans des maisons de Lectoure et de Cordes. Ces différents exemples sont communément attribués à la première moitié du XIVe siècle (7).

Le décor historié est d’un très grand intérêt, en raison de son ampleur et du programme iconographique proposé. Les éléments les plus distincts sont conservés sur la paroi occidentale de l’ancienne salle haute. Un premier registre, tronqué dans sa partie inférieure par la surélévation du plancher, est occupé par une série de personnages à cheval. La composition présente en fait deux groupes de cavaliers convergeant l’un vers l’autre et qui se rejoignent approximativement au centre du mur. L’usure de la couche picturale, qui a entraîné l’effacement irrémédiable de la majorité des figures, nous prive d’une appréciation satisfaisante de la scène, qui n’est d’ailleurs pas perceptible en totalité, un quart de la partie nord du mur étant dissimulé, à l’arrière d’une cloison de briques, sous un badigeon blanc. 

Si la moitié septentrionale de la paroi est amputée et plus considérablement altérée, ne laissant deviner que deux chevaux, deux cavaliers saluant, dont l’un avec un écu, et trois étendards, la moitié méridionale de la paroi est plus parlante. Ainsi, dix personnages sont visibles, avec cinq chevaux, tous alignés dans le sens de la marche qui les conduit vers le milieu du mur. Le groupe est mené par un cavalier muni d’un écu qui lève le bras, répondant au salut du cavalier qui arrive en tête de l’autre troupe. Deux étendards flottent derrière le meneur du premier groupe. Le cavalier le plus lisible de la composition occupe l’extrémité sud du mur. Il porte un écu ainsi qu’une lance et son visage aux joues rondes, mangé par de grands yeux fortement cernés, est encadré par une chevelure blonde et courte dont on perçoit le tracé de quelques mèches. Ce personnage regarde ostensiblement vers le haut, peut-être vers l’autre partie de la composition historiée, qui occupe le sommet triangulaire du mur pignon. Malgré l’abrasion des autres figures, qui ne permet pas de déterminer si elles étaient également armées, il faut noter qu’elles sont toutes dépourvues de casques, affichant la même chevelure blonde, coupée courte un peu en dessous des oreilles.

Un registre ornemental se développe au centre du mur occidental. Une première bande rouge et blanche sépare la représentation des cavaliers d’une large frise où alternaient des sortes de croix potencées rouges bordées de jaune et 


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mm00112m. Clichés D. Taillefer, Centre Marcel-Durliat (Moissac), 1998.

MOISSAC, MAISON LOBIOS. Cavalier du registre inférieur du mur occidental de la salle haute (détail). Cliché Didier Taillefer, Centre d'Art roman Marcel-Durliat.

 

MOISSAC, MAISON LOBIOS. Roi d'armes, registre supérieur du mur occidental de la salle haute (détail). Cliché Virginie Czerniak.

 

des cartouches jaunes encadrés de rouge au centre desquels se trouvaient des écus, aujourd’hui réduits à l’état de traces. Les grandes croix qui rythment ce registre médian ne sont pas exactement potencées, selon la définition héraldique du terme. En effet, ce qualificatif désigne une figure dont toutes les extrémités se terminent en forme de T (8), or ce tracé n’a été adopté que pour les bras inférieur et supérieur de ces croix et non pour les bras latéraux. Il faut noter la présence de triangles plus foncés au niveau des intersections des bras, qui laissent penser que l’on avait cherché à conférer à ces croix une certaine mise en relief. Quatre bandes de couleur, successivement jaune, rouge, puis de nouveau jaune et blanche, bordées de traits noirs, achèvent le décor jusqu’à hauteur de l’entrait de la charpente. L’entrait de la ferme actuelle est à peine surélevé d’une quinzaine de centimètres par rapport au moment de la réalisation des peintures car on peut noter une interruption de l’enduit équivalente à la largeur de la poutre contre laquelle venait buter le retour de l’apprêt, soigneusement lissé.

Le décor se poursuit dans la partie haute du mur, les figures s’adaptant à l’espace triangulaire formé par le mur pignon. Les difficultés de lecture rencontrées pour le bas de la composition se retrouvent ici, accentuées par la distance et le peu de recul. De plus, cette zone située directement sous le toit a souffert de diverses infiltrations qui se sont matérialisées sur les peintures par des coulures agglomérées de crasse qui brouillent considérablement notre vision des figures. Un examen attentif à hauteur des peintures permet néanmoins de reconnaître la représentation (9). On peut ainsi découvrir deux cavaliers, le bras levé dans un geste de salut, qui encadrent un personnage debout en position frontale. Cette figure centrale a les bras ouverts, portant deux étendards qu’elle maintient par la hampe. Certains détails sont encore visibles, comme la chausse de mailles du cavalier de droite ou le filet de sa cotte de mailles qui enveloppe son bras levé. On peut également voir les clous qui dépassent du sabot de sa monture. En ce qui concerne le personnage central, on peut apprécier la simplicité de sa cotte aux manches étroites très resserrées aux poignets et qui s’évase en trapèze à partir d’un corsage ajusté, ainsi que sa coiffure : ses cheveux blonds, coupés au carré à hauteur du menton, sont soigneusement roulés sur les côtés.

Cette scène de la partie supérieure de la composition permet d’identifier très exactement le programme iconographique. En effet, le personnage installé entre les deux cavaliers avec deux drapeaux peut être reconnu comme un roi d’armes, acteur essentiel du bon déroulement d’un tournoi. Le roi d’armes est considéré comme le héraut principal, celui qui donne le signal du tournoi mais aussi celui qui, en amont, fait le lien entre les tournoyeurs. Sa fonction nous est, tardivement (10), mais clairement expliquée dans le traité du roi René rédigé entre 1455 et 1460. Dans Traittié de la Forme et Devis d’ung Tournoy (11), René d’Anjou mentionne le roi d’armes à maintes reprises et l’a fait figurer en frontispice du manuscrit, portant quatre bannières. Ce héraut est chargé de porter le défi en présentant au seigneur « défendant » une épée de tournoi transmise par le seigneur « appelant ». Le premier approuve la confrontation en acceptant l’épée. Le roi d’armes établit en suivant une liste de huit chevaliers parmi lesquels le seigneur défendant désigne quatre juges diseurs dont les armes viendront timbrer les bannières que le héraut affichera. Dès lors, il peut crier le tournoi et assumer à la fois l’arbitrage et le bon suivi de la cérémonie.

La représentation moissagaise est assez éloquente quant à la phase du tournoi qu’elle illustre. Les deux chevaliers qui encadrent le roi d’armes, identifiables au seigneur appelant et au seigneur défendant, se saluent, tout comme le font les deux groupes de cavaliers disposés au registre inférieur qui composent leurs osts respectifs. Rappelons que ces cavaliers ne sont pas casqués, et l’on comprend que l’on a représenté ici la première étape de l’hastiludium, le moment où les deux formations de chevaliers, les conrois, se rencontrent avant de s’affronter. 

Ce premier épisode était complété par une seconde composition picturale qui prenait place sur le mur pignon oriental, exactement en face, à l’autre extrémité de la salle. Car, malgré les aménagements ultérieurs, on peut se faire une idée 


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MOISSAC, MAISON LOBIOS. Schéma d'élévation du mur oriental de la salle haute. Dessin Virginie Czerniak.

de l’ampleur initiale du décor peint grâce à quelques fragments visibles sur le mur méridional de la salle, au revers de la façade sur rue. À trois endroits précisément – à gauche de la seconde et de part et d’autre de la cinquième fenêtre – le registre médian ornemental ponctué de croix apparaît distinctement, garantissant le développement initial du décor sur tout le pourtour de la salle.

Le mur oriental a été mutilé lors de l’installation de la cage d’escalier et il n’en subsiste plus que la moitié sud. De fait, la peinture conservée ne représente plus que la moitié de la composition d’origine. Malgré cela, la représentation est éloquente pour le programme iconographique. On retrouve l’organisation en trois registres décrite pour le mur occidental. La partie inférieure de la paroi présente trois cavaliers casqués, portant écus et étendards. La disposition de ces derniers indique clairement que les cavaliers défilent. Le premier d’entre eux, à droite, a été coupé par l’ouverture d’une porte qui permet d’accéder à la tour. Au-dessus, la frise de croix accompagnée des bandes de couleur occupe la partie médiane du mur. Un petit détail, à peine perceptible, ponctue cette zone ornementale. Entre les deux croix, sur le cartouche jaune, destiné sur le mur ouest au décor armorié, on peut voir juste au-dessus d’une lacune qui laisse la brique apparente une petite tête d’animal disposée de profil. Il est difficilement identifiable – chien ou lion – et on ne parvient pas à déterminer s’il s’agit d’un meuble héraldique en forme d’animal contourné ou d’un support d’armoiries, quelques traces laissant supposer que l’animal, dressé sur ses membres postérieurs, était rampant ou saillant. Quelques graffiti ponctuent cette partie des peintures. 

Sur la partie haute du mur, du côté droit, subsistent deux bandes parallèles disposées en oblique qui étaient apparemment destinées à souligner l’arbalétrier de la ferme. Ce détail confirme que cette salle était dès l’origine une salle sous charpente et que le niveau initial a été respecté.

Il faut noter que, dans cette zone supérieure, la lecture est rendue délicate par l’extrême usure de la couche picturale. Nous ne disposons plus que du tracé préparatoire ou plus exactement des tracés de l’unique figure conservée. Elle a été dessinée à main levée et l’artiste s’y est repris à plusieurs fois avant de trouver les justes proportions de sa représentation. Nous avons donc plusieurs traits rapprochés pour une même ligne de contour, ce qui brouille considérablement la lisibilité. Néanmoins, une observation attentive permet de découvrir la croupe et les jambes d’un cheval portant un cavalier casqué et muni d’un écu. La monture est houssée et la position du chevalier, associée au mouvement de son destrier permet d’évoquer la représentation d’une charge à lance couchée.

Exposé dans sa première étape sur le mur ouest, le tournoi se poursuivait donc sur le mur d’en face avec cette scène illustrant l’engagement des participants.

Un témoignage unique menacé

Notre connaissance des peintures murales civiles réalisées dans le Midi médiéval s’est récemment enrichie et les études menées sur le sujet (12) permettent aujourd’hui de prendre toute la mesure d’un patrimoine qui n’a rien à envier à celui plus anciennement connu de la moitié nord de la France. La mise en parallèle des corpus méridional et septentrional (13) met en lumière une même difficulté à comprendre précisément la dimension iconographique que l’on doit accorder aux illustrations des combats de chevaliers qui composent l’essentiel des décors historiés recensés dans les architectures civiles. Dans certains cas, le caractère historique de la représentation ou la référence directe à la littérature chevaleresque peuvent être évoqués, comme à Pernes-les-Fontaines ou à Courtchamp (14). Mais ces exemples restent isolés et l’analyse de la majorité des représentations permet rarement de trancher entre une évocation inspirée de la littérature courtoise, ou le rappel d’un épisode historique, d’un glorieux fait de guerre impliquant des personnalités individuelles identifiables. Aussi faut-il le plus souvent interpréter ces images comme des représentations à caractère symbolique, destinées à évoquer un modèle de chevalerie universelle revendiqué par le propriétaire de la demeure. Le tournoi, pratique chevaleresque par excellence, entre dans cette catégorie et il est bien souvent illusoire de chercher à faire la distinction entre une illustration de joute et un fait de guerre authentique. C’est pour cela que les peintures de la maison Lobios à Moissac sont du plus grand intérêt : elles sont pour l’heure le seul exemple identifié de représentation de tournoi dans la peinture murale médiévale méridionale. 

Mais ce précieux unicum est menacé, les peintures étant dans un état de conservation alarmant. Elles n’ont jamais fait 


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l’objet d’une campagne de conservation-restauration et, outre l’effacement inéluctable des figures qui les composent, dû à l’érosion de la matière picturale, on doit déplorer d’importantes pulvérulences. Celles-ci sont particulièrement manifestes sur le mur occidental de la salle, spécialement dans les parties hautes : le beau visage du roi d’armes est principalement exposé. De multiples soulèvements de matière ont été repérés et, ceux-ci n’étant pas traités, cela entraîne bien sûr d’irrémédiables pertes. Des prélèvements effectués en juillet 2001 ont permis de caractériser trois des principaux pigments utilisés : azurite, hématite et minium, mais ils ont également révélé la présence de gypse et d’oxalates (15). Le gypse ou sulfate de calcium peut être lié à la présence d’un plâtre qui aurait pu recouvrir les peintures à un moment donné, mais cela peut aussi provenir d’une altération du carbonate de calcium du support. Quant aux oxalates, leur présence indique vraisemblablement une activité organique liée à des micro-organismes, lichens ou autres. Ces éléments sont des facteurs d’altération actifs des peintures.

Proposition de datation

Les premières observations, circonscrites aux figures de la zone inférieure du mur occidental, pouvaient conduire à rapprocher ces peintures de celles retrouvées en 1998 dans l’ancien Hôtel des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem à Toulouse. Les visages des anges disposés en buste, entre les modillons de l’un des enfeus mis au jour dans l’Hôtel, sont en effet traités de façon assez similaire à ceux de nos chevaliers : un même cerne noir appuyé accentue la rondeur de leurs traits. Les peintures de Toulouse peuvent être attribuées au XIIIe siècle, et si cette datation semble pouvoir être retenue pour l’ensemble moissagais, un certain nombre de détails relevés depuis lors permettent d’évoquer pour sa réalisation un XIIIe siècle vraisemblablement plus avancé. 

Quelques éléments, tels que les cheveux du roi d’armes, roulés au fer à hauteur des oreilles, ou la housse de croupe qui habille la monture du chevalier du mur oriental, permettent en effet de ne pas situer la réalisation de ce décor avant le deuxième quart du XIIIe siècle. La forme des écus ou celle des heaumes peut aussi être un repère chronologique intéressant. Les heaumes arborés par les chevaliers du mur oriental sont cylindriques. Cette forme, associée à une calotte supérieure légèrement convexe, se généralise à partir de 1240 environ. Quant aux écus, ils sont presque aussi hauts que larges et témoignent de l’évolution entreprise entre 1230 et 1260 visant à diminuer leur longueur : les écus sont alors progressivement raccourcis car les chausses de maille, les grèves et les genouillères de fer se généralisant, il n’est alors plus nécessaire que la pointe de l’écu protège le genou (16). 

Le terminus post quem est en revanche un peu plus difficile à déterminer. On se doit de faire référence à l’art français, pour la forme – assurément la chevelure blonde au modelé vigoureux du roi d’armes n’a rien de méridional – mais aussi pour le fond, le tournoi étant reconnu comme une pratique d’influence française qui se diffuse dans le Midi médiéval au cours du XIIIe siècle (17). Si l’on réalise une comparaison formelle entre l’ensemble moissagais et la production septentrionale du XIIIe siècle, on note immédiatement que l’on est éloigné des lignes sinueuses et affectées des œuvres les plus avancées, celles postérieures au règne de saint Louis. Le trait des peintures de la maison Lobios est ferme et précis, rigoureux même, et aucune expression d’un quelconque maniérisme dans les contours ne peut y être décelé. Cela peut être attribué au thème iconographique qui s’associe sans doute assez difficilement à une expression graphique trop élaborée. Mais cela peut aussi traduire un attachement à un certain classicisme. On peut alors se demander si l’élaboration de cet ensemble est antérieure aux conventions du linéarisme parisien, qui s’imposent progressivement dans la seconde moitié du XIIIe siècle, ou si celles-ci n’ont pas été assimilées. 

Les données stylistiques sont toutefois à considérer avec prudence au regard de l’état de conservation des peintures. La représentation elle-même est peut être plus parlante. Nous l’avons vu, le décor met en scène deux groupes de chevaliers qui se rencontrent avant de se combattre. Comment se déroule l’affrontement ? S’agit-il d’un combat collectif ou d’une succession de joutes individuelles ? Cette question peut avoir son importance car le simulacre de guerre qu’est le tournoi à l’origine, avec l’opposition frontale de deux camps, va se faire de plus en plus rare au fil des années pour disparaître au milieu du XIVe siècle (18). Il n’est malheureusement pas vraiment possible de répondre car en fait les représentations du mur oriental peuvent correspondre aux deux possibilités : le chevalier de la partie supérieure est en position de jouteur et les cavaliers du registre inférieur peuvent très bien s’apprêter à participer à une mêlée. Néanmoins, il faut souligner l’apparente pondération des scènes dans lesquelles l’accent est exclusivement mis sur les participants : toute dimension théâtrale de la manifestation est absente. Or, l’évolution du tournoi en spectacle, avec cortèges, tribunes et spectateurs, peut être située au début du XIVe siècle et serait attribuable à Édouard III d’Angleterre (19). Ainsi, si l’on s’en tient à la représentation aujourd’hui visible (20), il semblerait que l’on ne puisse fixer la réalisation de ce décor au-delà du début du XIVe siècle. 

Cette datation peu précise, qui fixerait donc l’exécution des peintures entre le deuxième quart et la fin du XIIIe siècle, pourra sans doute être affinée grâce à une analyse architecturale détaillée. Quoi qu’il en soit, cet ensemble peint, important témoignage direct de l’empreinte française, est pour l’heure la seule représentation monumentale d’un tournoi connue dans le Midi médiéval et mériterait, à ce titre, d’être protégé.

Virginie CZERNIAK »


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1. Archives communales de Moissac, CC. Ce cadastre est strictement descriptif et énumératif : il ne dispose pas de plan cadastral mais énumère les différents propriétaires en les situant les uns par rapport aux autres, quartier par quartier et rue par rue. Nous devons à l’amitié de Chantal Fraïsse l’établissement de la liste des occupants installés à la fin du XVe siècle dans la portion de la rue Malaveille où se dresse la maison Lobios. 
2. Un Béral de Gaulejac assiste en 1090 à une donation faite au chapitre de Cahors, Documents historiques sur la maison de Gaulejac, Archives départementales de Tarn-et-Garonne, Série A, t. 1, Montauban, 1901.
3. A.D. Tarn-et-Garonne, G 624.
4. Jacques CAYROU, « Les seigneurs de la communauté de Montesquieu », Bulletin de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, t. XXXI, 1903, p. 19-51 et 254-272. Louis ESQUIEU, Essai d’un armorial quercinois, Paris, Cahors, 1907, p. 114.
5. Pour l’heure, sans une étude archéologique plus complète de la maison, nous ne sommes pas en mesure de préciser si la grande salle occupait le premier ou le second étage de la bâtisse. En effet, il arrive que dans certaines habitations où les rez-de-chaussée sont particulièrement hauts, on dispose d’un entresol qui renvoie ainsi la salle haute au second niveau. Voir par exemple la maison dite des Templiers à Figeac, Anne-Laure NAPOLÉONE, « Urbanisme et habitat à Figeac aux XIIe, XIIIe, XIVe siècles », M.S.A.M.F., t. LVIII, 1998, p. 67-92, Figeac au Moyen Âge. Les maisons du XIIe au XIVe siècle, Figeac, ASFE, 1998, p. 130-158, et Pierre GARRIGOU GRANDCHAMP, Demeures médiévales. Cœur de la cité, REMPART, Desclée de Brouwer, 1994, p. 35.
6. Exemples de cet habitat patricien à Gand, Montpellier, Reims, Figeac, Cahors, Cordes…., P. GARRIGOU GRANDCHAMP, op. cit., p. 34.
7. Paul DESCHAMPS et Marc THIBOUT, La peinture murale en France au début de l’époque gothique, CNRS, 1963, p. 168-169. Les auteurs citent laconiquement, en quatrième exemple après Lectoure (Gers), Cordes (Tarn) et Bioule, la maison Lautard à Moissac. Il s’agit de la maison Lobios, alors propriété de la famille Lautard.
8. Les armoiries. Lecture et identification, Inventaire général, 1994, p. 63.
9. L’identification iconographique de cette partie du décor n’aurait pu être réalisée sans l’aide amicale de Jean-Marc
Stouffs.
10. Avant le XVe siècle, nous ne disposons pas de textes précis sur les tournois. Les mentions à notre disposition sont issues de sources littéraires telles que L’Histoire de Guillaume le Maréchal, Le tournoi de Chauvency et Le Roman d’Hem, œuvres en vers qui relatent certains événements en fournissant de multiples informations sur les exploits et déboires des participants, mais qui ne sont guère prolixes sur les règles et le déroulement des tournois. Cela s’explique par le fait que les commanditaires et lecteurs de ces textes les connaissaient et n’avaient donc nul besoin de les voir exposer. Il faut donc attendre le XVe siècle pour voir apparaître des traités sur les règles à observer durant les tournois – celui de René d’Anjou est le plus connu – à partir desquels on peut se faire une idée a posteriori du déroulement des tournois antérieurs. Richard BARBER et Juliet BARKER, Les tournois, 1989, p. 20-21.
11. Cet ouvrage, rédigé par René pour son frère Charles, est une sorte de compilation des coutumes allemandes, flamandes et françaises en matière de tournoi, d’où résulte une façon de faire qui se veut idéale. Ce texte a connu un certain succès en son temps puisque six manuscrits du XVe siècle nous sont parvenus. Quatre d’entre eux sont conservés à la Bibliothèque nationale, dont deux enluminés (ms 2692 et 2693). Le manuscrit 2693 a été publié in extenso par la revue Verve, Revue artistique et
littéraire, vol. IV, n° 16, 1946.
12. Gretchen LONO, La peinture murale civile dans le Midi de la France. Étude iconographique préliminaire, Mémoire de D
.É.A., Université Toulouse-Le Mirail, 1999, Valérie ROUSSET, « Le castrum de Larnagol », Bulletin de la Société des Études du Lot, t. CXXIII, 2002, p. 97-121, Anne-Laure NAPOLÉONE, Catherine GUIRAUD, Bertrand de VIVIÈS, « L’hôtel de la famille de Gaillac ou “tour de Palmata” (Gaillac, Tarn) », dans B.M., t. 160 (2002), p. 97-119.
13. Pour les exemples septentrionaux voir à titre d’exemple, Gaël CARRE, Étude de l’habitat aristocratique en pierre (1150-1350) : l’exemple de l’Anjou-Touraine, Mémoire de D
.É.A., Université de Paris I, 1999, « Architecture domestique : décors peints de la seconde moitié du XIIe siècle jusqu’au milieu du XIVe siècle » B.M., t. 159, 2001, p. 169-172.
14. Marie-Hélène DIDIER, « La tour Ferrande à Pernes-les-Fontaines », Monuments Historiques, n° 170, 1990, p. 49-52, G. Carré, op. cit., p. 171.
15. Ces analyses techniques ont été réalisées par l’équipe de minéralogie, UMR 5563-CNRS, de l’Université Paul-Sabatier de Toulouse. Nous les devons, ainsi que leur interprétation, à la collaboration amicale de Jean-Marc
Stouffs.
16. VIOLLET-LE-DUC, Encyclopédie médiévale, reprise du Dictionnaire raisonné de l’architecture, Éditions Inter-Livres, t. II, 1992, p. 293-294. G. DEMAY, Le costume au Moyen Âge par les sceaux, Paris, 1880, p. 133-134.
17. Laurent MACÉ, « La culture chevaleresque méridionale au XIIe siècle : une idéologie sans tournoi ? », Terres et Hommes du Sud, Actes du 126e Congrès des Sociétés historiques et savantes (Toulouse, 9-14 avril 2001), Paris, CTHS, à paraître.
18. R. BARBER et J. BARKER, op. cit., p. 223.
19. Op. cit., p. 42.
20. Il faut rester prudent car on ne sait pas si le décor initial était seulement composé des trois registres aujourd’hui visibles. Rappelons que le plancher de la salle haute a été surhaussé, ce qui peut toujours laisser penser qu’il existait un autre registre inférieur.

 

Après avoir remercié Virginie Czerniak de nous avoir révélé cet important ensemble de peintures médiévales civiles, la Présidente lui demande si un simple dépoussiérage pourrait être une première étape du sauvetage. Virginie Czerniak dit que cela permettrait en effet une meilleure perception des décors et elle précise que des prélèvements de pigments pour analyse ont déjà été effectués par Jean-Marc Stouffs.

À propos du style, la Présidente note que les rapprochements proposés avec les peintures de l’enfeu de l’Hôtel Saint-Jean à Toulouse sont intéressants mais qu’ils se heurtent néanmoins au caractère encore très roman de ces figures, dont le trait principal est constitué par les rehauts de rouge sur les pommettes. On s’orientera sans doute vers une datation du milieu du XIIIe siècle, période jusque-là totalement absente dans la série des peintures murales connues à Toulouse. La Présidente invite néanmoins à la prudence, sentiment partagé par Maurice Scellès et Daniel Cazes. Celui-ci daterait plus volontiers les peintures de Moissac de la fin du XIIIe siècle, en s’appuyant en particulier sur les carreaux émaillés retrouvés dans l’église des Jacobins par Maurice Prin.


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François Bordes fait remarquer que le tournoi ne fait pas partie de la culture languedocienne et que les contacts avec le Nord sont jusque-là épisodiques. Il se demande s’il ne faut pas plutôt songer à une représentation symbolique, de laquelle pourrait par exemple participer le fond bleu faisant allusion au roi de France, la scène mettant en présence deux grandes puissances. La représentation d’un tournoi à Moissac dans le second quart du XIIIe lui paraît en tout cas improbable. Virginie Czerniak rappelle que le Languedoc a des contacts nombreux avec le Nord bien avant la fin du siècle – elle évoque entre autres Constance de France – et elle ajoute que Moissac s’est trouvé à deux reprises sous la domination de Richard Cœur-de-Lion, premier roi à avoir codifié les tournois, en Angleterre. Le roi d’armes des peintures de Moissac lui paraît bien français.
            Pour Maurice Scellès, il ne faut peut-être pas se fixer sur une fourchette chronologique aussi resserrée, les seuls critères stylistiques étant dans ce cas insuffisants pour décider entre les années 1230-1240 et les années 1250-1260. Il rappelle surtout que l’introduction des formes françaises est évidente dès le milieu du siècle dans l’architecture comme dans la sculpture.
            Jean-Louis Rebière évoque les peintures de la tour d’Arles à Caussade, dont les figures présentent des coiffures qui sont celles du règne de saint Louis, disant qu’il les situerait plutôt à la fin du XIIIe siècle. Virginie Czerniak fait remarquer, pour Moissac, le dessin moins appuyé des chevelures, la frange moins marquée, alors qu’elle se développe au cours du XIIIe siècle.
            Guy Ahlsell de Toulza, se fondant sur la longue robe du personnage central et l’absence de bouclettes dans sa chevelure, y verrait peut-être une figure allégorique féminine, ce que récuse Virginie Czerniak. On revoit alors les photographies et la discussion se poursuit sur le style et la signification de ce personnage. Pour ce qui est de la datation, Maurice Scellès précise que les bois conservés en place dans l’édifice permettront peut-être, un jour qu’il faut espérer pas trop lointain, d’apporter des repères chronologiques précis.

Conformément à la décision prise lors de la séance du 19 mars dernier, et après avoir rappelé à grands traits l’intérêt monumental et archéologique de l’édifice, la Présidente présente à la Compagnie le texte de la motion concernant le palais de Via à Cahors :

« Informée de la décision du Ministère de la Justice d’abandonner prochainement le site de la maison d’arrêt de Cahors, installée dans les bâtiments du « château du roi », la Société Archéologique du Midi de France s’inquiète du devenir de cet ensemble exceptionnel qui comprend en particulier la tour et d’importants vestiges des bâtiments environnants du palais de Via, construit au début du XIVe siècle. Le palais de Via compte parmi les grands monuments médiévaux de la ville, à côté de la cathédrale, du pont Valentré et des ruines du palais Duèze. 

La Société Archéologique du Midi de la France a donc tout lieu de se féliciter des intentions déclarées de la Mairie de Cahors de ne pas rester indifférente au sort de ce monument majeur du patrimoine médiéval de la ville et de lui donner une nouvelle affectation.

Elle souhaite qu’intervienne au plus tôt une protection au titre des Monuments historiques à la hauteur de l’intérêt patrimonial de l’édifice, et qui soit en mesure d’en garantir au mieux la conservation et la restauration, et qu’à cet effet le Ministère de la Culture reprenne l’instruction du dossier de classement en totalité au titre des Monuments historiques, tant des élévations que du potentiel archéologique de son sous-sol, conformément à l’avis donné par la Commission régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnographique (COREPHAE) en 1996. »

Ce texte sera envoyé au Maire de Cahors, à la Préfète du Lot, au Directeur régional des Affaires Culturelles et à la presse. Il est demandé que les envois à la presse soient accompagnés d’une présentation de l’édifice.
            Soumise au vote, la motion est adoptée à l’unanimité des membres présents.

Le Secrétaire général prend la parole pour rendre compte d’un courrier électronique reçu il y a déjà quelques semaines. Ce courrier émane d’un guide toulousain, dont le site Internet, surtout, contient des informations qui paraissent devoir faire l’objet de quelques observations. Il est ainsi affirmé que seuls les « guides diplômés » sont habilités à conduire des visites dans les monuments historiques et même à leurs abords, à l’intérieur du périmètre de 500 mètres. Il s’agit d’affirmations à l’évidence abusives sinon mensongères. Le Secrétaire général demande donc aux membres qui disposeraient d’informations précises sur la réglementation en vigueur de bien vouloir les communiquer à la Société, afin que nous soyons en mesure de faire une réponse argumentée. 

 

SÉANCE DU 7 MAI 2002

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Coppolani, Directeur honoraire, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Cazes,  MM. Costa, Gilles, Prin, Mgr Rocacher, membres titulaires, Mmes Boussoutrot, Conan, Watin-Grandchamp, MM. Balagna, Molet, Rebière, Testard, membres correspondants. 
Excusés : M. Cazes, Directeur, Mmes Fraïsse, Napoléone, MM. Burroni, Évrard, Garland, Pradalier.

La Présidente ouvre la séance en annonçant un programme allégé en raison du report à l’automne prochain de la communication que Céline Piot devait présenter sur Une inscription romaine inédite de la cité des Nitiobroges (Lot-et-Garonne)
            Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 23 avril, adopté après deux corrections demandées par Louis Latour.


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La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite et imprimée. Notre confrère Jean-Claude Richard nous fait part de sa récente élévation au grade de chevalier de la légion d’honneur : la Présidente lui adressera les félicitations de notre Société. Sandrine Conan nous communique le programme des journées d’étude organisées à Perpignan le 25 mai prochain à l’occasion de l’exposition consacrée aux Clarisses du XVIIe siècle à nos jours. 
            Louis Latour donne ensuite des précisions sur la journée d’étude dédiée aux marbres de Caunes, marbriers et sculpteurs, qui se tiendra à Auterive le samedi 1er juin sous l’égide de notre Société. 

L’ordre du jour appelle l’élection d’un membre correspondant. Le Secrétaire général donne lecture du rapport d’Anne-Laure Napoléone, empêchée d’être parmi nous ce soir, sur la candidature de Mme Agnès Marin. On procède au vote : Mme Agnès Marin est élue membre correspondant de notre Société.

La parole est à Georges Costa pour une communication sur Les entrepreneurs parisiens du Pont Neuf, publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.

La Présidente remercie Georges Costa et lui dit le plaisir toujours renouvelé que nous procurent les épisodes, qu’il sait si bien rendre captivants, de la longue construction du Pont Neuf. Georges Costa avoue avoir été parfois découragé par l’importance du fonds d’archives que connaissent tous ceux qui l’ont approché, dont l’analyse est compliquée par la numérotation des piles ; ce n’est qu’à la retraite qu’il a pu trouver le temps de s’y consacrer et d’en venir à bout, avec quel soulagement ! La Présidente souligne combien les résultats en sont passionnants puis demande si le chantier de Toulouse est exceptionnel par sa durée ou l’organisation du travail. Georges Costa répond que la construction du pont de Rouen a été plus difficile encore : les projets de reconstruction se sont multipliés, on a fait appel à des Flamands, on a consulté jusqu’à vingt spécialistes dont les projets n’ont pas abouti… Toulouse a eu une chance, celle d’avoir un extraordinaire défenseur en la personne du sieur de Bellebat, maître des requêtes et intendant du roi, qui a endossé le projet du Pont Neuf. 

La Présidente voudrait avoir des précisions sur les statuts respectifs des entrepreneurs et des architectes. Georges Costa indique qu’il s’agit de professions jumelées et rappelle que Salomon de Brosse était architecte et entrepreneur. On a demandé des plans à Caillon, l’un des entrepreneurs du Pont Neuf, commande sans doute facilitée par le fait que celui-ci était le neveu par alliance de Jacques Lemercier. Georges Costa ajoute, à propos des pavillons du Pont Neuf réalisés par Caillon, que les toitures d’ardoise ont été voulues par la commission locale et non par les maîtres d’œuvre parisiens, comme on avait déjà placé de l’ardoise sur le monument à Henri IV dans la cour du Capitole. 
            Jean-Louis Rebière rappelle que la construction d’un pont était une entreprise difficile : on rapporte ainsi cette anecdote selon laquelle Jules Hardouin-Mansart demandant des nouvelles du pont de Moulins, dont il avait donné les dessins, il lui fut répondu qu’il devait être à Nantes. L’échelonnement des chantiers a en outre imposé jusqu’au XVIIIe siècle d’établir des piles ayant une épaisseur égale au moins à un cinquième des arches. 

Henri Molet explique que le « trou » que montrent les graphiques autour de l'année 1625 doit être apprécié en fonction des arbitrages qu’il fallut alors opérer en raison de l’effondrement des défenses de Saint-Cyprien lors de l'inondation de 1621. Les travaux réalisés à partir de cette date en amont du pont, puis après 1624 en aval, ont mobilisé les financements de la Ville et des États du Languedoc. Georges Costa remercie Henri Molet pour ces compléments qui montrent qu’il y avait des circonstances aggravantes qu’il ignorait. Henri Molet ajoute que l’adjudication de l’ouvrage du pont à 600 000 livres, quand le budget annuel de la ville était de 45 000 livres, explique en partie que les entrepreneurs toulousains n’aient pas été en mesure de soumissionner.

Dominique Watin-Grandchamp s’intéresse à la maison de l’œuvre du pont, dont l’institution offre une belle permanence depuis le Moyen Âge, et plus particulièrement à son mode d’acquisition. Georges Costa dit s’être attendu à la question, tout en confessant qu’il ne connaît pas l’emplacement précis, sans doute peu éloigné du pont, de cette maison dite parfois « les maisons de l’œuvre » ; les détails manquent, qui seraient sans doute à chercher dans les cadastres. 
            L’assemblée se tourne vers Henri Molet, lequel dit consulter sa mémoire depuis dix minutes pour retrouver le nom de l’hôtel acheté par la Ville, rive gauche, dans le capitoulat de la Daurade, et qui n’existait plus en 1631-1632, ayant été arasé pour établir la descente du pont. Georges Costa citant l’hôtel de M. de Papus, Henri Molet confirme qu’il s’agit bien de l’édifice qui, acheté par la Ville en 1547-1548, est devenu maison de l’œuvre, une partie des dépendances de l’hôtel ayant d’ailleurs été détruite pour permettre la construction de la culée du pont.

Louis Latour note que c’est la Ville qui est à l’initiative de la construction du Pont Neuf de Toulouse, alors que pendant tout le Moyen Âge, celle-ci appartient le plus souvent à l’œuvre du pont, ce que tempèrent Jean-Louis Rebière et Maurice Scellès en rappelant qu’à Montauban comme à Cahors la décision a relevé des consuls.  

 

SÉANCE DU 21 MAI 2002

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Napoléone, MM. l’abbé Baccrabère, Bordes, le Père Montagnes, M. Prin, membres titulaires ; Mmes Andrieu, Bayle, Blanc-Rouquette, Conan, Fronton-Wessel, Czerniak, Galés, Marin, Pujalte, Tollon, Watin-Grandchamp, MM. Garland, Geneviève, Testard, membres correspondants.
Excusés : MM. Cazes, Directeur, Scellès, Secrétaire général, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mme Cazes, M. Roquebert.


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La Présidente ouvre la séance à 17 heures. La parole est au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal de la séance du 7 mai 2002, rédigé par le Secrétaire général ; ce compte-rendu est adopté. 
            Michèle Pradalier-Schlumberger accueille Mme Agnès Marin, élue membre correspondant lors de cette précédente séance. Puis elle fait circuler la correspondance imprimée, qui comprend notamment l’annonce de deux expositions organisées à Toulouse : l’une au Musée des Augustins : « Lubin Baugin (vers 1610-1663). Un grand maître enfin retrouvé », du 8 juin au 9 septembre 2002 ; l’autre aux Archives municipales : « Ils observaient les étoiles… », du 21 juin au 28 décembre 2002.

La parole est à Vincent Geneviève pour la première communication du jour, intitulée Du nouveau sur le trésor de Tournefeuille, publiée dans ce volume (t. LXII, 2002) de nos Mémoires.

Après avoir remercié notre confrère, la Présidente se dit impressionnée par la véritable « traque policière » à laquelle il s’est livré, d’abord pour repérer dans la collection numismatique du musée Saint-Raymond les pièces provenant de ce trésor, acquises par le conservateur Ernest Roschach le 10 mars 1894, et ensuite les confronter avec les espèces énumérées par Emmanuel Delorme dans sa communication à la S.A.M.F. du 27 février précédent, enfin pour situer dans le temps ce dépôt monétaire et parvenir à le dater des premières années du IVe siècle. Vincent Geneviève précise qu’il est dans l’attente de renseignements complémentaires concernant un bronze de Constantin Auguste qui devrait lui permettre d’affiner la chronologie : cet exemplaire, unique dans la collection du musée, à demi restauré et présentant sur une face une patine particulière, est datable au plus tard de la fin de l’année 307 et il pourrait provenir du trésor de Tournefeuille. Michèle Pradalier-Schlumberger s’étant enquise de la raison pour laquelle les pièces de ce trésor ont un aspect brun lustré ponctué de pigments verts, M. Geneviève donne les explications suivantes : les pièces ont été nettoyées, puis reconditionnées avec un produit cireux, mais elles n’étaient pas alors suffisamment sèches, de sorte que le traitement a eu pour effet un début de corrosion par des chlorures. Mme Pradalier-Schlumberger demande si une nouvelle restauration est envisagée. M. Geneviève se montre très dubitatif : il lui apparaît qu’il est préférable de laisser ce numéraire en l’état, étant donné d’une part que la corrosion est stabilisée, d’autre part qu’il se révèle indispensable d’analyser au préalable les produits utilisés dans les traitements anciens si l’on veut identifier la provenance des pièces composant le médaillier du musée. À ce propos, il indique quelques-unes des diverses « recettes » utilisées, aujourd’hui comme hier, pour « restaurer » les monnaies. 
            S’agissant du lieu de la découverte du trésor, à l’ouest de Toulouse, l’abbé Baccrabère est invité à le replacer dans le contexte des établissements antiques situés sur la rive gauche de la Garonne ; il souligne que les abords du confluent du Touch, où avaient été édifiés notamment un temple, des thermes, un amphithéâtre, ont dû constituer une zone de circulation intense. Vincent Geneviève abonde en ce sens, et il mentionne une autre trouvaille monétaire ancienne, à quelques centaines de mètres du lieu d’invention du dépôt de Tournefeuille : celle d’un quinaire d’or. Il imagine qu’il a pu exister dans ces parages un axe de circulation, qu’il s’agirait de mettre en évidence en étudiant les traces de l’occupation du sol à l’époque romaine. 
            Dominique Watin-Grandchamp intervient à propos des circonstances de la découverte du trésor, demandant si celle-ci a été faite à l’occasion de travaux publics ou privés, si elle n’aurait pas fait l’objet de mentions dans la presse du temps... Vincent Geneviève rappelle le caractère généralement très confidentiel, pour ainsi dire furtif, des découvertes monétaires, ainsi que la rapidité de dispersion des trouvailles : les trésors s’évanouissent aussitôt qu’aperçus. Il insiste sur le fait que le dépôt de Tournefeuille aurait compris « plusieurs centaines » de monnaies, dont 93 ont été vues par Delorme et dont 51 seulement ont pu être acquises par Roschach. 
            Emmanuel Garland fait observer qu’il peut paraître hasardeux de raisonner sur des séries aussi peu nombreuses et, partant, peu représentatives. M. Geneviève expose de nouveau les prémisses de sa communication, soulignant une fois encore l’homogénéité interne des deux lots connus ainsi que la cohérence de la composition de cet ensemble ; le tout provient d’un dépôt dont la date de clôture ne saurait, en raison de la disparition ultérieure des espèces à l’effigie de Maxence, guère excéder les années 313/315.

La parole est ensuite à Françoise Tollon pour les deux autres communications du jour. La  première est consacrée à La restauration des peintures murales de l’église de La Masse (Lot) :

« La commune des Junies, dans le Lot, comporte trois églises, dont celle de la Masse, construite au XIIe siècle. Les parties basses des murs de cette église ont été peintes sur toute leur longueur. Les sondages effectués par M. Langlois en 1996 montrent que les parties supérieures des murs n’ont pas reçu de décor, l’enduit ayant été seulement recouvert d’un badigeon ocre rosé.

Sur le mur sud se trouve une sorte de frise qui représente les Sept Péchés Capitaux, avec, à l’est, la gueule du diable béante, vers laquelle s’avancent les figures des Péchés montées chacune sur un animal réel ou imaginaire et précédées d’un diable. L’ensemble du cortège est relié par une grande chaîne et un diable, placé à la fin, fouette le dernier personnage, la Paresse. Cette scène est cernée dans sa partie basse par une bande rouge entre deux filets noirs et dans sa partie haute par une bande ocre jaune entre deux filets noirs. Le soubassement est blanc à l’exception d’une scène représentant un évêque accompagné de deux personnages.
        Sur le mur nord sont représentées deux scènes de la Passion du Christ (le Baiser de Judas et la Flagellation), cernées dans leur partie haute, par une large bande noire entre une bande jaune et une bande rouge, chaque bande colorée étant soulignée de filets noirs. La partie basse de ces scènes consiste en deux bandes, jaune et rouge. La Flagellation et le Baiser de Judas sont séparés par une large bande rouge cernée de deux bandes noires. La bande centrale était 


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ornée de motifs illisibles aujourd’hui. Enfin, le Baiser de Judas est limité, à l’est, par deux bandes, rouge et jaune, ornées de "rinceaux" noirs et cernées de deux bandes noires. Ces peintures peuvent êtres datées du XVe siècle.
        Du côté oriental du mur nord sont encore en place les restes d’une scène illisible, fermée par des rubans plissés et qui est antérieure aux scènes de la Passion.

LES JUNIES (LOT), église de la Masse, 
relevé de la peinture monumentale du mur sud représentant les  Sept péchés capitaux. Relevé Françoise Tollon.

LES JUNIES (LOT), église de la Masse, 
détail des Sept péchés capitaux après restauration. Cliché Françoise Tollon.

L’ensemble des peintures a été réalisé à la détrempe sur une polissure de chaux dont l’épaisseur varie entre un et deux millimètres, elle-même posée sur un mortier de chaux rose, couleur résultant du sable local.
        Deux caractéristiques techniques sont à noter : tout d’abord et contrairement aux pratiques, le mortier a été posé de bas en haut, la peinture ayant été réalisée dans la foulée. Par ailleurs, des bouchages espacés régulièrement, constitués du même mortier et peints dans le frais correspondent à la réutilisation de trous de boulin. C’est donc un échafaudage lourd qui a été installé au XVe siècle, peut-être pour des travaux plus conséquents comme la réfection du plafond ou de la toiture, et l’on en aurait alors profité pour enduire l’ensemble des murs et en peindre les parties basses. Ainsi, compte tenu de ces données et bien que les peintures des murs nord et sud soient stylistiquement différentes, nous devons les rapprocher dans le temps.
        Le dessin préparatoire a été réalisé en noir. Les couleurs ont ensuite été posées en aplat puis les traits du dessin à nouveau soulignés en noir. Les couleurs utilisées sont des plus classiques : ocre jaune, ocre rouge, noir..., utilisées pures ou mélangées à de la chaux. On remarque cependant que certains visages des damnés sont bruns, de même que certaines de leurs mains, une sur deux en général, l’autre étant d’une couleur différente, comme si elle était gantée. Des analyses au MEB et diffraction X réalisées à l’École Nationale Supérieure de Chimie de Toulouse, que nous remercions, montrent que cette couleur brune est due à l’altération d’un pigment à base de plomb, blanc ou rouge, qui a été utilisé uniquement pour les carnations des Sept Péchés Capitaux. Les carnations de la scène de l’évêque et de la vie du Christ ont été peintes avec d’autres pigments, plus stables. On retrouve ce type d’altération des carnations dans les églises de Canourgue (commune des Junies) et des Arques. Un glacis légèrement coloré a ensuite été passé sur certaines couleurs. Nous ne pouvons dire si ce glacis est original ou a été posé ultérieurement. On note enfin un glacis particulier sur le tablier de la Luxure.


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Les Sept Péchés Capitaux ont été réalisés à la hâte, car on remarque des erreurs. Par exemple, la main gauche de la Luxure et la corne de la chèvre sont à moitié peintes en rouge, couleur de la robe de la Luxure.
        Ces peintures ont été recouvertes à plusieurs reprises, tout d’abord par une peinture blanche (kaolin) à la détrempe, puis par une peinture ocre à la détrempe et enfin par trois badigeons de chaux blancs, le dernier étant accompagné d’un soubassement gris. Elles ont été découvertes et partiellement dégagées par des amateurs, à la lame de rasoir, dans les années 1930.

L’état de conservation de ces peintures est médiocre : le mortier, sur les deux murs, perd sa cohésion et se décolle du support. Le mortier du mur sud présente relativement peu de lacunes sur la scène des Sept Péchés Capitaux, à l’exception d’une zone qui a été lessivée par des coulures d’eau. Par contre, le soubassement est très lacunaire à cause des remontées capillaires. Sur le mur nord, on trouve une multitude de petites lacunes ainsi qu’une lacune le long de la partie basse provoquées également par les remontées capillaires. La polissure de chaux présente pas mal de lacunes sur les scènes de l’évêque et de la vie du Christ.
        Le liant de la peinture des Sept Péchés Capitaux s’est désagrégé et la couche picturale est extrêmement pulvérulente. Le liant de la peinture blanche qui recouvre directement les peintures s’étant lui aussi désagrégé, celle-ci s’est amalgamée à la couche picturale originale. L’ouest de cette scène a été lessivé par les coulures d’eau. Enfin, la couche picturale est abrasée et on note par endroit les coups de lame des rasoirs qui ont servi au dégagement initial.
        Lors d’une première intervention en 1996, M. Langlois a consolidé les mortiers des murs nord et sud, refixé et nettoyé les deux scènes de la vie du Christ. Notre intervention a donc consisté en la restauration complète du mur sud ainsi qu’à la retouche picturale du mur nord. Elle a eu lieu entre octobre 1999 et juin 2000 sous la maîtrise d’œuvre de la Conservation Régionale des Monuments Historiques de Midi-Pyrénées. Nous avons dû entreprendre une nouvelle campagne de consolidation des mortiers par injection de PLMA (CTS).
        Dans un deuxième temps, nous avons achevé le dégagement de la couche picturale du mur sud au bistouri. L’enlèvement du voile blanc laissé par la peinture blanche à la détrempe a été réalisé mécaniquement dans un premier temps, et ce parallèlement au refixage de la couche picturale au paraloïd B72 à 3,5 % en solution dans du xylène, le nombre de couches du fixatif variant selon les couleurs et leur pulvérulence. La finition du nettoyage a été réalisée par la pose de compresses d’ouate imprégnées d’un mélange d’EDTA (sel trisodique d’ammonium) et d’eau déminéralisée au taux de un pour cent. Notons qu’à ce moment-là, nous n’avions pas encore le résultat des analyses sur la nature de la strate blanche à enlever. C’est pourquoi nous avons volontairement choisi un très faible pourcentage d’EDTA.
        Le mur nord, nettoyé et refixé par M. Langlois, a été dépoussiéré avec des pinceaux doux et des gommes Wishab. Sur les murs nord et sud, les lacunes de mortier ont été mastiquées avec un mortier de chaux et de sable, la couche de finition réalisée avec un mélange de chaux et de carbonate de calcium micronisé. Les lacunes où le motif ne pouvait être restitué ont été bouchées avec un mortier de chaux et de sable coloré dans la masse. La retouche picturale des lacunes de mortier a été faite a tratteggio à l’aquarelle. Enfin, nous avons réalisé un repiquage le plus léger possible sur les abrasions de couche picturale.

Françoise TOLLON »

Françoise Tollon présente ensuite La restauration de La Visitation (chapelle du Saint-Sacrement) à la cathédrale de Cahors :  

« Suite à l’étude des niches de la chapelle du Saint-Sacrement, ou « chapelle profonde », dans la cathédrale de Cahors (Lot), en 1997 (cf. M.S.A.M.F., t. LIX, 1999, p. 270-274), nous avons entrepris la restauration de la scène de la Visitation en septembre 2001, sous la maîtrise d’œuvre de la Conservation Régionale des Monuments Historiques de Midi-Pyrénées.
        Cette peinture, datable du XVIIe siècle, réalisée sur un mur d’obturation, est inscrite dans une niche du XVe siècle, sur une largeur de 270 cm et une hauteur de 240 cm.

Les personnages sont situés au premier plan dans la moitié droite de la scène, devant une imposante architecture de trois étages qui représente la maison d’Élisabeth. Marie se tient debout tandis qu’Élisabeth, à genoux, pose ses mains sur le ventre de la Vierge. Cette iconographie apparaît au XIIIe siècle mais tend à disparaître à la fin du Moyen Âge, où l’on représente plutôt les deux femmes s’embrassant. Les deux cousines sont entourées de Joseph et Zacharie.
        La partie gauche de la scène constitue un paysage, avec un premier plan de coteaux et une rivière qui ceint un château tandis qu’à l’arrière-plan se trouve une ville entourée de remparts, bordée d’un tempietto à sa droite. Au fond, un ciel rose et des nuages gris. La zone historiée et celle du paysage sont séparées par un grand arbre.

Il s’agit d’une peinture à l’huile, réalisée sur un mortier de chaux qui vient recouvrir la maçonnerie d’obturation. Avant de recevoir la scène historiée, ce mortier a été recouvert d’une couche d’imprimitura rouge, strate également à base d’huile. La peinture utilisée pour la scène de la Visitation est riche en liant, souvent empâtée, la couche d’imprimitura apparaissant parfois entre les stries du pinceau ou dans des zones de réserve. Nous pensons 


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qu’originellement cette peinture était entourée d’un cadre, par exemple un cadre en bois doré, imitant ainsi une œuvre sur toile : les bordures, le long de la limite du mortier XVIIe siècle, sont peu soignées et n’ont pas été recouvertes de la peinture utilisée pour la scène historiée, et des ferrures ont été placées en divers points, entre la pierre et le mortier. Nous ne pouvons dire, compte tenu des données actuelles (voir ci-dessous), si l’œuvre a reçu, à l’origine, un vernis. Nous pouvons cependant imaginer que ce fut le cas dans la mesure où, ceinte d’un cadre, la peinture murale était censée donner l’illusion d’une peinture de chevalet.

CAHORS, CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE, 
chapelle du Saint-Sacrement, La Visitation après restauration. Cliché Françoise Tollon.

La scène de la Visitation a été l’objet de nombreuses interventions au cours des siècles. Aucune n’a pu être datée, faute de documents, mais nous avons pu cependant, par l’observation visuelle, les placer selon une chronologie plus ou moins précise. Dans la mesure où la peinture aurait reçu un vernis original, celui-ci a été enlevé préalablement à toutes les interventions antérieures que nous avons pu constater.
        Une première série de repeints a été posée sur la couche picturale. Il s’agit de repeints colorés, dont le liant est à base d’huile. Ils recouvrent pour la plupart de larges plages de la scène comme les nuages et le rose du ciel, la quasi totalité du château, de la rivière et des herbages alentour, ainsi que les trois quarts de la maison d’Élisabeth. Ils sont également ponctuels, posés de façon largement débordante, sur des lacunes isolées. Quelques lacunes de mortier ont été rebouchées à ce moment-là avec un enduit bâtard puis retouchées.
        Vient ensuite une seconde série de repeints notables. Ils sont noirs et concernent les coteaux du premier plan, l’arbre, la robe de la Vierge, blanche à l’origine, et une zone très lacunaire entre Zacharie et Élisabeth où cette intervention prend nettement l’aspect d’un cache-misère. Nous pouvons toutefois noter que le liant utilisé est différent du liant des 


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premiers repeints et qu’esthétiquement ils sont largement moins soignés. Nous tendons donc à penser que ces repeints noirs sont postérieurs aux premiers repeints colorés.
        Par la suite, une cire de couleur bleue, certainement additionnée de résine, a été posée, jouant dans le même temps les rôles de fixatif de la couche picturale soulevée et de masticage des lacunes. Une zone très localisée du haut de l’architecture a été enduite d’une cire verdâtre. Enfin, de petites lacunes ont été retouchées, de façon plus ou moins débordante, avec un vernis coloré en bleu, très dense et qui donne un aspect noir. Après tous ces repeints et retouches, la couche picturale a été recouverte de vernis. Il s’agit d’un vernis très épais et diversement coloré selon les zones de la scène : verdâtre pour le ciel et le paysage, brun foncé pour le haut de la maison d’Élisabeth, brun clair pour sa partie inférieure et le groupe de personnages, noir pour les coteaux du premier plan.
        Sur le vernis verdâtre du paysage, nous avons pu constater un second vernis, non coloré à l’origine, dont nous ne pouvons dire s’il est contemporain des autres vernis ou ultérieur. Dans un dernier temps, une dernière série de retouches picturales a été réalisée, directement sur le mortier, avec une peinture synthétique.

Le support est en assez bon état de conservation. Le mortier de chaux entre les briques tend à perdre sa cohésion, de même que le mortier de surface le long des bordures, notamment sur la partie haute. On peut également noter des soulèvements entre le mortier final et la maçonnerie. Les lacunes de mortier, rares, sont principalement situées dans la partie droite de la peinture et le long des bordures. Elles ont pour la plupart été rebouchées avant la pose du premier repeint. Ces anciens masticages ont souffert de la circulation d’humidité et de la cristallisation des nitrates ; ils se soulèvent, perdent leur cohésion voire ont chuté en partie. Une lacune de support (mur d’obturation et mortier) en haut à droite de la scène est due à un ancien sondage pratiqué pour voir l’intérieur de la niche.
        La couche picturale est en très mauvais état de conservation. La principale cause de son altération est l’humidité. Nous avons réalisé une cartographie de l’humidité relative contenue dans le mortier qui supporte la peinture ainsi que dans les pierres de taille qui l’entourent. Nous avons pu constater que le calcaire du cadre du XVe siècle est bien plus humide que le mortier du XVIIe siècle sur lequel se trouvent les peintures. La maçonnerie du XVIIe siècle, rappelons-le, est une maçonnerie d’obturation d’une dizaine de centimètres d’épaisseur environ, ce qui explique qu’elle soit moins humide que la pierre du cadre. Par contre, la surface de contact entre eux est l’occasion de la circulation de l’humidité : l’eau contenue dans la pierre migre naturellement dans la maçonnerie du XVIIe siècle, plus sèche. Ainsi, les altérations de la couche picturale sont principalement situées sur les bordures, le long de la zone de contact, notamment sur la partie droite de la peinture, là où le calcaire est le plus humide.
        La couche picturale est altérée, notamment sur les bordures de la partie droite, par des efflorescences salines. Les tests (Merckoquant des Laboratoires Merck) ont révélé qu’il s’agit de nitrates. Les mêmes tests effectués sur les pierres calcaires du cadre ont également montré la présence de nitrates et de nitrites. Entraînés par l’eau, les nitrates migrent de la pierre vers le mur d’obturation du XVIIe siècle, puis, dans un second temps, les sels migrent de la maçonnerie d’obturation et du mortier vers la couche picturale. C’est cette dernière migration de l’eau, accompagnée ou non de la cristallisation des nitrates lorsqu’ils affleurent la couche picturale, qui engendre les dégâts et altérations constatés : efflorescences salines qui génèrent micro-écailles et pulvérulence de la couche picturale, notamment sur le long des bordures de la moitié droite de la peinture, réseau d’écaillage sur la quasi totalité de la couche picturale, soulèvements des écaillages, plus ou moins prononcés selon les zones, la partie droite et les bordures étant les plus touchées, chanci du vernis, lacunes de couche picturale, principalement sur les bordures. Notons que l’altération de la couche picturale s’est accélérée depuis la dernière intervention de restauration.  
        Ainsi que le montre clairement le plan de la cathédrale, la chapelle profonde ne comporte aucun mur extérieur. Elle est littéralement englobée dans la masse du site de la cathédrale, avec à l’ouest le cloître, au sud la chapelle Saint-Gausbert et à l’est l’actuelle sacristie : ses larges murs sont donc protégés de toute imprégnation directe par les eaux de pluie. La voûte de la chapelle a été l’objet, avant les dernières restaurations, d’infiltrations dont on peut aujourd’hui encore voir les conséquences. Le cloître a également connu des problèmes de couverture réglés depuis une vingtaine d’années. Une partie de l’humidité contenue dans la maçonnerie du XVe siècle peut éventuellement être la résultante de telles infiltrations, à condition que celles-ci aient été très importantes et sachant qu’une maçonnerie s’assèche au rythme moyen d’un ou deux centimètres par an. Le mur étant plus humide en partie basse qu’en partie haute, nous avons voulu évaluer l’humidité due aux remontées capillaires : les mesures effectuées ne peuvent être prises en compte dans la mesure où le mortier de restauration, du sol jusqu’aux niches, est un béton recouvert d’une polissure de chaux patinée.
        La présence de nitrates en telle quantité est difficilement explicable. Ils pourraient provenir du sol par les remontées capillaires, bien qu’il n’apparaisse pas qu’il y ait eu de cimetière à proximité de la chapelle. Ils pourraient également être le résultat du lessivage de déjections de pigeons, notamment au niveau du cloître : cette hypothèse paraît cependant difficilement recevable dans la mesure où l’on trouve des nitrates en partie basse.
        Il est à noter que le mur ouest de la chapelle est le plus altéré par la circulation de l’eau et ses conséquences ; le mur oriental est largement moins atteint par ce phénomène.
        L’intervention de conservation-restauration a débuté par l’enlèvement du vernis au "diluente nitro" (CTS) et ce parallèlement au refixage de la couche picturale au primal E330 à 3,5 % dans l’éthanol, avec remise dans le plan à la 


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roulette. D’après les tests (Merckoquant des Laboratoires Merck) réalisés sur les cotons après l’enlèvement du vernis, cette opération a également ôté les efflorescences de nitrates. Les soulèvements de mortier ont été consolidés par injection de PLMA (CTS), les zones de décohésion du mortier au primal AC33 à 8% dans l’eau. Des solins ont été posés le long de la bordure haute du mortier, particulièrement fragilisée par les amas de poussière. Les bouchages/refixages à base de cire ont été enlevés avec la spatule chauffante à travers une compresse d’ouate, finitions faites au "diluente nitro".
        Compte tenu de l’ampleur des repeints, il était impensable, tant techniquement qu’esthétiquement, de les supprimer dans leur totalité. Nous avons privilégié le groupe de personnages en lui rendant un peu de lisibilité et d’esthétique. Nous avons donc enlevé les retouches localisées gênantes et certains repeints noirs, notamment la zone entre Zacharie et Élisabeth, au "diluente nitro" laissé quelques instants en compresses. Les lacunes de la couche picturale ont été dégraissées au "diluente nitro", celles du support mastiquées avec un mortier de chaux et de sable. La retouche picturale a été réalisée à l’aquarelle. Compte tenu de l’état de la couche picturale et de l’ampleur des repeints, nous avons opté pour une retouche "semi-archéologique" : l’aquarelle a été posée directement dans les lacunes de couche picturale, sur le support original. Cependant, au lieu d’un ton unique, nous avons préparé un ton pour les zones claires et un autre pour les zones foncées. Enfin, la couche picturale a reçu un passage de paraloïd B72 à 5 % dans du xylène.

Il faut remarquer que dans la mesure où la cause de l’altération n’était pas traitée, nous n’avons pas réalisé de dessalinisation du support. Dans l’avenir, on peut envisager de stopper la migration des nitrates du calcaire vers le mur de comblement du XVIIe siècle, en utilisant notamment les procédés employés pour la maçonnerie, par exemple des injections de résine tout autour du mur d’obturation. Il s’agit cependant d’une intervention délicate dans la mesure où la résine risquerait d’atteindre la couche picturale. Par ailleurs, dans la situation actuelle, la couche picturale, bien que refixée, continuera à s’altérer au gré des migrations d’eau et de nitrates.

Françoise TOLLON »

La Présidente remercie notre consœur, se déclarant admirative devant le travail d’étude et de restauration qu’elle accomplit, puis elle en vient au problème de la datation de la peinture murale de la cathédrale de Cahors, attribuée au XVIIe siècle, mais qui pourrait semble-t-il aussi bien se placer à la fin du XVIe. Françoise Tollon dit s’être fondée pour la datation avancée sur l’étude archéologique à laquelle Valérie Rousset a procédé. Dominique Watin-Grandchamp se demande si l’exécution de cette peinture ne pourrait pas être contemporaine de la mise en place du grand retable – mais on est sans documentation à ce sujet –, puis elle rappelle qu’il importe de préciser les différentes étapes de l’utilisation de la niche qui sert de cadre à ce « tableau » : l’état actuel paraît consécutif aux dévastations perpétrées par les huguenots, qui ont dû détruire le groupe sculpté que la niche abritait certainement à l’origine, au XVe siècle. Olivier Testard ajoute pour sa part que les fenêtres à meneaux visibles en haut et à droite de la peinture font partie du vocabulaire architectural jusqu’au XVIIe siècle. Concernant le paysage urbain qui apparaît à l’arrière-plan, MM. Testard et Garland conviennent qu’il ne saurait s’agir d’une ville réelle identifiable par les monuments figurés – par exemple Cahors –, mais qu’il faut l’interpréter comme une représentation théorique de Jérusalem. Revenant sur la question de la datation, Mme Tollon constate que si le style des personnages peut sembler « médiéval », ou « maladroit », les techniques picturales sont sans conteste celles employées au XVIIe siècle. Virginie Czerniak se déclare d’accord avec la datation proposée, puis elle admet que l’on manque de références. Françoise Tollon cite certain « tableau » de Saint-Salvy d’Albi, peint sur une paroi à l’imitation d’une peinture de chevalet, mais elle note qu’il s’agit là d’une œuvre d’une qualité bien supérieure à celle de Cahors. Pour Marie-Thérèse Blanc-Rouquette, les « tableaux » de Cahors et d’Albi sont très différents.

Pour ce qui est du décor peint de la chapelle Saint-Perdulphe, Mme Czerniak signale que la scène où se voit une figure d’évêque doit correspondre à un ex-voto, ce qui paraît cohérent avec le reste de l’iconographie. Elle met cette scène en relation avec les épisodes analogues représentés sur l’intrados de l’arc d’entrée de la chapelle Saint-Ferréol à l’abbaye de Moissac, dans l’église d’Audressein (Ariège), datables de la fin du XVe siècle ou du début du suivant, ainsi que dans l’église Sainte-Radegonde (Aveyron), de la seconde moitié du XIIIe siècle.

 

SÉANCE DU 4 JUIN 2002

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Cazes, Napoléone, le Père Montagnes, M. Prin, membres titulaires ; Mmes Blanc-Rouquette, Conan, Czerniak, Félix, Fronton-Wessel, Jiménez, Marin, MM. Burroni, Pousthomis, Rebière, Testard, de Viviès, membres correspondants.
Excusés : Mmes Bayle, Boussoutrot, Pujalte, Watin-Granchamp, MM. Garland, Peyrusse, Pradalier, Rebière, Mgr Rocacher, M. Tollon.

Après avoir rappelé que cette séance est la dernière de l’année académique, la Présidente se félicite de la parfaite réussite de la journée d’étude de samedi dernier à Auterive, consacrée aux marbres et aux marbriers de Caunes-Minervois, et elle remercie Louis Latour d’avoir su allier plaisir et travail, en nous faisant découvrir toute la richesse des marbres des autels de l’église d’Auterive, puis en nous offrant le cadre enchanteur de la manufacture pour le déjeuner, avant une après-midi de communications 


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qui ont été suivies avec beaucoup d’attention. Louis Latour rappelle qu’il souhaitait beaucoup que cette journée soit conviviale, peut-être au détriment d’une très haute exigence scientifique, l’assistance étant sans doute surtout intéressée par les aspects techniques. Il a en tout cas été très agréablement surpris que des personnes venant de tout le midi méditerranéen aient répondu à l’invitation.
        Le Directeur dit à son tour toute la satisfaction que lui a procurée cette journée et souhaite que d’autres semblables soient organisées. La Présidente indique qu’une proposition lui a été faite d’une journée foraine à Mirepoix l’année prochaine.

Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 21 mai dernier, qui est adopté. La Présidente rend compte de la correspondance manuscrite. La correspondance imprimée comprend en particulier l’annonce du XXXVIIIe colloque de Fanjeaux qui a cette année pour thème L’anticléricalisme en France méridionale (milieu XIIe siècle-début XIVe siècle).

Plusieurs dons viennent enrichir notre bibliothèque. D’Agnès Marin :

- L’Entre-Deux-Mers et son identité. Actes du 7e colloque tenu à Sauveterre-de-Guyenne les 25-26 septembre 1999, 72 p.

De Daniel Cazes :

- Le Point, numéro spécial consacré à Toulouse : L’épopée Toulouse. De l’Antiquité à aujourd’hui ;
        - Cursos sobre el patrimonio histórico 5, Actas de los XI cursos monográficos sobre el patrimonio histórico (Reinosa, julio 2000), Universidad de Cantabria, Ayuntamiento de Reinosa, 2001, 440 p.

Au nom de la Société, la Présidente remercie les donateurs.

La parole est à Anne-Laure Napoléone et Bertrand de Viviès pour une communication sur la tour de Palmata à Gaillac (Tarn) :

« En 1865, Élie Rossignol publiait dans les Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, la première étude de la tour de Palmata de Gaillac, quelques années après sa découverte et le dégagement de son décor peint. L'analyse de cet édifice exceptionnel méritait d'être approfondie et renouvelée à la lumière des récentes recherches portant plus spécifiquement sur l'architecture civile du Moyen Âge. La dernière étude publiée dans le Bulletin Monumental (t. 160, 2002, p. 97-119) a permis d'attribuer la construction de ce grand bâtiment à la puissante famille de Gaillac, présente au sein du pouvoir de la ville dès la première moitié du XIIIe siècle. De ce grand hôtel, qui comportait au moins deux ailes et une cour, ne subsiste que la tour d'angle dont les parties hautes ont été abattues. La forme des ouvertures et le décor sculpté permettent cependant de dater l'édifice vers le milieu du XIIIe siècle.

Les peintures qui décoraient la salle voûtée du premier étage sont en partie conservées. Elles révèlent un vaste programme illustrant la vie des grands seigneurs du XIIIe siècle, chassant sur leurs terres et guerroyant en terre sainte ».

GAILLAC, TOUR DE PALMATA, DÉTAIL DU DÉCOR PEINT de la paroi est : cavalier en armure portant un oiseau à bout de bras. 
Cliché A.-L. Napoléone
.


M.S.A.M.F., t. LXII, p. 270

GAILLAC, TOUR DE PALMATA, DÉTAIL DU DÉCOR PEINT de la paroi ouest : Sarrasin sur les fortifications. Cliché A.-L. Napoléone.

GAILLAC, TOUR DE PALMATA, DÉTAIL DU DÉCOR PEINT de la paroi nord : guerriers armés salués par deux sonneurs de trompe. Cliché A.-L. Napoléone.

 


M.S.A.M.F., t. LXII, p. 271

La Présidente remercie les orateurs et souligne tout l’intérêt d’une monographie bien conduite qui conjugue l’analyse des sources, l’étude de l’héraldique et de l’iconographie et l’archéologie du bâti. À propos des voûtes d’ogives, elle demande si l’on a affaire à des nervures en brique portées par des retombées en pierre, ce qui rappellerait les formules utilisées à la salle capitulaire de Flaran, aux Jacobins de Toulouse ou encore à Belleperche… Anne-Laure Napoléone précise que les parties basses des voûtes ne sont malheureusement pas conservées et que les murs sont entièrement enduits à ce niveau.

La Présidente note combien il est passionnant de voir ainsi réapparaître ce décor peint si peu visible. Si la comparaison avec Barcelone est convaincante, il faut toutefois garder à l’esprit que les peintures du palais royal ne sont pas antérieures à la fin du XIIIe siècle ; la représentation d’un Sarrazin peut en tout cas aussi évoquer l’Espagne. Anne-Laure Napoléone dit rester très prudente sur la question du décor peint : les hypothèses présentées sont le fruit d’une collaboration qui a largement impliqué Virginie Czerniak et Guy Ahlsell de Toulza.
        Daniel Cazes ne croit pas à une scène de chasse, très improbable en raison du heaume dont est coiffé le personnage. Il faudrait pouvoir observer beaucoup plus précisément la façon dont l’oiseau est tenu, l’envoi d’un oiseau messager pouvant être par exemple un moment d’une scène de guerre. Virginie Czerniak cite une peinture disparue de Villefranche-de-Rouergue où l’on voyait au-dessus de deux chevaliers affrontés une femme couronnée tenant un oiseau et une petite figure tenant une quenouille. Maurice Scellès ajoute qu’il lui semble bien que les récits des croisades font état de faucons pris aux Sarrasins et considérés comme des trophées.
        Pour ce qui est de l’armement, Daniel Cazes relève que le type de heaume représenté à Gaillac serait un indice pour une date un peu plus tardive qu’à Barcelone, allant dans le sens que donnent les rapprochements possibles avec le sarcophage d’Hugues de Palais datable vers 1290. Anne-Laure Napoléone rappelle que Viollet-Le-Duc date ces heaumes, comme d’ailleurs les housses des chevaux, des années 1240.
        La Présidente considère comme très séduisante l’hypothèse de la représentation d’un navire. Guy Ahlsell de Toulza dit que l’idée lui est venue en consultant des récits de croisade illustrés de très nombreux dessins figurant un Maure vaincu mais aussi des traversées d’armées en bateau.

Bernard Pousthomis apporte des précisions sur les peintures de la tour d’Arles à Caussade, actuellement d’une lecture très difficile : il semble néanmoins qu’il s’agisse non pas d’un tournoi mais du combat d’un chevalier contre un Maure, comme à Carcassonne et à Pernes, ajoute la Présidente. Virginie Czerniak indique que l’image du combat singulier entre Richard Cœur-de-Lion et Saladin devient très fréquente à partir de la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe en Angleterre et en Aquitaine, dans les manuscrits comme dans les peintures murales ou même sur des carreaux estampés. Elle ajoute qu’elle ne parvient pas à voir les armes de la famille de Lalo sur l’écu du cavalier de la tour d’Arles et qu’il faut donc peut-être songer à une représentation allégorique du devoir de tout chevalier. La Présidente remarque qu’à Barcelone, c’est un événement historique précis qui est représenté ; le décor se développe en frise à Gaillac, sur les quatre murs, ce qui ne permet guère de trancher, pour l’instant, entre récit et allégorie.

La Présidente s’étant inquiétée du devenir de l’édifice, Anne-Laure Napoléone répond que l’on espère qu’il sera acheté par la Ville de Gaillac. Bertrand de Viviès confirme que la Ville est parfaitement consciente de l’intérêt du monument et qu’elle y est sensible ; le bail arrive à son terme, le propriétaire est âgé et le bâtiment demande d’important travaux : le moment est favorable pour l’acquisition. Guy Ahlsell de Toulza ayant demandé si une conférence avait été donnée à Gaillac, Bertrand de Viviès et Anne-Laure Napoléone répondent qu’elle reste à faire. Anne-Laure Napoléone ajoute que l’achat par la Ville permettrait sans aucun doute d’autres sondages et probablement d’autres découvertes. Daniel Cazes souhaite que la restauration soit alors très soignée et aussi attentive que nécessaire.
        Répondant à une question de la Présidente, Bertrand de Viviès et Anne-Laure Napoléone confirment que les peintures de la tour Palmata n’ont jamais été restaurées, bien que l’édifice soit classé au titre des Monuments historiques depuis longtemps.

Au titre des questions diverses, Maurice Scellès donne lecture d’un document trouvé un peu par hasard, en 1983,dans les archives communales de Montauban (Archives départementales du Tarn-et-Garonne) sous la cote DD 1746 et dont il a alors pris copie. Il s’agit d’une lettre adressée en 1746 par le sculpteur Rogier aux consuls de Montauban, qui vient donc compléter le dossier des deux anges adorateurs du maître-autel de l’église Saint-Jacques de Montauban, auxquels notre confrère Jean-Claude Fau s’est tout récemment intéressé (« Des carrières de marbre de Carrare au maître-autel de Saint-Jacques de Montauban : les anges adorateurs », dans Bulletin de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, t. CXXV, 2000, p. 75-89) :

[Adresse]

Monsieur [?] Lieutenan principal
        au présidial et premier consul de Montauban

Mesieurs,

Je fu surpri de lors que jai Receus les modelle des deux ange adorateur, que celui quil me les a remis naïant ocune letre de vous autre Mesieur, Sepandan, Samedi passé jai receus avec plaisir voutre letre par la quelle vous me marqué voutre sentiman, Je suis charmé dumoin que vous aïés troué un des deux ange adorateur a voutre gre, je vous prom(et) don de le feir tous déus avec les genoux abas a terre, de meme que la tette quelle regardera en bas de tous deux, Jespere que en vous fesant ce que vous troveres a prepo que vous aurés lieú d’etre comptan, Il est verai que notre police porte de le feire suivant le dessein que vous mavés onoré à manvojer et meme que je le garde jusque a 


M.S.A.M.F., t. LXII, p. 272

ce que je vindrai a vous porter louvrage et alors je vous le remetrai, Sojés don tranquille sur tous, que jespere de vous contanter en tout
        Jai communiqué voutre letre à Monsieur de Luseman et il ma prié de vous feiire reponce moj meme.
        Mesieur sofrés que me onore de vous presanter mes respect et croiés que je suis ave sincerité

a Montpelier le 13e                                                                  voutre tres houmble
        octobre 1746                                                                             et tres obbt serviteur
                                                                                                         [signé] Rogier

Notre confrère Jean-Claude Fau, auquel le document a été transmis, note que cette lettre suscite quelques remarques :

« Les consuls de Montauban passent par un intermédiaire, M. de Luseman (dont nous ignorons l’identité), pour entrer en rapport avec Pierre Rogier à Montpellier.
        Il s’ensuit tout un échange de correspondance, et même de dessins, entre commanditaires et artiste. Ce dernier a adressé un premier projet, puisque les consuls disent avoir trouvé “un des deux anges à leur gré”. Puis il reçoit à son tour un croquis, accompagné d’un certain nombre de desiderata, “regards tournés vers le bas”, ou encore “genoux à terre”, souhait qui d’ailleurs ne sera pas respecté pour l’une des deux statues.
        Enfin ce document apporte une précision sur le long délai demandé, trois ans environ, entre la commande (1746) et la livraison (1749). »

En raison de l’heure avancée, la présentation de la note de Françoise Zannese sur les cloches de Cornebarrieu est reportée à la rentrée.

La Présidente prononce la clôture de l’année académique 2001-2002 et invite la Compagnie à partager gâteau et champagne.

 


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