Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LXIII (2003)


BULLETIN DE L’ANNÉE ACADÉMIQUE
2002-2003

établi par Patrice CABAU & Maurice SCELLÈS  


Les parties non reproduites dans l'édition papier apparaissent en vert dans cette édition électronique.

Séances du 1er octobre 2002 au 21 janvier 2003 Séances du 31 janvier 2003 au 11 mars 2003
Séances du 25 mars 2003 au 3 juin 2003

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VISITE DU 31 JANVIER 2003

Présents : M. Cazes, Directeur, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Mme Noé-Dufour, MM. Bordes, Peyrusse, Prin, Vézian, membres titulaires, Mmes Andrieu, Bayle, Débax, Félix-Kerbrat, Jiménez, MM. Catalo, Macé, Pousthomis, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mme Michèle Pradalier-Schlumberger, Présidente, Mme Boussoutrot, MM. Pradalier, Rebière, Salvan-Guillotin.
Invités : Mlles Laure Krispin, Martine Rieg, M. Raynaud.

Répartis en deux groupes successifs, les membres de notre Société sont accueillis par notre confrère Jean Catalo qui leur présente les vestiges mis au jour par les fouilles réalisées à l’angle de la place du Parlement et des allées François-Verdier : 

« Le chantier archéologique de la Cité Judiciaire de Toulouse, 2002-2003 

Depuis 1999, plusieurs opérations d’archéologie préventive s’intègrent au calendrier des travaux de réaménagement du Palais de Justice de Toulouse. Le chantier actuel concerne plus spécialement l’emplacement de l’emblématique Château Narbonnais, forteresse comtale de la croisade des Albigeois transformée en Palais royal au XIIIe siècle.

Relativement épargné par les constructions des prisons du XIXe siècle, le site permet d’appréhender le système de fossés parallèles qui défendaient le château comtal et l’entrée de la ville. Ces fossés sont absorbés lors de l’agrandissement du château vers le sud avec l’implantation d’un nouveau rempart et d’une tour à la fin du XIIIe siècle. Les talus entre les fossés ont également conservé les traces de l’occupation antique au-devant d’une des plus importantes portes de l’enceinte gallo-romaine.

Malgré son importance historique, cette zone du château restait, jusqu’ici, très mal connue en raison de la pauvreté des sources écrites disponibles. La fouille préventive va donc permettre de connaître toute l’évolution de son dispositif de défense et de cette entrée majeure de Toulouse. Deux autres tranches de travaux, également induites et intégrées au projet architectural, devraient suivre et compléter cette redécouverte d’un des ensembles les plus symboliques du patrimoine toulousain.

Jean CATALO
Responsable d’opération INRAP »

Laurent Macé demande où se trouvait le rempart antique par rapport au rempart médiéval du XIIIe siècle dégagé, et ce qu’il en était de la Porte Narbonnaise. Jean Catalo répond qu’il se trouvait à environ 50 m plus en ville. Les fouilles montrent que la


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voie et l’entrée dans Toulouse ont été un peu déplacées vers l’ouest. La présence des fossés indique que l’entrée primitive ne fonctionne plus, ce qui pose la question de la date à laquelle la porte antique devient le lieu d’implantation de la forteresse comtale. Jean Catalo insiste sur l’intérêt de la mise au jour de ces fossés pour la compréhension de la genèse du château comtal dont l’emplacement est aussi désormais bien mieux défini. L’importante étude menée par Maurice Prin et Jean Rocacher, publiée en 1991, avait dû conclure, faute d’informations plus précises, à une emprise d’environ 50 m de côté, qui correspond en fait à l’état du château royal : on sait aujourd’hui que celle du château comtal n’excédait pas 30 m. Une fouille est prévue à l’intérieur du bâtiment actuel – dont les façades seront conservées –, et donc sur l’emplacement de la première forteresse. 
            Répondant à une question de Bernard Pousthomis, Jean Catalo indique que la Grand-Chambre, construite entre 1444 et 1492 mais dont on sait par des textes qu’elle a été largement reconstruite, a été installée sur un secteur nouveau qui était jusque-là occupé par des fossés. Aucune fouille n’est prévue à cet endroit.
            Christine Jiménez s’inquiète de savoir si nous avons également la trace des travaux de fortification du XVIe siècle. Jean Catalo indique que le rempart découvert est de la fin du XIIIe siècle. Sa datation est établie en corrélation avec des fouilles de 1999 sur une section du même rempart, un peu plus loin à l’est. Au XVIe siècle est effectivement bâtie une section de courtines, mais elle est située en dehors du secteur fouillé. Elle part du Château Narbonnais et rejoint la Garonne.
            Louis Latour fait remarquer que l’épaisseur du mur est trop fine pour résister à des assauts.
            Jean Catalo précise que le rempart est essentiellement un poste de tir qui ne doit pas être facile à atteindre. Ce sont les divers obstacles placés devant les remparts qui sont dissuasifs. Il faut ajouter que le fossé «  majeur » placé au-devant de la muraille faisait bien 9 mètres de profondeur à partir du sol actuel. Il faut donc se représenter que l’assaillant arrivait devant un fossé d’environ 25 mètres de large, profond et en eau. De l’autre côté s’élevait l’escarpe, dont une partie devait être maçonnée, à laquelle il faut ajouter la hauteur du mur, soit environ 5 à 6 mètres, ce qui fait un obstacle d’environ 15 m de haut. Les défenses complémentaires comme les tours, les barbacanes, sont donc concentrées sur les points faibles que sont les entrées de la ville.
            Christine Jiménez voudrait savoir si les fossés nord et sud sont représentatifs de l’état des fortifications au moment de la croisade albigeoise. Pour Jean Catalo, la réponse des fouilles n’est pas encore claire. Nous pourrions être devant des aménagements relevant de la période d’Alphonse de Poitiers, sur une base antérieure.
            M. Raynaud demande comment le fossé de la fin du IXe siècle est daté. Jean Catalo s’appuie sur les résultats d’une autre section du fossé fouillée en 1999. La succession des couches qui ont pu être observées s’établit comme suit : une strate de bâti et de sépultures antiques (datées par C 14 du VIe et de la première moitié du IXe siècle) est entamée par le fossé. Ce fossé est ensuite comblé. Cette nouvelle surface plane sert de cimetière, lequel est utilisé de la fin du IXe à la première moitié du XIIe siècle. On y trouve encore des tombes de la fin du XIIIe siècle, période où la zone est démilitarisée.

Lorsque Louis Latour cherche des traces de la voie antique, Jean Catalo montre des restes du ballast encore en place sur la crête qui sépare les fossés nord et sud.
            Hélène Débax s’enquiert de savoir si le site nous donne des indications sur ce qui se passe entre l’Antiquité et le IXe siècle. Jean Catalo dit qu’une rigole en cours de dégagement pourrait correspondre à ces périodes, ce qui est bien peu. Il semble que le nœud urbain mérovingien est à Saint-Pierre-des-Cuisines. Par contre, le site fouillé est marqué par la période carolingienne. On trouve des tombes du IVe siècle, puis plus rien jusqu’aux IXe-Xe siècles.
            Laurent Macé revient sur les fortifications du XIIIe siècle et cherche à savoir où se trouvait la tour Ferrande mentionnée dans la chanson de la croisade. Jean Catalo rappelle que la tour mise au jour s’appelle « Gaillarde » et que, comme elle n’est pas construite sur les restes d’un arc de triomphe, elle ne peut être confondue avec la tour Ferrande.
            Hélène Débax et Louis Peyrusse en viennent à la question du matériel récolté. Jean Catalo répond qu’il s’agit essentiellement de matériel antique et de fonds de latrines du XVe siècle. Contrairement à ce qui est avancé régulièrement, les anciennes douves ne sont pas des réservoirs d’objets, des dépotoirs. Quand elles participent à la défense, elles sont entretenues. Quand elles sont obsolètes, elles sont comblées pour dégager de nouvelles surfaces planes à occuper.

Une exposition qui sera présentée à partir de juin prochain au Musée Saint-Raymond prendra prétexte de ces fouilles pour expliquer l’intérêt, le comment et les enjeux des fouilles archéologiques en général. Il est en effet trop tôt pour donner des résultats définitifs sur le site du Palais de Justice.
            Plusieurs membres demandent si l’aménagement du parking entraînera la destruction de tous les vestiges mis au jour. Jean Catalo dit que la décision n’est pas encore prise. Le choix appartient au Service régional de l’archéologie. La base de la tour Gaillarde pourrait, par exemple, être conservée : il est possible qu’elle présente une élévation de briques de près de 6 m de haut, qui n’apparaîtra complètement que lorsque le fossé extérieur aura été fouillé, c’est-à-dire quand aura commencé la construction du nouveau bâtiment. On souligne le caractère exceptionnel d’une fortification de ville en brique de cette époque. On dit à quel point la conservation est souhaitable, en posant la question de la mise en valeur et de l’accès du public, et en évoquant l’exemple de Genève.

Au nom de la Société, le Directeur remercie Jean Catalo.

 

SÉANCE DU 4 FÉVRIER 2003

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Cazes, Directeur, Coppolani, Directeur honoraire, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Cazes, Napoléone,


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MM. Bordes, Bruand, Gilles, Hermet, le Père Montagnes, MM. Peyrusse, Pradalier, Mgr Rocacher, M. Tollon, membres titulaires ; Mmes Andrieu, Tollon, Bayle, Czerniak, Fournié, Jimenez, Pousthomis-Dalle, Pujalte, Stutz, Watin-Grandchamp, MM. Balagna, Cranga, Ginesty, Manuel, Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.

La Présidente annonce que la séance publique annuelle de notre Société aura lieu le samedi 22 mars à 16 h, puis elle présente le nouveau volume de nos Mémoires (t. LXII, 2002), tout fraîchement paru.

La parole est au Secrétaire général pour la lecture du procès-verbal de la séance du 21 janvier, adopté après l’apport par Guy Ahlsell de Toulza de précisions concernant les deux retables d’albâtre de Rabastens.

Michèle Pradalier-Schlumberger rend compte ensuite de la correspondance manuscrite, qui comprend l’annonce de plusieurs expositions ou colloques, ainsi que de la correspondance imprimée, qui comporte diverses publications reçues au titre des échanges, notamment le 36e volume des Cahiers de Fanjeaux : L’ordre des Prêcheurs et son histoire en France méridionale, Éditions Privat, Toulouse, 2001, 555 p.

La Présidente remercie Louis Latour, qui vient d’offrir deux ouvrages destinés à notre bibliothèque :

- Toulouse mag, n° 14, janvier 2003, qui contient un dossier relatif aux fouilles du métro ;
            - Georges Depeyrot, Les monnaies antiques des départements des Hautes-Pyrénées, de la Haute-Garonne, du Tarn-et-Garonne et du Lot, S.R.S.A.S.R., Sorèze, 1985, 175 p. et 4 cartes hors-texte.

La parole est à Henri Pradalier pour le compte rendu de la réunion du Bureau de l’Union des Six Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat, qui s’est tenue le 27 janvier. Parmi les questions à l’ordre du jour figurait l’état préoccupant de l’Hôtel d’Assézat : avec les récentes intempéries sont apparues des gouttières fondamentalement imputables à des malfaçons ou à des vices de conception, dont une énorme au-dessus de notre salle des séances ; les désordres observables dans les murs des façades sur cour, inhérents à la structure hétérogène des maçonneries (pierre et brique vers l’extérieur, brique vers l’intérieur, d’où des différences de tassement), ont été aggravés par l’explosion du 21 septembre 2001 et le sont de plus en plus par des infiltrations d’eau massives ; par ailleurs, certains niveaux de planchers sont à reprendre.
            Il est fait observer que les bâtiments de l’Hôtel souffrent de problèmes de substruction bien plus graves qu’un simple « décollement d’épiderme », et on rappelle les destructions opérées dans les sous-sols à l’occasion du réaménagement motivé par l’installation de la Fondation Bemberg. Les fissures de l’aile gauche, partie la plus affectée par les travaux, doivent peut-être être mises en relation avec le percement des bases des murs maîtres. On incrimine aussi les grandes excavations pratiquées dans la cour d’honneur ainsi que dans l’arrière-cour. Henri Pradalier souligne le fait que le terrain sur lequel l’Hôtel a été construit manquait anciennement de stabilité : la tour du grand escalier avait bougé bien avant l’explosion d’AZF. Louis Peyrusse précise « en 1890 », puis il déplore les « curetages radicaux opérés avec une légèreté qui laisse pantois ».
            Concernant la quasi permanence du problème des gouttières et autres infiltrations, il est proposé d’adresser un courrier à qui de droit. On rappelle que l’entretien des édifices classés parmi les Monuments historiques relève de la compétence de l’Architecte des Bâtiments de France, avant de constater qu’il n’y a pas d’entretien annuel. Il y a un évident problème de fonctionnement : le Service responsable a des crédits, mais il n’a pas de personnel, et la Ville, qui a du personnel, n’est pas fondée à intervenir.

La Présidente présente trois mémoires de maîtrise proposés pour le concours annuel de notre Société et fait appel à des rapporteurs. Bruno Tollon, Maurice Scellès et Quitterie Cazes sont chargés de rendre compte des travaux des candidats.

L’ordre du jour prévoyant l’élection d’un membre correspondant, Daniel Cazes donne lecture de son rapport sur la candidature de Mme Michèle Bellin, restauratrice de peintures. Le rapport entendu, il est procédé au vote ; Mme Bellin est élue membre correspondant de notre Société.

La parole est à Nelly Pousthomis-Dalle pour la première communication du jour :

« Programme collectif de recherche sur l’ancien Grand Prieuré de Saint-Jean de Jérusalem à Toulouse : état de la recherche

La future installation de la Direction Régionale des Affaires Culturelles dans l’ancien Grand Prieuré des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem [1] est à l’origine de recherches historiques et archéologiques menées sur cet établissement depuis 1996 [2]. On rappellera, en particulier, la découverte de deux nouveaux enfeus, et l’ouverture, largement médiatisée, de ses sarcophages. La nécessité d’une approche élargie a conduit à l’élaboration d’un programme de recherche diachronique et pluridisciplinaire, coordonné par Nelly Pousthomis-Dalle (Université de Toulouse-Le Mirail, UTAH-UMR 5608) et approuvé par la CIRA Sud-Ouest en mai 2000 [3]. Le retard pris par l’obtention d’un budget puis des obstacles d’ordre administratif et financier ont entravé, jusqu’ici, la mise en œuvre de ce programme. Toutefois, les recherches menées en archives par les membres de l’équipe ont permis quelques avancées significatives. Des sondages ont été réalisés en mars 2001, sous la direction de Nelly Pousthomis-Dalle (UTAH) et de Jean Catalo (INRAP), en tenant compte des objectifs du programme de recherche et du projet de rénovation devant affecter le sous-sol de zones archéologiquement sensibles (emplacements de l’église et du cloître et abords immédiats). Hors projet de recherche mais forcément liée à lui, la fouille préventive, prévue sous les anciennes écuries et le bâtiment le plus oriental, devrait permettre de compléter la vision d’ensemble du prieuré


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médiéval et moderne et de ses abords. Elle devrait éclairer l’histoire de cet îlot urbain, y compris avant l’installation des Hospitaliers au début du XIIe siècle.

Toulouse, Hôtel Saint-Jean, plan avec localisation de l’église, des enfeus et des cloîtres. 

L’établissement médiéval a presque totalement disparu pour faire place à un palais d’ordonnance classique, édifié en deux temps, entre 1668 et 1684. De l’église, dédiée à saint Rémy puis à saint Jean, ne subsiste en élévation que le mur nord, contre lequel sont adossés les quatre enfeus. Construits d’ouest en est, entre la première moitié du XIIIe et le milieu du XIVe siècle, ils sont ménagés, tels des portails, dans des massifs de maçonnerie de briques en saillie sur le mur. Le plus ancien (n° 4) a reçu un décor peint, qui n’est que partiellement dégagé [4]. Outre un traitement exclusivement décoratif qui souligne les articulations de l’architecture, l’iconographie relève, comme on pouvait s’y attendre, du domaine funéraire : l’âme du défunt, inscrite dans une mandorle, est élevée aux cieux par deux anges, sous la protection de deux saints intercesseurs, dont Jacques le Majeur dont l’invocation n’étonnera guère dans un établissement hospitalier sur une des principales étapes vers Compostelle. à mi-chemin entre le monde des hommes et le monde divin, des anges, figurés en buste entre les modillons de la corniche, annoncent une composition disparue, mais dont les traces – qui restent à étudier – suggèrent un couronnement assez élaboré. La scène fondatrice est directement liée à une inscription peinte sur une plaque de marbre, malheureusement presque illisible. Cet ensemble peint allie un graphisme affirmé (utilisation marquée du cerne noir), et une application des couleurs par superposition et rehauts, qui tient de la technique de l’aplat. Les premières observations orientent vers une période charnière, la pemière moitié voire le milieu du XIIIe siècle, moment de transition peu représenté et encore très mal connu à Toulouse et dans sa région. Les restes d’une Crucifixion, peinte sur un retour, pourraient appartenir au XIVe siècle. Menacées


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Toulouse, Hôtel Saint-Jean, les enfeus n° 3 (au premier plan) qui abrite le sarcophage de la gisante et n° 4, polychrome. 
Cliché S.R.A. Midi-Pyrénées.

Toulouse, Hôtel Saint-Jean, enfeu, décor peint : saint Jacques, en bas, et anges entre les modillons de la corniche. 
Cliché J.-F. Peiré, D.R.A.C. Midi-Pyrénées.

Toulouse, Hôtel Saint-Jean, détail de la gisante de l’enfeu n° 3.    
Cliché S.R.A. Midi-Pyrénées.


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depuis leur mise au jour, ces peintures font l’objet d’une étroite surveillance et ne seront totalement dégagées que lorsque les conditions de leur conservation pourront être assurées. Postérieur à l’enfeu précédent, l’enfeu n° 3 abrite un sarcophage dont le couvercle a été sculpté simultanément d’une gisante et d’armoiries qui figurent aussi sur la cuve (une tour emmottée, un lambel à cinq pendants surmonté de cinq fleurs de lys en chef). De leur attribution dépend l’identification de la très jeune femme qui reposait là [5]. La sculpture surprend par le contraste entre un corps très plat et une tête figurée en très haut relief et par le traitement archaïsant des riches vêtements. Certains détails vestimentaires, la coiffure “à la saint Louis” et l’attitude de la gisante – yeux fermés et mains croisées sur l’abdomen – orientent vers une datation de peu postérieure à celle des peintures. L’enfeu le plus récent (n° 1) contenait aussi un sarcophage, datable du premier quart du XIVe siècle, et conservé au Musée des Augustins [6]. D’un point de vue anthropologique et historique, on attend beaucoup de la fouille de ces enfeus, interrompue depuis 1998, et de celle du sous-sol de la galerie qui les longe.

Les sondages pratiqués en mars 2001 ont mis au jour des structures et des niveaux médiévaux. S’agissant de sondages d’évaluation, leur exiguïté en surface et en profondeur limite l’interprétation et la datation précise des vestiges rencontrés, et les niveaux d’occupation plus anciens n’ont été qu’effleurés. Les profonds bouleversements causés par les destructions du XIXe siècle sont responsables de la perte d’informations. Néanmoins, ces sondages ont fourni des compléments non négligeables sur l’église, des données totalement inédites sur le cloître et ont révélé deux grandes phases de construction.

Toulouse, Hôtel Saint-Jean.  Église Saint-Rémy-Saint-Jean : vue de l’abside mise au jour dans un sondage en mars 2001.
Cliché I.N.R.A.P.

De l’église, composée d’une nef à vaisseau unique long et étroit et d’une abside précédée d’un chœur, ont été reconnus partiellement l’abside et le mur sud de la nef. Ils s’apparentent, par leurs techniques de construction, au mur nord de la nef, seul conservé sur une grande hauteur. Il se peut que cette église, donnée aux Hospitaliers en 1114-1116 et qualifiée de neuve ou rénovée (ecclesia nova) en 1190, ait été agrandie vers l’est. Dans la cour intérieure, la mise au jour de l’angle nord-est du cloître, confronté à l’aile des enfeus au sud, permet la restitution d’un plan rectangulaire de 19,60 x 16,40 m, galeries comprises, depuis le portail nord de l’église jusqu’à la jonction de la nef avec l’abside. Aucun élément n’autorise une datation absolue de ce premier cloître très arasé et dont les niveaux inférieurs n’ont pas été fouillés ; mais son orientation concorde parfaitement avec celle de l’église et pourrait correspondre à l’implantation primitive du cloître, mentionné pour la première fois en 1180. De plus, les données archéologiques sur ce premier ensemble église-cloître convergent avec les recherches archivistiques en cours qui témoignent d’un développement et d’une structuration de l’établissement hospitalier autour de 1170-1190. Signalons encore des éléments de briques moulurés et peints, retrouvés dans la couche de destruction de ce premier état, et qui doivent être rapprochés, par leur forme et leur décor, de l’enfeu le plus ancien (n° 4). Ils suggèrent sinon des structures similaires, du moins une campagne décorative contemporaine dans une autre partie du cloître.

Une deuxième grande phase d’occupation associe dans une logique constructive l’agrandissement du cloître et sa nécessaire réorientation (liée au maintien de la galerie méridionale et de la liaison avec le portail nord de l’église), avec l’édification d’une tour des archives au chevet de l’église, et d’une chapelle obituaire Saint-Léonard, accolée à ce donjon et fort probablement alignée sur la nouvelle galerie orientale du cloître. Les sondages n’ont malheureusement pas retrouvé les murs ni les fondations de la grande tour, qui reste inconnue en dehors des descriptions du XVIIe siècle et des plans postérieurs, sa « disparition » résultant sans doute d’une destruction radicale en 1813. Un essai de datation ne peut donc reposer que sur le contexte historique et les textes qui la situent entre 1315 et 1428. Les données archéologiques, assez minces, ne contredisent pas l’hypothèse d’une fondation de la chapelle Saint-Léonard à la charnière des XIVe et XVe siècles, bien que sa première mention ne remonte qu’à 1495. Les textes sont, pour l’instant, muets sur l’agrandissement du cloître et le mobilier recueilli dans la tranchée n’autorise qu’une fourchette très large. On ne peut donc, à l’heure actuelle, situer cette deuxième grande phase d’aménagement qu’entre les années 1315-1330 et les premières décennies du XVe siècle.

Après la longue attente d’un financement, la phase proprement archéologique du projet (fouille programmée) est encore à la recherche d’un mode de gestion, financier et humain, qui soit opérationnel. Après avoir pâti de lenteurs administratives, le chantier de la future DRAC souffre, comme beaucoup d’autres, de la situation actuelle de l’archéologie préventive en France. Les perturbations liées, en 2003, au projet de modification de la loi sur


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l’archéologie du 17 janvier 2001 ont empêché la réalisation de l’étude du bâti préalablement aux travaux : initialement intégré au programme de recherche, puis considéré par le Service régional de l’archéologie comme relevant du préventif, ce volet avait été confié, pour sa mise en œuvre, à l’INRAP. Faute d’étude préalable et en l’absence de moyens, les travaux de démolition intérieurs, heureusement précédés par des sondages muraux, font l’objet, depuis le printemps 2003, d’un simple suivi et d’un enregistrement minimal des observations. D’ores et déjà, les objectifs et les conditions du programme de recherche ne sont plus ceux qui avaient été convenus en 2000, dans le projet initial. On ne peut plus qu’espérer une amélioration rapide de la situation pour ce qui reste de l’étude archéologique, monumentale et sédimentaire, du monument. 

Nelly POUSTHOMIS-DALLE »


[1] 32 rue de la Dalbade à Toulouse, classé au titre des Monuments historiques par arrêté du 25 octobre 1990. 
[2] Cf. Bulletin Scientifique Régional Midi-Pyrénées, 1996, p. 93 ; 1997 p. 118 ; 1998 p. 102. 
[3] Les objectifs de ce programme, tels qu’ils avaient été définis en mai 2000, et ses premiers résultats ont été publiés dans une note : N. POUSTHOMIS-DALLE, « Toulouse (Haute-Garonne), programme de recherche sur l’Ancien Grand Prieuré des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem », rubrique « Notes et documents » d’A.M.M., t. 19, 2001, p. 181-187). 
[4] Ce décor a fait l’objet d’un premier bilan : N. Pousthomis-Dalle, « Haute-Garonne – Toulouse : Hôtel Saint-Jean, ancien Grand Prieuré des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem : décor peint des enfeus », rubrique « Actualité » du Bulletin Monumental, t. 160-I, 2002, p. 189-192.
[5] Sur les sujets successivement inhumés dans ce sarcophage, voir N. POUSTHOMIS-DALLE, « Toulouse (Haute-Garonne), programme de recherche … », art. cité, p. 186-187.
[6] Improprement dit « du Grand Prieur » (Inv. Ra 537), les armes figurées sur ses blasons ne sont pas, non plus, identifiées.

 

Puis la parole est à Françoise Tollon pour une intervention consacrée à l’Étude des décorations intérieures de l’Hôtel Saint-Jean à Toulouse :

« Comme bien des édifices civils, l’Hôtel Saint-Jean a été largement remanié au cours des siècles. Fort heureusement, lors de ces travaux, on prenait rarement la peine de détruire ce qui était en place et, le plus souvent, on recouvrait simplement les aménagements antérieurs. C’est ainsi qu’au cours de l’étude préalable aux travaux entrepris par la D.R.A.C., nous avons trouvé, dans quatorze des pièces de l’édifice (y compris l’aile construite au XIXe siècle à l’emplacement de l’église Saint-Jean) des décors ou fragments significatifs dont les datations s’étalent du XIVe au XIXe siècle et qui témoignent tant de l’aménagement originel de l’Hôtel que de son évolution au cours des siècles.
        La façade de l’Hôtel Saint-Jean, comme celles de nombre d’hôtels du XVIIe siècle, est scandée par de grandes percées qui traduisent la distribution intérieure, avec des pièces en enfilade. Au rez-de-chaussée, des appartements de quatre pièces voûtées en arc de cloître sont disposés de chaque côté du grand vestibule d’entrée, à l’origine blanchi à la chaux avec au centre de la voûte les armes du prieur de Graveson (compte rendu de la visite du grand prieuré en 1680). Au premier étage, deux appartements sont situés de chaque côté de la grande salle. Enfin, au second étage, la distribution est identique à celle du premier, avec deux appartements de chaque côté d’un grenier.
        Les décors du XVIIe siècle sont présents au rez-de-chaussée et au premier étage.

Au rez-de-chaussée, les voûtes des salles 1 et 2 sont peintes. La voûte de la salle 1 (salle capitulaire), peinte à la détrempe en camaïeux de gris sur un fond gris, présente des motifs de rinceaux déliés chargés de mascarons, de coquilles, de lions et de croix de Malte. Au centre de la voûte un médaillon renferme un blason aujourd’hui illisible. Au centre des voûtains nord et sud se trouve le chiffre entrelacé de François-Paul de Béon-Masses-Cazaux. On trouve dans les rinceaux un personnage proche de celui présent sur les plafonds des salles 1 et 4 du premier étage.
        La voûte de la salle 2 qui était le bureau du receveur de l’ordre, plus petite, est d’inspiration analogue. Son décor, composé de rinceaux habités et chargé de deux bustes laurés à l’antique, sur leur piédouche et encadrés dans des ovales, est réalisé à la détrempe en camaïeux d’ocre sur un fond jaune pâle. Au centre, un cartouche rectangulaire, dont le fond est bleu, porte le chiffre entrelacé de François-Paul de Béon-Masses-Cazaux au-dessus de lauriers et surmonté d’une couronne. Le style et la facture de cette décoration sont plus lourds que ceux de la voûte de la salle 1. Un fragment trouvé sur le mur nord de cette pièce montre un soubassement gris délimité par deux filets blancs.
        La présence du chiffre de François-Paul de Béon nous permet donc de dater assez précisément le décor de ces deux voûtes entre 1673 et 1687. Dans la mesure où le compte rendu de la visite du Grand Prieuré de Toulouse en 1680 ne mentionne pas ces peintures, on peut imaginer que celles-ci ont été réalisées entre 1680 et 1687. Notons que la couche picturale, outre qu’elle a été maltraitée par un dégagement sauvage, est dans un état de conservation précaire. Par ailleurs, le haut des embrasures des fenêtres, pour l’instant illisible, fait partie de la décoration des voûtes.
        La voûte de la salle 4 est entièrement peinte en orange. Cette couleur étant la première que l’on trouve sur les mortiers qui recouvrent la maçonnerie, on est sûr qu’elle est ancienne, comme la couleur orange trouvée sur les murs de cette salle. On ne peut par contre dire qu’elles correspondent à l’état d’origine dans la mesure où le compte rendu de la visite du Grand Prieuré vers 1770 mentionne ici une voûte peinte de même que celle de la salle 1.
        L’appartement du côté de l’église de la Dalbade est constitué de cuisines et d’offices. Les pièces 5, 6 et 7 n’ont révélé aucun décor, tant sur les murs que sur les voûtes, les premières couches que nous trouvons étant blanches et


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Toulouse, Hôtel Saint-Jean, plan du rez-de-chaussée.

Toulouse, Hôtel Saint-Jean, plan du premier étage.


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certainement relativement récentes. La voûte de la pièce 8 est peinte en brun verdâtre, une peinture vraisemblablement à la détrempe posée directement sur le mortier. Si elle n’est d’origine, cette couleur peut néanmoins être ancienne.

Au premier étage, tous les plafonds sont à la française. Ceux des pièces 1, 2, 3, 3 bis et 4 ont étés décorés. Les plafonds des salles 1 et 4 se ressemblent en de nombreux points. Les poutres et les frises entre les poutres sont ornées de rinceaux habités en camaïeux de gris sur fond rouge (salle 1), à base de bruns et d’ocres sur fond bleu (salle 4) avec en leur centre des armoiries (salle 4) ou un chiffre entrelacé (salle 1). On y retrouve les mêmes motifs, des cartouches proches et les mêmes personnages. Le plafond de la salle 1, qui était la chambre du grand prieur, est le plus riche dans la mesure où les solives, les entrevous et les lambourdes sont peints de gris et de rouge, cernés de filets blancs. Sur le plafond de la salle 4, ces éléments sont bruns, cernés de filets blancs.

Le plafond de la salle 2, dont les mêmes éléments sont décorés, est un peu différent. Il ne comporte que des rinceaux, sans personnages ni animaux. De plus ces motifs sont bien plus lourds et maladroits que ceux des deux autres pièces. Les solives, les entrevous et les lambourdes sont bruns cernés de filets blancs. Au centre de chaque poutre et frise est placé un chiffre entrelacé au-dessus de lauriers et surmonté d’une couronne. On retrouve la même présentation du chiffre au centre de la voûte de la salle 2 du rez-de-chaussée.
        Soulignons que si les plafonds des salles 2 et 4 ont été restaurés, voire assez largement restitué pour la pièce 2, le plafond de la salle 1, jusqu’ici caché sous un plafond sur lattis, n’a pas été touché. Seul le chiffre peint dans les cartouches a été masqué voire effacé, comme celui de la salle 2.
        Compte tenu de la présence du chiffre entrelacé et des armes de François-Paul de Béon-Masses-Cazaux et de leur mention dans le compte rendu de la visite du Grand Prieuré en 1680, ces trois plafonds ont été réalisés entre 1673 et 1680.
        Dans la grande salle (3 et 3 bis) le dégagement des plafonds sur lattis a permis la mise au jour de planches peintes en remploi. Leur décoration est constituée de tiges à feuilles de laurier ocres, dont les contours sont soulignés en noir, sur un fond vert.
        Sur le plafond de la pièce 5, la peinture la plus ancienne est entièrement grise. Les autres plafonds sont juste badigeonnés de blanc.

Les murs des salles 1, 2, 4, 4 bis et 5 du premier étage évoquent la conception de la décoration murale des pièces des appartements.
        Celle-ci est constituée d’un soubassement au-dessus duquel se développe un encadrement coloré autour d’une grande surface blanche (salles 1, 2, 4). Cet encadrement s’étend du haut du soubassement jusqu’au-dessous des poutres excepté dans la salle 1, la chambre du grand prieur, où il vient border une frise d’une trentaine de centimètres. Il était conçu pour recevoir des œuvres mobiles comme des tapisseries ou des toiles peintes. Ces encadrements, comme les soubassements, sont peints sur la surface murale ; nous pensons donc que les soubassements n’étaient pas lambrissés à l’origine. Par ailleurs, les embrasures devaient participer de ce décor mural ; les embrasures des baies de la salle 4 appartiennent à la première décoration de la pièce : elles sont ocre jaune, cernées de chaque côté de deux filets blancs.
        Dans la salle 4 bis, on ne trouve qu’un soubassement, et dans la salle 5 une frise en aplat gris.
        Dans la salle centrale (pièces 3 et 3 bis), nous avons retrouvé un soubassement. Selon Robert Mesuret, les murs de cette salle étaient tendus de cuirs dorés.

Toulouse, Hôtel Saint-Jean, premier étage, décor d’une poutre de plafond :  rinceau habité et cartouche.

Toulouse, Hôtel Saint-Jean, premier étage, décor d’une poutre de plafond, détail.


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Toulouse, Hôtel Saint-Jean, premier étage, relevé du décor d’une poutre de plafond.

La décoration des murs et des plafonds des salles 1, 2, 4 a été réalisée entre 1673 et 1680, en même temps que les plafonds. Pour les salles 4 bis et 5, une datation précise des restes de décor encore en place est difficile à établir.
        Nous n’avons trouvé aucun décor au second étage, à l’exception de la pièce 2 où sont peints sur un badigeon de chaux une frise et un soubassement en aplat gris. Ailleurs, on retrouve parfois le mortier gris badigeonné de blanc (pièces 1, 3, 6, 8), les autres pièces ayant été plus remaniées, avec des murs de briques directement bétonnés (pièces 3A, 4, 5, 7) ou réenduits. Aucune description de décors à cet étage n’est faite dans le compte rendu de la visite du Grand Prieuré de Toulouse en 1680.

Nous avons peu de traces de changements intervenus dans les salles du premier étage au XVIIIe siècle. En effet, les stratigraphies ne montrent que des couches de badigeon, de plâtre et de peintures unies.
        Le compte rendu d’une visite du Grand Prieuré autour de 1770 décrit ainsi le décor de la grande salle (salle 3) : “... du coste droit y a une grande cheminée de pierre sur laquelle est placé un buste en relief de M le grand prieur de Graveson et ses armes. Elle est lambrissée à 6 pans (1,35 m) d’hauteur ornée de quelques tableaux représentant différents grands maîtres et grands prieurs... Au-dessus desdits tableaux et tout autour de ladite salle sont les noms et armes des grands prieurs de Toulouse...”.
        Cette salle a donc été redécorée au XVIIIe siècle, au goût de l’époque, avec des lambris, comme beaucoup d’autres pièces de l’Hôtel. Notons qu’au XVIIIe siècle on préfère des plafonds clairs et que les plafonds à la française sont souvent blanchis. Au second étage, le compte rendu de la visite vers 1770 montre qu’il y a eu une redistribution des pièces et parle de chambres, de cuisine, d’appartement pour les domestiques, de grenier et garde meubles. Il évoque également la présence d’une frise dans l’escalier, à 96 cm de hauteur, mais nous n’en n’avons trouvé trace.
        Le seul décor que nous ayons retrouvé et qui peut dater du début du XVIIIe siècle se trouve dans la salle 4. Il s’agit d’une peinture murale sur fond orangé simulant une décoration de lambris à caissons sur toute la hauteur des murs, cernés de pilastres dans les angles et le long des ouvertures. Cette peinture est encore présente sur tous les murs (excepté le côté nord du mur est), la partie la mieux conservée se situant sur le côté sud du mur est.
        La cheminée de la salle 4 bis a été refaite dans le dernier tiers du XVIIIe siècle.

Dans les salles de l’Hôtel du XVIIe siècle, nous n’avons pas retrouvé de véritable décor datant du XIXe siècle. L’Hôtel Saint-Jean ayant été racheté par des marchands drapiers à la fin du XVIIIe siècle et ayant gardé cette affectation jusqu’au début du XIXe siècle, il paraît normal que les pièces n’aient pas reçu de grandes décorations au goût du jour. Certaines pièces qui ont pu servir de bureaux, voire d’appartements, ont dû cependant être l’objet de réaménagements plus importants, aujourd’hui disparus. Compte tenu des éléments stratigraphiques, les murs ont plutôt reçu des couches de plâtre, de peinture et de papier peint. Il est par contre difficile de dater les faux plafonds sur lattis car ils existent depuis la fin du XVIIe siècle.
        Le seul fragment de ce siècle encore en place se trouve sur le trumeau au-dessus de la porte nord de la salle 4bis, qui malheureusement n’existe plus qu’à l’état de traces. Il s’agit peut-être de rinceaux en camaïeux de gris sur un fond jaune pâle.
        La cheminée de la pièce 2 a été refaite dans la première moitié du XIXe siècle. Son style la situe entre 1820 et 1840. La frise en camaïeux de gris que l’on trouve dans cette salle date également du XIXe siècle, sans que l’on puisse la relier de façon certaine à la cheminée.
        L’aile construite au XIXe siècle sur l’emplacement de l’église Saint-Jean, constituée d’une grande salle au rez-de-chaussée et au premier étage, devait servir d’entrepôt. Au premier étage nous avons trouvé les traces d’une peinture “utilitaire”, en rapport avec l’activité pratiquée dans ce bâtiment. Il s’agit d’une ligne horizontale tracée tout le long du mur sud, à 1,84 m du sol, d’où descendaient des traits verticaux d’une vingtaine de centimètres et espacés régulièrement. Entre ces traits sont inscrits des numéros qui ne se suivent pas forcément. L’ensemble est tracé à l’ocre


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rouge sur un mortier gris. Sur les fragments révélés par les sondages, nous avons trouvé une inscription à l’ocre rouge sous un des traits verticaux (pièce 7) ainsi que deux grandes initiales peintes en noir (pièce 10). L’interprétation de ce tracé est difficile. Il s’agissait peut-être de zones de rangement attribuées par des numéros. Un fragment encore en place au rez-de-chaussée, sur la face sud du mur médiéval, reprend ce système. On y trouve les restes de deux traits verticaux à deux mètres de distance ainsi qu’un numéro (13 ou 15), l’ensemble étant tracé à l’ocre rouge sur un fond ocre posé sur le mortier.
        Nous avons retrouvé, au premier étage de l’aile du XIXe siècle, un fragment de peinture murale qui correspond au décor de l’église Saint-Jean. Ce fragment se trouve donc sur la face sud du mur nord de l’église à environ 7 mètres du sol original. Il représente un faux appareil coloré et décoré de tracés géométriques peints de deux ou trois couleurs qui alternent toujours entre une foncée et une claire. Ce motif se retrouve dans plusieurs édifices de la région, notamment dans la frange sud du Quercy. Appelé motif de puzzle, faux appareil de marbre ou décor concret, il est daté de la première moitié du XIVe siècle. Ce fragment nous donne un petit aperçu du décor mural de l’église Saint-Jean, aujourd’hui disparue, et ajoute un maillon à la connaissance de ce motif si particulier que l’on rencontre dans notre région.

Finalement, les sondages nous ont permis de mieux visualiser la décoration des salles de l’Hôtel Saint-Jean à la fin du XVIIe siècle.
        Nous avons pu en effet constater une unité de traitement des murs dans tout le bâtiment : ceux-ci ont tous été enduits et au moins badigeonnés de blanc. Les salles dans lesquelles nous avons pu retrouver des fragments de décorations murales révèlent également une grande homogénéité de traitement : sur les murs ont en effet été peints un soubassement et une frise, voire des encadrements destinés à recevoir des décorations mobiles. Finalement, un traitement assez simple des murs, et des décors plus recherchés sur les voûtes et les plafonds qui ont ainsi été privilégiés. Ce type d’aménagement intérieur correspond à celui des châteaux et demeures au début du XVIIe siècle où la peinture du plafond forme, avec la cheminée, l’élément essentiel du décor de la pièce. Des tapisseries ou des toiles peintes ornaient les murs, fixées soit au retour des lambourdes soit à une frise plus importante de même hauteur que la poutre. Dans le cas de l’hôtel Saint-Jean, elles sont fixées au sein d’encadrements peints sur le mur.
        Nous avons par contre peu de traces de changements significatifs intervenus aux XVIIIe et XIXe siècles. Pour le XVIIIe siècle, cela peut paraître étonnant : soit il y a eu effectivement peu de réaménagements d’envergure, soit ils ont disparu, comme c’est le cas pour la pièce centrale du premier étage (salles 3 et 3 bis).
        Cela semble plus normal pour le XIXe siècle où l’Hôtel a été racheté par des marchands drapiers. Les salles principales ont certainement servi de bureaux, voire d’appartements et n’ont alors pas forcément reçu de grandes décorations. Concernant l’aile construite à la place de l’église Saint-Jean, les fragments retrouvés révèlent une peinture utilitaire, en rapport avec l’affectation du bâtiment.
        À l’issue de cette étude, un cahier des charges a été élaboré afin de préserver au mieux l’ensemble de ces décors tout au long des travaux de réaménagement des bâtiments.

  Françoise TOLLON »

La Présidente remercie les deux conférencières, les félicitant pour la présentation qu’elles ont faite de problèmes complexes. Elle émet le vœu que les plafonds et les peintures de l’Hôtel Saint-Jean soient conservés et mis en valeur.
            Maurice Scellès ayant demandé à Mme Tollon si les croix de Malte avaient déjà été découvertes lors de la restauration due à l’École de Commerce, au milieu des années 1950, celle-ci répond que la chose est probable. Robert Manuel signale les croix de Malte de l’ancien presbytère de Cordes, Virginie Czerniak celles du prieuré de La Ramière.
            Louis Peyrusse, s’intéressant au gisant sculpté sur le couvercle du sarcophage du deuxième enfeu, relève le contraste entre la tête en ronde-bosse et l’esquisse très schématique du modelé du corps. Il évoque les monuments funéraires du cloître d’Elne et de Compostelle. Daniel Cazes abonde en ce sens, disant qu’on a l’impression d’un remploi d’un couvercle lisse. M. Peyrusse note qu’il y a là un exemple saisissant de la « loi du cadre ». Maurice Scellès se déclare frappé par le traitement du drapé, qui paraît très archaïque. Michèle Pradalier-Schlumberger partage ce sentiment. 
            Le Directeur rapporte qu’Alexandre Du Mège intervint au moment de la démolition de l’église Saint-Jean et qu’il fit remonter au Musée de Toulouse le portail occidental, dont on ne possède plus que le chrisme. Les chapiteaux semblent avoir disparu dans les réaménagements et destructions du XIXe siècle ; en tout cas, il a été impossible de retrouver dans les collections un chapiteau pourtant singulier représentant la Chute d’Adam. Daniel Cazes se rappelle avoir vu les deux derniers enfeus de l’Hôtel Saint-Jean en 1976-1977, époque à laquelle les lieux servaient de local à balais. Il s’y trouvait encore, à l’extérieur des deux enfeus, la simple cuve de pierre d’un troisième sarcophage. C’est à ce moment-là qu’il récupéra la partie droite du soubassement du tombeau sculpté conservé au Musée des Augustins, ainsi que la dalle timbrée d’un écu chevronné qui le surmontait, afin d’offrir une présentation de ce monument fidèle à ses dispositions d’origine.
            Henri Pradalier s’enquiert de l’ancienneté du vocable de la chapelle dédiée à saint Léonard qui jouxtait l’ancienne église Saint-Jean. Nelly Pousthomis-Dalle dit que ce vocable apparaît en 1495, précisant que le titulaire était un disciple de saint Rémy spécialisé dans le secours des pauvres et des prisonniers.
            À la mention du patron du sanctuaire qui précéda l’église Saint-Jean, Michelle Fournié développe l’hypothèse selon laquelle l’introduction du culte de saint Germier, évêque de Toulouse favorisé par un roi Clovis, dans l’église voisine de la Dalbade aurait


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eu lieu au XVe siècle, sous l’action de l’archevêque Bernard du Rosier. Pour Mme Fournié, la vénération des saints Rémy et Germier serait à envisager dans la perspective d’une « liaison avec le pouvoir royal ».

La Présidente donne lecture de deux notes communiquées par Maurice Scellès. 

L’une se rapporte à une demande émanée de M. Jean-Louis Vayssettes, du Service régional de l’Inventaire de Languedoc-Roussillon, qui remercie par avance tous ceux qui pourraient lui communiquer des informations sur les carreaux de faïence, du Moyen Âge au XIXe siècle inclus.

L’autre fournit la réponse à l’interrogation que suscitait la reconstitution des voûtes de la fin de l’époque gothique démolies en 1993 à Toulouse, au n° 30 de la rue Saint-Rome (Patrice Cabau, Les vestiges d’une boutique des environs de 1500 récemment détruits à Toulouse, dans M.S.A.M.F., t. LIV, 1994, p. 159-161) : était-ce la conséquence d’une décision de Justice ? C’est en effet le tribunal qui, suite à la plainte déposée par le Service départemental de l’Architecture et du Patrimoine de la Haute-Garonne, a condamné le propriétaire à une reconstruction à l’identique. Celle-ci a été réalisée par l’entreprise Sagné, d’après photographies et relevés, mais avec des matériaux neufs. Pour Louis Peyrusse, il ne s’agit plus que d’un « décor aberrant ».

 

SÉANCE DU 18 FÉVRIER 2003

Présents : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Mmes Cazes, Napoléone, MM. l’abbé Baccrabère, Gilles, Pradalier, Prin, Roquebert, membres titulaires, Mmes Andrieu, Bayle, Bellin, Piot, MM. Balagna, Testard, membres correspondants.
Excusés : MM. Cazes, Directeur, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Fournié, Fraïsse, Marin, MM. Garland, Peyrusse.

La Présidente ouvre la séance et souhaite la bienvenue à Michèle Bellin, récemment élue membre correspondant et qui prend séance ce soir.
            Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la visite du 31 janvier sur le chantier du Palais de Justice, rédigé en collaboration avec Olivier Testard. Le procès-verbal est adopté.
            L’ordre du jour appelle l’élection d’un membre titulaire. Sur proposition du Bureau, Dominique Watin-Grandchamp est élue membre titulaire.
            La Présidente annonce que les rapports sur les travaux proposés au concours seront présentés lors de la séance du 11 mars. Puis elle informe la Compagnie de la décision prise par le Bureau lors de sa dernière réunion de demander aux membres de la Société d’acquitter leur cotisation au cours du premier trimestre de l’année civile. Cette règle devrait permettre de lever l’ambiguïté persistante entre année académique et année civile.

La parole est à Céline Piot pour une communication sur Une inscription romaine inédite de la cité des Nitiobroges, découverte à Magnebal (commune de Hautefage-la-Tour, Lot-et-Garonne) (1) : 

« Cinquante et une inscriptions latines découvertes en Lot-et-Garonne et relatives à la cité des Nitiobroges ont été recensées et dernièrement étudiées par B. Fages et L. Maurin (2). Vient maintenant s’ajouter à cet inventaire une inscription inédite, trouvée à Magnebal dans la commune de Hautefage-la-Tour (Lot-et-Garonne), mais malheureusement récemment disparue. En effet, après moult péripéties, le bloc a été en partie enterré dans une ancienne cour d’école à Saint-Sylvestre-sur-Lot (commune de Penne-d’Agenais, Lot-et-Garonne), devenue ensuite une petite place puis un parking. En 1995, quand nous avons observé la pierre sur place à Saint-Sylvestre-sur-Lot, son poids, sa taille et la profondeur de son enfoncement dans le sol nous ont empêchée de la soulever pour pouvoir relire l’inscription, faire un véritable relevé, et surtout la sauver pour la mettre définitivement à l’abri. Elle a disparu lors de la construction du parking. Le relevé établi par M. Humbert en 1992 permet néanmoins d’en étudier le contenu épigraphique.

Contexte archéologique

L’inscription provient de Magnebal (commune de Hautefage-la-Tour), lieu-dit où une autre inscription gallo-romaine a déjà été trouvée en 1895. Celle-ci, portée par un autel de marbre blanc, d’une hauteur de 1,05 m, découvert dans les fondations d’un édifice disparu dès le XVIe siècle (3), est une dédicace à la divinité d’Auguste : Num(ini) A’ug’(usti)/M(arcus) ‘Cl’(audius) Se’ve’/rus, ae’di’/’li’s, p’er’’mi’ss(u)/or’di’’ni’s c(ivitatis) ‘Nit’(iobrogum)/d(e) s(ua) p(ecunia) p(osuit) (= À la divinité d’Auguste, Marcus Claudius Severus, édile, avec l’autorisation de l’Ordre de la cité des Nitiobroges, a édifié cet autel à ses frais) (4). Par son élégance et ses nombreuses ligatures, cette inscription peut être attribuée au second quart du IIIe siècle (plus particulièrement les années 230/240). Elle contient aussi la plus ancienne mention de la Civitas Nitiobrogum, abrégée ici presque sous la forme d’un sigle, ainsi que les seules références connues aux institutions de cette dernière, l’édilité et l’ordo decurionum. Mais, pour B. Fages et L. Maurin, elle peut très bien avoir été dressée, à l’origine, à Aginnum, le chef-lieu de la cité, puis déplacée à Magnebal à une date inconnue (5). 


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LOCALISATION DE HAUTEFAGE-LA-TOUR 
et des inscriptions latines de la cité des Nitiobroges (extrait de Nitiobroges, p. 23, fig. 3, complétée). 
1. Limites du département du Lot-et-Garonne. 2. Limites de l’ancien diocèse d’Agen.

Ailleurs dans la commune de Hautefage-la-Tour, aucun mobilier gallo-romain n’a été découvert et, pour les autres périodes historiques, nous ne pouvons guère citer qu’une hache en bronze attribuable au Bronze moyen (6).

Étude épigraphique

Support : plaque avec queues d’aronde, ornée de moulures.

Matériau : marbre blanc.

État du monument : moyen ; s’était abîmé de plus en plus, car il était à l’extérieur.

Lieu de découverte : Magnebal, commune de Hautefage-la-Tour (Lot-et-Garonne).

Conditions de découverte : par Marcel Lémouzi, propriétaire d’un terrain à Magnebal (date de découverte inconnue). Celui-ci l’a déplacée à Saint-Sylvestre-sur-Lot (commune de Penne-d’Agenais, Lot-et-Garonne) lors de son déménagement dans ce village et l’a plaquée sur un mur de sa nouvelle maison. C’est en ce lieu que l’a vue, en février 1992, Marcel Humbert, érudit villeneuvois, et c’est à cette date qu’il en a recopié le texte.  Lieu de conservation : après le décès de Marcel Lémouzi survenu après 1992, l’inscription a été perdue, puis retrouvée par Marcel Humbert sur une petite place de Saint-Sylvestre-sur-Lot, où elle y était encore en 1995, à moitié enterrée près d’un arbre et recouverte de feuillage, quand ce dernier nous a amenée sur les lieux. C’est à ce moment que nous avons pu photographier la partie visible du monument. La pierre avait disparu quand nous y sommes retournée en 1997.

Dimensions : L = 73 cm / l = 60 cm / H = ? (enterrée).

Champ épigraphique : plaque située au centre de la pierre.

État de conservation : quelques lettres sont totalement effacées ou très usées. Il manque apparemment deux lettres sur la première ligne ; il est donc difficile de savoir si nous avons affaire à un seul nom, R[..]onis, ou à deux noms, R[.] et [.]onis. Sur la deuxième ligne, le V, inscrit un peu en biais, peut très bien correspondre à la fin d’un N. Quant au R de la dernière ligne, il est, plutôt, un B usé, car des traces d’usure, montrant un jambage arrondi, ont été remarquées (7) sous la première boucle de la lettre.

Datation du texte : Comme nous n’avons pas pu voir l’inscription et que nous l’avons restituée à partir du relevé de M. Humbert, nous ne pouvons pas utiliser son écriture ni son style pour la dater. Le fait que la filiation s’exprime au moyen d’un prénom au génitif, celui du père (Sabini) suivi du mot filius, est une pratique courante à l’époque impériale (8).

Écriture : apparemment pas de points séparatifs, ni de ligatures (?).

Édition : inédite

Relevé :

            R . . ONIS
                       CA - VIVS 
                       SABINI FO 

Restitution(9)

                                                                ou

                        R[ed]onis                                 R[ed]onis
                              Ca[ni]nius                                Ca[ri]nius
   
                          Sabini f(ilius) o(bitus)                Sabini f(ilius) o(bitus)


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HAUTEFAGE-LA-TOUR. Vue d’ensemble du bloc. 
Cliché C. Piot
.

HAUTEFAGE-LA-TOUR. Dessins schématiques du bloc : en haut, vue de dessus, en bas, vue latérale du côté de l’inscription. 
Croquis M. Humbert
.

HAUTEFAGE-LA-TOUR. Détail de la moulure. 
Cliché C. Piot
.

Traduction : « Feu Caninius le Redon, fils de Sabinus » ou « Feu Carinius le Redon, fils de Sabinus ».

Remarques : - le fait que cette inscription soit gravée dans une plaque ornée de queues d’aronde semble confirmer qu’il s’agit d’une inscription funéraire. La taille et le poids de la pierre en soulignent l’importance. Les noms des défunts sont marqués d’un O, parfois accompagné d’une barre abréviative placée au-dessus ou dans le O, qui doit s’interpréter obitus (10). Cependant, cette abréviation est le plus souvent mentionnée en début d’épitaphe.

- l’espace laissé entre le C et A[.]NIVS pouvait faire croire à la transcription C(aius) ANNIVS, le gentilice Annius étant très connu ailleurs (11). Mais l’absence de points de séparation après le C et la rareté de rencontrer uniquement deux noms (12) invitent à penser qu’il s’agit d’un seul nomen, en l’occurrence Caninius ou Carinius.

- aucun gentilice connu ne pouvait compléter R[-]ONIS. Comme il s’agit d’un génitif, il fallait trouver un mot avec lequel il s’accorde, autre que F(ilius) qui, lui, s’accorde avec Sabini. On ne voit que Caninius ou Carinius. En admettant que nous avons affaire à deux noms, R[.] et [.]ONIS, nous pourrions imaginer par exemple [Att]onis ou [Scipi]onis, mais il n’y a pas assez de place entre R et ONIS, et aucun prénom romain classique ne s’abrège en R (13). Il est donc difficile d’y voir un nom propre décliné au génitif et préférable d’envisager l’hypothèse de la mention d’une origine (donc, Redonis).

- la mention de la filiation atteste l’ingénuité du personnage dont elle accompagne les noms. Cette filiation est notée immédiatement après le gentilice (14). C’est encore le cas ici (Sabini filius).

Commentaire

CANINIVS :

- Caninius peut renvoyer au nom du légat Caius Caninius Rebilus, lieutenant de César dans les Gaules et héros de la pacification finale de l’Armorique et du Massif Central en 51 av. J.-C. (15). Caninius a également défait le Cadurque Lucterios et le Sénon Drappes.

- Est également célèbre Caninius Gallus, l’accusateur d’Antoine (16), mais l’hypothèse semble peu probable.


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CARINIUS :

Carinius est un gentilice formé, à la mode « gauloise », sur un surnom. Il est assez rare de le rencontrer en Aquitaine ; il est plutôt attesté en Narbonnaise. En Novempopulanie, on connaît Marcus Carinius Carus, un des deux probables duovirii de la cité de Lectoure qui a édifié un taurobole au nom de l’ordo Lactoratium (17). 

SABINI :

- Sabinus peut être un nom ou un surnom. Sont célèbres le poète latin contemporain d’Ovide Aulus Sabinus (18), le jurisconsulte, sous Tibère, Massurius Sabinus, le frère de l’empereur Vespasien, Flavius Sabinus (19), le proconsul du Ier siècle ap. J.-C., Caius Calvisius Sabinus.

- Plus cohérent avec Caninius, on remarque le légat de César en Gaule en 56 av. J.-C., Quintus Titurius Sabinus (20).  

- En Aquitaine, on connaît Matrilius Sabin[us] sur une inscription de Saint-Médard-en-Jalles en Gironde (21), Sabinus, père de Viator, sur une inscription de Lectoure datant du dernier quart du IIe siècle (22), l’Élusate vivant au Ier siècle ap. J.-C., Titus Iulius Sabinus, le Picton Pompeius Sabinus, curator civium romanorum, qui couronne sa carrière municipale par le flaminat de Rome et Auguste (au IIe siècle ? ) (23)

- C’est aussi le nom d’aristocrates gaulois bien connus, surtout pendant l’Antiquité tardive ; une famille est évoquée, au Ve siècle, par Sidoine Apollinaire (24). On peut encore citer un Sabinus évêque de Lescar en 585 (25). Un autre personnage important du Ve siècle, le patrice Sabinianus, possédait des terres des deux côtés des Pyrénées. Ce nom de famille gallo-romain, Sabinus ou Sabinius, a pu donner au VIIe siècle Saviniago, d’où serait issu le toponyme Séviac de la commune de Montréal-du-Gers (26).

- Sabinus est également le nom de différents potiers qui ont travaillé dans les ateliers de la Gaule méridionale (à Montans) ainsi que dans ceux du Centre (à Lezoux) (27). Sabinus, écrit sous sa déclinaison au génitif (Sabini), a été découvert, sous la forme d’un graffito, sur une jatte du IIe siècle de Périgueux (28). C’est aussi celui d’un esclave (29).

- La mention Sabina a également été trouvée sur une inscription, datée d’entre 51 et 250, mise au jour sur le site de L’Ermitage (plateau de Bellevue) à Agen (Lot-et-Garonne) (30).

REDONIS :

- R[..]ONIS ne peut que renvoyer au peuple gaulois d’Armorique Redones, avec pour capitale Rennes. Cette hypothèse convient bien avec notre première théorie concernant Caninius. Il s’agit peut-être alors d’un descendant gallo-romain du légat de César installé en Armorique, voire du légat lui-même (?) (tout dépend de la date de l’inscription). César et Ptolémée ne mentionnent le nom de ce peuple qu’au pluriel (31). Le nominatif singulier est donc Redo ou par analogie Redonis.

- À l’époque romaine, Rennes s’appelle Condate Redonum (32), Civitas Redonum ou Civitas Riedonum (33) signifiant « la cité des Redons ». Rennes a-t-elle pris le nom de Redo (34), Redonis étant alors un génitif voulant dire « de Rennes » (35) ? On sait qu’au VIe siècle, Rennes s’écrit Redone ou Rhedone (36). Mais, sans cette théorie qui voudrait que le REDONIS de notre inscription soit traduit en “de Rennes” (c’est-à-dire “de la ville de Rennes”), l’hypothèse “le Redon” (au sens “de la cité de Rennes”) convient très bien.

- Sur une inscription, trouver le nom d’une cité n’est pas surprenant, car les étrangers mentionnent souvent leur origine. Des Armoricains migrent en Aquitaine : une stèle funéraire de Donata a été élevée à Bordeaux par son mari, civis coriosolis (37). Caninius a pu venir dans la Civitas Nitiobrogum pour des raisons commerciales, politiques (c’est un personnage important s’il est apparenté au lieutenant de César) ou personnelles (il possède peut-être de la famille ou un domaine en Aquitaine). Il est en revanche difficile de savoir si Caninius s’était installé en Agenais et qui a commandé l’inscription : un membre de la famille établi dans la cité des Nitiobroges, des amis ou des parents qui l’ont accompagné dans son voyage ou son éventuelle installation en Aquitaine ?

Conclusion

L’intérêt de cette inscription, hormis son contenu épigraphique, vient du fait que c’est la deuxième fois que l’on a trouvé une inscription à Magnebal, site (?) où pourtant aucun autre mobilier archéologique n’a été mis au jour, à part donc la dédicace découverte au XIXe siècle. Ces documents épigraphiques sont-ils la preuve qu’un gisement antique, non encore décelé, existe bien à Magnebal ou sont-ils plutôt le fruit d’un heureux hasard ? Nous avons déjà signalé que pour B. Fages et L. Maurin, il semble que la première inscription ait été dressée, à l’origine, à Agen, puis déplacée à Hautefage-la-Tour. En serait-il de même pour cette seconde inscription ? Nous pouvons également proposer l’hypothèse qu’avec Magnebal, nous avons affaire à un site de récupération du marbre : on a pu y acheminer des marbres, soit pour les détruire, soit pour les réutiliser, peut-être dans les fondations de cet édifice (une église ?) disparu au XVIe siècle. Des prospections au sol et une photographie aérienne pourraient apporter un début de réponse.

Céline PIOT »

1. Nous tenons à adresser nos plus vifs remerciements d’une part à Marcel Humbert qui nous a informé de sa découverte et nous a laissé étudier l’inscription, d’autre part à Jean-Pierre Brethes, docteur ès lettres et agrégé de lettres classiques, pour son aide précieuse dans l’étude de cette inscription.


M.S.A.M.F., t. LXIII, p. 267

2. Trente complètes et vingt et une fragmentaires : B. FAGES, L MAURIN, Nitiobroges, dans Inscriptions Latines d’Aquitaine (Revue de l’Agenais, suppl. au t. CXVIII, 1), Agen, 1991 (= Nitiobroges).
3. Peut-être une église (?) : G. THOLIN, « L’inscription de Hautefage », dans Revue de l’Agenais, 22, 1895, p. 342.
4. C.I.L., XIII, 916 (= Corpus Inscriptionum Latinarum, XIII : Inscriptiones trium Galliarum et Germaniarum, Berlin, 1899-1943) ; J. MOMMÉJA, Catalogue raisonné du Musée d’Agen, Agen, 1909, p. 21-23, n° 8 ; Nitiobroges, p. 54-56, n° 17.
5. Nitiobroges, p. 22 (comme aussi d’ailleurs celle de Laplume : n° 26) ; B. FAGES, Le Lot-et-Garonne, Carte Archéologique de la Gaule, 47, Académie des Belles Lettres, Paris, 1995, p. 77.
6. D.A.G., II, 1878, p. 7 (= Anonyme, Dictionnaire Archéologique de la Gaule. Époque celtique, Paris, I (de A à G), 1875 et II (de H à Z), 1878) ; G. FABRE, Les civilisations protohistoriques de l’Aquitaine (Suivi du Répertoire des découvertes dans les départements des Landes, Basses et Hautes-Pyrénées, Gers, Lot-et-Garonne), 1952, p. CII.
7. Par Marcel Humbert lors de son observation en 1992.
8. R. CAGNAT, Cours d’épigraphie latine, 4e éd., Paris, 1914, p. 60.
9. Nous suivons les normes de la base de données P.E.T.R.A.E. (Programme d’Enregistrement, de Traitement et de Recherche Automatique en Épigraphie) conçue et développée par Alain Bresson et Dominique Roux au Centre Pierre-Paris de Bordeaux III (maintenant Ausonius, Maison de l’Archéologie, Bordeaux III). Ses principes de publication sont énoncés dans Nitiobroges, p. 29.
10. CAGNAT, op. cit., p. 292.
11. Citons par exemple le légat Caius Annius Bellenius (Cicéron, Pro Fonteio, VIII, 18 ; IX, 19), Lucius Annius Secundus, dont le nom apparaît sur des amphores à huile de type Dressel 20 (à Auch : J. LAPART, C. PETIT, Le Gers, Carte Archéologique de la Gaule, 32, Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Paris, 1993, p. 98) ou encore Marcus Annius Severus (Nitiobroges, p. 60, n° 22 : Calignac : dédicace de l’ornementation d’un tombeau familial).
12. Sur les trente inscriptions complètes publiées dans Nitiobroges, on trouve une fois seulement deux noms associés (à Lacaussade, n° 14 : Claudio Lupicino). Sinon, on repère la mention d’un nom seul cinq fois (à Agen, n° 1 : Capito et n° 7 : Priscus ; à Lacaussade, n° 15 : Clavdio ; Villeneuve-sur-Lot, n° 19 : Iulius et n° 25 : Silvinus). Enfin, sept inscriptions offrent des tria nomina (à Agen, n° 8 : Lucius Valerius Martialis ; Hautefage-la-Tour, n° 17 : Marcus Claudius Severus ; Villeneuve-sur-Lot, n° 20 : Sextus Valerius Maxsumus et Caius Valerius Adjutor et n° 21 : Valerius Gallus Tutus ; Calignac, n° 22 : Marcus Annius Severus ; Laplume, n° 26 : Lucius Valerius Communis).
13. En revanche, Rufus est un cognomen assez répandu.
14. CAGNAT, op.cit., p. 60.
15. CÉSAR / HIRTIUS, De Bello Gallico, VIII, 30.
16. CICÉRON, Fam., 1, 2, 1 ; Att., 12, 37, 4 ; VALÈRE MAXIME, 4, 2, 6.
17. G. FABRE, P. SILLIÈRES, Inscriptions latines d’Aquitaine : Lectoure, 2000, Santander, p. 158-162, n° 16 (= Lectoure).
18. OVIDE, Amores, 2, 18, 27.
19. TACITE, Historiæ, 1, 46.
20. CÉSAR, B.G., III, 17-18.
21. H. SION, La Gironde (Carte Archéologique de la Gaule, 33/1), Académie des Belles Lettres, Paris, 1994, p. 331 : au lieu-dit Moulin de Til : D(is) [M(anibus)]/Matrilius Sabin[us] (…).
22. Lectoure, p. 153-155, n° 14.
23. A. VILLARET, « L’association de l’empereur et des dieux en Aquitaine. Son rôle dans la société et les mentalités », dans Aquitania, 16, 1999, p. 127-151, principalement p. 144.
24. SIDOINE APOLLINAIRE, Lettres, III, 6 (éd. Loyen, Paris, t. 2, p. 94).
25. L. DUCHESNE, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. 2 : Aquitaine-Lyonnaise, Paris, 1900, p. 100.
26. J. LAPART, « Le décor de marbre de la villa gallo-romaine de Séviac à Montréal-du-Gers d’après des documents photographiques du début du XXe siècle », dans M.S.A.M.F., LX, 2000, p. 15-32, principalement p. 16-18.
27. On découvre des bols Drag. 27 estampillés au nom de Sabinus (une fois celui de Montans et une autre fois celui de Lezoux) à Saintes par exemple (J.-L. TILHARD, « Céramiques à vernis noir et sigillées des fouilles de “Ma Maison” à Saintes », dans L. MAURIN (dir.), Les fouilles de « Ma Maison ». Études sur Saintes antique (Aquitania, suppl. 3), Bordeaux, 1988, p. 85-197, principalement p. 143).
28. Cl. BARRIÈRE, « “Domus Pompeia”, rue des Bouquets à Périgueux. Inventaire du mobilier archéologique. III », dans Documents d’Archéologie et d’Histoire Périgourdines, 12, 1997, p. 79-110, principalement p. 103 et p. 110, fig. 137 (sous la forme : S SABINI).
29. CICÉRON, Epistulæ, 16, 16, 2.
30. C.I.L., XIII, 933 ; MOMMÉJA, 1909, op. cit., p. 27, n° 12 ;  Nitiobroges, n° 11.
31. Rennes est la ville des Rhedones (CÉSAR, B.G., II, 34 ; VII, 75, 4 ; PTOLÉMÉE, II, 8, 9).
32. Itineraria Romana, I ; Table de Peutinger.
33. On trouve la mention de Civitas Riedonum sur des inscriptions découvertes sur des bases de statues exhumées du sous-sol de Rennes en 1868 et en 1968. Ces inscriptions ont été gravées peu avant 135 ap. J.-C. (C.I.L., XIII, 3151 ; Ann. Ép., 1969-1970, n° 405).
34. À l’instar de plusieurs villes romaines qui terminent en –o : Cossio (Bazas), Ussubio (Le Mas-d’Agenais), Cessero (Saint-Thibéry), Vesontio (Besançon), Brigantio (Briançon), Matisco (Mâcon), Arausio (Orange), Avieno (Avignon), Cabellio (Cavaillon), Narbo Martius (Narbonne), Carcaso (Carcassonne), Vasio (Vaison)…
35. Sur le modèle d’Aquensis (= « de Dax ») pour Aquae (= « Dax »).
36. GRÉGOIRE DE TOURS, Historia Francorum, V, 29 ; X, 9.
37. C.I.L., XIII, 616 ; L. RICHARD, « Un Coriosolite à Bordeaux », dans B.S.E.C.D.N., XCVI, p. 79-85.

 

La Présidente remercie Céline Piot en regrettant que la disparition du bloc ait interdit une relecture de l’inscription. Quitterie Cazes demande si la forme même du bloc et la typologie dans laquelle il pourrait s’insérer ne sont pas susceptibles d’apporter des informations sur la datation de l’inscription. Céline Piot dit que les indices dont on dispose permettent d’attribuer l’inscription à l’époque impériale, sans plus de précision. Quitterie Cazes exprime son scepticisme quant à un déplacement et une réutilisation au XVIe siècle, mais elle convient avec Céline Piot que ce serait en effet tout à fait possible au VIIe siècle.
            Maurice Scellès et Guy Ahlsell de Toulza demandent des précisions sur la largeur de la bande inscrite et ils s’étonnent qu’elle n’ait pas été visible lorsque le bloc, même en partie enterré, se trouvait dans la cour de l’école. Maurice Scellès demande encore s’il est sûr que c’est bien le même bloc qui se trouvait dans le mur de la ferme puis dans la cour de l’école. Céline Piot confirme que l’érudit qui avait relevé l’inscription l’a formellement reconnu, trois ans plus tard, dans la cour. 

La parole est à Nicole Andrieu pour la suite de sa communication sur les objets mobiliers classés parmi les Monuments historiques en 2002 avec une toile de Jean-François Courtin conservée dans la cathédrale Saint-Etienne à Toulouse.

« J.-F. Courtin (1672-1752), élève de Louis Boulogne le jeune, exposa régulièrement dans les Salons de 1737 à 1751. Académicien à partir de 1710, il fut l’un des douze peintres choisis pour décorer la Galerie d’Apollon au Louvre, avec le combat d’Horatius et Coclès.
        Cette toile a été commandée par la corporation des orfèvres de Paris dans le cadre des Mays. L’habitude d’offrir des toiles à la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 1er mai, est née en 1630, les orfèvres commandant chaque année des toiles de grandes dimensions destinées à orner les piliers. Les sujets devaient obligatoirement être tirés des Actes des Apôtres. Les plus grands artistes ont été mis à contribution : 76 toiles ont été commandées et accrochées jusqu’en 1707. La toile de Courtin fait donc partie de la dernière livraison. En 1791, les Mays ont été confisqués et dirigés vers le Museum des arts – Le Louvre. Après le Concordat, ils ont été dispersés. C’est ainsi que ce tableau est arrivé à Toulouse en 1829.

Il illustre une scène tirée du chapitre 20 des Actes des Apôtres, se passant à Troas, en Asie Mineure : Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le pain, Paul qui devait partir le lendemain, s’entretenait avec eux. Il prolongea son discours jusqu’au milieu de la nuit. Il y avait bon nombre de lampes dans la chambre haute où nous étions réunis. Un adolescent du nom d’Eutyque qui s’était assis sur le bord de la fenêtre se laissa gagner par le sommeil […] il tomba du troisième étage en bas. On le releva mort. Paul descendit, se pencha sur lui, le prit dans ses bras et dit : “ne vous agitez donc pas, son âme est en lui […]”. Longtemps encore il parla […]. Quant au jeune garçon, on le remena vivant , et ce ne fut pas une mince consolation.

En 1999, le Musée d’Arras a procédé à la réouverture de sa salle des Mays où sont exposées quatorze de ces peintures (Revue du Louvre, n° 2, avril 1999), une actualité qui a entraîné l’examen de la toile conservée dans la cathédrale Saint-Étienne.

Nicole ANDRIEU »

La Présidente remercie Nicole Andrieu et demande si l’on connaît d’autres tableaux de J.-F. Courtin. Nicole Andrieu précise que très peu d’œuvres de ce peintre ont été conservées. Guy Ahlsell de Toulza ayant demandé si l’État n’envisageait pas le regroupement des Mays des orfèvres de Notre-Dame de Paris, par exemple à Arras, Nicole Andrieu explique que l’on reste en général fidèle au dépôt. Maurice Scellès s’étant étonné que l’on classe parmi les Monuments historiques des objets en dépôt appartenant à l’État, Nicole Andrieu explique qu’il s’agit surtout d’attirer l’attention sur la qualité de certaines œuvres. Maurice Scellès voudrait savoir si l’État a une politique de conservation et de restauration des œuvres déposés ou qui lui appartiennent, par exemple dans les cathédrales. Nicole Andrieu dit que des budgets conséquents sont alloués à la restauration des édifices mais que le mobilier est le plus souvent oublié. Les crédits de restauration pour les objets sont médiocres et il n’y a pas de véritable politique. Dans le cas de Saint-Étienne de Toulouse par exemple, tous les crédits de plus d’une dizaine d’années sont mobilisés par la restauration des tapisseries.

Au titre des questions diverses, des informations sont données sur une fouille de sauvetage à Auterive, qui devrait être réalisée à l’occasion de la construction d’un lotissement. L’intervention archéologique n’a été que très difficilement acceptée par le promoteur, après qu’il a été averti via le préfet et qu’une lettre comminatoire lui a été adressée. Le sondage d’évaluation a mis au jour une maçonnerie antique à mortier de tuileau présentant une petite abside et un second mur sans liaison avec le premier ; un peu plus loin, c’est un four romain qui a été identifié. On attend maintenant la décision définitive pour savoir si la fouille aura lieu.

Le Secrétaire général rappelle qu’une prochaine séance devra être en partie consacrée à l’examen des travaux effectués dans les bâtiments du collège de Périgord. On souligne qu’il serait nécessaire, en préalable à toute discussion, que soit rappelé l’historique précis des projets et du déroulement des travaux. 

Alors que la bibliothèque municipale de la rue de Périgord rouvre aujourd’hui ses portes, il est signalé que le mobilier d’origine a complètement disparu, que les profils des menuiseries ont été modifiés et que les nouveaux verres sont peu adaptés, aboutissant à une modification substantielle de l’œuvre de Montariol. On fait par ailleurs remarquer que le bâtiment est inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques et que, après appel d’offres, c’est l’architecte des bâtiments de France qui a été chargé du réaménagement intérieur. On aimerait savoir ce que sont devenues les tables de travail d’origine.
            On s’étonne par ailleurs que la réserve des livres anciens ait été installée en sous-sol. En outre, la plaquette de présentation éditée à l’occasion de la réouverture de la bibliothèque fait une notable bévue en affirmant que l’architecte Montariol a été influencé par Le Corbusier. Le flâneur de L’Auta pourrait peut-être consacrer sa prochaine chronique à la Bibliothèque municipale.


M.S.A.M.F., t. LXIII, p. 268

SÉANCE DU 11 MARS 2003

Présents : MM. Cazes, Directeur, Coppolani, Directeur honoraire, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mme Cazes, MM. l’abbé Baccrabère, Gilles, le Père Montagnes, MM. Pradalier, Prin, Mgr Rocacher, MM. Tollon, Vézian, membres titulaires ; Mmes Andrieu, Bayle, Czerniak, Fraïsse, MM. Geneviève, Gironnet, Laurière, Manuel, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mme Pradalier-Schlumberger, Présidente, Mme Napoléone, MM. Bordes, Boudartchouk, Garland, Lapart.

Le Directeur ouvre la séance en excusant notre Présidente, qui vient d’être victime d’une chute et ne pourra donc se joindre à nous ce soir. Il demande à la Compagnie de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Luc Boudartchouk, empêché, et de ce fait un ordre du jour qui a dû être improvisé mais qui nous promet malgré tout une séance assez complète et intéressante.

Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 4 février, qui est adopté. Puis c’est au tour du Secrétaire général de donner lecture du procès-verbal de celle du 18 février dernier, qui est adopté.

Le Directeur souhaite alors la bienvenue à M. Raymond Laurière qui prend séance ce soir, puis il présente deux ouvrages offerts pour notre bibliothèque :

Notre confrère Pierre Garrigou Grandchamp offre encore à notre Société une photographie positive sur plaque de verre représentant le pont Neuf de Cahors, démoli en 1906. L’intérêt de ce cliché réside aussi dans la vue de la ville qui se développe en arrière plan. Au nom de notre Société, le Directeur remercie les donateurs.

CAHORS. LE PONT NEUF démoli en 1906.

L’ordre du jour appelle l’examen des rapports sur les travaux présentés au concours. Le Directeur rappelle que nous avons cette année à attribuer le prix de Clausade, doté de 450 € et accompagné d’une médaille d’argent.


M.S.A.M.F., t. LXIII, p. 269

Bruno Tollon donne lecture de son rapport sur le mémoire de maîtrise de Mlle Élisabeth Lelu, Les vitraux de la fin du Moyen Âge de la basilique Saint-Nazaire de Carcassonne, sous la direction de Michèle Pradalier-Schlumberger, Université de Toulouse-Le Mirail, 2002, 3 vol.
            Puis Quitterie Cazes rend compte du mémoire de maîtrise de M. Yann Henri, L’occupation du sol en moyenne vallée de Garonne pendant l’Antiquité et le Moyen Âge : l’exemple de la commune de Muret, sous la direction de Nelly Pousthomis-Dalle, Université de Toulouse-Le Mirail, 2002, 2 vol.

Le Directeur résume les avis des deux rapporteurs et la décision est soumise au vote. Il est décidé de réserver le prix de Clausade et d’attribuer à titre d’encouragement une médaille d’argent à Mlle Élisabeth Lelu et une médaille de bronze à M. Yann Henri. 

La parole est à Patrice Cabau qui signale à la Compagnie l’enlèvement récent du chrisme roman de la rue de la Blanchisserie, dans le quartier de Guilheméry à Toulouse. Une plage de ciment gris a remplacé le relief qu’il nous avait présenté en 1989 (M.S.A.M.F., t. LIX, 1989, p. 121-135). Patrice Cabau essaiera d’obtenir sur place des renseignements sur le sort qui a été réservé à ce chrisme, ce qu’il n’a pu faire jusqu’à présent faute de temps.
            Le Directeur dit qu’il est toujours triste de voir disparaître un élément de notre patrimoine, puis il indique que lorsque Patrice Cabau a publié ce chrisme jusqu’alors inconnu, Denis Milhau et lui-même ont cherché à prendre contact avec les propriétaires afin de l’acquérir pour le Musée des Augustins : la démarche a été vaine, se perdant dans les méandres de la co-propriété. Le Directeur ajoute qu’il faudra être très attentif aux ventes publiques et surveiller les devantures des antiquaires… Louis Latour veut espérer que le chrisme ait été mis à l’abri par l’un des propriétaires, comme cela s’est produit à Auterive où un boulanger a sauvé une pierre ornée d’armoiries qui se trouvait dans le rempart en la plaçant dans sa boutique.

Guy Ahlsell de Toulza présente une collection de terres cuites émaillées de Giroussens en cours d’acquisition pour le Musée de Rabastens :

« Les potiers de Giroussens

Le village de Giroussens est situé au bord d’un plateau, surplombant l’Agout, affluent du Tarn. Il profite de la prospérité économique de l’Albigeois pendant le XVIIe siècle et apparaît dans un rapport de 1675 comme un bourg très actif : “Les habitants – estimés à un millier pour le consulat – en général n’y sont pas riches, on y fabrique une fort grande quantité de pots de terres, les meilleurs et les plus beaux qui se fassent dans tout le pays”. En effet, sur soixante-douze hameaux que compte le territoire, seize sont concernés par l’activité potière et sont essentiellement regroupés sur la lisière ouest de la forêt. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, le noyau initial s’élargit avec l’installation de nouveaux potiers jusqu’à la baisse d’activité marquant le début du XIXe siècle avec une diminution du nombre des artisans et des fermetures d’ateliers intervenant entre 1791 et 1828. En définitive ce sont les implantations les plus anciennes qui seront les plus vigoureuses. Il faut noter que l’activité est fragmentée sur l’ensemble du territoire communal et se concentre surtout dans une zone où l’approvisionnement en matières premières est facile.

À la lecture des archives, il n’y a pas de hiérarchie entre les artisans potiers mais ce terme recouvre des situations variées : à côté des ateliers les plus importants et les mieux équipés, nombre de potiers disposant d’un atelier ne disposent pas de four et sont obligés de louer celui du voisin, ou encore certains “potiers-journaliers” ne possèdent même pas leur propre atelier. Jusqu’au milieu du XVIIe siècle ces potiers, en majorité issus d’un milieu agricole très modeste, sont originaires de Giroussens et des communes voisines. Puis, peu à peu, ils viennent de plus loin : Tarn, Haute-Garonne, Aude. Possédant terres et troupeaux, ils trouvent alors dans l’artisanat les revenus nécessaires à leur existence. La communauté des potiers n’est pas un milieu homogène : activité d’appoint ou à part entière, la majorité appartient aux classes les plus modestes de la population même si certains jouissent d’une certaine aisance leur permettant d’acquérir des biens fonciers. 
            Entre 1535, date du premier document connu mentionnant l’activité d’un potier à Giroussens, et 1789, on a pu recenser 592 artisans, propriétaires ou non d’un atelier. De 1550 à 1750, le groupe connaît une forte croissance et les années 1700-1750 marquent l’apogée du nombre des potiers (ils sont alors plus de quatre-vingt). Leur effectif diminuera ensuite progressivement, à cause de la multiplication des faïenceries en Haut-Languedoc et du développement de la vaisselle d’étain : la terre cuite est désormais réservée à l’usage domestique et à la cuisine. 
            Indépendamment de la concentration géographique, la cohésion de ce groupe d’artisans est accentuée par plusieurs faits sociologiques, dont une véritable endogamie professionnelle. Une corrélation existe en effet entre la transmission familiale du métier et le partage égalitaire des héritages, faisant perdurer, souvent pendant plus de deux siècles, de véritables dynasties de potiers, tels les Massiés, Cadaux ou Roques. La confrérie de Sainte-Rufine, enregistrée par un acte notarié du 18 juillet 1618, est un autre élément de cohésion : les cotisations de ses membres permettent par exemple de donner une sépulture décente aux plus démunis. 
            Enfin il arrive que les potiers s’associent à la vie communale, comme Jean Roques, consul de Giroussens en 1605, ou religieuse, tel Jean Sales assurant en plus de son artisanat la charge de marguillier du Bassin du Purgatoire de l’église de Saint-Salvy dans les années 1580.


M.S.A.M.F., t. LXIII, p. 270

De par sa situation géographique, Giroussens dispose de toutes les matières nécessaires à la réalisation de terres cuites : le bois est prélevé gratuitement dans la forêt royale, l’argile est fournie par des bancs situés en surface à l’est du village, le plomb nécessaire à la glaçure est importé d’Angleterre mais son approvisionnement se fait auprès des grands centres que sont Bordeaux et Toulouse. 
            L’équipement des potiers est connu, quant à lui, par les inventaires après décès qui fournissent des listes riches en détails. Les poteries de Giroussens sont généralement tournées sur des virols (tour en occitan), à l’exclusion des anses et des goulots façonnés à la main. La pièce façonnée est détachée du tour à la ficelle, puis mise à sécher sur des planches en peuplier dans un lieu bien aéré. Après évaporation de l’humidité, le potier peut reprendre la pièce pour affiner son profil : l’opération est appelée “tournassage”. Les pièces devant être peintes sont recouvertes d’un engobe blanc, support de tous les décors. Après la première cuisson, la pâte prend le plus souvent une couleur rouge brique (à l’exclusion de l’engobe) et sa texture est légèrement sableuse et micacée. Une fois refroidis les biscuits peuvent être peints : les couleurs employées – vert, brun, jaune et bleu – sont obtenues à partir d’oxydes métalliques. La glaçure est aussi préparée dans l’atelier grâce à un mélange à base de silice et d’oxyde de plomb. Elle est posée en dernier et servira à protéger le décor. 

Musée de Rabastens. Cliché Matthieu Ferrier.

Musée de Rabastens. Cliché Matthieu Ferrier.

Les céramiques traditionnelles attribuées aux ateliers de Giroussens se déclinent sous forme de plats et d’assiettes à décor peint et à quelques pièces dites de “forme” : fontaines, réchauds, bénitiers d’église ou de chevet... Les potiers effectuent eux-mêmes le transport de leur production, dont ils assurent directement la vente auprès d’une clientèle aisée appartenant à la bourgeoisie et à l’aristocratie de l’Albigeois. Cependant les recherches récentes, notamment les fouilles archéologiques, permettent de mieux connaître la zone de diffusion. Assez curieusement des céramiques de Giroussens sont parvenues jusqu’au Canada et aux États-Unis : on a découvert des tessons à Place-Royale (Québec), dans un contexte daté de 1701, ainsi que dans la forteresse de Louisbourg occupée par les Français du début du XVIIIe à 1760. Le navire français Le Machault coulé par les Anglais le 8 juillet 1760 nous a livré des assiettes et des plats ornés de motifs géométriques verts et bruns appartenant à la production de Giroussens. La terre cuite de Giroussens, très originale, à la fois populaire et naïve avec ses décors de fleurs, d’oiseaux, de personnages et ses couleurs de bleu cobalt, jaune ou brun violet, a connu son apogée durant le règne de Louis XIV. Face à la concurrence de la faïence et ensuite de celle de la vaisselle en étain les décors s’appauvriront peu à peu, au cours du XVIIIe siècle et jusqu’au milieu du XIXe siècle. On n’utilisera plus dès lors cette poterie simplement vernie qu’à des fins domestiques et utilitaires.

La collection de Marie-Louise Galinier

Le dimanche 5 janvier 2003 disparaissait dans sa maison des Vergnettes, près de Buzet, Marie-Louise Galinier, une antiquaire bien connue à Rabastens et dans tout notre Midi toulousain. Grande spécialiste de la céramique, expert près de la Chambre nationale des experts spécialisés, elle avait publié en 1982, avec G. Fouet et G. Savès, un ouvrage de référence devenu aujourd’hui introuvable: La Céramique toulousaine.


M.S.A.M.F., t. LXIII, p. 271

Marie-Louise Serres est née à Graulhet en 1929. Elle devient rabastinoise par son mariage en 1950 avec notre ami Lucien Cadaux et s’installe dans la maison de la route de Saurs, à la fois atelier de restauration et boutique d’antiquité, que les vieux Rabastinois ont bien connue. 
            Plus tard, à la suite d’une séparation, Marie-Louise Cadaux-Serres, rejoint aux Vergnettes Victor Galinier, lui aussi antiquaire, passionné d’horlogerie, originaire de Puylaurens. La boutique attire alors les musées, les marchands et les amateurs de la France entière. Victor et Marie-Louise Galinier seront parmi les membres fondateurs du Salon des Antiquaires de Toulouse où ils ont un stand toujours très remarqué, abondamment garni de faïences et de porcelaines de haute qualité.

Depuis son mariage à Rabastens avec Lucien Cadaux, Marie Louise s’est passionnée pour les terres cuites vernissées de Giroussens, dont les décors populaires et le mystère de la production avaient su la séduire.
            Giroussens, entre Graulhet, sa ville natale, et Rabastens, sa ville d’adoption, avait eu entre le XVIe et le XIXe siècle une très importante production de terres cuites vernissées au plomb. La vaisselle utilitaire, cassée depuis longtemps et que nous ne connaissons que par les fouilles archéologiques, a quasiment disparu alors que les 70 potiers environ, qui ont travaillé pendant trois siècles, en ont produit des millions d’exemplaires ! Seuls ont été conservés des plats et des assiettes à décor peint, formant une vaisselle d’apparat dont on ne connaît plus aujourd’hui qu’environ 300 pièces... Edmond Cabié, Casimir Lauzeral, Émile Rieux, puis plus récemment Félix Mathieu et Lucien Rafin avaient remarqué l’originalité de ces terres cuites.
            Pendant un demi siècle Marie-Louise Galinier n’a cessé de traquer dans toute la France, dans les Foires et les Salons, dans les brocantes et les déballages, chez les particuliers ou dans les ventes aux enchères, ces pièces d’apparence modeste, populaire mais uniques (car il n’y a pas deux pièces identiques) qui n’intéressaient alors que peu de collectionneurs hors de l’Albigeois ou du Toulousain. 
            Cette quête passionnée devait lui permettre de regrouper 57 plats et assiettes, une fontaine, un bénitier et un tableau du début du XIXe siècle représentant Giroussens vu de la plaine de Saint-Lieux. Cette collection est unique au monde.

Ainsi à titre de comparaison, on peut citer :

- 2 plats au musée de la Céramique de Sèvres
- 3 plats au musée des Arts Décoratifs à Paris
- 1 plat au musée de Rotterdam
- 3 bénitiers, 1 fontaine et 2 assiettes au musée Lafage à Lisle-sur-Tarn
- 2 assiettes au musée Goya à Castres
- 2 plats au musée Toulouse-Lautrec à Albi
- 3 fontaines et 3 grands bénitiers d’église au musée de Lavaur
- 8 plats, 1 assiette et 4 fontaines au musée Paul-Dupuy à Toulouse
- 1 plat, 1 assiette, un réchaud, une fontaine et 1 bénitier au musée du Vieux Toulouse
- 2 plats au musée d’Agen
- 2 plats dans les musées de Montauban.

Il y a aussi une quinzaine de collections privées possédant chacune de une à quinze pièces.

C’est dire l’importance majeure de la collection Galinier qui comprend à elle seule 20 % des Giroussens connus à ce jour : 60 pièces sur 300 !

De plus cette collection a le mérite d’être très représentative de la production de Giroussens du milieu du XVIIe à la fin du XVIIIe siècle et elle complète parfaitement la collection que possède déjà le musée du Pays Rabastinois (anciennes collections Bérenguier, Boyals, de Fournas, de Toulza, Simon, Périès etc.). 
            Les pièces exceptionnelles, uniques, y sont nombreuses, comme les plats au retable ou au bouquet dans un vase (XVIIe siècle), les décors aux oiseaux (XVIIIe siècle), d’une modernité stupéfiante ; mais ce sont surtout les trois plats et les cinq assiettes rarissimes ornés de personnages, dont certains peints en bleu, qui tiennent la vedette, formant là encore un ensemble sans équivalent. 
            Le bénitier, qui porte les armes de Jean-Jacques de Boyer d’Odars, conseiller au Parlement de Toulouse et syndic général de la province de Languedoc en 1696, permet une intéressante datation.

Cette collection était connue des Rabastinois pour avoir été exposée au musée du Pays Rabastinois en 1999, puis au musée Paul-Dupuy à Toulouse en 2001.
            La disparition brutale de Marie-Louise Galinier risquait d’entraîner la dispersion de cet ensemble réuni avec tant de patience et de ténacité. Les contacts personnels entre notre président d’honneur, Paul Duchein, un ami de toujours, et Dominique Besançon, la fille unique de Lucien Cadaux et de Marie-Louise, a permis de conserver la totalité des soixante pièces au musée du Pays Rabastinois, dans une salle qui lui sera dédiée. Grâce au vote unanime du Conseil municipal, elle va entrer dans le Patrimoine national.
            Cette acquisition se fera avec l’aide de l’État et de la Région grâce au Fonds Régional d’Acquisition pour les Musées (FRAM), l’aide du Département du Tarn et d’une souscription publique. Elle intervient très opportunément après la signature par l’État et les collectivités locales du P.E.P., le Projet Économie et Patrimoine, qui réunit en réseau le centre archéologique de Montans pour l’Antiquité, le musée du Pays Rabastinois pour l’époque médiévale et moderne et la Maison de la Céramique Contemporaine de Giroussens autour de la promotion de l’art de la terre cuite dans le Tarn.
            Dans ce cadre, le musée prévoit d’installer dans deux salles du rez-de-chaussée les collections de terres cuites


M.S.A.M.F., t. LXIII, p. 272

vernissées de Giroussens, ainsi que les œuvres de Léonardi et de Mireille Lobligeois. Ce sera le point de départ d’un centre de documentation et de recherche sur la terre cuite dans le Midi toulousain, en liaison avec l’Université de Toulouse qui prévoit une exposition sur ce thème au musée à l’automne 2003, suivie d’un colloque en mars 2004 à Rabastens. Avec une centaine de Giroussens, le musée du Pays Rabastinois devient sur ce thème un endroit incontournable, d’importance nationale.

Guy AHLSELL de TOULZA »

 

La parole est ensuite à Olivier Testard pour une présentation de l’étude en cours d’un immeuble du centre ancien de Montauban.

Le Directeur remercie les trois orateurs qui ont si bien su relever le défi en improvisant leurs communications et il fait appel aux questions sur celle d’Olivier Testard.
            Patrick Gironnet déclare avoir été très intéressé par l’analyse très attentive de notre confrère, qui montre une fois de plus tous les enseignements que l’on peut tirer d’un examen détaillé des édifices anciens. À propos des mises en œuvre, il a bien noté les joints rubanés des parements du XVIe siècle et il voudrait savoir si les joints du XVIIIe siècle sont biais. Olivier Testard résume les grandes phases de la chronologie relative et montre que les joints des parties attribuables au XVIIIe siècle sont des joints pleins, probablement rougis autour des baies et enduits ailleurs. Il connaît des joints coupés pour le Moyen Âge et des joints rubanés du XIIe siècle dont la fonction est de retenir l’enduit. Au château de Merville, des joints ronds rougis sont refendus par un tracé au fer qui régularise le dessin des briques. Olivier Testard cite encore un immeuble du XVIIIe siècle, rue d’Astorg à Toulouse, où les joints horizontaux correspondent aux joints réels alors que les joints verticaux sont en fait retaillés dans la brique, donnant l’illusion de joints superposés.
            Maurice Scellès précise que l’étude en cours présentée ce soir par notre confrère s’inscrit dans un programme d’études monographiques d’édifices significatifs du centre ancien de Montauban, conduit par la Ville avec le soutien de la Direction régionale des Affaires culturelles. Olivier Testard donne quelques indications sur les deux autres édifices qui ont déjà été étudiés, dont un conserve deux fenêtres géminées médiévales.
            Patrick Gironnet évoque le cas de Cordes, haut lieu de conservation de l’habitat médiéval, en indiquant qu’il y a bon espoir de voir se mettre en place une Z.P.P.A.U.P. Des découvertes s’y font tous les jours mais de nombreux bâtiments sont également à l’état de ruines. En outre, si la réhabilitation est nécessaire à la sauvegarde, nous savons qu’elle provoque des pertes irrémédiables. Il importe donc de documenter au maximum les bâtiments afin d’orienter au mieux les restructurations nécessaires. Olivier Testard abonde dans ce sens en soulignant que la question se pose dans tous les centres anciens. Leur revitalisation passe par des aménagements souvent problématiques, le cas le plus fréquent étant celui de l’installation d’un ascenseur pour lequel il importe de trouver l’emplacement le plus adéquat. La connaissance archéologique la plus complète du bâtiment est toujours nécessaire.

 


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