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BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE
1989-1990
M.S.A.M.F. t. L, page 175
Séance du 21 novembre 1989
Présents : MM. Leblanc, Président, Pradalier, Directeur, Coppolani,
Secrétaire général, Fouet, Bibliothécaire-archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier,
Cazes, Secrétaire adjoint ; Mmes Cazes, Merlet-Bagnéris, MM. Boudet, Cabau, Catalo, le
général Delpoux, G. Fabre, Hermet, Lassure, Latour, Manière, le général Ménard,
Péaud-Lenoël, Péligry, l'abbé Rocacher, Scelles.
Excusés : MM. Bernet, l'abbé Baccrabère.
Invité : M. Pascal Julien.
Le Président déclare ouverte l'année académique
et demande à chacun des membres de bien vouloir lui faire connaître ses propositions de
communication. Il informe ensuite l'assemblée qu'il a autorisé au cours de l'été une
consultation des archives de Bertrand Sapène relatives à Saint-Bertrand de Comminges. Il
est suggéré que la Société publie ces archives.
Après lecture du communiqué intitulé «
Bataille de Saint-Sernin ». La société archéologique dlu Midi de la France prend
position, publié dans La Dépêche du Midi du jour, un débat s'instaure dans
l'assemblée sur la teneur et l'opportunité d'une prise de position publique de la
Société dans la controverse actuelle sur la restauration de Saint-Sernin.
Le Président propose d'organiser une séance spécialement consacrée
à la basilique. Le Secrétaire-adjoint suggère une analyse du problème en trois étapes
: visite des parties concernées par la restauration à Saint-Sernin, présentation des
documents de l'exposition Saint-Sernin de Toulouse : trésors et métamorphoses au
musée Saint-Raymond, puis discussion à l'hôtel d'Assézat. Henri Pradalier pense que
deux séances seront nécessaires. Il ajoute qu'il serait bon de constituer, après ces
deux séances, un groupe de recherche sur Saint-Sernin permanent au sein de la Société.
Le Président donne la parole au général Ménard pour la communication du jour sur Les Cloches du Volvestre.
L'enquête a porté sur plus de quatre cents cloches pendues aux cent trente clochers qui
s'élèvent sur le territoire de l'ancien diocèse de Rieux. Cette étude très complète
s'est étendue à la technique de fonte, aux caractéristiques musicales des cloches, à
leur épigraphie et à leur décor, aux chansons et aux dictons qu'elles ont inspirés.
Elle a permis de mettre en relief l'intérêt des cloches comme élément important et
trop ignoré de notre patrimoine rural.
Le Président remercie le général Ménard pour cette intéressante
étude et lui demande des renseignements complémentaires sur les fondeurs de cloches.
Henri Pradalier mentionne leur activité à Pamiers. Georges Fouet et Quitterie Cazes
voudraient savoir si le général Ménard a pu localiser les endroits où avaient été
fondues les cloches dont il a parlé. Henri Pradalier rappelle que les fondeurs de cloches
partaient le jour des Cendres et avaient une activité itinérante. Daniel Cazes souhaite
savoir à quelle époque on peut fixer le changement de la forme des cloches. Dans
l'Antiquité et pendant le haut Moyen Âge, elles semblent avoir eu une forme conique; les
cloches gothiques prennent la forme d'une coupe. Comment étaient les cloches de l'époque
romane ? Henri Pradalier signale des cloches représentées sur des miniatures
mozarabes. L'abbé Rocacher attire l'attention sur une rare cloche en fer de Rocamadour.
Georges Fouet demande au général Ménard s'il a trouvé des documents concernant
l'inclusion de pièces d'argent dans le métal en fusion destiné aux cloches comme cela
est attesté. Le général Ménard signale aussi une cloche flamande. Jean-Michel Lassure
la met en relation avec de nombreux plats de quête portant, dans notre région, des
inscriptions en flamand ou allemand. Jean Coppolani évoque un plat de quête de ce type
à Frouzins. Une discussion s'engage aussi sur les plus anciennes cloches connues. Le
Président évoque les écoles de carillonneurs. Claude Péaud-Lenoël serait curieux de
connaître des relations de chutes de cloches. Pascal Julien rapporte qu'au milieu du XVIe
siècle, le clocher de Saint-Sernin a failli s'effondrer et que Nicolas Bachelier a donné
la solution pour le consolider.
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Séance du 2 décembre 1989
Présents: MM. Leblanc, Président, Pradalier, Directeur, Coppolani, Secrétaire général, Fouet Bibliothécaire-archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire adjoint; Mme Cazes, MM. Bongiu, Cabau, le général Delpoux, Latour, Nayrolles, Péaud-Lenoël, Péligry, Scelles, Tollon.
Invités : MM. Jean Deilhes et Pascal Julien.Le Président ouvre la séance sous le grand orgue de la basilique où la Société a été accueillie par l'abbé Jugla, Curé de Saint-Sernin. Henri Pradalier met l'accent sur le caractère informel de cette séance consacrée à une visite archéologique des parties concernées par la restauration actuellement suspendue. Il présente ensuite rapidement les caractéristiques architecturales essentielles de l'édifice et les différentes étapes de sa construction. Il fait remarquer le ralentissement du chantier que marquent des sculptures médiocres puis, à l'extrême ouest, des chapiteaux sculptés datables des vingt dernières années du XIIIe siècle. Dans les baies des tribunes, on observe même des chapiteaux dont on peut situer la réalisation dans les années 1530-1540. Malgré cet achèvement tardif de l'église, on a cherché à respecter son unité romane. Dans les tribunes, tout au plus, apparaissent des arcs faiblement brisés. Au niveau de la dernière travée de la nef, les voûtes des collatéraux mineur et majeur sont, exceptionnellement, à la même hauteur et deux fenêtres superposées éclairent cet endroit. La voûte de la première travée ouest de la nef est également légèrement plus haute que les autres. Le massif occidental a connu des remaniements : lorsqu'on procédera au démontage, pour restauration, du grand orgue, il conviendra de bien observer les éléments architecturaux actuellement cachés. Au-dessus de l'instrument s'élève une haute voûte sur croisée d'ogives à clef annulaire. M. Bongiu compare les chapiteaux gothiques que l'on voit à l'ouest de la nef de Saint-Sernin avec d'autres, selon lui très proches, sculptés pour l'église abbatiale de Beaulieu (Tarn-et-Garonne) entre 1285 et 1291. Guy Ahlsell de Toulza pense que les chapiteaux comportant des têtes aux angles pourraient être datés du XIVe siècle.
Le groupe procède ensuite à l'ascension de l'escalier en vis aménagé dans la tour nord du massif' occidental. Chacun petit noter le passage du plan carré de base de cette tour à une nouvelle uvre de plan octogonal complétée par l'architecte cri chef' des Monuments Historiques Louis-Jean Hulot entre 1927 et 1929 mais restée néanmoins inachevée : comme au sud où l'on observe titre disposition analogue, le projet d'origine demeure inconnu. Au sommet de cet escalier, l'assemblée se retrouve sur les voûtes d'une salle établie au-dessus de la première travée ouest du collatéral. Quitterie Cazes demande à Jean Deilhes, qui étudie dans le cadre de sa maîtrise le massif occidental, s'il peut préciser la datation relative de l'octogone, de la partie haute de l'escalier et du mur angulaire subsistant percé de quatre mirandes qui clôture ce comble. Pour Jean Deilhes, l'octogone est postérieur à l'escalier. Pour Maurice Scelles, la partie terminale de l'escalier et les murs à mirandes sont contemporains. Henri Pradalier appelle ensuite l'attention sur le fait que la première travée de la nef est différente des autres. Il insiste sur la singularité de la voûte sur croisée d'ogives à clef annelée. Une discussion s'engage à propos de cette voûte. Daniel Cazes demande que soit observée la voûte de la dernière travée de type roman de la nef. Le haut comble commun du massif ouest la recouvre et permet donc de voir l'extrados du berceau principal et celui des voûtes des tribunes qui l'épaulent très haut, avec une disposition d'assises de briques en escalier. Ce haut épaulement du berceau des vaisseaux principaux, que l'on perçoit partout à Saint-Sernin, ne doit-il pas entraîner une première réflexion sur la question d'une couverture à pente unique ou d'une couverture à décrochement de pente sur les nefs et les tribunes ? La pente unique lui paraît a priori plus logique si la couverture doit être établie au proche contact de ces voûtes.
L'assemblée se partage ensuite en petits groupes, ce qui rend impossible l'établissement d'un procès-verbal complet et détaillé de tous les débats.
L'un des groupes procède à la visite du comble de la grande nef. Sont remarqués les grands arcs-diaphragme brisés, en brique, établis par Viollet-le-Duc au-dessus de la voûte en berceau. Le flanc ouest du carré de base du clocher de la croisée est observé en détail : il n'a pas été restauré par Viollet-le-Duc et porte encore de grandes plaques d'enduit. On y note surtout les briques en escalier, formant goutte-d'eau ou solin. marquant l'emplacement de la grande toiture unique supprimée par Viollet-le-Duc à partir de 1860. A aussi été reconnue une trace de la reprise du voûtement de la nef, sur l'extrados, au niveau du sixième jour losangé à partir du clocher. On constate les importantes imprégnations d'humidité qui se produisent dans les voûtes récemment recrépies des tribunes septentrionales de la nef et des tribunes du croisillon nord du transept. En cet endroit, et en examinant le projet d'Yves Boiret pour la restauration du transept nord, s'est ouverte une controverse sur la hauteur de la surélévation du bâtiment qui serait entraînée par la reconstruction du mur à mirandes. Selon les membres, cette hauteur a été estimée de deux à cinq mètres, les points de référence étant très divers (contreforts, corniche à modillons, arcature et chéneaux de la restauration de Viollet-le-Duc).
Ce groupe s'est ensuite hissé sur les chéneaux et les toitures des tribunes du croisillon nord du transept puis s'est introduit dans le comble. Là a été observée longuement la face nord du carré de la croisée du transept. Le parement de briques n'a pas été touché, sous comble, par la restauration de Viollet-le-Duc. Il présente différents éléments dignes d'intérêt. En haut, sous le toit actuel, apparaissent les briques cassées du solin d'appareil de la toiture supprimée en 1860. En bas sont deux sortes de saignées obliques, soigneusement ménagées lors de la construction du mur comme l'attestent les briques disposées en gradins. Ces deux cavités sont à peu près tangentes à l'extrados de la voûte en berceau : elles s'interrompent vers le sommet de cette voûte, n'ayant aucune jonction entre elles. Peut-on y voir les traces d'une ancienne toiture ? Quitterie Cazes a entrepris un relevé de cette maçonnerie dont la datation a été discutée.
Le pignon nord du transept a été analysé dans ses différentes composantes : seul l'oculus et les maçonneries qui lui sont immédiatement liées, avec quelques pierres caractéristiques, sont antérieurs à la restauration de Viollet-le-Duc. Les chaînes d'angle appartiennent à cette restauration ainsi que la meurtrière et les couronnements. Une discussion s'est engagée sur les conclusions à tirer
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SAINT-SERNIN DE TOULOUSE, DESSIN DE L'ELEVATION DU MUR SEPTENTRIONAL DE LA SOUCHE CARREE DU CLOCHER, sous le comble du croisillon nord du transept, au-dessus de la voûte du vaisseau majeur. Cette partie de mur appartient à l'étage de transition entre l'extrados des voûtes des vaisseaux principaux et le 1er étage de la tour octogonale de croisée, au niveau des trompes d'angle. Toute la maçonnerie de cette élévation, qui prend appui sur la voûte romane, est cohérente, jusqu'aux reprises du XIXe siècle, à part quelques rebouchages ponctuels. Dans la partie basse, un retrait de 15 cm a été laissé par les maçons dans l'appareil de briques : il forme deux sortes de saignées tangentes à l'extrados de la voûte (indiquées par deux traits noirs plus épais) ; l'intention primitive des constructeurs est difficile à préciser aujourd'hui (Relevé Q. Cazes).
de la présence de cet oculus : Pascal Julien, Jean Nayrolles et Henri Pradalier pensant que cela implique le décrochement de toiture entre les voûtes des tribunes et celle du vaisseau principal, Guy Ahlsell de Toulza, Daniel et Quitterie Cazes n'étant pas convaincus du fait que cet oculus et ses maçonneries adjacentes aient pu permettre à Viollet-le-Duc de restituer en toute rigueur archéologique les toits et le pignon tels qu'il les a réalisés.
C'est le comble des deux travées droites du chur qui a ensuite été visité. Là aussi, le parement oriental du carré de la croisée a été laissé dans son état de 1860. A peu près dans l'axe de l'église, il présente une ouverture rectangulaire qui a été rebouchée et enduite. Au-dessus subsistent quelques traces de la pente de la toiture antérieure à la restauration de 1860-1879. L'extrados de la voûte laisse ici apparaître des pierres grossièrement taillées et d'aspect poreux. Henri Pradalier y voit des restes, très érodés par les intempéries, des dalles de la couverture primitive. Quitterie Cazes croit ces pierres constitutives de l'extrados de la voûte romane. Est alors examinée la face interne du pignon qui domine l'abside majeure. A sa partie inférieure et au contact de la voûte se détache une maçonnerie indéniablement romane, formée, comme dans toutes les parties orientales de l'église, de petites briques fragmentées et de quelques pierres de taille bien dressées. Henri Pradalier se demande s'il pourrait s'agir d'encoches destinées à recevoir les extrémités de pièces de charpente. Guy Ahlsell de Toulza et Daniel Cazes pensent plutôt à un mur écrêté de façon très irrégulière et à un simple arrachement d'assises. Ils font remarquer qu'au-dessus et aux extrémités de ces vestiges informes du pignon roman prennent appui les maçonneries du pignon élevé par Viollet-le-Duc.Vers 17 h, une partie seulement de la société réunie à 14 h 30 s'est retrouvée dans les salles du Musée Saint-Raymond consacrées à l'exposition Saint-Sernin de Toulouse : trésors et métamorphoses.
Odile Foucaud présente, à proximité des dessins de Viollet-le-Duc, la demi-coupe transversale relevée au niveau du chur par l'architecte Jacques-Jean Esquié (n° 84 du catalogue de l'exposition). Ce dessin permettrait de comprendre quelle était la disposition romane des toitures du chur et du transept; il explique le deuxième projet de Viollet-le-Duc (avril 1862, n° 85 du catalogue) qui porte lui-même en germe ce qui sera finalement réalisé après 1862. Daniel Cazes fait remarquer qu'il faut distinguer nettement, dans ce dessin d'Esquié, les parties qui ont effectivement valeur de relevé pour la partie concernée de l'édifice d'une part, et, d'autre part, les reports de tracés rouges qui ont un caractère théorique. Esquié a légendé lui-même l'un de ces tracés : « Trace sur les murs du clocher d'une double ou de la prise d'une toiture ». Quitterie Cazes et Guy Ahlsell de Toulza contestent la validité archéologique de ce tracé rouge : Esquié a pu commettre une erreur d'interprétation et aucun témoin correspondant ne se voit sur la face est du carré de base du clocher. Henri Pradalier et Pascal Julien pensent qu'il s'agit en fait du report de la pente donnée par la saignée oblique observée sur la face nord. Quitterie Cazes ne croit pas cela possible, la ligne rouge tracée par Esquié passant dans l'épaisseur de l'extrados de la voûte, ce qui est infirmé, selon elle, par l'analyse archéologique du rapport entre la voûte du transept nord et la structure de cette saignée. Odile Foucaud, Pascal Julien et Henri Pradalier pensent que cette saignée doit se poursuivre dans l'épaisseur de l'extrados de la voûte et qu'un petit sondage permettrait de s'en assurer. Odile Foucaud croit que la voûte a été
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rechargée, ce qui dissimule la trace vue par Esquié. Il est convenu d'aller réexaminer ce point important sur place le mercredi 6 décembre.
Henri Pradalier appelle l'attention sur la présentation dans l'exposition d'une très intéressante peinture datée de 1646 et mettant en scène la translation du corps de saint Saturnin par saint Exupère (n° 122 du catalogue). Le cortège se dirige vers l'avant-porte Miègeville. Ce tableau montre le flanc sud de l'église. A la partie supérieure apparaissent les mirandes. Au-dessus du collatéral mineur, dissimulant les fenêtres des tribunes et même certaines mirandes, à l'aplomb de la porte Miègeville, sont des constructions annexes pouvant correspondre à des salles et à une galerie à claire-voie ou loggia. Pascal Julien croit que l'on pourra, à partir de l'étude des archives des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles définir la date et la nature exacte de ces apports architecturaux. Henri Pradalier et Patrice Cabau tentent ensuite de repérer sur les autres documents anciens de l'exposition (peintures, lithographies, calotypes) les vestiges de ces adjonctions.
Séance du 5 décembre 1989
Présents : MM. Leblanc, Président, Pradalier, Directeur, Coppolani, Secrétaire général, Fouet, Bibliothécaire-archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire adjoint; Mmes Cazes, Noé-Dufour, MM. Bernet, Blaquière, Bongiu, Cabau, le général Delpoux, G. Fabre, Latour, Nayrolles, Péligry, l'abbé Rocacher.
Invités : Mme Dominique Watin-Grandchamp, MM. Jean Deilhes et Pascal Julien.Le procès-verbal de la séance précédente est adopté. Henri Pradalier projette des diapositives qui viennent illustrer la visite de Saint-Sernin et de l'exposition du Musée Saint-Raymond. En présentant des vues du revers du pignon de croisillon sud du transept, il fait remarquer que sa maçonnerie romane subsistante est plus large qu'au nord et que toutes les reconstitutions graphiques établies à partir des pignons de la cathédrale Saint-Jacques de Compostelle indiquent des toits à décrochements. Des vues de Compostelle et de Conques pourraient appuyer cette explication, qui doit être aussi valable pour Saint-Sernin. Guy Ahlsell de Toulza croit en la possibilité d'une couverture unique laissant apparaître extérieurement les oculi du transept de Saint-Sernin. Sur l'un des calotypes présentés à l'exposition Saint-Sernin : trésors et métamorphoses, l'on voit que l'organisation du toit unique se fait en fonction de l'oculus du croisillon sud. Henri Pradalier rappelle que ce toit est tardif et que ses constructeurs ont été gênés par une ligne de pente antérieure. Guy Ahlsell de Toulza aimerait qu'on lui démontre la nécessité d'une rupture de pente à Saint-Sernin en cet endroit à l'époque romane. Pour lui, ce qui prime lors de l'établissement d'une toiture, c'est son efficacité. Annie Noé-Dufour juge qu'il est plus compliqué de mettre en place des grandes toitures car cela entraîne la recherche de pièces de bois plus importantes qu'on se procure difficilement. Pascal Julien argumente aussi en ce sens et insiste sur les problèmes qui sont alors posés au charpentier. Daniel Cazes tient à préciser que l'on ne sait rien sur le toit d'origine des parties romanes de la basilique ; il n'était pas obligatoirement fait de charpente et couvert de tuiles. Pascal Julien dit pouvoir démontrer, grâce aux textes d'archives, qu'en 1512 toutes les toitures de Saint-Sernin étaient en ruine. Dominique Watin-Grandchamp fait mention d'archives du XVIe siècle où l'on trouve des comptes correspondant à l'achat de tuiles, notamment en 1552 où il est à la fois question de tuiles canal et de tuiles planes. Daniel Cazes pense que cela ne prouve rien quant à la forme et aux matériaux utilisés pour les toitures de l'époque romane. Il se demande par ailleurs quelle était la fonction réelle des tuiles planes mentionnées dans ces comptes.
Quitterie Cazes rappelle que, en dehors de ceux éventuellement conservés à la base du clocher, les seuls éléments romans sont ceux des pignons nord, sud et est de la basilique et qu'ils ne nous permettent pas beaucoup de conclusions. Une nouvelle discussion s'engage alors sur la fonction des trous apparents au revers du pignon sud : Henri Pradalier et Pascal Julien y reconnaissent la trace de la charpente du toit roman, Guy Ahlsell de Toulza penchant plutôt en faveur de trous de boulins d'échafaudages. Quitterie Cazes croit que Viollet-le-Duc n'avait pas plus d'informations que nous sur la couverture romane. Henri Pradalier répond qu'il est sûr, au demeurant, qu'il n'existait pas de mirandes à l'époque romane. Guy Ahlsell de Toulza juge que, s'il y a eu charpente romane, elle n'a pu concerner que les parties orientales de l'église et que l'on peut s'interroger sur l'existence d'une charpente provisoire sur la nef. Aurait-on modifié ce premier toit roman rapidement ? Henri Pradalier pense qu'il y a eu un premier toit roman.
Un débat s'engage sur la valeur archéologique de l'actuel projet de restauration et sur ce que doit être une intervention sur Saint-Sernin en cette fin du XXe siècle.
Jean Nayrolles intervient en disant qu'il convient d'évaluer la qualité et la valeur historique de la création de Viollet-le-Duc à Saint-Sernin. Il s'agit d'apprécier la place de Saint-Sernin dans l'art du XIXe siècle. Pour Jean Nayrolles, Saint-Sernin c'est aussi la source et l'apogée du rationalisme en matière de restauration monumentale : la source en 1846 avec le premier projet non réalisé de Viollet-le-Duc, l'apogée avec son deuxième projet caractérisé par l'ajout des murs acrotères. En 1846, le projet de Viollet-le-Duc pour Saint-Sernin n'est pas une idée banale, ajoute Jean Nayrolles, pour qui la restauration de 1860-1879 n'est peut-être pas très belle mais est très importante. Jean Nayrolles note que l'on cite souvent l'article restauration du Dictionnaire raisonné de l'architecture de Viollet-le-Duc, qui est postérieur à la restauration de Saint-Sernin. En fait, précise-t-il, il existe un autre texte de Viollet-leDuc sur la définition de la restauration et ce texte pourrait être signé par un architecte d'aujourd'hui. La Madeleine de Vézelay a fait couler beaucoup d'encre car Viollet-le-Duc l'a sauvée. La malchance de Viollet-le-Duc à Toulouse, pour la postérité de son uvre, vient peut-être du fait qu'il n'a pas sauvé Saint-Sernin. Il évoque la célébrité de l'architecte lors de sa restauration, grâce à Napoléon III, du château de Pierrefonds. Il montre comment Viollet-le-Duc est devenu de nos jours un personnage « médiatique » et comment, à Toulouse, son sort est assez curieux. Selon lui, Viollet-le-Duc fut sans doute un architecte médiocre, mais qui demeure important.
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Aurel Bongiu souligne l'honnêteté intellectuelle de Viollet-le-Duc ; toutefois, l'architecte vieillissant aurait systématiquement tout rationalisé. L'abbé Jean Rocacher relève un paradoxe toulousain de la fin du XXe Siècle : au moment où l'on veut dérestaurer Saint-Sernin, l'on va inscrire à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques l'aile « Viollet-le-Duc » du Musée des Augustins.
Le Président donne connaissance d'une lettre qui lui a été adressée par le Directeur Régional des Affaires Culturelles à propos du communiqué publié dans La Dépêche du Midi du 21 novembre dernier. Une discussion s'ensuit sur un éventuel second communiqué qui pourrait donner l'état des recherches et des débats au sein de la Société. Dans le même temps, la discussion se porte à nouveau sur la question des restaurations : doctrine unique ou étude au cas par cas ? Saint-Sernin constitue-t-il un précédent ? Peut-on faire disparaître un état du XIXe siècle dans un Monument Historique ? Comment juger des arguments techniques qui, en outre, engagent la responsabilité de l'architecte en chef quant à la conservation du monument dans l'avenir ?...
Séance du 19 décembre 1989
Présents : MM. Leblanc, Président, Pradalier, Directeur, Coppolani, Secrétaire général, Fouet, Bibliothécaire-archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire-adjoint; Mmes Cazes, Labrousse, Merlet-Bagnéris, Noé-Dufour, MM. Bernet, Blaquière, Cabau, Catalo, G. Fabre, Hermet, Lassure, Latour, Manière, Nayrolles, Péaud-Lenoël, Péligry, Prin, l'abbé Rocacher, Scelles.
Excusés : le général Ménard, M. Gérard.Après discussion, le procès-verbal de la séance précédente est amendé et adopté.
Après lecture des rapports sur leurs candidatures, Mlle Evelyne Ugaglia et M. Pascal Julien sont élus membres correspondants.
Le Président indique qu'il a reçu des lettres de candidature de Mme Marie-Geneviève Colin, Directeur des Antiquités Historiques de Midi-Pyrénées, et de M. Robert Gillis.
Un débat s'engage sur l'opportunité d'une prise de position publique de la Société Archéologique du Midi de la France dans le débat actuel sur la restauration de Saint-Sernin, ainsi que sur sa nature. Il est finalement décidé d'envoyer un nouveau communiqué à la presse (La Dépêche du Midi, 17 janvier 1990).
Séance du 10 janvier 1990
Présents : MM. Leblanc, Président, Pradalier, Directeur, Coppolani, Secrétaire général, Fouet, Bibliothécaire-archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire-adjoint; Mmes Labrousse, Ugaglia, MM. Bernet, Bongiu, Cabau Fabre, Hermet, Julien, Lassure, Latour, l'abbé Rocacher, Scelles.
Excusés : Mme Cazes, MM. Blaquière, le général Delpoux, Manière, Péligry.En ouvrant la séance, le Président rappelle les décès récents de deux membres de la Société : le général Henri Ménard et Robert Gavelle.
Le procès-verbal de la séance précédente est adopté. Le Trésorier présente le bilan financier de l'année 1989. A propos des terrains de Martres-Tolosane, on juge qu'il est bon d'en conserver la propriété car il s'agit d'une réserve archéologique qui permettra la reprise des fouilles, la vérification des relevés de Léon Joulin et la découverte de fragments appartenant à des sculptures du Musée Saint-Raymond.
Le Président lit son rapport sur la canditature de M. Robert Gillis, qui est élu membre correspondant.
M. Fouet donne lecture d'une brève communication écrite par M. Gabriel Manière sur La stèle gallo-romaine d'Agassac :
« Au mois de novembre dernier eut lieu à Agassac une réunion de la Société Savès Patrimoine à laquelle je fus invité. Le rendez-vous étant fixé à la Mairie, la fameuse stèle d'Epona fut l'objet de commentaires et je dus en préciser le symbolisme dans les croyances funéraires indigènes de la période gallo-romaine.
Très connue dans le Comminges et dans tous les milieux de l'archéologie française où elle figure à l'inventaire, j'ai profité de cette visite pour demander à un des sociétaires de Savès Patrimoine de m'en faire une diapositive que je vous présente ce soir.
Voici ce qu'en dit le professeur Jean-Jacques Hatt lorsqu'il l'étudia et la publia dans son étude sur Les monuments funéraires gallo-romains du Comminges et du Couserans, en 1945 :
" Stèle en marbre : Haut. 0,67 m.; incomplète; épaisseur : 0, 14 m. Figure à l'inventaire Espérandieu sous le n° 843.
Plaque funéraire. Femme à cheval. Monstres marins. Signes solaires. Représentation symbolique inspirée de croyances indigènes... Je pense qu'il y a là d'abord un type iconographique romain emprunté à l'art funéraire de la Narbonnaise : la Néréide chevauchant parmi les monstres marins. Ce motif avait une signification symbolique. L'artiste indigène l'a adapté, sans le comprendre, pour exprimer une idée religieuse celtique.
Quel est au juste le sens de ce symbole? Faut-il y voir la figuration de l'âme humaine et de sa migration vers les astres ? Faut-il y voir une Epona, déesse funéraire et protectrice des morts ?...
La Néréide a été transformée en paysanne, assise sur sa jument. La position de la femme, dont le bras gauche prend appui sur l'encolure du cheval, est celle même d'Epona, sur les nombreux monuments qui la représentent. Mais l'attitude au galop, et les monstres marins sont une réminiscence du thème classique. Les signes astraux sont une addition indigène, qui précise le sens du symbole : migration de l'âme vers les astres, ou voyage intersidéral d'Epona psychopompe. "
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Le regretté Fernand Benoît a maintes fois repris le symbolisme de la stèle d'Agassac avec l'allégorie de la chevauchée funèbre personnifiée par EPONA, protectrice de l'outre-tombe (F. Benoît, Mars et Mercure, Aix-en-Provence, 1959, p. 180). Elle est aussi sur les stèles funéraires de Luxeuil, de Perthes, de Bagé-la-Ville, de Fontaine-les-Châlons, d'Allerey, d'Epinal, de Trèves, de Coutern (Luxembourg), où elle est désignée l'écuyère Epona.
Je formerai le souhait qu'un moulage de la stèle d'Agassac figure dans les expositions du Musée Saint-Raymond en raison de son symbolisme. »
A la suite de cette lecture, M. Fouet précise que cette plaque sculptée ne représente, selon lui, que la moitié droite de la stèle comme le montre l'inscription incomplète. L'abbé J. Rocacher demande si cette inscription a pu être restituée. M. Fouet répond par la négative et ajoute que l'autre moitié du monument pourrait se trouver dans un jardin de Mondavezan où une entreprise de travaux a récemment découvert plusieurs blocs de pierre.
Séance du 23 janvier 1990
Présents : MM. Pradalier, Directeur, Coppolani, Secrétaire général, Fouet, Bibliothécaire-archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire-adjoint; Mmes Cazes, Labrousse, Merlet-Bagnéris, Noé-Dufour, Mlle Eclache, MM. Bernet, Bongiu, Cabau, Fabre, Gillis, Julien, Latour, Scelles, Tollon.
Excusés : MM. Leblanc, Président, Manière, Péaud-Lenoël, Lassure, l'abbé Rocacher.
Invitée : Mme Dominique Watin-Grandchamp.Le Président étant absent pour raison de santé, le Directeur ouvre la séance. Le procès-verbal de la réunion précédente est lu, amendé et approuvé. Le Secrétaire général fait part de la correspondance manuscrite. Les ouvrages imprimés reçus par la Société sont rapidement indiqués par le Secrétaire-adjoint.
Le Directeur lit une lettre de M. Leblanc qui, pour des raisons de santé, ne souhaite pas présenter une nouvelle fois sa candidature à la présidence de notre Compagnie. M. Pradalier rend ensuite compte de la dernière réunion du Bureau et des propositions de ce dernier pour les élections statutaires provoquées par le changement de Président. On procède au vote et M. Henri Pradalier est élu Président, MM. Jean Coppolani et Georges Fouet étant réélus respectivement Secrétaire général et Bibliothécaire-archiviste.M. Pradalier propose de conférer à M. Leblanc le titre de Président honoraire, ce qui est accepté à l'unanimité. Il précise ensuite que Mme Watin-Granchamp est co-auteur avec M. Julien de la communication du jour, en rappelant le rôle joué par Maurice Prin qui leur a communiqué les archives.
M. Pascal Julien nous entretient alors de L'uvre de Saint-Sernin au XVIe siècle, qui fera l'objet d'un article des prochains Mémoires de la Société.
Après une première partie de l'exposé consacrée à la Confrérie des Corps-Saints interviennent les questions de plusieurs membres de la Société. A. Bongiu précise le sens du mot operarius qui signifie « maître de l'uvre ». Q. Cazes voudrait savoir si la confrérie représente l'ensemble de la ville, cité et bourg, ou seulement la cité. P. Julien répond que « cité », dans les documents consultés, correspond bien à l'ensemble de la ville. H. Pradalier attire l'attention sur le fait qu'il y a eu deux évêques, au XIIe siècle, nommés Pierre Roger. Pour lui, c'est le premier, qui vit vers 1050, qui a recueilli les premiers fonds pour la reconstruction de l'église. H. Pradalier revient aussi sur le procès de 1516-1517 entre l'abbé de Saint-Sernin et la Table des Corps-Saints. Des précisions Sont demandées sur cette « Table des Corps-Saints ». Selon P. Julien, il s'agit en fait de la confrérie de Saint-Saturnin, appelée par la Suite « des douze apôtres » puis Table « des apôtres » ou « des Corps Saints ». Q. Cazes rappelle qu'il existait pareillement une « Confrérie de Sainte-Anne » ou « Table de Sainte-Anne ». L. Latour voudrait savoir si la confrérie des Corps Saints intégrait des membres issus de toutes les classes de la société et, notamment, si les journaliers et le petit peuple pouvaient en faire partie. P. Julien évoque alors le travail de C. Douais, qui a recensé tous les noms des membres de la confrérie dans l'Histoire du Languedoc. D. Watin-Grandchamp indique qu'il convient de continuer le dépouillement des archives et de montrer la mainmise des laïcs sur l'uvre de Saint-Sernin. Elle suppose que la confrérie a hérité des documents de la fabrique et de l'uvre. Peut-être ces archives contenaient-elles des projets architecturaux ?
A la suite de la deuxième partie de la communication, réservée à l'étude des travaux faits à Saint-Sernin au XVIe siècle, a lieu une nouvelle discussion. Q. Cazes voudrait connaître le sens exact, à Saint-Sernin, de « tegulis planis », désignation employée à Arnaud-Bernard pour des briques et non pour des tuiles proprement dites. D. Watin répond que, grâce aux baux à besogne, l'on suit pas à pas les chantiers et l'on sait exactement à quoi servent les matériaux : à Saint-Sernin, au XVIe siècle, les tuiles « planes et creuses » servent aux toits des chapelles. H. Pradalier s'interroge sur le sens de « cloche » : s'agit-il du clocher ? C'est l'avis de P. Julien qui ajoute que l'on trouve indifféremment « cloche » ou « clochier » dans les textes. H. Pradalier se demande si le plan octogonal des tours occidentales n'est pas antérieur au XVIe siècle. A. Bongiu pense qu'il faut porter une grande attention à ce plan octogonal. Rappelant qu'en 1545 la voûte de la croisée du transept de Saint-Sernin menace de s'effondrer, P. Cabau remarque les moulurations de caractère classique des corniches des parties basses du clocher de croisée. Il les compare à celles que l'on trouve à la base de la coupole nervée de cette même croisée. Il demande si l'on a pu voir des motifs d'écailles ornant la clef annulaire de cette coupole. Pour P. Cabau, les colonnes formant les arêtes du prisme, dans les trois étages bas du clocher, ont été ajoutées lorsque l'on a construit les deux étages supérieurs à l'époque gothique. P. Cabau pense donc que le clocher a été fortement remanié et qu'il n'est pas du XII siècle dans ses parties basses. H. Pradalier ajoute que ce clocher de croisée n'a pas été étudié. Q. Cazes suggère une étude comparative des tours occidentales octogonales et du clocher de croisée. G. Ahlsell de Toulza suggère aussi des comparaisons avec les clo-
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chers octogonaux de façade des cathédrales de Lavaur et d'Albi. P. Cabau pose des questions sur l'actuel beffroi. Selon P. Julien, il est aujourd'hui tel qu'il est demandé dans le bail à besogne du XVIe siècle ; il ajoute qu'il existe également un bail à besogne pour la fonte des cloches. Un échange de vues suit, entre P. Cabau et P. Julien, sur ces cloches et la clef annulaire de la croisée. D. Cazes se demande si les tourelles d'escalier du transept étaient vraiment inachevées au XVIe siècle et si, peut-être achevées, elles n'auraient pas été ensuite découronnées, comme cela est fréquent en cas de mauvais entretien d'un édifice. P. Julien pense qu'elles étaient inachevées au XVIe siècle, comme le prouvent les traces d'arrêt de la construction. H. Pradalier voudrait savoir si les escaliers des piles de croisée partaient vraiment du sol. Cela paraît périlleux à plusieurs membres de la Société. H. Pradalier revient sur la surélévation de la tour sud-ouest de sept cannes, soit 12,60 m. Q. Cazes pense qu'il serait utile, dans la mesure du possible, de dresser un plan des accès, par époque et pour toutes les parties de l'église : cela permettrait de mieux saisir les problèmes de circulation et la logique des travaux concernant les tourelles et portes des différents escaliers de Saint-Sernin.
En raison de l'heure avancée, la suite de la communication est renvoyée à la séance du 6 février.
Séance du 6 février 1990
Pascal Julien et Dominique Watin-Grandchamp présentent la deuxième partie de leur communication, consacrée aux peintures murales du chur de la basilique Saint-Sernin de Toulouse. L'ensemble de ce travail sera publié dans le prochain volume des Mémoires de la Société (t. L).
Séance du 20 février 1990
Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Fouet Bibliothécaire-archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire général; Mmes Cazes, Labrousse, Noé-Dufour, MM. Bernet, Cabau, G. Fabre, Julien, Lapart, Latour, Péaud-Lenoël, Péligry, Peyrusse, Tollon.
Excusés : MM. l'abbé Baccrabère, Lassure, Scelles.Le procès-verbal de la séance précédente est adopté avec un amendement. Les correspondances manuscrite et imprimée sont présentées. Le Président fait ensuite procéder à l'élection du Secrétaire-adjoint : M. Maurice Scelles, seul candidat, est élu.
Le Président cède la parole à M. Daniel Cazes pour la communication du jour, Antiquaires et collectionneurs d'antiquités à Toulouse au XVIIIe siècle.
Plusieurs membres interviennent à la suite de cette communication. G. Fouet rappelle qu'Alexandre Du Mège avait un père qui était lui-même un important collectionneur; il avait notamment rassemblé de nombreuses monnaies provenant de VieilleToulouse. Il souligne le fait qu'A. Du Mège conservait toutes ses lettres et que de nombreux papiers de cet érudit peuvent encore être exploités par les archéologues de notre région. Bruno Tollon attire l'attention sur le prénom d'Alexandre Du Mège, selon lui très révélateur des passions de ses parents pour l'Antiquité. Jacques Lapart pense que l'on critique Dit Mège à tort le plus souvent. Il en veut pour preuve une partie d'une collection qu'il vient de retrouver à Auch et que Du Mège connaissait. L. Peyrusse se demande si les confusions, fréquentes dans les ouvrages de Du Mège, sont caractéristiques d'un certain âge ou si on les retrouve dans toutes les périodes de sa carrière. Pour G. Fouet et J. Lapart, Du Mège brassait trop d'informations et nécessairement s'y perdait un peu. H. Pradalier note toutefois que la volonté de falsification a aussi existé chez Du Mège. D. Cazes rapproche volontiers celle-ci des impératifs muséographiques que Du Mège s'était fixés, avec tout ce qu'ils comportaient de regroupements arbitraires voire un peu forcés par la passion démonstrative. Bruno Tollon est aussi de cet avis. L. Peyrusse remarque que les bronzes antiques étaient datés tardivement au XVIIIe siècle et met cela en relation avec un prestige plus important de l'Antiquité romaine par rapport à l'Antiquité grecque. Il note aussi que les Salons du Capitole sont au XVIIIe siècle la préfiguration du Musée. Enfin, il rappelle que la liste des plâtres de l'Académie de peinture de Toulouse était très importante.
Sont ensuite abordées les questions diverses, notamment celles qui découlent de l'organisation de la séance publique : publicité à faire pour l'ouverture des concours pour les prix de la Société, candidats pour 1990 et rapporteurs à désigner. Mme Labrousse propose de donner un prix nouveau, en souvenir du Professeur Michel Labrousse, à un étudiant très méritant dans le domaine de l'Antiquité. La mémoire du Professeur Labrousse est désormais rappelée aux Toulousains par une rue qui porte son nom dans le secteur D du quartier du Mirail, à proximité des rues Paul-Mesplé et Roger-Camboulives.
Séance du 6 mars 1990
Visite du Musée de l'Institut Catholique sous la direction de M. l'abbé Baccrabère.
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CERTIFICAT DE BONNE CONDUITE DELIVRE A CHARLES LOUIS DUMEGE, père d'Alexandre Du Mège, à Nantes, le 18 mars 1785. Cet amateur d'antiquités fut l'auteur de Recherches sur le Capitole de Toulouse, publié par son fils en 1814 (Cl. P. Cabau).
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Séance du 20 mars 1990
Présents : M. Pradalier, Président; M. Coppolani, Directeur; M. Fouet, Bibliothécaire-archiviste; M. Ahlsell de Toulza, Trésorier; M. Cazes, Secrétaire général; M. Scelles, Secrétaire-adjoint; Mmes Cazes, Labrousse, MM. l'abbé Baccrabère, Bernet, Cabau, Catalo, G. Fabre, Julien, Lassure, Latour, Péaud-Lenoël.
Le Président annonce la parution des Mémoires, qui viennent d'être livrés à la Société.
Il fait part du décès de M. Lautier, membre correspondant de notre Société et Président de la Société archéologique du Tarn, qui fut un savant passionné par la Préhistoire et l'Antiquité gallo-romaine. Il signale également le décès de M. Nickels, Directeur des Antiquités préhistoriques et historiques de Languedoc-Roussillon, à l'âge de 43 ans. Mme Labrousse rappelle toute l'estime que lui portait Michel Labrousse.
Les procès-verbaux des séances des 20 février et 6 mars 1990 sont lus et adoptés.
M. Cazes donne lecture de la correspondance manuscrite et présente la correspondance imprimée. Il offre à la Société le catalogue de l'exposition actuelle du Musée Saint-Raymond : Art Grec : de la terre à l'image. Le Président le remercie au nom de la Société.M. Fouet signale le vol de la Vierge de Luret; datant du XVIe siècle, elle a une hauteur de 50 cm.
Le Président rend compte de la réunion du Bureau. Celui-ci souhaite que la Société essaie d'améliorer la gestion de sa bibliothèque. Une lettre circulaire sera adressée aux membres qui ont emprunté des ouvrages, quelquefois depuis fort longtemps. Il serait bon de limiter la durée du prêt à deux mois et serait peut-être souhaitable que l'emprunt se fasse sous la responsabilité du Bibliothécaire-archiviste.On aborde ensuite la question des prochains Mémoires, en constatant que ceux de cette année paraissent avec un trimestre de retard. Il faudrait que le prochain volume puisse paraître à l'automne. Il devra en tout état de cause être moins important et on s'accorde pour considérer qu'il conviendrait que chaque auteur évalue précisément l'importance de son article. L'intérêt de la saisie sur micro-ordinateur de l'ensemble des textes est discuté : économie effectivement réalisée, gain de temps, amélioration des corrections de texte ?...
Le Président annonce la programme de la séance publique qui aura lieu, cette année, le 9 juin à 15 h : allocution, rapport sur le concours, et conférence de M. l'abbé Rocacher sur le Château Narbonnais. Comme l'année dernière, la Société offrira des rafraîchissements.
Deux études sont annoncées pour le concours. Il est rappelé que d'autres candidatures sont possibles jusqu'à la fin du mois d'avril.
Le Président annonce ensuite le programme des prochaines séances de la Société.
M. Latour se demande si l'achat d'un micro-ordinateur par la Société ne permettrait pas de mieux gérer la bibliothèque. Le Président répond que c'est une possibilité qui a été envisagée mais que l'on se heurte au problème du personnel nécessaire pour l'utiliser.
M. Scelles présente son rapport sur la candidature de Mme Marie-Geneviève Colin, qui est élue membre correspondant.
Le Trésorier fait remarquer aux membres de la Société l'arrivée du nouveau tapis de table, rouge, qui complète la stratigraphie des précédents, qui étaient verts.Mme Quitterie Cazes et M. Jean Catalo présentent leur communication : L'atelier de Théophile Collondre, maître faïencier de Toulouse au XVIIIe siècle, qui sera publiée dans les prochains Mémoires de la Société.
Le Président remercie Mme Cazes et M. Catalo. Mme Labrousse indique que des pièces de Théophile Collondre se trouvent dans des Musées et des collections particulières. Jean Catalo précise que des bougeoirs de Collondre sont conservés à Limoges ; un crucifix du Musée Paul-Dupuy et des assiettes appartenant à des collections particulières sont également attribuées à Collondre, attributions qui sont quelquefois discutables. Mme Cazes note que les productions toulousaines sont mal connues, à la différence de celles d'Ardus et de Valentine, par exemple. Des enquêtes dans les réserves du Musée Paul-Dupuy seraient nécessaires. En raison de la variété des couleurs, l'aspect des pâtes est insuffisant pour définir la provenance des pièces. Il faudrait procéder à des analyses que les nombreux tessons retrouvés au cours de la fouille rendent possibles. M. Fouet indique que la caractérisation des métaux rares est une méthode infaillible.
M. Péaud-Lenoël remarque qu'une assiette présente un pied annulaire selon un type inconnu à Toulouse au XVIIIe siècle, et .souligne son caractère très particulier. M. Catalo n'en connaît pas d'autre non plus. Il s'agit d'une assiette très creuse, et peut-être conviendrait-il de préférer l'appellation de « coupe ». Ce pied annulaire serait en tout cas une caractéristique de la production de Collondre.
Le Président note que tous les décors sont réalisés en bleu, sauf pour une pièce au décor brun à l'imitation de productions italiennes.
A propos de l'implantation de l'atelier, Mme Cazes précise qu'il est installé à proximité du canal du Midi, par lequel arrivaient à Toulouse les productions génoises. M. Cabau rappelle que c'est là que se trouvait dès le XVIe siècle le lieu-dit « Terre Cabade ».
Séance du 3 avril 1990
La séance se tient au Musée des Augustins où M. Michel Barrère, Conservateur des fouilles à la Direction des Antiquités Historiques de Midi-Pyrénées, présente à la Société l'exposition Archéologie et vie quotidienne aux XIIIe et XIVe siècles en Midi-Pyrénées.
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Séance du 24 avril 1990
Présents: MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Cazes, Secrétaire général, Fouet, Bibliothécaire-archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier; Mme Labrousse, MM. l'abbé Baccrabère, Bernet, Blaquière, Latour, Manière, l'abbé Rocacher, Vézian, membres titulaires; Mme Cazes, MM. Boudet, Cabau, Péaud-Lenoël, membres correspondants.
Excusés : MM. Scelles, Secrétaire-adjoint, Tollon, Mme M.-G. Colin.
M. Levet, invité du conférencier, assiste à la séance.Le procès-verbal de la séance du 20 mars 1990 est lu et adopté. Le Secrétaire donne lecture d'une information communiquée par M. Scelles : « Des fouilles de sauvetage sont en cours, depuis deux semaines, sur le site de l'ancien couvent de bénédictines de la Daurade à Cahors. L'église Sainte-Marie la Daurade, qui comme celle de Toulouse devrait, semble-t-il, son appellation au fait qu'elle était " dorée ", se trouvait à proximité de l'église cathédrale romane dédiée à Saint-Etienne. Faut-il faire l'hypothèse que nous sommes sur l'emplacement du groupe cathédral de saint Didier ?
A l'heure actuelle, la découverte la plus importante de la fouille est celle d'une pièce attenant au cloître conservée en élévation : quatre supports avec bases, colonnes et chapiteaux ainsi que le départ des voûtes d'arêtes conservées sur un mètre environ, ont déjà été mis au jour; le mur nord bâti en pierre de taille et qui comporte des contreforts a été dégagé. Cette salle voûtée correspond aux trois arcades à double ressaut qui sont conservées dans le mur nord du cloître. Nous aurions donc probablement là la salle capitulaire du monastère de la Daurade; les chapiteaux permettent de dater cette construction de la deuxième moitié du XIIe siècle ou du début du XIIIe.
Nous ne savons pas encore ce qu'il adviendra de ces vestiges. Leur intérêt est évident, mais leur intégration au projet de maison de retraite en cours de réalisation pose des problèmes difficiles à résoudre. » [Le cloître et la salle capitulaire ont fait l'objet d'une protection au litre des Monuments Historiques. Lesfouilles dirigées par Cathy Boccacino se sont achevées en août 1990; une exposition prévue au Palais de Justice de Cahors durant l'été 1991 rendra compte des premiers résultats].Le Président évoque la préparation du tome L des Mémoires de la Société. Un seul article est prêt, les cinq autres doivent être, en principe, remis avant le 15 juin. M. Fouet demande que l'on insère dans le volume la photographie de la Vierge de Luret volée récemment, avec l'espoir de la faire retrouver.
On procède ensuite à la désignation des rapporteurs particuliers pour les quatre mémoires soumis au concours. Le rapport général sera fait lors de la séance publique par M. Scelles.
VESTIGES DE LA SALLE CAPITULAIRE DE L'ÉGLISE NOTRE-DAME LA DAURADE A CAHORS, état en août 1990 (Cl. J.-F. Peiré, Inventaire Général/SPADEM).
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Sur proposition du Président, la Société décide que sa cotisation à la Fédération Française d'Archéologie sera fondée sur un nombre de fouilleurs estimé à dix.
La parole est ensuite donnée à M. l'abbé Baccrabère pour sa communication La protohistoire à Ancely, qui sera publiée dans le prochain volume des Mémoires.
Le Président remercie M. l'abbé Baccrabère et fait appel aux questions.
M. Fouet indique qu'il est tout à fait courant que les Gaulois, en creusant leurs puits funéraires, aient traversé des champs d'urnes et qu'il est donc normal d'en trouver des résidus dans les puits. Il ajoute qu'entre le Pouset et Toulouse, il y avait le Sauzat, dont l'embouchure se trouvait entre la caserne Niel et la zone de Pech-David; M. Fouet pense qu'à cette embouchure, il y avait un port.
M. l'abbé Baccarabère souligne l'importance de la présence de puits funéraires au sud de la caserne Niel. M. Fouet note qu'il y avait des puits funéraires tout le long de la Garonne, et que l'on en a trouvé même lors de la construction de l'hôpital, sans qu'il ait été possible de les fouiller tous ; il souligne l'intérêt de l'exposé qui est la première synthèse faite sur la protohistoire à Toulouse. Pour M. Fouet, il est difficile d'imaginer le paysage du bord de la Garonne, modifié par la construction des digues, la destruction des îles.
Pour M. l'abbé Bacrabère, l'existence d'un passage à gué serait logique près du site de Larrey, où l'on a trouvé une occupation de l'Age du Fer, selon M. de Filippo ; par ailleurs, le chemin de Carcassonne, à partir de Vieille-Toulouse, empruntait un gué vers Toulouse, se poursuivant sur l'emplacement du Château Narbonnais, puis au Bazacle longeait la Garonne ou la franchissait par le gué.
M. Fouet demande si des sondages ont été effectués dans les fossés de Saint-Michel-du-Touch. M. l'abbé Baccrabère n'a pu descendre au fond de ces fossés, mais il indique qu'aucune céramique n'y a été trouvée. M. Fouet demande s'il reste une zone à fouiller entre le temple et le fossé. Ce serait en effet possible à 15 m du Touch, où un fossé serait à exploiter.
M. Boudet note que M. l'abbé Baccrabère a réalisé un premier essai de synthèse. Il remarque qu'à Ancely, pour la première fosse avec un crâne, la fonction funéraire n'est pas sûre et ajoute que le matériel qui lui était associé appartient au Bronze final 2 (1200-1000). Quant aux remparts associés aux fossés par élévation de terres, ils sont à rapprocher des remparts d'époque néolithique, et, peut-être, de ceux retrouvés près de Carsac ; il s'agit d'un type de configuration plutôt typique du néolithique. Pour M. l'abbé Baccrabère, les fossés datent probablement de la Tène 1. M. Boudet pense qu'il faut être prudent : les VIe, IVe, et IIIe siècles avant J.-C. ainsi que ce type de structure étant très mal connus dans le Sud-Ouest.
M. Boudet est d'accord sur le fait qu'à Saint-Roch, les puits funéraires ont bouleversé un champ d'urnes ; pour le Cluzel, il faut attendre les résultats des fouilles de A. Muller, qu'il faudra peut-être mettre en relation avec l'Age du Fer.
M. l'abbé Baccrabère souligne qu'il faut rester prudent dans la mesure où il ne date pas les céramiques, pour lesquelles il a consulté M. Rancoule.
M. Boudet indique qu'en Lot-et-Garonne l'occupation du paysage est comparable à celle de Toulouse, avec du Bronze final puis de l'Age du Fer ; la même chose se constate en Gironde.
M. Vézian note la présence de fragments de céramique grecque. M. Cazes rappelle que des fragments de céramiques grecque et étrusque ont été trouvés au Cluzel. Pour M. Boudet, nous avons affaire à l'arrière-fond d'une pénétration méditerranéenne qui correspond à des objets qui circulent, plutôt qu'à un véritable axe de communication. M. Boudet note que l'évolution chronologique est à peu près semblable tout au long de la vallée de la Garonne et que les importations méditerranéennes cessent après le Toulousain. M. l'abbé Baccrabère se demande si le trafic est continu. Pour M. Boudet, ces trafics commerciaux correspondent à des époques différentes.
Séance du 15 mai 1990
Présents : MM. Pradalier, Président; M. Coppolani, Directeur; M. Fouet, Bibliothécaire-archiviste; M. Ahlsell de Toulza, Trésorier; M. Scelles, Secrétaire-adjoint; M. Cabau, Mme Cazes, Mme Colin, MM. Fabre, Julien, Mme Labrousse, MM. Lapart, Latour, Mme Noé-Dufour, MM. Péaud-Lenoël, Pousthomis, Vézian.
Excusé : M. Cazes.Le Président signale que le rapport sur le concours a été oublié dans l'ordre du jour annoncé par la convocation. La séance sera de ce fait particulièrement chargée.
Mme Labrousse communique une photographie de la Vierge de Luret, volée récemment. Il serait souhaitable de publier cette photographie dans le bulletin.
Le procès-verbal de la séance du 24 avril 1990 est adopté.
MM. Vézian et Coppolani, membres de la Société, offrent des tirés à part de leurs publications. Le Président les remercie au nom de la Société.
STATUE DE N.-D. DE LURET, XVIe SIECLE ?, VOLÉE EN 1990, fin janvier ou début février (com. de Cier-de-Luchon). La statue en bois, d'une hauteur de 50 cm environ, présente un revers évidé muni d'un crochet de fer. Elle a été redorée en 1812, date figurant sur le socle (Cl. P. Fage).
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Le Président indique qu'il a reçu trois lettres de candidature pour être membre correspondant de notre Société dont celles du Père Montagnes et de J.-L. Biget, professeur à l'Ecole normale.
En demandant la lecture des rapports sur le concours, le Président remarque qu'il y a quatre candidats pour deux prix. Il est souhaitable qu'il y ait plus de candidats que de prix attribués. M. Ahlsell de Toulza rappelle qu'en plus des prix, des médailles peuvent être attribuées et que les prix eux-mêmes peuvent ne pas l'être ; il est, en outre, toujours possible d'attribuer un troisième prix avec le prix de la Société Archéologique.
On s'accorde pour considérer que les rapporteurs devraient avoir lu tous les travaux présentés au concours, de façon à pouvoir les comparer effectivement. C'est la procédure qui sera retenue pour le prochain concours. Le Président donne la parole aux rapporteurs.M. Péaud-Lenoël rend compte du mémoire présenté par Mlle Anne-Claire Delpuech, intitulé Le Bas-Empire romain et l'époque mérovingienne en Rouergue et réalisé en 1987-88 sous la direction de M. J.-M. Pailler, à l'Université de Toulouse-Le Mirail :
Ce travail se présente comme une monographie historique et archéologique régionale, limitée dans le temps aux VIe, Ve et VIe siècles, cest-à-dire à une période de transition entre l'Antiquité classique et le Moyen-Age. Après une introduction sur les données historiques de celle période, l'auteur a divisé son travail en trois chapitres. Dans le premier, elle nous présente les données sur l'occupation du sol et la répartition de la population du Rouergue. Dans le deuxième, elle analyse la vie économique de celle région, l'agriculture, l'industrie et les échanges ; dans le troisième chapitre enfin, elle examine l'existence sociale, avec une attention particulière sur les divers aspects de la vie religieuse pendant la période tardive païenne et l'apparition du christianisme. Cet ouvrage de deux cent dix pages se termine par une intéressante série de planches, dédiées à des documents archéologiques appropriés. Le tout est accompagné par une cartographie et des tableaux des lieux étudiés et une documentation bibliographique extensive.
Cette période est peu connue et difficile à aborder : non seulement les documents historiques diminuent considérablement en nombre et en valeur par rapport à la période du Haut-Empire mais les documents archéologiques sont, eux-aussi, beaucoup plus rares et moins sûrs, qu'il s'agisse de la datation des sites par des monnaies ou de la céramique, ou de la raréfaction des restes monumentaux et du mobilier archéologique en général.
La partie historique est, nécessairement, la plus classique du mémoire présenté. Mlle Delpuech a bien tiré parti des documents littéraires anciens et des études modernes nationales et régionales. La situation historique du Rouergue à l'époque des invasions n'est ainsi pas toujours claire ; elle se rattacherait plutôt à l'Histoire de l'Auvergne qu'à celle de l'Aquitaine proprement dite. Après la période wisigothique, il est indéniable que l'influence du Nord s'y fait sentir, comme le montre l'auteur.
Mlle Delpuech étudie ensuite les traces de l'occupation du sol, traces sur lesquelles les textes apportent peu de choses : les données archéologiques deviennent l'essentiel. Après une étude des établissements ruraux du Bas-Empire, l'auteur examine les raisons de la disparition de nombre d'entre eux à l'époque des grandes invasions barbares. Les habitats de hauteur de l'époque de l'indépendance gauloise sont cependant réoccupés par une population permanente ou temporaire qu'il est difficile de situer très précisément. Ces habitats font l'objet d'une description attentive. Les agglomérations rurales (vici) sont aussi étudiés. Enfin, l'auteur a réuni une documentation importante sur la capitale, Rodez, qui conserve son statut de chef-lieu de Cité et sa structure comme centre administratif et commercial. Le centre religieux paléochrétien s'y développe. Clairement, les données de l'ouvrage montrent une raréfaction très nette de la population du Rouergue et une diminution importante de ses ressources à celle époque, mais les structures antiques subsistent. Sur le chapitre de l'occupation des sols, l'auteur a réuni une documentation historique et surtout archéologique très importante.
Mlle A.-C. Delpuech consacre son deuxième chapitre à l'économie du Rouergue pendant la même période. L'ensemble du chapitre est de valeur inégale ; les parties les moins riches d'information concernent la production agricole dans sa forme et sa nature, l'exploitation forestière et les mines. Il faut en accuser plutôt les questions elles-mêmes que l'auteur. La partie céramologique est bien fournie, bien illustrée et très utile au lecteur. Il en est de même des données numismatiques.
Il faut conclure de ce chapitre que de nouvelles recherches sont très nécessaires pour suivre l'évolution locale et régionale de l'activité économique et des échanges pendant cette période.
Dans le dernier chapitre, intitulé « Société et Religion », l'auteur développe des connaissances de nature très diverse, fondées, là aussi alternativement, soit sur la littérature historique et hagiographique, soit sur les connaissances archéologiques.Sur l'Histoire de l'Antiquité païenne tardive en Rouergue, déjà évoquée au début de l'ouvrage, l'auteur souffre d'un manque de sources presque complet. Toutefois, l'archéologie vient à son secours du fait de l'existence d'un nombre important de sanctuaires ruraux dont Mlle Delpuech a tenté une description typologique fondée sur une bibliographie relativement abondante. L'auteur a consacré aussi une partie importante de son travail à la description des coutumes funéraires de l'époque mérovingienne : la localisation des nécropoles, la disposition des tombes et l'étude anthropologique des sujets inhumés ont été étudiés : là aussi, la région a fourni des données archéologiques relativement abondantes. L'ensemble de cette étude des nécropoles est particulièrement fourni et organisé.
Ce chapitre se termine par un paragraphe sur l'implantation du christianisme en Rouergue. Les données essentielles sont tirées de sources littéraires. La nature même de ces documents ne donne qu'une prise assez réduite sur la réalité religieuse, même dans les villes, moins encore sur la vie sociale du Rouergue de l'époque. Quant à l'évangélisation rurale, l'auteur se heurte à un manque de documents écrits à peu près total et cite à ce sujet les documents archéologiques fragmentaires dont elle dispose.En conclusion, cet ouvrage réunit un grand nombre de données historiques et surtout archéologiques sur une période peu ou pas connue de l'existence du Rouergue : par cela même il fournira une excellente base à des travaux ultérieurs sur les sujets qui viennent d'êtres évoqués. Il était très difficile à l'auteur, dans le cadre de cette étude, de fournir à la fois des données complètes sur tous les sujets. La typologie monumentale et mobilière des régions rurales ainsi que la description des nécropoles de l'époque sont les parties les plus remarquables du mémoire. Mlle Delpuech a réussi à fournir un ensemble très riche dont il faut la féliciter. On aurait
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espéré peut-être une extension plus grande de documents figurés qui clarifieraient le texte : il faut tenir cependant le plus grand compte du fait que ce travail correspond à une exigence universitaire, dans des limites de temps et de volume impératives.
Il est décidé d'attribuer à Mlle Anne-Claire Delpuech le Prix de la Société Archéologique du Midi de la France et de lui offrir une médaille d'argent de la Société.
M. Coppolani présente son rapport sur l'étude présentée par M. Jean-Luc Boudartchouk :
Sous le litre Le peuplement rural du canton de Montsalvy (Cantal) des origines à la fin du XVe siècle, M. Jean-Luc Boudartchouk a présenté à l'Université de Toulouse-Le Mirail un mémoire de 240 pages et une soixantaine de planches et figures en deux volumes, pour l'obtention d'un Diplôme d'Etudes Approfondies.
L'essentiel de ce travail a consisté dans un inventaire aussi complet que possible des témoignages archéologiques, toponymiques et épigraphiques, et des documents écrits relatifs à l'occupation du territoire des quinze communes qui font, ou ont fait partie, du canton de Montsalvy, situé à l'extrémité sud-ouest du département du Cantal, à la limite de l'Aveyron.
L'invenlaire est mené commune par commune, suivant un plan rigoureux et uniforme. Il examine successivement le milieu naturel (relief, sous-sol, hydrographie, végétation), le milieu humain (cadre administratif, données démographiques et économiques depuis le XIXe siècle au moins) pour aborder ensuite les témoignages de l'occupation du sol depuis les origines. Après les rares vestiges préhistoriques et les témoignages archéologiques ou toponymiques de la Protohistoire, l'Antiquité gallo-romaine apporte des toponymes assez nombreux et des restes de constructions. Le haut Moyen Age avant l'an mille apporte des traces d'habitat et surtout des toponymes et des textes attestant l'origine de certains lieux habités : villages ou châteaux. Mais c'est avec le Moyen Age « central » (1000-1300) et le bas Moyen Age (1300-1500) que l'on peut reconstituer dans une large mesure l'état du peuplement : voirie, habitat dispersé avec châteaux, manses et hameaux disparus, habitat groupé des bourgs et des villages, toponymes indiquant des défrichements. Les édifices subsistants, en particulier les églises, sont décrits en détail avec leur architecture et leur ornementation; les châteaux sont tous plus ou moins en ruines. Une abondante illustration, par photographies, plans et cartes, complète les descriptions.
En conclusion, la région apparaît comme une zone de peuplement tardif, en raison de la pauvreté des sols. Zone de passage aux temps préhistoriques, le canton de Montsalvy ne recèle de témoignages incontestables d'occupation humaine que pendant l'Antiquité gallo-romaine. Encore très faible à l'époque mérovingienne, le peuplement paraît s'accentuer aux temps carolingiens, mais c'est le Moyen Age féodal, à partir du XIIe siècle, qui marque vraiment la prise de possession par les hommes de l'ensemble du territoire. A part l'abbaye de Montsalvy, qui forme le noyau d'un bourg important, centre d'échanges et de production artisanale, l'occupation du sol se fait de-façon très dispersée, avec une nuée de petits châteaux, « Roques » ou « Repaires », des manses disséminées sur tout le territoire, de nombreuses chapelles qui relaient les paroisses fondées pour la plupart dès les temps carolingiens. L'économie apparaît surtout sylvo-pastorale, avec quelques cultures de subsistance. Un réseau de chemins se constitue, qui met en relation tous les lieux habités, et assure les communications avec l'extérieur, surtout avec les deux principaux sièges du pouvoir qui dominent le pays : l'abbaye de Saint-Géraud dAurillac et la vicomté de Carlat. Mais le XIIIe siècle, qui marque l'apogée du peuplement, voit aussi se constituer des unités féodales nouvelles comme la baronnie de Calvinet qui appartient au sénéchal royal Eustache de Beaumarchais. La crise des XIVe-XVe siècles, peste noire et insécurité endémique due à la Guerre de Cent Ans, amène l'abandon d'une partie des lieux habités, hameaux et même châteaux ; une reprise s'esquisse au XVe siècle, marquée par la reconstruction ou l'agrandissement de plusieurs églises, la formation de nouveaux hameaux et la reconstruction de certains châteaux.
L'abondante bibliographie qui accompagne chaque notice communale et celle qui termine l'ouvrage montre que l'auteur a consulté tous les ouvrages nécessaires pour l'étude qu'il a entreprise. Il s'agit d'une contribution importante à l'inventaire archéologique de lAuvergne.Aussi la Société a-t-elle décidé d'attribuer à M. Jean-Luc Boudartchouk le prix de Clausade, doté de 3 000 F., et de lui offrir une médaille d'argent de la Société Archéologique du Midi de la France.
Le Président lit le rapport de Mme Pradalier sur le mémoire présenté par Mlle Nicole Fayel :
Mademoiselle Nicole Fayel, bibliothécaire à Rodez, a soutenu en juin 1988, à l'Université de Toulouse-Le Mirail, un mémoire de maîtrise portant sur Les peintures murales du diocèse de Rodez au XIVe siècle, qui a obtenu une mention Très bien, et a été suivi la même année d'une publication dans la revue Histoire de l'Art (Le décor peint du XIVe siècle dans le chur de la cathédrale de Rodez). Le mémoire est constitué d'un texte de 145 pages, et d'un important album de photos. Le sujet choisi portait à l'origine sur un inventaire des peintures murales gothiques du Rouergue, mais étant donné l'importance des peintures découvertes dans les chapelles rayonnantes de la cathédrale de Rodez et la possibilité qu'avait Mlle Fayel de suivre le travail de restauration exécuté dans deux des chapelles, il parut plus intéressant de circonscrire le sujet au diocèse de Rodez et de le limiter dans le temps en ne faisant porter l'inventaire que sur la fin du XIIIe siècle et le XIVe siècle.
Mlle Fayel commença donc sa recherche par un inventaire des peintures murales gothiques en place, et dénombra treize ensembles, plus ou moins importants et d'une inégale qualité de conservation, les uns ornant des églises, par exemple les peintures des églises paroissiales de Villeneuve, de Magrin, de Bozouls, du Monastère, de la cathédrale de Rodez, ou encore celles des chapelles des châteaux de Najac et de Belcastel, enfin des décors d'édifices civils, comme les peintures d'une maison gothique de Villefranche-de-Rouergue. Ce travail d'inventaire a le mérite de constituer une série de dossiers photographiques et de relevés de peintures d'autant plus importants que certaines uvres sont très lacunaires ou en voie de disparition, comme les peintures murales de Conques ou de l'église de Perse.
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La deuxième phase du travail de Mlle Fayel a consisté, après des recherches dans les archives, à identifier les ensembles peints, à les dater et à faire une synthèse de l'histoire de la peinture au XIVe siècle dans le diocèse. Le mémoire montre de manière exemplaire l'apparition du style gothique dans le Rouergue, avec les premiers ensembles de type linéaire, tels Najac ou Villeneuve d'Aveyron. Les peintures murales de la chapelle du Saint-Sépulcre, située sur le flanc nord de l'église paroissiale de Villeneuve, méritaient l'analyse très approfondie qui en a été faite, et qui révèle l'intérêt du monumental Christ de la Parousie qui occupe le cul-de-four de la chapelle, et du cycle des miracles de saint Jacques le Majeur des murs latéraux, lié aux dévotions des routes de Compostelle.
Les pages les plus importantes du mémoire sont consacrées à trois chapelles rayonnantes de la cathédrale de Rodez, où a été dégagé, depuis dix ans, un ensemble de peintures murales d'une exceptionnelle qualité. Découvertes en 1986, les peintures de la chapelle Sainte-Agnès, au nord, représentent une série de personnages de l'Ancien Testament et de saints revêtus d'habits précieusement enroulés, et dotés d'auréoles striées à la manière italienne. Les peintures de la chapelle d'axe, dégagées à partir de 1985, ont été restaurées par l'atelier de M. Clarens sous les yeux de Mlle Fayel, qui a pu bénéficier des renseignements donnés par les restaurateurs... et de leurs échafaudages. Les peintures, très complètes, représentent un Christ en Majesté, entouré d'évangélistes scribes installés derrière des pupitres et dotés d'un matériel d'écriture d'une grande précision. Les peintures de la chapelle Sainte-Catherine, du côté sud, vraisemblablement consacrées à des cohortes de saints, étaient en cours de dégagement lors de l'achèvement de la maîtrise. Grâce à l'identification des blasons et s'appuyant sur les renseignements donnés par les archives de la cathédrale, l'auteur a réussi à cerner de manière très précise la période d'exécution des peintures, soit les années 1340-1350, qui correspondent à l'épiscopal de Gilbert de Cantobre. L'étude du style permit à Mlle Fayel de démontrer la présence à Rodez de peintres italianisants, vraisemblablement formés à Avignon qui entretenait avec les prélats rouergats des liens étroits au milieu du XIVe siècle (Pierre Roger de Beaufort, neveu de Clément VI, fut chanoine de la cathédrale pendant l'épiscopat de G. de Cantobre, avant de devenir cardinal, le futur pape Grégoire XI).
L'importance de l'atelier de la cathédrale a été mise en lumière par les recherches de Mlle Fayel, qui a démontré que son influence a été sensible, après 1348, à Bozouls et à Magrin, églises proches de la cité épiscopale.
Ainsi, le mémoire de Mlle Fayel apporte une précieuse contribution à la connaissance de la peinture murale gothique du Midi de la France, et permet de mieux comprendre le délicat mécanisme de l'introduction du style gothique dans la région, et la participation d'artistes avignonnais dont la présence est également connue aux mêmes dates dans les cathédrales de Béziers et Narbonne.La Société décide d'attribuer à Mlle Nicole Fayel le prix de Champreux, doté de 3 000 F. et de lui offrir une médaille d'argent de la Société Archéologique du Midi de la France.
Le prix du Professeur Michel Labrousse, doté de 3000 F. par Mme Labrousse, est attribué à M. William Van Andringa pont son étude sur Les croyances religieuses de la partie méridionale de la province d'Aquitaine sous le Haut-Empire. Etude épigraphique et historique, sur le rapport établi par MM. P. Le Roux et J.-M. Pailler :
L'étude de M. William Van Andringa un mémoire de Maîtrise préparé sous la direction de P. Le Roux, auquel un Jury composé de P. Le Roux et J.-M. Pailler a attribué la mention Très bien embrasse une matière extrêmement vaste, qui répond tout à fait à son litre ambitieux. Dans une première partie, Pratiques épigraphiques et supports des inscriptions, l'auteur ne se contente pas de recenser les témoignages gravés sur la pierre qui ont trait à la religion d'époque gallo-romaine dans la zone pyrénéenne et sub-pyrénéenne : cet inventaire, très complet, est présenté en annexe. Il s'intéresse aussi au support de ces inscriptions et de ces images divines : essentiellement les autels votifs, dont il esquisse une typologie en suivant leur destin « de la carrière au sanctuaire ». La recherche de W. Van Andringa porte aussi bien sur l'origine sociale et régionale des dévots ou sur les caractères paléographiques des inscriptions que sur la valeur du vocable deus appliqué ou non aux divinités honorées.
Une deuxième partie, Divinités indigènes et divinités officielles, fait le point sur les nombreuses mentions de dieux locaux, parfois assimilés à des divinités romaines. L'auteur les classe selon leur caractère plus ou moins étroitement localisé : d'un Aberris, un Artahe, un Erriapus, attestés en un seul lieu, à des personnages divins comme Abelion, Erge, Lahe ou les Sexarbores, qui ont connu une certaine diffusion régionale. Enfin, sont étudiés les témoignages concernant les formes classiques de la religion : divinités classiques à surnoms indigènes, surtout connues dans le monde rural (Mars Leherennus, Jupiter Beisirisse, Minerve Belisama) aspects divers du culte impérial, des cultes classiques et des hommages rendus aux divinités « orientales ». L'image d'ensemble qui commence à se dégager est ainsi variée, complexe et en perpétuelle évolution.
Au total, un travail richement illustré, au contenu particulièrement prometteur, qui pose les bases de toute étude future concernant un domaine aussi vaste qu'encore énigmatique.Le Président donne la parole à M. Lapart pour sa communication : Une collection d'antiquités romaines récemment retrouvée à Auch (Gers).
« En 1988 et 1989, un ensemble de beaux fragments de sculptures et d'inscriptions gallo-romaines a été retrouvé dans un immeuble de la ville haute à Auch (Gers) : tête de statue d'un dieu barbu, buste de déesse nu, fragments de chapiteaux, de frises, d'autels votifs et d'inscriptions funéraires. Une recherche en archives a permis de préciser qu'il s'agissait de la collection d'antiquités romaines constituée durant la première moitié du XIXe Siècle par une famille de la bonne bourgeoisie d'Auch : les Bérot de Cologne. Récemment anoblis, ils perpétuent la tradition des cabinets d'Antiques à la mode au XVIIIe siècle. Ils achètent des éléments de statues, des inscriptions, des monnaies trouvées sur les sites gersois des anciennes villes d'Auch ou d'Eauze.
La collection, jamais décrite en détail au XIXe siècle, disparaît à la fin du siècle après la mort du dernier descendant direct. L'immeuble passe alors à une branche latérale, puis est vendu en 1912 à la famille qui le possède actuellement.
Les blocs antiques étudiés aujourd'hui ont été découverts cassés et réemployés dans un mur de fond de jardin, à l'arrière du petit hôtel particulier habité par les Bérot de Cologne. Cette maison, sans doute bâtie au XVIIIe siècle, conserve encore de cette
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PAPIER PEINT PANORAMIQUE : LES VUES DE L'HINDOUSTAN, FABRIQUE ENTRE 1807 ET 1830 par la manufacture Zuber, que Bérot de Cologne avait fait poser dans son hôtel d'Auch (renseignements dus au Musée du Papier peint de Rixheim. Cl. E. Cabannes).
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époque quelques cheminées de marbre de style Louis XVI, une cage d'escalier avec une belle rampe en fer forgé et surtout un ensemble rare et intéressant de papiers peints panoramiques du début du XIXe siècle.
L'enquête se poursuit afin de mieux connaître cette belle collection archéologique ainsi que la personnalité et le cadre de vie des collectionneurs. »
[Cette découverte a fait l'objet d'une première publication : J. Lapart, Inscriptions et sculptures romaines récemment découvertes à Auch (Gers), dans Aquitania, t. VI, 1988, p. 125-140.]Le Président remercie M. Lapart pour son intéressante communication et remarque qu'il reconstitue ainsi la collection de Bérot de Cologne. Il note que la complaisance du propriétaire et l'aide de la municipalité sont réconfortantes. Il s'agit bien sûr d'un travail en cours et bien des énigmes restent à résoudre; des fragments complémentaires seront peut-être encore retrouvés. Pour M. Lapart, il semble que cela soit actuellement fort improbable. La connaissance de la collection progresse néanmoins.
Le Président souligne l'intérêt qu'il y a à connaître la collection dans son cadre, la maison étant conservée avec, par exemple, des papiers peints et une partie de ses meubles. Il y a sans doute encore un long travail à faire pour préciser la personnalité du collectionneur. M. Lapart indique qu'un descendant a pris contact avec le Musée, il y de cela deux ans, mais qu'il ne s'est plus manifesté depuis. Il précise que, passé le Second Empire, plus personne ne voit la collection. Il attire une nouvelle fois l'attention sur les papiers peints qu'il faudrait au moins photographier, la maison ayant fait l'objet de propositions d'achat. Quant à l'origine des objets, il n'est pas sûr qu'ils proviennent tous d'Auch.Le Trésorier rappelle que le problème de la diffusion des Mémoires, déjà évoqué, n'est toujours pas réglé. Plusieurs membres proposent de se réunir pour décider des solutions à adopter.
Séance du 29 mai 1990
Présents : MM. Pradalier, Président; M. Coppolani, Directeur; M. Fouet, Bibliothécaire-archiviste; M. Ahlsell de Toulza, Trésorier; Mmes Labrousse, Noé-Dufour, Ugaglia, MM. Bernet, Blaquière, Latour, Manière, Nayrolles, Péaud-Lenoël, l'abbé Rocacher.
Excusés : M. Cazes, Secrétaire général, Mme Cazes, M. Cabau.La séance s'est déroulée au Musée Saint-Raymond, où les membres de la Société ont visité l'exposition Art grec, de la terre à l'image, sous la direction de Mme Evelyne Ugaglia, Conservateur-adjoint et membre de notre Société, qui a organisé cette exposition. Vivement félicitée par le Président, Mme Ugaglia a ensuite répondu à diverses questions de détail posées par les assistants.
Séance publique du 9 juin 1990
Allocution du Président
Mesdames,
Mesdemoiselles,
Messieurs,Je vous remercie d'être venus aussi nombreux à cette séance publique de la Société Archéologique du Midi de la France qui constitue une vieille manifestation culturelle de notre cité. La tradition veut que la séance s'ouvre par le rappel de la mémoire de nos disparus. Nous déplorons cette année la perte de trois de nos membres, M. Robert Gavelle, le général Henri Ménard et M. Jean Lautier. C'est donc à leur éloge que je consacrerai les premiers mots de cette séance publique.
Robert GAVELLE
(1910-1990)La Société Archéologique du Midi de la France a perdu avec Robert Gavelle un de ses membres les plus anciens. C'est en effet dès 1945 qu'il avait été élu membre correspondant de notre Société puis, en 1977, membre titulaire. Les liens établis entre notre Société et Robert Gavelle furent des liens privilégiés et il faut reconnaître que notre Société a une lourde dette envers lui. Dévoué, Robert Gavelle le fut jusqu'au bout. Responsable bénévole du Musée de Saint-Bertrand-de-Comminges dont la Société Archéologique du Midi de la France était propriétaire, c'est lui qui en assura le succès. Et ce sont les entrées du Musée qui, pendant une dizaine d'années, assurèrent la parution des volumes de nos Mémoires.
Pourtant, cet éminent connaisseur du Comminges n'était pas prédestiné, du moins si l'on en juge par son lieu de naissance, à devenir un spécialiste de l'art antique et médiéval de cette région du sud-ouest. En effet, il était né à Lille le 22 février 1910 et ce n'est qu'en 1937 qu'il s'installa définitivement à Labroquère où il vint rejoindre son père, ancien directeur de l'Ecole des Beaux-arts de Lille, lorsque celui-ci se retira dans cette ville.
Cependant, avant cette date, Robert Gavelle avait rédigé une thèse sur la Renaissance en Comminges, thèse qui avait été préparée par une solide formation à l'Ecole du Louvre. Des recherches entreprises à cette occasion, faites à vélo et en campant, il gardait un souvenir joyeux.
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Admis comme pensionnaire à la Casa Velázquez, la guerre civile d'Espagne l'empêcha de rejoindre Madrid. C'est alors qu'il fit connaissance de Bertrand Sapène, directeur des fouilles de Saint-Bertrand-de-Comminges et Conservateur du Musée et qu'il devint son adjoint. La collaboration des deux hommes fut des plus fructueuses et s'enrichit des contacts avec Raymond Lizop qui, fréquemment, venait de Tarbes à Labroquère dans la maison des Gavelle.
Attaché, puis chargé de recherches au C.N.R.S. pour les Antiquités Nationales, Robert Gavelle consacra son temps à constituer méticuleusement le fichier des pièces du Musée de Saint-Bertrand-de-Comminges, uvre de bénédictin qui, après cinquante ans de travail, nous laisse plus de douze mille fiches, véritable mine pour les recherches à venir.
Mais Robert Gavelle ne fut pas qu'un consciencieux conservateur de Musée. Il publia aussi et s'intéressa à d'autres périodes. Rappelons ses publications sur les peintures murales d'Ourde ou de Benqué-Dessus et sa passion pour la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges dont il était le meilleur connaisseur et sur laquelle il avait accumulé un grand nombre d'observations inédites.
Ses études que l'on retrouve dans Ogam, Gallia, les Congrès des Sociétés Savantes, la Revue de lArt, les Monuments Historiques de la France mais surtout dans la Revue de Comminges fourmillent de renseignements de tous ordres. Au moment où la mort le surprit, il travaillait à deux grandes études : l'urbanisme antique de Lugdunum Convenarum et la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges. Souhaitons qu'un jour elles soient portées à la connaissance du monde savant.
Représentant de notre Société à Saint-Bertrand-de-Comminges, Robert Gavelle était de surcroît membre associé de l'Académie des Arts de Toulouse, membre titulaire de l'Académie Julien Sacaze, membre du Conseil d'Administration de la Société des Etudes du Comminges et Chevalier de l'Ordre des Arts et Lettres. D'un cur généreux et très ouvert, d'une grande facilité de parole, souvent facétieux, il restera pour ceux qui le connaissaient comme un ami sincère et dévoué, mais aussi comme un grand humaniste et un savant.Général Henri MENARD
(1919-1989)Rappeler la vie du général Henri Ménard, c'est évoquer une double carrière ou plus exactement deux carrières successives : celle du soldat, celle de l'historien de l'art.
Henri Ménard est né le 28 mai 1919 à Niort. D'abord instituteur, il est vite attiré par la carrière militaire et, à 18 ans, s'engage dans le 26e régiment d'infanterie de Nancy. Il participe à la courte guerre de 39-40 qu'il termine à Périgueux dans l'armée d'armistice. Il réussit alors le concours de Saint-Maixent et devient sous-lieutenant en 1942. Engagé en janvier 1943 dans la Résistance, il est arrêté par la Gestapo en octobre de la même année. Interné à Compiègne, il est déporté à Buchenwald puis à Mauthausen où il devient le matricule 53 917. Déplacé de Mauthausen à Steyr, puis à Gusen et Linz, il est libéré le 5 mai 1945.
Dès le mois d'octobre, il reprend du service, combat en Indochine de 1951 à 1954, entre à l'Ecole Supérieure de Guerre de 1955 à 1957, puis est affecté en Algérie à partir de 1958. Rentré en France, il franchit les grades : colonel en 1965, général de brigade en 1972, général de division en 1975. Il est enfin nommé directeur de l'Ecole d'Etat-Major de 1972 à 1976. En 1972, il a été fait commandeur de la Légion d'Honneur.
Cette brillante carrière de soldat, peu d'entre nous la connaissaient à la Société Archéologique du Midi de la France, tant le général Ménard avait su devenir à nos yeux un authentique archéologue et historien de l'art. Reçu membre correspondant en 1983, nous l'avions élu membre titulaire dès l'année suivante, tant ses qualités étaient évidentes.
Ce Poitevin avait décidé de prendre sa retraite à Montesquieu-Volvestre pour entreprendre sa carrière de chercheur. Ses premières recherches dirigées par M. Labrousse lui permirent de découvrir les culées d'un pont romain à Goutevernisse, puis la chapelle romane de l'Augnac à Montesquieu. Les succès obtenus le poussèrent à se lancer avec passion dans la découverte du Volvestre et il porta à notre connaissance le résultat de ses recherches.
Sa bibliographie, élaborée en quelques années seulement, est impressionnante. Des brochures d'histoire locale (Salles-sur-Garonne, Latrape, Saint-Christaud, Peyssies, Lapeyrère, Lacaugne, Montaut, Mailholas et le prieuré de Saint-Pierre de Birac) y voisinent avec des ouvrages substantiels de caractère plus général tels que l'Histoire de Montesquieu- Volvestre, couronnée en 1977 par notre Société, Les églises perdues de l'ancien diocèse de Rieux, l'Histoire de Carbonne et Les cloches du Volvestre son dernier ouvrage, paru en 1988. A ces publications s'ajoutent vingt-sept articles d'histoire locale dans la Revue de Comminges. Cela fait une moyenne de deux publications par an dont certaines font référence aujourd'hui. Notre Société bénéficia de ses interventions et de ses communications et plusieurs de ses découvertes nous furent présentées au cours de séances toujours instructives. Ajoutons enfin que le général Ménard fut l'inventeur de la crypte de l'église Saint-Victor de Montesquieu-Volvestre dont le dégagement fut un travail considérable en même temps qu'un apport inestimable à l'architecture religieuse du Volvestre.
Pour tous les historiens du Comminges, la disparition du général Ménard est une perte irremplaçable. Son dynamisme, son énergie transparaissent dans ses publications au style clair, précis, direct. Pour nous tous, cet homme d'action que la maladie ne réussit jamais à entamer restera un modèle de compétence, de sérénité et de force.Jean LAUTIER
(1923-1990)Né à Rabastens-sur-Tarn le 4 janvier 1923, Jean Lautier a consacré toute sa vie à son département d'origine et à l'archéologie. Appelé aux Chantiers de Jeunesse en 1943, menacé d'être envoyé en Allemagne dans le cadre du S.T.O., il rejoint le maquis en 1944. Incorporé à la Libération dans l'armée régulière, il participe au siège de Royan. C'est là qu'il rencontre un autre tarnais, un albigeois, André Jarlan. Ils décident, s'ils survivent, de fonder un club de spéléo-archéologie. Ce qu'ils font en 1947.
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C'est par le biais de la spéléologie à laquelle il restera fidèle toute sa vie que Jean Lautier va devenir un archéologue éclairé. Mais, entré dans les P.T.T., nommé à Paris, Marseille, Toulon, le contrôleur, puis l'inspecteur Lautier ne retrouve le Tarn qu'en 1954 avec sa mutation à Albi. Dès lors, il va pouvoir s'adonner à sa passion. La spéléologie le pousse vers l'étude des cavités souterraines artificielles dont il entreprend la recherche systématique. Attiré par la théorie selon laquelle ces cavités sont d'utilisation cultuelle et funéraire, sa pensée évolue et il en vient, dans les années 60, à l'idée qu'elles avaient une fonction utilitaire ou artisanale. Ses recherches aboutirent à la découverte de plus de 300 souterrains et le poussèrent à organiser à Cordes, en 1967, un symposium sur ces questions.
Avec les cavités souterraines et la spéléologie, les mégalithes furent la troisième passion de Jean Lautier. Il fouilla entre autres les dolmens de Castelsec et Lagarde à Murat, celui de Peyroseco à Roussayrolles et se précipitait avec frénésie vers tout menhir et surtout tout menhir sculpté qui lui était signalé. Il en sortira un inventaire fouillé des pierres dressées du département : Les mégalithes du Tarn.
Enfin l'apport de Jean Lautier a été considérable pour la connaissance d'Albi avant le Moyen-Age. Attentif aux travaux réalisés dans la ville, il fouilla d'abord à la va-vite dans les tranchées de canalisation ou les fondations d'immeubles avant que les autorités locales devenues conscientes de sa compétence ne lui accordent des délais plus longs. La récente Histoire d'Albi montre tout ce que nous lui devons Pour la connaissance du site et de la ville antique. Les fouilles du Patus-Crémats en 1981 et de la place Sainte-Claire en 1984 en sont un exemple.
Les découvertes réalisées par Jean Lautier et tous ceux que sa passion avait entraînés dans son sillage méritaient d'être portées à la connaissance du grand public. Avec la collaboration du conservateur du Musée d'Albi, Edouard Julien, il réorganisa la section archéologique du Musée Toulouse-Lautrec et y établit une galerie permanente inaugurée en 1972 par le Ministre des Affaires Culturelles.
Jean Lautier estimait que les recherches étaient vaines si elles n'aboutissaient pas à la publication. Pour cela il favorisa le développement de deux revues : Travaux et recherches, de 1962 à 1979, et, depuis 1984, Archéologie tarnaise. A ces activités Jean Lautier ajoutait diverses responsabilités. Membre correspondant de notre société depuis 1964, il était en outre vice-président de la Fédération des Sociétés Intellectuelles du Tarn et de la Société des Sciences, Arts et Lettres du Tarn, correspondant de la Commission Supérieure des Monuments Historiques, membre de la Commission des objets mobiliers du Tarn, membre du Conseil d'Administration du Musée Toulouse-Lautrec, correspondant pour le Tarn des deux Directions des Antiquités Préhistoriques et Historiques. Il était détenteur de la médaille d'argent de la Jeunesse et des Sports et Officier des Palmes Académiques.
Sa culture, sa compétence, son autorité naturelle, son dynamisme communicatif l'ont fait reconnaître comme le « patron » de l'archéologie tarnaise. Opéré du cur en 1986, il déclina malgré quelque répit laissé par la maladie jusqu'au 12 février dernier où il décéda. La Société Archéologique du Midi de la France a perdu en lui un préhistorien éclairé.En ouvrant le rapport moral de notre Société, qu'il me soit permis de rendre hommage à mon prédécesseur M. Gratien Leblanc qui, pendant deux ans, a assuré la charge de Président de la Société Archéologique avec la minutie et la compétence que nous lui connaissons tous. Mais, l'an dernier déjà, à cette même époque, c'est au prix d'un grand effort qu'il était venu présider la séance publique de notre société, en raison de sa santé précaire. La maladie qui le handicape lui rendant de plus en plus difficile l'accès à notre salle des séances, il a préféré au mois de janvier dernier ne pas se représenter au poste de président, estimant que ses absences ne lui permettaient plus d'assurer convenablement la direction des débats. Nous l'avons donc élu à l'unanimité et par acclamation Président honoraire de la Société Archéologique du Midi de la France. Aujourd'hui, gêné par ses douleurs aux genoux, et malgré l'intention qui était la sienne, il n'a pu se joindre à nous et me prie de bien vouloir l'excuser auprès de vous de son absence.
Le départ de M. Leblanc a provoqué une série de glissements au sein de notre Bureau. De Directeur, votre serviteur est devenu Président. M. Coppolani, notre Secrétaire Général de temps immémorial, est passé au poste de Directeur. M. Cazes a quitté son poste de Secrétaire-adjoint pour devenir Secrétaire Général et a cédé cette place à M. Maurice Scelles, que nous avons immédiatement mis à contribution en lui confiant le rapport général sur les concours. Quant à M. Fouet et M. Ahlsell de Toulza, les deux piliers stables de notre Bureau, ils ont conservé leurs postes respectifs de Bibliothécaire-Archiviste et de Trésorier.Le rapport moral que je présenterai devant vous portera à la fois sur la partie de l'année académique au cours de laquelle M. Leblanc a assuré la présidence et sur celle où je l'ai moi-même assurée. Cette année académique s'est ouverte comme elle se termine : par le dossier des restaurations de Saint-Sernin de Toulouse. Les membres de la Société Archéologique du Midi de la France se sont penchés avec passion sur le projet de restauration de la basilique. Au cours du dernier trimestre de l'année 1989, la Société a organisé plusieurs de ses séances autour de cette épineuse question. Deux visites sur place nous ont menés jusque sur les voûtes de la basilique et dans les salles du Musée Saint-Raymond où étaient exposées les pièces et documents de la remarquable exposition Saint-Sernin. Trésors et métamorphoses organisée par Mme Sire, Inspecteur des Monuments Historiques et M. Cazes à la fois Secrétaire de notre Société et Conservateur du Musée Saint-Raymond. Ces visites ont permis de constater dans un premier temps la complexité du problème de la restauration de Saint-Sernin et trois séances entières ont été occupées à débattre de la question. Certains de nos membres se sont alors prononcés en faveur du projet de restauration, le plus grand nombre se prononçant contre.
Mais, depuis, des recherches, dont certaines dues à plusieurs membres de notre Société, sont en train de démontrer que la basilique avait bien à l'époque romane un aspect proche de celui que lui donna Viollet-le-Duc à partir de 1860. Je fais allusion aux travaux de M. Pascal Julien, qui a soutenu tout récemment son mémoire de D.E.A. à l'Université de Toulouse-Le Mirail, qui prouvent par des documents nouveaux que les fameuses mirandes qui subsistent aujourd'hui sur le massif' occidental datent du XVIe siècle. Ces conclusions sont confirmées par les analyses archéologiques menées par un étudiant en maîtrise du Mirail qui a étudié la construction des parties hautes de ce même massif occidental, et les travaux de M. Jean Nayrolles qui prépare une thèse sur le néo-roman dans le Midi de la France, et vient de retrouver des textes montrant que Sainte-Foy de Conques, église de la même famille que Saint-Sernin,
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a connu elle aussi une toiture à décrochement. Autant d'éléments qui viennent s'ajouter à ceux qui existent déjà et que l'on a tant entendus et je pense ici aux découvertes de Mlle Odile Foucaud publiées dans L'Auta et le Bulletin monumental.
Tout en respectant l'opinion de ceux qui, dans cette Société, se sont ralliés au projet de restauration, et qui l'ont fait en se fondant sur des critères qui nous sont communs, les critères archéologiques, l'universitaire que je suis ne peut s'empêcher d'ouvrir une parenthèse pour émettre quelques remarques qui n'engagent que lui et dire son amertume.
Une question se pose. A quoi bon les études, à quoi bon les recherches puisque les décideurs ne les utilisent pas ? On nous l'a dit, ce qui a motivé la décision finale pour la restauration de Saint-Sernin, ce sont les arguments esthétiques, techniques et financiers. Au mépris de ce qui devrait être primordial : l'histoire et l'archéologie du monument.
On va donc faire de Saint-Sernin de Toulouse, édifice qui s'inscrit dans un groupe cohérent de monuments romans, qui va de la Loire à la Galice en passant par l'Auvergne, affichant des formes et des structures trans-régionales, on va donc faire de ce monument roman de caractère international, une église du « gothique méridional », au nom d'une architecture « occitane » dont on a découvert avec stupeur l'existence il y a deux jours. On ne pouvait commettre plus grand contresens sur le gothique méridional, l'art roman et Saint-Sernin à la fois. Mais l'esthétique, celle d'aujourd'hui, qui n'en doutons pas, sera fortement critiquée dans un siècle, comme l'est aujourd'hui celle de Viollet-le-Duc, la technique, qui, pourtant, pourrait davantage aujourd'hui qu'à l'époque de Viollet-le-Duc, et l'argent ont été souverains. Ainsi en a-t-on décidé.Refermant cette parenthèse, j'en reviens à ce qui nous réunit : les activités de la Société. La première de nos séances fut, hélas, celle où le général Ménard fit sa dernière communication. Il nous fit part à cette occasion du résultat de ses recherches sur les cloches du Volvestre, étudiant à la fois leur technique de fonte, leurs caractères musicaux, leur épigraphie, leur décor, les dictons ou les chansons qu'elles ont inspirés.
M. Julien nous a ensuite parlé au cours de deux séances successives de l'uvre de Saint-Sernin au XVIe siècle. Ce travail, préparé en collaboration avec Mme Watin-Granchamp et M. Maurice Prin, est une véritable mine de renseignements à la fois sur les parties occidentales de la basilique et sur le décor peint du chevet. Ces deux communications mériteraient un long compte rendu car elles apportent des nouveautés de première importance sur les travaux réalisés à Saint-Sernin au cours du XVIe siècle et sur la façon dont ils ont été commandés, payés et réalisés. Surélévation de 12 m du massif occidental, peinture du chur, réalisation de certains chapiteaux des tribunes, autant d'éléments nouveaux sur la basilique que vous trouverez dans le prochain volume des Mémoires dont la parution est prévue avant la fin de l'année.
Trois communications ont été consacrées au XVIIIe et au XIXe siècle. M. Cazes nous a brillamment parlé des Antiquaires et collectionneurs au XVIIIe siècle à Toulouse et a évoqué les collections d'antiquités parfois de très grande qualité rassemblées par les Antiquaires du siècle des Lumières. Cela a permis d'évoquer entre autres la personnalité du père d'Alexandre Du Mège qui fut lui aussi un grand collectionneur.
Mme Cazes et M. Catalo nous ont entretenu de l'atelier de Théophile Collondre, marchand-faïencier de Toulouse au XVIIIe siècle, découvert au Port Saint-Etienne et étudié dans le cadre d'une campagne de fouilles. Une batterie de trois fours, des rebuts de cuisson furent découverts sur cette parcelle de terrain occupée par les Collondre, faïenciers venus de Montpellier en 1720 et qui avaient obtenu le monopole de la fabrication de la faïence à Toulouse.
Enfin M. Jacques Lapart nous a révélé l'étrange destinée d'une collection retrouvée à Auch par fragments dans un mur ayant servi à fermer un jardin. Plusieurs pièces de cette collection connues par des textes du XIXe siècle étaient considérées comme perdues ou comme le fruit de l'imagination de certains archéologues peu scrupuleux. Inscriptions latines et fragments de statues viennent de réapparaître grâce à la perspicacité de notre confrère et à la grande complaisance du propriétaire qui n'a pas hésité à accepter que l'on détruise son mur de clôture pour retrouver ces uvres précieuses.
Quant à M. l'abbé Baccrabère, il a pour sa part apporté sa contribution savante à nos réunions en nous présentant une intéressante étude sur la protohistoire à Ancely, résultat de ses fouilles et de ses recherches qui lui ont permis de trouver la trace de trois fossés successifs sur le site aujourd'hui fort perturbé de Saint-Michel du Touch, devenu la cité Ancely.Comme chaque année notre Société s'est également déplacée pour visiter les expositions organisées dans les différents musées toulousains ou ces musées eux-mêmes. C'est ainsi que l'infatigable abbé Baccrabère nous a fait visiter le Musée de l'Institut Catholique qu'il a constitué patiemment et qu'il nous a conduits dans la véritable termitière creusée de ses mains à proximité du rempart romain et jusque sous celui-ci pour en extraire une foule de sculptures funéraires antiques.
M. Michel Barrère, Conservateur à la Direction des Antiquités de la région Midi-Pyrénées, nous a présenté, quant à lui, l'exposition du Musée des Augustins Archéologie et vie quotidienne aux XIIIe et XIVe siècles en Midi-Pyrénées, exposition organisée par Mme Rey, Conservateur au Musée des Augustins et lui-même. Au catalogue de cette exposition, encore une fois, plusieurs membres de notre Société ont participé. Nous avons pu suivre au cours de la visite les transformations de l'habitat rural et du cadre urbain pendant ces deux siècles du bas Moyen-Age mais aussi admirer les monnaies et les objets exposés concernant aussi bien la vie domestique qu'artisanale dans notre région.
Enfin notre dernière séance s'est tenue au Musée Saint-Raymond où Mlle Ugaglia nous a présenté avec compétence et enthousiasme l'exposition Art grec. De la terre à l'image qui révèlera au public toulousain pendant quelques semaines encore, l'extraordinaire richesse du Musée Saint-Raymond en statuettes de terre cuite et en vases grecs dont certains d'une étonnante beauté.Les séances publiques ne sont pas la seule activité de la Société Archéologique du Midi de la France. Une de nos tâches consiste à porter à la connaissance du public les travaux et communications présentés au cours des séances. Le tome XLIX de nos Mémoires
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est donc paru et en l'acquérant ici-même vous pourrez constater combien il est fourni. Les sept articles qui le composent comptent 243 pages d'une graphie serrée. C'est dire leur richesse.
Deux d'entre eux sont archéologiques. L'un, collectif, sur les fouilles du rectorat à Toulouse, l'autre de M. Catalo, sur les fouilles de la place Arnaud-Bernard. Les études sur le Moyen-Age sont représentées par le travail de M. Scelles sur la maison romane de Saint-Antonin-Noble-Val et celui de M. Cabau sur un chrisme roman à Toulouse. Les temps modernes, du XVIIIe au XIXe siècle ont intéressé M. Latour qui nous donne un long article sur la gestion et l'administration de la confrérie de la Sainte-Trinité à Auterive, de M. l'abbé Baccrabère qui retrace l'histoire de la fonderie de canons installée dans les locaux de l'ancien couvent des Ursulines de Sainte-Claire, actuel Institut Catholique et de Mme Quitterie Cazes qui, à travers des documents du XIXe siècle inédits, apporte des nouveautés non négligeables sur le cloître de la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse et ses abords au moment de sa destruction sous la Révolution et l'Empire.
Deux nouveautés enfin méritent d'être signalées. La première est la parution, à nouveau de notre Bulletin, que pour cette année, nous avons inséré dans le volume des Mémoires. Le Bulletin est destiné à porter à la connaissance du public à la fois les informations qui ne sont pas publiées, les discussions qui suivent les communications et la vie de la Société, aspects de notre activité qui n'apparaissent pas dans les Mémoires. Souvent par le passé les pages du Bulletin ont comporté des renseignements de première importance malgré la brièveté des résumés. Il en est toujours ainsi et vous aurez l'occasion de le constater à la lecture de l'actuel Bulletin. Nous avons ainsi renoué après plus de quinze ans d'interruption avec une vieille pratique et M. Coppolani s'est attelé à la tâche pour publier les quinze années manquantes. Son travail progresse et nous espérons pouvoir publier rapidement le résultat de son labeur.
La deuxième nouveauté concerne la création d'un nouveau prix, le prix du Professeur Michel Labrousse créé à l'initiative de Mme Labrousse que je remercie vivement pour sa générosité au nom de la Société Archéologique du Midi de la France et au nom des futurs lauréats qui en bénéficieront. Ce prix ne sera décerné qu'à titre exceptionnel et à des chercheurs de qualité qui promettent de se destiner à des études spécialisées sur l'Antiquité romaine. J'aurais souhaité que Mme Labrousse veuille bien remettre de ses mains, aujourd'hui, ce prix à celui qui en est l'heureux lauréat. La modestie et l'émotion le lui interdisent. Je le ferai donc en son nom et à sa place. Je considère cela comme un honneur et ce me sera une façon de rendre hommage à celui qui fut mon professeur avant d'être mon collègue, qui fut un de mes prédécesseurs à la Présidence de la Société Archéologique du Midi de la France, mais aussi à l'humaniste chaleureux et vivant que j'ai découvert dans les rapports informels que nous avions tissés lors de voyages lointains au cours desquels il ne manquait jamais d'apporter son immense culture et ses remarques sur les monuments visités.La création de ce nouveau prix me fournit l'occasion de passer la parole à M. Scelles qui va maintenant nous donner lecture du rapport général sur les concours et officier pour la dernière et non la moindre de nos activités : l'encouragement et la promotion de la recherche.
Je vous remercie.Le Président
Henri PradalierRapport général sur les concours par M. Maurice Scelles.
La Société Archéologique du Midi de la France encourage M. Dominique Allios en lui remettant une médaille de bronze.
Le prix de la Société Archéologique est remis à Mlle Anne-Claire Delpech, qui reçoit une médaille d'argent. Mlle Nicole Fayel et M. Jean-Luc Boudartchouk reçoivent respectivement le prix de Champreux et le prix de Clausade, dotés de 3 000 F. et accompagnés d'une médaille d'argent de la Société Archéologique du Midi de la France.
Le Président remet à M. William Van Andringa le prix du Professeur Michel Labrousse, doté de 3 000 F.Conférence de M. l'abbé Rocacher consacrée au Château Narbonnais, qui sera en partie publiée dans le t. LI (1991) de nos Mémoires en complément de la publication à paraître aux Editions Privat.
Séance du 19 juin 1990
Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Cazes, Secrétaire Général, G. Fouet, Bibliothécaire-Archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier; Mmes Cazes, Labrousse, Noé-Dufour, Ugaglia; MM. Bongiu, Cabau, Fabre, Julien, Lassure, Latour, Manière, Nayrolles, Péaud-Lenoël, Prin, l'abbé Rocacher.
Excusés : MM. Gérard, Scelles.Le procès-verbal de la séance du 15 mai, puis celui de la séance du 29 mai qui s'est tenue au Musée Saint-Raymond sont adoptés. Le Président rend compte de la correspondance manuscrite. Mme Labrousse offre deux ouvrages à la Société.
On signale qu'un morceau du rempart a été conservé dans le magasin Naa et déplore l'oubli de la mise en valeur du rempart de Larrey : 60 m de rempart romain et leurs deux tours. La promesse du promoteur n'a donc pas été tenue et c'est ainsi tout un pan de l'histoire de Toulouse qui a été occulté.
Le Président lit le rapport établi par Bruno Tollon sur la candidature de M. Jean-Louis Biget ; puis il présente son rapport sur celle du Père Montagnes. Les deux postulants sont élus membres correspondants de notre Société.Le Président donne la parole à Patrice Cabau pour la communication du jour : Les évêques de Toulouse au XIe siècle, qui sera publiée dans nos prochains Mémoires.
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Le Président remercie P. Cabau et demande des précisions sur Pierre Roger. Pascal Julien rappelle la nécessité de se reporter aux sources citées par Mgr Douais, qui a pu retranscrire en « Renefeuille » le nom de Levesville.
Les questions diverses sont abordées avec en premier lieu des informations sur le fermage de Martres-Tolosane.
Par ailleurs, le Président informe les membres de la Société que la S.A.E.S. finance l'analyse des pierres de construction de l'ancienne église Saint-Pierre-des-Cuisines; l'étude est confiée à F. Veyssière, géologue.
Le Président annonce à la Société qu'est envisagée l'installation d'un musée dans les locaux de l'hôtel d'Assézat. M. Bemberg céderait à la fondation qu'il créerait une importante collection de peintures, bronzes, livres... ainsi que deux immeubles à Paris pour son entretien. Il prendrait également en charge l'aménagement des locaux qui lui seraient attribués. Il est confirmé qu'il s'agit d'une collection de belle qualité. L'installation de cette fondation, un musée et ses animations, rendrait nécessaires de nombreux aménagements. La Mairie de Toulouse, qui souhaite que cette collection reste à Toulouse, aurait alors la charge de réinstaller les Académies qui ne sauraient en aucun cas être lésées.
Le Président rend compte de la réunion provoquée par la Mairie de Toulouse et à laquelle participaient les représentants des associations, réunion qui faisait suite à la décision du Ministre de la Culture approuvant le projet d'Yves Boiret pour la restauration de Saint-Sernin ; il donne lecture de la lettre adressée par le Ministre au Maire. Une discussion s'engage alors sur ce qu'il convient de faire.
Pour la restauration de l'hôtel d'Assézat, la commission supérieure des Monuments Historiques a rendu son avis. Certains membres pensent qu'il faudrait remettre en cause la composition de cette commission, où les historiens de l'Art sont trop peu représentés. Des avis critiques sont également exprimés quant à la composition de la COREPHAE.
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