Mémoires |
BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE
1993-1994
Établi par Daniel CAZES et Maurice SCELLÈS
Cette édition électronique respecte la mise en page de l'édition imprimée (Bulletin de l'année académique 1993-1994, dans Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, t. LIV, 1994) dont nous indiquons la pagination. Les corrections nécessaires ont été apportées et quelques illustrations en noir et blanc sont remplacées par des illustrations en couleur.
1ère
partie Séances du 2 novembre 1993 au 1er février 1994 |
2e partie Séances du 15 février 1994 au 7 juin 1994 |
3e partie Séances du 21 juin 1994 au 25 juin 1994 |
M.S.A.M.F., T. LIV, page 187
Séance du 21 juin 1994
Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de
Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire-adjoint ;
Mmes Blanc-Rouquette, Pradalier-Schlumberger, Watin-Grandchamp, MM. Bertrand, Boudet,
Ginesty, Lassure, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, Tollon.
Excusés: M. Cazes, Secrétaire Général; Mme Cazes.
Le Président remercie M. Ginesty pour les trois tirés à part que celui-ci offre à la Société.
Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 7 juin dernier, qui est adopté à l'unanimité.
À propos des travaux en cours à l'ancienne
Manufacture des Tabacs, le Président informe la Société des
correspondances qu'il a adressées au Président du Conseil régional, au Directeur
régional des Affaires culturelles et au Maire de Toulouse. Il donne lecture de la
réponse qui lui a été faite, au nom de M. Dominique Baudis, par M. Puel, Maire-adjoint,
qui précise que dans ce cas le permis de construire a été accordé le 9 juillet 1993
non par la Ville mais par l'État, représenté par le Préfet, après transmission au
Directeur régional des Affaires culturelles et avis de l'Architecte des Bâtiments de
France et du Conservateur régional de l'Archéologie (plus probablement le Conservateur
régional des Monuments historiques).
Il serait souhaitable de transmettre ce dossier à l'association MOMUS.
Il est précisé que celle-ci regroupe des personnalités comme Anne-Marie Lecoq,
Jean-Marie Pérouse de Montclos, André Turcat, des journalistes... et d'autres qui,
soumis au devoir de réserve, ont la possibilité de s'exprimer en ayant recours à un
pseudonyme.
Puis le Président indique que la liste des articles
du prochain volume des Mémoires est définitivement établie. Il rappelle que les
textes qui n'ont pas encore été rendus doivent l'être au plus tôt.
On précise encore le programme de la journée foraine de Cahors. Sept
personnes représenteront la Société.
On procède ensuite à l'élection de membres
titulaires et correspondants.
Sur proposition du Bureau, MM. Boudet, Catalo, Hermet et Julien sont
élus membres titulaires.
Pascal Bertrand présente ses deux rapports sur les candidatures au
titre de membre correspondant de Mme Catherine Bourdieu et de M. Boyer. Les deux candidats
sont élus membres correspondants de notre Société.
Le Président donne alors la parole à Michèle Pradalier-Schlumberger pour une communication consacrée à la Découverte de peintures murales dans l'église Sainte-Quitterie de Massels (Lot-et-Garonne) :
« L'église Sainte-Quitterie de Massels, canton de
Penne d'Agenais, arrondissement de Villeneuve, possède un cycle important de peintures
murales gothiques, en cours de dégagement. La paroisse de Sainte-Quitterie, avec son
annexe Saint-Pierre, était une cure de l'archiprêté de Villeneuve. L'ancienne paroisse
faisait partie de la juridiction de Penne, puis, à partir du XVe siècle, de
la juridiction de Frespech. Cette commune, qui ne comporte pas de village, ni même de
hameau important, possède ainsi deux églises, Sainte-Quitterie et Saint-Pierre. Au Moyen
Âge, Saint-Pierre faisait partie d'un prieuré dépendant de l'abbaye de Moissac.
L'église Sainte-Quitterie est un édifice roman, comportant une nef
unique, une travée de chur et une abside semi-circulaire. Elle est couverte d'une
voûte en berceau brisé, sans doute postérieure à la nef elle-même. Contre le mur sud
de la nef romane a été bâtie, au XVe siècle, une chapelle de plan carré.
Elle est couverte d'une voûte d'ogives quadripartite dont les nervures prismatiques
retombent dans les angles sur des consoles moulurées et se croisent au niveau d'une clé
de voûte armoriée, au motif effacé. Deux fenêtres à large ébrasement sont ouvertes
sur les murs sud et ouest de la chapelle, l'une en plein cintre, l'autre, celle du sud, en
partie refaite. Les fenêtres, décalées vers les angles de la chapelle, sont
contemporaines de la construction, et le décor peint est organisé en fonction des
ouvertures.
Des travaux de décapage des crépis, qui couvraient à l'origine les murs de l'église romane et ceux de la chapelle, ont révélé, à partir d'avril 1993, l'existence de peintures murales qui couvrent apparemment les quatre murs de la chapelle gothique. Un petit groupe de bénévoles, alertés par le maçon chargé des travaux, a entrepris de mettre au jour la partie accessible des peintures. Le décor est réparti sur trois registres : la partie basse des murs dotée de motifs ornementaux, des tentures vraisemblablement, un registre intermédiaire divisé en scènes juxtaposées dans des niches architecturées et la partie haute des murs, prise sous les formerets, encore cachée sous les enduits. Les différents registres sont soulignés par une mince frise décorative, faite de quadrilobes blancs sur fond rouge qui cernent les fenêtres et semblent souligner la retombée des ogives ainsi que les formerets.
Le thème iconographique de la chapelle, très
homogène, illustre un cycle de la Passion. Sur le mur nord, occupé en partie par la
grande arcade brisée qui sert de lien avec la nef romane, seule une scène a été
dégagée. Sous une arcade surbaissée, a été représenté le Couronnement d'Epines.
Deux bourreaux, vus de profil, enfoncent la couronne avec deux tiges de roseau
entrecroisées, in modum crucis, sur le front du Christ. Le registre supérieur est
encore caché sous les enduits, ainsi que la portion ouest du mur.
Sur le mur oriental, le registre médian est divisé en trois scènes.
À gauche, on distingue un épisode insuffisamment dégagé, peut-être repeint, dont la
partie visible est constituée par une arcature flamboyante reposant sur une fine
colonnette, qui se
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ÉGLISE SAINTE-QUITTERIE DE
MASSELS (Lot-et-Garonne). |
ÉGLISE SAINTE-QUITTERIE DE MASSELS
(Lot-et-Garonne). |
ÉGLISE SAINTE-QUITTERIE DE MASSELS
(Lot-et-Garonne). Chapelle, mur ouest: Jérusalem Céleste.
Cliché Michèle Pradalier-Schlumberger.
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détache sur un fond noir à résille oblique, identique à celle du Couronnement. La scène centrale est celle du Portement de Croix, où le Christ apparaît, courbé sous une croix au bois nervuré. On distingue à droite, dans le dernier panneau, séparé par une colonne, une Crucifixion symbolique, en partie dégagée, avec la Vierge et saint Jean. Le peintre a représenté la même croix nervurée et le même sol piqueté de végétation que sur la scène précédente. Le registre supérieur est encore dissimulé sous les enduits.
Tout le mur sud est orné d'un fond rouge à
résille blanche oblique, avec fleurons noirs. Le registre médian est divisé en trois
scènes encadrées par un arc surbaissé qui retombe sur des colonnes à chapiteau lisse.
La scène de gauche représente la Descente de Croix. Deux échelles sont placées contre
la croix, un personnage sur chaque échelle soutient le Christ tandis que Nicodème
arrache les clous avec une tenaille. On aperçoit un sol ocre avec bouquets de
végétation, en partie dissimulé par une litre noire postérieure, qui occupe les murs
sud et ouest.
Les ébrasements de la fenêtre sont occupés par un diacre martyr,
tenant un livre et une palme, vêtu d'une dalmatique rouge, peut-être saint Laurent, et
d'une sainte couronnée qui piétine un animal fantastique et qui pourrait être sainte
Marguerite. Au-delà, la scène centrale est occupée par une Mise au Tombeau,
parfaitement conservée. Les protagonistes sont au nombre de sept, Joseph d'Arimathie à
la tête du Christ, tenant le linceul, Nicodème aux pieds, tous deux barbus, vêtus de
chapeaux plats et de manteaux à cols brodés, avec fermail. La Vierge, saint Jean et
Marie-Madeleine, tenant un pot ainsi que les deux Saintes Femmes à l'arrière-plan, ont
tous des auréoles gaufrées. Deux soldats, endormis, l'un sur une lance, l'autre sur une
hallebarde, sont placés en avant du tombeau orné d'anneaux. La troisième scène, à
droite, représente la Descente aux Limbes : le Christ, vêtu d'un manteau blanc bordé
d'un galon d'or, tient le labarum et tire Adam d'une gueule monstrueuse.
Le registre supérieur est en cours de dégagement :
le bas d'une robe rouge et d'un manteau d'un personnage vu de face, et occupant l'axe du
panneau est visible actuellement, ainsi que les jambes de soldats vêtus et armés de la
même manière que ceux de la mise au tombeau et de la montée au Golgotha. Le sol est
piqueté de végétation.
Le mur ouest est entièrement occupé par un grand Jugement Dernier,
peint sur fond rouge à résille, dont le registre supérieur et la partie droite,
au-delà de la fenêtre, ne sont pas encore dégagés. À gauche, une Jérusalem Céleste,
formée d'une courtine crénelée et de deux tours, contient des élus, visibles aux
fenêtres et aux créneaux. Ils sont accompagnés par deux anges. Saint Pierre accueille
les âmes devant la poterne de la tour de droite, à demi fermée par une herse, et à
côté de lui saint Michel, brandissant une épée de la main droite occupe l'axe du
Jugement. Un escalier lie le registre inférieur à la porte de la Jérusalem Céleste,
une volée de marches en diverge vers la gauche, occupée par une petite âme nue. À
gauche de l'escalier, des anges habillés de vêtements sacerdotaux guident des âmes en
prière. Au centre de la scène, le registre inférieur comporte des buissons en flammes,
et on peut penser à un Purgatoire. On peut s'attendre à trouver dans la partie droite de
la scène les restes de l'Enfer, et au sommet du mur, sous le formeret, le Christ et
peut-être les apôtres, séparés du Jugement par une frise quadrilobée, en partie
visible, qui fait le tour de la fenêtre.
Les peintures de la chapelle, qui a servi de lieu de sépulture, sont signalées dans une visite pastorale de 1605, de Nicolas de Villars, et celle de 1668, de Claude Joly. L'ensemble du décor, que l'on peut dater de la fin du XVe siècle, par comparaison avec les peintures de l'église d'Allemans-du-Dropt (Lot-et-Garonne), est d'une étonnante qualité, et d'une grande unité stylistique et décorative. Le dégagement de cet important décor n'étant pas encore achevé, il est prématuré d'aller plus loin dans l'analyse stylistique et iconographique. Il faut cependant souhaiter que le dégagement des peintures se poursuive dans les meilleures conditions et qu'une protection efficace soit envisagée. »
Le Président remercie Michèle
Pradalier-Schlumberger et souligne l'intérêt que présente cet ensemble de peintures
dont une part importante reste encore cachée par un enduit moderne. Il remarque cependant
que l'on ne peut s'empêcher, en voyant ces décors, de songer au fossé qui les sépare
de ce qui se fait à la même époque en Italie.
Bruno Tollon demande si la peinture est réalisée sur enduit sec.
Michèle Pradalier-Schlumberger indique que M. Pierre Bellin doit en faire une expertise.
Bruno Tollon se démarque du jugement de valeur porté par le
Président. Il ajoute qu'il s'agit d'un travail réalisé a presto et que les
visages rappellent les gravures sur bois. Guy Ahlsell de Toulza note que les fonds
rappellent évidemment ceux des miniatures. Michèle Pradalier-Schlumberger confirme que
les fonds utilisés et leur qualité constituent l'aspect le plus original de ces
peintures. Jean-Michel Lassure fait remarquer que les quadrilobes sont déjà archaïques
et il se demande s'ils ne sont pas réalisés au pochoir. Il ajoute que ces décors très
stéréotypés, qui font appel aux mêmes représentations et que l'on retrouve dans
toutes ces églises rurales, posent la question de l'origine des modèles ; on croit y
reconnaître une influence flamande ou germanique. Michèle Pradalier-Schlumberger note
qu'en effet les costumes paraissent plus flamands que méridionaux. Pour Pascal Bertrand,
l'influence est plus nettement germanique que nordique.
Jean-Michel Lassure observe que l'on assiste à cette époque à un extraordinaire mouvement artistique qui atteint les villages les plus reculés du royaume et dont les manifestations conservent cependant une certaine qualité. Le Président, en rappelant que son propos initial était volontairement provocateur, constate que l'on a à faire à un art populaire incontestablement dynamique mais où les peintres véritablement créateurs sont absents, et que c'est ce qui distingue les réalisations de cette époque de la floraison créatrice de la peinture romane. Jean-Michel Lassure l'admet volontiers tout en insistant sur le fait que ceux qui ont réalisé ces peintures murales aux XVe et XVIe siècles étaient bien des peintres.
Guy Ahlsell de Toulza s'inquiète de la conservation des peintures de Massels et du paradoxe qui fait que le Service des Monuments historiques ne s'intéresse aux peintures murales que lorsqu'elles sont en grande partie dégagées, et qu'elles le sont donc presque toujours par des bénévoles. Michèle Pradalier-Schlumberger précise que Mme Marie-Anne Sire, Inspecteur des
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Monuments historiques pour Midi-Pyrénées, a été très intéressée
par les fonds et a informé de la découverte son collègue de la région Aquitaine.
Guy Ahlsell de Toulza demande si l'on connaît celui qui a donné
l'ordre de décaper les élévations intérieures de la nef romane. Michèle
Pradalier-Schlumberger indique que c'est le curé et elle ajoute que, d'après des
témoignages, des vestiges de peintures ont alors disparu. C'est grâce au maçon chargé
des travaux que les peintures de la chapelle ont pu être mises au jour et sauvées.
En remarquant que les peintures murales sont très nombreuses en
Midi-Pyrénées, Jean-Michel Lassure constate qu'il n'existe aucune publication illustrée
un peu complète sur ce thème, l'ouvrage de Robert Mesuret étant aujourd'hui bien
dépassé.
Richard Boudet signale une disparition dont il a eu connaissance : dans une église isolée de la commune de Mézères, en Lot-et-Garonne, un maçon a pu piquer toutes les élévations intérieures sur ordre du maire et sans aucun contrôle, faisant ainsi disparaître toute une bande de peinture ancienne où étaient représentés des personnages.
Maurice Scellès donne lecture d'une note d'Yves Cranga, documentaliste à la Conservation régionale des Monuments historiques, sur La tour des latrines du monastère de la Daurade :
« Le Monasticon Gallicanum (1) indique, relégué dans l'angle nord-ouest des bâtiments du prieuré de la Daurade, un emplacement marqué « Latrinae » mais la perspective quelque peu sommaire de cette néanmoins précieuse représentation du XVIIe ne permet pas de localiser cet élément avec précision dans le bâti actuel.
PRIEURÉ DE LA DAURADE.
Extrait de la planche 140 du Monasticon Gallicanum.
À la suite de la démolition de l'antique
église de la Daurade en 1761, puis des bâtiments conventuels en 1811 et enfin les
remaniements successifs nécessités par l'implantation de la Manufacture des Tabacs et de
l'École des Beaux-Arts, rien ne permettait de penser que les latrines aient pu survivre
à une urbanisation aussi radicale souhaitée par l'Intendant du Languedoc et à laquelle
souscrit pleinement Philippe Hardy, Directeur des Travaux publics de la ville et
architecte de la nouvelle église de la Daurade.
Le plan dressé en 1826 préalablement à l'installation de la
Manufacture Royale des Tabacs, comporte pour cette partie des bâtiments, une semblable
approximation ; ceci nous conforte dans l'opinion qu'à cette date, la tour n'était pas
non plus prise en compte dans les aménagements projetés. Cependant, lorsque Franque,
architecte du Roi, dressa dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, son projet
de réaménagement des bâtiments du prieuré, il mentionne la présence d'une « fosse
des lieux » à l'emplacement de la tour des latrines proche d'ailleurs d'une autre, plus
réduite, placée en retrait, au nord-est. L'on constate que les deux fosses se trouvaient
implantées de part et d'autre de la ruelle donnant accès à l'église depuis la rue
Peyrolières.
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PRIEURÉ DE LA DAURADE.
Plan de la manufacture royale des Tabacs de Toulouse, 1826.
(A.D.H.G. - P.G. 630).
Dès 1981, les Services de l'Architecture de
1a ville furent sollicités par la direction de l'École des Beaux-Arts pour une étude
visant à dégager de nouveaux espaces de travail. C'est donc postérieurement à cette
date que des sondages effectués dans la partie des bâtiments appelée « Pavillon Labbé
», révélèrent un emplacement ignoré jusqu'alors et enserré entre des salles de
classe et les habitations voisines. Seule la partie haute était connue par l'aménagement
moderne d'un débarras éclairé d'un simple puits de lumière.
Afin dès lors de permettre l'accès à la partie basse de ce volume,
une percée maladroite fut opérée dans le parement sud donnant actuellement sur une
remise. Après avoir dégagé près d'un mètre d'épaisseur d'un appareil fait de
briques, l'on accédait alors à flanc d'un espace haut d'une douzaine de mètres et d'une
section rectangulaire de 3,50 mètres sur 4,70. Depuis le printemps 1993, date de ce
percement, la tour n'a fait l'objet d'aucune intervention et permet les observations
suivantes.
Des baies, aujourd'hui murées, apparaissent par
groupes de trois à la partie sommitale ouest et à mi-hauteur sud. Couvertes en plein
cintre, elles sont, comme le reste de l'édifice, entièrement réalisées en briques dont
la forme caractéristique nous inclinent a priori à les rattacher à l'époque
médiévale.
À mi-hauteur et face à l'accès provisoire, un glacis horizontal
tapissé de briques apparemment du même type, semble avoir eu pour fonction de diriger un
déversement vers le centre de la tour. Un puissant arc de décharge en briques apparaît,
noyé dans le flanc inférieur oriental ; un autre de même emprise, dans le flanc
supérieur sud.
PRIEURÉ DE LA DAURADE. TOUR DES LATRINES.
Arcs diaphragmes qui portaient deux niveaux de latrines.
Cliché Y. Cranga.
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PRIEURÉ DE LA DAURADE. TOUR DES LATRINES.
Baies hautes murées. Cliché Y. Cranga.
Sans doute afin de permettre des accès à différentes hauteurs, l'intrados sud est muni de deux grands arcs diaphragmes placés en encorbellement et en décalage étroit l'un par rapport à l'autre, tandis que des conduits biais en terre cuite placés dans le flanc supérieur oriental révèlent un rajout sans doute postérieur à l'édification de la tour.
PRIEURÉ DE LA DAURADE. Tour des
Latrines. |
Cette disposition connue par ailleurs (cf. infra) révèle
la nécessité de rendre accessible le volume de la fosse à plusieurs niveaux
d'utilisation. Ce point nous ramène au Monasticon Gallicanum qui indique fort
clairement cette fois-ci, la présence d'un bâtiment peu profond adossé au bâti voisin
et composé de galeries en bois superposées, correspondant aux différents étages du
bâtiment central à usage de dortoir. Ces galeries semblent avoir permis de multiples
accès sur trois faces de la tour, de même que sur le dessus. |
Un déversoir dans l'angle
supérieur nord-est semble par ailleurs avoir eu pour rôle de diriger la récupération
des eaux pluviales vers le centre de la tour. En contrebas de l'accès actuel,
on atteignait le niveau supérieur des déjections durcies par une longue période
d'abandon. Celles-ci firent l'objet d'une fouille archéologique durant l'été 1993, sous
la conduite de C. Boccacino. Le sol naturel fut atteint sans que ne soient révélés
d'indices antérieurs au XVIIe siècle. Apparut cependant, pratiquement au
centre de l'aire ainsi dégagée, un puits circulaire dont la margelle en affleurement est
faite de briques au profil légèrement incurvé afin d'épouser le profil arrondi du
puits ; le conduit cylindrique mesure approximativement un mètre de diamètre et laisse
apparaître la nappe souterraine à une profondeur voisine de 3 ou 4 mètres.
La dimension totale du dispositif, ainsi augmenté de plus d'un mètre
de déjections résiduelles, atteint donc une quinzaine de mètres.
M.S.A.M.F., T. LIV, page 193
M.S.A.M.F., T. LIV, page 194
Selon la typologie adoptée par Jean Mesqui (2), ce dispositif
d'évacuation gravitaire appartient à la catégorie des latrines dites « à fosse »
comme de rares exemples sont encore connus, notamment à Vincennes, dans la
Tour-maîtresse. Celui-ci reçoit de plus une datation communément située dans le cours
du XIVe siècle (3).
L'interrogation demeure de savoir si celle-ci disposait d'un accès
pour la vidange, comme le laisserait penser la porte voûtée en plein cintre actuellement
murée à niveau de sol et jouxtant immédiatement l'accès provisoire. La présence du
puits indique cependant un souci de séparer les éléments liquides ainsi évacués vers
les couches souterraines et le fleuve, de ceux solides, destinés à une dessiccation en
fond de cuve (4). Cet aménagement devait permettre d'espacer les opérations de curage.
L'évacuation des odeurs pouvait se faire en partie haute comme le suggère la présence
des lucarnes supérieures, telles que représentées d'ailleurs sur la vue cavalière du
XVIIe siècle (5).
Cette tour fera l'objet prochainement d'un examen par la Commission Régionale du Patrimoine Historique, Archéologique et Ethnologique (C.O.R.E.P.H.A.E.) en vue de sa protection au titre des monuments historiques. Dans l'intervalle, les aménagements de l'établissement scolaire font l'objet d'une concertation tripartite étroite entre la Ville de Toulouse, propriétaire, la direction de l'École afin que soient préservés l'accès et la lisibilité de ce rare dispositif révélé après trois siècles doubli.
1. M. PEIGNE-DELACOURT, Monasticon Gallicanum, Monastères de lOrdre de Saint-Benoît,
Congrégation de Saint-Maur, Paris, 1871.
2. Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de
la France médiévale, de la défense à la résidence, 2 vol., Picard (coll. Grands
manuels), 1991, 1993
3. Une datation précise ne sera obtenue que par la datation physique des briques
constituant la tour.
4. Débarrassées de l'élément liquide, les matières fécales sèchent rapidement sans
engendrer de fermentation.
5. J. MESQUI signale un devis de
reconstruction de Beaufort-en-Vallée, daté de 1346, et qui stipule : " et aura
es tuyaux fenestres pour issir et widier le mauvais air des dictes chambres ".
»
Guy Ahlsell de Toulza précise que son intervention a finalement provoqué la suspension des travaux projetés, et que depuis un an tout est resté en l'état. Il ajoute que ces bâtiments peu nobles ne sont le plus souvent
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que peu étudiés et que le petit ouvrage récent de
Jean Mesqui est une exception. Il commente les diapositives qui sont présentées aux
membres de la Société.
Bruno Tollon indique que le couvent des Carmes possédait une tour des
latrines qui se trouvait de l'autre côté de la grand-rue, rue de l'arc des Carmes.
Le Président demande quels sont les arguments qui peuvent permettre de
dater la tour. Maurice Scellès pense qu'elle ne peut actuellement reposer que sur
l'analyse des techniques de construction et les matériaux. Guy Ahlsell de Toulza insiste
sur le fait qu'il faut resituer la tour des latrines dans l'ensemble du monastère et
rappelle qu'elle se trouvait au chevet de l'église, derrière la salle capitulaire, au
fond d'une courette. Jean-Michel Lassure pense qu'elle est postérieure au Moyen Âge. En
rappelant que le Moyen Age connaît des latrines très importantes et très évoluées,
Maurice Scellès n'exclut pas une datation du XIVe siècle.
Guy Ahlsell de Toulza et Maurice
Scellès soulignent l'intelligence avec laquelle la Mairie de Toulouse et les services
municipaux, et en particulier M. Bonrepos, ont compris tout l'intérêt que présentait ce
bâtiment mal connu.
Jean-Michel Lassure demande quels ont été les résultats des fouilles
réalisées par Catherine Boccacino. Guy Ahlsell de Toulza indique que le matériel
retrouvé est moderne, du XVIIe voire du XIXe siècle, et qu'il faut
penser que la fosse de la tour a été fréquemment vidangée. Un « puits » a cependant
été mis au jour. Jean-Michel Lassure pense qu'il s'agit d'un puits d'écoulement plutôt
que d'un puisard.
Le Président prononce la clôture de l'année académique.
Journée foraine à Cahors, 25 juin 1994
En présence de membres de notre Société, de M. Robert Mangado, Architecte des Bâtiments de France, de M. Pierre Dalon représentant la Société des Etudes du Lot, de M. Joël Laporte, Directeur du C.A.U.E. du Lot, de M. Gilles, architecte, et de M. Michel Bizeul de l'entreprise Bizeul-Rodrigues qui ont réalisé les travaux... et de représentants de la presse, notre Président Henri Pradalier remet une médaille d'argent de la Société Archéologique du Midi de la France à M. Guy Rouqual, propriétaire de l'hôtel-restaurant « L'Escargot », pour le féliciter de sa restauration d'une fenêtre à remplage correspondant à la chambre de parement du palais Duèze.
Après le déjeuner, Maurice Scellès présente aux membres de notre Société quelques-uns des édifices les plus représentatifs de l'architecture civile médiévale de Cahors.