Il semblerait que l'on veuille débaptiser la place Saint-Raymond. Son nom est pourtant bien indiqué au passant par une ancienne plaque émaillée encastrée dans le mur de façade nord du bâtiment du XVIe siècle qui abrite le musée... Saint-Raymond ! Est-il raisonnable de nier ainsi l'histoire d'un haut-lieu patrimonial de Toulouse ? Même si l'histoire de Raimond Gairard, qui vivait à la fin du XIe siècle et au début du XIIe, a fait l'objet récemment de nouvelles analyses, pour la débarrasser d'aspects hagiographiques et légendaires, le personnage, charitable, dévoué à Saint-Sernin, au point peut-être d'avoir joué un rôle important dans sa construction, a laissé son nom à un hôpital, devenu ensuite collège universitaire puis musée. On vénérait sa sépulture, dans un sarcophage de marbre, dans la chapelle Saint-Raymond, qui occupait, jusqu'à sa démolition au milieu du XIXe siècle, l'espace aujourd'hui vide entre la basilique et le musée. L'aura du personnage lui valut la sainteté. |
Détail du retable de Pierre Affre, aujourd'hui dans l'église de Castelsagrat. Cl. C. Soula, Inventaire général Région Midi-Pyrénées. |
Le premier enjeu d'une fouille complète de la place Saint-Raymond est bien de retrouver les vestiges, qui viennent de réapparaître*, au ras du sol, de cette chapelle de la fin du moyen-âge. Elle en avait sans doute remplacé une plus ancienne. Le monument est connu par des plans et dessins, mais insuffisamment. Il contenait un splendide retable baroque, commandé à Pierre Affre en 1667, aujourd'hui exilé à Castelsagrat (Tarn-et-Garonne). L'intégration de cet espace souterrain au musée Saint-Raymond, dans la continuité de son actuel sous-sol archéologique, coule de source. Il doit en être de même de même de tout l'espace occupé par le premier bâtiment de l'hôpital Saint-Raymond, qui se trouvait au nord et au nord-ouest de cette chapelle, c'est-à-dire sous la place actuelle. Le mur sud de cet hôpital a déjà été découvert sous le musée, et la majeure partie de ce bâtiment se trouve encore sous la place. On perçoit tout l'intérêt de sa fouille : mieux en saisir le plan, la fonction, la position par rapport à la basilique, dont il était une annexe, réservée à l'accueil des pauvres, malades et pèlerins. C'est toute l'organisation médiévale du grand sanctuaire de Saint-Sernin que l'on saisira mieux en fouillant de façon exhaustive tout ce secteur.
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La fouille du musée a aussi montré en 1994-1996 que, dans les couches les plus profondes, existent encore d'importants vestiges de la nécropole paléochrétienne qui s'était largement étendue autour du tombeau de Saturnin. Puis, ce secteur semble avoir été réservé aux chantiers successifs de construction (IVe-Ve siècles, puis XIe-XIIe siècles) menés par les clercs qui veillaient sur ce tombeau du premier évêque connu de Toulouse, l'un des martyrs les plus honorés de l'ancienne province romaine de Narbonnaise. D'où la conservation in situ, aujourd'hui, du spectaculaire four à chaux de la fin de l'Antiquité, qui impressionne la majorité des visiteurs du musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse. Le détruire et détruire les autres vestiges de l'hôpital puis collège Saint-Raymond eussent été une perte pour le patrimoine toulousain. Pourquoi, maintenant, traiter différemment ce qui est sous la place Saint-Raymond et qui se trouve dans la continuité de cet extraordinaire site archéologique, qui nous parle des périodes les plus anciennes de l'histoire de notre ville, dont si peu de textes nous informent ?
De plus, la proximité d'un lieu nommé le Peyrou laisse planer l'idée que dans ce secteur arrivaient, sans doute depuis la Garonne (actuel port Saint-Pierre ?), les pierres et marbres nécessaires aux chantiers et aux cimetières (sarcophages) de Saint-Sernin. Cela valut à la fois pour la construction de la première basilique autour de 400 et de celle qui la remplaça aux XIe et XIIe siècles. La fouille intégrale de la place Saint-Raymond est donc susceptible de nous apporter des connaissances d'une extrême importance sur ces chantiers, leur chronologie, leur organisation. Une partie des "archives" utiles à une meilleure étude de la basilique que tous admirent aujourd'hui se trouve très probablement là. Et qui sait si l'on ne retrouvera pas toutes les dispositions du parvis médiéval de la vaste église, dont il faudrait évidemment tenir compte dans le projet de réaménagement et de mise en valeur confié à l'urbaniste Joan Busquets, sous le contrôle de l'administration des Monuments Historiques et de celle des Bâtiments de France. Nous l'avons dit plusieurs fois, la basilique n'est pas un monument isolé, dont l'intérêt s'arrête à la limite de ses murs périphériques. Elle forme un corps inséparable de son environnement immédiat.
Façade de l'Hôtel Dubarry. Cl. moudenc.unblog
Et, après cette fouille complète de la place Saint-Raymond, que faire là ? Comme nous l'avons proposé depuis longtemps, une vaste crypte archéologique devrait être aménagée sous la place, accessible naturellement depuis le sous-sol du musée Saint-Raymond, dont elle serait le prolongement logique et didactique, tout en étant aussi une possibilité non négligeable d'extension du musée (qui en a bien besoin), en direction du sous-sol de l'Hôtel Dubarry. Au-dessus, la place Saint-Raymond reprendrait ses droits, dessinée d'une nouvelle façon, en fonction des découvertes et de la construction du musée de l'oeuvre de la basilique, agrémentée d'une fontaine qui lui donnerait le charme et la vie qui lui font gravement défaut aujourd'hui.
Daniel Cazes
28 juin 2015
*Lors d'un rapide sondage archéologique dirigé par Pierre Pisani, directeur du service archéologique de Toulouse-Métropole.
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