Société Archéologique  du Midi de la France
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Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LIII (1993)



 

BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE
1992-1993

établi par

Patrice CABAU, Daniel CAZES et Maurice SCELLÈS

 


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 209

 

Séance du 3 novembre 1992

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Cazes, Labrousse, Noé-Dufour, Sire, MM. Blaquière, Boudet, Cabau, Costa, Fabre, Gillis, Ginesty, Julien, Lassure, Péaud-Lenoël, Peyrusse, Prin, l’abbé Rocacher.
Excusés : MM. Fouet, Bibliothécaire-Archiviste, Cazes, Secrétaire général, l’abbé Baccrabère, le général Delpoux, Latour, Manière.
Invitée : Mlle Fabienne Sarthe.

Le Président déclare ouverte la nouvelle année académique et remercie M. Costa de s’être joint à notre Compagnie. Il donne la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal de la séance du 18 juin dernier, qui est adopté. M. Scellès présente ensuite son rapport sur la candidature de M. Gilles Séraphin, qui est élu membre correspondant.

Le Président donne quelques informations sur la question de la réinstallation des Académies dans l’Hôtel d’Assézat à côté de la Fondation Bemberg. Il précise qu’une prochaine séance sera plus largement consacrée à ce sujet. Si l’on s’en tenait à l’article paru ce matin dans La Dépêche du Midi, on pourrait penser que tout est réglé. En fait, le règlement de la question est certes en bonne voie, mais il faut répartir définitivement les locaux entre les Sociétés et Académies. Rappelons que M. Bemberg exigeait une réponse définitive avant le 31 octobre et que l’installation de ses collections dans l’aile gauche de l’Hôtel implique que les locaux aient été libérés par les Académies de Législation et des Sciences et le musée de la Médecine. Le problème le plus difficile est celui de la bibliothèque de l’Académie des Sciences, dont il faut stocker les 1800 m linéaires : il semble qu’un accord soit en cours pour des locaux provisoires.

Au cours des négociations, la Société archéologique a constamment affirmé qu’il ne pouvait être question pour elle de déménager avant que ne soient construits les nouveaux locaux : le transfert de la bibliothèque devrait donc se faire directement par une porte à percer entre le bâtiment de l’hôtel et le nouveau bâtiment, pour des emplacements définitifs. Nous avons obtenu la promesse qu’il en serait ainsi. Pour l’instant, seule la petite salle trapézoïdale devra être libérée. La répartition actuelle dans les futurs locaux attribue à notre Société le dernier étage du bâtiment, auquel s’ajoute une rochelle de 60 m destinée à des livres. Nous aurions ainsi de la place pour 25 ans, compte tenu de l’accroissement de notre bibliothèque. Il faudra régler directement avec les architectes la question de l’aménagement des locaux.

M. Gillis indique que le transfert provisoire de la bibliothèque de l’Académie des Sciences se ferait dans les bâtiments des abattoirs. Il s’inquiète en outre du fait que 1’annonce récente par le Maire de Toulouse du mauvais état des finances de la Ville pourrait signifier des retards dans les travaux projetés. Le Président ne le pense pas, car l’opération de l’Hôtel d’Assézat, liée à un programme immobilier sur les nouveaux bâtiments, est conduite par une société privée.

Le Président donne la parole à M Georges Costa, qui tient à dire combien il lui est agréable d’être parmi nous, pour sa communication sur Les tombeaux des parents du duc d’Épernon, qui sera publiée dans le t. LII (1992) de nos Mémoires.

Le Président remercie M. Costa de sa présentation solidement documentée. Avant de laisser la parole aux spécialistes présents, il voudrait savoir s’il est possible de distinguer les parts respectives du père et du fils dans les sculptures des tombeaux.

M. Costa pense que le père a travaillé sur les visages, laissant le reste à son atelier. L’armure et la robe montrent des dessins très conventionnels. Il est très dommage que le visage féminin ait été mutilé. Le Président remarque qu’il s’agit de portraits sans concession.

Bruno Tollon a été étonné que les sculptures n’aient pas été commandées à des artistes parisiens ou bordelais. Ceci rejoindrait ce que Joël Perrin a observé en Bordelais, où l’on constate une forte présence d’œuvres d’artistes toulousains. Georges Costa note que l’on a effectivement un certain vide à Bordeaux à cette époque. L’appel à des artistes toulousains pourrait en outre s’expliquer par le rôle joué par les conseillers du duc et les contacts entre couvents de Minimes.

 


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M. Louis Peyrusse relève qu’une des remarques finales de l’exposé a été pour l’emploi d’une formule archaïque à des fins de glorification dynastique. En connaît-on d’autres exemples ? M. Costa répond qu’aucun autre exemple ne lui vient immédiatement à l’esprit. Il ajoute qu’il est regrettable que le dessin des tombeaux ait disparu : les descriptions permettent certes d’imaginer leur forme, mais pas assez précisément. Le principal trait "  médiéval " est sans doute l’effigie en gisant, avec un lion dont la présence n’est pas mentionnée dans le contrat – qui n’est d’ailleurs pas conservé – mais est indiquée par la description du XIXe siècle.

Relevant le terme de " cendres ", Guy Ahlsell de Toulza demande si cela fait allusion à une véritable crémation. M. Costa pense que le mot est employé pour " restes ".

M. Ginesty voudrait savoir si le château est classé, et quelle est l’opinion du Service des Monuments historiques devant une présentation de gisants debout. M. Costa répond que c’est là un vaste débat... Les gisants sont présentés au premier étage, dans des niches, tandis que l’inscription et le trophée se trouvent dans les galeries. Quand il avait en charge ces questions, il y avait plus urgent, mais il a pu rêver de retrouver des documents permettant la reconstitution des monuments. Aujourd’hui, à la lumière des nombreux travaux récents qui ont été consacrés au XIXe siècle, il se demande s’il serait opportun de modifier la présentation, qui est convenable et correspond à une chapelle et à un décor gothiques du XIXe siècle.

Guy Ahlsell de Toulza demande si l’on sait où se trouvait le trophée. Georges Costa indique que le texte ne le précise pas. Il était forcément sur une petite face ; il ajoute que pas un seul fragment de marbre noir n’a été conservé. Il faut d’ailleurs remarquer qu’une restitution du tombeau poserait un problème, car le monument occuperait toute la chapelle.

Pascal Julien demande si l’on sait quelque chose de la construction du couvent des Minimes lui-même. Les documents existent et M. Costa pense y consacrer un prochain travail.

Guy Ahlsell de Toulza voudrait savoir si l’on connaît l’emplacement du tombeau dans l’église des Minimes. M. Costa n’a pas eu le temps de reprendre l’analyse des documents conservés aux Archives nationales.

Abordant les questions diverses, le Président informe la Société qu’il a reçu une réponse au courrier qu’il avait adressé au Directeur régional des Affaires culturelles pour demander la protection du rempart antique de Toulouse. Celui-ci précise qu’une étude a été confiée à Jean Deilhes pour la partie médiévale, et que les parties visibles feront l’objet d’un dossier de protection qui sera présenté à la COREPHAE ; il souligne qu’il n’est pas possible de protéger les parties qui ne sont connues que par leur tracé. Pour Maurice Scellès, protéger la totalité du rempart antique est la seule façon de le protéger véritablement ; c’est possible techniquement en inscrivant à l’inventaire supplémentaire toutes les parcelles concernées de part et d’autre du tracé repéré : ce travail serait un peu long mais possible. Si l’on ne protège que ce qui est visible, on renonce en même temps à tout contrôle préalable sur toutes les parties masquées. Quitterie Cazes corrige en rappelant que le Service de l’Archéologie assure un contrôle puisque que son avis est requis. On fait cependant remarquer que la question se pose au moment de l’achat d’une parcelle, où, sans une protection au titre des Monuments historiques, l’acquéreur n’est pas informé de la contrainte qu’il va subir : il n’est pas très correct de protéger en urgence un vestige qui est apparu lors d’une démolition, alors que ce n’est une surprise pour personne, sauf, sans doute, pour le promoteur, qui n’est pas nécessairement historien de l’art.

Pour le Président, la conservation des vestiges antiques est un problème évident à Toulouse. Il semble par exemple que l’on songe à rendre piétonnière la place du Capitule... alors que l’on a détruit, il y a vingt ans, pour faire un parking, les vestiges de la Porterie romaine !

M. l’abbé Rocacher ajoute qu’il s’inquiète du sort du mur médiéval de l’enceinte contre lequel s’appuie le Palais de Justice : l’architecte chargé des travaux prévoit sa démolition.

On indique que c’est à la demande du Service de l’inventaire appuyant le courrier de la Société archéologique du Midi que des mesures ont été proposées pour la protection du rempart romain et médiéval ; Jean Deilhes s’est engagé à remettre rapidement son rapport sur le rempart médiéval. Le Service de l’inventaire prend en compte le rempart médiéval qui relève de sa compétence naturelle, tandis que les archéologues se satisfont du contrôle exercé au moment du dépôt du permis de démolir.

Pour Guy Ahlsell de Toulza, il faut répondre au courrier du Directeur régional des Affaires culturelles et demander un complément à la protection envisagée en indiquant que le plan précis des vestiges existe et que leur repérage effectif est possible.

 

Quitterie Cazes donne quelques informations sur les fouilles en cours sur la place Esquirol : on aborde aujourd’hui la troisième phase des travaux avec la mise au jour de l’entrée du passage des Augustins ; la phase précédente avait permis de retrouver le soubassement d’un très grand temple romain de 27 m de façade, qui est en cours de destruction.

 

Un membre pense qu’il faut signaler les travaux qui sont actuellement réalisés rue du Taur, dans les bâtiments de l’ancien collège de l’Esquile. Les spécialistes présents sauront mieux dire l’importance de l’édifice et de son portail. On vient de rehausser le mur sur la rue et l’on bâtit sur le corps d’entrée, en léger retrait par rapport à la rue (sans doute pour respecter le POS ?), un étage en verre, bois et métal. On imagine que l’édifice est protégé au titre des Monuments historiques. Il faut ajouter que le bâtiment appartient à la Ville et que c’est l’Agence des Bâtiments de France que l’on est en train de construire, Il nous paraît important de savoir s’il s’agit là d’un manifeste de l’architecte chargé de veiller à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine de Toulouse. Quels sont les critères permettant de refuser une demande de permis de construire ? On comprend que les personnes qui se voient imposer par le Service départemental de l’Architecture des couleurs de volets et des enseignes (modifications pourtant par nature réversibles, elles), selon des gammes plus ou moins subtiles qui varient avec chaque architecte des Bâtiments de France, soient en droit de se poser des questions.

On s’étonne encore que ce dossier n’ait pas été soumis à la Commission des Sites.

 

Pascal Julien s’interroge sur l’avenir des peintures murales du chœur de Saint-Sernin. Marie-Anne Sire donne des informations sur la consolidation qui vient d’être effectuée et les études en cours, appuyées par des analyses physiques et chimiques. Mais seuls les décors du cul-de-four sont concernés, et aucune décision n’est encore prise. Pour Pascal Julien, il est important que la Société archéologique du Midi de la France, qui s’est intéressée de très près à la restauration de l’édifice – dont la polémique est aujourd’hui dépassée – suive attentivement celle des peintures. Marie-Anne Sire rappelle que la logique des travaux veut que l’abside soit traitée avant les peintures.


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Séance du 17 novembre 1992

Présents : MM. Pradalier, Président, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Fouet, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Cazes, Rousset, MM. Bernet, Boudet, Cabau, Delpoux, Fabre, Gérard, Gilles, Julien, Latour, Prin.
Excusés : MM. Cazes, Secrétaire général, Scellès, Secrétaire-adjoint, Mme Labrousse, M. Péaud-Lenoël.

Le Président donne lecture du procès-verbal de la séance du 3 novembre, dont on apprécie la fidèle précision et qui est adopté à l’unanimité. L’examen de la correspondance imprimée, fort volumineuse, est reporté à la séance suivante. La correspondance manuscrite comprenant l’annonce d’ouvrages relatifs à l’histoire des villes, la question se pose de savoir s ‘il ne serait pas utile d’acquérir l’ensemble de la collection publiée par les Éditions Privat, mais on fait remarquer le caractère inégal de cette série ; la Société d’ailleurs possède les volumes intéressant les villes du Midi de la France.

Le Président donne ensuite la parole à Pascal Julien pour la communication du jour : L’élévation des reliques de saint Edmond à Saint Sernin de Toulouse (13-20 novembre 1644), publiée dans ce volume des Mémoires de la Société.

Le Président remercie Pascal Julien pour sa communication. Elle a fait revivre les événements qui ont marqué Toulouse dans le deuxième quart du XVIIe siècle : la progression terrible de la peste apparue en 1628, la procession générale du 25juillet 1631 destinée à conjurer le fléau, le vœu fait par la Ville, le 12 août 1631, d’offrir une châsse à saint Edmond, roi d’Angleterre, l’élévation solennelle des restes du saint en novembre 1644. Le caractère théâtral de l’exposition des reliques dans l’église Saint-Sernin rappelle à beaucoup les grandes mises en scènes liturgiques du Moyen Âge. Concernant l’emplacement de la plate-forme destinée à l’ostension des reliques de saint Edmond, Pascal Julien précise qu’elle se trouvait dans la grande nef, à hauteur de l’actuelle chaire à prêcher ; les textes consultés indiquent que le jubé avait été démonté pour permettre une vue directe entre le maître-autel provisoire et le maître-autel principal. La relation des cérémonies indique dans le détail l’attribution des stalles du chœur canonial, et les comptes de la Confrérie des Corps saints révèlent que les tribunes des collatéraux étaient occupées lors de l’élévation des reliques. Par qui ? demande Louis Latour. Certainement par le " peuple ". Henri Pradalier s’interroge quant à la capacité de l’église Saint-Sernin. Maurice Prin répond qu’elle comprend actuellement 400 places assises ; il ajoute que l’église des Jacobins a accueilli 8000 personnes debout lors du retour des reliques de saint Thomas d’Aquin, en 1974. Pascal Julien mentionne pour Saint-Sernin le percement, à l’occasion des cérémonies de 1644, d’une porte provisoire mettant en Communication l’église et le cloître, porte murée depuis mais dont la trace reste visible.

Maurice Prin signale qu’antérieurement à l’élévation de 1644 les restes de saint Edmond étaient renfermés dans le tombeau de marbre qui sert aujourd’hui d’autel à sa châsse et sur lequel se voit une inscription peinte ; ce tombeau se trouve dans la crypte inférieure, au fond de la seconde chapelle du côté nord.

Guy Ahlsell de Toulza s’étonne du choix de saint Edmond, dont on ne sait au vrai pas grand-chose, pour une intercession destinée à faire cesser la peste. Confirmant que, à la différence par exemple de saint Roch, saint Edmond n’a rien à voir avec le fléau, Pascal Julien souligne le rôle que le sacristain des Corps saints de Saint-Sernin a joué dans ce choix. Par ailleurs, il indique que la présence à Toulouse des reliques du saint roi est attestée en 1447 (Bibliothèque municipale, ms. 75). D’après l’étude du Père Bordier, il semble que leur authenticité ne puisse être révoquée en doute ; elles auraient été amenées en France à la suite de la campagne menée en Angleterre par le fils de Philippe Auguste, futur Louis VIII, en 1219, après quoi l’on ne trouve plus en Grande-Bretagne aucune mention des restes de ce souverain.

Guy Ahlsell de Toulza s’enquiert de l’impact que la peste de 1628-1631 put avoir sur la démographie toulousaine. Pascal Julien répond que l’évaluation est difficile ; il convient évidemment de minorer le chiffre de " quatre-vingt mille " morts avancé par les capitouls, pour le fixer à une quinzaine, voire une dizaine de milliers de victimes. Déjà catastrophique, la situation de la ville fut aggravée par deux autres calamités : l’inondation et le typhus ; un rapport de l’Intendant Miron porte à un millier le nombre des maisons détruites ou abandonnées. Plus que par les processions ou le vœu de la Ville, la peste fut enrayée par l’intervention du Père Ribeyron, qui fit prendre d’excellentes mesures sanitaires. Les travaux d’Alain Soula ont montré que le fléau cessa de progresser immédiatement après son arrivée à Toulouse, le 13 septembre 1631 ; doté par les capitouls d’une rente de 600 livres, le Père Ribeyron demeura dans la ville jusqu’en 1644, date de son départ pour l’Auvergne, où il mourut en 1646.

Le Président passe ensuite la parole à Richard Boudet pour un bilan de la Troisième année de recherche sur l’oppidum de l’Ermitage à Agen (Lot-et-Garonne).

" La campagne de 1992 sur l’oppidum de l’Ermitage à Agen (Lot-et-Garonne) marque la première année en fouille programmée. Elle a touché deux secteurs principaux : le rempart septentrional et une zone d’occupation au milieu du site.

La coupe ouverte sur le rempart en 1990 a été achevée et interprétée avec l’aide de D. Marguerie (Ass. AGORA-C.N.R.S. E.R. 27, Rennes). La coupe totale du monument est ainsi proche d’une soixantaine de mètres de longueur avec un système intérieur de plate-forme inclinée montant jusqu’au sommet du talus d’une puissance proche de sept mètres. L’avant du monument est doté d’une petite terrasse dégageant la surface du substrat calcaire dans lequel un fossé à fond plat de 15 m de large et 4 m de haut a pu être observé. Le dernier état de ce fossé a été repris vers la fin du XVIIIe siècle en carrière, perturbant ainsi dans une mesure difficile à évaluer son aspect protohistorique. L’ensemble du monument, d’une longueur proche de 800 m, connaît son étape principale de construction vers la fin du IIe siècle avant notre ère ou le tout début du Ier siècle. Il est surchargé vers le milieu du Ier siècle avant notre ère. Aucun poutrage interne ni clous n’ont été observés. Il s’agit d’un rempart massif élevé à l’aide de remblais provenant pour la plupart du plateau voisin sur la commune de Foulayronnes, où des sondages ont montré que la surface du substrat avait été complètement raclée. De nombreux vestiges résiduels sont inclus dans ces remblais et appartiennent au Premier âge du Fer très probablement. L’oppidum paraît n’avoir jamais disposé que d’une seule porte, aujourd’hui encore utilisée par une route permettant l’accès au site. Malgré les destructions et le colluvionnement, elle semble encore montrer un système à bordures rentrantes (système en " tenailles " probable).

La seconde opération réalisée en 1992 a porté sur une parcelle située au milieu de l’oppidum. Avant toute ouverture du terrain, une prospection électrique a été réalisée sous la direction de M. Martinaud (L.E.R.G.G.A., Bordeaux I) sur près de 6 000 m2. La carte physique du


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AGEN - L’ERMITAGE (Lot-et-Garonne). Les structures dégagées en 1992. Relevé et interprétation : A. Beyneix et R. Boudet.

 


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AGEN - L’ERMITAGE. COUPE DU REMPART SEPTENTRIONAL. Relevé et interprétation : A. Beyneix, R. Boudet, Ph. Gruat et D. Marguerie.

 

AGEN - L’ERMITAGE. Le bâtiment (un sanctuaire ?) de la première moitié du Ier siècle avant notre ère. Cliché R. Boudet.

 

 

AGEN - L’ERMITAGE.

BOL DU VIIe / VIIIe siècle trouvé au fond du puits st. 4.

 

Cliché R. Boudet.

 


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sous-sol a guidé implantation de la zone de fouille, portant sur près de 1 500 m2. Les deux tiers des anomalies magnétiques repérées se sont avérés être des structures archéologiques.

La fouille a livré un nombre important de structures en creux attribuables au Ier siècle avant notre ère et aux VIIe-XIIe siècles après notre ère, mais pratiquement aucun niveau d’occupation préalablement détruit par les cultures. Au Ier siècle appartient en particulier un bâtiment carré dégagé de manière complète, de 6 m sur 6 m. monté sur deux lignes parallèles de poteaux porteurs. Plusieurs trous de poteaux contenaient encore la base du pilier carbonisé et avaient piégé des éléments de l’élévation en torchis et clayonnage, ainsi que quelques tessons de vases céramiques permettant de proposer une datation de la première moitié du Ier siècle avant notre ère. Quelques éléments conséquents de charbon de bois vont être soumis à la dendrochronologie. Ce bâtiment pourrait correspondre à un sanctuaire sans galerie.

À la même époque appartiennent deux fours de potiers paracirculaires (assez arasés) à alandier et sole (non conservée) supportée par un muret de refend. L’un d’eux contenait quelques vestiges très déformés des probables productions qui y ont été cuites. Des prélèvements pour datation par archéomagnétisme ont été effectués dans la partie basse des chambres de chauffe par les soins de I. Hedley (Université de Genève). Plusieurs fosses de tailles diverses contenant un riche mobilier de dépotoir (une fosse a livré entre autres de larges éléments d’une paroi en torchis et clayonnage, un crâne de bébé, des débris d’amphores vinaires italiques de type Dressel I ou grecques en provenance de Chios, dont une estampillée...) et creusées dans le substrat argileux paraissent bien être des fosses d’extraction de matière première. Il faut encore signaler un petit silo piriforme, plusieurs autres trous de poteaux non encore organisés et fosses, ainsi qu’une structure de 3,50 m par 0,50 m sur 0,80 m de profondeur creusée dans le substrat argileux et aux parois parfaitement lisses contenant elle aussi un abondant mobilier dans un sédiment cendreux. Il convient de signaler encore la découverte d’un nouveau puits non fouillé de section carrée, de 1,80 m de côté, en bordure du possible sanctuaire, dont la partie supérieure de colmatage a reçu un foyer qui a livré quatre monnaies d’argent régionales appartenant au deuxième quart du Ier siècle avant notre ère. Son exploration sera conduite en 1991

Les structures médiévales semblent relever de deux époques différentes : les VIIe-VIIIe siècles et le XIIe siècle. À la première période appartiennent un grand secteur d’épandage de remblais (un possible support de bâtiment) qui a livré avec un mobilier céramique assez pauvre plusieurs éléments de bijouterie en bronze (bague, plaque-boucle étamée et décorée, boucle...), un petit silo piriforme et surtout un puits de huit mètres de profondeur environ, partiellement bâti en pierres sèches, dont la partie basse toujours en eau a livré une cinquantaine de vases céramiques plus ou moins complets en cours d’étude par Ph. Jacques, de nombreux restes végétaux dont plusieurs ouvragés (les débris d’une douzaine de seaux à douelles, un bol, des débris de planches mortaisées.., ainsi que des noix, noisettes, noyaux de pêches, mousses, herbes, branchages...). Les vestiges attribuables au XIIe siècle sont essentiellement des petits silos et une " cave " de 4 m sur 4 m environ. Le mobilier présent dans leur comblement est rare et très fragmenté. Il faut noter la présence dans toutes les structures médiévales d’une quantité très importante de pierres calcaires (de nombreux petits moellons cubiques encore enrobés de mortier blanc) provenant de la probable démolition d’un bâtiment antique peu éloigné, dont quelques pièces d’architecture ont été isolées : fragments de chapiteau de type corinthien en calcaire, plaques et colonne en marbre, grosse pierre d’angle à trou de louve... Enfin, plusieurs sépultures médiévales indatées ont été reconnues.

Il semble que la partie centrale de l’oppidum, la plus élevée, ait reçu dès le début du haut Moyen Âge une agglomération regroupée autour de l’église Sainte-Croix et de son cimetière, dont le sous-sol de la parcelle voisine de notre fouille conserve les vestiges. Une étude précise de la paroisse médiévale qui paraît avoir repris les limites de l’oppidum sera entreprise par S. Faravel (Université de Toulouse-Le Mirail) à partir de 1993. Les campagnes de fouilles à venir porteront sur ce qui semble être le seul secteur antique bâti en dur de la parcelle et qui pourrait appartenir à un petit sanctuaire gallo-romain (un fragment de dédicace découvert dans ce secteur au XIXe siècle) ainsi que sur la mise en évidence de nouvelles structures d’habitats (voire cultuelles) protohistoriques. "

 

Séance du 1er décembre 1992

Présents : MM. Pradalier, Président, Cazes, Secrétaire général, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Fouet, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Cazes, Labrousse, Ugaglia, MM. Bernet, Boudet, Cabau, Fabre, Gillis, Julien, Latour, Péaud-Lenoël, l’abbé Rocacher, Tollon.
Excusés : MM. Coppolani. Directeur, Scellès, Secrétaire-adjoint, Catalo, le général Delpoux.

Le Président informe la Société de la toute récente disparition de Xavier Darasse, qui n’appartenait pas à notre Compagnie mais qui a beaucoup œuvré pour la mise en valeur des orgues et des églises de la Région Midi-Pyrénées.

Il est ensuite procédé à l’élection de membres correspondants. Quitterie Cazes donne lecture du rapport sur la candidature de M. Jean-Luc Boudartchouk, historien et archéologue, dont la Société a primé les travaux sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge en Auvergne. Guy Ahlsell de Toulza donne lecture du rapport sur la candidature de Mme Dominique Watin-Grandchamp, documentaliste au Service des Monuments historiques. Tous deux sont élus membres correspondants.

Puis le Président donne lecture du procès-verbal de la séance du 17 novembre, qui est adopté. Claude Péaud-Lenoël ayant fait remarquer que le nom générique de " peste " a été donné à des maladies assez diverses, Louis Latour et Daniel Cazes indiquent qu’on peut trouver des renseignements sur ce point dans des études publiées dans le Bulletin de la Société ainsi que dans les Mémoires de l’Académie des Sciences.

La parole est donnée au Secrétaire général, qui présente la correspondance imprimée ; étant donné le volume des publications reçues, il procède à l’analyse des seules revues nationales et méridionales.

Le Président remercie Daniel Cazes et prend lui-même la parole pour la communication du jour : L’ancienne abbatiale Sainte-Marie de Souillac (Lot).

" Le cirque naturel dans lequel se blottit la ville de Souillac abrita dès le Xe siècle une communauté de moines bénédictins venus d’Aurillac, qui formèrent le noyau duquel allait sortir Souillac. Au cours du XIIe siècle, les moines construisirent l’actuelle église abbatiale, qui constitue par son ampleur, l’originalité de son architecture et la qualité de sa sculpture, une des réalisations les plus importantes de l’art roman en France. Mais


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rien ne permet de donner une chronologie précise des travaux. C’est donc l’analyse archéologique de son architecture et de sa sculpture qui permet de la dater. Les travaux importants réalisés par les Mauristes, qui reprirent en main le monastère au XVIIe siècle, compliquent la tâche du chercheur. Ceux-ci en effet refirent la coupole de la croisée du transept et modifièrent les superstructures. Enfin, les restaurateurs des XIXe et XXe siècles donnèrent au chevet et aux parties hautes de l’édifice l’aspect qui est le sien aujourd’hui.

Les parties les plus anciennes du monument sont à l’Ouest, dans la tour-porche. Celle-ci est incontestablement le souvenir des massifs occidentaux carolingiens que l’on a continué à construire tout en modifiant la destination et les formes jusqu’à l’aube du XIe siècle. Dans les parties hautes furent découverts des arcatures aveugles et des chapiteaux à entrelacs de la fin du XIe siècle ou du début du XIIe, qui montrent que la tour fut aménagée lors de travaux qui précédèrent la construction de l’église actuelle. La partie supérieure de la tour porte sur les trois faces visibles de l’extérieur une série de modillons qui marquent la limite supérieure de la toiture du XIIe siècle.

Les travaux exécutés en vue de consolider les fondations de la tour ont également permis d’y retrouver une nécropole comptant trente-trois sépultures du XIIIe siècle au XVe, établies sous la tour et encore visibles dans la crypte ménagée aujourd’hui dans le sous-sol. Deux fragments de plaques sculptées provenant de chancels préromans décorés d’entrelacs, remployés comme couvercles, présentent un intérêt artistique.

Les sculptures

En remontant de la crypte, on entre dans l’église proprement dite par un portail très remanié. Après quelques pas dans la nef, il faut se retourner pour admirer les restes d’un décor sculpté constitué de cinq fragments placés au revers de la façade occidentale. Cet ensemble mérite une attention particulière en raison de l’originalité de son thème, mais aussi des problèmes de localisation et de composition qu’il pose. L’arc brisé surmontant le portail d’entrée repose sur deux plaques sculptées représentant chacune un personnage : celui de droite est le prophète Isaïe, celui de gauche Joseph. Au-dessus se développe la légende du diacre Théophile tandis qu’au Nord un imposant trumeau est posé sur un socle.

L’étude minutieuse de ce groupe sculpté a établi qu’il ne s’agissait nullement de l’ancien tympan de l’abbatiale. De nombreux détails ont permis de constater que l’on était en présence d’un montage tardif. Les deux saints personnages qui cantonnent la scène du miracle de Théophile n’étaient pas prévus pour aller avec elle, comme le montrent les raccords maladroits entre les plaques, ainsi que la hauteur différente des socles où reposent les pieds des personnages de la plaque centrale et ceux des deux saints. Nous ne sommes donc pas en présence du tympan primitif de l’abbatiale de Souillac mais de plaques sculptées qui, à l’image de celles que l’on peut voir encore à Beaulieu et à Moissac, ornaient les ébrasements d’un porche profond, richement décoré. Il faut se résoudre à admettre que le tympan a totalement disparu, s’il a jamais été sculpté.

L’architecture

L’abbatiale de Souillac se présente sous la forme d’une église en croix latine comptant, d’Est en Ouest, un chevet à trois chapelles rayonnantes, un transept saillant sur les bras desquels sont greffées deux chapelles orientées, et une nef unique. Le grand intérêt de la construction tient au mode de couverture adopté par les constructeurs dans la nef. Celle-ci est en effet couverte de deux coupoles sur pendentifs à l’imitation de la cathédrale de Cahors. En cours de construction, il fut décidé de chemiser le mur de l’abside déjà construite afin de pouvoir contrebuter convenablement le cul-de-four lancé sur une abside aux proportions inhabituelles. Il est probable que la partie orientale avait été prévue avec un voûtement de berceaux brisés et qu’en cours de construction on décida de lancer les coupoles, entraînant ainsi le rajout d’arcs de soutien supplémentaires à l’entrée des bras du transept. À l’occasion de ces travaux, on ajouta dans l’abside une arcature aveugle décorée de chapiteaux à feuillages, animaliers et historiés dont l’iconographie mariale présente un caractère original. Par leurs thèmes feuillagés et animaliers, ils s’inspirent des modèles des porches de Cahors et de Moissac, dont ils copient des corbeilles. Seul le style, plus pauvre, trahit un sculpteur moins doué que ses modèles.

Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur à l’article consacré à Sainte-Marie de Souillac dans le Congrès archéologique de France. Quercy, qui doit paraître incessamment. "

L’exposé suscite diverses questions, concernant notamment le plan de l’édifice et le programme sculpté. Daniel Cazes fait observer l’inégale longueur des bras du transept, qui doit s’expliquer par la présence des bâtiments monastiques sur l’un des flancs de l’église ; on remarque par ailleurs que les plans – ou plus exactement le plan de base toujours repris – donnent de l’édifice un tracé sans doute très idéalisé. Daniel Cazes demande ensuite si l’on peut concevoir pour le portail sculpté un porche latéral comparable à celui de l’abbatiale de Moissac. Henri Pradalier répond que cela n’est structurellement pas impossible, mais qu’il pense plutôt à un portail ouvert dans la façade occidentale ; il précise que les éléments du décor sont sculptés dans la pierre (et non le marbre), que la présence d’un trumeau implique l’existence d’un tympan au moins prévu sinon réalisé. Vu le retard pris par la construction des murs latéraux de l’église et l’écart de style sensible entre la sculpture de la nef et celle des éléments de portail, il croit que le programme sculpté de la façade occidentale avait été exécuté bien avant le moment prévu pour sa mise en place et que, finalement, après avoir renoncé à la création d’un portail occidental parce qu’on conservait l’ancienne tour du XIe siècle, on a fait un " montage décoratif " des morceaux sculptés désormais inutiles qui pouvaient en subsister. Quitterie Cazes pose la question de savoir à quoi est due l’épaisseur des murs du chevet. Henri Pradalier indique qu’elle est imputable au chemisage nécessité par un changement de parti dans le système de voûtement.

 

Séance du 16 décembre 1992

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Fouet, Bibliothécaire-Archiviste, Cazes, Secrétaire général; Mmes Cazes, Colin, Labrousse, Noé-Dufour, Watin-Grandchamp, MM. l’abbé Baccrabère, Bernet, Blaquière, Boudartchouk, Boudet, Cabau, le général Delpoux, Fabre, Gérard, Gillis, Julien, Latour, Péaud-Lenoël, l’abbé Rocacher.
Excusé : M. Scellès, Secrétaire-adjoint.
Invité : M. Jean-Charles Arramond.


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 216

La lecture du procès-verbal de la séance du 1er décembre est reportée à la séance suivante.

Le Président donne la parole à Jean-Luc Boudartchouk pour la première communication du jour : Les fouilles de la place Esquirol à Toulouse.

Le Président remercie vivement l’intervenant pour son compte-rendu passionnant, qui suit presque immédiatement des découvertes d’un intérêt tout à fait exceptionnel, puisqu’elles révèlent l’emplacement du Capitole romain de Toulouse. Jean Coppolani observe que la découverte d’une voirie des Ier-IIIe siècles dans l’axe de la rue des Tourneurs confirme que le réseau des rues du centre de la ville correspond au quadrillage de la cité antique. Richard Boudet demandant sur quels éléments se fonde la datation proposée pour un petit fossé " augustéen ", Jean-Luc Boudartchouk cite une lampe à huile surmoulée à bec de cygne, des fragments de vaisselle arétine et d’amphores vinaires italiques. Georges Fouet s’enquiert de l’existence de vestiges du IVe siècle, étant donné le niveau d’arasement très bas lié au creusement du sous-sol de la halle du XIXe siècle ; Jean-Luc Boudartchouk répond que des remaniements importants par rapport au Haut Empire ont été observés. Daniel Cazes demande si l’on a retrouvé des éléments architectoniques du temple ; il a été procédé à la récupération méthodique de ce qui pouvait subsister d’éléments de cette nature : éclats de nervures de colonnes cannelées dont les fûts disparus avaient été débités et remployés, fragment de chapiteau corinthien en calcaire d’une hauteur initiale supérieure à un mètre, débris d’entablement, morceaux de tegulae de dimensions doubles du module normal. Marie-Geneviève Colin rappelle que les fouilles du chantier tout proche du métro ont mis au jour des éléments de colonnes de 1 m à 1,20 m de diamètre ; avec une largeur de 27 m, le Capitole romain de Toulouse était un édifice colossal. Suite à plusieurs questions de Guy Ahlsell de Toulza, Jean-Luc Boudartchouk précise que les colonnes cannelées étaient en calcaire coquillier et qu’elles pouvaient être enduites de stuc, que la réfection du dallage au pied de l’escalier du temple, avec des placages de marbre sans doute arrachés à ce dernier, doit être synchrone de la destruction de celui-ci, vers 400. Néanmoins, le site était très pauvre en mobilier céramique, autrement dit en éléments de datation. Richard Boudet demandant à quelle époque on peut fixer la construction du temple, Jean-Luc Boudartchouk indique que l’édification d’un Capitole à Toulouse fut liée à l’obtention par la cité, à une date inconnue, du statut de colonie romaine ; dans l’état actuel de la recherche, il est impossible de trancher entre le Ier siècle et le début du IIe. Daniel Cazes s’enquiert de la découverte de tombes, de vestiges d’église paléochrétienne ; Jean-Luc Boudartchouk répond par la négative, mais il signale une trouvaille étrange : celle d’un crâne isolé, placé dans un trou creusé au bas des degrés du temple. L’abbé Rocacher pose la question de l’interprétation du poème de Venance Fortunat cité par le conférencier comme relatant la construction d’un sanctuaire par le duc de Toulouse Launebode et son épouse à l’emplacement où saint Saturnin subit son martyre (ubi vincula sumpsit). Pour Jean-Luc Boudartchouk, il s’agit d’une église dédiée à Saint-Pierre, construite au VIe siècle sur la cella du Capitole, qui devint au Xe ou XIe siècle l’église Saint-Pierre et Saint-Géraud. Daniel Cazes fait remarquer que l’on aurait ainsi pour saint Sernin deux lieux de culte (un tombeau et un lieu commémoratif) avec des vocables différents, comme à Tarragone ou ailleurs. Concernant la démolition des vestiges du Capitole, Marie-Geneviève Colin explique le parti pris par le Service régional de l’Archéologie : étude précise des structures, moulage partiel d’une paroi de la base du podium, dépose du pavement de marbre, permettant de ne pas conserver des substructions, c’est-à-dire des éléments non visibles en élévation. Ce choix " réaliste " est par ailleurs justifié par le souci de négocier la conservation de monuments plus spectaculaires ; est cité l’exemple de la mise en valeur de la portion du rempart antique et médiéval apparue au n° 10 de la rue Sainte-Anne, prise en charge par le promoteur de l’opération immobilière : une section équivalant au tiers de la portion (4 à 5 m sur une quinzaine) restera apparente sur toute sa hauteur, mise hors d’eau et éclairée, au fond de la future résidence – l’aménageur s’est en outre engagé à reconstruire à l’identique la noria du XIVe siècle mise au jour par les fouilles. Guy Ahlsell de Toulza s’insurge contre cette proposition : il se demande comment on peut donner un " feu vert " à la destruction des restes du Capitole de Toulouse romaine, lieu du martyre de saint Saturnin ? On avait espéré ne plus voir disparaître complètement les ruines des monuments majeurs de la cité antique, comme ce fut le cas pour la Porterie avec le creusement du " parking " du Capitole en 1971 ; vingt ans après, rien ne change, ou si peu : l’installation de la station de métro " Capitole " entraîne la destruction, puis la reconstruction à l’identique, quelques mètres plus loin, d’une tour romaine dont l’emplacement figure sur les plans de Toulouse d’il y a 350 ans ; quant au parc de stationnement prévu place des Hauts-Murats, il menace un autre secteur de l’enceinte ! Henri Pradalier ajoute la disparition des courtines de l’ancien hôpital Larrey, dissimulées par un complexe immobilier dont la création a déterminé l’anéantissement définitif d’un immense palais qui fut peut-être celui des rois wisigoths. Marie-Geneviève Colin cite une exception heureuse : l’intégration d’une tour et d’une courtine dans le programme architectural du théâtre à construire à l’emplacement du Conservatoire de la rue Labéda. Concernant le Capitole romain, Daniel Cazes pose le problème de la conservation du souvenir : comment rappeler son emplacement exact enfin révélé, peut-on penser à un dallage spécial sur la place Esquirol ?

Le Président remercie encore Jean-Luc Boudartchouk, ainsi que Jean-Charles Arramond, responsable du chantier de la place Esquirol, puis il donne la parole à Guy Ahlsell de Toulza et à Dominique Watin-Grandchamp pour la seconde communication du jour : Découvertes récentes à l’abbaye de Vielmur (Tarn). Les deux intervenants viennent de découvrir fortuitement dans les bâtiments de l’ancienne abbaye un ensemble funéraire formé de deux salles superposées, l’une garnie d’enfeus à chapiteaux sculptés, l’autre décorée de peintures murales montrant notamment dix-sept blasons ; datant de la fin du XIIIe siècle, ce " panthéon " pourrait être celui de la puissante famille des Lautrec. Quitterie et Daniel Cazes posant la question du devenir de cet ensemble absolument exceptionnel, Dominique Watin-Grandchamp évoque les difficultés qu’entraîne, pour une restauration, la multiplicité des propriétaires et affectataires des locaux.

Le Secrétaire général présente enfin le compte-rendu des nombreux ouvrages que la Société a reçus de l’étranger, dont un envoi du Royaume-Uni issu d’un échange nouveau avec la revue Oxoniensia.

 

Séance du 5 janvier 1993

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire général ; Mme Watin-Grandchamp, MM. Bernet, Blaquière, Boudartchouk, Boudet, Cabau, Fabre, Gérard, Gillis, Hermet, Julien, Latour, le Père Montagnes, Prin, l’abbé Rocacher.
Excusés : MM. Scellès, Secrétaire-adjoint, Mme Cazes, MM. le général Delpoux, Manière, Péaud-Lenoël, Peyrusse.


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 217

 

ABBAYE DE VIELMUR (Tarn). Deux des enfeus du rez-de-chaussée. Cliché G. Ahlsell de Toulza.

 

ABBAYE DE VIELMUR (Tarn). Salle haute, sous le comble actuel : à gauche, blason d’or (?) à la croix vuidée, cléchée et bouletée de gueules entourée d’un listel de gueules ; à droite, blason des Castelnau (?), de gueules au château d’or à trois tours. Cliché G. Ahlsell de Toulza.

 

ABBAYE DE VIELMUR (Tarn). Salle haute, sous le comble actuel : à gauche, blason des Lautrec, d’or (?) au lion issant de gueules; blason des Lévis, d’or à trois chevrons de sable ; à droite, le même blason que celui des Lautrec, mais avec des couleurs inversées. Cliché G. Ahlsell de Toulza.

 

ABBAYE DE VIELMUR (Tarn). Salle haute, sous le comble actuel : blason des Alaman, de gueules à l’aile d’argent. Cliché G. Ahlsell de Toulza.

 

 

 

 


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 218

 

Après avoir présenté ses vœux à la Compagnie, le Président donne lecture des procès-verbaux des séances des 1er et 16 décembre 1992, qui sont approuvés après quelques additions, puis il passe la parole au Secrétaire général pour la recension de la correspondance imprimée. Daniel Cazes a relevé dans les publications reçues des régions du nord de la France quelques articles pouvant intéresser le Midi ; il signale en outre une Biographie de Jacques-Paul Migne, parue dans la revue de la Société dunoise (tome XIX, 1975, n° 270, p. l-13), puis il présente le beau volume consacré au Trésor d’Eauze, ouvrage que la Société vient d’acquérir. Henri Pradalier le remercie de son analyse et passe la parole à Pierre Gérard pour la communication du jour Les possessions de Saint-Sernin entre Tarn et Garonne : l’archidiaconé de Villelongue, publiée dans ce volume de nos Mémoires.

 

Le Président remercie Pierre Gérard pour son exposé, très documenté et approfondi, puis il fait appel aux réflexions ou questions des membres de la Société. L’abbé Rocacher remarque l’association du lieu de Grisolles et de la grange de Bagnols (Saint-Caprais), qui appartint un temps à l’abbaye cistercienne de Grandselve, et demande si Bagnols avait une église au milieu du XIe siècle. Pierre Gérard répond par l’affirmative ; il signale que Bagnols est mentionné vers 1080 comme un alleu de Saint-Sernin de Toulouse et que le lieu disparaît de ses possessions au milieu du XIIe siècle. Daniel Cazes relève le fait qu’après 1150 Saint-Sernin se met à emprunter, alors que cette abbaye prêtait auparavant ; il souligne que le trouble s’installe à cette époque dans la région et rappelle que le chantier de construction de l’église abbatiale connaît alors un ralentissement, voire une interruption. Pierre Gérard insiste sur la multiplication, dans la seconde moitié du XIIe siècle, des procès que Saint-Sernin doit engager contre les seigneurs laïques, par exemple ceux de Verfeil, actions qui font naître parmi les nobles un vif sentiment anticlérical ; l’irrédentisme de la noblesse est un facteur favorable pour la diffusion du catharisme. Henri Pradalier s’interrogeant sur les raisons de la baisse des revenus et de la diminution du temporel de Saint-Sernin au XIIe siècle, Pierre Gérard invoque la concurrence des fondations cisterciennes, notamment celle de l’abbaye de Grandselve. Richard Boudet signale à proximité de Castelsarrasin, près de Notre-Dame d’Alem, deux très importantes structures circulaires (la plus petite d’un hectare de superficie) pourvue chacune de deux entrées, dont il ignore la fonction et l’origine : seraient-elles en relation avec la mise en valeur de la région au Moyen Âge ? Pierre Gérard dit ne pas connaître ces structures ; il évoque ensuite les défrichements entrepris dès le Xe siècle entre le Tarn et la Garonne. Il met en évidence les lacunes de la documentation pour la période comprise entre 1010 et 1070, qui paraît correspondre à la montée des pouvoirs des laïcs, puis la plus grande abondance des sources entre 1070 et 1150, époque au cours de laquelle s’affirme la puissance de l’Église.

 

On passe ensuite aux questions diverses. Un membre appelle l’attention sur les dégradations que des opérations de nettoyage, réalisées à forte pression, ont entraînées sur la façade de l’aile ouest de l’Hôtel d’Assézat et au portail de l’Esquile, rue du Taur. On partage son inquiétude. La désinvolture avec laquelle sont traités des monuments classés est tout à fait préoccupante : on accommode une architecture ancienne à une construction adventice moderne (exhaussement du mur du portail de l’Esquile), on sacrifie à la dernière des modes (celle du voile de couleur rouge badigeonné sur la maçonnerie de brique du mur du portail). Jean Rocacher signale que le " jus rouge " a été appliqué à l’intérieur de la chapelle de l’inquisition, qui vient d’être entièrement décapée. Pascal Julien indique pour le chœur de la cathédrale Saint-Étienne l’usage de la peinture blanche, destinée à harmoniser la couleur de certaines pierres non nettoyées ; il propose que la Société publie un volume sur les " restaurations " pratiquées à Toulouse, qui reste la " capitale du vandalisme ". On rappelle que tout citoyen est en droit de demander des informations sur l’action des services publics, tel celui des Monuments historiques, et de formuler des observations critiques.

 

 

Séance du 19 janvier 1993

 

Présents : MM. Henri Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Guy Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire général ; Mme Cazes, Watin-Grandchamp, MM. Cabau, Gérard, Julien, Latour, Péaud-Lenoël, Peyrusse.

Excusés : M. Scellès, Secrétaire-adjoint, Mme Labrousse.

 

Le Président donne la parole au Secrétaire général pour la lecture du procès-verbal de la séance du 5 janvier, qui est adopté.

On procède ensuite aux élections statutaires, qui concernent cette année les fonctions de Directeur, de Secrétaire-adjoint et de Trésorier; MM. Coppolani, Scellès et Ahlsell de Toulza sont réélus.

Puis Henri Pradalier donne la parole à Guy Ahlsell de Toulza pour le rapport financier, exercice 1992 ; quitus est donné au Trésorier pour sa bonne gestion.

 

 

Séance du 2 février 1993

 

Présents : MM. Henri Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Guy Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire général ; Mmes Labrousse, Noé-Dufour, Watin-Grandchamp, MM. Cabau, le général Delpoux, Fabre, Gillis, Latour, Péaud-Lenoël, Roquebert, Séraphin, Vézian.

Excusés : MM. Fouet, Bibliothécaire-Archiviste, Scellès, Secrétaire-adjoint, Mme Cazes, M. Gérard.

 

La lecture du procès-verbal de la séance du 19 janvier est reportée à une séance ultérieure.

Le Président donne la parole à Daniel Cazes pour la recension de la correspondance imprimée. Parmi les ouvrages reçus de l’étranger est signalé un volume publié par l’Université espagnole de Murcie (Antigüedad y cristianismo. Monogrofías históricos sobre la antigüedad tardia, tome VII, 1990) qui contient plusieurs articles de grand intérêt, par exemple une étude sur la destruction des emblema de mosaïques dans

 

 

 


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l’Espagne de la fin du IVe siècle. Parmi les publications françaises sont relevés le Bulletin monumental (tome 150-IV, 1992; avec des comptes-rendus d’ouvrages importants) et diverses revues savantes régionales. Daniel Cazes présente enfin deux articles anciens de Michel Labrousse relatifs à Souillac et à son église abbatiale, offerts à la Société par MmeLabrousse.

Henri Pradalier annonce la date de la séance publique annuelle de la Société : elle aura lieu le samedi 27 mars ; Jean Coppolani prononcera une conférence sur Les ponts de Toulouse.

Le Président donne ensuite la parole à Gilles Séraphin pour la communication du jour consacrée aux Édifices civils médiévaux à angles arrondis dans le Fumélois, publiée dans ce volume de nos Mémoires.

Henri Pradalier remercie Gilles Séraphin de son exposé sur un sujet tout à fait neuf et plein d’intérêt, puis il fait appel aux réactions de la Compagnie. À une question de Daniel Cazes concernant la documentation historique des édifices étudiés, Gilles Séraphin répond qu’il existe bien quelques mentions textuelles, mais aucune source relative à leur construction, et que seules des fouilles peuvent donner des indices de datation ; il souligne que ces constructions, aujourd’hui redécouvertes, sont très tôt tombées dans l’oubli, d’où leur état actuel de dégradation. Henri Pradalier pose le problème de la terminologie adéquate pour désigner les édifices civils de l’époque médiévale : les termes de " roman " et de " gothique " doivent être réservés aux monuments religieux, avec d’ailleurs toutes les imprécisions que ces qualificatifs entraînent poux les marges, les transitions ; s’agissant de l’architecture civile, il convient de s’affranchir de mots empreints d’une connotation religieuse. Un autre facteur d’inadéquation de ces termes est lié à la question du maintien de traditions locales dans la façon de bâtir. Gilles Séraphin abonde dans ce sens, indiquant que la survivance d’une architecture vernaculaire est manifeste dans le cas du donjon de Pestilhac ; certains donjons désignés comme " romans " ont été élevés au début du XIIIe siècle, tel celui de Saint-Émilion, et des donjons qualifiés de " préromans " peuvent dater du XIIe siècle. De plus, la confusion augmente du fait des différences entre architecture urbaine et architecture rurale : les églises rurales du Quercy traduisent une pérennisation de formes traditionnelles ; peut-on parler sérieusement de " post-préroman " ? Il est ainsi nécessaire de lever les ambiguïtés liées à l’emploi de chronologies décalées ; le plus simple pour dater les édifices paraît être de proposer une fourchette de dates. Guy Ahlsell de Toulza s’interroge sur l’utilisation et la signification des termes de castrum et de castellum dans les textes médiévaux. Gilles Séraphin cite l’exemple de formulations ambiguës : castrum seu villa, voire castrum seu villa seu bastida. À la suite d’interventions de Michel Roquebert, Louis Latour et Annie Noé-Dufour, on convient que castrum peut s’entendre de toute agglomération. Gilles Séraphin note que la multiplicité des tours castrales doit s’expliquer par le nombre des chevaliers et des coseigneurs, ces derniers de plus en plus nombreux aux XIIe et XIIIe siècles. On relève par ailleurs les divers sens du mot de fort, qui désigne ici une construction fortifiée, ailleurs un espace enclos avec des réserves de vivres... On revient sur la distinction entre architecture civile " urbaine " et architecture civile " rurale ", qui parait peu pertinente dans le monde médiéval. Gilles Séraphin cite des exemples de maisons de type " urbain " construites en pleine campagne. Claude Péaud-Lenoël rappelle que le Midi, à la différence de la France du Nord, était au Moyen Âge très " urbanisé ", le village y étant structuré comme une ville. En définitive, on souligne la nécessité, dans les études d’architecture médiévale, de relativiser des catégories et schémas relevant d’une conception toute moderne.

Guy Ahlsell de Toulza ayant soulevé le problème que posent la dégradation des tours castrales présentées et l’absence de protection légale, on signale que le donjon d’Orgueil est inscrit depuis un an comme site archéologique ; on insiste sur le rôle que jouent pour une mesure de protection la prise de conscience locale, l’action d’une association s’intéressant au patrimoine.

Le général Delpoux s’interrogeant sur les raisons techniques qui ont motivé des angles arrondis pour les constructions étudiées, Gilles Séraphin les explique par une perte de savoir-faire dans la taille de la pierre, les moellons irréguliers étant dressés au marteau, et, surtout, par le mode de couverture : l’utilisation des lauzes ne permet pas de réaliser des angles droits durables. Répondant à une question de Claude Péaud-Lenoël, Gilles Séraphin indique l’épaisseur des murs des édifices à angles arrondis : de 1,20 m à 1,40 m. Louis Latour demande si ces constructions sont nombreuses. Gilles Séraphin répond que le nombre en est assez limité, mais qu’on pourrait en découvrir d’autres, notamment à l’intérieur des agglomérations.

 

 

Séance du 16 février 1993

 

Présents : MM. Henri Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Guy Ahlsell de Toulza, Trésorier, Fouet, Bibliothécaire-Archiviste, Cazes, Secrétaire général ; Mme Labrousse, MM. Bernet, Cabau, Fabre, Gérard, Gillis, Hermet, Julien, Latour, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, Roquebert, Vézian.

Excusés : M. Scellès, Secrétaire-adjoint, Mme Cazes, M. le général Delpoux.

 

Le Président annonce le décès de Marguerite Gendarme de Bévotte, membre correspondant de notre Société depuis 1974. Il donne ensuite la parole au Secrétaire général pour la lecture du procès-verbal de la séance du 2 février, qui est adopté. Daniel Cazes poursuit avec la présentation de la correspondance imprimée ; parmi les publications reçues de l’étranger et les revues régionales, il signale particulièrement:

- Quaderns cientifics i tècnics, 4, Il Simposi : Actuacions en el patrimoni edificat, Barcelone, 1992, cahier qui contient des études tout à fait remarquables sur la restauration des édifices des IXe et Xe siècles en Catalogne

- Bulletin de la Société archéologique de Touraine, XLIII (1991), 1992, avec de nombreux travaux intéressants ;

- Mireille Bénéjeam-Lère, Le prieuré de Catus : les chapiteaux extérieurs de la salle capitulaire, dans Bulletin de la Société des Études du Lot, t. CXIII (4), 1992, p. 273-284.

Henri Pradalier remercie Daniel Cazes de sa recension, puis il donne la parole à Louis Latour pour la communication du jour sur Le castrum d’Auterive (cette communication fera l’objet d’un article qui sera publié dans le t. LIV, 1994, des Mémoires)

 

" L’existence d’un gué important au carrefour de la vallée de l’Ariège et de la transversale qui relie la Méditerranée aux Pyrénées centrales explique la fréquentation précoce de la petite région située immédiatement au nord d’Auterive, dès la fin de la Préhistoire. Sur la rive droite de

 

 

 


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l’Ariège, la terrasse de dix mètres surplombant la rivière a été utilisée comme site défensif dès la période gallo-romaine, en particulier aux lieux- dits Le Carla, La Motte et le Castelet.

La topographie, la toponymie et surtout l’étude des vestiges archéologiques recueillis sur la " rive haute " permettent de jeter un jour nouveau sur les origines d’Auterive, au cours des siècles précédant le premier document écrit qui la concerne, daté de 1071/1085.

La création de l’église Saint-Martin de Luffiac, connue pour ses beaux sarcophages du sud-ouest de la Gaule, sur la rive gauche, et la découverte d’une sépulture et de plaques-boucles du VIe ou VIIe siècle à Richard, sur la rive droite, permettent de croire qu’une chapelle ou une église aurait été érigée dès avant l’époque mérovingienne sur le site de Saint-Paul, puis agrandie ou rebâtie dans les siècles suivants.

La décadence du pouvoir central à la fin de l’époque carolingienne favorisa la multiplication des petits seigneurs sur les sites de la " rive haute ", dont la toponymie conserve la mémoire (Le Caria, Le Castelet, La Motte, Le Castela) et dont la topographie, naturelle ou modifiée par l’homme, assurait le rôle défensif. La plupart de ces seigneurs n’exerçaient leur autorité que sur des territoires très limités. D’autres agrandirent leurs domaines en s’emparant des terres et des " honneurs " de l’église locale, ou accrurent leur prestige en s’érigeant " protecteurs " du monastère de Lézat.

La lutte de l’Église contre la simonie, en particulier lors des conciles de Toulouse de 1056 et de 1060-1061, aboutit à la " donation " de l’église Saint-Paul, par les seigneurs d’Auterive, à la lointaine abbaye de Lagrasse, qui établit aussitôt un prieuré conventuel sur le site du Castelet. L’église d’Auterive, dont les terres s’étendaient vers le Nord bien au-delà du Caria, connut alors une certaine prédominance, favorisée par l’extension de la Paix de Dieu et la Réforme grégorienne. Elle joua probablement un rôle protecteur vis-à-vis de la population rurale et contribua au peuplement du terroir dit de " Saint-Paul ".

L’édification d’une motte castrale, dès le XIe siècle, sur un site voisin protégé par le rebord de la terrasse, par des fossés artificiels et par le ruisseau du Cloupet, modifia bientôt le rapport des forces et attira la population dans la vaste " basse cour " protégée par le château de bois et de terre.

Au XIIe siècle, l’appui et la protection des comtes de Foix et de Toulouse permirent l’émergence de seigneurs bien plus puissants, dont le plus connu est Raymond Athon d’Auterive, vassal fidèle du comte de Foix, témoin dans de nombreux actes, de 1130 à 1150 environ. En 1167, son successeur Aicard d’Auterive fut présent à l’hommage rendu par le comte de Foix au comte de Toulouse in castro Altae Rippae.

À partir de 1198 apparut la famille des Montaut, descendant de la puissante lignée des Noé, sans doute apparentée aux comtes de Toulouse, qui édifia sur Le Castela la forteresse appelée désormais le " château des Montaut ".

C’est au XIIe siècle que la féodalité développa pleinement sa hiérarchie à Auterive : le comte de Toulouse et le comte de Poix, suzerains des seigneurs d’Auterive, contribuèrent grandement au prestige et à la puissance de la famille d’Auterive, puis de celle des Montaut.

C’est alors que la ville devint véritablement un castrum, entouré de fossés et de remparts percés de quatre portes, et défendu par le puissant château du Castela.

La sûreté de la place, la concession de franchises à ses habitants, l’essor démographique et économique du XIIe siècle aboutirent rapidement à la colonisation interne du quartier oriental et, après la construction du grand pont sur l’Ariège, à la création, sur la rive gauche, du faubourg du Bout-du-Pont.

De nombreux documents, du début du XIIIe siècle à l’époque contemporaine, permettent de suivre l’histoire des murailles du castrum, dont il subsiste encore d’importants vestiges. "

 

Le Président remercie Louis Latour pour sa communication, dont il souligne la très grande richesse. Jean Coppolani se rappelle avoir fait en 1955, lors d’une enquête d’urbanisme menée dans le quartier oriental d’Auterive (au-delà de la rue Naresnas), des observations qui confirment l’hypothèse d’une croissance du faubourg à l’intérieur de l’enceinte du castrum. Pierre Gérard constate une évolution socio-politique semblable, au cours des XIe et XIIe siècles, dans la région d’Auterive et dans celle située au nord de Toulouse, entre Garonne et Tarn. Au XIe siècle, la multiplicité des seigneuries alleutières donne aux terroirs l’aspect d’un " miroir brisé " ; les propriétaires du sol accaparent les biens d’Église : les seigneurs d’Auterive sont "   co-protecteurs " de l’abbaye de Lézat, avec les seigneurs de Marquefave, dont l’un s’est emparé du bénéfice de sacriste de Saint-Sernin de Toulouse. La Réforme religieuse de la seconde moitié du XIIe siècle provoque le repentir des laïques : ceux-ci, procédant par " donations ", restituent les biens usurpés et agrègent leur famille aux fraternités religieuses. Au XIIIe siècle se perçoit une montée en puissance de personnages de second ordre, sirvents et dîmiers. En parallèle au déplacement du noyau de l’agglomération d’Auterive aux XIe-XIIe siècles, Pierre Gérard indique ceux qui se sont produits de Vilaigon au castrum de Castelginest et, avant 1156, de Villelongue à Castelsarrasin. Quant au transfert du siège de la paroisse Saint-Paul d’Auterive – de la vieille église Saint-Paul à l’ancienne église Saint-Michel détruite lors des guerres de Religion et reconstruite au début du XVIIe siècle –, Henri Pradalier cite le cas de l’église Saint-Blaise de Pailhès (Ariège), qui a remplacé une ancienne église paroissiale dédiée à Saint-Geniest et abandonnée au XVIe siècle. Louis Latour donne ensuite des explications sur les plans d’Auterive qu’il a mis sous les yeux de la Compagnie. En réponse à une question de Michel Roquebert, il indique que le lieu de Labruyère-d’Orsa se trouve dans la commune de Grépiac. Daniel Cazes souligne l’intérêt du site de Saint-Martin de Luffiac ; il rappelle qu’il convient de préférer à l’appellation de "  sarcophages de l’École d’Aquitaine " celle de " sarcophages du sud-ouest de la Gaule " (ou " de la France "), ainsi que d’adopter pour ces sarcophages décorés une datation de la fin du IVe siècle ou du Ve siècle.

 

 

Séance du 16 mars 1993

 

Présents : MM. Henri Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Guy Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mme Labrousse, MM. Boudet, Bruand, Cabau, le général Delpoux, Fabre, Julien, Latour, Péaud-Lenoël, Peyrusse, Roquebert.

Excusés : M. Fouet, Bibliothécaire-Archiviste, Mme Cazes, MM. Gérard, Manière, Tollon.

 


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 221

 

Le Président annonce le décès d’Aurel Bongiu, conservateur du patrimoine et membre de notre Société, survenu à Rouen où il s’était installé tout récemment, après plusieurs aimées passées au Service régional de l’Inventaire à Toulouse.

Le Secrétaire-adjoint donne lecture des procès-verbaux des séances des 19 janvier et 16 février derniers, qui sont adoptés après quelques modifications.

Le Secrétaire général présente la correspondance imprimée. Parmi les publications étrangères reçues, il signale plus particulièrement

- Savos Gogos, Das Theater von Aigeira. Ein Beitrag zum antiken Theaterbau, Österriscbes Archäologisehes Institut in Wien, 1992, 2 vol.

- Producciones artesanales fenicio-púnicas. VI jornadas de arqueolía fenico-púnica (Ibiza 1991), Museu arqueológic d’Eivissa, 1992.

Par ailleurs, on relève dans le Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de l’Aveyron qu’un accord passé avec la municipalité de Rodez a permis de nommer un conservateur à temps plein au Musée Fenaille, dont on connaît la richesse des collections. L’Auta (mars 1993, n° 584 nouvelle série) regrette la disparition des vestiges romains de la place Esquirol à Toulouse et s’inquiète de l’état de l’hôtel de Malte, qui continue de se dégrader.

Le Président remercie Daniel Cazes. Il indique qu’il a reçu une réponse à la lettre qu’il avait adressée au Maire de Toulouse, et qui demandait que, dans le nouveau traitement de la place Esquirol, soit matérialisé par un tracé au sol l’emplacement du temple en partie retrouvé par les archéologues et détruit par le parking ; en substance, il nous est répondu que notre lettre est transmise aux Services compétents de la Ville et qu’en tout état de cause, l’affaire relève du contrôle de l’Architecte des Bâtiments de France.

 

Le Président donne ensuite la parole à Louis Peyrusse pour les rapports sur les candidatures de M. Christian Mange et de M. Pascal Bertrand, qui sont élus membres correspondants.

 

Puis le Président donne la parole à M. Bruand pour les rapports sur les concours :

 

" Monsieur Alain Smittarello a présenté en octobre 1991 un mémoire de maîtrise en Histoire de l’Art intitulé L’hôtel Dubourg. Sa place dans l’évolution de l’architecture privée toulousaine durant le règne de Louis XIV. L’histoire de cet hôtel, situé 6, place Saintes-Scarbes, a pu être reconstituée de façon précise grâce au dépouillement des archives publiques et surtout des archives privées en possession des actuels propriétaires. L’hôtel construit à partir de 1683 sur deux parcelles réunies en 1682 par Léonard Dubourg et sa femme Henriette fut remanié et surélevé d’un étage au début du XIXe siècle. Les noms des artistes et artisans figurent dans les actes. Le plus important est Jean Ayries, maître tailleur de pierre, qui est probablement l’auteur du projet ; Jean Ronsie et Étienne Barsalou, maîtres tailleurs de pierre à Castres, lui succédèrent et s’engagèrent en 1685 à construire le grand escalier de pierre pour 950 livres. Les documents ont été analysés avec soin et pertinence et mis en relation avec l’étude archéologique de l’hôtel, ce qui a permis de préciser les diverses campagnes de construction à la fin du XVIIe siècle mais aussi les travaux d’entretien et les modifications apportées aux siècles suivants. Cet hôtel, important par son volume mais très sobre dans sa construction et sa décoration, est tout à fait typique de l’architecture civile privée à Toulouse pendant le règne personnel de Louis XIV. L’étude approfondie dont il a fait l’objet apporte à la connaissance de celle-ci une contribution de premier plan. "

 

" Mademoiselle Marie-Luce Pujalte a présenté en octobre 1992 un mémoire de maîtrise en Histoire de l’Art intitulé L’hôtel de Nupces à Toulouse. Cet édifice, qui était un des plus beaux hôtels particuliers du XVIIIe siècle dans la ville, a été malheureusement abandonné et est tombé en décrépitude au XXe siècle ; il a failli disparaître pour faire place à un programme de construction rentable voulu par sa propriétaire. Bien qu’inscrit partiellement à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1950, il ne fut sauvé de la destruction que par une restauration complète entre 1972 et 1975. Mademoiselle Pujalte a pu, grâce à une étude appuyée sur l’examen des plans cadastraux et les documents d’archives, reconstituer l’histoire de la construction de cet hôtel de parlementaire, qui date de 1716, et celle de son évolution dans le temps. L’étude archéologique de l’édifice d’origine a été menée conjointement avec celle de sa restauration exemplaire. Mademoiselle Pujalte a pu à ce sujet exploiter la documentation possédée par l’Architecte des Bâtiments de France, Bernard Calley, et M. Faure, conducteur des travaux. Elle a pu notamment rencontrer à diverses reprises et parler longuement avec Bernard Calley avant son décès subit. Ce travail est excellent et constituera désormais une source de base concernant cet hôtel et ses vicissitudes. "

 

À propos de l’hôtel de Nupces, on ajoute qu’il a été l’objet d’un véritable " sabotage " par la propriétaire ; après sa mort, ses héritiers ont accepté de le vendre à une société immobilière qui s’est engagée à le restaurer sous le contrôle de l’Architecte des Bâtiments de France.

Une discussion s’engage sur les mérites respectifs de ces deux travaux. M. Louis Peyrusse rappelle que le débat de l’an dernier a longuement porté sur la nécessité de primer des travaux excellents, quitte à réserver les prix.

 

Il est décidé de voter pour l’attribution des prix. M. Alain Smittarello se voit attribuer le prix de Champreux, Mlle Marie-Luce Pujalte le prix Ourgaud.

 

M. Péaud-Lenoël présentera le rapport sur les concours à la séance publique du 27 mars prochain.

Le Président aborde les questions diverses avec les réponses attendues après les courriers qu’il a adressés au Ministère de la Justice, au Ministère de la Culture et au Préfet. Les deux ministères, interpelés à propos du projet d’extension du Palais de Justice de Toulouse qui menace le rempart médiéval, ont répondu... qu’ils avaient transmis aux Services concernés. À propos du n° 69 rue du Taur, où ont été construits, sur le portail de Bachelier, classé Monument historique, les nouveaux locaux de l’Agence des Bâtiments de France, nous n’avons toujours pas de réponse du Préfet. La Société écrira de nouveau au Préfet, si nécessaire.

 

 

 


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 222

 

Il est rapporté que, lors de la séance publique des Toulousains de Toulouse, M. Dominique Baudis a désavoué cette construction et a exprimé son mécontentement au sujet de sa réalisation.

M. Latour indique par ailleurs que le Maire a demandé que soit inscrits dans les règlements d’urbanisme des choix de matériaux.

 

À propos de l’Hôtel d’Assézat, le Président rend compte de la dernière réunion entre le Bureau de l’Union des Académies et Sociétés savantes, l’adjoint au Maire, M. Andrès, et M. Voinchet.

Le Président rappelle que la convention qui lie la Ville et la Fondation Bemberg contient trois clauses suspensives résolutoires. Si deux d’entre elles sont remplies (reconnaissance d’utilité publique de la Fondation Bemberg ; acceptation du projet des travaux par les Monuments historiques), la troisième, qui exige l’acquisition des terrains nécessaires au relogement des Académies, ne l’est toujours pas. Or les travaux doivent, par contrat, débuter au plus tard le 1er mai 1993, sans quoi M. Bemberg menace de proposer sa collection à une autre ville.

Le Président présente ensuite les nouveaux plans, enfin cotés, et les commente. Il indique, en particulier, que la porte de communication entre notre future salle des séances et nos autres locaux n’est pas prévue. M. Sermet a écrit à l’architecte, M. O’Byrne, et M. Puel doit également intervenir. La question sera à nouveau discutée le 18 mars prochain. Des rencontres seront prévues entre les Académies et les architectes. Enfin, l’utilisation de la salle des séances publiques de l’Hôtel sera sans doute difficile pendant les travaux, contrairement aux engagements qui avaient été pris. M. Sermet a écrit au Maire à ce sujet.

 

Le Président indique ensuite que l’Académie des Sciences soutient un projet d’association des amis de l’Hôtel d’Assézat qui pourrait se constituer avec des mécènes, en liaison avec la Chambre de commerce. Matra, les Télécom… et un groupe immobilier : "Patrimoine " seraient partie prenante dans ce projet. Le Président a prévenu que notre Société n’entendait pas être liée et que l’acceptation du mécénat d’un groupe immobilier ne saurait se faire en contrepartie de la perte de son indépendance. Le général Delpoux indique que ce groupe est celui qui rénove le presbytère de la Dalbade. Louis Peyrusse pense que les Académies et Sociétés savantes devraient nécessairement avoir une minorité de blocage dans une telle association.

Une première rencontre avec un groupe de techno-mécénat de la Chambre de commerce a eu lieu. M. Ferron y a assisté. Le groupe a accepté de prendre à sa charge une étude de faisabilité pour les besoins informatiques, vidéo, téléphoniques, etc. des Académies. Le coût de cette étude est estimé à environ 100 000 F.

 

 

Séance publique du 27 mars 1993

 

 

Allocution du Président

 

" Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

 

L’an dernier à la même époque, je me réjouissais de n’avoir à déplorer aucune perte dans les rangs de notre Société. Hélas, il n’en va pas de même cette année, où trois de nos membres ont été arrachés à notre affection, dont deux dans des circonstances tragiques et dans la force de l’âge.

 

 

Bernard CALLEY

 

La nouvelle de sa mort a frappé d’étonnement ceux qui le connaissaient et l’avaient vu peu de temps avant, nouveau retraité, disposé à se lancer dans des activités nombreuses auxquelles sa lourde charge l’avait empêché jusque-là de se consacrer. Pour ma part, j’appris sa mort subite alors que je lisais une lettre qu’il m’avait adressée et dans laquelle il m’annonçait que, libéré de ses charges, il avait l’intention de fréquenter plus assidûment les séances de notre Société. Ma réponse immédiate fut de dire à mon interlocuteur que ses informations étaient erronées puisque j’avais là dans les mains une lettre qu’il venait de m’envoyer. Au bout de quelques instants, je dus convenir que la mort l’avait frappé brutalement – une chute dans un ravin – alors qu’il se trouvait au Maroc où il préparait un travail sur l’Islam.

Bernard Calley fait partie de ces gens du Nord qui, venus par goût, par force ou par hasard dans le Midi y sont restés, conquis par son climat, sa lumière où ses habitants. Quoique né à Courbevoie en 1925, il passa sa jeunesse à Verdun, où il commença ses études au lycée de cette ville. La guerre et l’exode ayant poussé la famille à Agen, le jeune Bernard acheva ses études au lycée de cette ville en obtenant les baccalauréats de philosophie et de mathématiques. Attiré par les sciences exactes, il entra en mathématiques supérieures, mais la voie vers les grandes Écoles qui lui était promise ne pouvait satisfaire son goût pour les arts, la beauté, la poésie, qu’il tenait d’un père architecte, musicien et peintre.

Il choisit donc l’architecture.

Entré à l’École supérieure des Beaux-Arts en 1946, il obtint son diplôme d’architecte en 1952 et décida alors de se diriger vers la carrière d’architecte des Bâtiments de France. Reçu premier au concours en 1956, il fut affecté à Perpignan où il rencontra Sylvain Stym-Popper et Marcel Durliat. Muté à Toulouse en 1963, il fut élu membre correspondant de la Société archéologique du Midi de la France deux ans plus tard.

C’est dans notre ville que Bernard Calley a donné toute la mesure de sa rigueur et de sa sensibilité. Rigueur vis-à-vis de ses collègues auxquels il s’oppose souvent au sein de la Commission des Sites lorsque leurs projets lui paraissent inadaptés au cadre toulousain. Sensibilité dans l’aménagement des fontaines de la ville qu’il eut pour souci d’insérer sans choquer dans le tissu urbain. Ainsi disait-il de la fontaine des Puits-Clos qu’en la construisant il avait voulu évoquer le caractère classique du quartier, exalter la beauté de la brique, faire preuve enfin d’un certain esprit contemporain qui répugne au pastiche tout en souhaitant depuis quelques années le retour d’une certaine mémoire du passé.

Bernard Calley joua aussi un rôle déterminant dans le choix des projets du pont Saint-Pierre. Membre d’une Commission restreinte issue de la Commission des Sites, son influence fut prépondérante dans le choix du projet retenu. Il s’est ainsi présenté comme un défenseur acharné de la

 

 

 


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tradition toulousaine au sens noble du terme. Et si dans certains quartiers la ville a conservé une grande part de son cachet c’est souvent à cet homme discret mais efficace que Toulouse le doit. En perdant Bernard Calley, nous avons perdu un humaniste et un ami, un chrétien qui depuis plusieurs années se tournait vers une forme de mysticisme, un homme enfin, qui aurait encore beaucoup donné si la mort ne l’avait fauché. À sa famille, j’adresse en mon nom propre et au nom de la Société archéologique du Midi de la France les condoléances les plus sincères.

 

 

Aurel BONGIU

 

Tout aussi inattendue que la disparition de Bernard Calley a été celle d’Aurel Bongiu.

Né le 19 novembre 1944 à Bucarest, en Roumanie, Aurel Bongiu obtient le baccalauréat en 1962, et il est alors orienté vers l’École supérieure de Navigation aérienne qu’il quitte en 1965 pour entrer à l’Institut d’Histoire de l’Art de Bucarest. Ses premières recherches sur la peinture murale des églises en bois de la vallée du Cosau (Maramures), lui permettent d’obtenir en 1972 la maîtrise d’Histoire de l’Art, diplôme qu’il prépare tout en assurant ses fonctions de Conservateur du Musée national d’art populaire roumain, au Département des icônes sur bois et sur verre. Sa principale publication est consacrée aux Mobilier et ferronnerie populaires roumains, qui paraît en 1971 à Bucarest.

La rencontre d’une étudiante française qu’il épouse en 1972 l’amène à Paris, où il soutient en 1973 un doctorat de 3e cycle consacré à La peinture murale des églises en bois du Maramures, dans lequel il étudie l’intense activité de plusieurs peintres des XVIIe et XVIIIe siècles.

Chef de travaux pratiques à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts, chargé de recherches documentaires à l’École normale supérieure, puis chercheur vacataire au Service régional de l’Inventaire du Centre à Orléans, il passe avec succès en 1979 le concours de Conservateur de l’inventaire général. Ses nouvelles activités le conduisent à travailler essentiellement en Sologne, puis dans la ville de Bourges.

Il obtient en 1982 une mutation pour le Service régional de l’inventaire de Midi-Pyrénées. S’adaptant très vite à Toulouse et à sa région, il mène une étude approfondie de l’architecture religieuse dans le cadre du travail engagé par l’équipe toulousaine sur les deux cantons de Caylus et Saint-Antonin-Noble-Val, en Tarn-et-Garonne, et ajoute à la liste de ses publications des travaux qui montrent sa capacité d’adaptation ainsi que l’éventail de ses compétences.

C’est en 1989 qu’ayant fait une demande pour entrer à la Société archéologique il a été admis comme membre correspondant dans notre Compagnie, où il se montra un assistant assidu à nos séances.

Tout récemment, et pour se rapprocher de sa famille installée à Paris, Aurel Bongiu avait obtenu une mutation en Normandie dans le cadre de ses fonctions au Service de l’Inventaire. Cet éternel errant qu’était Aurel Bongiu, installé depuis quelques semaines à peine à Rouen, s’adapta mal à ce dernier déplacement et ses collègues toulousains, auxquels il téléphonait souvent de là-bas, sont là pour en témoigner. C’est peut-être la raison pour laquelle il attendit trop longtemps avant de consulter les médecins qui décelèrent une appendicite aiguë. Malgré l’intervention chirurgicale qu’il subit, l’appendicite se transforma en une péritonite qui l’emporta peu après l’opération.

Aurel Bongiu laisse le souvenir d’un homme trop modeste. Il surprenait toujours par les connaissances qu’il avait sur des sujets très divers, connaissances qui laissaient percer un esprit cultivé et ouvert, qui trahissaient une profonde culture qu’il ne laissait pas soupçonner au premier abord. Aurel Bongiu laisse deux jeunes enfants. À eux et à son épouse, la Société archéologique adresse ses profondes condoléances.

 

 

Marguerite de BÉVOTTE

 

Madame Marguerite de Bévotte, née Labey, nièce de Mgr Xavier Ducros, ancien recteur de l’Institut catholique de Toulouse, était née dans notre bonne ville au début de ce siècle. Bien qu’ayant fait ses études à Paris, à l’École du Louvre, elle n’oublia jamais ni Toulouse ni la région. C’est ce qu’attestent ses deux premiers articles parus en 1934 dans L’Auta : Une statue de l’ancien Couvent des Carmes de Toulouse, et Quelques fragments de sculpture provenant de l’ancien Couvent des Cordeliers conservés au Musée Saint-Raymond. Ces articles étaient en réalité les études préparatoires à son ouvrage publié en 1936, issu de sa thèse de l’École du Louvre : La sculpture à la fin de la période gothique dans la région de Toulouse, Albi et Rodez.

Dans cet ouvrage, Mme de Bévotte se penchait sur la sculpture du Maître de Rieux et ses origines, mais aussi sur la sculpture du XVe siècle dans notre région. Si les travaux menés depuis sur la sculpture du XIVe siècle ont renouvelé la question, la partie consacrée au XVe siècle n’a pas connu encore un travail d’ensemble remettant en cause les conclusions de Mme de Bévotte. C’est dire que cette partie de son ouvrage, écrite il y a 57 ans, demeure incontournable pour le chercheur qui ambitionnera de reprendre la question. Les contemporains ne s’y étaient pas trompés. L’Académie des Jeux floraux décerna à ce travail en 1937 le prix Fabien Artigue, et, la même année, l’Académie française le couronna à son tour.

Suivant son mari en Algérie, Mme de Bévotte abandonna pour quelques temps ses travaux sur la région, mais dès son retour en 1962, installée à Albi, elle publia dans la Revue du Tarn un article sur La mise au tombeau de Monestiès et, en 1965, un autre article sur Un groupe de statues de la fin de la période gothique à la Collégiale Saint-Salvi d’Albi, montrant qu’elle continuait à approfondir ses recherches dans le même sens. En 1972 encore elle publia, toujours dans la Revue du Tarn, un article sur La clôture du chœur et le jubé de la collégiale Saint-Salvi d’Albi.

C’est en 1973, après la perte de son mari que Mme de Bévotte vint s’installer à Toulouse auprès de ses enfants, M. et Mme de Boisseson. Elle demanda aussitôt à entrer dans notre Société et, le 22 janvier 1974, elle fut élue membre correspondant sur un rapport élogieux de notre président honoraire M. Gratien Leblanc, qui concluait avec humour : " Je vous prie, Messieurs, par l’intercession de Notre-Dame de Grâce et de tous les saints et saintes sculptés à la fin du Moyen-Âge dans le Midi de la France de bien vouloir admettre Mme Marguerite de Bévotte parmi nous ".

Elle fut une assistante assidue de nos séances jusqu’à ce que sa santé et la crainte qu’elle avait de rentrer à pied et dans la nuit chez elle après nos séances hivernales l’éloignent de nos réunions. Elle ne manquait jamais de s’excuser de ces absences et tout récemment encore je reçus de sa fille une lettre d’excuse m’expliquant que pour des raisons de santé elle avait dû quitter Toulouse pour se rapprocher d’elle et s’établir en Provence. Quelques jours plus tard, nous apprenions avec douleur son décès. Par la qualité de ses travaux, par son activité intellectuelle, par son dynamisme Mme de Bévotte était une figure de notre petit monde de l’histoire de l’art et de l’archéologie. Le XVe siècle lui reste redevable d’une production de qualité, base de futurs travaux. À la famille de Mme de Bévotte, la Société archéologique, par ma bouche, transmet ses sincères condoléances.

 

 

 


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Comme chaque année, la séance publique est l’occasion de faire un résumé de l’activité de notre Société. La publication de nos Mémoires, qui s’améliorent d’année en année au fur et à mesure que nous corrigeons les erreurs passées, vous montrent à la fois la qualité du contenu et du contenant (cette année et pour la première fois la couverture est sur papier glacé). Je ne saurais vous infliger le résumé des nombreuses interventions survenues au cours de nos séances. Certaines d’entre elles ont donné lieu à des articles qui constituent la partie la plus importante de l’ouvrage. Il faut dire que Toulouse y tient une place importante puisque quatre des six articles publiés sont consacrés à la ville. Ainsi l’article de l’abbé Baccrabère sur les anciennes fouilles de l’archéologue Léon Joulin à la caserne Niel, de celui de Maurice Prin sur les conséquences du tremblement de terre de 1427-28 sur le couvent des Jacobins, de celui de Bruno Tollon sur un des plus grands chefs-d’oeuvre toulousains, inconnu de nos concitoyens, l’escalier en vis des archives, hélas aujourd’hui disparu, de celui de Pascal Julien sur les stalles de la cathédrale Saint-Étienne. Deux autres articles traitent de sujets extérieurs à la ville, l’article de Mlle Rousset sur la borie de Savanac, travail que nous avions couronné, et enfin l’important article de M. Georges Costa sur le tombeau des parents du duc d’Épernon au couvent des Minimes de Cazaux.

Toutes ces communications ont fait l’objet de discussions. Vous en trouverez le résumé dans la partie du volume consacrée à la publication du Bulletin, qui devient de plus en plus important. Cela sous l’impulsion de Daniel Cazes pour les recensions d’ouvrages, de Maurice Scellès et Patrice Cabau pour les résumés des séances. Il fut un temps d’ailleurs où le Bulletin était la partie la plus riche des publications de la Société archéologique du Midi de la France. Notre ambition est de faire aujourd’hui des Mémoires et du Bulletin deux publications d’égale valeur. Je vous invite avec insistance à lire la partie Bulletin de cet ouvrage. Vous y découvrirez une foule de renseignements sur les découvertes archéologiques à Toulouse et dans la région, des notes accompagnées de photos, des résumés de discussions parfois passionnées sur les moyens de protéger le patrimoine toulousain et régional.

Vous y verrez aussi toutes les démarches que nous avons entreprises, les lettres que nous avons écrites aux différentes administrations pour la protection des sites et monuments, vous y verrez nos véhémentes protestations sur le sort à réserver au fragment du rempart romain et médiéval découvert rue Sainte-Anne et nos angoisses sur les dangers qui pèsent sur les restes du tracé du rempart antique et médiéval de la ville de Toulouse, en particulier dans les locaux du Palais de Justice. Vous y trouverez aussi notre indignation face à la réalisation du bâtiment de l’Agence des Bâtiments de France au 69 rue du Taur. C’est dans cette partie du volume que vous sentirez battre le cœur de la Société archéologique.

C’est aussi dans la partie Bulletin que figurent les résumés des communications qui n’ont pu prendre place dans les Mémoires. La communication du Général Delpoux sur le château de Caudeval et ses gypseries, celle de M. Tollon sur le vestibule de l’hôtel de Malte et sa signification, celle de M. Manière sur une croix du XVe siècle conservée à Cazères, celle de M. Gilles sur les bâtiments de la Faculté de Droit du XVIe au XIXe siècle, celle de M. Boudet sur les recherches menées sur l’oppidum de l’Ermitage à Agen, celle de M. Ahlsell de Toulza sur la chapelle d’axe du choeur de N.-D. du Bourg de Rabastens et son retable d’albâtre, celle de M. Manière sur le site antique de Marquefave, celle de M. Lapart sur la découverte de têtes gallo-romaines en marbre trouvées dans le Gers, celle de M. Scellès sur les restaurations et projets de restaurations à la cathédrale et dans la ville de Cahors, celle de M. Gérard sur l’église de Grenade et son mobilier d’après les inventaires du XVIIe siècle à nos jours, celle de M. Péaud-Lenoël sur Romains et Barbares de Narbonne à Toulouse et Bordeaux entre 410 et 420, celle de M. Pradalier sur l’abbatiale de Souillac. Enfin, vous y trouverez le résumé de la communication faite par Daniel Cazes sur le Musée Saint-Raymond à l’occasion du Centenaire de ce musée, communication qui apporte des éléments nouveaux sur les superstructures de ce monument. Toutes ces communications qui n’ont pas donné lieu à un article sont longuement résumées, accompagnées de photographies et de débats qui en enrichissent le contenu.

Pour terminer enfin, je dirai quelques mots de la " saga " de l’installation des Académies dans les locaux à construire sur la rue Clémence-Isaure. À l’heure actuelle, les Académies, représentées par l’Union des Six Académies, dont le Président nous fait l’honneur d’être à cette table, sont parvenues à un accord honorable et équilibré avec la Ville. Les surfaces que nous souhaitions obtenir nous seront données, ainsi que les accès nécessaires. Il ne reste que le petit problème du percement de la porte destinée à nous permettre d’accéder à notre salle des séances au sommet du grand escalier qui ne soit pas réglé, mais dont nous avons bon espoir qu’il le sera bientôt. La réalisation du projet ne dépend donc plus des Académies qui ont donné leur accord. Si le projet prend désormais du retard, celles-ci ne pourront en être tenues pour responsables. Notre seule préoccupation maintenant est de ne pas être délogés de nos locaux tant que les futures salles destinées à nous recevoir ne seront pas réalisées.

 

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, je vous remercie de votre attention et je passe maintenant la parole à M. Péaud-Lenoël qui va, selon une tradition désormais séculaire, vous donner lecture du rapport sur les concours. "

 

 

Rapport général sur le concours, par M. Claude Péaud-Lenoël

 

Le prix de Champreux, doté de 3000 F, est remis à M. Alain Smittarello, et le prix Ourgaud, doté de 2000 F, à Mlle Marie-Luce Pujalte.

 

 

Conférence de M. Jean Coppolani :

 

Les ponts de Toulouse du Moyen Âge à 1900.

 

 

 

Séance du 6 avril 1993

 

Présents : M. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Cazes, Secrétaire général Mmes Cazes, Noé-Dufour, MM. l’abbé Baccrabère, Bernet, Bertrand, Boudartchouk, Boudet, Cabau, Catalo, le général Delpoux, Fabre, Julien, Latour, Nayrolles, Péaud-Lenoël, Peyrusse, Roquebert, Tollon.

Excusés : MM. Fouet, Bibliothécaire-Archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Colin, Labrousse, M. Manière.

 

 

 


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 225

 

Le Président donne la parole au Secrétaire général pour la présentation de la correspondance imprimée. Parmi les publications étrangères, nationales et locales reçues par la Société, Daniel Cazes a relevé en particulier:

- Oxoniensia (revue publiée par la Société d’architecture et d’histoire du comté d’Oxford), LVII, 1992 : Architecture des maisons médiévales du XIIe siècle à 1350, par C.R.J. Currie ;

- Museo de Zaragoza, Boletín, n° 9, 1990 : numéro spécial dressant le bilan d’activité du Musée de Saragosse pour l’année 1990 et contenant une très importante étude intitulée Los museos en Aragon, par Miguel Beltran Lloris ;

- Huelva arqueológica (revue publiée par la Diputación de la province de Huelva), XII, 1990 : études sur les fouilles urbaines à Huelva, sur les maisons romaines ornées de mosaïques à Niekla (province de Huesca) ;

- Dacia (revue d’archéologie et d’histoire ancienne publiée par l’Académie roumaine), XXXV, 1991 ;

- La Savoie avant l’histoire (mémoires et documents publiés par la Société savoisienne d’histoire et l’archéologie), XCV ;

- Bulletin de Littérature ecclésiastique (publié par l’institut catholique de Toulouse), XCIV (1), janvier-mars 1993 : Henri de Lubac (1896-1991) la vie et l’œuvre d’un théologien, par Joseph Dore, p. 39-45 ; comptes-rendus bibliographiques, p. 59-72 : Simon Legasse, Saint Paul, essai de biographie, Paris, Cerf, 1991 ; Stephanos, Paris, Cerf, 1992 ; Ambroise de Milan, Hymnes, texte établi, annoté et traduit par Aimé Georges Martimort, Paris, Cerf, 1992 ; Maurice Prin et Jean Rocacher, Le Château Narbonnais, le Parlement et le Palais de Justice de Toulouse, Toulouse, Privat, 1991

- L’Auta, n° 585, avril 1993 : compte-rendu de l’Assemblée générale des Toulousains de Toulouse, qui ont attiré l’attention du public et du Maire de Toulouse sur la destruction récente des vestiges archéologiques de la place Esquirol ; a été reprise la suggestion faite par la Société archéologique d’un marquage au sol rappelant l’emplacement du temple antique.

 

Après avoir remercié Daniel Cazes de sa recension, Henri Pradalier donne la parole à Jean Catalo pour la communication du jour : Le forum antique de Rodez.

 

" Depuis le début de l’année 1990, plusieurs opérations archéologiques de sauvetage se sont succédé au cœur de Rodez en raison du réaménagement du centre ville. Totalisant une superficie explorée de 6000 m2 ces fouilles ont révélé des vestiges éclairant l’évolution de cette cité du Ier siècle av. J.-C. au XVIIIe siècle.

Pour la période gallo-romaine, la découverte la plus spectaculaire est celle du quart de la superficie du forum de la ville, inconnu jusqu’ici. Elle représente un événement majeur puisque cet ensemble monumental, qui concentre toutes les fonctions essentielles de la cité romaine (religieuse, économique et politique), est un des mieux connus de l’ancienne Gaule. Sa construction réalisée entre 60 et 80 ap. J.-C. se fait aux dépens d’un des quartiers de la première ville établie sous le règne d’Auguste. Il comprend de larges portiques latéraux ouverts sur une vaste place dallée. De petites boutiques bordent les portiques mais donnent sur des rues extérieures. Le côté sud de la place est fermé par une longue basilique civile probablement divisée en trois nefs. On y accède par les portiques et par une entrée principale centrale munie d’un porche. Un temple est situé au milieu de la place publique et fait face à la basilique. On peut estimer ses dimensions globales à environ 90 m sur 180 m.

Cet ensemble connaît quelques remaniements au début du IIe siècle ap. J.-C. et ne sera abandonné et partiellement détruit qu’aux VIe-VIIe siècles. Sa dégradation est progressive à partir de la fin du IIIe siècle. Les fonctions initiales disparaissent au profit de l’habitat qui apparaît dans les boutiques au IVe siècle puis gagne les zones publiques (basilique, portique, place) aux Ve et VIe siècles. Cette dégénérescence est la conséquence logique de l’implantation du christianisme durant cette période. Le forum est délaissé au profit de deux nouveaux pôles urbains autour de la cathédrale et de la basilique Saint-Amans qui composeront la future ville médiévale.

Parmi le mobilier archéologique qui illustre cette évolution, il faut souligner la découverte d’une inscription de sept lignes recto et verso. Le texte, identique des deux côtés de la plaque, est une dédicace au don des sièges du Sénat fait par un prêtre du culte impérial. Cette pièce exceptionnelle n’est pourtant qu’un exemple des nouvelles informations recueillies sur l’époque gallo-romaine de Rodez à travers le mobilier et son étude. Couplée aux données topographiques, c’est une nouvelle image de ce chef-lieu de Cité romaine qui nous est offert.

Les premières fouilles de grande ampleur réalisées à Rodez ont révélé plusieurs grandes phases dans l’urbanisation de cette ville. La monumentalisation par la création d’un forum est l’une d’entre elles. D’autres opérations à venir pourront certainement en préciser encore le plan et la chronologie. "

 

Henri Pradalier remercie Jean Catalo et ouvre la discussion en demandant ce qu’il adviendra des vestiges mis au jour. Jean Catalo indique d’abord que les fouilles du quartier Raynaldy-Jacobins s’intègrent dans un vaste programme de réaménagement du centre de Rodez, qui comprend notamment la création d’un parc de stationnement souterrain et la reconstruction de la Mairie ; les vestiges dégagés ont été voués à la destruction, faute d’une prise en compte suffisamment précoce du potentiel archéologique (prise en compte qui aurait pu permettre d’intégrer les projets d’urbanisme actuels dans la trame de l’urbanisation antique) ; tout au plus un simple marquage au sol rappellera-t-il, sur la future place, l’emplacement du forum définitivement disparu. Jean Catalo expose le problème qu’a constitué, face à un projet établi sans concertation préalable et déjà engagé, l’absence d’une force réelle de proposition. Daniel Cazes indique qu’en pareil cas la solution serait le classement d’office par l’État, mais que les substructions découvertes en dessous du sol ne paraissent plus en France devoir mériter le titre de Monument historique. Il rappelle ce qui s’est produit récemment en Espagne, dans des circonstances tout à fait comparables, pour le forum municipal de Mérida : classement d’office et mise en valeur du site archéologique.

Suite à une question de Quitterie Cazes concernant le matériau de l’inscription à double face, Jean Catalo indique qu’elle est en grès fin de provenance locale et qu’elle a dû être dès l’origine gravée sur ses deux côtés : il n’y a sur la bordure aucune trace de mortier ou d’attache quelconque ; il signale des traces de peinture au fond du creux des lettres. Daniel Cazes demande si l’emplacement initial de cette inscription est connu. Jean Catalo répond que sa localisation est difficile ; le fragment de plaque ayant été trouvé au-dessus du dallage du forum, entre les entrées du temple et de la basilique, il pourrait provenir de cette dernière. Richard Boudet partage le sentiment de Jean Catalo au sujet de la double gravure originelle et de la place primitive de l’inscription, dont il souligne le caractère religieux : la dédicace faite par un prêtre pour les sièges du Sénat ; il s’enquiert ensuite de l’existence de vestiges antérieurs au forum. Jean Catalo mentionne pour la période -100/-30 des

 

 

 


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épandages de mobilier : le site est fréquenté mais non structuré; la première organisation urbaine apparaît vers -20/+20, à l’époque augustéenne. Richard Boudet a constaté à une vingtaine de kilomètres de Rodez, sur un site où l’on trouve une concentration de puits à offrandes, que l’occupation reste diffuse et difficilement saisissable avant la fin du Ier siècle avant notre ère : il paraît vain de chercher en Rouergue une urbanisation avant Auguste.

Louis Peyrusse demande ce que les fouilles du forum ont apporté à la connaissance que l’on pouvait avoir du Rodez antique. Jean Catalo insiste sur la richesse des enseignements de cette campagne : les découvertes ont réactivé bien des données antérieures, fourni un contexte général à beaucoup d’informations très ponctuelles et permis de " recaler " les jalons chronologiques. On suit désormais l’évolution du forum de sa construction, entre 60 et 80, à sa destruction, aux Ve et VIe siècles ; il n’y a pas eu " ruine par les Barbares ", mais grande mutation urbaine : le centre monumental de la cité romaine est abandonné par suite de l’essor de pôles nouveaux, la cathédrale et la basilique Saint-Amans reconstruites au VIe siècle. Claude Péaud-Lenoël s’interroge sur la fonction des blocs de grand appareil disposés à la base du mur de façade à pilastres. Jean Catalo croit à un rôle esthétique, en raison du rythme observable (un espace sur deux entre les pilastres) ; il fait néanmoins remarquer la relative irrégularité des assises du petit appareil de moellons. Quitterie Cazes s’enquérant de la suite des travaux, Jean Catalo précise qu’ils se poursuivront par la destruction des bâtiments situés au nord du chantier (ancien couvent converti en caserne), ce qui permettra de vérifier les hypothèses concernant la longueur du forum, ainsi que d’étudier le rempart du Bas Empire.

 

Sont abordées enfin les questions diverses.

Concernant la Fondation Bemberg et son installation, le Président rappelle les clauses suspensives que comporte la convention signée entre la Ville de Toulouse, les Académies et Sociétés savantes, et la Fondation Bemberg, ainsi que la date-butoir du 1er mai 1993. Si la déclaration d’utilité publique de la Fondation est intervenue le 25 janvier et si le Service des Monuments historiques est censé avoir donné son agrément au projet de réaménagement de l’Hôtel d’Assézat, les terrains nécessaires au relogement des Académies et Sociétés n’ont en revanche toujours pas été acquis. Henri Pradalier redit que, conformément aux accords spécifiés par le texte de la convention, la Société archéologique ne quittera les locaux qu’elle occupe dans l’Hôtel qu’après la réalisation des bâtiments à construire sur l’emplacement des immeubles à acquérir. Claude Péaud-Lenoël signale qu’une télévision locale a diffusé des informations tendant à rejeter sur les Académies la responsabilité des retards pris par le projet. Henri Pradalier rappelle que, nullement hostiles à l’installation de la Fondation, les Académies entendent faire respecter leurs droits et les termes de la convention ; il met en évidence les maladresses commises dans cette affaire par la Mairie de Toulouse, dont les atermoiements et revirements ont abouti à créer une situation inextricable.

Le Président donne ensuite lecture d’un courrier par lequel M. René Gachet, Directeur régional des Affaires culturelles, répond tout ensemble à une lettre que la Société lui a adressée au sujet de la conservation du patrimoine historique et monumental de Toulouse ainsi qu’à deux autres lettres relatives à des questions du même ordre envoyées aux Ministères de la Culture et de la Justice. Un autre courrier relatif au n° 69 rue du Taur adressé au Préfet est resté à ce jour sans réponse.

 

 

Lettre du Président de la Société archéologique du Midi de la Fronce ou Ministre de la Culture et de l’Éducation nationale, 13 février 1993

 

" Monsieur le Ministre,

 

Depuis toujours, la Société archéologique du Midi de la France, soucieuse de la conservation et de la protection du patrimoine historique et monumental, observe avec attention les travaux menés ou à venir sur les différents monuments toulousains. Depuis quelques années, il apparaît que le patrimoine toulousain subit de graves atteintes, tant dans ses monuments classés que dans ceux qui devraient l’être et ne le sont pas encore.

C’est pourquoi nous nous permettons d’attirer votre attention sur l’enceinte antique et médiévale de Toulouse. Ces dernières années, les travaux accompagnés de fouilles archéologiques de qualité menés sur les terrains de l’ancien Hôpital Larrey avaient permis de retrouver plus de soixante mètres de rempart romain du Ier siècle conservé sur plus de 6 mètres de hauteur, ainsi que d’importants vestiges de deux tours. Ce fragment essentiel, bien que classé, a été fossilisé par la construction d’immeubles à quelques centimètres de son parement, le rendant à nouveau invisible, alors qu’une mise en valeur avait été demandée et promise.

De même, lors des travaux réalisés en 1990-1991 pour la mise en place de la station de métro Capitole à l’emplacement du square Charles-de-Gaulle, une tour et un fragment de la même enceinte romaine conservés sur près d’ 1,50 m d’élévation ont été rasés alors que leur emplacement était connu de tout temps, mentionné par les plans du XVIIIe siècle et confirmé par les travaux réalisés voici un siècle pour la création du square. Il est difficilement compréhensible que cette tour, quoique bien connue, ait été détruite et non intégrée au projet... contrairement au magnolia voisin !

Le 21 décembre 1992, un dossier sur la protection de l’enceinte médiévale devait être présenté devant la COREPHAE. Or seule la partie située boulevard Armand-Duportal a été finalement présentée. Les autres parties, qui sont menacées, par des projets immobiliers notamment, ont été retirées : ainsi de la portion de rempart récemment découverte dans la rue Sainte-Anne, où l’enceinte romaine et médiévale subsiste sur toute sa hauteur et sur une longueur remarquable, ainsi que des restes de rempart du Palais de Justice, où un projet d’extension semble déjà très avancé, sans tenir compte de l’existence du rempart médiéval.

La Société archéologique du Midi de la France ne peut accepter la reconstruction d’un immeuble rue Sainte-Anne contre le mur d’enceinte de la ville, conservé intact sur toute son élévation antique et médiévale et sur une longueur de 15 m, alors que la profondeur de la parcelle permet au promoteur d’aménager une cour-jardin le mettant en valeur sur sa totalité.

De même, il semble inconcevable que l’architecte de la Chancellerie ne puisse intégrer à son projet d’extension du Palais de Justice la portion de rempart médiéval bien connue et publiée dans le récent ouvrage de Messieurs Prin et Rocacher. Ces destructions ou fossilisations seraient irréversibles. Toulouse ne peut perdre ainsi chaque année des pans entiers de son histoire.

 

 

 


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C’est pourquoi nous nous en remettons à vous, Monsieur le Ministre, pour agir le plus rapidement possible afin de sauver ces éléments essentiels du patrimoine toulousain et national.

 

Veuillez agréer […] Henri Pradalier"

 

 

Lettre du Président de la Société archéologique du Midi de la France au Préfet de Région, Préfet de la Haute -Garonne, 13 février 1993

 

" Monsieur le Préfet,

 

Depuis quelques temps, plusieurs monuments toulousains, dont certains classés Monuments historiques, connaissent des travaux de restauration ou des aménagements nouveaux. La Société archéologique du Midi de la France, toujours soucieuse du patrimoine historique et monumental observe avec attention les travaux menés dans ces différents monuments. Or l’un d’entre eux vient de connaître des travaux dont les conséquences inquiètent gravement notre Société.

Ce bâtiment situé rue du Taur ouvrait sur celle-ci par un magnifique portail du XVIe siècle, attribué à l’architecte Nicolas Bachelier et placé au centre d’un avant-corps qui avait conservé le décrochement caractéristique entre le sommet du portail et les murs qui le flanquent. Les travaux menés récemment ont consisté dans un premier temps à nettoyer le portail et le mur qui le cantonnent, décapant ainsi brutalement la brique. Pour cacher les effets désastreux de ce nettoyage, exécuté semble-t-il selon la technique contestée du sablage, on a passé sur les briques un badigeon rougeâtre du plus désastreux effet dont rien n’autorise à penser qu’il était utilisé au XVIe siècle.

De surcroît, on a cru bon de surélever les murs de part et d’autre du portail et au-dessus de celui-ci, entraînant ainsi la disparition complète des dispositions d’origine. Enfin, il a été bâti derrière et contre cet avant-corps, destiné de tout temps à rester isolé pour fermer la cour sur la rue, un ensemble de constructions d’un goût contestable.

Ces modifications, qui sont un outrage à l’histoire et à l’archéologie, sont d’autant plus dramatiques qu’elles ont été faites dans le but d’accueillir la nouvelle Agence des Bâtiments de France !

Quelle crédibilité pourra-t-on accorder désormais à une administration qui ne s’applique pas à elle-même les principes et les contraintes qu’elle impose à la construction privée et se permet de graves atteintes au patrimoine historique et archéologique ?

Comment se fait-il qu’à Toulouse on ait autorisé des ajouts sur des bâtiments classés alors qu’au même moment, dans le quartier du Marais à Paris, on a procédé et on procède à la restauration des avant-corps des différents hôtels de ce quartier en détruisant les constructions adventices ajoutées au cours des siècles par des propriétaires ignorants ?

La Société archéologique s’émeut de cette situation et s’interroge avec inquiétude sur les mécanismes qui ont abouti à une telle aberration. Voici quelques-unes des questions qu’elle se pose :

Qui a donné l’autorisation de procéder à de tels travaux ?

La commission supérieure des Monuments historiques a-t-elle été consultée ?

Une étude préalable a-t-elle été faite ? Si oui, à qui a-t-elle été confiée ?

L’architecte des Bâtiments de France a-t-il été amené à donner son avis ?

Qui a la responsabilité du chantier ? Est-ce l’architecte en chef des Monuments historiques ou l’architecte des Bâtiments de France ?

Si tel est le cas, celui-ci a-t-il le droit de procéder à des travaux dans la circonscription relevant de son ressort ?

 

Vous redisant encore l’émotion qui est celle de la Société archéologique et dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer […] Henri Pradalier "

 

 

Lettre du Président de la Société archéologique du Midi de la Fronce au Directeur régional des Affaires culturelles, 13 février 1993

 

" Monsieur le Directeur,

 

Je vous prie de trouver ci-joint la copie de deux lettres qu’au nom de la Société archéologique du Midi de la France j’adresse, l’une à M. le Préfet de la Haute-Garonne, l’autre à MM. les ministres des Affaires culturelles et de la Justice. La première concerne les scandaleuses modifications infligées au portail de Nicolas Bachelier rue du Taur dans le cadre de l’installation des nouveaux locaux de la Direction de l’Architecture. La lettre adressée à M. le Préfet ne rend que médiocrement compte de l’émotion, pour ne pas dire de la colère, des membres de la Société archéologique du Midi de la France face à cet authentique acte de vandalisme.

La deuxième lettre concerne la protection du rempart antique et médiéval qui est depuis longtemps, vous le savez M. le Directeur, une de nos préoccupations essentielles et dont nous souhaitons qu’il soit classé sur la totalité de son tracé.

Enfin il est une troisième affaire douloureuse qui nous touche : celle de l’arasement des fondations du temple romain découvert sous la place Esquirol, temple qui fut un des hauts-lieux de l’histoire de Toulouse. Encore un pan de l’histoire monumentale de Toulouse qui disparaît. Jamais des relevés, pour aussi bons qu’ils soient, ne pourront remplacer la conservation d’une structure qui est soustraite aux recherches futures. La Société archéologique a demandé à la Ville de Toulouse que les contours de ce temple soient au moins signalés en surface par un dallage différent. Je pense que ce n’est point trop demander et qu’en cas de besoin la Direction des Affaires culturelles pourra appuyer cette demande.

Je vous prie d’agréer [...] Henri Pradalier "

 

 


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Lettre du Directeur régional des Affaires culturelles au Président de la Société archéologique du Midi de la France, 8 mars 1993

 

" Monsieur le Président,

 

J’ai bien reçu votre courrier en date du 13 février 1993 ainsi que la copie de ceux adressés à Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale et de la Culture et à Monsieur le Préfet de la Haute-Garonne, tous courriers relatifs à la conservation du patrimoine toulousain.

Afin de dissiper tout malentendu à ce propos, je reprendrai point par point les problèmes que vous soulevez.

- Vous vous élevez contre les travaux de restauration du portail classé Monument Historique situé au 69 rue du Taur, et derrière lequel a été récemment construite la nouvelle agence des Bâtiments de France.

Ce dossier a été suivi avec toute l’attention nécessaire ; en particulier j’ai recueilli les avis techniques indispensables, et dont je m’entoure obligatoirement pour de tels projets, soit l’avis de l’Architecte en Chef des Monuments Historiques et celui de l’Inspecteur Général des Monuments Historiques.

C’est dans le cadre de cette instruction interne au Ministère de la Culture, et sur la base des avis de l’Architecte en Chef des Monuments Historiques et de l’inspecteur Général des Monuments Historiques que j’ai donné mon accord au permis de construire.

La création de l’Agence des Bâtiments de France n’a pas fait l’objet d’une aide financière du Ministère de la Culture ; en revanche, les travaux de nettoyage du portail classé Monument historique ont été maîtrisés et financés à 50 % par l’État dans le cadre des crédits de strict entretien des édifices classés. Le procédé de gommage utilisé par l’entreprise Thomann-Hanry, nettoyage aux poudres par microfriction, exclut toute intervention de nettoyage abrasif (type sablage) ; le procédé utilise de la microfine de verre. Le badigeon de chaux grasse teinté à deux couches a été réalisé par l’entreprise Sagné. L’Architecte des Bâtiments de France a été maître d’œuvre de l’opération.

2 - Vous appelez également mon attention et celle du Ministre de l’Éducation Nationale et de la Culture sur les multiples atteintes portées à l’enceinte antique et médiévale de Toulouse.

- Le rempart romain de Larrey

Certes des immeubles ont été construits très près du rempart qui a été conservé. Je note toutefois qu’un effort indiscutable de mise en valeur a été réalisé notamment pour un morceau de rempart qui est visible dans une cage d’escalier, et dans un patio privé où un pan de mur d’environ 2002 m apparaît.

L’État a subventionné la S.N.C. Larrey pour la mise en valeur du rempart romain inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, ainsi que la ville de Toulouse pour l’aménagement de la Tour romaine.

- L’enceinte romaine située au Square Charles de Gaulle

Vous indiquez la disparition à cet emplacement d’une tour et d’un fragment de l’enceinte. En fait, très peu d’élévation a été rasée. Le fragment de l’enceinte bien que légèrement déplacé sera visible du public.

Est en projet à l’heure actuelle avec la ville de Toulouse, l’évocation du rempart dans la future billetterie.

- La portion de rempart découverte rue Sainte-Anne

Ce dossier a été suivi par le Service de l’archéologie qui a mené les négociations avec l’aménageur. C’est ainsi que, suite à la fouille préalable, un compromis a été trouvé sur la mise en valeur de cette partie du rempart. En particulier, sera visible dans la cage d’escalier l’ensemble du rempart sur toute sa hauteur – y compris la partie " romaine " qui sera éclairée – et sur une longueur de quatre mètres. Le reste du rempart, soit douze mètres, recevra une paroi moulée.

- Les restes du rempart situé Allées Jules-Guesdes

La ville de Toulouse m’a transmis pour avis les demandes de permis de démolir de la cité judiciaire. J’ai souhaité que le rempart médiéval soit intégralement conservé. La mise en valeur de ce rempart ne pourra en tout état de cause être définie que lorsque l’évaluation archéologique, qui est en cours, sera achevée.

- Le temple romain d’Esquirol

Vous souhaitez la signalisation en surface par un dallage des contours du temple romain découvert sous la place Esquirol. J’agrée tout à fait votre demande qui fait à l’heure actuelle partie des négociations menées par le service de l’archéologie avec la ville de Toulouse.

En ce qui concerne le rempart médiéval, son examen par la COREPHAE réclame que soient menées auparavant des études précises par le service régional de l’archéologie. Sitôt ces études achevées, et vous n’ignorez pas la complexité des problèmes posés par ce monument, cet examen sera programmé afin de décider de la protection de ce rempart au titre de la loi sur les monuments historiques.

Je tiens à vous remercier de l’intérêt que vous manifestez pour la sauvegarde du patrimoine historique de notre région, et puis vous assurer que l’action que je mène dans ce domaine est dictée par le profond respect que je porte à tout édifice digne d’être protégé.

 

Je vous prie d’agréer [...] René Gachet "

 

On s’accorde à juger cette réponse curieuse dans son principe et peu satisfaisante, voire insuffisante, pour son contenu.

 

 

 

Séance du 20 avril 1993

 

Présents MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Guy Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire général, Scellès, Secrétaire- adjoint; Mme Labrousse, MM. l’abbé Baccrabère, Bernet, Bertrand, Boudet, Cabau, Fabre, Gillis, Hermet, Julien, Latour, Manière, le Père Montagnes, Prin, Roquebert, l’abbé Rocacher.

Excusés : Mme Cazes, M. Gérard.

 

 


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Le Président annonce le décès de Georges Fouet, survenu alors qu’il semblait s’être bien remis de la maladie qui l’avait empêché d’assister aux dernières réunions de notre Société. Mme Labrousse et M. Cazes ont représenté la Société aux obsèques, qui ont eu lieu ce matin.

 

Le Président donne la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal de la séance du 16 mars, et à Patrice Cabau pour celui de la séance du 6 avril. Les deux procès-verbaux sont adoptés.

 

Puis le Président donne lecture de la réponse qu’il a reçue du Préfet à propos du n° 69 rue du Taur.

 

Lettre du Préfet de la Haute -Garonne au Président de la Société archéologique du Midi de la France, 6 avril 1993

 

" Monsieur le Président,

 

Vous avez bien voulu me demander de vous préciser les conditions dans lesquelles a été restauré le portail classé monument historique et édifiée l’agence des Bâtiments de France au 69 rue du Taur.

Au plan réglementaire, le dossier a été instruit par la direction régionale des Affaires culturelles et a été soumis, comme tous les autres dossiers de ce type, à l’accord de Mme le Conservateur régional des Monuments historiques, de l’Architecte en Chef des Monuments historiques et de l’inspecteur général des Monuments historiques.

C’est dans ce cadre réglementaire que l’Architecte des Bâtiments de France, maître d’œuvre du projet ainsi que l’autorise la législation, a fait procéder à la restauration du portail conformément aux directives des services précités.

Sur le côté purement technique de la restauration, la direction régionale des Affaires culturelles m’a précisé :

- que le nettoyage des briques s’était effectué par projection de microfine de verre et non par sablage ;

- que le badigeon de chaux grasse teinté (utilisé depuis l’époque romane) était destiné à cacher les joints de ciments gris exécutés lors d’une précédente restauration, tout en conservant l’intégrité et la transparence de la brique ;

- que le rehaussement des couronnements latéraux a été autorisé au motif qu’ils n’étaient pas d’origine mais provenait d’une restauration ultérieure (XIXe siècle).

Enfin, pour ce qui concerne la construction proprement dite de l’agence des Bâtiments de France, elle n’est intervenue qu’après obtention de toutes les autorisations requises et, sans porter un jugement qui ne peut être que subjectif sur son architecture contemporaine, il est à noter que le bâtiment respecte la vision d’ensemble du portail grâce à son retrait en partie haute.

 

Veuillez agréer […] Pour le Préfet, le Secrétaire général de la Préfecture de la Haute-Garonne, Jean-Claude Prager "

 

Cette réponse de pure forme nous navre tant elle est peu satisfaisante. M. Gillis indique qu’il avait adressé, au nom des Toulousains de Toulouse, un courrier analogue et qu’il a reçu de la Préfecture une réponse à peu près identique à celle-ci. On s’accorde pour demander des informations complémentaires au Directeur régional des Affaires culturelles et au Préfet, en adressant copie des courriers au Conservateur des Monuments historiques et à la Mairie. Il faut également obtenir les avis de l’Architecte en chef et de l’Inspecteur.

On rappelle que ces travaux ont été faits sans consultation de la Commission des Sites.

 

Le Secrétaire général présente la correspondance imprimée. Nous avons reçu deux envois de l’Institut d’Archéologie de l’Académie roumaine de Bucarest :

- Le paléolithique et le néolithique de la Roumanie en contexte européen, 1990 ;

- Arheologia moldovei, t. XV (1992), comprenant des études intéressant la Protohistoire, l’Antiquité, le haut Moyen Âge et le Moyen Âge, ainsi que le compte-rendu du congrès international d’études byzantines qui s’est tenu à Moscou en 1991.

Parmi les publications françaises, on signalera plus particulièrement l’article de Philippe Calmon : Documents nouveaux sur les travaux de Saint-Sauveur de Figeac au XVIIIe siècle, dans Bulletin de la Société des Études du Lot, t. CXIV (1993), p. 63-69.

Mme Labrousse annonce qu’elle offrira à la Société le volume de l’Histoire du Quercy, pour lequel nous venons de recevoir un bulletin de souscription.

 

Le Président donne ensuite la parole à M. Manière pour la communication du jour consacrée aux Menhirs de Saint-Martory, Mancioux et Balesta :

 

" La présence de quatre menhirs dans le Bas-Comminges vient y rappeler l’époque méplithique.

À Saint-Martory, le menhir de Peyrohitto fut identifié à la fin du XIXe siècle par Édouard Lartet, puis en 1950 par l’abbé Breuil. Le mégalithe qui gisait dans le quartier de la gare à Saint-Martory a pu être donné par son propriétaire à la commune pour y être érigé sur la placette de l’église où il forme un monument voisinant avec d’autres vestiges archéologiques et historiques. Tous ces travaux ont été réalisés avec le concours de Louis Méroc, alors directeur de la Circonscription préhistorique de Midi-Pyrénées.

À Mancioux, nous avons retrouvé en 1962 au lieu-dit des Pilas deux menhirs, identifiés par Louis Méroc. Ils ont pu être restaurés puis ré-érigés avec soin sur la rive gauche de la Noue, en aval du pont dit romain. Le monument y est assis sur un banc rocheux où nous avions retrouvé la voie romaine avec des ornières laissées par des convois antiques, dont l’une plus évasée se rapporte aux différentes largeurs d’essieux. Une discussion a voulu y faire envisager le rôle de bornes pour les mégalithes et penser que la Noue a pu servir de frontière à cet endroit aux provinces puis aux Cités de Toulouse et de Saint-Bertrand.

 

 

 


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À Roquefort-sur-Garonne, dans le domaine de Balesta appartenant à la famille Malet, a été retrouvé un autre menhir dans un lieu particulièrement sauvage et boisé. Il gisait au milieu d’une clairière et au centre d’un enclos en pierres sèches rectangulaire, de 120 m de long, qui rappelle un temple de plein air où le menhir occupe, sur un tertre, le centre parfait. Sur les conseils de Louis Méroc et de Michel Labrousse, nous l’avons exploré et étudié, et ce temple a fait l’objet d’un article paru dans Pallas en 1971. Un mobilier archéologique allant de la poterie néolithique à celle du Moyen Âge a été retrouvé avec une représentation très explicite de la période gallo-romaine, dont deux monnaies de Dioclétien et de Constance-Chlore. Le temple de Belbèze, établi sur la hauteur, est voisin du menhir de Balesta, et l’arête rocheuse dite " de la Roche " paraît se prolonger en contrebas dans un des côtés du temple en pierres sèches qui entoure le menhir. "

 

Le Président remercie M. Manière d’avoir accepté de faire sa communication en dépit de la difficulté qu’il a à parler, et M. Latour d’avoir lu les textes de la présentation. Il remarque qu’il s’agissait de justifier des choix qui ont été faits il y a quelques années pour sauver ces mégalithes. M. Manière ajoute qu’à proximité du site de Balesta, M. Malet a fait des plantations de pommiers sur des terrains où sont apparus des gisements acheuléens, avec de nombreux " coups de poings " et éclats de taille.

Daniel Cazes demande si le fragment de sarcophage encastré dans l’église provient de la nécropole de Saint-Martory. M. Manière répond que non, mais qu’il a été trouvé à proximité de l’église.

 

Le Président indique qu’il a reçu une lettre de candidature de Mme Blanc-Rouquette, qui sera examinée par le Bureau.

 

CORDES (Tarn). Peinture murale découverte dans l’embrasure d’une fenêtre de l’ancien presbytère. Cliché R. Manuel.

 

 

M. Scellès indique ensuite que nous avons reçu de M. Robert Manuel, petit-fils de Charles Portal et ancien conservateur du Musée de Cordes, un courrier nous annonçant la découverte de peintures murales médiévales, du type de celles de la Romieu que Robert Mesuret avait appelées " faux-marbres ", dans l’ancien presbytère de Cordes ; on remarquera en outre le faux-oculus polylobé peint sur le tympan de la fenêtre géminée. On fait circuler les photographies envoyées par M. Manuel.

Puis M. Scellès présente à la Société une planche axonométrique des vestiges du palais Duèze à Cahors, en décrivant les travaux en cours et ceux prévus pour les prochaines années. Une fenêtre de la chambre de parement du palais a ainsi retrouvé son remplage. L’enlèvement de l’enduit sur la rue Edmond-Albe a fait réapparaître quelques vestiges supplémentaires, dont une porte couverte d’un arc brisé à l’étage. Les deux fenêtres géminées hautes de l’élévation ouest seront réouvertes dans un avenir que l’on espère proche et qui devrait permettre au palais, presque ignoré aujourd’hui par tous ceux qui visitent Cahors, de retrouver une place dans la ville. M. Scellès propose que notre Société encourage M. Guy Rouqual, le propriétaire de l’hôtel qui fait faire ces travaux, en lui décernant une médaille d’argent. La proposition est acceptée. On convient que cette médaille lui sera remise au cours d’une journée de visite de Cahors où M. Scellès présentera à la Société les maisons médiévales de la ville.

 

 

Séance du 18 mai 1993

 

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Cazes, Secrétaire général, Scellès, Secrétaire-adjoint; Mme Labrousse, Ugaglia, MM. Bernet, Bertrand, Boudartchouk, Boudet, Cabau, Fabre, Gillis, Hermet, Julien, Lapart, Lassure, Latour, Prin, Tollon.

Excusés : Mmes Cazes, Colin, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, le général Delpoux, Gérard.

 

Le Président ouvre la séance et donne la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal de la séance du 20 avril 1993, qui est adopté.

Puis le Secrétaire général présente les ouvrages reçus au titre des échanges.

Étranger :

- Hierasus, VII-VIII (1989), publication du Musée du département de Botosani (Roumanie);

- Conimbriga, vol. XXIX, publié par l’Université de Coimbra (Portugal) :

- Helena Fade, Nouveaux éléments sur le temple romain d’Almofada (p. 93-103). Le temple d’Almofada, dans la région de Guarda au Portugal, mesurait 16,30 m sur 8,15 m ; on ne sait dans quel contexte il fut bâti. Un fragment de statue en marbre (une main portant la base circulaire d’un objet indéterminé) a été trouvé au cours des fouilles. Il faut probablement y voir un temple du Haut-Empire, dédié à une divinité latine ;

- un article de J. Carlos et Marisol A. Ferreira consacré à l’aqueduc et au barrage romains du río de Clérigo, à Alcacer do Sal (Portugal) (p. 105-108) ;

- on notera également, dans le même volume, le chapiteau paléochrétien d’autel du Musée de Beja (p. 139-146). La revue est en outre accompagnée d’un nouveau supplément de fiches épigraphiques (fasc. 37, 38 et 39).

- Le recueil des conférences données au Museu arqueolégic de Barcelone en 1988-89.

- Anales de Prehistoria y Arqueología, nos 5-6 (1989-1990), publié par l’Université de Murcia : le volume comprend des articles de réflexion théorique sur l’archéologie, des articles consacrés à la préhistoire et l’art préhistorique, aux Grecs dans la péninsule ibérique, à l’orfèvrerie ibérique d’après l’étude des " dames " d’Elche et de Baza, à une tête de satyre de la villa romaine de La Huerta (Murcia), aux thermes de Carthago Nova

- Gerión, n° 10 (1992), publié par l’Universita Complutense de Madrid.

 

 

 


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 231

 

Puis Daniel Cazes présente deux ouvrages, l’un envoyé par le Centre de Flaran : Plantes et cultures nouvelles en Europe occidentale, au Moyen-Âge et à l’époque moderne. XIIe journées d’étude de l’abbaye de Flaran, 1990 (Auch, 1992) l’autre offert par M. Péaud-Lenoël : Benoît Chauvin, Pierres... pour l’abbaye de Villelongue, 2 vol., (Pupillin, 1992).

 

Le Président lit ensuite une lettre que Gérard Rivère, nouveau Président de la Société des Études du Comminges, nous a adressée à l’occasion du décès de Georges Fouet. Rappelant la place qu’occupait Georges Fouet dans nos deux Sociétés, il souhaite qu’elles poursuivent les relations qu’elles ont su établir entre elles.

Notre Société a également reçu une lettre de remerciement de la famille de Georges Fouet, à laquelle nous avions adressé nos condoléances : les enfants de notre confrère se rappellent à quel point leur père était fier d’appartenir à la Société archéologique du Midi de la France.

On procède ensuite au vote afin de pourvoir à la fonction de Bibliothécaire-Archiviste. M. Louis Latour est élu. Le Président le félicite de cette élection qui prolonge le travail de classement et de permanences qu’il a engagé depuis plus d’un an.

Puis M. Hermet présente son rapport sur la candidature de Mme Blanc-Rouquette, qui est élue membre correspondant de notre Société.

Le Président donne alors la parole à Mme Labrousse et M. Boudet pour la communication du jour : † Michel Labrousse, Le trésor de Dunes, publiée dans ce volume de nos Mémoires.

 

Le Président remercie Mme Labrousse et M. Boudet pour cette communication qui rappelle Michel Labrousse à notre souvenir. Puis il fait appel aux questions.

M. Péaud-Lenoël constate que les monnaies d’Emporion présentant Aréthuse au dauphin peuvent être rapprochées de monnaies de Syracuse et demande ce qu’il faut en penser. Par ailleurs, les émissions de Marseille ont-elles été imitées dans la région ? Enfin, si ces monnaies ne servent pas à l’économie d’échange, quel est leur usage ?

Richard Boudet reconnaît que, pour le droit, la parenté avec les monnaies de Syracuse est évidente, mais il indique qu’on ne sait comment l’interpréter. Les monnaies de Marseille et Emporion ont été imitées au départ en Limousin. Il est possible que l’origine de la monnaie dans le grand Sud-Ouest soit liée à l’exploitation de l’or, et il semble que l’on puisse établir un lien plus ou moins direct avec la Deuxième Guerre punique, sans être en mesure d’en préciser les modalités. La monnaie interviendrait en contrepartie, simple compensation de valeurs différentes, dans des échanges fondés principalement sur le vin et les céréales indigènes. L’hypothèse d’un commerce faisant intervenir la traite des esclaves semble devoir être écartée.

M. Lapart remarque que l’on a donc tendance à vieillir les chronologies et il se demande quelles monnaies utilisaient les Elusates du premier siècle avant J.-C.

M. Boudet répond qu’il s’agit d’une question difficile où beaucoup reste à faire. C’est sans doute là l’une des problématiques actuelles de l’archéologie. On peut toutefois noter qu’il y a des centres de monnayage à diffusion très restreinte, avec des monnaies frappées en même temps que les monnaies à la croix.

M. Boudartchouk fait remarquer que l’hypothèse de dépôts religieux est très incertaine pour la période pré-césarienne et voudrait savoir sur quelles bases elle peut se fonder.

M. Boudet souligne qu’il a été très prudent en énonçant cette hypothèse. On peut faire référence à des travaux en cours dans le nord de la France, et des études des monnaies trouvées dans des sanctuaires situés pour la plupart à la limite des Cités. Mais les informations manquent pour le Sud. On peut toutefois remarquer, pour la région étudiée, que les dépôts monétaires se situent en périphérie de la zone de circulation des monnaies.

Mme Labrousse remarque que l’hypothèse de dépôts, tout à fait séduisante, n’exclut pas l’existence de trésors. Daniel Cazes fait remarquer que le mot de trésor, compris comme le regroupement volontaire d’un ensemble de monnaies, n’implique aucune autre interprétation.

 

Abordant les questions diverses, le Président informe la Société qu’une présentation de systèmes de vidéothèque, par la Société Prisme, aura lieu à Blagnac le 14 juin. Il souhaite que des membres de notre Société puissent y assister.

 

À propos des travaux de l’Hôtel d’Assézat, le Président indique qu’une réunion a eu lieu ce matin, et qu’une autre est prévue pour demain. On retient principalement que la Ville n’a pas acheté exactement les terrains prévus.

 

Puis il donne lecture d’un article paru le 6 mai dans La Dépêche du Midi, qui met en cause la Société archéologique du Midi de la France. L’article est illustré en première page de l’édition toulousaine par une photographie en couleur de l’architecte des Bâtiments de France posant au beau milieu du rouge de " son " portail du n° 69 rue du Taur. Constamment attentive, l’assemblée se laisse néanmoins gagner par l’hilarité au fur et à mesure que progresse la lecture. Pour être drôle de ridicule, l’article n’en est pas moins consternant, pour ce qu’il laisse présager et de la qualité intellectuelle des débats à venir, et de la sauvegarde du patrimoine de la ville. En dirigeant la presse sur la couleur des vantaux, sur laquelle la Société ne s’est pas prononcée (cela lui importe peu, et les menuiseries n’étaient d’ailleurs pas peintes lorsque nous avons adressé nos dernières remarques et questions au Préfet et au Directeur régional des Affaires culturelles), on trompe volontairement le public et on élude les vraies questions, c’est-à-dire la pseudo-restauration du portail de Bachelier et la construction de locaux neufs (ceux du Service départemental de l’Architecture !) sur un portail classé Monument historique, pour laquelle on n’hésite pas à dénaturer l’œuvre de l’architecte du XVIe siècle. Notre Société répondra par voie de presse en temps opportun.

 

 


M.S.A.M.F. t. LIII, p.

 

AXONOMÉTRIE DES RUINES DU PALAIS DUÈZE, À CAHORS (Lot), vues depuis le Sud-Ouest (état en 1990).

 

Dessin aquarellé de Pavla Sadilkovà, d’après les relevés de Patrick Roques. Cliché Inventaire général / SPADEM.

 

 


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 234

 

 

Séance du 1er juin 1993

 

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Gazes, Secrétaire général, Ahlsell de Toulza, Trésorier; Mmes Blanc-Rouquette et Labrousse, MM. Barès, Blaquière, Cabau, le général Delpoux, Fabre, Julien et Péaud-Lenoël.

Excusés : MM. Scellès, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-Archiviste, Mmes Gazes et Ugaglia, MM. Bertrand, Catalo, Peyrusse et Tollon.

 

Le Président donne lecture d’une lettre adressée par Valérie Rousset, membre correspondant, qui signale la récente inscription de la " borie " de Savanac (Lot) à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques, mesure sans doute susceptible de faciliter la restauration de cet ensemble de bâtiments du début du XIVe siècle.

 

Le Président cède ensuite la parole au Secrétaire général pour le compte-rendu de la correspondance imprimée.

Daniel Gazes rappelle que notre Société cherche à développer ses échanges de publications. À l’initiative de Richard Boudet, il a ainsi été possible d’obtenir l’envoi de numéros anciens d’une riche revue allemande:

- Archäologisches Korrespondenzblatt. Urgeschichte, Römerzeit, Frühmittelalter, Verlag des Römisch-Germanischen Zentralmuseums, Mayence, 1975, 1980, 1982, 1984, 1986, 1990, 1991, 1992 (5e-22e années ; 4 livraisons annuelles).

Deux articles rédigés en français et intéressant deux objets antiques très remarquables sont à signaler :

- Moreau (Jacques), Boudet (Richard), Schaaff (Ulrich), Un sanglier-enseigne gaulois à Soulac-sur-Mer (Gironde), 20e année, 1990, 4e livraison, p. 439-442;

- Feugère (Michel), Apollon et Daphné sur une boucle de ceinturon tardo-romaine en argent doré, 22e année, 1992, 2e livraison, p. 125- 136.

De l’étranger, la Société a également reçu les deux volumes d’Actes de la table ronde internationale organisée en 1989 sur le thème " Archéologie des activités pastorales dans l’Europe méridionale " : Revista di studi liguri, Istituto internazionale di studi liguri, Museo Bicknell, Bordighera, 1990 (nos l-4) et 1991 (nos l-4).

Parmi les revues françaises, le Secrétaire général signale : Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Comptes-rendus des séances de l’année 1992, livraison de janvier-mars.

 

Ayant remercié Daniel Gazes de cette recension, Henri Pradalier cède la parole à José Barès pour la communication du jour, consacrée à La tour de Castelvieil de 1793 à 1993 :

 

" Cette tour est située à 3,5 km de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne), sur un promontoire (alt. 772 m) en bordure de la route de Superbagnères, surplombant la vallée de la Pique ainsi que la route du Portillon de Burbe sur la rive droite. Il s’agit d’une construction édifiée par les comtes de Comminges ; d’une quinzaine de mètres de hauteur, elle a servi essentiellement de tour à signaux. Il en existe plusieurs autres dans le Larboust, le Luchon et la Layrisse. Cette tour présente la particularité d’avoir été fortifiée à trois reprises à l’époque moderne : sommairement au printemps 1793, après la déclaration de guerre de la Convention à l’Espagne ; difficilement, durant l’été 1813-1814, à l’instigation du maréchal Soult, qui voulait y installer une garnison de cent hommes ; rapidement par les Allemands en mai-juin 1944. Elle a toujours été un but de promenade pour les curistes de Luchon et, plus particulièrement, pour la société qui, à la fin du XIXe siècle, menait la vie " à grandes guides" : du Prince impérial à Bismarck, outre un grand nombre de poètes comme Lamartine et José Maria de Heredia ou d’auteurs tels Flaubert, Maupassant, Rostand et Mauriac. "

 

Henri Pradalier remercie José Barès. Il souligne l’apport de la documentation d’archives, qui permet de retracer l’histoire " administrative " de la tour au temps de la Révolution et de l’Empire, ainsi que l’intérêt de l’analyse des descriptions et gravures de l’époque romantique, qui ont donné une image très " dramatisée " et inexacte de ce monument. II s’enquiert ensuite des origines de la construction. José Barès indique que la tour a été élevée au XIIe siècle par l’un des comtes de Comminges (Bernard Ier, Bernard II ou Dodon, dit Bernard III), pour des raisons à la fois militaires et fiscales. Répondant à une autre question d’Henri Pradalier, il signale que la porte originelle de la tour, de 1,28 m de haut et de 0,90 m de large, se trouvait au niveau du premier étage, à 5,30 m de hauteur. Il précise ensuite les dimensions de l’édifice : longueur sur les faces est et ouest : 5,80 m hors œuvre, 2,80 m dans œuvre ; largeur sur les faces nord et sud : 7,62 m hors œuvre, 4,62 m dans œuvre ; hauteur: 14,68 m ; quatre niveaux d’inégale hauteur (rez-de-chaussée : 4,50 m, avec plafond planchéié sur retraits de maçonnerie; 1er étage : 3,27 m, avec même plafond ; 2e étage: 3 m, avec plafond planchéié sur corbeaux de pierre ; 4e étage : 3,34 m, avec voûte cintrée) ; des échelles de meunier intérieures desservaient jadis les divers niveaux.

Daniel Gazes demandant quels étaient les relais des signaux de la tour de Castelvieil, José Barès indique dans la direction de la vallée de la Garonne le château de Bagnères-de-Luchon, la tour de Moustajon, Marignac, Cierp et Fronsac ; vers la vallée d’Aure le col de Peyresourde et le château d’Albespie.

 

Sont ensuite abordées les questions diverses, dont l’installation de la fondation Bemberg dans l’Hôtel d’Assézat; le déménagement de l’aile gauche de l’hôtel est en effet commencé. Une réunion prévue pour le 3 juin devrait fournir de plus amples informations sur les projets et le déroulement des travaux.

 

 

 


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 235

 

 

Séance du 15 juin 1993

 

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire général, Scellés, Secrétaire- adjoint Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Labrousse, MM. l’abbé Baccrabère, Bernet, Bertrand, Boudartchouk, Boudet, Cabau, Fabre, Gillis, Ginesty, Hermet, Julien, Lapart, Lassure, Manière, Nayrolles, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, l’abbé Rocacher, Roquebert,

Excusés : Mme Rousset, M. Séraphin.

 

Le Président donne la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal du 18 mai 1993, qui est adopté après suppression d’un court paragraphe.

Le Président indique qu’il a pu joindre M. Clottes, qui lui a dit regretter de ne pas pouvoir participer aux travaux de notre Société. Ses nouvelles charges le rendent très peu disponible, mais il accepte volontiers de devenir membre libre de notre Société.

 

À propos du n° 69 rue du Taur, M. Louis Peyrusse lit une note de M. Bruno Tollon, empêché, sur Le portail de l’Esquile.

 

" Les récents travaux effectués au 69 de la rue du Taur pour installer la nouvelle Agence des Bâtiments de France, Service départemental de l’Architecture, attirent l’attention sur le sort réservé aux édifices protégés au titre des Monuments historiques (le portail de l’Esquile est classé depuis le 21 mars 1910) lors de remaniements et de construction, et plus généralement sur la manière de traiter le bâti ancien dans le périmètre du Secteur sauvegardé de Toulouse. Ne subsiste aujourd’hui de façon évidente que la porte d’entrée monumentale du Collège municipal de l’Esquile. Elle s’insérait dans les grands travaux d’aménagement du XVIe siècle.

La réorganisation de l’enseignement des " Arts " préoccupait les Capitouls depuis 1550. En supprimant huit collèges moribonds, ils purent envisager de créer un nouveau collège de " plein exercice " destiné à l’enseignement des sept arts libéraux. Le roi donna l’autorisation par lettres patentes de juillet 1551 et les travaux furent menés à bien entre 1554 et 1566 sur l’emplacement de l’ancien collège de l’Esquile qui longeait la rue du même nom et ouvrait sur la rue des Lois. Les Capitouls y adjoignirent le terrain du collège de Saint-Exupéry qui s’ouvrait sur la rue du Taur. Les dimensions du collège furent augmentées encore par l’achat d’une maison qui appartenait aux héritiers du marchand Pierre de Saint-Étienne.

Les bâtiments neufs, pour lesquels plus de 1420 m de fondation furent creusés et plus de 200 000 briques utilisées, étaient destinés à procurer salles de cours et chambres aux étudiants et enseignants. En 1555, une porte monumentale fut commandée à Nicolas Bachelier. Ouvrant sur la rue du Taur, elle servit jusqu’au XVIIIe siècle d’entrée principale au collège. Entre temps, l’enseignement fut confié aux Doctrinaires (1654) qui menèrent plusieurs campagnes de construction : les bâtiments à portiques (datés de 1678) sont encore visibles dans la cour de la Direction des Services fiscaux (côté rue de l’Esquile). En 1702 eut lieu le déplacement de l’entrée principale, désormais aménagée du côté sud, dans la rue de l’Esquile, face à la rue des Pénitents-Gris. La grande chapelle entre cour et jardin restait accessible par le portail de 1555, rue du Taur.

Magasin à fourrage sous le Révolution, l’ensemble fut racheté par le clergé pour y installer le Petit Séminaire en 1805. En 1905, les locaux changèrent une dernière fois d’affectation. Cette propriété municipale abrite différents services et une salle de spectacle (tour à tour " Ciné Espoir " et " Théâtre du Taur ") dont le vestibule conserve les dimensions de l’ancienne chapelle.

Le portail de 1555 reste un vivant témoignage de l’ensemble construit à la Renaissance.

Le 12 octobre 1555, les Capitouls ont confié l’exécution de l’entrée monumentale à Nicolas Bachelier : les paiements s’échelonnent entre cette date et novembre 1556. Le portail était alors terminé puisque les collégiats décidèrent de fermer l’ancien accès de la rue des Lois, trop proche de la Faculté de Droit. Le règlement définitif intervenu le 11 décembre 1557 porta le coût total à 429 livres. Ce montant peut être comparé à celui du portail demandé cinq ans auparavant à Géraud Mellot pour le Grand Consistoire du Capitole (347 livres).

Le portail de Bachelier s’ouvre sur une longue cour intérieure (plan Jouvin de Rochefort de 1679) et donne accès aux bâtiments du collège, que Joseph-Marie Saget a porté sur son plan de Toulouse, regroupés autour d’une seconde cour. L’entrée principale du collège s’ouvrait donc dans un simple mur de clôture porté à la hauteur des maisons avoisinantes.

Sa composition particulièrement éloquente associe deux conceptions de l’apparat. La porte en plein cintre est percée dans un léger avant-corps traité selon les critères de l’ordre rustique. Le bossage, un sur deux, en très fort relief, montre une texture vermiculée qui varie d’une assise à l’autre pour procurer cette impression de puissance brute. Les trois claveaux principaux, hors d’échelle, mordent sur l’architrave et le filet de la frise qu’ils interrompent de propos délibéré (et non par maladresse comme le croyait Henri Graillot). La clef fait une saillie sur l’intrados comme les deux assises correspondant à l’imposte de l’arc.

La première partie du portail, traitée comme un socle monumental, est surmontée d’un entablement très soigneusement dessiné pour recevoir, sur la frise, les huit blasons des capitouls en exercice. Chacun d’entre eux s’enlève sur un cartouche découpé. La puissante corniche porte une composition qui forme frontispice entre deux vases ornés d’anses à figures. Le premier ressaut de l’attique abrite trois grands cartouches entourés de bordures en cuirs découpés. Celle du centre était destinée aux armes de la Ville, les deux autres à celles du Collège et de la Province, selon Lahondès. Le couronnement en forme d’édicule à fronton comporte des pilastres cannelés d’ordre dorique et trois croissants sur des socles pour servir d’emblème à Henri II, dont la protection est attestée par la présence des armoiries fleurdelisées (le tout a été bûché), associées à la couronne royale et au grand collier de l’Ordre de Saint-Michel. Le ressaut du mur de clôture dépasse ce décor et se termine par une corniche de pierre. Un corps de moulure identique se prolonge de part et d’autre de la travée de portail et marque le couronnement du mur-écran. Ces deux éléments ont été surélevés lors des travaux récents qui ont vu l’installation du Service départemental de l’Architecture (le mur de brique a reçu un badigeon qui a coloré aussi d’ocre rouge les joints de mortier et détache le portail de pierre, nettoyé, sur un fond rouge brunâtre).

L’intérêt de ce portail est double. Contemporain des travaux de l’hôtel d’Assézat, il conserve le témoignage d’une entreprise municipale voulue sur un grand pied pour abriter un collège d’enseignement. À l’origine du projet, on retrouve une figure de l’humanisme toulousain, Jacques du Faur, vicaire général du cardinal de Châtillon, président à la Chambre des enquêtes au Parlement de Paris. Il est lié, à plusieurs

 

 


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Le COLLÈGE DE L’ESQUILE SUR LE PLAN DE TOULOUSE DIT " JOUVIN DE ROCHEFORT ", 1679. Sur ce détail du quartier Saint-Sernin figure la parcelle du collège de l’Esquile avec ses deux cours (ou jardins).

 

 


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LE COLLÈGE DE L’ESQUILE SUR LE PLAN DE J.-M. SAGET, 1750. La parcelle du collège s’est agrandie. Y figurent la nouvelle entrée, au Sud, et la chapelle entre cour et jardin.

 

reprises, à la carrière de Nicolas Bachelier. Ce dernier a exécuté pour le prélat et son frère Michel du Faur les travaux du château de Saint-Jory où, pour la première fois, était utilisé à Toulouse 1’" ordre rustique " (1545). Le portail à bossage de Saint-Jory montrait une familiarité avec l’art de Serlio : les livres IV et III de l’Architecture de Sebastiano Serlio, parus à Venise en 1537 et 1540, abondaient en exemples de ce type. Si le portail de Saint-Jory évoque l’art de Jules Romain et des disciples de Raphaël, celui de l’Esquile invite plutôt à des rapprochements avec un autre ouvrage de Serlio dont la parution à Lyon était toute récente. La publication d’un Livre extraordinaire de l’architecture de Sebastiano Serlio auquel sont démontrées trente Portes Rustiques meslées de divers ordres. Et vingt autres d’œuvre délicate en diverses espèces (1551), a connu un véritable succès dans toute l’Europe. Cette série thématique lui avait été inspirée par une réalisation qu’il venait d’achever en 1546, pour l’hôtel du cardinal de Ferrare à Fontainebleau, et dont le portail rustique, immédiatement admiré, avait provoqué chez lui une sorte de " fureur architectique " dont les cinquante modèles à l’eau-forte gravés chez Jean de Tournes en 1551 sont – nous dit-il – le résultat. Ce recueil, indépendant des six volumes de son traité, profitait aussi du succès du bossage inspiré par Bramante et Raphaël, et dont le pavillon du roi au Louvre ou le château de Valléry-en-Brie offrent les plus éclatants exemples. Vers 1550, Philandrier avait aussi dessiné un portail rustique pour le château des Bourines, grand domaine agricole du cardinal d’Armagnac au nord de Rodez. Les livres du savant auteur du Vitruve de 1544, qui était avec Serlio à Venise (entre 1537 et 1539) puis à Rome dans le cercle des Sangallo, suffisent à expliquer les caractères de ce portail.

 

 

 

LE PORTAIL DU COLLÈGE DE L’ESQUILE avant les modifications de 1992. Cliché Bruno Tollon.

 

La création toulousaine s’inscrit donc dans une série, mais le modèle retenu par Bachelier montre une parenté étroite avec la gravure n° XVI du Livre extraordinaire de Serlio : même recours aux bossages en assises un sur deux, même opposition entre le socle rustique et le couronnement délicatement traité. Bachelier introduit des subtilités : par exemple, les assises séparant les pierres en bossages montrent une texture repiquée à la gradine pour les premières, puis progressivement lisses au fur et à mesure que l’on approche de l’entablement. Quant à l’attique, il reprend les croissants visibles sur le modèle de Serlio, mais le sculpteur a ajouté un décor de vases, de cartouches savamment

 

 

 

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LE PORTAIL DU COLLÈGE DE L’ESQUILE après les travaux de 1992 : vue de la construction nouvelle qui englobe l’ancienne clôture servant de parapet à une terrasse et à la surélévation ornée de verre fumé et montants métalliques. Les fenêtres en thermales du bâtiment en fond de cour correspondent à l’ancienne chapelle du Petit Séminaire (circa 1840). Cliché Bruno Tollon.

 

LE PORTAIL DU COLLÈGE DE L’ESQUILE après les travaux de 1992. Cliché Bruno Tollon.

 

découpés, et deux figures de profil qu’il convient de rapprocher de celles que l’on trouve – à une autre échelle, certes – sur les façades de l’hôtel du Vieux-Raisin. Et tout particulièrement des termes de profil qui encadrent la baie géminée qui s’ouvre sur la rue du Languedoc à droite du portail et qui fait partie de la campagne commandée par le greffier du Parlement Jean Burnet.

Le décor confirme donc ce que nous indiquent les archives : le portail rapidement exécuté entre octobre 1555 et novembre 1556 sert d’entrée unique à partir du 20 novembre de cette année et son décor, diversement apprécié au début de notre siècle, répond bien à un programme voulu dès le départ et conduit à son terme. La génération de 1550 appartient à ce courant stylistique, désormais bien exploré, du " maniérisme ", courant international auquel un certain nombre de créations toulousaines peuvent être rattachées. Le portail du Collège de l’Esquile illustre cette esthétique qui se plaît aux effets de contraste entre le rude et le délicat, le puissant et le raffiné. Tout est fait pour en imposer au visiteur comme à l’étudiant qui en franchissent les portes. On pourrait même voir dans le passage entre la pierre rendue à l’état brut et l’expression aboutie des ordres d’architecture, la volonté d’exprimer une dialectique, celle de la formation accomplie dans l’établissement, fait pour conduire de l’ignorance au savoir, de l’état de nature à l’état policé, le tout sous le regard vigilant de l’État royal. L’architecture propose donc à sa manière un véritable discours, tout à fait adapté à la culture humaniste et à un collège consacré à l’apprentissage des " Arts libéraux ". Les plus subtils pouvaient y voir en

 

PORTAIL DU COLLÈGE DE L’ESQUILE : détail de l’entablement montrant le passage des claveaux sur les moulures de l’architrave. Cliché Bruno Tollon.

 

 


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PORTAIL DU COLLÈGE DE L’ESQUILE : détail de la frise avec l’alternance des masques qui crachent des rubans et des cartouches portant les armes des Capitouls. Cliché Bruno Tollon.

 

outre des véritables citations de monuments célèbres comme le Colisée romain pour les bossages, le palais du Té à Mantoue pour les clefs " descendues ", et les couronnements triomphaux dressés lors des entrées royales.

Jusqu’à ces temps derniers, le portail intact ornait l’entrée de la cour selon une disposition déjà rencontrée à l’hôtel d’Ulmo (1535) : percée dans une clôture, elle annonce un édifice qui se trouve au-delà du parcours de la cour. Le modèle sera repris par les Jésuites pour le grand portail de leur collège, percé en 1603 dans leur enclos, du côté des Jacobins, et au milieu du XVIIe siècle pour le couvent des Carmélites, rue de Périgord.

On s’explique donc la surprise d’avoir vu appuyer un bâtiment là où seuls deux appentis de conciergerie étaient venus encombrer la cour de l’ancien collège. Cet exemple montre que la protection assurée par l’inscription au titre des Monuments historiques peut se révéler insuffisante si ne sont pas précisés les caractères qui font la valeur du monument – ici la succession rue, portail percé dans le mur de clôture, cour d’accès aux bâtiments d’enseignement et à la chapelle –, ni la nécessité qu’il y a à prendre en compte dans la protection le sol archéologique de la parcelle. Le débat mérite d’autant plus d’être ouvert qu’il concerne ici les locaux destinés à un Service dont l’une des responsabilités consiste justement à faire respecter la législation des Monuments historiques. Il ne s’agit pas d’un plaidoyer pour un pseudo statu-quo, mais on sait par ailleurs qu’une des préoccupations des responsables de Secteurs sauvegardés consiste à tenir compte des problèmes posés par une densification des quartiers historiques. Le tissu ancien de la ville avec la trame imposée par le parcellaire, la succession du bâti et des espaces libres – rues, places, cours intérieures – expriment des modes d’occupation de la ville. À ce titre, ils méritent une réflexion d’ensemble pour que ne soient ni " gommés " (comme le nettoyage des pierres ou de la brique le suggère dans le langage des intervenants), ni même réduits à l’état d’objets, ces témoignages du passé que seule une prise en compte globale peut nous permettre de comprendre et de respecter. "

 

La discussion s’engage alors sur le rôle de l’architecte des Bâtiments de France. On fait remarquer qu’il s’agit d’une situation aujourd’hui aberrante, provoquée par la dérive du rôle de ce fonctionnaire dont le pouvoir discrétionnaire, en principe fondé sur une compétence, confine à l’arbitraire. Il faut distinguer son intervention sur les Constructions anciennes et sur les travaux neufs. Sauf exception individuelle, l’architecte des Bâtiments de France, ni d’ailleurs l’architecte en chef des Monuments historiques, ne peut prétendre au minimum de compétence que l’on est aujourd’hui en droit d’exiger pour l’étude d’un édifice ancien. Il serait temps que l’on en prenne conscience et que l’on confie ces études à des archéologues et historiens de l’Art, l’architecte intervenant dans sa spécialité, qui est celle de la technique architecturale au service de la conservation et de la restauration des édifices ; cela suppose une déontologie qui est sans doute à redéfinir puisque la charte de Venise paraît bien oubliée. Quant aux travaux neufs, on ne voit pas à quel titre l’architecte des Bâtiments de France a compétence pour définir mieux que d’autres l’esthétique d’aujourd’hui. Sa décision repose sur sa seule subjectivité, éminemment variable, et n’est susceptible d’aucun appel. En outre, il est juge et partie puisqu’il peut réaliser lui-même des travaux neufs dans le département sur lequel il exerce son contrôle : ainsi dans le cas du n° 69 rue du Taur, l’architecte des Bâtiments de France perçoit des honoraires sur les travaux réalisés pour le compte de l’État, dans le secteur qu’il a en charge. Pour être légale, cette situation n’en est pas moins anormale et lourde d’ambiguïtés.

 

Le Président conclut la discussion en proposant d’envoyer au Directeur régional des Affaires culturelles, au Préfet, au Conservateur régional des Monuments historiques, à l’Architecte des Bâtiments de France et à La Dépêche du Midi les copies du texte de Bruno Tollon et de la note sur le rôle de l’Architecte des Bâtiments de France, de l’article de La Dépêche et des courriers.

Il informe ensuite la Société de la réponse qui lui a été donnée par le Maire de Toulouse à propos de notre demande de la réalisation dans le nouveau pavement de la place du Capitole d’un tracé évoquant la Porterie romaine détruite en 1971. On nous renvoie à l’Architecte des Bâtiments de France et à M. Voinchet qui sont chargés de cet aménagement et à qui il faut donc faire cette proposition. Copies des courriers leur seront envoyées.

 

 


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Le Président donne ensuite la parole à Maurice Scellès pour la communication du jour, consacrée à L’ancienne église Notre-Dame la Daurade, publiée dans ce volume des Mémoires.

 

Le Président remercie Maurice Scellès de sa communication, et rappelle que M. Gratien Leblanc avait trouvé deux tesselles de mosaïque à fond d’or lors de travaux pratiqués près de la Daurade.

Quitterie Cazes se demande si l’église ne pouvait être un édifice à un chevet à cinq pans plutôt qu’un décagone de plan centré. Maurice Scellès répond que l’hypothèse d’un décagone primitif n’est en effet pas absolument démontrée ; les arguments en sa faveur sont la rupture entre le chœur et la nef, qui a toujours été observée par les auteurs anciens, et, si l’on retient l’analyse iconographique d’Helen Woodruf, le fait que le programme de mosaïque que l’on connaît serait incomplet. Mais l’analyse à laquelle s’est livrée Ana Maria Jiménez Garnica impose de la réexaminer. Henri Pradalier fait remarquer les retours des murs bien visibles sur le plan de Dom Martin ; ceci est confirmé par le plan, plus fiable, des Archives nationales. Daniel Cazes rappelle cependant que le plan donné par Dom Martin doit être replacé dans le contexte de l’ouvrage, qui établit des comparaisons avec d’autres édifices à plan centré, et celui des recherches du XVIIIe siècle sur les temples réputés " gaulois ". Claude Péaud-Lenoël évoquant les cryptes semi-enterrées, Maurice Scellès indique qu’il s’agit d’un aspect très incertain de l’architecture de la Daurade : rien ne permet en tout cas de dire qu’elles appartenaient à l’édifice primitif, et on ne peut en faire un véritable étage, comme on l’a fait parfois ; leur aménagement peut être bien postérieur à la construction antique. À une question d’Henri Pradalier sur la structure double des murs, Maurice Scellès répond en soulignant que ce point, comme d’autres, pourrait peut-être être éclairé par une reprise de l’ensemble de la documentation des XVIIe et XVIIIe siècles. Il ajoute que le témoignage de Malliot doit également être reconsidéré, et Pascal Julien indique que ses propres recherches lui ont permis de vérifier bien souvent la véracité des assertions de cet auteur.

Henri Pradalier et Jean Rocacher soulignent la place occupée par la Vierge dans le programme iconographique des mosaïques. Pour Maurice Scellès, le principal intérêt de l’étude d’Ana Maria Jiménez Gamica est d’en proposer une lecture " arienne ", ce qui nous impose, que nous soyons convaincus ou non par sa démonstration, de ne plus considérer comme un fait acquis l’hypothèse d’un programme marial.

Pascal Julien s’interroge sur la datation des colonnes torses et à pampres. Pour Daniel Cazes, elles sont bien contemporaines et relèvent d’une mode architecturale que l’on retrouve sur la décoration des sarcophages de la seconde moitié du IVe siècle. Henri Pradalier rappelle que les mosaïques du mausolée de Centcelles, près de Tarragone, montrent des colonnes torses.

Jean Rocacher demande quels ont été les résultats des fouilles de 1962. Daniel Cazes rappelle la découverte d’une brique estampillée. Mais rien de significatif n’a été retrouvé, et Maurice Scellès rappelle que le sondage a été maintenu visible sous forme de " crypte archéologique ".

Jacques Lapart signale qu’un fragment de chapiteau provenant peut-être de la Daurade a été retrouvé – Maurice Scellès indique que les chapiteaux de la Daurade peuvent parfois être identifiés grâce à des traces de peintures verte et blanche – et que des colonnes et chapiteaux remployés dans l’église de Monflanquin sont tout à fait semblables.

 

 

Notes sur quelques chapiteaux de marbre aquitains très proches de la série de la Daurade à Toulouse, par Jacques Lapart.

 

" Les chapiteaux de marbre de l’Antiquité tardive et/ou du haut Moyen Âge du sud-ouest de la Gaule ont donné matière à de nombreux inventaires qui ont révélé la richesse de cette région : au moins quatre-vingts chapiteaux connus dans le département du Gers (1), une quarantaine dans celui de la Haute-Garonne (2), autant dans les Landes (3), une soixantaine dans les départements de Lot-et-Garonne et de Tarn-et-Garonne (4), une trentaine dans les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques (5) et il faudrait encore comptabiliser les nombreux exemplaires du Bordelais (6), de Poitiers (7), de Nantes (8), du centre de la France (9) et de la région parisienne (10), etc. Au total plus de deux cent cinquante chapiteaux ont été décrits et attribués aux carrières pyrénéennes ; cependant il conviendrait de faire des analyses pétrographiques pour essayer de déterminer de façon précise l’origine des marbres.

Il faut souligner que l’étude et la publication de ces très nombreux chapiteaux ont permis de tenter des classifications typologiques en retenant la forme de l’épannelage, en examinant le traitement de l’acanthe, la disposition des feuilles, etc. En dehors des exemplaires sans doute les plus anciens, qui sont proches du corinthien malgré une dissolution de la syntaxe canonique et que l’on retrouve surtout dans l’ouest de l’Aquitaine (12), on constate ailleurs, comme l’avait déjà souligné très justement Denise Fossard (13), une très grande diversité qui fait qu’il est presque toujours impossible de trouver plusieurs œuvres absolument identiques (14). On doit donc insister sur les chapiteaux composites de la Daurade à Toulouse, qui constituent une série bien particulière dont on connaît au moins vingt-et-un exemplaires (15). Il nous paraît donc utile de signaler ici l’existence, en Aquitaine, de nouvelles sculptures qui semblent, tant par le style que par les dimensions, se rapprocher très nettement de la série de la Daurade.

A. Chapiteau conservé (avec deux autres chapiteaux de marbre de types différents) au château de Lau dans la commune de Duhort-Bachen (département des Landes). On ignore le lieu de découverte et une tradition de la famille du propriétaire rapporte que ce chapiteau récupéré par l’érudit M. de Cardailhac à la fin du XIXe siècle viendrait de Bigorre.

Il a été publié récemment par Mme Okaïs, qui conclut que les " dimensions, le matériau et l’exécution de ce chapiteau sont identiques aux caractéristiques des

 

CHÂTEAU DE LAU, DUHORT-BACHEN (Landes). Chapiteau composite en marbre qui pourrait provenir de l’ancienne église de la Daurade à Toulouse. Cliché J. Lapart.

 

 


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chapiteaux composites de la Daurade à Toulouse et l’on peut supposer qu’un même atelier a dû exécuter ces œuvres " (16). Nous pensons que cet exemplaire doit provenir effectivement de la Daurade : M. de Cardailhac aurait pu l’obtenir par achat chez des antiquaires lors des dispersions du XIXe siècle ou du début du XXe siècle (17) ou en entrant en contact avec des familles de la bonne société régionale, descendants de J.-F. de Montégut, Barrau de Lorde, propriétaires des vestiges encore conservés de l’édifice toulousain.

B. Ensemble de deux chapiteaux, deux colonnes à cannelures torses et deux bases remployées dans la façade de la petite église de Calviac à Monflanquin (Lot-et-Garonne). On ignore le lieu exact de découverte et les circonstances de remploi (18).

Chapiteaux, colonnes et bases sont inclus dans le mur de façade, de part et d’autre du portail ; ils ne supportent aucune structure et sont simplement remployés dans un but décoratif. Profondément intégré dans le mur, l’ensemble est en partie masqué par le crépi. Hauteurs des différents éléments : côté gauche du portail : chapiteau 0,28 m ; colonne 1,51 m ; base 0,20 m ; côté droit du portail : chapiteau 0,27 m ; colonne 1,62 m ; base 0,22 m.

La colonne de gauche est actuellement un montage constitué de trois fragments dont on distingue les limites. La colonne de droite semble entière et paraît légèrement plus haute que les exemplaires conservés à Toulouse (19).

Dans ce deuxième cas, malgré le remploi qui empêche d’examiner parfaitement toutes les faces, on ne peut que souligner aussi la très forte ressemblance avec les éléments de la Daurade. Il faut cependant remarquer que le collier d’échine diffère de celui des chapiteaux toulousains, dont la tresse à deux brins, sous le rang d’oves et de fers de lance, est ici remplacée par ce qui semble être un rang de perles. Ce détail suffit peut- être pour penser que les deux supports de Monflanquin ne proviennent pas de l’ancienne église Notre-Dame la Daurade. "

 

Puis le Président donne les dernières informations concernant les travaux de l’Hôtel d’Assézat. Il résulte des réunions les plus récentes qu’il sera impossible d’éviter le déménagement de notre Société, et ce en dépit des engagements oraux pris par les représentants de la Ville. Nous n’avons pas pour l’instant de solution satisfaisante pour remplacer notre salle des séances et poursuivre notre travail. Certains membres pensent qu’il ne faut pas abandonner totalement l’Hôtel d’Assézat pendant les travaux et qu’il faut donc que nos séances y soient maintenues.

 

 

1. Mary LARRIEU, Chapiteaux en marbre antérieurs à l’époque romane dans le Gers, dans Cahiers archéologiques, XIV, 1964, p. 109-t 57 ; Mary LARRIEU-DULER, Nouvelles découvertes de chapiteaux en marbre antérieurs à l’époque romane dans le département du Gers, dans Monuments et Mémoires Piot, LVIII, 1973, p. 75-90 ; J. LAPART, Chapiteaux de marbre antérieurs à l’époque romane dans le Gers, nouvelles découvertes, dans Archéologie du Midi médiéval, 3, 1985, p. 3-12.

2. J. BOUBE, Chapiteaux de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge dans le Comminges et le Toulousain, dans Pallas, Revue d’Etudes antiques, hors série 1986, Mélanges offerts à M. Labrousse, Toulouse, 1986, p. 457-482 ; M. DURLIAT, C. DEROO, M. SCELLES, Recueil général des monuments sculptés en France pendant le haut Moyen Âge (IVe-Xe siècles), IV - Haute-Garonne, Paris, CTHS, 1987.

3. J. CABANOT, Chapiteaux de marbre antérieurs à l’époque romane dans le département des Landes, dans Cahiers archéologiques, XXII, 1972, p. 1-18 ; J. CABANOT, Chapiteaux de marbre inédits à Aire-sur-l’Adour, dans Bulletin monumental, 147-3, 1989, p. 239-243.

4. J. L.APART, Chapiteaux en marbre de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge dans la moyenne vallée de la Garonne (départements du Lot-et-Garonne et du Tarn-et-Garonne), dans Bulletin archéologique du CTHS, nouv. sér., Antiquités nationales, fasc. 23-24, Paris, p. 85-136.

5. E. OKAÏS, Chapiteaux de marbre des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées antérieurs à l’époque romane, dans Aquitania, VIII, 1990, p. 135-160 ; E. OKAÏS, Trois chapiteaux de marbre antérieurs à l’époque romane, dans Bulletin de la Société de Borda, 116, 1991, p. 343-354.

6. En l’absence d’inventaire, voir les nombreux exemplaires mentionnés dans L. VALENSI, Sculpture médiévale de Bordeaux et du Bordelais, Bordeaux, Musée d’Aquitaine, 1976.

7. F. EYGUN, Le baptistère Saint-Jean de Poitiers, dans Gallia, XXI, 1964, p. 137-167.

8. D. COSTA, Nantes, musée Th.-Dobrée, Art mérovingien, Paris, éd. des Musées nationaux, 1964.

9. May VIEILLARD-TROIEKOUROFE, Les monuments sculptés de l’époque mérovingienne en Auvergne, dans Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, 1980-l981, p. 221-231 et cf. p. 231 : lors de la discussion, M. Jean Hubert notait le nombre élevé de chapiteaux d’Aquitaine en Auvergne.

10. Nombreux chapiteaux considérés comme provenant d’Aquitaine mentionnés dans diverses publications récentes : D. FOSSARD, M. VIEILLARD TROIEKOUROFF, E. CHATEL, Recueil général des monuments sculptés en France pendant le haut Moyen Âge (IVe-Xe siècles), I - Paris et son département, Paris, 1978 ; P. PÉRIN et coll., Collections mérovingiennes du musée Carnavalet, catalogue d’art et d’histoire, n° 2, Paris, 1985 ; J.-P. CAILLET, L’Antiquité classique, le haut Moyen Âge et Byzance au musée de Cluny, catalogue, éd. des Musées nationaux, Paris, 1985, p. 64-75 ; la sculpture dans La Neustrie, les pays au nord de la Loire de Dagobert à Charles le Chauve (VIIe-IXe s.), édité par P. PÉRIN et L.-C. FEFFER, Créteil, 1985, p. 191-197.

11. J. CABANOT, Chapiteaux de marbre..., dans Bulletin monumental, 1989, p. 243. On attend impatiemment les résultats des enquêtes en cours ; pour l’instant cf. C. COSTEDOAT, Les marbres pyrénéens de l’Antiquité, éléments d’enquête pour de nouvelles recherches, dans Aquitania, 6, 1988, p. 197-204.

12. Chapiteaux corinthiens, premier et deuxième types, cf. J. CABANOT, Chapiteaux de marbre..., dans Cahiers archéologiques, XXII, 1972, p. 5 et suiv. ; E. OKAÏS, Chapiteaux de marbre..., dans Aquitania, VIII, 1990, p. 154 et suiv. Sur l’évolution du traitement du type corinthien, voir aussi J. CABANOT, Les débuts de la sculpture romane dans le Sud-Ouest de la France, Paris, Picard, 1987, p. 40-41.

13. D. FOSSARD, Les chapiteaux de marbre du VIIe siècle en Gaule, style et évolution, dans Cahiers archéologiques, 2, 1947, p. 69-85 ; voir p. 84.

14. Cette diversité des chapiteaux dans les édifices plus tardifs de l’époque mérovingienne est moins surprenante et correspond, comme l’a bien fait remarquer Jean Boube, " à la diversité d’origine des chapiteaux en remploi que les évêques et maîtres d’œuvre faisaient venir de chantiers en démolition de monuments antiques " (Chapiteaux de l’Antiquité tardive..., dans Pallas, hors série 1986, p. 414) ; voir aussi les pages fondamentales sur cette question de E. JAMES, The Merovingian Archaeology of South-West Gaul, BAR Supplementary series 25 (1), Oxford, 1977, p. 237-238.

15. M. DURLIAT, C. DEROO, M. SCELLES, Recueil des monuments sculptés..., IV- Haute-Garonne, p. 93, n° 118 et suiv. ; homogénéité des chapiteaux soulignée par E. JAMES, dans The Merovingian Archaeology of South-West Gaul..., p. 273.

16. E. OKAÏS, Trois chapiteaux de marbre antérieurs à l’époque romane, dans Bulletin de la Société de Borda, 116-III, 1991, p. 344.

17. D. FOSSARD, M. VIEILLARD-TROIEKOUROFF, E. CHATEL, Recueil des monuments sculptés..., I- Paris..., p. 179-180.

18. J. LAPART, Chapiteaux de marbre..., dans Bulletin archéologique du CTHS, nouv. série, Antiquités nationales, fasc. 23-24, Paris, 1991, p. 108-109.

19. M. DURLIAT, C. DEROO, M. SCELLES, Recueil des monuments sculptés..., IV- Haute-Garonne, p. 95-98 et p. 140-141.

 

 


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ÉGLISE DE CALVIAC À MONTFLANQUIN (Lot-et-Garonne). Portail encadré de deux colonnes torses remployées. Cliché J. Lapart.

 

ÉGLISE DE CALVIAC À MONTFLANQUIN (Lot-et-Garonne). Porche, détail du chapiteau composite de droite. Cliché J. Lapart.

 

ÉGLISE DE CALVIAC À MONTFLANQUIN (Lot-et-Garonne). Porche, détail du chapiteau composite de gauche. Cliché J. Lapart.

 

 


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 243

 

À propos des travaux en cours, on rappelle que certains membres ont commencé à récupérer des pierres sculptées déposées, en particulier des têtes de lion de la corniche, afin de les mettre à l’abri ; voyant cela, les ouvriers en ont apporté d’autres, et un trumeau est venu s’y ajouter tout récemment.

Mais l’aménagement des futurs locaux nous donne d’autres sujets d’inquiétude. Nous n’avons toujours pas de certitude quant à la porte qui devait être percée entre la nouvelle salle des séances et le grand escalier. En outre, les Services de la Mairie ne prévoyaient ces derniers temps qu’un simple " toilettage " pour cette salle, alors qu’elle n’existe pas et qu’il était convenu qu’elle serait réalisée dans le même style que le reste de l’Hôtel, avec plafond à la française, parquet, etc., et possibilité de remontage de notre cheminée actuelle.

 

Le Président annonce qu’il a reçu un courrier de Mme Pousthomis demandant son admission au titre de membre correspondant de notre Société. Cette candidature sera examinée par le Bureau.

Puis il rend compte de sa visite à la Société Prisme, où il s’est rendu avec Richard Boudet, pour une présentation d’un système de consultation sur ordinateur d’une banque d’images, qui est actuellement mis en place à Rodez en liaison avec le Centre d’art roman de Conques.

 

Jacques Lapart informe la Société de la redécouverte récente, à Auch, d’une collection d’antiques résultant des fouilles effectuées entre 1880 et 1895 par un propriétaire auscitain.

Guy Ahlsell de Toulza rappelle qu’il avait signalé des projets d’aménagement à l’École des Beaux-Arts. Les travaux, qui vont commencer le mois prochain, concernent la tour des latrines de l’ancien monastère de la Daurade. Il s’agit d’une haute tour de 5 m sur 7 m environ de côté, percée de fenêtres hautes en plein cintre, où l’on aperçoit des conduits en terre cuite vernissée. Toute la tour va être transformée pour y aménager des salles de cours, nécessitant d’établir des sols de béton et d’ouvrir des portes. Mme Grubert a envoyé une lettre au Service de l’Architecture de la Ville, qui est restée sans réponse. Rien non plus de la part des Services archéologiques. Il faut absolument intervenir si l’on ne veut pas que cette structure rare disparaisse complètement sans la moindre étude.

 

Le Président prononce la clôture de l’année académique.

 

 


M.S.A.M.F. t. LIII, p. 244

 

 

LA " VIS DES ARCHIVES " DE TOULOUSE VERS 1872. Vue d’ensemble depuis l’Est. Cliché des Archives des Monuments historiques, reproduction de 1955.

 

LA " VIS DES ARCHIVES " DE TOULOUSE VERS 1872. Vue intérieure.

 

Cliché des Archives des Monuments historiques, reproduction de 1955.

 

En marge des procès-verbaux des séances de la Société, nous donnons une note de Bruno Tollon à propos de la " Vis des Archives " de Toulouse :

 

" Monsieur Pierre Monjoin, auteur d’une étude qui a fait date : L’oeuvre toulousaine de Viollet-le-Duc (Étude historique et critique), publiée dans les Mémoires de notre Société en 1957 (t. XXV, p. 1-178, XII p1.), a bien voulu nous faire part de ses remarques à propos de l’article consacré à L’escallier de Toulouze ou la vis des Archives revisitée, paru dans le dernier volume de nos Mémoires (t. LII, 1992, p. 97-106).

Il insiste sur le fait que l’intérêt de la vis n’avait pas échappé au restaurateur de Saint-Sernin au moment où il était chargé de restaurer le " donjon " du Capitole. Il avait fait établir ces relevés que nous connaissons par son collaborateur Anatole de Baudot (dessins datés du 1er juillet 1872) et avait lui-même proposé une restauration de l’escalier. Le projet, conservé aux Archives municipales de Toulouse, montre une coupe de l’escalier, muni d’une balustrade et coiffé d’une voûte en étoile sous la haute charpente de la toiture en pavillon. Cette couverture imposante trouvait sa justification dans celle que l’architecte prévoyait pour le donjon lui-même. M. Monjoin pense que Viollet-le-Duc " n’avait accepté de restaurer le donjon qu’en raison de l’intérêt de la vis dont il était en somme la justification ". Pour notre correspondant, c’est la mort de Viollet-le-Duc qui a signé l’arrêt de mort de la vis, " sinon il aurait eu suffisamment d’autorité pour sa conservation et il se serait battu sans nul doute comme pour d’autres éléments de l’ancien Capitole d’ailleurs ".

M. Monjoin nous a communiqué une série de clichés qu’il avait fait réaliser pour son étude. Les originaux avaient été pris à la demande d’Anatole de Baudot comme instruments de travail. L’un d’eux montre l’intérieur de l’escalier : l’original de cette photographie (Archives des Monuments historiques) ayant disparu, nous publions ici ce tirage de 1955 pour le verser au dossier de ce monument détruit (en y ajoutant la façade postérieure de la tour de la vis). La vue a sans doute été prise depuis le premier repos de l’escalier et montre l’angle nord-ouest de la tour. La qualité du cliché suggère des observations qui complètent celles que permettaient les dessins d’Anatole de Baudot. On y voit trois des volées de la première révolution et les voûtes de la seconde volée avec leur plan d’appareillage, et en particulier le traitement du retour d’angle. La mouluration soignée qui borde le jour central est encore intacte et l’absence de garde-corps accentue l’effet de progression continue. Cette vue permet aussi de préciser la nature du revêtement des marches. On devine que celles-ci ont un nez en bois et sont faites d’un carrelage sur remplissage – disposition assez banale aux XVIIIe et XIXe siècles. En revanche, les repos sont pavés de petits galets caractéristiques des corridors et des cours de Toulouse. Cette disposition avait frappé Anatole de Baudot et il l’a étendue sur ses dessins à l’ensemble du revêtement de l’escalier. La comparaison du document photographique et du dessin d’Anatole de Baudot, pour établir la coupe est-ouest et pour les deux vues intérieures, montre les petites infidélités du rigoureux architecte. "

 


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