Société Archéologique  du Midi de la France
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Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LVII (1997)



BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE

1996-1997

établi par Maurice SCELLÈS

 

Cette édition électronique respecte la mise en page de l'édition imprimée (Bulletin de l'année académique 1996-1997, dans Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, t. LVII, 1997) dont nous indiquons la pagination. Certaines illustrations en noir et blanc ont cependant été remplacées par des illustrations en couleur.

1ère partie
Séances du 5 novembre 1996 au 11 mars 1997
2e partie
Séances du 18 mars 1997 au 16 juin 1997

M.S.A.M.F., T. LVII, page 214

 

SÉANCE DU 18 MARS 1997

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général ; Mmes Merlet-Bagnéris, Pradalier-Schlumberger, MM. Blaquière, Cabau, Hermet, Nayrolles, Peyrusse, Prin, Roquebert, Tollon, membres titulaires ; Mmes Pousthomis-Dalle, Pujalte, MM. Bertrand, Burroni, Cranga, Ginesty, Manuel, membres correspondants.
Excusés : M. Scellès, Secrétaire-adjoint, Mme Aribaud, M. Gérard.
Invitée : Mme Ginesty.

 

    Le Président ouvre la séance en donnant la parole à M. Coppolani qui présente les différentes correspondances imprimées reçues par la Société.
    Viennent ensuite les rapports sur les concours en vue de la remise du prix Ourgaud, qui sera attribué cette année lors de la séance publique.

 

    Mme Pousthomis lit un rapport sur le mémoire de maîtrise de Cécile Gloriès, Un exemple d’analyse de parcellaire urbain : l’îlot de l’ancien hôtel de ville de Saint-Antonin-Noble-Val au Moyen Âge et à l’époque moderne, soutenu en juin 1996 à l’Université de Toulouse-Le Mirail, sous la direction de Mme Sylvie Faravel :

    « Le mémoire comprend deux volumes : un volume de texte de 131 pages et un volume d’annexes comprenant la documentation graphique, les tableaux, les fiches informatiques et la bibliographie. L’ensemble est bien présenté et de consultation aisée. Le style est simple, correct et agréable à lire.

    Le volume de texte est structuré en trois parties : une présentation des lieux et de la question (présentation à la fois de la ville et de l’îlot dans la ville, sous l’angle topographique et historique, assortie d’une historiographie de la question ; un exposé de la problématique et une présentation raisonnée des sources et des méthodes) ; la deuxième partie est un recueil de cinq monographies correspondant à chacun des lots individualisés ; enfin une synthèse sur le parcellaire, ses limites et sa structuration, le fief urbain (seigneuries, assise foncière, redevances, franc alleu), les propriétaires (nombre et qualité, mutations) et les biens (natures et fonctions). Le volume s’achève par une conclusion, suivie d’un lexique de quelques termes techniques ou juridiques.

    L’îlot de l’Ancien Hôtel de ville de Saint-Antonin est certainement le plus connu, ne serait-ce que par le monument roman qui en occupe une partie. La ville, la « maison romane », la « maison Muratet » et la « Caserne des Anglais » ont fait l’objet de nombreuses publications, anciennes ou plus récentes et de travaux universitaires. Les publications les plus récentes émanent notamment du Service Régional de l’inventaire, s’inscrivant dans le cadre de l’inventaire des cantons de Caylus et de Saint-Antonin. Il pouvait donc paraître quelque peu téméraire de choisir comme objet de recherche une ville et plus particulièrement un îlot déjà très étudiés. De plus, la problématique n’est pas neuve, encore qu’elle aborde ici toutes les facettes d’une étude urbaine : origine et développement du tissu urbain, répartition et évolution des espaces bâtis et non bâtis, des espaces publics et privés, structuration et évolution du parcellaire, propriété foncière, nature et fonctions du bâti, organisation intérieure des bâtiments, accès et communications, traitement des façades.

    Le résultat est remarquable et même exemplaire. Loin de se contenter d’une compilation dressant un état de la question, l’auteur renouvelle l’approche et la connaissance de ce morceau de tissu urbain. En effet, la recherche ne concerne qu’une vingtaine de maisons, douze parcelles actuelles, soit moins de l500 m2 représentant 2 % de la superficie de la ville. Elle en a entrepris l’analyse minutieuse, s’efforçant de croiser toutes les données, textuelles, iconographiques, monumentales, archéologiques y compris la dendrochronologie. Pour une bonne part, ces données sont inédites puisque Cécile Gloriès a dépouillé les compoix, livres de reconnaissances, livres de mutations, registres notariés. Les informations recueillies sur l’îlot ont été saisies sur base de données, permettant le tri d’une centaine de fiches, des recoupements et l’élaboration de tableaux synthétiques. Les actes juridiques et administratifs (coutume, acte de partage de la vicomté, recensement des biens de la communauté) ont également été exploités. Les plans cadastraux (notamment celui de 1782) ont servi de base à une reconstitution du parcellaire et à son évolution, complétés par des relevés au sol dont certains sont de l’auteur. Elle a également réalisé elle-même, à partir des diverses informations recueillies, une cartographie informatisée qui comprend des plans évolutifs par lots ou portions de lots pour aboutir à celui de l’îlot dans son ensemble. Les questions de datations ont été abordées en termes de chronologie relative, suivant les méthodes de l’archéologie du bâti, puis de chronologie absolue, obtenue en conjuguant les méthodes traditionnelles (datation des formes) et le recours plus novateur à l’archéodatation du bois, la dendrochronologie. Cécile Gloriès a même souhaité s’initier à cette méthode sous la conduite de Béatrice Szepertyski, responsable du Laboratoire d’Analyses et d’Expertises en archéologie et œuvres d’art, à Bordeaux. C’est dire la somme de travail et d’investissement personnel dont a fait preuve l’auteur.


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    La démarche et les résultats ne pourront être ici que très résumés.
    L’îlot a été divisé en cinq groupes de maisons ou lots, d’inégale importance, en fonction de critères fiscaux (limites des transactions foncières et nature des fiefs) et topographiques (ruelle, venelle). Chaque lot est ensuite abordé séparément, de façon chronologique et monographique. Puis ces cinq évolutions sont mises en parallèle et synthétisées en trois thèmes majeurs.

    Le parcellaire

    La parcelle est redéfinie sur la base de ses limites physiques, murs, voies de communication, fossés, qui peuvent être renforcées par des notions juridiques. Certaines limites sont apparues « fortes » en tant qu’immuables. D’autres, limites « faibles », sont des subdivisions souvent temporaires, mais qui ont parfois une réalité archéologique plus grande. La comparaison des parcelles les mieux définissables se fonde sur plusieurs paramètres : la superficie, la forme, la largeur des façades principales et la longueur à l’intérieur de l’îlot. Les superficies (de 110 à 190 m2) et les formes sont variables, cette irrégularité allant dans le sens d’un constat plus général sur les îlots anciens en position centrale dans la ville. Deux groupes de largeurs de façade s’individualisent : entre 5 et 8 m et entre 11 et 13 m. Or les trois plus larges ont conservé des éléments architecturaux anciens. Les façades les plus larges ne correspondent pas forcément aux parcelles les plus grandes mais appartiennent aux éléments structurants du parcellaire.

    Le fief urbain

    Les trois paramètres – les seigneurs, l’assise foncière et les redevances – paraissent fixés au moins dès la fin du XIVe siècle et n’évoluent plus ensuite. L’îlot reflète la mosaïque de microfiefs qui caractérise la ville, avec quatre fiefs, détenus par le roi qui succède aux vicomtes en 1226, le Chapitre abbatial et des familles laïques, auxquels s’ajoutent deux parcelles franches. Les limites de la propriété et des fiefs semblent se superposer aux limites « fortes » prédéfinies sur des critères physiques (murs, rues, fossés). La fixité de ces limites « fortes » des lots suggère leur ancienneté et pourrait avoir enregistré la répartition initiale de la possession du sol.

    La propriété foncière

    Son évolution suit le rythme de l’économie et de la démographie. Le nombre des propriétaires est plus élevé aux périodes de croissance et se réduit en période de crise. On note un taux assez élevé de femmes propriétaires (20 % comme à Figeac en 1400, contre 13 % en Arles en 1437).
    Le statut socioprofessionnel n’est guère saisissable qu’à partir de 1500. Il semble en partie conditionné par l’existence d’un centre politique (hôtel de ville) et d’un centre économique (place du marché, poids public et mesures). L’éventail paraît se diversifier au XVIIe siècle et peut se répartir en deux catégories, celle des artisans et celle des notables (notaire, avocat, médecin, marchand). Le grand nombre de marchands propriétaires dans l’îlot s’explique sans doute par la fonction commerciale du quartier. On note une relative continuité professionnelle de père en fils.

    Les biens

    Composé en grande majorité de maisons, l’îlot contient aussi quelques bâtiments annexes. Les niveaux d’une même maison se répartissent entre plusieurs fonctions et peut-être entre plusieurs propriétaires. Les bâtiments sont polyvalents, mais la fonction résidentielle est largement majoritaire. Cependant, les sources ne permettent pas de saisir l’importance de l’adéquation entre propriété et résidence, puisqu’elles n’enregistrent pas les cas de location possible. La fonction commerçante est attestée par les arcades en façade et la documentation écrite, dès le XIIe pour l’hôtel de ville, au XIIIe siècle pour la maison Muratet, au XVe ou XVIe siècle au moins pour les autres. La documentation écrite n’a révélé aucune mention d’entrepôt. Deux bâtiments sont à vocation agricole unique, mais tardivement, une étable (XVIIe siècle) et une écurie (XVIIIe siècle). Le poids public est attesté pour la première fois en 1572, mais la proximité immédiate de la maison commune suggère une existence antérieure. Son extension progressive aboutit à la construction d’un édifice particulier. Les mesures sont abritées par une halle à la fin du XVIIe siècle.
    Les espaces libres paraissent avoir été plus nombreux qu’actuellement. Ce sont des patus, sans caractère distributif, ou des cours intérieures qui, à côté des ruelles et des venelles, permettent l’accès aux maisons, surtout dans le cas des plus grandes. La présence d’un escalier extérieur résulte souvent d’une division horizontale ou verticale de la propriété.

    On pourra objecter les dimensions réduites du secteur d’étude qui, il est vrai, posent le problème de sa représentativité par rapport à l’ensemble de la ville. On répondra qu’une telle investigation, aussi fouillée que diversifiée, n’est guère possible qu’à une échelle micro-urbaine, surtout dans le cadre d’une maîtrise. On rejoint ici les débats entre tenants d’une enquête à l’échelle d’un canton voire d’une région et ceux de la monographie communale quasi exhaustive. Faux débats car les deux approches paraissent, à terme, complémentaires. La micro-enquête optimise la connaissance de l’objet et permet de corriger ou de relativiser les conclusions des grandes synthèses. En outre, la confrontation des sources met en évidence des faits indécelables au travers d’une source unique. De plus, la démarche s’inscrit dans la continuité en prenant en compte le long terme (Moyen Âge et époque moderne). Elle aboutit à la formulation d’hypothèses qui pourraient être vérifiées par l’extension de la méthode à un quartier ou mieux à une ville. Outre la diversité des éclairages apportés, on retiendra plus particulièrement les potentialités de définition d’une organisation parcellaire stable, laquelle pourrait permettre de remonter jusqu’à la mise en place des fiefs et au découpage initial du sol.


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    Je terminerai en soulignant l’originalité de la démarche qui renouvelle la recherche en archéologie urbaine et ouvre de nouvelles perspectives. La somme et la qualité du travail, l’investissement fourni dans des secteurs au départ peu maîtrisés par l’auteur (archéologie monumentale et dendrochronologie notamment), ses qualités de sérieux et de prudence me paraissent justifier amplement que ce mémoire soit primé par la Société Archéologique du Midi de la France. »

 

    M. Pascal Bertrand présente le travail d’Hélène Martin, La tenture de la vie de saint Martin de l’ancienne collégiale de Montpezat-de-Quercy, un mémoire de maîtrise soutenu en octobre 1996 à l’Université de Toulouse-Le Mirail sous la direction de Mme Pradalier-Schlumberger et de Pascal Bertrand :

    « Mlle Hélène Martin a soutenu en octobre 1996 à l’Université de Toulouse II-Le Mirail un mémoire de maîtrise sur La tenture de la Vie de saint Martin de l’ancienne collégiale de Montpezat-de-Quercy, sous la direction de Mme le Professeur Michèle Pradalier-Schlumberger et de moi-même, qui lui a valu la mention Très bien (2 vol., 160 p. de texte et 97 fig.). Il s’agit d’une étude rigoureuse, conduite avec méthode sur un cycle du XVIe siècle, conservé dans son intégralité in situ, que composent cinq tapisseries mesurant environ 1,90 m de hauteur sur une longueur totale de 24,50 m, chaque pièce comprenant trois scènes explicitées par des quatrains octosyllabiques et séparées par des colonnes. Aucun travail de synthèse n’avait été effectué sur cet ensemble, qui n’a d’ailleurs été que rarement mentionné dans la littérature.

    La première partie de l’ouvrage est consacrée à un rappel de la commande, du moins à la personnalité de Jean IV Desprez († en 1539), évêque de Montauban et doyen de la collégiale de Montpezat. Ce prélat, « d’une grande droiture, intransigeant, difficile et autoritaire », fit très certainement tisser la tenture, puisque celle-ci porte ses armoiries. La seconde partie a pour objet l’analyse iconographique du cycle qui relate quinze épisodes de la vie de saint Martin. L’auteur du programme s’est inspiré de la Vita sancti Martini de Sulpice Sévère et d’au moins cinq variantes de ce récit, dont la célèbre Légende dorée de Voragine, un ouvrage anonyme contant la Vie et miracles de Monseigneur de saint Martin, de nouvel translaté de latin en françois publié à Tours en 1496, puis à Paris en 1500 et 1516, et le Mystère de saint Martin d’Andrieu de la Vigne joué en 1496. Relevant scrupuleusement les vers, et notant ainsi les erreurs insérées dans les inscriptions au cours des restaurations successives, décrivant avec précision chaque scène, Mlle Martin analyse avec une extrême finesse l’ensemble du cycle qui met l’accent sur la charité, mais aussi sur le combat contre l’idolâtrie et la lutte contre le Mal.

    Dans la troisième partie, sont discutés des problèmes de style. Dissociant bien les questions afférentes à l’élaboration des cartons de celles relevant de l’exécution même de la tenture, Mlle Martin rapproche le cycle de Montpezat d’un groupe de tapisseries (Arts libéraux de Cluny, des Arts décoratifs de Paris, du Museum of Fine Arts Boston et du musée de Göteborg ; Départ de l’enfant prodigue de Cluny ; scènes de la Passion du Christ du Metropolitan Museum, etc.) dans lequel se retrouvent des types de compositions très proches, des éléments d’architecture et décoratifs semblables (colonnes, carrelage, guirlandes, coquilles, fleurs), des procédés de fabrication similaires, tel que le remploi de figures, qui laissent à penser que ces œuvres sont issues d’ateliers secondaires dans lesquels étaient remis sur le métier d’anciens cartons. Au terme de minutieuses investigations, confrontant le dessin des personnages de la tenture avec des exemples pris dans la peinture flamande, dans des productions tournaisiennes, Mlle Martin débouche sur une proposition d’attribution prudente et justifiée pour quelques figures de la tenture.
    Le mémoire de Mlle Martin constitue une remarquable étude monographique d’un cycle tissé, caractéristique de la production ordinaire du début du XVe siècle. À l’enrichissement des connaissances sur la tenture qu’apporte cette étude, il nous faut ajouter des qualités de rigueur de la recherche, de clarté de l’exposé des résultats et de soin de l’écriture dont elle fait preuve. »

    Ces études s’avèrent toutes deux de grande qualité, quoique très différentes par leur sujet et dans leur conception : un exercice méthodologique d’un côté, une monographie de l’autre. Il est donc décidé d’attribuer le prix Ourgaud à Mlle Cécile Gloriès et le prix de la Société Archéologique à Mlle Hélène Martin, les deux prix, dotés de 2000 F. chacun, étant accompagnés d’une médaille d’argent.

 

    Henri Pradalier cède alors la parole à MM. Prin et Tollon pour leur communication, Un projet de façade inédit pour le Capitole de Toulouse au XVIIe siècle, publiée dans ce volume (t. LVII, 1997) de nos Mémoires.

    Le Président remercie MM. Prin et Tollon pour leur exposé qui retrace une grande partie de l’histoire des façades du Capitole.
Daniel Cazes revient sur la question du programme iconographique des statues qui couronnent la façade projetée par Jean-Pierre Rivalz. À titre d’hypothèse, il propose d’aller un peu plus loin dans sa lecture. Il y a là, de toute évidence, un programme à la fois allégorique et mythologique. Mais ne peut-on y reconnaître aussi des personnages historiques ? En effet, une des statues du pavillon de gauche représente un empereur ou un général romain en tenue militaire, tandis que sur le pavillon de droite se trouve un Romain vêtu d’une toge. En rapport au programme de la Salle des Illustres et en procédant par élimination, Daniel Cazes propose d’identifier respectivement Marcus Antonius Primius, le plus célèbre des Toulousains de l’Empire romain qui vécut durant le dernier tiers du Ier siècle (général qui aurait pu prendre le pouvoir à la mort de Néron mais qui préféra le laisser à Vespasien), et, dans le personnage de droite, le poète Stace. Les Toulousains voulaient en effet se persuader que l’auteur de la Thébaïde était d’origine toulousaine, entretenant en fait une confusion avec un obscur rhéteur du même nom. Ainsi, le programme de la façade affirmerait-il dès l’extérieur la volonté de résumer et d’annoncer les grandes lignes de la galerie intérieure.
    Louis Peyrusse se déclare séduit par cette hypothèse mais y voit un inconvénient : la présence de Cléopatre parmi les figures


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féminines. Pour Daniel Cazes, cette statue qui rappelle de fort loin la Cléopatre du Belvédère ne représente sans doute pas la dernière reine d’Égypte. Frappé par le principe de symétrie absolue qui semble présider à l’ensemble du programme, il soutient qu’aux côtés des arts (Apollon et les Muses), la politique peut avoir sa place.
Au-delà de ces questions d’identification, Louis Peyrusse souligne combien tous ces projets s’inscrivent dans la longue durée, depuis le XVIe siècle jusqu’à la IIIe République qui adopte la solution définitive d’un palais régulier.

 

    Au titre des questions diverses, le Président annonce les candidatures d’Emmanuel Garland et de Cécilia d’Ercole.
Une lettre de notre confrère M. Gérard nous fait part de son inquiétude au sujet de l’hôtel édifié par Jean-Arnaud Raymond dans la seconde moitié du XVIIIe siècle pour les Archives du diocèse et la Chambre souveraine du Clergé. Selon M. Hermet, le panneau indiquant la destruction ne concerne que le bâtiment intérieur. On craint cependant que l’édifice ne soit pas protégé.
    Bruno Tollon insiste sur le jalon important que représente l’œuvre de l’architecte Raymond dans les années 1760-1770. Il fut en particulier l’auteur de l’église de L’Isle-Jourdain, édifice néoclassique étudié par Michel Gallet dans un numéro de la revue Monuments historiques consacré au palladianisme en France. Michel Gallet avait reconnu en Raymond un des acteurs principaux de l’architecture de son époque.

 

SÉANCE PUBLIQUE DU 5 AVRIL 1997

    Elle se tient dans la grande salle de l’Hôtel d’Assézat.

   Allocution du président

    Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
    Mes chers confrères,

    JEAN VANEL (1915-1996)

    Au cours de l’année 1996-1997 notre compagnie a eu le regret de perdre Jean Vanel. Né dans le Lot en 1915, à Labastide-Murat, il avait passé son enfance dans le Quercy qu’il a chanté à travers plusieurs œuvres poétiques. En 1937 il vint se fixer à Rabastens. En 1940 il était nommé instituteur à l’école La Fite dont il allait assurer la direction de 1954 jusqu’à sa retraite en 1978.
    À Rabastens, le jeune poète se transforma vite en historien et, en janvier 1944, créa une association, les Veillées Rabastinoises, dont le but était de développer la vie intellectuelle de la petite cité en organisant des cycles de conférences de qualité. Dès 1947, l’un de mes prédécesseurs, Joseph Calmette, ayant repéré en lui un historien actif, l’admettait comme membre correspondant au sein de notre Société. L’année suivante, Jean Vanel, fondait L’Écho de Rabastens, destiné à publier les conférences et les recherches des érudits locaux sur le passé de Rabastens. Jean Vanel sera pendant 37 ans tout à la fois le rédacteur, l’inspirateur et le trésorier de cette revue jusqu’à ce qu’il passe le relais à notre confrère Guy Ahlsell de Toulza.
    Sa patrie d’adoption n’accapara pas toute sa vie de chercheur. Originaire de Labastide-Murat, patrie du célèbre maréchal d’Empire Joachim Murat, il eut à cœur de consacrer de nombreuses études à son compatriote et fonda dans la maison natale de celui-ci un musée dont il fut le Conservateur jusqu’en 1978.
    À cette date, la municipalité de Rabastens, soucieuse de ne pas laisser inemployés les talents de Jean Vanel, que l’Éducation Nationale avait honoré dès 1958 du titre de Chevalier des Palmes Académiques, décida de lui confier la réorganisation des Archives Municipales, tâche dont il s’acquitta en ajoutant son érudition au soin habituel qu’il apportait à tout ce qu’il réalisait.
    À Rabastens, Jean Vanel, laisse une association vivante, une revue, de nombreux écrits et d’immenses regrets.

 

    Rapport moral

    L’année 1996, après un début difficile, a vu les relations entre la Ville de Toulouse et les Académies s’améliorer rapidement au point qu’au mois de juin un accord satisfaisant pour toutes les parties était enfin trouvé. Le 18 octobre, M. le Maire pouvait donc inaugurer les nouveaux locaux des Académies en présence de M. le Préfet, des représentants de la Région et du Département, en présence aussi de très nombreux académiciens rassemblés autour du nouveau président de l’Union des Académies, M. Lucien Remplon.


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    Immédiatement après cette inauguration, les compagnies logées dans l’Hôtel d’Assézat ont entamé une nouvelle année académique. Elle a débuté par la présentation de l’Hôtel d’Assézat et des Académies au salon F.A.U.S.T., grâce à l’action de l’association FERMAT et avec l’aide du Rectorat qui nous avait ouvert son stand. Sous l’impulsion du Président Raibaut, les relations avec l’association FERMAT, association des Amis de l’Hôtel d’Assézat, sont en train de se resserrer. Celle-ci a mis au point le logo de l’Hôtel d’Assézat et s’active avec l’aide de plusieurs de ses membres, en tête desquels on pourra citer MM. Féron et Desbonnet, pour placer sur Internet des renseignements concernant les Académies ainsi que certains des textes qu’elles publient. Des contacts ont été pris avec des établissements scolaires afin de procéder à la saisie informatique des textes publiés par les Académies.

    L’installation dans les nouveaux locaux a eu pour effet de déclencher une réorganisation générale des bibliothèques et du fonctionnement de certaines Académies dont la Société Archéologique. Des bâtiments neufs, plus spacieux, mieux éclairés, ont permis à cette dernière de développer l’accès à sa riche bibliothèque, en cours de reclassement sous l’action du bibliothécaire-archiviste Louis Latour entouré de plusieurs membres de la Société comme Christine Delaplace, Maurice Scellès, Pascal Julien, Jean Nayrolles, mais aussi de personnes extérieures à la société qui, par sympathie, consacrent bénévolement de nombreuses heures à déplacer des meubles, bricoler, porter des rayonnages, ranger des livres. On sent une sorte d’allègre fermentation autour de notre société qui se traduit aussi par le sérieux des débats, non empreints, toutefois, d’une certaine bonne humeur. On a vu réapparaître également une vieille et bonne habitude, celle des dons d’ouvrages à la bibliothèque. Et il n’est pas de séance où un membre ne vienne apporter en cadeau tel ou tel livre dont il n’a plus l’usage ou qu’il possède en double.

    L’installation dans les nouveaux locaux a été pour notre Société l’occasion de se procurer un matériel nouveau, en particulier dans le domaine informatique. Ce sont les membres de l’Association des Amis de l’Hôtel d’Assézat qui, sur ce plan, nous aident de la manière la plus efficace. Le Cercle d’Oc grâce à l’intervention de M. Estibal nous a fourni un ordinateur Macintosh, la société Métro Toulouse Développement et son Directeur Général M. Vandevoorde nous ont offert non seulement deux ordinateurs Macintosh mais aussi un logiciel destiné à procéder à la saisie informatique de la bibliothèque, logiciel que M. Jolly, informaticien de MTD, est en train de mettre au point. Sur les quatre ordinateurs qui sont en notre possession, trois seront mis très prochainement à la disposition des étudiants qui viennent travailler dans nos locaux. Du reste la fréquentation de la bibliothèque est en constante augmentation et certains jours, il y a tout juste assez de place pour accueillir tous les lecteurs. Ce qui va nous pousser à demander de nouveaux ordinateurs à tous nos mécènes, la Société Patrimoine, Matra, le Crédit Foncier de France, la Semvat, les Hôpitaux de Toulouse, France Télécom, la société Latécoère, MTD. Notre ambition serait d’en posséder une dizaine laissés à la disposition des consultants de la bibliothèque.
Par ailleurs la ville de Toulouse ne se contentant pas de fournir les locaux et les meubles s’est engagée à participer au paiement et à l’embauche, dans le cadre d’un emploi à caractère social, d’un bibliothécaire, dont le recrutement est imminent, destiné à travailler aux bibliothèques des six Académies de l’Hôtel d’Assézat. Enfin elle a également augmenté, sous l’impulsion de MM. Puel et Andrès, le montant des subventions allouées aux Académies.

    L’aménagement des nouveaux locaux, les petits réglages consécutifs à toute nouvelle installation ne nous ont pas empêché de poursuivre la tâche qui est la nôtre : l’encouragement à la recherche, la publication de communications scientifiques et la tenue de nos séances. C’est ainsi que nous avons publié dans les délais le tome 56 de nos Mémoires (338 p.) et que nous avons atteint maintenant la vitesse de croisière pour cette revue qui s’installe dans le paysage scientifique français et dont la publication a été saluée cette année par la presse régionale. Elle ne compte pas moins de 14 articles auxquels s’ajoutent les 50 pages du Bulletin. En la consultant vous constaterez que cette année l’accent a été mis sur Toulouse et sa région proche à l’exception de deux articles, l’un de M. Salvan-Guillotin consacré aux Peintures murales d’Antist dans les Hautes Pyrénées, l’autre de M. Gilles Séraphin sur Le château de Fumel et la Renaissance dans le Haut-Agenais et le Périgord méridional.

    La plus grande partie des articles touchent la période moderne. On compte cependant la publication de M. Jean Catalo sur les fouilles entreprises au n° 4 de la Rue Clémence Isaure, c’est-à-dire sur l’emplacement même des nouveaux locaux des Académies et Sociétés Savantes et qui ont révélé les modifications du tracé urbain dans le quartier de l’Hôtel d’Assézat de l’Antiquité au Moyen Âge. On compte également l’article de M. Patrice Cabau sur Deux chroniques composées à Toulouse dans la seconde moitié du XIIIe siècle et celui de MM. Mange et Julien sur La restauration au XIXe siècle de la chapelle Saint-Exupère de Blagnac.

    Mais pour le reste, ce sont les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles qui ont occupé nos séances avec les communications de MM. Ginesty et Tollon sur de Nouveaux documents sur le château de Saint-Élix, de Jean-Luc Boudartchouk sur Une section de la courtine du rempart du Bazacle au XVIe siècle, de Mme Blanc-Rouquette sur L’église Saint-Quentin, siège de la chambre syndicale des imprimeurs et libraires toulousains, église qui était située sur l’emplacement de la porte romaine exhumée lors du creusement du parking du Capitole. De même c’est la période moderne qui est concernée par les communications du Père Montagnes sur Un diplôme de la Confrérie du Rosaire au Musée Paul-Dupuy, de M. Pascal Julien sur Imagerie et propagande imprimée à Saint-Sernin de Toulouse, par les études de M. Pascal Bertrand sur Une suite de tapisseries des Actes des Apôtres par Raphaël à la cathédrale de Toulouse et de M. Latour sur L’appui de communion de l’église Saint-Paul d’Auterive.

    La livraison suivante comprendra les communications que nous avons entendues depuis le mois d’avril 1996 c’est-à-dire celles du Père Montagnes, de l’abbé Baccrabère, de Mmes Michèle Heng et Quitterie Cazes, de Mlle Marie-Luce Pujalte, de MM. Daniel Cazes, Pascal Julien, Pascal Bertrand et Christian Mange. Notre secrétaire-adjoint s’est attelé à la tâche et déjà les premiers textes du prochain volume ont été saisis. Nous espérons pouvoir paraître dans les derniers jours de l’année ou les tous premiers de l’année 1998.

    Le tableau que l’on peut dresser de l’activité de la Société Archéologique, très positif, est l’œuvre d’un groupe de bénévoles unis qui songent avant tout, pour paraphraser la célèbre formule du président Kennedy, à ce qu’ils peuvent faire pour la Société


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Archéologique et non à ce que la Société Archéologique peut faire pour eux. Leur action au cours des dix années où j’ai assumé les charges de Directeur et de Président n’a été rendue possible que par le travail effectué par mes prédécesseurs et en particulier par Michel Labrousse qui a, en quelque sorte, préparé à la fin de ses trente ans de présidence, le terrain sur lequel nous bâtissons aujourd’hui.

    Si l’on jette un regard en arrière, cette équipe peut être fière du travail accompli : notre revue s’est améliorée dans sa présentation et dans son contenu, le nombre des membres de la Société Archéologique s’est accru de façon significative (et mardi encore nous admettrons quatre nouveaux membres), le soutien apporté par l’Association des Amis de l’Hôtel d’Assézat est d’un puissant secours, la modernisation du matériel est en cours, la distribution des prix s’est de nouveau accompagnée de la remise de chèques, la bibliothèque et les archives sont en pleine réorganisation, l’installation dans des locaux neufs favorise l’ouverture sur le monde extérieur, le rapprochement avec les consœurs de l’Hôtel d’Assézat au sein de l’Union des Six Académies est une source permanente d’enrichissement, la politique d’échanges de revues, vigoureusement réactivée, participe à l’augmentation d’une bibliothèque déjà fort riche.
    Mais nous avons encore un travail matériel important à réaliser tant pour l’informatisation de la bibliothèque que pour l’amélioration de la revue. Maintenant que les problèmes de réinstallation et d’aménagement sont en passe d’être réglés, nous devons dépasser ces questions matérielles pour nous attacher à un ambitieux projet : redonner à la Société Archéologique la place que, sur le plan scientifique et proprement archéologique, elle se doit d’avoir dans une région comme la nôtre, riche en restes préhistoriques, antiques et médiévaux. Il y a là un travail de longue haleine que nous allons entamer et qui aura de quoi occuper mes successeurs.

    Je vous remercie de votre attention.

 

    Rapport sur le concours présenté par Mme Christine Delaplace : Mlle Cécile Gloriès reçoit le prix Ourgaud, Mlle Hélène Martin le prix de la Société Archéologique du Midi de la France.

    Conférence de M. Pascal Julien, membre de la Société : La sculpture méconnue de l’église Saint-Sernin, de Jean Dubois à Marc Arcis (XVIe-XVIIe siècles).

 

SÉANCE DU 8 AVRIL 1997

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; MM. Cabau, Lassure, le Père Montagnes, Nayrolles, Peyrusse, l’abbé Rocacher, Roquebert, membres titulaires ; Mmes Aribaud, Delaplace, Napoléone, Pujalte, MM. Bertrand, Luce, membres correspondants.
Excusés : M. Latour, Bibliothécaire-archiviste, MM. le général Delpoux, Manuel.
Invité : M. Gérard Villeval

 

    Le Secrétaire-adjoint lit le procès-verbal de la séance du 11 mars, puis Jean Nayrolles celui de la séance du 18 mars. Les deux procès-verbaux sont adoptés.
    Le Président souhaite faire remarquer à propos du dernier procès-verbal qu’il faut bien constater que le fonctionnement du concours laisse à désirer. Il souhaiterait qu’à l’avenir un membre de la Société se charge plus spécialement de son organisation dès le mois d’octobre. Le concours n’est d’ailleurs pas réservé aux étudiants : la condition première est que le travail présenté doit être inédit, les membres de la Société ne pouvant évidemment participer au concours.

    Le Président offre à la Société deux volumes des Cahiers de Fanjeaux, dont le volume XXV consacré aux tables et index généraux, et un important lot de photocopies des archives du duc de Lévis-Mirepoix. Ces photocopies, réalisées par une personne qui avait eu accès à ces archives pour préparer un travail sur Larroque d’Olmes, ont été récupérées alors qu’elles allaient être jetées. Le Président précise que toutes les pièces sont numérotées, et rappelle que les archives du duc de Lévis-Mirepoix sont désormais consultables aux Archives départementales de l’Ariège à Foix.

    Conformément à l’ordre du jour, la Compagnie entend ensuite les rapports sur les candidatures au titre de membre correspondant. Michèle Pradalier-Schlumberger étant empêchée, trois candidatures sont examinées, la quatrième étant renvoyée à une prochaine séance.


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    Christine Delaplace présente son rapport sur la candidature de Mlle Caterina Magni et lit le rapport rédigé par Jacques Lapart sur la candidature de Mlle Céline Piot. Jean-Marc Luce est le rapporteur de la candidature de Mlle Cécilia D’Ercole. On procède au vote. Les trois postulantes sont élues membres correspondants.

 

    La parole est alors à Jean-Michel Lassure et Gérard Villeval pour une communication sur Les fouilles médiévales (XIIe-XIIIe siècles) de Corné à L’Isle-Bouzon (Gers) :

    « Dans la vallée de l’Auroue, à 400 m seulement au Sud-Ouest du village de L’Isle-Bouzon (1), castelnau installé vers 1250 (sa charte de coutumes est de 1267) sur la bordure du plateau calcaire qui domine la rivière à l’Est, le site médiéval de Corné fait l’objet de fouilles archéologiques depuis 1987. Elles relèvent du programme national H. 18 (Villages et territoires médiévaux et post-médiévaux) et s’inscrivent parmi les activités de l’Unité Mixte de Recherches du C.N.R.S. 5 608-UTAH (directeur Jean-Marie Pailler) ainsi que dans une recherche collective sur le monde villageois réalisée par l’U.M.R. 5 591-FRAMESPA (directeur Maurice Berthe). Entreprises à la suite de la mise en culture de prés en bordure de la rivière, elles ont pour l’essentiel été effectuées entre 1989 et 1992 dans le cadre d’une autorisation de fouille de sauvetage programmée (2). Leur problématique, établie à partir des données apportées par une série de sondages en 1988, incluait notamment la vérification de l’existence – que suggérait la proximité mais surtout l’absence de correspondance entre le nom du castelnau voisin de L’Isle-Bouzon et sa localisation géographique – d’une filiation entre les deux centres de peuplement.
En apportant la preuve que le site est constitué de deux parties distinctes – une zone castrale et une zone d’habitat formant un hameau subordonné – elles ont tout d’abord confirmé une indication apportée par la topographie et dont le plan cadastral de 1833 rend parfaitement compte.

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L'ISLE-BOUZON (GERS), CORNÉ.
Le site médiéval de Corné et l'agglomération actuelle de L'Isle-Bouzon
(extrait du tableau d'assemblage du plan cadastral révisé pour 1985).

Dans la zone castrale, installée à l’intérieur d’un ancien méandre de l’Auroue aujourd’hui indiqué par une simple dépression, les recherches ont mis au jour les puissantes fondations (l. : 2,50 m) d’un tour-salle de plan presque carré (dimensions extérieures 9,50 m x 9,40 m). Conservées sur une hauteur de 2 m environ, elles sont formées de deux parements de moellons calcaires laissés bruts et enserrant un blocage de pierres de même nature liées par un mortier de médiocre qualité.
La manière dont cette zone castrale a été implantée sur un terrain humide et manquant de fermeté, témoigne d’une véritable


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maîtrise technique : en même temps qu’était isolé l’intérieur du méandre en barrant celui-ci à son origine, on entreprit la construction de la tour-salle dont les fondations, installées directement sur le sol, sans creusement de tranchées, furent remblayées avec la terre provenant du creusement du nouveau bief. Il en résulta une surélévation du terrain dont le résultat fut la création d’une butte artificielle haute d’environ 2 m mettant l’édifice à l’abri des inondations. On prit aussi la précaution de donner à ces fondations une forte épaisseur – sans doute bien supérieure à celle des murs en élévation – de façon à répartir le poids de l’édifice sur une surface importante.

    Un fossé (l. : 21,50 m au sommet et 4,50 m environ à la base, profondeur maximale 2,60 m) que rien ne signalait à la surface du sol et qui résulte d’un remodelage d’une partie de l’ancien lit de l’Auroue, débutait à 3 m à peine à l’Ouest de la tour-salle. Une coupe transversale a montré qu’il possède un profil trapézoïdal dissymétrique, la pente de son bord oriental étant moins accentuée que son opposée. Homogènes et se prolongeant d’un bord à l’autre, les deux couches supérieures de son remplissage résultent d’un comblement intentionnel. La formation de la partie inférieure de la couche 3 qui comporte du matériel archéologique et des restes végétaux correspond à la période d’occupation du site. Enfin, les blocs et les branchages pris dans la vase qui appartient à l’ancien lit de l’Auroue avec lequel se confond la partie inférieure du fossé proviennent d’un aménagement réalisé lors de la mise en place de la zone castrale pour circuler plus facilement.

    Une cinquantaine de mètres à l’Ouest de la zone castrale, les fouilles ont en partie dégagé un habitat constitué de bâtiments à poteaux porteurs qui se sont révélés en grande partie construits en bois, ce qui paraît surprenant dans cette région où la pierre abonde mais s’observe également sur d’autres sites contemporains de Corné explorés ces dernières années dans le Gers et en Lot-et-Garonne (3).

    Indication que ces bâtiments desservis par des passages empierrés étaient des habitations, de simples foyers en argile dont le dessus, presque toujours fortement bombé, présente parfois des incisions se recoupant, constituent leur seule installation intérieure encore observable. Aucune trace de sol aménagé n’a été observée. L’évacuation incomplète des cendres provenant des foyers et des restes de toute nature provenant des activités des habitants, la boue apportée par la circulation de ces derniers ont provoqué un exhaussement progressif du niveau d’occupation et expliquent les superpositions de foyers fréquemment observées.

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L'ISLE-BOUZON (GERS), CORNÉ. Habitat. Plan de masse (août 1995).

    Le seul bâtiment entièrement fouillé (B) a la forme d’un trapèze allongé. D’une surface d’environ 52 m2, il a une longueur de 10 m au sud et de 9 m au Nord. De 5,20 m à l’extrémité orientale, sa largeur passe à 5,90 m à l’extrémité opposée. Il est matérialisé au sol par seize trous de poteau dont l’un, creusé au détriment d’un foyer, est la conséquence d’une réparation. Les cinq trous de poteau de chacun des grands côtés se font face et délimitent quatre travées. En se fondant sur l’emplacement des zones foyères, on peut avancer que l’intérieur était partagé en trois cellules, celle située à l’Ouest incluant deux travées.

    En raison de l’épaisseur des sédiments à évacuer, seule la partie orientale de l’habitation A, dont la largeur s’est révélée de 7 m, a pu être dégagée. Si un trou de poteau repéré au fond d’une tranchée de reconnaissance en fait effectivement partie, elle mesurait presque 10 m et avait une surface voisine de 70 m2. Neuf trous de poteau ont été localisés : sur le petit côté, trois trous de poteau intermédiaires sont encadrés par les poteaux corniers, trois autres appartiennent au grand côté sud, un seul à son opposé. À son extrémité est, elle comporte une zone foyère formée de trois aires dont deux se superposent tandis que la troisième, en position supérieure, est en léger décalage. Une quatrième aire est placée un peu à l’écart. La stratigraphie indique un remaniement généralisé du bâtiment avec installation d’une nouvelle zone foyère plus à l’Ouest mais il ne semble pas avoir concerné la structure du bâtiment car aucun trou de poteau attribuable à ces travaux n’a jusqu’ici été localisé.

    La fouille de l’habitation C est également incomplète. À l’Ouest un fossé creusé dans le substratum argileux la protégeait de


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L'ISLE-BOUZON (GERS), CORNÉ. Objets découverts en 1995 :
1. Fer de lance ; 2-4. Fers de trait ; 5. Rouelle en plomb ; 6. Boucle de harnais ; 7. Fragment d'éperon.


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 bul9712.gif (14476 octets)    L'ISLE-BOUZON (GERS), CORNÉ. Applique décorative représentant un masque léonin (alliage cuivreux doré).

l’humidité en recueillant les eaux de ruissellement et en les évacuant latéralement. Il dessine un léger arc de cercle mais se recourbe brusquement vers l’Est à ses deux extrémités, son profil est dissymétrique (sa largeur atteint 2,25 m à l’ouverture, elle est de 1 m au fond pour une profondeur de 0,45 m). Une seule pièce a pu être dégagée. Elle mesure 8,70 m de long et 5,40 m de large, (soit une surface de 47 m2) et 16 trous de poteau creusés de façon à se faire face deux à deux la délimitent. Les trous intermédiaires sont au nombre de quatre sur les grand côtés, de deux sur les autres. Élevée sans liant avec des matériaux divers (pierres calcaires, blocs équarris, morceaux de tuiles à rebords antiques et même, de meules à moudre) qui se superposent parfois sur deux rangs, une murette fait le tour de cette pièce, ne laissant en dehors que la travée sud. Elle est dans le même alignement que les trous de poteau sur trois côtés mais nettement en avant de ceux de la rangée ouest, ce qui empêche, semble-t-il, de l’identifier comme un solin. Sa fonction était peut-être de protéger de l’incendie les parois de l’habitation car on observe que la couche d’argile répandue pour réaliser l’aire de combustion la plus ancienne de la zone foyère pratiquement au centre de la salle se prolonge jusqu’à elle. Dans l’angle nord-ouest, une seconde zone foyère comporte également deux aires de combustion superposées.

    Près de l’angle nord-est de la pièce, du côté ouest, deux trous de poteau font supposer l’existence d’un appentis. Dans sa partie sud, une zone foyère est formée d’une aire de combustion à laquelle deux autres, placées côte à côte, sont venues se superposer. À proximité de l’angle nord-est de la pièce, deux autres aires de combustion superposées touchent à la bordure du fossé et, comme paraît l’indiquer un trou de poteau situé juste au pied de sa berge externe, il est possible que l’appentis ait été prolongé après comblement de ce dernier.

    Nous ne mentionnerons que pour mémoire le bâtiment D dont seul l’angle nord-est a été mis au jour.

 

    Abondant et diversifié, le mobilier recueilli est soit domestique soit lié à des activités agricoles ou artisanales mais le nombre élevé d’accessoires d’équitation (mors, étrier, boucles, phanères, branlants et pendentif de harnais) et d’armes est surprenant. Alors que les structures découvertes sont à cet égard peu parlantes, un outillage fort diversifié et abondant mais aussi des déchets de fabrication ont permis d’identifier les diverses activités pratiquées à Corné. Comme on pouvait s’y attendre, l’agriculture venait au premier plan et les identifications effectuées par M.-P. Ruas, Chargée de recherches au C.N.R.S. (U.M.R. 5 608), ont confirmé, qu’à l’exemple des autres sites médiévaux de la région, il s’agissait d’une polyculture à dominante céréalière (orge, blé tendre, avoine) à laquelle était associée une légumineuse, la féverole. Les vestiges fauniques montrent l’importance de l’élevage (porc, bœuf, ovicapridés, cheval, âne, poule, coq, chien et chat).

    La transformation des fibres textiles – lin et, sans doute, laine – occupait une large place dans cet artisanat domestique. Elle est attestée par de nombreuses dents en fer de peignes servant pour le cardage. Deux ties de fuseau également en fer et, surtout, une multitude de fusaïoles découpées dans un tesson ou modelées (715 exemplaires) indiquent la large place que tenait le filage tandis qu’une série de pitons d’un modèle particulier – similaires aux " tenter-hooks " des sites médiévaux anglais, ils témoignent de l’existence de tendeurs pour le séchage des étoffes qui, au sortir du métier, subissaient un lavage – sont la preuve que le tissage se pratiquait sur place. Enfin, tout un ensemble d’objets se rapporte à la confection et à la couture (ciseaux, dés à coudre, épingles, aiguilles, passe-lacets).

    Si le travail de l’os (fabrication de passe-lacets notamment), de la corne ou des bois de cervidés paraît avoir été relativement délaissé, il en va autrement de celui des peaux qu’attestent nombre de racloirs ou " paroirs " utilisés pour dégraisser leur revers avant tannage. Des alènes et divers perçoirs indiquent la réalisation d’objets en cuir. Mis en évidence à propos de la construction, le rôle joué par le bois trouve une confirmation dans la découverte d’une série d’outils (eissettes, tarières et haches) utilisés pour les travaux de charpenterie et de menuiserie. L’absence de scies est par contre totale. D’assez nombreux culots de fer indiquent l’existence d’une forge permettant la fabrication de matériel agricole ou d’objets usuels ainsi que leur réparation. Une valve de moule utilisé pour la production de croix pectorales en plomb ou en étain est révélatrice d’une activité produisant pour la vente.

    Un artisanat, signalé également sur d’autres sites médiévaux de la région (Luzan, L’Isle-Jourdain), est celui du remploi, pour la réalisation d’objets utilisés quotidiennement, de matériaux en terre cuite (débris de tuiles à rebords et de céramiques, petits objets en métal) récupérés sur des sites antiques voisins. Il ont notamment servi à la fabrication de fusaïoles, de pions de jeu ainsi que d’opercules parfois appelés palets-disques.

    À ces activités mettant en jeu des compétences techniques plus ou moins grandes et à l’origine d’échanges commerciaux dont des monnaies – il s’agit exclusivement de deniers et d’oboles de Morlaas – et des méreaux en nombre élevé (35) apportent le témoignage, s’ajoutait l’accueil des pèlerins. C’est ce que semble indiquer la découverte d’une extrémité ferrée d’un bâton et, à l’intérieur d’une habitation pour quelques-unes, de coquilles Saint-Jacques percées pour être fixées sur un vêtement. Corné se trouvait peut-être à proximité d’une bretelle de la « via podensis » qui passait à Flamarens, une dizaine de kilomètres plus au Nord.


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    Il est difficile d’évaluer la place que tiennent les divertissements mais leur diversité a pu être constatée. Les jeux de table avaient une part importante (pions de jeu) mais les échecs pourtant attestés sur maints sites médiévaux (en Gascogne même, un pion de jeu d’échecs figure parmi le mobilier livré par la motte 1 de Panassac) semblent avoir été ignorés. Une guimbarde et, dernier vestige d’une viole, un cordier en os indiquent que la musique avait également sa place.

    Divertissement mais aussi entraînement à la guerre, la chasse était largement pratiquée à en juger par le nombre élevé d’armes (fers de javelines, pointes de flèches et fers de trait de divers modèles) utilisables pour cette activité dont le produit permettait de diversifier l’alimentation carnée. Parmi les animaux chassés figuraient surtout le sanglier, le cerf et le chevreuil. Bien que l’on soit à proximité d’un cours d’eau, la pêche n’a par contre laissé que peu de témoignages (un hameçon et quelques plombs, semble-t-il) mais il faut tenir compte du fait que l’essentiel de l’équipement (filets, nasses, paniers) était en matériaux périssables.

    Les tâches domestiques absorbaient sans doute une grande partie du temps des habitants qui, pour la préparation des aliments, devaient transformer eux-mêmes les produits agricoles en matières utilisables. Des meules en poudingue – toutes ont curieusement été retrouvées brisées – indiquent la mouture de diverses céréales ou graines consommées sous forme de bouillie. Les témoignages de deux activités particulières ont été recueillis. La première était la torréfaction de graines de céréales qui, abandonnées parce que carbonisées, ont été retrouvées dans l’habitat en bordure de plusieurs foyers. La raison de cette opération reste imprécise : peut-être visait-elle à assurer leur conservation ou, lorsqu’il s’agissait d’espèces vêtues, à les débarrasser, après battage, de leurs enveloppes ? La seconde, attestée par la trouvaille de nombreuses coquilles carbonisées et, aussi, d’une cinquantaine de petites lames en fer pouvant provenir de cernoirs, paraît être l’ouverture de noix pour l’extraction des cerneaux dont le broyage fournira l’huile destinée à l’alimentation et l’éclairage.

    Une telle abondance de documents archéologiques donne l’impression que l’on a affaire à une communauté particulièrement laborieuse s’efforçant de tirer de la nature tout ce qu’elle peut produire. Dans une gamme de travaux variés lui permettant de subvenir à l’essentiel de ses besoins, elle fait preuve d’aptitudes techniques diverses et d’un savoir-faire incontestables. Définir son statut est malaisé. S’il est évident que sa tâche essentielle était d’exploiter les terres d’un domaine, de pourvoir à l’entretien de ceux qui le détiennent et de les servir, elle semble avoir bénéficié d’une marge de liberté rendant possibles certaines activités pourvoyeuses d’un supplément de ressources personnelles.

    La chronologie du site – entre 1150 et 1250 approximativement – a été obtenue par l’étude comparative du matériel, notamment avec celui d’autres gisements médiévaux fouillés récemment – L’Isle-Jourdain (Gers) et Landorthe (Haute-Garonne) – et confirmée par deux analyses au C 14. Cette fourchette chronologique permet d’envisager que le Boson de L’Isle mentionné en 1176 par une charte de donation du cartulaire de l’abbaye de Gimont fut, sinon à l’origine de la création du site de Corné, du moins un de ses détenteurs (4). C’est en tout cas ce que semble indiquer la présence, parmi les cautions de l’acte (fidejussores) de l’évêque de Lectoure, Garsia Sanche, et surtout de Bernard de Saint-Créac, village limitrophe de L’Isle-Bouzon.

    La stratigraphie de l’habitat d’où toute trace de destruction brutale et, notamment, d’incendie est exclue comme les conditions de gisement du mobilier font exclure l’éventualité d’une désertion forcée liée à un événement tel qu’un fait de guerre. Il apparaît dès lors que l’abandon de Corné et le départ de ses habitants n’ont pu être qu’intentionnels. La fondation du castelnau de L’Isle-Bouzon que ses co-seigneurs – Jean et Pierre de L’Isle, Ayssieu III et Géraud de Galard, Fort de Laimont et Guiraude de Sempesserre – dotèrent d’une charte de coutumes en 1267 vient en fait s’inscrire dans un ample phénomène de regroupement de l’habitat dont les origines se situent dans le Latium du Xe siècle et qui, après avoir concerné aux XIe et XIIe siècles la Provence et le Languedoc, va largement affecter la Gascogne dans le courant du XIIIe siècle.

    Les fouilles de Corné donnent un aperçu de l’un des multiples habitats dont diverses sources documentaires indiquent la dissémination dans la campagne gersoise (5) avant les transformations liées au phénomène de la mise en place des castelnaux (6). Mises en lumière par les recherches, les modalités selon lesquelles se sont opérés l’abandon du site et le déplacement de sa population vers le castelnau nouvellement fondé à proximité mais sur un emplacement radicalement différent en ce qui concerne la topographie apparaissent représentatives d’un phénomène général. On les retrouve, par exemple, à propos de l’agglomération voisine de Castelnau d’Arbieu fondée vers la même époque (sa première charte de coutumes, accordée par Arbieu de Labatut, est de 1263) (7) et dont une partie au moins de la population provient de Quinsac, site tout proche dont les matériaux furent quelque temps après récupérés pour la construction de l’enceinte du castelnau (8).

    Un nouveau programme de recherches sera mis œuvre à partir de l’été 1997. L’extension des fouilles à l’ensemble du site rendra possible une étude détaillée des diverses structures qu’il recèle et de son organisation spatiale. Une collaboration accrue de spécialistes du paléo-environnement permettra également d’affiner les données disponibles sur le milieu dans lequel évoluaient les habitants et, grâce à une évaluation plus précise des prélèvements opérés, de mieux évaluer la pression subie par ce dernier.

    Jean-Michel LASSURE (U.M.R. 5 608-U.T.A.H. C.N.R.S)
    Gérard VILLEVAL.

1. Dans le Nord du département du Gers, L’Isle-Bouzon se trouve à mi-distance de Lectoure et de Saint-Clar.


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2. En 1993 et 1995, des sondages ont permis de compléter les acquis des campagnes antérieures.
3. Vingt ans d’archéologie en Moyenne-Garonne. Occupation du sol du VIIIe siècle avant J.-C. au XIVe siècle après J.-C., p. 14 (Agen), p. 27-28 (Lunac).
4. Abbé Clergeac, Cartulaire de l’abbaye de Gimont, Archives historiques de la Gascogne, 2e série, fasc. 9, Paris-Auch, 1905, p. 47.
5. Cf. P. Bonnassie, « La croissance agricole du Haut Moyen Âge dans la Gaule du Midi et le Nord-Est de la Péninsule ibérique : chronologie, modalités, limites », dans Flaran 10. La croissance agricole du Haut Moyen Âge. Chronologie, modalités, géographie, 1990, p. 13-15.
6. Dans le rapport d’activité de l’U.R.A. 247 pour 1995, M. Berthe insiste sur le fait que Corné est représentatif d’« un type d’établissement humain antérieur à la création des bourgs castraux qui constituent une des étapes les plus importantes du peuplement en Gascogne ».
7. B. Cursente, Les castelnaux de la Gascogne médiévale, 1980, p. 126.
8. B. Cursente, Du casal à l’ostau. Habitat, société, pouvoir dans la Gascogne médiévale, Dossier de demande d’une habilitation des Recherches, 1995, p. 241, note 84. »

    Le Président remercie Jean-Michel Lassure et Gérard Villeval pour cette communication très complète et très abondamment illustrée, qui a déjà en grande partie répondu aux questions qu’il pouvait se poser. Il voudrait cependant avoir des précisions sur la chronologie du site.
    Jean-Michel Lassure répond que l’occupation du site correspond aux années 1150-1250, l’abandon paraissant survenir au milieu du XIIIe siècle au profit du castelnau voisin. L’absence de toute trace de violence montre qu’il s’agit d’un abandon volontaire. Le phénomène prend place dans la problématique plus large qui est celle des tours-salles de Lomagne, avec cependant aucune évolution de site comparable jusqu’à présent. Il faut remarquer que le Toulousain, pour lequel les datations sûres font d’ailleurs défaut, connaît une situation très différente. La datation proposée pour le site de Corné à L’Isle-Bouzon est confortée par deux analyses de carbone 14 qui ont donné des dates concordantes vers 1150, et par l’étude des boucles mieux connues aujourd’hui grâce au travail de Michel Barrère.

    Le Président remarque qu’il s’agit d’un site qui servira de référence, et demande quel rapport peut être établi avec la tour de La Rouquette à Plieux. Jean-Michel Lassure précise que la tour de La Rouquette, comparable par ses dimensions mais non par sa date, permet d’évoquer l’élévation de celle de L’Isle-Bouzon dont seules les fondations subsistent aujourd’hui.
    Répondant à Christine Aribaud, Jean-Michel Lassure indique que la fouille n’a pas livré de tissus, la nature du sol n’en permettant pas la conservation.
    Revenant sur l’hypothèse d’un déplacement de Corné vers le site actuel de L’Isle-Bouzon, Louis Peyrusse demande comment il faut expliquer le déplacement de 400 m d’un site dont le mobilier et l’architecture ne paraissent pas vraiment médiocres. Jean-Michel Lassure précise que le matériel n’a rien d’extraordinaire, et que le mobilier retrouvé sur les sites de ce type est partout aussi riche et diversifié : il témoigne du niveau de vie général atteint à cette époque. Le déplacement de la résidence castrale et de son habitat subordonné correspondrait au passage d’un habitat ouvert à un habitat fermé, plusieurs petits seigneurs se groupant dans un castelnau.
    Maurice Scellès voudrait savoir si la tour était isolée. Jean-Michel Lassure indique que des bâtiments de construction légère la jouxtaient peut-être.

    Henri Pradalier remarque qu’en dehors des quelques objets, en bronze doré par exemple, qui témoignent d’une certaine richesse, le reste du matériel appartient à des productions très médiocres, ce que confirme Jean-Michel Lassure.
Jean-Michel Lassure ajoute que l’impression qui domine est celle d’un habitat très négligé, ce qui n’a rien de surprenant si l’on garde à l’esprit que des fouilles de castra princiers ont révélé des quantités très importantes d’immondices. Maurice Scellès note la vision contrastée qu’offrent les études urbaines et rurales.
    Jean-Michel Lassure précise que l’activité de l’habitat subordonné n’était probablement pas seulement agricole ou artisanale. Il y avait peut-être aussi une activité d’accueil, peut-être liée à un chemin secondaire de Saint-Jacques-de-Compostelle, ce dont pourrait témoigner une coquille retrouvée en dehors de toute sépulture, ce qui est assez rare.
    En réponse à une question du Président, Jean-Michel Lassure dit que l’on ne dispose pas encore des résultats des analyses des bouses de vache, qui pourraient apporter d’intéressantes informations sur les pollens ou les parasites intestinaux du bétail.

    Jean-Marc Luce demande s’il faut considérer que la banquette en pierre et les trous de poteau sont exactement contemporains. Pour Jean-Michel Lassure, la banquette n’est sans doute pas un aménagement postérieur, bien que les trous de poteau n’apparaissent qu’au niveau du sol géologique.
    Relevant que les deux tonnes de céramique recueillies représentent une quantité considérable, Jean-Marc Luce demande s’il a été possible d’évaluer le nombre de vases par maison. Gérard Villeval et Jean-Michel Lassure disent que devant l’impossibilité de traiter tous les aspects, le choix a été de mettre l’accent sur l’étude des formes et des pâtes.
Maurice Scellès voudrait savoir pourquoi les trous de poteaux n’apparaissent qu’au niveau du sol géologique. Gérard Villeval répond que c’est la nature du terrain, avec des couches de terres noires sur noires, qui n’a pas permis de les repérer plus tôt.

    Patrice Cabau demande si la destruction de la tour-salle est intervenue au moment de la translation. Jean-Michel Lassure et Gérard Villeval pensent qu’elle est en effet à peu près contemporaine du déplacement vers le castelnau fondé par le seigneur de L’Isle-Bouzon et sept autres co-seigneurs et où sont regroupés soixante-dix chefs de famille. Jean-Michel Lassure rappelle que ces tours-salles sont très nombreuses, et qu’il en subsiste encore une autre sur le territoire même de L’Isle-Bouzon, au lieu dit La Tour. Il entretient d’ailleurs une collaboration suivie avec Serge Brunet qui a entrepris l’étude de ces tours-salles. Maurice Scellès évoque les bories des environs de Cahors et mentionne celle de La Biau, près de Gourdon, qui présente de nombreuses analogies avec le site de Corné, bien que la tour conservée soit plus récente.


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    Jean-Michel Lassure conclut en soulignant tout l’intérêt du site de Corné qui révèle une possible phase intermédiaire entre la motte castrale et le castelnau.

 

SÉANCE DU 29 AVRIL 1997

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Merlet-Bagnéris, Pradalier-Schlumberger, MM. Cabau, Gilles, Hermet, le Père Montagnes, Peyrusse, l’abbé Rocacher, Roquebert, Tollon, membres titulaires ; Mmes Aribaud, Blanc-Rouquette, Delaplace, d’Ercole, Napoléone, Pujalte, MM. Boyer, Burroni, Ginesty, Manuel, membres correspondants.
Excusé : M. Cazes, Secrétaire Général.

 

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 8 avril dernier, qui est adopté.
    Le Président souhaite la bienvenue à Cecilia d’Ercole, en la félicitant de n’avoir pas tardé à rejoindre notre Compagnie après son élection comme membre correspondant la semaine dernière.

    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite. C’est en premier lieu M. Patrick Périn qui accepte volontiers de faire partie du comité scientifique de nos Mémoires. Le C.T.H.S. nous remercie d’avoir répondu à son questionnaire sur le patrimoine des Sociétés Savantes et nous adresse deux invitations pour le colloque qui se tiendra sur ce thème du 24 au 27 octobre prochains. Enfin, le général Delpoux nous fait part des observations qu’il a pu faire lors de la restauration du pont du Tounis et déplore le « massacre » qu’a alors subi le plus vieux pont de Toulouse. Pour Jean Coppolani, aucun autre parti de restauration n’était toutefois possible, en raison de la très mauvaise qualité de la maçonnerie constituée pour l’essentiel de débris de brique.

    Après avoir indiqué la parution du dernier numéro de la Lettre des Amis de l’Hôtel d’Assezat, le Président signale plus particulièrement à l’attention de la Compagnie deux articles parus dans la presse : l’un paru dans La Dépêche du Midi du 13 avril, à l’occasion de la séance publique, sous la forme d’un entretien avec notre Président ; l’autre, paru dans Le Monde du 26 avril, rend compte de la polémique soulevée par les interventions de l’Architecte en chef des Monuments historiques sur le château de Falaise, attaquées devant les tribunaux par plusieurs associations dont MoMus. Le Président relève que certains des arguments avancés contre la réalisation de Falaise sont les mêmes que ceux que l’on opposait à la dérestauration de Saint-Sernin.

    La parole est alors à M. Jean-Claude Boyer pour une communication consacrée à Un cycle de tableaux de Charles-Joseph Natoire (Nîmes, 1700 - Castelgandolfo, 1777) découvert en Languedoc, publiée dans ce volume (t. LVII, 1997) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Jean-Claude Boyer d’une communication qui a réservé à notre Compagnie la révélation d’un ensemble inédit attribuable à Natoire, qui ne manquera pas de susciter des questions parmi les modernistes.
Louis Peyrusse remarque que l’état des toiles rend évidemment leur étude assez difficile et empêche d’apprécier leur qualité réelle, mais il voudrait savoir s’il est impossible d’imaginer que Natoire ait fourni les dessins, l’exécution des œuvres étant confiée à des pensionnaires de l’Académie de France à Rome. Pour Jean-Claude Boyer, une telle hypothèse n’aurait rien d’absurde. La difficulté tient déjà en effet à l’état déplorable des toiles, abîmées et très sales, ce qui ne permet pas d’en avoir une appréciation décisive. Il est vrai aussi que Natoire ne fait jamais allusion à ces tableaux dans la correspondance de l’Académie.
    Louis Peyrusse demande si la somme de 3 000 livres pour cinq grandes toiles n’est pas un prix bien peu élevé pour un peintre de la renommée de Natoire. Jean-Claude Boyer précise que cette somme n’est mentionnée que par Estadieu qui ne cite aucune source à l’appui de son affirmation ; 3 000 livres ne seraient d’ailleurs pas nécessairement un prix très bas, mais il faut encore imaginer que le peintre est à même de modérer son prix.
À Bruno Tollon qui voudrait savoir si les toiles se trouvent dans leurs lambris d’origine, Jean-Claude Boyer répond qu’il n’en n’est pas sûr.
    Guy Ahlsell de Toulza s’étonne de rencontrer des toiles d’un artiste aussi renommé dans une église de dernier plan, et il comprend les réticences de Louis Peyrusse. On est tenté de soupçonner des tableaux réalisés d’après des gravures devant des œuvres sans beaucoup de détails, où dominent de grands aplats avec des couleurs d’une simplicité qui font penser aux productions en série des années 1830. Jean-Claude Boyer lui donne raison en ajoutant que l’un des tableaux reprend d’ailleurs une autre œuvre de Natoire. Il insiste à nouveau sur le fait qu’il ne prétend pas avoir résolu le problème de la commande. Il n’y a cependant pas d’impossibilité et c’est peut-être par l’intermédiaire de Mgr de Burral qu’a pu se faire la commande. Quant au schématisme du dessin des toiles, hormis sans doute celle du maître-autel, il traduit peut-être un effort de Natoire pour s’adapter à une nouvelle période, en effet tout à fait à l’opposé du style des œuvres de l’hôtel de Soubise. Elles révéleraient un tout autre esprit à la fin de la vie du peintre alors que l’on a tendance à penser que Natoire se consacrait alors exclusivement au paysage. Cela dit, il ne serait pas absurde de faire l’hypothèse que Natoire ait fourni les dessins, les toiles étant exécutées par d’autres.

    Le Président présente les ouvrages offerts à la Société, avec en premier lieu le dernier recueil de l’Académie des Jeux


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floraux ; Gilles Séraphin donne un tiré à part d’un article de Pierre Garrigou Grandchamp, « L’architecture domestique dans les agglomérations périgourdines aux XIIe et XIIIe siècles », dans Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, t. CXXII (1995), p. 683-728 ; Chantal Fraïsse offre au nom du Centre Marcel-Durliat de Moissac l’ouvrage de Pierre Sirgant, Moissac bible ouverte, Montauban : 1996, 391 p., et la réédition des trois premiers volumes des Études historiques sur Moissac de Lagrèze-Fossat.

    Le Secrétaire-adjoint lit une note que notre confrère Gilles Séraphin adresse à la Société, à propos de Bigaroque et la croisade contre les Albigeois :

    « Il est d’usage de faire débuter la croisade contre les Albigeois par la prise du castrum de Puylaroque en Quercy. Tandis que se mettait en marche l’armée principale de la croisade, forte de vingt mille chevaliers et convergeant vers Béziers, une seconde troupe commandée par le comte d’Auvergne et l’archevêque de Bordeaux se réunissait de son côté. Elle comprenait notamment des Agenais et des Quercinois et parmi eux le vicomte de Turenne, les évêques de Bazas, de Limoges, d’Agen, de Cahors ainsi que les seigneurs de Cardaillac, de Castelnau (1) et de Gourdon. Cette « avant-croisade » ou « croisade quercinoise », dont M. Roquebert nous rappelle qu’elle précéda chronologiquement la grande chevauchée du sac de Béziers, aurait emporté successivement Puylaroque en Quercy, puis Gontaud et Tonneins en Agenais, avant d’établir ses quartiers devant Casseneuil où Segui de Balencs lui opposa une résistance inattendue. Le siège en échec, les croisés lâchèrent prise et « l’ost de Casseneuil », comme le nomme Guillaume de Tudèle, se dirigea alors vers Villemur-sur-Tarn avant de marcher sans doute vers Béziers ou Carcassonne. Entre temps, l’évêque du Puy, après avoir rançonné Caussade et Saint-Antonin-Noble-Val, avait apporté son renfort à l’armée.



LE TRAJET DE « L'OST DE CASSENEUIL ». Carte Gilles Séraphin.

    Les premiers faits d’armes de la croisade auraient donc eu lieu, non pas à Béziers, mais à Puylaroque. Toutefois un détail surprend dans ce récit. On saisit mal en effet la logique d’un parcours menant une armée pressée par la quarantaine de Puylaroque à Béziers en tournant le dos à l’objectif et en effectuant d’emblée un détour de près de trois cents kilomètres dans le meilleur des cas. Pour ceux qui partaient de Bordeaux, le périple qui les aurait amenés en Quercy avant de revenir sur leur pas jusqu’à Tonneins et de repartir vers Villemur paraît totalement absurde. Par ailleurs, une troupe en provenance de Puylaroque aurait dû atteindre Casseneuil avant Tonneins et Gontaud. À moins que l’auteur de la Chanson de la Croisade n’ait inversé par erreur l’ordre des localités assiégées par les croisés, on est conduit à supposer qu’un autre Puylaroque pourrait être en cause. Or, si l’on se réfère au texte original, on constate que le vers 312 de Guillaume de Tudèle mentionne en réalité la prise d’un lieu nommé « Peguarocha » et non Poi la Rocha ou Poi de la Rocha comme on l’attendrait.

    Cette relecture étant faite, la mention de Gontaud parmi les places assiégées offre dès lors une nouvelle piste. On constate en effet que ce castrum avait été possédé, peu de temps avant les événements, par Henri de Gontaud qui venait de décéder, lequel


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était seigneur également de Biron et d’un castrum nommé Bigaroque en Périgord. De même, il n’est pas indifférent de noter que Tonneins et Casseneuil, les deux autres places assiégées par les croisés, étaient en possession d’un même lignage, les Rovignan. Est-ce un hasard par ailleurs si on retrouve ensemble Hugues de Rovignan seigneur de Casseneuil et Gaston de Gontaud, fils d’Henri, en 1238, dans le cercle des témoins d’un hommage de Gaillard de Beynac, dont le lignage avait précisément été spolié de la coseigneurie de Bigaroque peu avant la croisade.

    Au demeurant, les quelques hérétiques brûlés à Casseneuil par les croisés suffisent à peine à expliquer les motivations des croisés dans cette chevauchée en Agenais. Ici, l’identité de l’évêque d’Agen apporte sans doute un élément de réponse. Il s’agissait en effet d’Arnaud de Rovignan qui n’était autre que le frère du seigneur de Casseneuil, Hugues de Rovignan, et vraisemblablement du seigneur de Tonneins, Raimond-Bernard de Rovignan.

    L’évêque d’Agen, on est tenté de le soupçonner, serait donc venu faire valoir par la force des intérêts propres, aussi bien à Casseneuil qu’à Tonneins. Quant au castrum de Bigaroque, il venait d’être acquis, en même temps que Biron, par un ancien sénéchal de Jean Sans Terre, Martin Algaïs, passé depuis au service du comte de Toulouse. Martin Algaïs succédait ici à Henri de Gontaud dont il avait épousé la fille Aina. On sait que la croisade reparaîtra en 1212 en Périgord pour s’emparer de Biron en même temps que de Casseneuil, une fois encore, puis en 1214 pour assiéger Beynac. Martin Algaïs sera d’ailleurs exécuté à l’issue de la prise de son château par Simon de Montfort.

    Pour ce qui concerne Bigaroque, on constate seulement que ce castrum qui appartint conjointement aux Beynac et aux Gontaud à la fin du XIIe siècle (2), ne figurait plus parmi les possessions de ces familles après la croisade mais qu’il figurait en revanche au nombre des nouvelles possessions périgourdines de l’archevêque de Bordeaux, avec Belvès, Berbiguières et Couze. Ce transfert n’offre-t-il pas a posteriori un motif plausible à l’archevêque de Bordeaux pour avoir conduit les croisés à Bigaroque plutôt qu’à Puylaroque ?

1. R. de Castelnou ou plus probablement B. de Castelnou, mentionné par G. de Tudèle, a été abusivement identifié avec Ratier, seigneur de Castelnau-Montratier. Il s’agissait plus vraisemblablement de Bernard de Castelnau, seigneur de Castelnau-Bretenoux.
2. Le castrum de Bigaroque est mentionné pour la première fois en 1143 et il semble qu’il appartienne à cette époque à Adémar de Beynac et à Guillaume de Biron, fondateurs de l’abbaye de Cadouin. En 1195, Richard Cœur de Lion avait cédé Beynac et Bigaroque à son capitaine Mercadier, à la suite du décès sans héritier d’Adémar de Beynac et au détriment des collatéraux. Par la suite, les parts tenues par les Biron passèrent par mariage à Gaston de Gontaud. Le nom est écrit Begaroca en 1147 et 1195 et Bigarocha en 1207.
Bibliographie : La chanson de la croisade albigeoise, édition bilingue occitan-français, Paris : Berg, 1984 ; Roquebert (M.), L’épopée cathare, t. I, Privat : 1970, p. 240 ; Vigié (A.), « Possessions des Archevêques de Bordeaux en Périgord » dans Bulletin de la société historique et archéologique du Périgord, t. XV-XVII (1910), p. 357-401. Maubourguet (J.), Sarlat et le Périgord méridional, t. I, p. 207-209. »

    Michel Roquebert juge la démonstration parfaitement convaincante, tout comme Patrice Cabau qui ajoute que Gilles Séraphin corrige une absurdité longtemps répétée sans autre vérification, alors qu’en effet, du point de vue de la toponymie, il ne pouvait s’agir de Puylaroque.

    Le Secrétaire-adjoint rend compte d’une visite qu’il a effectuée le samedi 19 avril dernier à Martres-Tolosane, sur le site de la villa romaine de Chiragan. Sur le terrain labouré ont été récoltées de nombreuses tesselles de pâte de verre, toutes bleues à l’exception d’une tesselle rouge et d’une autre jaune-vert, que l’on fait circuler parmi la Compagnie. Daniel Cazes a indiqué que ces tesselles bleues avaient été mentionnées par les archéologues du XIXe siècle, mais qu’aucune n’avait été recueillie.
    Mais la visite a aussi permis de constater qu’une fouille clandestine avait été pratiquée tout récemment sur le terrain appartenant à notre Société. Il faudra prendre l’avis du Maire de Martres-Tolosane et convenir des mesures à prendre, le Président rappelant que des négociations sont en cours pour enclore le site, ce qui devra donc être accéléré.

    La Compagnie entend ensuite le rapport de Michèle Pradalier-Schlumberger sur la candidature de M. Emmanuel Garland qui est élu membre correspondant.

 

SÉANCE DU 6 MAI 1997

Présents : MM. Pradalier, Président, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mme Pradalier-Schlumberger, MM. Blaquière, Cabau, Gérard, Gilles, Julien, le Père Montagnes, Nayrolles, Péaud-Lenoël, Peyrusse, l’abbé Rocacher, Roquebert, Tollon, membres titulaires ; M. Costa, membre libre ; Mmes Aribaud, Blanc-Rouquette, Delaplace, Napoléone, Pujalte, M. Bertrand, membres correspondants.
Excusé : M. Coppolani, Directeur.

 

    Le Président ouvre la séance en rappelant que celle-ci sera un peu particulière, puisqu’elle verra se succéder deux communications.


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    La parole est donc à M. Georges Costa pour une communication consacrée à Pierre Levesville et la reconstruction de la cathédrale de Nîmes, publiée dans ce volume (t. LVII, 1997) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Georges Costa pour cette communication en effet très condensée et qui suscitera sans doute bien des questions sur les interventions des différents architectes et sur Levesville et ses rapports avec Toulouse. Le Président remarque qu’il semble que tous ceux qui interviennent sur le chantier soient recrutés dans un espace géographique assez restreint, excepté Levesville. Georges Costa dit que cela est tout à fait exact : Baudan propose toujours des maçons dont il s’assure plus ou moins le contrôle. En revanche, les chanoines essayent de faire appel à des personnes extérieures comme J. Tuillier, maître architecte de Reims qui travaille à Grenoble, ou les Laurent d’Aix-en-Provence. Georges Costa ajoute que Baudan, qui appartient à la bourgeoisie cévenole et auquel succède son fils dans la charge de maître des œuvres royaux de la sénéchaussée de Nîmes, a fait l’objet d’une thèse à l’Université de Lyon.

    Le Président voudrait avoir des précisions sur les malfaçons des contreforts. Pour Georges Costa, c’est sans doute la mauvaise qualité de la pierre qui est en cause, Baudan déclarant d’ailleurs qu’il les a faits plus grands que prévu, mais il est évident que Baudan n’est pas habitué à ce genre de travaux.
Répondant au Président, Georges Costa précise que les apports de Levesville sont connus par deux pièces, le procès-verbal final et un projet, qui était accompagné de dessins qui ont malheureusement disparu, qui contient de nombreuses précisions sur les matériaux et des détails constructifs.

    Louis Latour rappelle que Levesville est aussi intervenu sur le pont d’Auterive. À ce propos, il voudrait savoir si l’on connaît pour les édifices religieux, comme pour le pont d’Auterive, des successions d’enchères aboutissant à un rabais final de 30 %, ce qui pourrait expliquer certaines malfaçons. Georges Costa dit combien il a été intéressé par l’article consacré au pont d’Auterive, puis indique que l’on a l’impression que le chantier de la cathédrale de Nîmes fait l’objet d’une sorte d’entente, l’affaire étant traitée sur le plan local.

    Pascal Julien demande si l’on connaît le partage du coût de la reconstruction entre les différentes parties. Georges Costa répond par la négative, et ajoute que 100 000 livres devaient être à la charge des chanoines selon une estimation des travaux, mais que le contrat sera finalement passé pour 39 000 livres en 1618.

    Bruno Tollon remarque que l’étude du chantier de la cathédrale de Nîmes montre combien on a de difficultés, au pays de la stéréotomie, à trouver des architectes capables de réaliser des voûtes. Cela doit sans doute conduire à réviser les hypothèses de Jean-Marie Pérouse de Montclos élaborées à partir d’appellations comme celle d’arrière-voussure de Montpellier. Il apparaît que bien souvent on ne trouve pas sur place les architectes ou les entrepreneurs capables de réaliser ces ouvrages. Georges Costa ajoute que les découvertes faites sur la grande vis de Toulouse sont de ce point de vue considérables, et il demande si l’on a d’autres renseignements sur ce Benoît Augier qui œuvre à Toulouse et à Mirepoix. Bruno Tollon dit que l’on ne sait rien de plus, si ce n’est qu’il est appointé par l’évêque de Mirepoix.

    Le Président attire l’attention sur le fait que la reconstruction de la cathédrale de Nîmes est encore prévue dans le style gothique, comme pour de nombreux autres édifices religieux d’ailleurs. Pour Bruno Tollon, cela montre que les architectes pouvaient avoir des choix esthétiques radicalement différents, qui nous paraissent aujourd’hui contradictoires. Georges Costa rappelle que les commanditaires ont évidemment un rôle déterminant dans le choix du style. Jean Nayrolles ajoute que la survivance gothique a été très importante en Provence.

 

    Le Président présente les derniers dons d’ouvrages faits à la Société par ses membres :
    - de lui-même, l’étude de Maylis Baylé sur La Trinité de Caen ;
    - de Pierre Gérard, l’ouvrage de Ferdinand Lot sur les villes de la Gaule.

    Puis le Président demande aux membres qui seraient disponibles le lundi 26 mai de 21 heures à 23 heures pour accueillir les visiteurs dans les locaux de notre Société, de se faire connaître.

 

    La parole est alors à Christine Aribaud pour la communication du jour : Quand une prestigieuse légende masque une mystérieuse origine : la chasuble en cuir de Saint-Bertrand-de-Comminges, publiée dans ce volume (t. LVII, 1997) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Christine Aribaud pour cette communication qui lui a en particulier permis de découvrir les techniques de travail du cuir. Plusieurs questions lui viennent à l’esprit, la première sur la nature des cuirs utilisés pour les chasubles allemandes. Christine Aribaud précise que les études font défaut sur ce point.
Le Président note alors que l’on ne connaît qu’une seule chasuble en cuir dans le Midi de la France, alors que les devants d’autels en cuir y sont relativement nombreux. Christine Aribaud dit qu’elle ne peut actuellement proposer aucune explication, tout en faisant remarquer que les devants d’autels sont épais et rigides et relèvent d’un traitement très différent des peaux.
Le Président demande s’il faut retenir l’idée que ces chasubles seraient des chasubles de voyage, donc plus facilement transportables. Christine Aribaud dit qu’il s’agit d’une affirmation habituelle mais non vérifiée, et qu’il serait nécessaire de mener la recherche dans les archives en Allemagne, pour laquelle on aimerait d’ailleurs savoir si les chasubles en cuir sont des productions économiques ou non.
    Bruno Tollon note que l’on a recours à des techniques très complexes pour imiter le tissu et Louis Peyrusse demande si les


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objets recouverts de cuir, coffres et reliures par exemple, relèvent de la même catégorie. Christine Aribaud répond que les techniques sont plus ou moins semblables en particulier dans les imitations de tissus. Louis Peyrusse se déclare abasourdi par la juxtaposition de l’aspect très populaire des motifs et des imitations de matières au contraire très précieuses. Christine Aribaud pense que c’est là que se trouve l’une des clefs de cette recherche, ces chasubles ayant peut-être été retenues pour des raisons économiques par des monastères. Pascal Bertrand n’est pas convaincu par cet argument, et rappelle qu’une chapelle du Vatican est entièrement tapissée de cuir donnant l’impression d’un damas.

    Répondant au Président, Christine Aribaud indique que l’ensemble du trésor de Saint-Bertrand-de-Comminges est en assez mauvais état. Pour ce qui est de la chasuble en cuir, un devis a été demandé et envoyé en 1984, mais il est resté sans suite : l’intervention prévue concernait la conservation seule, excluant toute idée de restauration.

    Au titre des questions diverses, Pascal Julien attire l’attention sur les graves menaces que représente la circulation automobile pour l’hôtel du Vieux-Raisin, déjà très dégradé. Illustrant son propos d’une diapositive très éloquente, il montre comment il serait sans doute possible de réduire un peu les nuisances dues aux gaz d’échappement en déplaçant le feu tricolore qui se trouve aujourd’hui juste devant le portail de l’hôtel. M. Blaquière confirme l’analyse de Pascal Julien.
La mesure proposée paraît souhaitable mais certainement pas suffisante. Après avoir rappelé que le carrefour d’Esquirol est le point de plus forte pollution de la ville, il est indiqué que les collections du Musée des Augustins ont considérablement souffert de cette proximité, et que c’est à leur déplacement vers 1950 que les sculptures du Musée Saint-Raymond doivent d’être dans un très bon état de conservation. La dégradation est plus difficile à mesurer sur l’hôtel du Vieux-Raisin qui n’a pas été restauré depuis le début du siècle, mais sera malheureusement très vite perceptible à l’Hôtel d’Assézat.
    Le Président demande de préparer une lettre qui sera envoyée à la Mairie, en proposant le déplacement du feu de trente ou cinquante mètres.

 

SÉANCE DU 20 MAI 1997

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; MM. l’abbé Baccrabère, Cabau, Gillis, Julien, Lassure, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Prin, l’abbé Rocacher, Roquebert, membres titulaires ; M. Costa, membre libre ; Mmes Blanc-Rouquette, Napoléone, MM. Garland, Manuel, membres correspondants.
Excusés : M. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mmes Cazes, d’Ercole, M. Peyrusse.
Invité : M. Moretto.

    Le Président souhaite la bienvenue à Emmanuel Garland, tout récemment élu membre correspondant et qui nous fait l’amitié de se joindre à nous, ainsi qu’à M. Moretto, invité ce soir en raison de sa passion pour le château narbonnais sur lequel il s’essaye en particulier à des reconstitutions informatisées.

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture des procès-verbaux des séances des 29 avril et 6 mai derniers, qui sont adoptés.
    Le Président signale le don par Michel Roquebert de nombreux ouvrages et plaquettes concernant le Comminges, Saint-Antonin-Noble-Val et autres, ainsi que plusieurs numéros de La Revue du Tarn qui viennent heureusement combler partiellement une lacune de notre collection. Michel Roquebert offre également à la Société le n° 25 (décembre 1995) de la revue Heresis, dans laquelle il a publié une Petite digression sur le " marteau des hérétiques " (p. 85-107). Le Président remercie Michel Roquebert au nom de la Société.
    Puis le Président annonce à la Compagnie que le Bureau a décidé de nommer une Bibliothécaire-adjointe aux côtés de Louis Latour, en la personne de Christine Delaplace qui a déjà en charge les échanges et qui participe activement avec Maurice Scellès au rangement de la bibliothèque depuis plusieurs mois.
    Il indique par ailleurs que la « maison carrée » de Nay, qui a fait l’objet ici d’une communication de Michèle Heng, vient de recevoir le prix de la restauration, également décerné à tous ceux qui ont participé à sa sauvegarde.
    Puis le Président détaille le programme de la soirée « porte ouverte » de lundi prochain 26 mai, organisée par l’Association des Amis de l’Hôtel d’Assézat. Il insiste sur le fait que le public a rarement l’occasion de visiter les locaux des Académies et Sociétés savantes, et fait appel aux membres qui seront disponibles ce soir-là pour en assurer la surveillance et la présentation. À titre de rappel, Daniel Cazes refait une présentation rapide des œuvres exposées dans la salle des séances.

    A la demande du Président, le Directeur présente ses observations sur la Contribution des Verts de la Haute-Garonne à la concertation sur le Schéma directeur de l’agglomération toulousaine. M. Coppolani conclut que ce texte ne manifeste aucune préoccupation concernant la préservation du patrimoine ancien, ni la conservation des sites envisagée du point de vue esthétique.


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    La parole est alors à Patrice Cabau pour une communication consacrée à L’ancien château narbonnais de Toulouse et ses origines.

    Le Président remercie Patrice Cabau et propose, en raison de l’heure avancée, de reporter la discussion à la prochaine séance.

 

SÉANCE DU 2 JUIN 1997

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; MM. l’abbé Baccrabère, Cabau, Gérard, Gillis, Julien, le Père Montagnes, Nayrolles, Prin, l’abbé Rocacher, Roquebert, membres titulaires ; Mmes Blanc-Rouquette, Delaplace, Napoléone, Pujalte, Rousset, MM. Burroni, Ginesty, membres correspondants.
Excusés : M. Ahlsell de Toulza, Trésorier.
Invité : M. Moretto.

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 20 mai dernier, qui est adopté.
    Le Président rend compte de la soirée « porte ouverte » organisée à l’Hôtel d’Assézat le 26 mai dernier. Il remarque que tout s’est déroulé dans une très bonne ambiance et que de très nombreuses personnes ont visité les locaux de notre Société. Il semble bien que l’expérience sera renouvelée l’année prochaine, Michel Plasson souhaitant organiser d’autres concerts dans l’Hôtel d’Assézat.
    Enfin, le Président et l’assemblée s’émeuvent de la forme de censure qu’exerce le nouveau conservateur de l’ensemble conventuel des Jacobins à l’encontre du livre de nos confrères Jean Rocacher et Maurice Prin, en interdisant sa vente au comptoir. Le Président annonce qu’il adressera un courrier à ce sujet au Maire de Toulouse.

    La parole est à M. Pierre Gérard pour la communication du jour : Sur les pas des chanoines de Saint-Sernin : San Saturnino de Artajona en Navarre. Genèse d’un prieuré (1086-1183).

    Le Président remercie Pierre Gérard qui nous a apporté de nombreux renseignements sur ce prieuré navarrais à partir du cartulaire de Saint-Sernin. Les préoccupations des historiens de l’art les portent volontiers vers les édifices eux-mêmes, et le Président demande si les actes contiennent des précisions sur les bâtiments du prieuré. Pierre Gérard précise que c’est le cas pour un seul acte qui mentionne une tour construite par Saint-Sernin et dont on a joui pendant trente ans. D’autres églises apparaissent cependant dans le cartulaire, comme par exemple San Esteban, dans le territoire de Puente la Reina, dont le clocher est dit vers 1104 fait de pierre et de torchis.
    Patrice Cabau fait remarquer que l’évêque de Pampelune Pierre d’Anduque, après avoir été oblat à Conques a certes pu se trouver à Saint-Pons, mais n’a pu en être abbé, Frotaire étant abbé de Saint-Pons jusqu’en 1099. Pierre Gérard indiquant qu’il a eu la possibilité de travailler sur les actes originaux des moines de Ronceveaux, alors que Mgr Douais n’avait disposé que de copies, Patrice Cabau voudrait en outre savoir si la graphie de ces actes ressemble à la graphie toulousaine. Pierre Gérard précise qu’il s’agit au contraire d’une cursive très proche de l’onciale.

    Daniel Cazes profite de cette très intéressante communication pour rappeler que l’iconographie de saint Saturnin est très abondante dans toute cette région, et il évoque l’exemple de Saint-Saturnin de Pampelune. Le plus important cycle peint consacré à la vie de saint Saturnin que l’on connaisse en provient : il s’agit d’admirables peintures murales gothiques qui se trouvent aujourd’hui au Musée de Navarre à Pampelune. Artajona et Pampelune sont une nouvelle occasion de revenir sur le problème de la conservation des sculptures en milieu urbain : à Artajona, en pleine campagne, le tympan du portail est parfaitement conservé alors que le bas-relief placé au-dessus du porche d’entrée de Saint-Saturnin à Pampelune, donnant sur rue, est très dégradé. Daniel Cazes rappelle par ailleurs que la restauration très complète qu’a connue la cathédrale de Pampelune ces dernières années, et qui a été précédée d’une étude archéologique minutieuse, a permis de mettre au jour la cathédrale romane et une série de chapiteaux qui présentent de stupéfiantes similitudes avec la sculpture toulousaine.

 

    Le Président demande que les membres qui souhaitent présenter une communication au cours de la prochaine année académique s’inscrivent sur la liste qu’il met en circulation. Il demande en outre à la Compagnie d’excuser son absence lors de dernière séance de l’année, qui sera donc présidée par notre Directeur.


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    La fin de la séance est consacrée à la discussion sur les origines du château narbonnais qui n’a pu avoir lieu faute de temps à la suite de la communication de Patrice Cabau. Le Président donne tout d’abord la parole à l’abbé Rocacher qui présente des diapositives de la plupart des documents graphiques que Maurice Prin et lui-même ont utilisés pour leur étude de l’édifice.

    Patrice Cabau remercie l’abbé Rocacher de nous avoir présenté cette documentation qu’il souhaite utiliser à son tour pour illustrer ses propos.

    Répondant à une question de Patrice Cabau, l’abbé Baccrabère reconnaît qu’il savait que le fait de placer deux tours à l’extérieur du rempart romain n’était pas très scientifique (« Observations sur une tour du rempart antique de Toulouse et du tracé de l’enceinte », dans Mémoires de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, vol. 135, 15e série, t. IV, 1973, p. 218-219). Quand il a eu mieux dominé le sujet, il a pensé que le château était en fait plutôt sur le rempart romain.

    Patrice Cabau évoque l’attaque de la porte en 849, puis la description du XVIe siècle qui lui fait penser à une double porte, du type de la porte d’Auguste à Nîmes. Daniel Cazes dit qu’il a lu Noguier sans jamais parvenir, sur ce point, à bien le comprendre. On peut garder à l’esprit que les portes romaines ont un arc d’entrée, une voûte et un arc de sortie, ce qui serait une lecture plus économe et plus logique du texte. Daniel Cazes rappelle par ailleurs qu’il a proposé l’hypothèse d’une porte et d’un arc de triomphe placé à quelque distance sur la voie romaine. Aucune de ces constructions n’étant conservée, la prudence est de mise et on ne peut exclure l’hypothèse d’une porte-arc de triomphe bien que cette forme paraisse rare et peu probable. Daniel Cazes souligne qu’en tout cas, ce que montre la planche publiée par Noguier ne peut être que le passage latéral d’un arc à trois baies : cela lui paraît clair même si l’hypothèse n’a pas été contrôlée archéologiquement.

    La discussion porte ensuite sur les représentations données par les sceaux et leur éventuelle valeur documentaire.

    Dans la planche de Nicolas Bertrand et la vue du pont de Tounis, Patrice Cabau voit surtout une cohue monumentale où il ne perçoit pas de structure cohérente : tout au plus reconnaît-on la tour de l’aigle qui est d’ailleurs mal placée. Pour Maurice Prin, si la miniature de Mathieu Cochin juxtapose le château et les moulins du château, qui sont vus depuis le pont Vieux, c’est que celle-ci va à l’essentiel.

    Patrice Cabau précise que l’arc de la planche de Noguier se trouvait dans la salle des procureurs où il devait être visible avant la démolition des années 1549-1555. Daniel Cazes le situait à proximité de la tour de l’horloge, laquelle s’y appuyait peut-être. Pour Patrice Cabau cela n’est pas possible, car la tour aurait alors été détruite en même temps ; il ajoute que les pierres récupérées lors de la démolition ont été réutilisées pour la reconstruction des voûtes de la cathédrale Saint-Étienne.

    Daniel Cazes saisit l’occasion pour signaler à la Compagnie qu’une découverte toute récente vient de confirmer le remploi de pierres provenant du château narbonnais lors de la reconstruction de la cathédrale dirigée par Pierre Levesville, dont le chantier a été bien étudié par notre confrère Georges Costa. Les travaux actuels ont permis d’observer que du côté sud, un bloc du tas de charge d’un contrefort construit entre 1610 et 1612 avait été retaillé dans une corniche romaine dont subsiste la ligne d’ornement. Il faut cependant remarquer qu’il s’agit là d’un bloc de pierre alors que les éléments de corniche retrouvés en 1839 sur l’emplacement du château narbonnais sont en marbre : on ne peut donc être sûr que tous proviennent d’une même et unique construction romaine.

    L’abbé Rocacher, Patrice Cabau et Daniel Cazes analysent alors les différentes découvertes faites sur la place du parlement. L’abbé Rocacher conclut en disant que Maurice Prin et lui-même ne prétendent certes pas avoir les solutions définitives aux nombreux problèmes que pose le château narbonnais.

 

SÉANCE DU 16 JUIN 1997

Présents : MM. Coppolani, Directeur, Latour, Bibliothécaire-archiviste ; Mme Cazes, MM. l’abbé Baccrabère, Cabau, Hermet, Julien, le Père Montagnes, Manière, Nayrolles, l’abbé Rocacher, Roquebert, membres titulaires ; Mmes Aribaud, Blanc-Rouquette, Delaplace, Jimenez, Napoléone, Pujalte, MM. Bertrand, Burroni, Ginesty, membres correspondants.
Excusés : MM. Pradalier, Président, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint.

    La présidence de la séance est assurée par le Directeur, Jean Coppolani.

    L’ordre du jour donne la parole à Pascal Julien pour une communication consacrée à l’Ample description de la ville de Toulouse par Léon Godefroy (1638).

    Le Directeur remercie Pascal Julien pour sa présentation et souligne tout l’intérêt que présente ce document, en particulier pour l’architecture toulousaine du XVIIe siècle.
L’abbé Rocacher demande si le texte mentionne l’emplacement de la Vierge du Montement de l’église Notre-Dame de la Daurade. La réponse est négative.
    Pascal-François Bertrand intervient pour faire remarquer que le texte de Léon Godefroy n’est pas tout à fait inédit et qu’il en a pour sa part fourni une copie à la bibliothèque universitaire de Toulouse à partir de la copie qui existe à la bibliothèque de Bordeaux, il y a de cela un mois à peine. Pascal Julien répond que le texte est en effet connu depuis longtemps, et qu’il l’a lui-même largement utilisé. Mais si la description de Bordeaux a été publiée, celle de Toulouse reste peu accessible. Quitterie Cazes pense qu’il est en effet important que ce texte ne reste pas connu des seuls érudits et qu’il soit donc publié dans son intégralité.


M.S.A.M.F., T. LVII, page 233

    Puisque Pascal Julien a rappelé les descriptions que l’on connaît pour le XVIe siècle, celle de A. Golnitz ou celle des frères Potter, Jean Nayrolles demande si le texte de Léon Godefroy adopte la même présentation. Pascal Julien indique que l’auteur a le même souci de classification, mais qu’il donne d’abord une description topographique qui précède une présentation organisée par grands thèmes.

    Le Directeur donne ensuite la parole à M. Gabriel Manière pour sa communication : Fours de potiers et de tuiliers gallo-romains et médiévaux de la région de Cazères : les structures.

    Le Directeur remercie M. Gabriel Manière pour sa communication et fait appel aux questions.
    Quitterie Cazes souligne la qualité du travail réalisé par M. Manière, en dépit des faibles moyens dont disposait l’archéologie dans les années 1960, et elle s’étonne de la précocité de l’application des techniques scientifiques modernes en particulier pour les datations. M. Gabriel Manière explique comment les ingénieurs avec lesquels il a pu travailler ont apporté leur concours.

    Pascal-François Bertrand signale à l’attention de la Compagnie l’exposition consacrée à François de Troyes par le Musée Paul-Dupuy.

    Le Directeur prononce la clôture de l’année académique.

 


Planches hors texte

 

Saint-Rustice, tenture (31 Ko)

Saint-Rustice, Thétis (52 Ko)

MOSAIQUE DE SAINT-RUSTICE (HAUTE-GARONNE),
MUSEE SAINT-RAYMOND (TOULOUSE).
En haut : détail de la tenture sur laquelle se détache le dieu Océan. En bas : la nymphe Thétis.
Clichés Eric Morvillez.

Escargots, livre d'Heures (45 Ko)

ESCARGOTS SUR UNE BORDURE FLEURIE, encadrant une miniature représentant la Mort de la Vierge, livre d'Heures, XVe siècle, B.M. Toulouse.
Cliché B.M. Toulouse.

Chasuble en cuir (38 Ko)

CHASUBLE EN CUIR DE SAINT-BERTRAND-DE-COMMINGES (HAUTE-GARONNE), premier tiers du XVIIIe siècle.
Cliché Christine Aribaud.

Natoire, Modello (41 Ko)

CHARLES-JOSEPH NATOIRE, MODELLO POUR LA DÉCOLLATION DE SAINT JACQUES DE CASTRES (TARN.
Collection particulière