Société Archéologique  du Midi de la France
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Le « Grand Saint-Sernin » : 

separateur

un projet européen pour Toulouse et la Région Languedoc-Pyrénées ?

Texte publié dans La Voix du Midi

 

Lors d’un précédent article dans la Voix du Midi, nous avons plaidé en faveur d’un grand projet à la fois patrimonial et urbain pour Saint-Sernin et ses abords. Un certain nombre de contacts et d’informations nous a conforté dans cette idée, qui est aussi portée par la Société archéologique du Midi de la France. Il faut s’accorder sur l’ambition nécessaire d’un tel projet, certainement celui que Toulouse ne peut se permettre de rater ou de faire à moitié. Parce qu’il est, d’une part, le seul qui, bien au-delà des limites communales, la doterait de cette « locomotive » indispensable à son classement au sein du Patrimoine mondial de l’UNESCO, et, d’autre part, celui qui serait au niveau de sa nouvelle dimension de capitale d’une merveilleuse région. 

Rappelons l’enjeu : mettre en valeur et expliquer, au cœur de la ville, son monument majeur, parce qu’il est puissamment identitaire et attractif. Ainsi  les Toulousains se l’approprieraient pleinement, de tous les points de vue (cultuel, culturel, esthétique, urbain, touristique, etc.) et le monde entier aurait envie de venir à Toulouse découvrir l’exceptionnelle église romane entreprise au XIe siècle. Que seraient aujourd’hui Madrid sans le Prado, Bilbao sans le Guggenheim, Londres sans Westminster et le British Museum, Berlin et Munich sans leurs extraordinaires bouquets de musées, Paris sans Notre-Dame et le Louvre, mais aussi Damas et Cordoue sans leurs grandes mosquées, ou Pise et Strasbourg sans leurs cathédrales ? Pour Toulouse, c’est Saint-Sernin qui s’impose.

Cependant, la seule existence de ces hauts lieux de la civilisation ne fait pas tout. Il y a aussi la manière dont on les respecte, les connaît, les considère, les met à la hauteur de la vue de tous ceux qui, urbi et orbi, ont la volonté d’en apprécier les qualités irremplaçables. On ne peut en effet valoriser que ce que l’on connaît. Or, dans le cas de Saint-Sernin, les démolitions inconsidérées pratiquées à ses abords au XIXe siècle nous ont privés de la majeure partie du contexte du monument et donc d’éléments indispensables à sa compréhension. Notre devoir est aujourd’hui de retrouver tout qui peut l’être, et donc de réaliser de vraies fouilles archéologiques – pas seulement les sondages annoncés – sous les places Saint-Raymond et Saint-Sernin. C’est le premier acte de l’opération. En faire l’économie serait une erreur puisque son résultat conditionne la définition du projet : concrètement, le cahier des charges sans lequel ni l’urbaniste, ni les architectes, ni les conservateurs de musées et de monuments peuvent agir rationnellement. L’archéologue les précède nécessairement et l’urbaniste ne saurait seul décider d’un projet aussi complexe.

C’est pourquoi, dans le monde actuel, partout où il y a tant à gagner avec un tel acquis patrimonial, l’archéologie intervient autour du monument  avant la mise en valeur d’ensemble. L’exemple de Valence, en Espagne, entre autres, mérite d’être médité à Toulouse, parce que les deux villes, d’importance comparable, sont actuellement confrontées aux mêmes.  problèmes de développement urbain et touristique. Il y a une trentaine d’années, comme aujourd’hui, le Micalet, célèbre clocher de la cathédrale, servait de repère monumental majeur à la ville. Mais, depuis ce temps, les choses ont beaucoup évolué : la cathédrale


Valence. Place de la cathédrale.

Centre archéologique de La Almoina.

L'Almudin. Cliché micalet1717, 2011.

a été restaurée, et, à ses abords, les musées se sont multipliés, rénovés, agrandis, un magnifique lieu d’exposition temporaire a été aménagé dans l’Almudin (grenier arabe des XIIe  et XIIIe  siècles), jardins et places ont été rendus aux piétons, et toute une partie de la ville antique et médiévale a été fouillée au chevet de la cathédrale, sous l’ancienne Almoina (institution charitable).  La fouille a généré un site archéologique de première importance, dont la visite est aujourd’hui passionnante.  Que retenir, en clair ? Autour du monument principal de la ville, on a su valoriser ou créer de nombreux autres points d’intérêt, qui permettent à la fois de mieux comprendre la cathédrale et d’élargir le champ culturel comme celui du tourisme. C’est dans ce sens qu’il faut aller à Saint-Sernin, pour l’avenir de Toulouse et du Languedoc.

 

Daniel Cazes
Conservateur honoraire de Saint-Sernin et du musée Saint-Raymond
Président de la Société archéologique du Midi de la France
4 juin 2015


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