Société Archéologique  du Midi de la France
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Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LV (1995)



BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE

1994-1995

Établi par Maurice SCELLÈS

 

Cette édition électronique respecte la mise en page de l'édition imprimée (Bulletin de l'année académique 1994-1995, dans Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, t. LV, 1995) dont nous indiquons la pagination.

1ère partie
Séances du 8 novembre 1994 au 21 mars 1995
2e partie
Séances du 25 mars 1995 au 20 juin 1995

M.S.A.M.F., T. LV, page 207

 

Séance du 8 novembre 1994

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Cazes, Secrétaire général, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, MM. l'abbé Baccrabère, Bernet, Bertrand Boudartchouk, Cabau, le général Delpoux, Fabre, Gérard, Gillis, Gilles, Ginesty, Hermet, Julien, Manière, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, l'abbé Rocacher, Roquebert, Tollon.
Excusés : M. Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Labrousse, Pradalier-Schlumberger.

    La séance commence à 17 heures. Le Président prononce l'ouverture de l'année académique 1994-1995.

    Le Président rend hommage au dévouement du Bibliothécaire-archiviste, qui non seulement assure une permanence chaque mardi après-midi à l'Institut d'Études méridionales, mais qui a de surcroît consacré ses vacances à la gestion de la Bibliothèque : classement des ouvrages et établissement du Thesaurus destiné à la saisie informatique du fichier. Henri Pradalier souligne l'utilité et l'ampleur du travail de Louis Latour, qu'il remercie au nom de la Compagnie.

    Henri Pradalier donne ensuite lecture de divers courriers adressés à la Société :

    - annonce de l'exposition consacrée par la Bibliothèque municipale et la Bibliothèque inter-universitaire à Toulouse à l'époque romantique ; cette exposition, inaugurée le 7 novembre, se tiendra jusqu'au 18 décembre ;
    - invitation à la remise du Prix de la Fondation E.-H. Guitard à Quitterie Cazes, membre de notre Compagnie ; cette cérémonie aura lieu à l'Hôtel d'Assézat le 8 décembre ;
    - lettre de la Commission archéologique de Narbonne, qui annonce qu'elle cesse d'appartenir à la Fédération historique des Sociétés savantes de Languedoc-Pyrénées-Gascogne ; la Commission motive cette décision par le fait que, contre tous les usages et au mépris des statuts de la Fédération, elle a été tenue à l'écart de l'organisation du prochain Congrès, qui doit se dérouler à Narbonne ;
    - lettre d'Anne-Laure Napoléone, qui remercie la Société d'avoir distingué ses travaux et présente sa candidature au titre de membre correspondant ;
    - lettre de Mme Michèle Heng, maître de conférences d'Histoire de l'Art à l'Université de Toulouse-Le Mirail, qui postule au titre de membre correspondant.

    Le Président rappelle, à propos de la première candidature, qu'il est d'usage que la Société accueille favorablement les postulations de ses lauréats. Pour la seconde, il rappelle qu'elle a fait l'objet d'une discussion au sein du Bureau, la candidate étant spécialiste d'art contemporain. Cela a amené le Bureau à réfléchir sur les limites chronologiques que la Société souhaitait respecter. Il a été rappelé que les fondateurs avaient établi qu'il ne saurait être question d'aborder la période postérieure à 1789. Il a été remarqué que cette date n'avait pas été respectée et que nombreuses avaient été les communications sur le XIXe siècle, et ce depuis longtemps. Nos fondateurs avait voulu neutraliser un laps de temps d'une quarantaine d'années.
    Se référant à cette volonté, le Bureau a estimé que la Société Archéologique pouvait traiter des questions d'histoire, d'histoire de l'art et d'archéologie jusqu'en 1914. Dans quelques années il sera peut-être souhaitable de repousser cette limite chronologique à 1945, à condition de ne traiter que de sujets n'impliquant pas des personnes encore vivantes.
    Concernant la candidate, il est fait remarquer que son champ d'étude s'étendant aussi à la période antérieure à 1914, rien ne s'oppose à sa candidature. La parole est alors donnée à Louis Peyrusse pour la lecture du rapport. Mme Michèle Heng est élue membre correspondant de notre Société.

    Henri Pradalier donne ensuite lecture d'un texte que lui a remis Gabriel Bernet, gêné par une extinction de voix ; il s'agit d'une note relative aux aspects techniques des moulins pasteliers du Lauragais et de l'Albigeois au milieu du XVIIe siècle :


M.S.A.M.F., T. LV, page 208

    « Le moulin pastelier avait-il deux niveaux ?

    Depuis longtemps je suis intrigué par la présence d'un degré ou escalier, dans trois actes notariés concernant les moulins pasteliers, au XVIIe siècle.

    1. Le 5 mars 1652, dans une ferme située à En Boulou sur le territoire du Bourg-Saint-Bernard, un charpentier vérifie l'état d'un moulin pastelier : il faut refaire « la louve qui est à la meule et le degré pour monter au moulin ».
    La louve (alias loba) étant la barre qui relie le pilier central mobile au centre de la meule pastelière, toujours en bois dans la région concernée.
    Tiré des minutes du notaire Jean Berenguier, A.D. 31, 3 E 13841-liasses.

    2. Le 21 janvier 1657 à Lavaur, dans un bail à bâtir un moulin pastelier, par un maître charpentier de Puylaurens, il est écrit : le charpentier fera « la nauque à mouldre les pastels, la louve et un petit degré pour monter aud. moulin ».
    La nauque ou nauquière est l'auge circulaire en bois dans laquelle la meule écrase les feuilles de pastel.
    L'acte est écrit par le notaire Jean Mazas à Lavaur, A.D. 8 1, Arch. Not. fonds Lonjon n° 39.

    3. Le 6 avril 1662, il s'agit de remettre en état le moulin pastelier de Nicolas Delguy à Pugnères (commune actuelle de Teulat). Il faudra « faire une échelle pour monter au moulin ».
    Notaire Jean Berenguier, A.D. 31, 3 E 13837 f' 104.

    Des termes de ces trois actes, on peut déduire que le moulin pastelier avait un rez-de-chaussée et un étage.

    4. En 1700, chez le marquis de Verdalle à Loubens-Lauragais, le local du moulin mesure treize mètres de long sur dix mètres et soixante-quinze centimètres de large. Là aussi, on monte « au-dessus des cledats dudit moulin par un degré de bois ».
    Archives du château de Loubens.
    Les cledats étant la pièce où les coques sèchent sur des claies. Il est encore dit dans ce rapport que l'auge circulaire est de bois... « et la meule qui est de bois aussy n'ayant besoin d'y mettre plusieurs taxons ». Sont appelés ici « taxons » les couteaux de frêne fixés sur la tranche de la meule. Tiré du registre particulier de François Delpuech, A.D. 31, E n° 603 : « 1er mars 1574, payé 12 l. 10 s. pour un fraisse (frêne) pour fere les couteaus de la meule pastelière, ou pour certains couteaus y mis ».

    Pourquoi deux niveaux ?
    Le pilier central tourne sur son axe, actionné par l'animal qui tourne au rez-de-chaussée comme dans une noria. Une barre relie le pilier au collier du cheval. Le pilier traverse le plancher de l'étage et passe au milieu d'une auge circulaire qui est fixe et repose sur un bâti en bois (signalé par Louis Latour à Auterive).
    Une seconde barre, la louve, fixée au pilier, passe au centre de la meule animée d'un double mouvement : elle avance dans l'auge et tourne autour de l'axe de la barre, les couteaux de la meule pouvant ainsi hacher les feuilles.
À l'étage, le meunier a toute liberté pour alimenter l'auge en feuilles et, ensuite, pour retirer les morceaux de pâte qui serviront à faire les coques ou cox.
    Au rez-de-chaussée, l'animal, en actionnant le pilier, fournit l'énergie qui met tout le moulin en mouvement.
    Cette restitution hypothétique du moulin est attrayante et permet de régler nombre de problèmes. Mais les trois ou quatre actes auxquels je fais allusion sont-ils suffisants pour admettre la présence de deux niveaux dans tous les moulins pasteliers ? Il faudrait d'autres exemples pour pouvoir le confirmer.
    J'ajoute que cette interprétation de la marche du moulin pastelier a été élaborée en collaboration avec M. Jacques Bouvier, ingénieur au Bourg-Saint-Bernard. »

    La discussion s'engage sur les caractéristiques des meules à pastel. Michel Roquebert demande si l'on en connaît le poids. Gabriel Bernet répond par la négative : on ne dispose d'aucune information quant à leurs dimensions ; on sait seulement qu'il s'agit toujours dans le Lauragais de meules en bois, pourvues de couteaux, qui hachent donc davantage qu'elles n'écrasent, et qu'elles sont mues par un mécanisme actionné par un animal, généralement un cheval. Louis Latour s'interroge sur la possibilité d'existence de deux catégories de meules, les unes destinée à hacher, les autres à broyer. Guy Ahlsell de Toulza note parallèlement la dualité des opérations de hachage des feuilles de pastel fraîches et de concassage des coques sèches.

    Le Président cède ensuite la parole à l'abbé Baccrabère pour la communication du jour, intitulée Les puits funéraires toulousains du quartier d'Empalot (IIe-Ier siècles avant J.-C.) et publiée dans ce volume (t. LV, 1995) de nos Mémoires.

    Henri Pradalier remercie l'abbé Baccrabère et insiste sur l'importance du travail graphique qu'il a réalisé pour situer les excavations disparues, les figurer, et dessiner le mobilier recueilli. Ayant souligné l'ingratitude de cette tâche, ainsi que la modestie de son auteur, il déclare que « Monsieur l'Abbé est une mémoire ». Georges Baccrabère répond qu'il a essayé avant tout d'accumuler les observations et de constituer des inventaires, de rassembler des matériaux que les générations futures de chercheurs pourront exploiter ; il s'est efforcé de suivre le conseil que lui donnait Gaston Astre : « Cherchez à décrire, le plus précisément possible. D'autres interpréteront... »


M.S.A.M.F., T. LV, page 209

    Henri Pradalier fait appel aux questions de la Compagnie. Quitterie Cazes demande à l'abbé Baccrabère s'il lui serait possible, à présent, d'entreprendre une synthèse sur les puits dits funéraires, en vue notamment de résoudre le problème de leur destination, funéraire ou non funéraire. Georges Baccrabère dit qu'il a commencé à donner des indications à ce sujet à partir de l'étude des ossements. Toute synthèse lui paraît aujourd'hui prématurée : il convient de rester prudent, de ne pas se précipiter. Rappelant qu'il a publié l'étude d'une centaine de puits, il indique qu'il lui en reste autant à étudier et à publier. Henri Pradalier s'enquiert de l'endroit où se trouve le mobilier recueilli. L'abbé Baccrabère répond que tout ce matériel est entreposé dans les réserves du Musée archéologique de l'Institut catholique, et qu'il en a réalisé le classement, avec inventaires et catalogues. Daniel Cazes ajoute qu'une synthèse devra également prendre en compte les collections du Musée Saint-Raymond, qui correspondent au résultat de trois siècles de recherches ; il signale que ce dépôt vient de s'enrichir du fonds cédé par les héritiers de Georges Fouet. L'abbé Baccrabère fait observer que l'étude du fonds Joulin, déposé au Musée du Vieux-Toulouse, lui a demandé quinze ans de travail.

    Daniel Cazes souligne l'originalité des puits de la région toulousaine, de la moyenne vallée de la Garonne, de l'Ariège et du Gers. Il déplore l'étendue des destructions : à Toulouse, les travaux ont fait disparaître des centaines de ces excavations ; les zones où elles sont concentrées seraient ailleurs classées comme sites archéologiques d'intérêt national. Georges Baccrabère note que les travaux menés dans le quartier d'Empalot ne lui ont permis de repérer qu'un nombre de puits - ou de vestiges de puits - relativement réduit, en comparaison des très nombreuses « cavités » que Léon Joulin a pu fouiller à proximité.

    Louis Latour insiste sur la remarquable homogénéité du mobilier céramique, qui consiste surtout en poteries de tradition locale et en céramiques d'importation, italiques (amphores Dressel I et campanienne A) ou ibériques. Il signale qu'il a rencontré aussi la marque d'amphore HE liés dans les couches profondes des fouilles qu'il a conduites à Auterive ; elle y était associée à des fragments de vases ampuritains et à des monnaies de même origine. Puis il pose le problème des critères de datation. Concernant la céramique campanienne de type A, il observe de sensibles différences d'appréciation : il a trouvé dans les couches profondes d'Auterive, datées par des monnaies de la fin du Ier siècle avant notre ère, un type de décor que Nino Lamboglia lui a déclaré dater du IIe siècle avant J.-C. Georges Baccrabère constate l'existence de deux courants d'interprétation et d'une double chronologie : suivant certains, la céramique campanienne irait jusque vers 0 ; elle s'arrêterait avant - 40 selon d'autres, notamment pour les participants du Congrès de céramologie tenu a Montpellier dans les années 1980.
    Louis Latour aborde ensuite la question de la destination funéraire des puits : leur nombre et leur densité peuvent évoquer des zones cimetériales ; même si ces cavités n'ont pas reçu les cendres des défunts, elles peuvent toujours avoir été liées à leur culte. Il suppose une mutation des pratiques cultuelles entre l'époque de Hallstatt, où l'on dépose dans un récipient la poignée de cendres résultant de la crémation, et la période finale de La Tène, pour laquelle on ne retrouve pas de

résidus d'incinération. Claude Péaud-Lenoël envisage l'hypothèse que l'acidité du sol puisse faire disparaître les restes humains calcinés, alors que subsistent les ossements des animaux non incinérés ; mais les dents seraient alors tout de même conservées. Louis Latour signale qu'il a découvert dans les mêmes terrains, à Auterive, un puits dépourvu de traces de cendres et une tombe hallstattienne avec son dépôt cinéraire. Puis il pose à l'abbé Baccrabère la question de savoir comment on peut différencier les poteries protohistoriques à cordon digité des poteries indigènes de La Tène III présentant le même décor. Georges Baccrabère répond que, indépendamment du contexte archéologique, le critère essentiel est l'aspect de la pâte, très grossière et sableuse dans le cas de la céramique la plus ancienne.
Pour conclure l'échange de vues ouvert par la communication de l'abbé Baccrabère, diverses interventions font ressortir l'intensité du trafic régnant sur la voie garonnaise à la fin des temps protohistoriques et le rôle majeur de l'« isthme gaulois ».

Sont abordées ensuite les questions diverses. Le Président donne la parole à Pascal Bertrand, qui présente quelques vues montrant la triste situation du patrimoine artistique de Toulouse : le décor d'une chapelle de l'église


TOULOUSE, ÉGLISE SAINT-PIERRE-DES-CHARTREUX,
vue partielle de l'une des chapelles
dont les murs sont rongés par l'humidité.
Cliché Pascal
Bertrand.

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TOULOUSE, RELIEF DE FRANÇOIS LUCAS AUX PONTS-JUMEAUX :
l'une des dégradations dues à un vandale. Cliché Pascal Bertrand.

Saint-Pierre-des-Chartreux, rongé par l'humidité ; des détails du bas-relief de François Lucas aux Ponts-Jumeaux, martelés par un vandale. Ces dernières déprédations, qui remontent au 17 ou 18 septembre (journées des Monuments historiques !), se sont heureusement limitées à des parties déjà mutilées à l'époque de la Révolution, et qui ont été refaites au début de la Restauration. Daniel Cazes rappelle que l'œuvre de Lucas avait été endommagée récemment, à la fin de 1993 ou au début de 1994, du fait d'un accident d'automobile, et que les services municipaux étaient alors intervenus pour la remettre en état.
    Quitterie Cazes signale que les travaux actuellement menés dans la cour du 69 rue du Taur ont permis de dégager les locaux occupés naguère par le « Ciné-Espoir » et prochainement par la Cinémathèque : il s'agit du bâtiment de l'ancien collège de l'Esquile dans lequel fut aménagée au XIXe siècle la chapelle du Petit Séminaire concordataire ; Jean Rocacher précise que cette affectation dura de 1808 à 1905. Quitterie Cazes invite les membres de la Société à aller voir cette construction, dont le rez-de-chaussée présente une arcature en plein cintre, apparemment du XVIIe siècle.
    Henri Pradalier fait ensuite le point sur le stade d'avancement des travaux de l'Hôtel d'Assézat. S'agissant de l'accès de la future salle des séances de la Société par le grand escalier, le problème n'est toujours pas réglé. Le Président expose les dernières démarches qu'il a entreprises à ce sujet.

    Guy Ahlsell de Toulza, Trésorier, annonce que la cotisation pour l'année 1994-1995 sera portée à 200 F à partir du 1er janvier 1995, montant que la Compagnie s'accorde à juger raisonnable.

 

Séance du 22 novembre 1994

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mme Cazes, MM. l'abbé Baccrabère, Bernet, Cabau, le général Delpoux, Gilles, Julien, Manière, l'abbé Rocacher.
Excusés: MM. Gérard, Péaud-Lenoël, Peyrusse.

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 5 avril 1994, après avoir demandé à la Compagnie de l'excuser pour cet oubli. Le procès-verbal est adopté après une précision apportée par l'abbé Rocacher. Puis il donne lecture du procès-verbal de la séance du 21 juin 1994, dernière séance de l'année académique 1993-1994, qui est adopté. Le Président donne ensuite la parole à Patrice Cabau pour la lecture du procès-verbal de la séance du 8 novembre dernier, qui est adopté.

    Le Président indique qu'une part importante des archives de Georges Fouet ont été déposées aux Archives départementales. Une autre partie est allée à la Société des Études de Comminges.

    Un intervenant souhaite que la Société s'inquiète auprès des autorités compétentes du sort qui a été réservé à la collection de Georges Savès. Il se souvient avoir visité la maison du collectionneur, laquelle était entièrement remplie d'objets, dont beaucoup provenaient de fouilles publiques. Ce sont en particulier quelque 40 000 objets qui provenaient des fouilles des années 1970-1974 au gué du Bazacle. Non seulement le nombre de ces objets était considérable, mais ils étaient d'une grande importance pour l'histoire de Toulouse.


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    Daniel Cazes indique que les fouilles de Georges Savès et Georges Fouet ont été particulièrement fructueuses parce que ce dernier avait observé que les trous de la roche avaient capté les objets lourds traînés par la rivière avant d'être fermés par des dépôts de calcite, qui constituaient des opercules qu'il fallait briser au marteau et au burin. Il avait appris à en reconnaître les formes et la collecte n'était donc pas réalisée au hasard. Louis Latour indique qu'il a vu Jean Paulin pratiquer la même technique à Auterive.
    Daniel Cazes rappelle que les héritiers de Georges Fouet ont donné au Musée Saint-Raymond les objets que notre confrère avait recueilli chez lui. Ceux-ci représentent un volume important, mais cette collection est surtout intéressante pour la céramique, les objets provenant du Comminges et en particulier les autels votifs du Mont Sacon. Elle ne comporte aucun objet précieux ni aucun petit bronze susceptible de provenir du Bazacle. En fait, les plus beaux objets se trouvaient chez Georges Savès.
    On précise que Georges Savès, qui était avant tout numismate, avait une collection très importante que convoitaient de grandes institutions françaises ou étrangères ; on a dit que sa collection avait été vendue, mais on n'en sait pas plus.

    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite. Mme Heng remercie la Société pour son élection comme membre correspondant ; le Président indique que Mme Heng s'est d'ores et déjà inscrite pour une communication le 28 février prochain.
    Un courrier de la Fédération des Sociétés Académiques et Savantes Languedoc-Pyrénées-Gascogne, nous informe qu'à la suite du désir exprimé par M. Maurice Berthe de cesser ses fonctions, une assemblée générale doit être convoquée pour compléter le Bureau et fixer les lieu, date et thème du prochain congrès. M. Coppolani représentera notre Société à cette assemblée qui se tiendra le 25 novembre 1994.

    Le Président donne ensuite la parole à M. Louis Latour pour sa communication Un problème de restauration : le maître-autel de l'église Saint-Paul d'Auterive :

« Historique : le maître-autel et le retable

Le maître-autel de l'église Saint-Paul d'Auterive a été construit de 1783 à 1785 par Grimes, maître marbrier de Caunes-Minervois, dont le fils a sculpté les têtes de chérubin décorant le tabernacle et les extrémités de l'autel, ainsi que le Saint-Esprit au milieu du tombeau. C'est le même marbrier qui a édifié l'essentiel du retable colonnade et panneaux de marbre, chapiteaux, corniche et entablement, grandes consoles du couronnement. Fin 1784, furent achetés les « adorateurs » sculptés dans du marbre de Carrare par des artistes italiens associés aux marbriers de Caunes.
C'est sans doute à la même époque que la paroisse acheta le grand tableau représentant « Le Christ en croix et la Madeleine », copie attribuée à Despax d'une œuvre d'Antoine Rivalz, pour l'intégrer au maître-autel.
En 1812, le sculpteur Bourguin réalisa la « Gloire » couronnant le retable et y ajouta le « Jahweh », le Livre des sept sceaux et l'Agneau pascal.
De 1813 à 1816, le doreur J.-B. Gasc acheva le retable par de nouvelles sculptures : croix entourée d'un serpent sur le globe dominant le retable, trophées et palmes, ornements décoratifs, etc.


AUTERIVE (HAUTE-GARONNE) ÉGLISE SAINT-PAUL,
maître-autel, état actuel. Cliché L. Latour.

    Les exhaussements du XIXe siècle

    En 1849, la Fabrique décida un premier exhaussement des adorateurs pour qu'ils ne soient pas masqués par les grands chandeliers nouvellement achetés. En 1863, pour répondre au vœu de Mgr Desprez de surmonter le tabernacle d'un trône ou baldaquin, la Fabrique commanda un ciborium en marbre blanc, de style Louis XIV, au marbrier toulousain Bergès aîné. La pose de ce ciborium nécessita un nouvel exhaussement des adorateurs. On aboutit ainsi à la situation actuelle où le maître-autel est surmonté de


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deux socles successifs supportant les anges et le ciborium. La construction est lourde et massive et masque entièrement le tableau « Le Christ en croix et la Madeleine ».

    Le problème de la restauration actuelle

L'association « Les Amis de l'église Saint-Paul d'Auterive », créée en 1987, a suscité l'actuelle restauration du vieux sanctuaire. En 1993, le problème de la restauration du maître-autel a fait apparaître deux tendances :
- le maintien du statu quo
- le retour à la situation du XVIIIe siècle en supprimant les socles et le ciborium du XIXe siècle.

    Le Bureau de l'Association a établi alors un dossier complet sur ce sujet, comprenant en particulier un argumentaire pour ou contre le statu quo, qui a été présenté à la Commission d'Art Sacré, aux Monuments Historiques et au Conseil d'Administration de l'Association.

La Commission d'Art Sacré, par la voix de l'abbé Rocacher, a rappelé que :
- « le ciborium n'est plus utilisé pour les expositions du Saint-Sacrement. Il n'a plus sa raison d'être au-dessus du tabernacle. Si l'on désire le réutiliser, on peut étudier son déplacement dans une chapelle latérale. »
- « Le surhaussement des anges adorateurs en fonction du Saint-Sacrement exposé perd alors complètement sa raison d'être. Le tableau placé au centre du retable retrouve sa lisibilité si on enlève tout ce qui le masque. »
Et en conclusion :
- « Je penche donc pour le retour à la simplicité et à la pureté des lignes du XVIIIe siècle » (lettre du 21 janvier 1994).

    Au contraire, Mme Marie-Anne Sire, Inspecteur des Monuments Historiques, rappelle que le maître-autel a « été exhaussé en 1849 à l'initiative de la Fabrique, avant de recevoir en 1863 un ciborium en forme de baldaquin. Comme le prouvent les archives paroissiales [...] les transformations ne sont pas fortuites, mais témoignent d'une volonté affirmée de la Fabrique. »
Mme Sire conclut alors : « Je serai donc favorable, après mûre réflexion, au maintien de l'état du XIXe siècle, la composition du 1863 méritant à mon avis d'être conservée » (lettre du 15 février 1994).

    Le Conseil d'Administration de l'Association, après une information approfondie et une longue discussion, s'est rallié à la position des Monuments Historiques en faveur du statu quo (séance du 18 avril 1994) mais a demandé à Mme Sire de trouver un autre emplacement dans l'église pour le grand tableau du retable afin qu'il soit parfaitement visible après sa restauration.
    Au cours d'une visite dans l'église Saint-Paul, le 25 octobre 1994, Mme Sire a vivement conseillé de conserver le tableau « Le Christ en croix et la Madeleine » dans le retable, au-dessus du maître-autel. Son enlèvement pour restauration nécessitant la dépose du ciborium et des adorateurs, Mme Sire propose que l'on profite de cette opération pour apprécier la solution « retour au XVIIIe siècle » et juger si la qualité du tableau justifie la suppression du ciborium.

    On s'achemine ainsi vers une solution où l'argument esthétique jouera un rôle décisif, au détriment peut-être de l'argument conservatoire. »

    Le Président remercie Louis Latour et souligne la précision des informations historiques qui ont été rassemblées à l'appui de la réflexion sur le choix difficile d'un parti de restauration.
    L'abbé Rocacher, après avoir relevé que les associations sont souvent plus efficaces que l'administration dans des cas semblables, demande pourquoi on prévoit de restaurer la copie du tableau plutôt que de demander le retour de l'original. Pascal Julien précise que le tableau du retable d'Auterive est une copie ancienne, peut-être du XVIIIe siècle, d'un tableau qui se trouvait dans une chapelle de l'archevêché à Toulouse.
    Louis Latour indique que le retable d'Arthur Legouste réalisé dans les toutes premières années du XVIIe siècle est probablement celui qu'il est question de réparer au XVIIIe siècle. Il comportait un tableau qui représentait également une crucifixion, mais qui n'était sans doute pas celui que nous connaissons. Pascal Julien demande si l'on a des mentions du tableau dans le retable et rappelle que l'on pouvait avoir un simple décor de fausses tentures. Daniel Cazes demande si l'on sait à quel moment le tableau d'origine a été enlevé. Louis Latour indique que l'on peut penser que l'église n'a subi que peu de modifications pendant la Révolution.
    M. Gilles fait remarquer que ce que l'on sait du tableau ne peut justifier un retour à l'état du XVIIIe siècle. Après avoir demandé si un état intermédiaire avait été envisagé, le Président relève qu'un retour à l'état du XVIIIe siècle se ferait sans que l'on connaisse la forme originelle du couronnement du tabernacle et avec un tableau qui n'a pas nécessairement fait partie du retable. Maurice Scellès observe que le choix qui se dessine ne repose finalement que sur le goût actuel et le Président rappelle que l'argument esthétique ne saurait fonder un parti de restauration.

    Guy Ahlsell de Toulza fait remarquer qu'une crucifixion est un thème habituel dans la mise en scène d'un autel du XVIIe ou du XVIIIe siècle. Il n'est pas impossible que l'on ait réutilisé vers 1750 le tableau du retable précédent, et, dans ce cas, on peut imaginer que celui-ci était très démodé ou abîmé à la fin du XVIIIe siècle. Une copie réalisée dans les années 1790-1791 ne serait pas vraiment surprenante. Il fait encore observer que la réalisation du baldaquin suppose que le tableau ne se trouvait pas


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derrière : il faudrait donc penser que le tableau de la crucifixion se trouvait dans la nef au XIXe siècle, comme on le voit sur une carte postale du début du XXe siècle.
    Pour Pascal Julien, le tableau paraît mal intégré dans le retable. En outre, on attendrait un encadrement en marbre en accord avec l'ensemble du retable si le tableau avait été prévu dès l'origine. Patrice Cabau note également que le tableau est trop haut et pas assez large. Guy Ahlsell de Toulza et Pascal Julien pensent que le tableau peut tout aussi bien dater du XVIIe siècle que du XIXe siècle. Des observations plus précises seraient nécessaires et sa restauration permettrait sans doute de décider.
    Le général Delpoux rappelle que si le tableau est du XVIIe siècle, il faut faire l'hypothèse d'une œuvre provenant de l'abbaye de Boulbonne où se trouvaient de nombreux Despax.
Pascal Julien résume le débat en remarquant que le maître-autel est parfaitement documenté alors que l'on ne sait rien du tableau, et qu'en conséquence il faut les considérer séparément.
    Le Président demande à Louis Latour de bien vouloir informer notre Compagnie de la suite qui sera donnée à cette recherche et à la restauration du maître-autel.

    Puis le Président demande des informations sur l'état d'avancement du prochain volume de nos Mémoires. Une discussion s'engage sur le volume souhaitable des articles, le prix de revient des Mémoires, la mise en page... Le Président annonce que la prochaine convocation sera accompagnée d'une note à l'intention des auteurs.

 

Séance du 6 décembre 1994

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Noé-Dufour, MM. Barès, Bertrand, Fabre, Gillis, Julien, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, l'abbé Rocacher, Vézian.
Excusés : MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire général, MM. Boudet, Manière.

    Le Président donne la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal de la séance du 22 novembre, qui est adopté après quelques corrections.
    En marge de ce procès-verbal, Louis Latour donne quelques renseignements complémentaires à propos de sa communication de la séance précédente. Le cahier des charges de 1812 précise que les travaux devront concerner la dorure et des compléments de sculpture ; le document mentionne en outre le cadre et les dimensions du tableau qui devra être lavé.

    Le Président remercie Louis Peyrusse qui offre à la Société le catalogue de l'exposition dont il est l'un des co-commissaires Toulouse à l'époque romantique, Bibliothèque municipale-Bibliothèque interuniversitaire, Section Lettres, Le Mirail, Toulouse, 7 novembre- 18 décembre 1994, Toulouse: Bibliothèque municipale, 1994, 131 p.

    Puis le Président donne lecture du rapport de Mme Michèle Pradalier-Schlumberger, empêchée, sur la candidature de Mlle Anne-Laure Napoléone au titre de membre correspondant de notre Société. Mlle Anne-Laure Napoléone est élue membre correspondant.

    Le Président rend alors compte de la réunion provoquée pour établir le règlement intérieur de l'Hôtel d'Assézat.

Puis le Président donne la parole au Père Montagnes pour la communication du jour : Le sort des Jacobins de Toulouse négocié entre la Ville et les Dominicains (1869-1870), publiée dans ce volume (t. LV, 1995) de nos Mémoires.

    Le Président remercie le Père Montagnes pour cette étude solidement documentée sur cette tentative menée par les Dominicains pour récupérer leur monument. Il demande si l'affaire a été soumise au conseil municipal après qu'a été donné l'avis de la commission. Le Père Montagnes répond qu'il n'en est pas sûr, n'ayant pas eu le temps de dépouiller les registres des délibérations de 1870, mais une lettre du Père Cormier au Maire fait allusion au fait que le conseil municipal a bien voulu s'occuper de l'affaire, et il lui demande de bien vouloir l'informer des suites qui lui seraient données.
    Louis Peyrusse note que le vote du conseil municipal n'était de toutes façons pas suffisant et que la vente ne pouvait se faire qu'avec l'approbation de l'État. Henri Pradalier ajoute que les circonstances politiques qui prévalurent jusqu'en 1877 ne s'opposaient pas au règlement favorable de l'affaire. Louis Peyrusse remarque que l'adhésion au projet de Jacques-Jean Esquié et de Gatien-Arnould, tous deux anti-cléricaux notoires, est un peu surprenante. Il se demande si l'échec n'est pas dû principalement à un problème financier, la Ville ayant alors emprunté la somme considérable de 5000 000 de francs-or pour racheter les Jacobins, construire les casernes et restaurer Saint-Sernin.


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    Le Président demande si l'on connaît le prix payé par la Ville pour récupérer le couvent des Jacobins. M. Fabre croit que l'indemnité due par la Ville doit se traduire en fait par la construction des casernes. Louis Peyrusse pense qu'elle était cependant astreinte à une compensation financière.

    L'abbé Rocacher indique qu'il lui semble que les Dominicains se sont aussi installés, en face du n° 14, au n° 17 de la rue Vélane où l'on a l'impression que subsistent encore aux étages les traces d'une chapelle. Le Père Montagnes ne sait pas de quand pourrait dater cette installation, mais assure qu'elle n'était en tout cas pas faite du temps du Père Cormier. L'abbé Rocacher précise que l'hôtel de Mansencal a été coupé en deux lors de la construction de la chapelle des Dominicains par l'architecte Bach, puis s'interroge sur les relations qui ont pu exister entre les deux communautés voisines du Saint-Nom-de-Jésus et des Dominicains. Un album de photographies des Dames de la Pension-Bertrand montre des clichés de la chapelle qui existait du temps du Père Lacordaire.

    À propos du prix du couvent des Jacobins, Henri Pradalier indique que pour le palais épiscopal de Narbonne, la transaction s'est arrêtée sur la somme de 147 000 F alors que la Ville en proposait 100 000 et que le Ministère de la Guerre cri demandait plus. La somme de 300 000 F proposée par les Dominicains paraît donc convenable.

    À une question de l'abbé Rocacher, le Père Montagnes répond que la faculté de théologie n'avait à ce moment-là aucune réalité. Le Concordat n'avait prévu que cinq facultés de théologie, et seule celle de la Sorbonne fonctionnait effectivement ; il serait ensuite créé une section des sciences religieuses à l'École pratique des Hautes Études. Louis Peyrusse ajoute que les universités de Toulouse et Strasbourg comportaient les cinq facultés, mais que cela restait théorique. M. Gilles indique encore que, jusqu'à la Révolution, ce furent des lecteurs religieux faisant partie de l'Université qui enseignèrent la théologie.

 

Séance du 20 décembre 1994

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire général ; Mmes Blanc-Rouquette, Noé-Dufour, Pradalier-Schlumberger, MM. Bertrand, Boudet, Fabre, Ginestyuiesty~ Julien. Péaud- Lenoël, Peyrusse, Tollon.
Excusés : M. Scellès, Secrétaire-adjoint, Mme Cazes, MM. Gérard, Manière.

    En l'absence du Secrétaire-adjoint, la lecture du procès-verbal de la dernière séance est reportée.

    Le Président présente deux ouvrages : une biographie du général Barès, ancien membre correspondant de notre Société, offerte par son fils Me Barès, également membre correspondant de notre Société ; le Dictionnaire méthodique de l'Archéologie Grecque et Romaine, acheté pour la bibliothèque.

     M. Ahlsell de Toulza signale deux événements à porter à la connaissance de la Société :
- au n° 42 de la rue des Filatiers, la découverte d'un plafond peint, décoré de fleurs, œuvre de la fin du XVIIIe siècle ; il est situé dans une boutique et n'est pas légalement protégé.
- à la suite de l'installation d'un garage privé, l'ancienne sacristie du Couvent des Cordeliers apparaît à l'abandon et accessible à des actes de vandalisme ; une demande de classement est en cours depuis deux ans et on ignore où en est la procédure.

    Puis le Président donne la parole à MM. Bruno Tollon et Henri Ginesty pour leur communication sur Le château de Saint-Élix qui sera publiée dans le t. LVI (l996) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Bruno Tollon et Henri Ginesty. Louis Peyrusse demande s'il faut considérer Saint-Élix comme un chantier mineur ou bien penser qu'il fait appel à des références aussi savantes que celles avancées par Bruno Tollon. Celui-ci fait remarquer que la structure de l'édifice montre la volonté de répéter les mêmes dispositions sur les trois nivaux avec des appartements assez grands. Le système du pavillon est cependant un trait rare. Saint-Élix est un « château d'orgueil » qui est toutefois parfaitement logeable. Henri Ginesty précise que le maréchal de Bellegarde, orléanais, l'a trouvé digne de lui et qu'Étienne de Potier s'est beaucoup occupé de la construction de son château, recherchant lui-même les matériaux et y apportant aussi soit goût personnel.

    Louis Peyrusse voudrait savoir ce qu'il faut penser de la restauration. Bruno Tollon indique que Bernard Calley a fait réaliser une charpente un peu moins haute que la charpente d'origine, ayant dû adapter la restauration à la difficulté qu'il rencontrait pour trouver des bois qui conviennent.

    Louis Latour note l'importance des ailes latérales, orangerie et écuries. Bruno Tollon précise que la grande statue de Ledesmé, qui a été vendue en vente publique, se trouvait dans l'orangerie. Il indique encore que lors de la vente de 1576, les meubles sont restés dans le château.

    Louis Peyrusse fait remarquer qu'en 1546, le parti retenu à Saint-Élix est archaïsant et que s'il est dû à un milieu cultivé qui fait appel à des références lointaines, le commanditaire ne choisit pas cependant les œuvres qui sont alors les plus en vogue.


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    Henri Ginesty rappelle qu'Étienne de Potier succède à Guillaume de Bernuy dans son hôtel de la rue de la Pomme, à Toulouse, qu'il possède également le château de La Terrasse à Carbonne, et qu'il achète, pendant la construction de Saint-Élix, son immeuble de la rue Nazareth pour 3 000 écus. Bruno Tollon souligne le fait que ce n'est que très exceptionnellement que l'on a à faire à de la véritable architecture, et qu'il y faut un concours de circonstances rarement réunies. Le plus souvent, on construit, sans architecture, de grosses bâtisses qui juxtaposent des compartiments.

    Abordant les questions diverses, le Président rend compte de la dernière réunion concernant les travaux de l'Hôtel d'Assézat. Le principe de l'accès par le grand escalier au deuxième étage et à notre future salle des séances est semble-t-il admis, mais dans des limites strictes.
    M. Gillis rappelle que pendant la durée des travaux de rénovation de sa salle des séances, l'Académie des Sciences tiendra séance dans la nouvelle salle de notre Société.
    On fait remarquer que bien des difficultés de ce chantier tiennent à une répartition aberrante des tâches entre les architectes.

    On s'inquiète du destin de la statue de Cujas, récemment enlevée de la place du Salin. Daniel Cazes indique que cette statue n'est en fait qu'un moulage réalisé d'après le moulage du bronze original de Valois, qui a été fondu pendant la deuxième guerre mondiale. Ce moulage, abîmé par un acte de vandalisme, est actuellement réparé dans l'atelier de restauration des Musées de la Ville de Toulouse.

 

Séance du 10 janvier 1995

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mines Blanc-Rouquette, Cazes, Pradalier-Schlumberger, Rousset, MM. Bertrand, Blaquière, Cabau, Delpoux, Fabre, Hermet, Gillis, Ginesty, Julien, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, l'abbé Rocacher.
Excusés: MM. Manière, Tollon.
Invités : Mlles Hélène Bueno, Tatiana Hoyer, M. Lepert.

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 6 décembre 1994, qui est adopté après une correction demandé par le Père Montagnes.

    Puis le Président met en circulation un épais recueil d'inventaire des peintures murales de Cordes, réalisé par M. Robert Manuel et que celui-ci a adressé à notre Société. Le Président souligne les qualités de ce travail et indique qu'il mentionne également un vitrail médiéval.

    À propos de l'aménagement de l'Hôtel d'Assézat, le Président précise que le règlement intérieur de l'Hôtel prévoit l'accès par le grand escalier à condition qu'un programme annuel de son utilisation soit établi.
    M. Gillis demande ce qu'il adviendra de la salle des séances publiques du rez-de-chaussée. Le Président l'assure qu'elle demeure à l'usage exclusif des Académies et Sociétés savantes.

    La parole est alors à Pascal Julien et Henri Pradalier pour la communication du jour, Le clocher de Saint-Sernin de Toulouse :

    « Figure emblématique de la ville de Toulouse, le clocher octogonal de la basilique Saint-Sernin offre la particularité d'avoir été élevé en deux fois, les trois étages inférieurs qualifiés de « romans » ayant été surmontés de deux niveaux à la période « gothique ». Ces deux derniers étages, célèbres en raison de la présence des arcs en mitres qui surmontent les fenêtres perçant les faces de l'octogone, ont servi de modèle aux nombreux clochers de la région qui en ont imité les dispositions, du XIVe au XIXe siècle.
    La partie romane, par sa forme, son décor, sa structure et son emplacement constitue à elle seule une importante nouveauté dans la construction religieuse du midi toulousain. La tour repose sur un espace vide cantonné de quatre piliers reliés entre eux par des arcs au- dessus desquels s'élance une coupole nervée. Le choix de l'emplacement du clocher à la croisée du transept est de surcroît assez rare dans le Midi de la France à la fin du XIe siècle et à Saint-Sernin, on a ajouté à l'ampleur de la tour, propre aux constructions planchéiées, la présence d'une coupole à la croisée du transept. Les caractères de celle-ci, divisée en huit compartiments reposant sur des nervures moulurées, laissent supposer qu'elle fut peut-être reprise avant 1219, date où le continuateur de Guillaume de Tudèle, dans la Chanson de la Croisade, la qualifie de maîtresse voûte qui supporte le beau clocher. Cependant plusieurs éléments dans la structure et l'appareil des trompes d'angle laissent supposer que dès les années 1100 une coupole avait été prévue sur la croisée.
    Les trois étages romans sans doute terminés dans les années 1120 ont donné à l'ensemble du clocher, dès la base, son plan


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octogonal et son aspect général. L'étage inférieur est décoré d'arcatures aveugles en plein cintre qui reposent sur quatre colonnettes de pierre. Mais cette disposition est le fruit d'une modification apportée au XVe siècle, date où on mura les ouvertures inférieures de la tour qui éclairaient directement la croisée. Les deuxième et troisième étages reprennent le même agencement mais ici les baies géminées ont conservé leur aspect primitif, les colonnettes ne sont plus qu'au nombre de trois et les arcs sont soulignés d'une archivolte de pierre. Le long des arêtes de l'octogone montent des colonnes de pierre surmontées de chapiteaux. Chaque étage, en retrait par rapport au précédent, est séparé de celui-ci par une corniche de pierre. Les chapiteaux à feuilles lisses, dont beaucoup ont été restaurés au XIXe siècle, sont dans la suite des corbeilles les plus sobres placées dans les parties hautes de l'abside. Le souci d'accuser le caractère monumental de la construction et l'éloignement des sculptures par rapport à l'œil du spectateur justifient ce choix. Enfin la structure de la tour est soulignée par tous les éléments de pierre qui tranchent sur le fond rouge de la brique.
    La question s'est posée de savoir si la surélévation gothique n'avait pas été inspirée aux chanoines par le clocher de l'église des Jacobins de Toulouse, construit dans les toutes dernières années du XIIIe siècle. Divers éléments convergent pour considérer que la primauté doit être attribuée à Saint-Sernin. Tout d'abord, dans sa conception d'ensemble la surélévation s'inspire des parties romanes de la tour : plan octogonal, étages en retrait, colonnettes sur les arêtes, baies géminées. Il n'y a là aucune invention. Le modèle existait sur place, on l'a repris. La seule nouveauté tient à la multiplication du nombre des colonnettes (sept par face au lieu de trois), à l'ajout d'un rang de dents d'engrenage sous chaque corniche de séparation et à l'introduction d'arcs en mitre séparés par un oculus à la place des arcs en plein cintre.
    Le deuxième élément permettant d'accorder l'antériorité à Saint-Sernin tient à l'activité que déploient dans la basilique les abbés Bernard de Gensac (1242-1263) et Arnaud de Villemur (1263-1287) : ils remanient la crypte et les bâtiments canoniaux, élèvent le baldaquin gothique qui accueille les restes de saint Sernin et poursuivent l'achèvement de la construction de la nef. C'est à leur action qu'il faut attribuer la surélévation du clocher de la croisée du transept, sans doute dans le but d'imiter les grands clochers gothiques des cathédrales du nord de la France. Enfin le dernier élément plaidant en faveur de l'antériorité de Saint-Sernin tient à la large place faite à l'emploi de la pierre tant dans l'exécution des colonnettes que des chapiteaux et corniches. On constate en effet qu'au fur et à mesure que s'élèvent, à partir de la fin du XIIIe siècle, des clochers à l'imitation de celui de Saint-Sernin, la pierre devient de plus en plus rare au point que certains clochers sont intégralement en brique, « chapiteaux » compris. Cette particularité peut même être un élément de datation fiable. Or, si l'on compare cet aspect de la construction, on s'aperçoit qu'au clocher des Jacobins la pierre est plus rare qu'à celui de Saint-Sernin.
    La galerie qui couronne la tour a été restaurée dans les années 1970 par Sylvain Stym-Popper qui lui a redonné un aspect antérieur à la restauration de Viollet-le-Duc. Quant à la flèche terminale, elle fut portée à 16 mètres de haut en 1449 et recrépie en 1454, puis fréquemment restaurée (1478, 1596, 1649, 1751) et en grande partie reconstruite en 1862 où sa hauteur fut portée à 18,26 m.

    Le clocher de Saint-Sernin a connu un succès considérable dans le Midi toulousain. La liste des clochers construits sur son modèle est pléthorique. A Toulouse même, outre celui des Jacobins, qui est sans doute le deuxième de la série, les Augustins et Saint-Nicolas l'ont imité. Dans la région on peut y ajouter ceux de Rieux-Volvestre, Lombez, Beaumont-de-Lomagne, Pamiers, Saint-Lizier ou Saint-Ybars, ce dernier exceptionnellement en pierre. Son influence s'est même étendue à l'art de l'orfèvrerie : la châsse de la Crucifixion de l'abbaye de Grandselve, sans doute réalisée à Toulouse, s'est inspirée de l'aspect du clocher de Saint-Sernin et superpose arcs en plein cintre et en mitre. L'allusion à Grandselve fait regretter que le clocher de cette abbaye, situé comme celui de Saint-Sernin, à la croisée du transept, ne nous ait pas été conservé. »

    En rappelant qu'il y a vingt-cinq ans, il a proposé de placer la surélévation du clocher de Saint-Sernin après la construction de celui des Jacobins, M. Coppolani remarque qu'il ne semble pas y avoir d'argument décisif en faveur d'une plus grande ancienneté. Henri Pradalier fait observer que la châsse, le sceau et les techniques de construction apportent des arguments en faveur d'une datation plus haute ; il ajoute que le clocher des Jacobins montre deux campagnes de construction, la première se situant vers 1250, ce que confirme Maurice Prin qui précise que les parties hautes ont dû être reconstruites.

    À propos des châsses de Grandselve, Daniel Cazes rappelle que l'abbatiale avait un clocher qui était peut-être l'un des plus grands parmi les clochers de type toulousain. Or c'est justement dans cette abbaye que l'on voit apparaître toute une série de châsses, dont nous ne connaissons que quelques rescapées, figurant de telles constructions. La réalisation des châsses de Grandselve correspond à l'édification progressive des chapelles. Une datation de l'ensemble de ces châsses du milieu du XIIIe siècle est donc sujette à caution et elle a d'ailleurs été âprement discutée. Nous ne possédons aucun texte et les châsses elles-mêmes ne comportent aucune inscription susceptible de nous renseigner sur la date de leur réalisation. Pour sa part, Daniel Cazes inclinait pour une datation plus tardive, en liaison avec la consécration de l'abbatiale à la fin du XIIIe siècle. Henri Pradalier et Pascal Julien rappellent que l'on peut cependant s'appuyer sur la châsse de sainte Libérate dont l'autel est consacré en 1254. Daniel Cazes pense qu'il faut être très prudent et Henri Pradalier souligne qu'il ne s'agit que de proposer une chronologie relative.

    Patrice Cabau fait observer que si l'examen de l'intérieur de la tour révèle deux campagnes de construction, l'analyse des chapiteaux et des moulures donne au contraire l'impression que le clocher a été conçu et réalisé d'un seul jet. Il voudrait en outre savoir ce qui conduit à dater la châsse de saint Sernin de 1283. Pascal Julien et Patrice Cabau rappellent tout d'abord que les années 1258-1265 correspondent à l'élévation des corps des évêques de Toulouse, puis Pascal Julien précise que l'élévation du corps de saint Saturnin a lieu en 1259, les reliques se trouvant dans un sarcophage de marbre. En 1283-1290, il s'agit en fait d'une fausse translation puisque l'on ne touche ni aux reliques, ni au sarcophage qui est simplement habillé d'une fausse-châsse.

    Quitterie Cazes note que l'argumentation qui a été développée conduit à remettre en cause la datation du baldaquin. Henri


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Pradalier en convient en ajoutant que Marcel Durliat a été consulté à ce propos. Michèle Pradalier-Schlumberger fait remarquer que le baldaquin, avec une modénature beaucoup plus simple et une sculpture moins élaborée, se placerait ainsi avant Carcassonne.

    Patrice Cabau relève que Bernard de Gensac, qui aurait donc fait venir des sculpteurs, n'eut qu'une dalle funéraire très simple. Pour Quitterie Cazes, les deux faits ne sont pas nécessairement contradictoires. Pour Henri Pradalier, la question la plus importante est celle du rapport entre le baldaquin de Saint-Sernin et le chœur de Saint-Étienne, et une datation plus haute du premier lui paraît mieux convenir.
    Maurice Scellès relève que le texte semble traiter de la crypte. Henri Pradalier répond que le mot crypta est employé ici pour désigner un espace voûté.

    Maurice Scellès se demande encore si le terme de « pastiches » est approprié pour qualifier les chapiteaux des étages supérieurs du clocher. Si l'on admet une datation de la première moitié du XIIIe siècle, ces sculptures se placent alors dans la continuité des œuvres romanes, avant que n'apparaissent les formes du gothique français et il n'est de ce fait pas nécessaire de faire appel à la notion de pastiche.
    Quitterie Cazes insiste sur le fait qu'il faut malgré tout garder à l'esprit que la grande majorité des chapiteaux des fenêtres hautes de l'édifice oui été refaits au XIXe siècle. Sans doute les restaurateurs ont-ils alors reproduit les œuvres existantes, mais il serait intéressant de repérer tous les chapiteaux refaits dans le clocher.

    Guy Ahlsell de Toulza demande pourquoi il n'a été fait aucune référence à Conques. Henri Pradalier indique que l'on ne connaît pas les dispositions d'origine de la croisée de l'abbatiale de Conques dont le clocher a été refait au XIVe siècle. Pour des raisons analogues, on n'a mentionné ni Saint-Jacques de Compostelle ni Saint-Martin de Tours.

    Jean Nayrolles relève qu'en tous cas, le clocher de Saint-Sernin ne présentait pas de plancher mais une voûte dont Henri Pradalier juge le parti très audacieux. Pascal Julien précise que les fenêtres prises sous les voûtains devaient apporter une très belle lumière sous la croisée. Henri Pradalier rappelle que la clef annulaire est composée de huit blocs sans liens avec les nervures et Maurice Scellès évoque alors la clef comparable que présente le premier étage de la tour-porche de Moissac.
    Henri Pradalier pense qu'il il été nécessaire, de toute façon, de crever la voûte romane pour permettre le passage des matériaux lors de la surélévation du clocher. Pour Maurice Prin, il faut aller plus loin en constatant que les moulures des nervures se retrouvent identiques dans les tribunes qui ont été achevées au XVIe siècle. Henri Pradalier relève cependant que des moulures de ce type existent dans les tribunes du transept où elles ne semblent pas avoir été refaites au XVIe siècle, et Pascal Julien indique qu'il n'a en effet pour l'instant trouvé aucune mention de travaux de cette nature.

    Puis Maurice Scellès donne une information concernant la tour d'Arlet à Caussade. Un avis demandé par Mme Tomasin, Conservateur régional des Monuments historiques, lui avait donné l'occasion d'insister sur la nécessité d'une véritable étude archéologique préalable à tout projet de restauration, et d'un suivi archéologique au cours des travaux. Le Service des Monuments historiques a en effet demandé un projet d'étude à la Société Hadès, récemment créée par notre confrère Bernard Pousthomis. Ce serait la une étape importante vers des études préalables plus sérieuses, confiées à des archéologues et non à l'architecte chargé des travaux.

 

Séance du 24 janvier 1995

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mme Cazes, MM. Bertrand. le général Delpoux, Gérard, Gillis, Hermet, Julien, Péaud-Lenoël, Peyrusse, l'abbé Rocacher, Tollon.
Excusé : M. Roquebert.

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture des procès-verbaux des deux dernières séances, qui sont adoptés après quelques corrections de détail.

    En marge du procès-verbal de la séance du 10 janvier, M. Gillis demande s'il est prévu que les membres de l'Académie des Sciences puissent utiliser le grand escalier pour accéder à la future salle des séances de la Société Archéologique qui sera mise à leur disposition tandis que leurs propres locaux seront en rénovation. Le Président répond par la négative en précisant que I'utilisation du grand escalier n'est acceptée pour les membres de notre Société que parce que nos réunions se tiennent le mardi, jour de fermeture de la Fondation. M. Gillis pense proposer à ses confrères de l'Académie des Sciences de tenir séance dans la salle de conférence du rez-de-chaussée de l'hôtel afin d'éviter toutes difficultés.

    Le Président indique qu'il s'est entretenu avec notre confrère M. Michel Roquebert de la manière dont il serait possible d'améliorer nos contacts avec la presse et en particulier La Dépêche du Midi. Une discussion s'engage alors sur les conditions et les objectifs de contacts plus réguliers avec la presse écrite.

    Le Président donne la parole au Trésorier pour le bilan financier de l'année 1994.


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    Guy Ahlsell de Toulza commente le bilan pour les membres présents et répond à leurs questions. Il est donné quitus au Trésorier et le Président le remercie au nom de la Société de sa bonne gestion.

    On procède alors aux élections statutaires qui concernent cette année les fonctions de Directeur, de Trésorier et de Secrétaire-adjoint. MM. Coppolani, Ahlsell de Toulza et Scellès sont réélus Directeur, Trésorier et Secrétaire-adjoint.
Au nom des trois candidats, M. Coppolani remercie les membres de la Société de cette confiance renouvelée.

    Passant aux questions diverses, le Président rend compte de la dernière réunion du Bureau.
    Il annonce que la conférence de la séance publique sera faite par Maurice Scellès qui présentera le résultat de son étude des maisons médiévales de Cahors. À ce propos, celui-ci indique qu'il remettra prochainement un exemplaire de sa thèse pour la bibliothèque de la Société, ce dont le Président le remercie. La date de la séance publique est déplacée et définitivement fixée au 25 mars à 16 h.
    Daniel Cazes a expliqué au Bureau les difficultés rencontrées pour le reclassement des archives de la Société, rappelant qu'elles se trouvaient dans un placard où chacun pouvait emprunter des documents qui, le plus souvent étaient ainsi séparés de leur contexte. Il s'agit donc, dans la mesure du possible, de reconstituer des liasses cohérentes.
    À propos de l'emploi C.E.S., le Bureau a émis un avis favorable au renouvellement du contrat. Louis Latour souligne l'importance que cela revêt pour l'informatisation en cours du fichier de notre bibliothèque. Le Président indique qu'il est envisagé d'avoir recours à un emploi C.E.S. supplémentaire pour le déménagement et la réorganisation de la bibliothèque dans nos futurs locaux et qu'a été évoquée la possibilité d'employer une personne supplémentaire dans le cadre du service civil.

    Il a par ailleurs été décidé de chercher à développer les abonnements privés aux Mémoires. Pour cela, un tarif privilégié sera accordé aux abonnés et un tarif spécial sera réservé aux étudiants de moins de 25 ans, et tout nouvel abonné pour le tome LV recevra un volume gratuit des années précédentes. Quitterie Cazes et Maurice Scellès vont élaborer le prospectus qui sera largement diffusé, en particulier par l'intermédiaire des sociétés savantes proches.
    Il s'avère également nécessaire de réexaminer notre fichier d'invitations pour la séance publique annuelle, et il faudrait en fait parvenir à constituer notre propre fichier. Il est donc demandé aux membres de signaler au Bureau les noms et adresses des personnes de leur connaissance qui seraient susceptibles d'être intéressées. Quitterie Cazes propose de s'occuper de la gestion de ce fichier, ce qui est accepté.
    Le Bureau a encore prévu d'établir à partir de l'année prochaine un budget prévisionnel annuel qui devrait permettre de mieux contrôler les dépenses et de mieux les prévoir. Une prochaine réunion du Bureau sera consacrée à ce thème ainsi qu'à une réflexion sur une nouvelle présentation de la bibliographie dans nos Mémoires.

    Puis le Président rend compte de la réunion que l'Union des Académies et Sociétés savantes de l'Hôtel d'Assézat a consacrée à la discussion du règlement intérieur de l'hôtel. Il donne lecture de l'article qui règle l'utilisation de la porte de notre future salle des séances à partir du grand escalier, article qui renvoie en fait à deux lettres du Président de l'Union et du Président du Conseil d'administration de la Fondation, mises en annexe du règlement intérieur. Ce point reste donc soumis à l’étude de faisabilité que doit rendre l'architecte en chef Bernard Voinchet, et l'adoption du règlement intérieur serait caduque si la question ne se trouvait réglée dans les termes définis par les deux lettres. Il faut ajouter que la Ville sera liée par sa signature du règlement intérieur.
    Louis Peyrusse fait remarquer que l'Union s'apprête donc à signer le règlement intérieur avant même que lui soit donnée une réponse définitive sur l'utilisation du grand escalier.
    M. Péaud-Lenoël fait remarquer que dans cette affaire, ni nos porte-parole, ni notre Société n'ont démérité. La responsabilité de la situation actuelle semble incomber à l'Union qui a montré une constante faiblesse. Il ajoute qu'en dehors du préjudice moral, il reste à régler l'important problème de sécurité que pose l'accès à notre future salle des séances.
    Bruno Tollon demande s'il est prévu de replacer dans la cour la plaque qui rappelait la donation d'Ozenne. Guy Ahlsell de Toulza répond qu'on lui a promis qu'elle serait remise en place. Le Président précise que le tableau donnant la liste des Académies et la composition de leurs Bureaux respectifs devrait également être replacé dans le passage. Guy Ahlsell de Toulza ajoute que deux plaques apposées sur le grand portail de la place d'Assézat doivent signaler l'Union des Académies et la Fondation.
    Le Président conclut en affirmant qu'il veut malgré tout rester optimiste et espérer que la Ville et la Fondation tiendront leurs engagements.

 

Séance du 7 février 1995

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, MM. l'abbé Baccrabère, Bernet, Bertrand, Cabau, le général Delpoux, Gilles, Gillis, Ginesty, Gérard, Hermet, Julien, le Père Montagnes, Prin, Rocacher, Vézian.


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    La lecture du procès-verbal de la séance 24 janvier est reportée à une séance ultérieure.

    Le Président remercie M. Hermet qui a offert à la Société, pour sa bibliothèque, les vingt volumes de sa bibliographie toulousaine. L'ouvrage, qui est le résultat de vingt-deux années de travail, est aujourd'hui un instrument indispensable pour toute recherche sur l'histoire de Toulouse.

    Puis le Président rend compte de la correspondance manuscrite.
    Nous avons reçu tout récemment un courrier daté du 14 décembre, qui concerne le S.M.E.A.T. (Syndicat mixte d'études pour entreprendre et mettre en œuvre la révision du schéma directeur de l'agglomération toulousaine). Il avait en effet été décidé que les associations compétentes en matière d'aménagement, d'urbanisme et d'environnement seraient régulièrement tenues informées des travaux du S.M.E.A.T. M. Coppolani indique qu'il a pu constater au cours de la réunion à laquelle il a assisté que l'archéologie n'était pas prise en compte par le projet.
    Le Président fait circuler le programme du 120, congrès des Sociétés savantes et un tiré à part, envoyé par notre confrère Georges Costa, de son article sur le séjour de François Mansart à Toulouse, publié dans le Bulletin monumental (t. 152, p. 459-470).

    Nous avons également reçu une lettre de M. Bernard d'Ingrando, propriétaire du château de Maurens-Scopon. Celui-ci souhaite restaurer le pavillon néo-médiéval, aujourd'hui classé Monument historique, que le marquis de Castellane avait fait élever dans le parc et qui était orné de nombre de sculptures en remploi, dont des chapiteaux qui ont été récupérés pour la reconstruction des galeries du cloître des Jacobins. M. d'Ingrando voudrait savoir s'il existe un documentation précise qui permettrait de reconstituer à l'aide de moulages le pavillon néo-médiéval. Guy Ahlsell de Toulza précise que c'est au cours d'une discussion avec MM. Jean-Louis Laffont et Bernard d'Ingrando qu'il a conseillé à ce dernier d'écrire à la Société. Maurice Prin rappelle que Paul Mesplé avait consacré au pavillon de Maurens-Scopon un article publié dans la Revue du Louvre. Daniel Cazes indique que des photographies du pavillon ont été présentées au cours des expositions Toulouse et l'art médiéval de 1830 à 1870 et Les Jacobins, 1385-1985. Sixième centenaire de la dédicace de l'église des Jacobins. D'assez nombreuses photographies, qui permettent de connaître les emplacements précis des différentes sculptures, avaient été réalisées à la demande de Paul Mesplé. Les clichés se trouvaient au Musée des Augustins et sont aujourd'hui déposés aux Archives municipales. Ces précisions seront communiquées à Jean-Louis Laffont et à M. Bernard d'Ingrando.
    La lettre de M. d'Ingrando évoque aussi le cent-cinquantième anniversaire de la mort du Marquis de Castellane qu'il voudrait pouvoir célébrer en montrant le pavillon restauré et pour lequel il sollicite notre Société. Le Président et les membres présents pensent que notre compagnie doit absolument s'associer à cet anniversaire de la mort de celui qui fut le premier président de la Société Archéologique du Midi de la France.

    Puis le Président évoque la récente inauguration de la Fondation Bemberg. Parmi les nombreux articles de presse, dont les membres de la Société ont sans doute pris connaissance, il signale ceux qui sont paru dans Le Monde, Sud-Ouest et Le Midi libre. La présentation des faits qui est reprise par les différents articles laisse supposer que la Mairie et la Fondation ont eu soin de distribuer un dossier de presse. Maurice Scellès pense qu'il faut adresser un courrier au Monde. Le Président indique qu'il avait l'intention de demander à M. Sermet de préparer un courrier au nom de l'Union, et il donne lecture de la lettre que Me Viala a déjà adressée au journaliste du Monde. M. Péaud-Lenoël pense qu'il faut que de nombreuses lettres adressées au journaliste du Monde, M. Philippe D'Agen, viennent appuyer celles des représentants des Sociétés et Académies. Pascal Bertrand rappelle qu'il faut ajouter aux articles de la presse écrite les reportages diffusés à la télévision, avec des images prises pendant les travaux et le déménagement qui étaient sensées montrer le triste état de l'hôtel avant l'installation de la fondation Bemberg. Maurice Scellès relève que tous les comptes rendus de presse affirment que les Toulousains peuvent enfin, grâce à l'installation de la Fondation Bemberg, voir l'hôtel d'Assézat, ce qui est une contre-vérité car la cour de l'hôtel a toujours été accessible. M. Gillis renchérit en rappelant que pendant longtemps on a pu accéder à la terrasse de la tour d'escalier dont la surveillance incombait au concierge et que la Mairie ne s'est plus souciée ces dernières années de veiller à ce que le grand escalier demeure accessible aux visiteurs. Quitterie Cazes ajoute que l'hôtel d'Assézat a toujours fait partie du programme de visite de l'A.T.A.H.
    La discussion se poursuit et l'on évoque la qualité des œuvres de la Fondation Bemberg et les attributions, qui semblent parfois bien généreuses, à Titien ou Clouet par exemple, sans que les cartels fassent d'ailleurs la moindre allusion aux incertitudes des attributions. On s'accorde par ailleurs à considérer que notre Société aurait besoin d'un véritable attaché de presse. Cela serait en particulier nécessaire pour préparer l'inauguration de nos nouveaux locaux.

    La parole est ensuite à Patrice Cabau pour la communication du jour : La prétendue "Chronique de Saint-Sernin de Toulouse ", ou les errements d’un éditeur de texte, qui sera publiée dans le t. LVI (1996) de nos Mémoires :

    « La prétendue " Chronique de Saint-Sernin de Toulouse " et autres sources annalistiques méridionales du XIIIe siècle.

    L'Histoire des Comtes de Tolose que Guillaume de Catel (1560-1626) fit imprimer en 1623 contient en appendice une série de chroniques médiévales, pour la plupart rédigées en latin et demeurées jusque-là inédites. Parmi ces ouvrages figure un Chronicon autoris anonymi, extrait d'un vieux livre manuscrit que Catel possédait dans sa propre bibliothèque.
Ce Chronicon comporte quatre-vingt-sept articles. Une dédicace à Dieu et à la Vierge précède six rubriques relatant la succession des temps bibliques depuis Adam jusqu'au Christ ; suivent deux articles dont le premier fixe à « huit cent huit » le


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nombre des années séparant la naissance du Christ de la mort de « Charles » et dont le second mentionne saint Gilles comme contemporain de ce dernier. Viennent ensuite soixante-dix-huit rubriques « historiques » rapportant, selon un ordre chronologique qui n'est pas systématique, divers événements survenus entre la fin du XIe siècle et celle du XIIIe : consécration de Saint-Sernin de Toulouse par le pape Urbain II (1096), prise de Jérusalem par le comte de Toulouse Raymond (1099), mort de ce dernier (1105)... décès des rois Alphonse de Castille (1284), Charles de Sicile, Philippe de France et Pierre d'Aragon (1285), destruction des environs de Mirepoix par un « déluge terrible et inouï » (1289), fondation de l'abbaye de Cîteaux (1098), mort du roi de France Louis à Tunis (1270). Outre les données qui appartiennent à l'histoire générale, cette chronique a enregistré de nombreux faits intéressant l'histoire du Midi, en particulier celle de Toulouse.

    Guillaume de Catel utilisa les indications du Chronicon non seulement dans l'Histoire des Comtes de Tolose, mais encore pour ses Mémoires de l’Histoire du Languedoc (1626-1633). L'édition qu'il en avait procurée fut utilisée par Germain de Lafaille (1616-1711) dans l'Abrégé de l'ancienne histoire de la ville de Tolose qui sert de prélude au premier volume de ses Annales (1687). Les bénédictins Claude Devic (1660-1734) et Joseph Vaissete (1685-1736) y eurent recours pour les tomes II, III et IV de leur Histoire générale de Languedoc (1733, 1737, 1742). Les auteurs du Recueil des Historiens des Gaules et de la France, François Clément (1714-1793), Joseph Brial (1743-1828) et leurs continuateurs, jugèrent utile de reproduire le texte d'une quarantaine de rubriques, qu'ils disposèrent dans les volumes XII et XIX (1781, 1833) sous les titres de Breve chronicon Tolosanum et Chronicon Tolosanum.

    Les collaborateurs de la troisième édition de l'Histoire générale de Languedoc publièrent au tome V (1875), parmi les documents ajoutés aux preuves des bénédictins, une nouvelle version de la chronique, présentée par Émile Mabille (1828-1874) : « Cette Chronique a été publiée pour la première fois par Catel [ ... ] d'après un manuscrit qui renfermait d'assez nombreuses interpolations. C'est ainsi qu'on y avait fondu, article par article, la Chronique de Berdoue [sic], publiée par dom Vaissete dans le tome III de l'Histoire générale de Languedoc. Après l'avoir débarrassé de la majeure partie de ces additions faites à une époque récente, il ne nous était plus permis de méconnaître dans le texte celui d'une chronique rédigée à différentes époques par des religieux de l'église de Saint-Sernin ». Cette façon de voir justifiait l'intitulé Chronicon Sancti Saturnini Tolosae, repris depuis par la généralité des auteurs.

    La réédition Mabille fournit du Chronicon un texte passablement remanié et altéré, incomplet du quart environ de ses rubriques : outre seize articles supprimés au motif qu'ils proviendraient de la chronique de Berdoues, six autres ont été éliminés sans raison bien explicite. Tout aussi arbitrairement ont été ajoutés cinq articles, empruntés, par l'intermédiaire d'extraits copiés par Étienne Baluze (1630-1718), au nécrologe de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse ; les premières de ces additions n'ont rien à voir avec Saint-Sernin, et les dernières excèdent largement le cadre de la chronique publiée par Catel, qui se termine à la date de 1289.

    Contrairement à l'opinion d'Émile Mabille, c'est le Chronicon qui est la source de la Chronique tirée d'un ancien manuscrit de l’Abbaye de Berdoüez, transcrite entre 1671 et 1684 par Claude Estiennot de La Serrée (1639-1699), publiée par dom Vaissete parmi les preuves du tome III de l'Histoire générale de Languedoc (1737), puis republiée par Mabille au tome VIII (1879). La chronique de Berdoues, que Louis-Clément de Brugèles ne cite dans ses Annales ecclésiastiques du Diocèse d'Auch (1746) que d'après l'édition Vaissete, avait été composée en deux temps au moins : une première main avait transcrit treize rubriques correspondant à quatorze articles du Chronicon, relatifs à des événements compris entre 1226 et 1285 ; une seconde main avait ajouté une rubrique empruntée à la même source, ainsi qu'un article original indiquant la date de la construction du monastère de Berdoues (1138) ; une autre main avait pu écrire la dernière rubrique, qui mentionne notamment l'assassinat du comte Jean V d'Armagnac à Lectoure (1473).

    Le Chronicon présente d'autre part un net parallélisme avec une Chronique en Languedocien s'étendant sur la période 1099-1249, complétée par des additions en latin portant sur les années 1204-1275. Dom Vaissete en publia le texte d'après un Cartulaire de Raymond le Jeune, qu'il avait consulté en 1723 ou 1724 dans les archives du Domaine de Montpellier ; dom Brial et ses continuateurs reproduisirent les articles en langue d'oc d'après son édition (1833). Les nouveaux éditeurs de l'Histoire générale de Languedoc ne purent retrouver le manuscrit de Montpellier, sans doute une copie moderne, mais Auguste Molinier (1851-1904) découvrit le texte originel de la chronique et le fit imprimer dans les Additions et corrections du tome V (1875) avec cet avertissement : « L'original de cette chronique, dite de Raimond le Jeune, existe dans le cartulaire de ce prince, aux Archives nationales (JJ. XIX, f° lXxxIX). [ ... ] Remarquons que, sauf quelques petits détails peu importants, ce n'est que la traduction de la chronique latine publiée un peu plus bas par M. Mabille sous le titre de : Chronicon Sancti Saturnini Tolosani [sic]. Notre copiste traducteur ne s'est permis que quelques interversions sans importance. »

    Le manuscrit JJ 19, entré dans le Trésor des chartes du roi au XIVe siècle, est un registre en parchemin réunissant plusieurs compilations de titres relatifs aux possessions des comtes de Toulouse, qui furent confectionnées pour les chancelleries de Raymond VII († 1249) et d'Alphonse de Poitiers († 1271). La chronique romane et latine écrite sur l'un des derniers feuillets a été composée en quatre temps : trente-sept rubriques en occitan (1099-1249), suivies de neuf rubriques en latin ajoutées par trois mains successives (1204-1273, 1270-1271, 1285 ou 1275).
    À l'inverse de ce que pensait Auguste Molinier, il apparaît par une étude comparative des articles de la chronique romano-latine et du Chronicon que ce dernier est une version latine de la première, augmentée de nouvelles rubriques. Cette adaptation fut réalisée entre 1249 au plus tôt et 1297 au plus tard.

    Guillaume de Catel a fait à diverses reprises mention du Chronicon autoris anonymi, le désignant comme « vne petite Chronique concernant, pour la pluspart, ce qui s'est passé dans ce pays durant la vie des derniers Comtes de Tolose », « vue ancienne Chronique Latine, que i'ay chés moy escrite à la main », « mon ancienne Chronique manuscrite »... Et il a pris soin d'indiquer quelle en était la provenance : Ex veteri Codice manuscripto, « laquelle [Chronique] i'ay treuuée dans vu ancien liure


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de recognoissances faites ausdits Comtes ». Le Chronicon se trouvait ainsi dans un « cartulaire », plus exactement un registre de chancellerie, composé sans doute vers le troisième quart du XIIIe siècle. Il parait vraisemblable d'attribuer l'insertion de ces notes annalistiques à quelque notaire de l'administration comtale ou royale.

    Le Chronicon offre par ailleurs de nombreuses analogies avec la chronique bien connue rédigée par maître Guillaume de Puylaurens : Cronica a magistro Guillelmo de Podio Laurenti compilata. Achevé avant la fin de l'année 1276, cet ouvrage embrasse la période allant de 1098 à 1273, mais il concerne essentiellement le XIIIe siècle. Des corrélations certaines existent entre, d'une part, les passages datés et les titres des chapitres de la Créneau, et, d'autre part, les rubriques du Chronicon et de sa source occitano-latine. Des compilations chronographiques telles que les Flores cronicorum ou les Comites Tholosani du dominicain Bernard Gui (1261/2-1331), l'Opus du bénédictin Aymeric de Peyrac, abbé de Moissac (1377-1406), comportent maint extrait littéral de l'ouvrage de maître Guillaume ; même en l'absence de référence explicite, le sens de l'influence serait une évidence d'ordre chronologique. En revanche, pour des textes de composition sensiblement contemporaine comme la Cronica, le Chronicon et sa source, il semble difficile de déterminer la direction dans laquelle ont joué les relations ; quelques indices textuels conduisent toutefois à supposer l'antériorité de la chronique occitane par rapport à la Cronica.

    Maître Guillaume paraît en tant que recteur ou prieur de Puylaurens (1237-1238), juge de l'évêque de Toulouse dans les causes ecclésiastiques (1238), notaire épiscopal (1241), chapelain du comte Raymond VII (1245-1248), et collaborateur occasionnel de l'Inquisition (1253, 1254, 1274). La diversité de ces fonctions, certaine incompatibilité entre le ton adopté par le rédacteur de la Cronica et la qualité de chapelain du comte ont amené Yves Dossat à imaginer l'existence de deux contemporains homonymes ; Jean Duvernoy a rejeté cette hypothèse. L'un et l'autre paraissent avoir ignoré deux chartes datées du dimanche 15 juin 1236 qui mentionnent, aux côtés d'officiers du comte de Toulouse, magister Guillelmus de Podio Laurentio et magister Guillelmus eius filius.
    À la suite de la disparition de Raymond VII (1249), un de ses familiers, ou un clerc de son administration, put concevoir l'idée d'écrire l'histoire des derniers membres de la lignée raymondine. Les notes annalistiques rédigées d'abord en occitan, puis traduites en latin, que l'on trouve consignées dans deux registres de la chancellerie comtale correspondraient à l'amorce d'un tel projet, que maître Guillaume de Puylaurens, le fils selon toute vraisemblance, porta à réalisation complète après la mort d'Alphonse de Poitiers et la prise de possession du comté de Toulouse par le roi Philippe III (1271) . »

    Le Président remercie Patrice Cabau et cède la parole à MM. Gilles, Gérard ou Julien qui ne manqueront sans doute pas d'apporter leurs observations.

    M. Gilles fait remarquer qu'autant qu'il s'en souvienne, Bernard Gui a commencé par prendre connaissance des chroniques qui étaient répandues à Toulouse au XIIIe siècle puis a sans cesse accru son savoir par de nouvelles lectures. En témoigne le manuscrit de Paris qui montre bien les ajouts que Bernard Gui a apportés à sa chronique. Patrice Cabau précise qu'il doit exister une dizaine d'éditions manuscrites sur parchemin de la chronique de Bernard Gui, et que celui-ci a tout d'abord puisé dans les écrits de Guillaume de Puylaurens, complétés ensuite par d'autres chroniques. Il ajoute qu'il faut se méfier des précisions apportées par Bernard Gui : ainsi retient-il, sans en savoir en fait plus que nous, le mois d'août pour la mort de Raymond VI parce qu'elle se situe entre le 5 juillet et le 21 septembre.

    Pascal Julien rappelle que Cresti signale un registre appelé « histoire de Saint-Sernin » et demande s'il ne pourrait pas s'agir de cette fameuse « chronique de Saint-Sernin » ; ce registre qui se trouve aujourd'hui dans une collection privée contient en effet des actes du XIIIe siècle. Patrice Cabau répond qu'il a consulté l'inventaire Cresti mais qu'il n'a pas cru pouvoir considérer que le registre mentionné était médiéval.

    Reprenant la discussion engagée au cours de la séance du 10 janvier dernier, Pascal Julien relève que la chronique fait état de l'élévation des reliques de saint Honorat en 1265, ce qui, pour lui, fait supposer que le baldaquin est déjà construit, puisque, comme nous le savons par les textes du XVIe siècle, celles-ci étaient placées au-dessous du corps de saint Saturnin, entre les piles du baldaquin. Patrice Cabau fait remarquer que le texte de Bernard Gui suit la chronologie des évêques de Toulouse et non celle des élévations de reliques réalisées au XIIIe siècle. La discussion se poursuit entre Henri Pradalier, Pascal Julien, Patrice Cabau et Quitterie Cazes.

    Répondant à une question du Président, M. Gilles indique qu'il n'est pas sûr que les corrections apportées par Bernard Gui à sa chronique garantissent des renseignements plus fiables que ceux de la première version. Le Président voudrait savoir si la date de 1265 a fait l'objet d'une correction. Pascal Julien rappelle que cette date est donnée par la collection des privilèges des corps saints. Quitterie Cazes fait remarquer que l'on peut considérer qu'en 1265 le projet de baldaquin est défini et que les travaux ont dû débuter peu après. Pour Henri Pradalier, cela signifierait qu'un projet utilisant le gothique français aurait donc été établi dès cette date.

    Patrice Cabau note que Bernard Gui ne parle pas d'une crypte basse. Pascal Julien rappelle que la crypte basse est dédiée aux apôtres. Il faut donc se demander à quel moment on prétend posséder à Saint-Sernin des corps d'apôtres. La première élévation d'un apôtre est de 1385. Patrice Cabau indique une liste de reliques de 1258 où apparaissent celles de saint Pierre, et le Président se souvient d'une mention de reliques de saint Jacques dans le cartulaire de Saint-Sernin, en 1119.


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Séance du 28 février 1995

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Heng, Noé-Dufour, Pradalier-Schlumberger, MM. Bertrand, Cabau, Fabre, Gillis, Hermet, Julien, le Père Montagnes, Nayrolles, Peyrusse, l'abbé Rocacher, Roquebert.
Excusés : M. Cazes, Secrétaire général, M. Gérard.

Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 24 janvier 1995, qui est adopté à l'unanimité. Le Président félicite le Secrétaire-adjoint pour la précision de ses comptes-rendus.

    À propos des rapports avec la presse, Michel Roquebert rappelle qu'il a longtemps été chargé au sein de la rédaction de La Dépêche du Midi de la rubrique culturelle et qu'il publiait alors les comptes-rendus que lui communiquait Robert Mesuret. Depuis onze ans qu'il a quitté La Dépêche du Midi, il a pu remarquer que le journal ne se faisait que très peu souvent l'écho des activités de notre Société. Il pense qu'il faut faire un effort particulier pour que la presse se fasse à nouveau l'écho des nos travaux.
    Par ailleurs, on souligne le fait que La Dépêche du Midi se fait volontiers l'écho des projets de la Mairie en négligeant le point de vue des associations de défense du patrimoine. Ainsi, l'annonce du projet de démolition de la Faculté de Pharmacie n'a-t-elle été accompagnée dans la presse d'aucune information autre que celles fournies par la Ville. Sur le même site des allées que l'on va donc défigurer, on est en train de prévoir la démolition de l'ancienne gendarmerie du début du XIXe siècle. À chaque fois, on constate qu'aucune place n'est faite à un éventuel contre-pouvoir. En indiquant que la gendarmerie a été reconstruite à la fin du XIXe, siècle, l'abbé Rocacher rappelle que dans ce cas il faut choisir entre la conservation du rempart et celle de la gendarmerie. Jean Nayrolles indique qu'un mémoire de maîtrise présenté à l'Université de Toulouse-Le Mirail a été consacré à l'architecte Thillet.

    Le Président donne alors la parole à Mme Michèle Heng, récemment élue membre correspondant de notre Société et que nous avons le plaisir d'accueillir, pour une communication sur Le voyage de John Claude Nattes aux Pyrénées (avril-août 1822), communication publiée dans ce volume (t. LV, 1995) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Michèle Heng de ce brillant exposé au cours duquel elle a su mettre en lumière l'importance de la formation de topographe de John Claude Nattes et le replacer parmi ses contemporains et leur production artistique. La précision de ses dessins en font des documents très intéressants pour les archéologues, mais ils montrent également le triste état où se trouvaient bien des monuments dans les années 1820, et, par contraste, la tâche accomplie à partir des années 1830 par le service des Monuments historiques qui a été à certaines périodes de son histoire un grand service.
    À propos d'un dessin donné par la légende de Nattes comme une vue du couvent des Carmes de Bagnères-de-Bigorre, le Père Montagnes indique qu'il a plutôt cru reconnaître le clocher du couvent des Dominicains, ce qui devrait être aisément vérifiable.

    Michel Roquebert fait remarquer que si Nattes est un dessinateur fidèle par bien des aspects, il n'en demeure pas moins qu'il a tendance à accuser les paysages. En témoigne la vue de Saint-Bertrand de Comminges où il dessine des pics qui n'existent pas, sacrifiant au goût de l'époque.
    Louis Peyrusse demande si Nattes utilisait la chambre claire. Michèle Heng répond que c'était sans doute le cas et pour Louis Peyrusse c'est là un argument en faveur de la fidélité du témoignage. Il ajoute qu'il n'a pas l'impression qu'il y ait beaucoup d'écart entre les dessins de Nattes et les œuvres définitives, mais qu'il n'y a pas non plus grandes différences entre les dessins conservés au musée de Bourges et les planches publiées par Taylor et Nodier. Pour lui, Nattes se place dans la tradition du dessin pittoresque anglais.
    Michel Roquebert se demande cependant si Nattes, contrairement à ses contemporains, n'a pas tendance à accentuer les ruines. Michèle Heng prend divers exemples comme celui d'une vue de Tarbes pour montrer qu'il ne semble pas que Nattes ait particulièrement cherché un pittoresque exagéré en représentant des maisons urbaines. Son dessin du château du Pau montre des bâtiments fort ruinés mais un travail de D.E.A. en cours prouve que l'édifice avait effectivement besoin d'importantes restaurations.

    Pour Pascal Bertrand, les dessins de Nattes s'inscrivent dans le même processus qui est celui de la plupart de ces artistes. Nous avons avec ces carnets des dessins préparatoires. Michèle Heng pense que c'est une raison pour croire à la fidélité de la représentation.
    Jean Nayrolles fait remarquer qu'il faut distinguer l'exagération pittoresque du goût marqué pour les ruines. Il rappelle que les Anglais ont développé le goût de l'archéologie bien avant les Français et qu'ils ont de ce fait un rapport au monument bien différent de celui qu'ils entretiennent avec le paysage. On peut apprécier la fidélité des dessins de Nattes en les comparant avec d'autres, contemporains. Ainsi le rapprochement de la vue de la collégiale de Saint-Gaudens avec un dessin contemporain dû à Alexandre Du Mège permettrait-il de se rendre compte que les représentations des monuments sont le plus souvent fidèles.
    À propos de Saint-Gaudens, le Président note que l'église avait au début du XIXe siècle une toiture reposant sur un niveau de


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mirandes qui lui avaient été ajoutées. Michèle Pradalier-Schlumberger souligne tout l'intérêt de la vue des Cordeliers de Tarbes qui ont entièrement disparu.

    Pascal Bertrand demande si Nattes a réalisé de nombreuses vues d'intérieur. En répondant par la négative, Michèle Heng y voit un trait dû à sa formation de topographe.
    Annie Noé-Dufour voudrait savoir si Nattes a dessiné des fermes isolées, en particulier de la vallée de Campan où l'artiste pouvait trouver des sujets très pittoresques. Michèle Heng précise que les fermes ne sont jamais représentées pour elles-mêmes mais qu'elles accompagnent des vues plus générales comme à Saint-Bertrand de Comminges par exemple.

    Abordant les questions diverses, le Président demande des informations sur l'état d'avancement du volume des Mémoires.
M. Coppolani a consulté le calendrier des prix. Seul le prix Ourgaud, doté de 2 000 F. est à décerner cette année. Le Président présente certains des mémoires retenus et demande aux membres de lui signaler des travaux, éventuellement non universitaires, qui seraient susceptibles d'être primés. Des rapporteurs sont désignés. La séance du 21 mars sera consacrée au concours.
    Annie Noé-Dufour accepte de présenter le rapport général sur le concours lors de la séance publique.

    Le Président indique qu'il a reçu une série d'invitations aux réunions du S.M.E.A.T. Celle du 27 mars traitera de l'habitat et du développement urbain. Le Président et le Directeur, M. Coppolani, essaieront d'y assister.
    Le 24 mars aura lieu une réunion suscitée par l'Académie des Sciences pour mettre sur pied une association des amis de l'hôtel d'Assézat qu'il est proposé d'appeler F.E.R.M.A.T. Le projet des statuts prévoit deux collèges : le 1er collège serait composé de membres-nés qui seraient les présidents des Académies et Sociétés savantes de l'hôtel ; le 2e collège comprendrait des personnes physiques et des personnes morales appelées à jouer le rôle de mécènes. Pour M. Ferron, cette association aurait pour but de promouvoir l'hôtel et les Académies et Sociétés qui y résident. M. Gillis dit qu'il a offert les colonnes de L'Auta pour faire connaître l'association FERMAT.

 

Séance du 7 mars 1995

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Noé-Dufour, Pradalier-Schlumberger ; MM. Bertrand, Fabre, Gérard, Julien, le Père Montagnes, Prin, l'abbé Rocacher, Roquebert, Vézian.
Excusé : M. Cazes, Secrétaire général.

    Le Président annonce l'arrivée du nouveau volume de nos Mémoires. On procède à la distribution aux membres présents.
Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 7 février. L'abbé Rocacher, en indiquant que Patrice Cabau a longuement discuté du baldaquin de Saint-Sernin après la séance, propose que l'on reporte l'adoption du procès-verbal qui nécessite sa présence. Après discussion, la proposition est acceptée.
    Le Secrétaire-adjoint donne alors lecture du procès-verbal de la séance du 28 février, qui est adopté après quelques corrections.
    À propos du bâtiment de la gendarmerie évoqué lors de la séance du 28 février, l'abbé Rocacher précise qu'il a remplacé une prison construite par Laffont en 1822-1824. Celle-ci a été abandonnée vers 1865 après la construction de la nouvelle prison de la grande rue Saint-Michel, et le bâtiment a alors été occupé par des gendarmes. Le bâtiment actuel de la gendarmerie est le fruit de la reconstruction opérée vers 1895 sur les plans de Thillet.

    Le Président présente la correspondance manuscrite. Il donne lecture du courrier de Jean Mesqui, nouveau Président de la Société Française d'Archéologie, qui analyse les résultats de l'enquête réalisée en début d'année auprès des membres de la S.F.A. Jean Mesqui constate que la S.F.A. doit aujourd'hui prendre en compte les réalisations du XIXe siècle voire du XXe siècle, et qu'il faut qu'elle s'intéresse plus activement aux questions posées par la conservation et la restauration. La Société Française d'Archéologie reste néanmoins tout à fait fidèle aux objectifs définis par Arcisse de Caumont lors de sa fondation : étudier et faire connaître les monuments. Notre Président note avec plaisir que les positions et les préoccupations exprimées par Jean Mesqui sur ces différents points sont identiques à celles de notre Société.

    Le Président donne ensuite la parole à Pascal Julien pour une communication consacrée à La chapelle de Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles dans le cloître de Saint-Sernin de Toulouse, communication publiée dans ce volume (t. LV, 1995) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Pascal Julien pour cette présentation d'une question qui appelait en effet quelques mises au point. Il a noté qu'il était fait allusion à de la couleur qui devait être appliquée, lors de leur restauration, sur les chapiteaux des colonnes où


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était le bénitier. Pascal Julien lit le texte et il est d'accord avec Quitterie Cazes pour considérer qu'il s'agit d'un badigeon destiné à estomper la restauration.
    Le Président remarque encore qu'il y a une très grande différence de style entre la sculpture de la Samaritaine et la Pietà. Après avoir précisé qu'il étudie depuis quatre ou cinq ans l'œuvre de Gervais Drouet, Pascal Julien confirme que la statue de la Samaritaine appartient stylistiquement au XVIe siècle, révélant la formation que le sculpteur a reçue au Mans, tandis que la Pietà se place après son séjour à Rome. Il ajoute que le contrat passé pour la commande de la Samaritaine précise que la sculpture sera très fine.

    Guy Ahlsell de Toulza s'étonne que la chapelle n'ait pas été orientée, alors qu'a priori rien ne s'y opposait. Pascal Julien n'a pas d'explication pour cette disposition qui résulte à l'évidence d'un choix. Il ne croit pas que le puits ait pu être une contrainte suffisante, et il émet l'hypothèse que l'on ait pu vouloir intégrer à la chapelle un ancien caveau ainsi placé devant l'entrée. Henri Pradalier rappelle que la règle de l'orientation se perd un peu au cours du XVIIe siècle, mais il pense qu'il y a une raison particulière pour la chapelle Notre-Dame du cloître de Saint-Sernin.
    Guy Ahlsell de Toulza se demande si la fabrique pouvait encore avoir des activités pendant la période de la Terreur. Pascal Julien précise qu'il s'agit en fait des marguilliers, qui sont supprimés avant 1795. Mais il faisait allusion à l'échange de toiles contre la sculpture de la Samaritaine, qui a lieu avec le Musée vers 1807. Il rappelle que l'on sait que le plafond de la chapelle a été arraché entre 1791 et 1795, et que la principale question est de savoir qui a alors récupéré les œuvres.
    Maurice Prin croit que la statue de la Vierge à l'Enfant retrouvée près du cloître est passée dans la collection Brimo. Il se souvient qu'une photographie en a été publiée dans le Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France. Il s'agissait d'une statue alors très noire, dont le style était proche de celui du maître de la chapelle de Rieux. Pascal Julien rappelle que d'après Lahondès, elle a été retrouvée dans un jardin de la rue royale. Maurice Prin indique qu'une habitante du quartier, Mme Ducap, dont la maison a été détruite vers 1970, lui avait affirmé que c'était dans son jardin, c'est-à-dire dans l'ancien jardin du maçon Traverse, qu'elle avait été retrouvée. Le Président fait remarquer que de façon tout à fait inhabituelle, la Vierge porte l'Enfant sur le bras droit.

    On aborde ensuite les questions diverses.
    Le Président annonce que l'Assemblée générale de l'Union des Académies et Sociétés Savantes de l'Hôtel d'Assézat, à laquelle sont conviés tous les membres du Bureau, aura lieu le mercredi 15 mars à 10 h.
    Guy Ahlsell de Toulza dit qu'il a visité nos nouveaux locaux, qui paraissent bien sûr plus petits que ce que l'on imaginait à partir des plans. Une niche placée dans l'escalier pourrait recevoir une sculpture et il demande que l'on y réfléchisse.
Quitterie Cazes donne des informations sur le bulletin d'abonnement aux Mémoires qui sera largement diffusé.

    Maurice Scellès présente ensuite un chapiteau de l'église Saint-Urcisse de Cahors dont l'iconographie est particulière :


CAHORS, EGLISE SAINT-URCISSE,
chapiteau de la fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle.
Cliché Jean-François Peiré, Inventaire Général/SPADEM.
« La Vierge qui tient l'Enfant sur ses genoux est entourée par deux anges qui portent des cierges. Sur les faces latérales, un homme barbu et une femme, celle-ci séparée du groupe de la Vierge et des anges par un arbre stylisé, apportent des objets qui pourraient être des offrandes (on y reconnaît pour l'homme une sorte de pyxide). Ce chapiteau qui peut être daté de la fin du XIIIe siècle est placé en pendant, à l'entrée de l'abside, d'un autre chapiteau, de la première moitié du XIIIe siècle, où est représentée une Vierge de Majesté. Après la communication que Michèle Pradalier-Schlumberger avait consacrée au thème de la Vierge de la Chandeleur (M.S.A.M.F., t. LI, 1991, p. 262-263), il fallait s'interroger sur l'éventuelle connotation funéraire de la représentation de l'église de Cahors. Une recherche très rapide dans la bibliographie de l'édifice n'apporte rien de décisif. On sait que l'église possédait une crypte (qui devrait être dégagée par les prochains travaux de restauration) qui était désignée par le nom de Notre-Dame-sous-terre et où l'on enterrait souvent (Joseph Daymard, Le vieux Cahors, Cahors : Girma, 1927, réédité : Ed. Horvath, 1978, p. 176). On a proposé d'y reconnaître, mais sans grande certitude, le lieu appelé las clotas par le testament de Jean de Penne rédigé en 1267 : « Je veux et prie mes aumôniers que, dans

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l'église de Monseigneur Saint-Urcisse, à las clotas, à l'extrémité où est l'autel, ils fassent bonnes et belles peintures, comme il leur semblera convenable, et que dans cette peinture il y ait l'écu de mes armes, avec la représentation belle et majestueuse de Notre Dame avec les trois rois et deux petits écus ayant le dessin de mon sceau, ainsi qu'il se trouve sur l'autel de las clautas [ ... ]. Je veux et prie mes susdits aumôniers de faire faire une chapelle et un autel sur le tombeau qui fut fait par G. Mauris dans le cimetière de l'hôpital de la Grand-rue [ ... ]. La chapelle devra être recouverte et tapissée de bordures sur lesquelles seront les écus de mes armes et la majesté de Notre Dame sera sur l'autel [ ... ]. J'établis de plus [ ... ] un autre chapelain [ ... 1 pour dire chaque jour une messe à l'autel de Notre-Dame de las clotas [ ... ] afin de prier Dieu pour l'âme de mon père, de ma mère et la mienne, et celle de ceux à qui j'aurais fait quelque tort... ». Michèle Fournier, que nous avons consultée, ne pense pas que le chapiteau puisse évoquer la messe des morts célébrée pour favoriser la délivrance des âmes du purgatoire. Les incertitudes sont nombreuses, mais certaines seront peut-être levées lorsque le décapage des couches de peinture qui encrassent la sculpture, de belle qualité, permettra de mieux observer ce que tiennent les personnages des côtés. »

    Michèle Pradalier-Schlumberger souligne l'intérêt de cette iconographie qu'elle pense être très certainement liée au thème de la Chandeleur. La fin du XIIIe siècle est le moment où apparaissent les représentations de la Vierge de la Chandeleur. Le Président se demande s'il ne faudrait pas penser à sainte Anne et saint Siméon pour les deux personnages des faces latérales.

 

Séance du 21 mars 1995

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Mmes Foucaud, Noé-Dufour, Pradalier-Schlumberger, MM. Cabau, Gilles, Ginesty, Julien, le Père Montagnes, Nayrolles, Péaud-Lenoël, Peyrusse, Prin, l'abbé Rocacher.
Excusés : MM. Cazes, Secrétaire général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mme Cazes.

    Le Président ouvre la séance à 17 heures, dans la salle de l'Académie des Sciences. Il prie la Compagnie d'excuser l'absence du Secrétaire général et du Secrétaire-adjoint : Daniel Cazes se trouve de l'autre côté des Pyrénées, où il travaille au montage de l'exposition Le Regard de Rome, consacrée au portrait romain, qui sera présentée successivement à Tarragone, Mérida et Toulouse ; Maurice Scellès, requis par des obligations professionnelles, est à Figeac. La lecture du procès-verbal de la séance du 7 mars est par conséquent renvoyée à la prochaine réunion. Henri Pradalier poursuit en donnant diverses informations. Il fait part d'une invitation à assister, le 24 mars, à la présentation du système « Internet », réseau informatique auquel il est question de raccorder l'Hôtel d'Assézat ; cette démonstration sera suivie de la tenue de l'Assemblée constitutive de l'association FERMAT, dont le projet est de regrouper les amis de l'Hôtel d'Assézat.

    Puis le Président rend compte de l'Assemblée générale de l'Union des Six Académies et Sociétés savantes de l'Hôtel d'Assézat, qui s'est tenue le 15 mars et dans laquelle ont été prises les décisions suivantes :
- rééditer une plaquette présentant l'Hôtel d'Assézat et retraçant l'histoire des Académies et Sociétés
- replacer sous le porche d'entrée de l'Hôtel une vitrine où seront annoncés les programmes de travaux des Académies et Sociétés ;
- répondre aux attaques lancées dans la presse contre les Académies et Sociétés, lors de l'ouverture au public de la Fondation Bemberg ; Me Viala doit faire les mises au point nécessaires dans une série d'articles que les journaux seront priés de publier dans le cadre du droit de réponse ;
- organiser une campagne de communication, avec « Journées porte ouverte », destinée à faire mieux connaître les activités des Académies et Sociétés, à l'occasion de l'inauguration de leurs nouveaux locaux, en 1995 ou 1996.

    Le Président aborde ensuite la question de la future installation de la Société archéologique. Concernant l'accès à la salle des séances par une porte à pratiquer dans la cage du grand escalier, au niveau du deuxième étage, il indique que l'étude de faisabilité suit son cours et que l'on attend maintenant la décision de l'Inspection générale des Monuments historiques.
Pour terminer cette chronique, le Président donne lecture d'un petit article de La Dépêche du Midi, paru dans la rubrique « Coup de griffe », lequel égratigne la Fondation Bemberg à propos de la manière dont le public scolaire - « qui ne paie pas » - y est accueilli.

    Suit un échange de vues sur la réaction que les Académies et Sociétés doivent avoir face aux critiques dont elles ont été la cible.
    Claude Péaud-Lenoël ayant fait état d'un article assez défavorable paru dans la revue des Vieilles Maisons françaises, Guy Ahlsell de Toulza indique que les allégations qu'il contient ont été reprises de Capitole Infos, le magazine édité par la Mairie de Toulouse. Le Trésorier, par ailleurs chargé des visites des V.M.F. pour les départements de la Haute-Garonne et du Tarn déclare qu'il ne manquera pas de procéder devant les membres de cette association aux rectifications utiles. Henri Ginesty, délégué régional des V.M.F., se propose de faire publier une mise au point dans la revue.
    On insiste à nouveau sur la nécessité de faire connaître au public les manquements de la Ville à ses obligations : légataire de l'Hôtel d'Assézat à charge pour elle d'y loger et entretenir les Académies et Sociétés, elle n'a jamais assuré cet entretien, et voilà


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qu'elle essaye de rejeter sur des boucs-émissaires la responsabilité de ses propres négligences ; de plus, c'est elle qui, par une incurie coupable, en laissant supprimer les visites assurées par les gardiens municipaux, a fermé l'Hôtel au public.
Pour Louis Peyrusse, il ne convient pas de répliquer aux attaques par des « piqûres d'épingle » mais il faut répondre sur le fond. Il croit que la Société archéologique pourrait publier des notes critiques scientifiquement fondées sur la collection Bemberg, ainsi que sur la « restauration » de l'Hôtel d'Assézat menée selon les vues de l'architecte Bernard Voinchet.

    Sont abordées ensuite les questions diverses.
    Louis Latour présente les volumes de la thèse de Maurice Scellès, consacrée à L'Architecture civile à Cahors (XIIe-XIVe siècles), et dont l'auteur offre un exemplaire pour notre bibliothèque.
    Henri Pradalier rappelle que la séance publique annuelle de la Société aura lieu le samedi 25 mars ; mille deux cents invitations ont été envoyées, accompagnées de formulaires d'abonnement aux Mémoires.

    On procède ensuite au rapport sur le concours de l'année académique 1994-1995.

    Louis Peyrusse lit le compte-rendu que Michèle Heng a rédigé sur le mémoire de maîtrise de Mlle Véronique Carreras, qui a obtenu la mention Très bien avec les félicitations du jury :

    « Le 29 septembre 1994, Mademoiselle Véronique Carreras a soutenu un mémoire de maîtrise en Histoire de l'art contemporain intitulée Recherches sur la chapelle du Château de Pau au XIXe siècle.
    Le jury était constitué de M. Paul Mironneau, Conservateur du Musée National du Château de Pau, de M. Louis Peyrusse et Mme Michèle Heng, Maîtres de conférences à l'Université de Toulouse-Le Mirail.

    Dans son exposé liminaire, Mlle Carreras a indiqué les motifs qui l'ont conduite à choisir ce sujet, à savoir que la chapelle n'avait jamais été étudiée ; elle a souligné ensuite les problèmes rencontrés.

    La première monographie consacrée au Château de Pau en 1919 se montrant fort méprisante pour les réalisations du XIXe siècle, elle a dû effectuer un important travail de dépouillement aux Archives Nationales, comme le prouvent les sources citées.
    L'historique de la chapelle s'avère particulièrement délicat. À la suite des bouleversements dus aux différentes affectations de l'édifice et à la période révolutionnaire, il est devenu impossible de retrouver l'emplacement de l'ancienne chapelle castrale. Comme le prouvent les plans et relevés reproduits dans l'album, les projets de restaurations envisagées de 1808 à 1830 n'ont pas manqué ; mais si les Bourbons ont reconstitué l'ancien domaine royal et créé la scénographie autour de l'écaille de tortue, berceau d'Henri IV, ils se sont contentés des réparations que nécessitait l'état du Château.
    Les documents produits par Mlle Carreras montrent les différents partis envisagés par les architectes de Louis-Philippe au moment où le roi prend la décision d'entamer la restauration de l'édifice en 1837. En 1839, Lefranc, architecte de la Couronne, abandonnant le projet initial qui situait la chapelle dans la tour Montauser, privilégia l'avant-corps du donjon qui offrait l'avantage de faire communiquer les grands appartements avec le sanctuaire ; la construction dura de 1839 à 1843. Mlle Carreras insiste sur la symbolique et la place des éléments de remploi : la marque Febus me fé fut placée au-dessus de la tribune, la porte monumentale datant de la régence de Catherine de Bourbon en 1592 devint le chevet de la chapelle, constituant une véritable relique architecturale. Le décor intérieur dans son parti de sobriété est étudié avec soin : pour le mobilier comme pour les ornements liturgiques, les pièces d'archives montrent l'intérêt constant de Louis-Philippe pour le Château de Pau. Mlle Carreras parle d'un chantier de légitimité.
    La chapelle sera entretenue et restaurée sous le second Empire : l'intervention de l'architecte Lafollye en 1865 se signale par deux fenêtres néo-renaissance et la réfection du décor intérieur.
    En conclusion, ce travail montre les ambiguïtés de la reconstitution d'une chapelle castrale selon l'idéal du XIXe siècle ; il nuance fortement les critiques sévères portées par certains historiens qui ne voyaient dans le Château de Pau que la demeure de Gaston Febus ou celle d'Henri IV.

    Mlle Carreras n'a pas craint un travail de dépouillement d'archives considérable et des vérifications qui l'ont conduite à remettre en cause des écrits antérieurs qui faisaient autorité. Son étude sur la chapelle du Château de Pau est définitive et il n'y a plus la moindre zone d'ombre. C'est dans un style clair et agréable, appuyé sur le vocabulaire précis de l'architecture, que Mlle Carreras a conduit rapidement cette importante recherche. S'agissant d'un sujet où l'essentiel des archives devait se trouver à Paris, elle craignait que Mlle Carreras ait des difficultés à en assurer le dépouillement. Cette maîtrise, outre les qualités dont il vient d'être fait mention, pose le problème toujours actuel des restaurations, des dérestaurations, des recréations. Les jugements péremptoires des historiens du premier tiers du XXe siècle sur le siècle précédent, des condamnations sans appel ont conduit un édifice aussi important que le Château de Pau à n'être que peu ou mal étudié pour sa partie du XIXe siècle. Il faudrait souhaiter que ce travail soit poursuivi pour la totalité de l'édifice avec une vision synthétique de l'ensemble du château. »

Le Président rend compte du mémoire de maîtrise présenté par Mlle Sophie Besa, Le Missel 119 de la Bibliothèque de Perpignan, Université de Toulouse-Le Mirail, 1994 :


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    « Mlle Sophie Besa a soutenu en 1994 devant Mme Michèle Pradalier-Schlumberger et M. Henri Pradalier un mémoire de maîtrise sur le Missel 119 de la Bibliothèque de Perpignan, mémoire auquel a été attribué la mention Très bien. Ce travail de 216 pages est complété par un index, une bibliographie et une abondante illustration en couleur présentée dans un album séparé. Mlle Sophie Besa a divisé son étude en quatre parties : la première est consacrée à la présentation du missel, la deuxième à l'étude iconographique du décor, la troisième à son étude stylistique et la dernière à des comparaisons stylistiques avec des œuvres contemporaines.

    Dans la première partie l'auteur fournit une abondante information sur le manuscrit, sa date, sa destination, son commanditaire. Le colophon indique en effet que le missel commencé en 1490 fut terminé en 1492, et qu'il avait été commandé par la corporation des peintres et merciers de Perpignan. Le scribe en fut Pierre Oliva, bénéficiaire de l'église Saint-Jean de Perpignan. Hélas, rien n'est dit des peintres, enlumineurs et miniaturistes ayant décoré de lettres historiées et de marges superbes treize feuillets du manuscrit.

    Mlle Sophie Besa s'intéresse ensuite au contexte historique et artistique dans lequel est né ce chef-d'œuvre et apporte à cette occasion de nombreux renseignements à la fois sur l'organisation des corporations perpignanaises et le milieu local des scribes et enlumineurs à la fin du XVe siècle. Elle nous apprend ainsi à la lecture de plusieurs contrats contemporains de l'œuvre, les contraintes minutieuses qui pesaient sur ces artisans et les risques qu'ils encouraient en cas de non conformité avec les termes du contrat. Il leur était d'ailleurs souvent demandé d'imiter un autre manuscrit servant de modèle. C'est ainsi que le Missel étudié devait imiter celui de la Collégiale Saint-Jean de Perpignan. Le travail se poursuit par une longue explication de ce qu'est un missel, de son but et de ses divisions internes. Celui de la corporation des peintres et merciers de Perpignan s'ouvre par un calendrier, suivi du temporal, de l'ordinaire de la messe et du sanctoral.

    L'étude iconographique menée ensuite par Mlle Besa fait apparaître l'importance accordée à saint Christophe dans ce missel, représenté deux fois, importance qui s'explique par le fait que ce saint était le patron de la confrérie demanderesse. Les onze autres lettres historiées représentent un prêtre disant la messe, la Nativité, la Résurrection, Dieu le Père en majesté, les saints Étienne, Matthieu et Jean-Baptiste, la Dormition de la Vierge, sainte Catherine, les Apôtres, l'office des défunts et la messe de la Trinité. Mlle Besa note que ces thèmes sont traités selon des critères iconographiques de la fin du XVe siècle. Ainsi Dieu le Père portant la tiare, ou la Trinité représentée sous la forme de Dieu le Père trônant, surmonté de la colombe du Saint Esprit et tenant un crucifix devant lui. Les marges ont également retenu l'attention de Mlle Besa. Elles sont peuplées d'une luxuriante végétation naturaliste, incluant dans ses rinceaux une faune naturaliste et des animaux et scènes fantastiques tels que ceux que l'on trouve dans la sculpture gothique contemporaine. À ce propos l'auteur a mené un gros travail d'identification des animaux fantastiques.

    L'analyse stylistique a permis d'établir que trois peintres se sont partagés la décoration du manuscrit. Le premier, appelé « peintre A », connaît la perspective, opère par superposition des plans, utilise des dégradés de tons. Le peintre B se signale par une étude plus savante du modelé des visages pour lesquels il utilise des dégradés de couleur contrairement au peintre A qui rendait les ombres par des hachures plus ou moins foncées à la manière des graveurs. Mais Mlle Besa montre que le plus talentueux des trois peintres est le troisième, le peintre C, le plus fécond aussi puisqu'on lui doit sept des treize pages. Il joue sur les jeux de regards obliques ou droits, rend ses personnages expressifs par des gestes ou des mouvements de tête. Les vêtements sont habités de plis durs et cassés à la manière flamande que ce peintre connaît bien au point de reprendre des objets, des détails de mobilier typiques de la peinture flamande du XVe siècle.

    Mais le détail de l'analyse a permis à Mlle Besa d'aller plus loin dans les comparaisons et de rapprocher l'art des trois peintres du missel 119 de Perpignan d'un livre d'heures néerlandais des années 1480, de plusieurs œuvres parisiennes de la même période, ainsi que du livre d'heures de Jacques de Rambures exécuté dans le nord de la France vers 1460. Il en ressort que les trois peintres du Missel de Perpignan ont une triple culture, catalane, française et flamande.

    Au total, Mlle Besa a réalisé un gros travail de recherche dans des domaines variés puisqu'il lui a fallu aussi bien s'intéresser à l'histoire économique et sociale du Roussillon du XVe siècle qu'à la liturgie, à la codicologie, à l'iconographie et au style des miniatures exécutées. Il faut la louer pour les résultats obtenus. On fera cependant quelques réserves sur la forme. Si ces réserves ne remettent pas en question les qualités de chercheur de Mlle Besa, elles peuvent cependant fournir un argument au cas où un travail de niveau équivalent se trouverait en concurrence. Mais si le mémoire de maîtrise de Mlle Besa n'avait aucun concurrent, la Société Archéologique ne se déjugerait pas en le primant. »

    Michèle Pradalier-Schlumberger analyse le mémoire de maîtrise présenté par M. Marc Salvan-Guillotin.

« Marc Salvan-Guillotin a soutenu en octobre 1994, à l'Université de Toulouse-Le Mirail, une maîtrise sur Le Trésor médiéval de Saint-Savin en Lavedan (Hautes-Pyrénées), sous la direction de Mmes Nelly Pousthomis et Michèle Pradalier-Schlumberger. La maîtrise, qui lui a valu la mention Très bien, est présentée sous la forme d'un mémoire de 132 pages, suivi d'annexes et d'une bibliographie, et d'un album de 305 illustrations, photographies, croquis et relevés.

    L'auteur a fait un inventaire du trésor de l'abbaye de Saint-Savin de Lavedan, une abbaye affiliée depuis 1080 à Saint-Victor de Marseille. Le monastère, dédié à l'origine à saint Martin, a pris le vocable de Saint-Savin à partir de 1036, date probable de l'arrivée des reliques du saint. La vénération du tombeau et l'accumulation de richesses qui en résulta pour la communauté, laissent à penser qu'un pèlerinage local s'organisa autour de Saint-Savin. L'importance du Trésor est le reflet de cette dévotion. Marc Salvan-Guillotin a pris la définition de Trésor dans son appellation la plus large, en étudiant non seulement l'orfèvrerie, mais également tout le mobilier encore en place.


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    L'inventaire des objets a ainsi révélé l'existence, pour la sculpture sur pierre, de deux tables d'autel du VIIIe et du IXe siècle, de deux cuves baptismales des XIIe et XIIIe siècles, d'un bénitier et du tombeau du saint (XIIIe siècle) ; pour la sculpture sur bois, de deux Vierges à l'Enfant du XIIe siècle, d'un dais reliquaire de la première moitié du XIVe siècle, d'un Christ en bois de la fin du XIVe siècle, d'une statue d'évêque et de vingt-huit stalles du XVe siècle ; pour l'orfèvrerie, de la châsse de saint Savin, de la fin du XVe siècle, de deux panneaux d'un retable du XVe siècle, comprenant dix-huit scènes de la vie de saint Savin et de divers objets liturgiques dont un peigne du XVe siècle.

    Marc Salvan-Guillotin s'est attaché à l'étude de l'ensemble des objets du Trésor, pour lesquels il a fait des notices très documentées, tout en privilégiant les objets liés au culte de saint Savin : le tombeau roman à arcatures, la châsse en cuivre argenté et doré, et surtout le dais reliquaire qui est l'objet le plus original de l'église. Il s'agit d'une tour en bois doré de plus de 5 m de hauteur, de plan hexagonal, comportant une voûte d'ogives à six compartiments recouverts de peintures. Classé Monument Historique en 1904 comme étant un tabernacle eucharistique, et qualifié habituellement de « tour eucharistique », l'objet, véritable micro-architecture, est en fait, comme l'a démontré Marc Salvan-Guillotin, un dais reliquaire destiné à être placé au-dessus d'une châsse, ou au-dessus du tombeau du saint. L'auteur a mis en lumière, grâce à une série de croquis, la qualité des boiseries ajourées de remplages, et a surtout révélé les remarquables anges musiciens peints sur la voûte intérieure, dont le style s'apparente aux plus beaux ensembles de peinture murale gothique du milieu du XIVe siècle, par exemple les peintures de La Romieu ou celles de la chapelle Saint-Antonin, au couvent des Jacobins de Toulouse.

    Des recherches très larges menant à des comparaisons pertinentes témoignent des curiosités et des qualités de chercheur de Marc Salvan-Guillotin, et font de ce mémoire un travail qui mérite d'être distingué par la Société Archéologique du Midi de la France. »

    Sur une question d'Henri Gilles, il est précisé qu'une seule récompense est prévue pour le concours de cette année : le Prix Ourgaud, doté d'une somme de 2 000 F. Suite à une demande de Louis Peyrusse, le Trésorier déclare qu'il est possible de décerner en outre un Prix spécial de la Société archéologique, d'un montant de 1 500 F.

    La discussion s'engage sur l'attribution de ces Prix. Louis Peyrusse souligne combien il est difficile de départager des travaux portant sur des sujets divers, d'une égale qualité de recherche et qui ne diffèrent guère que par des aspects formels. Les rapporteurs s'accordent pour juger exceptionnels la rigueur analytique et l'esprit de synthèse dont Mlle Carreras a fait preuve dans son étude, qui remet en cause l'historiographie traditionnelle du château de Pau. On convient que la mise en forme du mémoire de Mlle Besa, pour la soutenance duquel le jury a dû exiger une réécriture, appelle quelques réserves. Compte tenu de ces remarques, il est finalement proposé d'attribuer le Prix Ourgaud à Mlle Carreras, le Prix spécial, accompagné d'une médaille d'argent, à M. Salvan-Guillotin, et de remettre une médaille d'argent à Mlle Besa. Un vote unanime entérine cet ordre de distinction.

    Le Président donne ensuite la parole à Jean Nayrolles pour la communication du jour, intitulée La redécouverte de l'art roman et l'architecture néo-romane dans le diocèse de Toulouse au XIXe siècle, publiée dans ce volume (t. LV, 1995) de nos Mémoires.

    Henri Pradalier remercie Jean Nayrolles pour son exposé, qu'il qualifie de « brillant », et fait appel aux observations et questions des membres de la Compagnie.

    Louis Peyrusse fait remarquer que l'architecture néo-romane a correspondu en Haute-Garonne au mode de construction (ou de reconstruction) des églises qui était le moins onéreux. Dans le même sens, Odile Foucaud note l'absence de sculpture sur des édifices réalisés « à l'économie ». Louis Peyrusse et Jean Nayrolles s'interrogent sur le rôle tenu par Toulouse, au début du XIXe siècle, dans la découverte de l'art « roman » : on s'y préoccupe d'en sauver des vestiges, mais on ne participe pas à la définition du style ; alors qu'à Paris Alexandre Lenoir paraît très en retard sur la science archéologique contemporaine, Alexandre Du Mège utilise le terme « roman » dès 1829, dans son commentaire des Vues pittoresques de la cathédrale d'Albi.

    Henri Pradalier intervient à propos de l'église Saint-Amans de Rodez, reconstruite en 1758 dans un style néo-roman (à l'intérieur). Ayant fait observer que son vaisseau central a reçu, non une voûte en berceau, mais une voûte d'arêtes, que son déambulatoire a été pourvu d'un voûtement « réinterprété », il indique que les chapiteaux « romans » de cet édifice posent des problèmes de sculpture aussi délicats que ceux de l'abbatiale Sainte-Marie de Souillac, qui fut remaniée par les Mauristes au XVIIe siècle.

    Guy Ahlsell de Toulza fournit un autre exemple de ce type de problème avec le décor sculpté de Saint-Michel de Gaillac, église reconstruite aux XIIIe-XIVe siècles dans le style gothique méridional et « romanisée » au XIXe sous la direction d'Alexandre Du Mège.


2e partie
Séances du 25 mars 1995 au 20 juin 1995