Société Archéologique  du Midi de la France
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Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LIV (1994)



BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE

1993-1994

Établi par Daniel CAZES et Maurice SCELLÈS

 

Cette édition électronique respecte la mise en page de l'édition imprimée (Bulletin de l'année académique 1993-1994, dans Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, t. LIV, 1994) dont nous indiquons la pagination.  Les corrections nécessaires ont été apportées et quelques illustrations en noir et blanc sont remplacées par des illustrations en couleur.


1ère partie
Séances du 2 novembre 1993 au 1er février 1994
2e partie
Séances du 15 février 1994 au 7 juin 1994
3e partie
Séances du 21 juin 1994 au 25 juin 1994

M.S.A.M.F., T. LIV, page 166

Séance du 15 février 1994

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Merlet-Bagnéris, Noé-Dufour, Rousset, MM. Bernet, Bertrand, Cabau, le général Delpoux, Ginesty, Julien, Peyrusse, Tollon.
Excusés: M. Cazes, Secrétaire Général, M. Manière.

 

    Le Président annonce le décès de M. Gilles Caster, survenu la semaine dernière.

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture des procès-verbaux des deux dernières séances qui sont adoptés après quelques corrections de détail.
    Le général Delpoux indique qu'il a remis à notre Président, dès la fin de la dernière séance, un exemplaire de son rapport sur l'état de l'hôtel d'Assézat.
    Le Président fait savoir qu'il a suggéré à M. Sermet de commander une contre-expertise au bureau d'études Veritas, en insistant sur le fait qu'il y allait de notre intérêt. L'idée fait son chemin. M. Sermet a rencontré un expert en bâtiment à la retraite qui devrait lui donner un avis. Notre Président a retardé l'envoi des lettres au Directeur du Patrimoine et à l'Inspection Générale pour attendre le courrier préparé par Bruno Tollon.

 

    Le Président donne alors la parole à Bruno Tollon pour une communication consacrée aux Trois cheminées de stuc du XVIIe siècle à Toulouse :

    « Cette communication prend place dans une série d'études sur les œuvres de stuc et de plâtre sous l'Ancien Régime. Le dernier colloque du Centre de Castellologie interrégional de l'Abbaye de Flaran, consacré au Décor intérieur du château (4-6 octobre 1991) avait fourni l'occasion d'une communication sur les cheminées de stuc du Languedoc oriental au XVIIe siècle (avec Henri Ginesty). À la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts ce thème était repris à propos d’œuvres conservées dans deux châteaux ariégeois ( « Les travaux du sculpteur Gaillard Bor dans le comté de Foix autour de 1660  » avec Henri Ginesty, publié dans le Bulletin de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, Foix, 1994, p. 93-111). Il s'agit ici de trois cheminées.

    La remise en état de l'immeuble dit « Hôtel de Desplats-Palaminy », 45 rue des Tourneurs, a permis la découverte d'une cheminée de stuc et de plâtre dont les éléments anciens ont été étudiés par M. Gabriel Burroni [et non " Daniel Buroni ", comme dans l'édition originale] stucateur agréé auprès du service des Monuments historiques. L'examen de cette cheminée située dans une salle dont les poutres et solives d'un plafond à la française sont intactes, prouve qu'elle réunit des éléments anciens conservés au moment de la réinstallation des appartements après les travaux de Sipière, le nouveau propriétaire de l'immeuble en 1848. Il a fait appel aux Virebent qui ont ingénieusement combiné des éléments composites. Restait intact le couronnement de stuc formé d'un fronton curviligne enrichi de deux cornes d'abondance. Il dominait un grand décor central entouré d'une moulure ovale dont subsiste la partie supérieure. Pour l'essentiel, le manteau a reçu son décor actuel au XIXe siècle. On y reconnaît le goût des montages chers aux Virebent avec des moulages provenant de bas-reliefs toulousains de la Renaissance : les putti qui encadrent un blason et surmontent un cartouche portant la date de 1538. Au-dessous, un bas-relief rectangulaire consacré à Mars couronné par la Victoire est emprunté, comme le motif précédent, aux décors de la galerie d'entrée de l'Hôtel du Vieux-Raisin, rue de Languedoc. Les Virebent ont laissé des témoignages analogues de leur art au château de Montgey, dans le Tarn, et au château de Sibra dans l'Ariège.

    La belle bordure du couronnement et les fruits jaillissant des cornes d'abondance sont à rapprocher du décor savoureux et quelque peu rustique de l'hôtel de Maleprade (44, rue Gambetta). La cheminée de la salle du rez-de-chaussée appartient à une campagne de travaux payés au sculpteur Pierre Monge en 1626 (documents transmis par Henri Ginesty, 1988).
    Les piédroits et le linteau sont enrichis de tables de marbre noir. Sur la corniche, les allégories de Minerve et de Pomone encadrent un grand cartouche (destiné à un tableau). Le fronton qui surmonte le cadre à crossette conserve la trace des armoiries de Jean de Maleprade. Le dessin général est à rapprocher des décors à la mode sous le règne de Louis XIII (cf. Album Deraud et Allan Bethman, Cabinet de dessins du Musée du Louvre, Album Lesoufaché, bibliothèque de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts).
    Ces deux figures en pied, au canon un peu lourd, aux draperies majestueuses s'inspirent assez directement de celles sculptées par Artus Legoust au-dessus du portail droit de l'hôtel de pierre, rue de la Dalbade (allégories de Junon et de Minerve).


M.S.A.M.F., T. LIV, page 167

wpe1E.jpg (13379 octets) HÔTEL DESPLATS-PALAMINY,
45, rue des Tourneurs.
La cheminée du XVIIe siècle pendant sa restauration.

 

wpe1F.jpg (16439 octets) HÔTEL DE MALEPRADE,
44, rue Gambetta.
La cheminée de 1624 : état en 1990.

 

wpe20.jpg (18056 octets)

HÔTEL CARRION-CASTELPERS,
1, place Sainte-Scarbes. Cheminée XVIIe siècle au temps où Fraust habitait l'hôtel.


M.S.A.M.F., T. LIV, page l68

    Dans le bel hôtel Carrion dit de Spinola, (construit par le marquis de Castelpers avant 1775), 1, place Sainte-Scarbes, récemment restauré, une cheminée de stuc a été mise au jour dans une pièce du rez-de-chaussée, derrières les panneaux d'un placard (Mme Nicole Subra, antiquaire). Seule subsiste la partie supérieure du manteau avec cartouches et table encadrant une solide mouluration centrale. L'hôtel appartenait alors à une famille parlementaire des Fraust.

    Avec les décors retrouvés dans l'hôtel des Fraust et dans celui des Desplats, la liste des  « cheminées monumentales du Vieux Toulouse  » évoquée par Jules Chalande dans un article du Journal de Toulouse s'allonge. À cette liste on pourrait ajouter celles qui ont disparu mais dont le témoignage conservé dans les archives prouve qu'elles étaient nombreuses. Par exemple, Antoine de Lestang en fait installer deux de ce type dans son château de Saint-Jean-de-Kiriéléison (le 25 août 1613). Parmi les maisons que la ville se propose d'acheter, en 1685, pour dégager une place devant le Capitole, l'une d'elle possède dans la salle haute une « belle cheminée de plâtre, ornée de figures en relief  ». Ce qui prouve que celle de l'hôtel de Maleprade n'est pas un cas isolé.

    Au XVIIIe siècle encore, l'architecte Lebrun, dans les Us et Coutumes de la Ville de Toulouse (1753), recommande cette solution économique qu'autorise le plâtre : « on peut faire une cheminée passablement belle ; c'est-à-dire un cadre orné d'un mascaron ou rocaille, pilastres avec leurs chapiteaux, pour dix-huit ou vingt livres ».

    Les trois exemples évoqués prouvent le succès des formules héritées des modèles bellifontains et que les recueils de gravures (tels ceux de Abraham Bosse, avec le Livre d'architecture des autels et des cheminées dessinés par Jean Barbet, Paris, 1633 ; de Collot, puis de Marot et de Lepautre) ont contribué à diffuser dans toute la France. Il convient d'y voir un témoignage du succès des modèles nationaux que l'estampe autant que les grandes créations des palais royaux ou les châteaux de mécènes comme Richelieu, contribuaient à rendre accessibles.  »

    Le Président remercie Bruno Tollon de cette communication qui devrait susciter des questions de la part des spécialistes du XVIIe siècle.
    M. Coppolani signale une cheminée portant la signature « F. Lucas » en précisant qu'elle ne se trouve certainement pas à son emplacement d'origine puisque l'immeuble date du XIXe siècle. Il connaissait également une cheminée en marbre dont le manteau présentait deux cygnes affrontés : elle se trouvait dans un immeuble de la rue de la Pomme, mais elle a aujourd'hui disparu.
    Le Président se souvient qu'un ouvrier italien mentionnait un chauffage du matériau à un certain moment pour la réalisation du faux-marbre. Que sait-on des techniques ?
    Bruno Tollon répond que les techniques sont variées et dépendent en particulier de l'emplacement du décor. Il ne connaît pas de technique faisant appel au chauffage, mais plusieurs nécessitent des séchages importants.

    Louis Peyrusse rappelle que, bien que les stucs de la cheminée de l'hôtel de Maleprade aient pu être rapprochés des reliefs de Legouste à l'hôtel de Pierre, les œuvres de gypserie sont toujours d'une qualité moindre que les sculptures sur pierre ou sur bois. Les ateliers qui les réalisaient sont-ils connus ?
    Bruno Tollon, en se tournant vers ceux qui étudient en ce moment les sculpteurs du XVIIe siècle, répond qu'il pense qu'il y a peu de chance de trouver des documents nouveaux dans ce domaine. Il est d'accord pour considérer qu'en général les travaux en stuc sont de moins bonne qualité que les ouvrages en pierre ou bois. M. Ginesty fait remarquer qu'il faut toutefois tenir compte des couches de badigeon qui encrassent souvent les reliefs en stuc.

    Bruno Tollon indique qu'il n'a pas présenté au cours de son exposé une cheminée du XVIIe siècle de l'hôtel de Bagis, qui a toujours passé pour un ouvrage en pierre alors que le décor de la hotte est en fait réalisé en stuc sur âme de pierre. Guy Ahlsell de Toulza dit qu'il attendait cette cheminée de l'hôtel de Bagis. (On présente les diapositives.) Il se souvient que Mme de Gorsse distinguait toujours les décors du manteau et de la hotte. Bruno Tollon fait remarquer que le manteau, dont le linteau est appareillé au trait de Jupiter, est caractéristique de Dominique Bachelier. Le décor du manteau est tout à fait différent. M. Bonami a pu y observer des motifs estampés et des traces de modelage à la main. Plusieurs couches de badigeons encrassent cependant le décor et uniformisent l'ensemble de la cheminée. À une question de Guy Ahlsell de Toulza, Bruno Tollon répond en précisant que le joint qui apparaît en haut et à gauche de la hotte n'est pas un joint d'appareil mais est dû à un mouvement de la structure de la cheminée.

    Louis Latour voudrait savoir si ces ouvrages font éventuellement appel à des éléments préfabriqués par des plâtriers. Il évoque le décor de la chapelle des Pénitents noirs de Villefranche-de-Rouergue où les oves seraient préfabriqués. Les différentes techniques existent. Bruno Tollon cite par exemple l'utilisation du moule en creux avec reprise des détails au sortir du moule. Maurice Scellès indique que plusieurs décors du XVIIIe siècle, dans des maisons de Moissac, utilisent exactement les mêmes groupes de putti dans des compositions différentes. Des observations détaillées permettraient sans doute de dire s'ils ne font que reprendre un même modèle ou s'ils sont issus d'un même moule.

    Le général Delpoux demande si l'on connaît la provenance du plâtre utilisé. Bruno Tollon répond que nous n'avons que des indications très tardives dues à Lebrun et à des contrats. En 1680, les meilleurs plâtres viendraient de Cordes et Saint-Félix-Lauragais. M. Ginesty y ajoute Belesta de Lauragais.


M.S.A.M.F., T. LIV, page 169

Séance du 15 mars 1994

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Cazes, Pradalier-Schlumberger, MM. l'abbé Baccrabère, Bertrand, Cabau, Fabre, Gérard, Gillis, Ginesty, Péaud-Lenoël, Peyrusse, Prin, l'abbé Rocacher, Tollon.
Excusés: MM. Manière, le Père Montagnes.

 

    Le Président confirme que la prochaine séance aura lieu la semaine prochaine. Puis il donne la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal de la dernière séance qui est adopté après une correction demandée par Louis Peyrusse.

    Le Secrétaire général présente les revues et ouvrages français reçus par la Société.

    Comptes rendus des séances de l'année 1992 de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris : 1992, fasc. 2 (avril-juin 1992) :

- Fishwick (Ducan), Un don de statues en argent à Narbo Martius, p. 381-401. Se fondant sur une nouvelle analyse d'une inscription gravée sur un fragment de colonnette en marbre rose trouvé en 1877 sur le site du temple de la place Bistan à Narbonne (malheureusement introuvable aujourd'hui au Musée archéologique de Narbonne), l'auteur conforte et complète l'idée soutenue par Michel Gayraud dans sa thèse sur Narbonne antique, selon laquelle le temple en question était bien le Capitole de la ville antique mentionné par Ausone et Sidoine Apollinaire. Cette thèse a été récemment discutée sur ce point par le professeur Pierre Gros et par M. Janon qui préfèrent voir en cet édifice un temple du culte impérial. Selon Fishwick, l'édicule auquel appartint le fragment de colonnette aurait abrité, dans l'enceinte du temple de la place Bistan, deux statues d'argent (représentant des empereurs ?) offertes par un sévir augustal à Iuppiter Optimus Maximus. C'est donc pour lui la preuve que la statue de ce dieu se trouvait dans la cella du temple qui ne peut donc être que le Capitole.
    En conclusion de cette communication soigneusement construite et argumentée, l'auteur montre qu'il conviendrait désormais de distinguer très clairement à Narbonne :
    1. le sanctuaire provincial du culte impérial, à l'extérieur de la ville, sur la route de Gruissan et près de l'amphithéâtre
    2. le forum ancien de la Colonie de Narbonne, à la croisée du cardo maximus, dans le secteur des horrea, où s'élevait sans doute le temple municipal, attesté mais inconnu archéologiquement ;
    3. sur la butte des Moulinassès, au nord de la place Bistan, un temple qualifié de « novi » dans une inscription datée de 149. Construit sous l'empereur Hadrien dans les années 120-130, dans le cadre d'un nouveau forum grandiose (au nord de l'ancien), il ne serait autre que le Capitole, premier ou deuxième du nom à Narbonne. Ce vaste programme architectural et religieux correspondrait à ce que l'auteur appelle « l'idéologie officielle de la théologie jovienne du pouvoir impérial » élaborée par Trajan puis largement promue dans tout l'Empire romain par Hadrien.
    Même si des fouilles archéologiques s'imposent sur la butte des Moulinassès et si le dossier épigraphique reste peu important voire sujet à discussion, l'auteur développe ici de forts arguments pour l'identification du Capitole de Narbonne.
- p. 454-455, présentation par Jean Fontaine d'un ouvrage dont il a dirigé l'édition : Ambroise de Milan. Hymnes, texte établi, traduit et annoté, Paris : 1992, 804 p.

    Comptes rendus des séances de l'année 1992 de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris : 1992, fasc. 3 juillet-octobre 1992) :
- Sauerländer (Willibald), Observations sur la topographie et la chronologie de la cathédrale du sacre (Reims), p. 463-479.
- Erlande-Brandenburg (Alain), Une tête de prophète provenant de l'abbatiale de Saint-Denis' portail droit de la façade occidentale, p. 515-542.
- Chamoux (François), Un pigeonnier antique près d'Appolonnia en Cyrénaïque, p. 623-625. On ne peut qu'être frappé par la ressemblance que ce pigeonnier hellénistique offre avec ceux, plus récents, d'Arcadie ou du Midi de la France.

    Bulletin Monumental, t. 151-II (1993) :
- Mesqui (Jean), avec la collaboration de Marcel Belot et Pierre Garrigou Grandchamp, Le palais des comtes de Champagne à Provins, p. 321-355.
- Francesca Español, Joan Avesta, sculpteur de Carcassonne. L'influence de l'atelier de Rieux sur la Catalogne, p. 321-355.
- Actualité : note par André Bonnery sur un monument sculpté découvert à Montolieu (Aude).
- Chronique : comptes-rendus par Marcel Durliat de l'article de Robert Favreau, Le thème iconographique du lion dans les inscriptions médiévales, dans Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, comptes rendus des séances de l'année 1991, p. 613-636, et de celui de Piotr Skubiszewski, Le trumeau et le linteau de Moissac : un cas du symbolisme médiéval, dans Cahiers archéologiques, 40, 1992, p. 51-90.

    Bulletin Monumental, t. 151-III (1993) :
- Anne Baud et Gilles Rollier, Abbaye de Cluny : campagne archéologique 1991-1992, p. 453-468.
- Bibliographie : compte rendu par Marcel Durliat de Kathryn Horste, Cloister Design and Monastic Reform in Toulouse. The Romanesque Sculpture of la Daurade, Oxford: Clarendon Press, 1992, 416 p.


M.S.A.M.F., T. LIV, page 170

    Bulletin Monumental, t. 151-IV (1993) :
- Chronique : compte rendu par Marcel Durliat du Cahier de Fanjeaux, n° 28, qui rassemble les communications du colloque de 1992 Le décor des églises en France méridionale (XIIIe-XIVe s.) ; compte rendu par Pierre Garrigou Grandchamp de l'article de Valérie Rousset, La borie de Savanac (dans M.S.A.M.F., t. LII, 1992, p. 61-86), dans lequel, outre les qualités du travail de l'auteur, est souligné « l'effort fait par la Société archéologique du Midi de la France pour présenter les acquis les plus récents de la recherche universitaire ».
- Bibliographie : compte rendu par Pierre Garrigou Grandchamp de l'ouvrage d'Yves Esquieu, Autour de nos cathédrales. Quartiers canoniaux du sillon rhodanien et du littoral méditerranéen, Paris : C.N.R.S. éditions, 1992, 355 p. ; compte rendu par Marcel Durliat de la deuxième édition, considérablement augmentée et enrichie, de Angela Franco Mata, Catálogo de la escultura gótica del Museo Arqueológico Nacional (de Madrid), Madrid : 1993, 286 p.

    Daniel Cazes poursuit sa présentation des revues françaises, puis fait un compte rendu de l'ouvrage, offert par l'auteur à notre Société, de Roger Armengaud, Boulbonne : le Saint-Denis des comtes de Foix, Mazères : Association pour le développement du tourisme de Mazères, 1993, 331 p. Cet important travail rassemble toutes les données de l'histoire de cette grande abbaye du Midi toulousain.
    Le Président remercie Daniel Cazes de cette présentation. Louis Latour précise, à propos de l'ouvrage de Roger Armengaud consacré à Boulbonne, que le manuscrit, qui était beaucoup plus important, n'a pu être entièrement publié pour des raisons éditoriales et que l'auteur pense le déposer aux Archives départementales de la Haute-Garonne, où il sera un apport important pour la recherche scientifique.

    Le Président donne ensuite la parole à Bruno Tollon qui présente son rapport sur la candidature de M. Richard au titre de membre correspondant de notre Société. On procède au vote : M. Richard est élu membre correspondant.

 

    La parole est alors donnée à Mme Quitterie Cazes pour une communication consacrée à La cathédrale romane de Toulouse, publiée dans ce volume (t. LIV, 1994) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Quitterie Cazes de cette présentation qui pose non seulement la question de la cathédrale romane mais aussi celle de son implantation et qui met bien en évidence les nombreuses interrogations que suscite le monument.

    L'abbé Rocacher demande si les éléments trouvés par Michel Vidal et Daniel Cazes en 1983 dans le déambulatoire sont datés avec certitude de l'époque romane. Quitterie Cazes rappelle que les substructions n'ont alors pas fait l'objet d'observations archéologiques précises et que seul un chapiteau de l'Antiquité tardive a été récupéré. Quant au sondage qu'elle a elle-même réalisé avec Jean Catalo en 1989, il a permis de retrouver une poignée de tessons du milieu du XIe siècle qui indiquent seulement que la maçonnerie était postérieure à cette date. L'abbé Rocacher voudrait savoir d'une part si les divers travaux de dallage réalisés au fil des années à hauteur du pilier d'Orléans ont permis des observations, et si les rapports relatant les éventuelles découvertes existent, d'autre part si le mur relevé à l'extérieur est visible dans les chapelles sud. Quitterie Cazes répond que le sol de la nef a été bouleversé par de nombreuses sépultures ; quant au mur sud, les chapelles étant aujourd'hui enduites, il faut attendre que des travaux permettent de vérifier si la maçonnerie romane se développe sur toute l'épaisseur du mur ou si le mur roman a été doublé à l'époque gothique.

    Louis Peyrusse se demande pourquoi on a lancé trois travées vers l'ouest si la nef raymondine avait pour une large part une base romane. Pour Daniel Cazes, c'est la volonté d'avoir une façade tout à fait différente de la façade romane qui a imposé de prolonger l'édifice vers l'ouest.

    Henri Pradalier remarque que si la longueur de la nef romane peut ne pas surprendre, sa largeur est plus étonnante et il est peut-être difficile d'admettre une nef à trois vaisseaux. Par ailleurs, l'emplacement du chœur des chanoines pose problème surtout en l'absence de transept. Faut-il complètement écarter l'hypothèse de deux édifices, et tout transept est-il impossible ? Quitterie Cazes montre qu'en raison de la présence du cloître, de la salle capitulaire et des autres bâtiments canoniaux, un bras de transept du côté sud est tout à fait impossible, et elle ajoute que le débat que nous avons, a dû se poser en termes équivalents pour l'évêque et les chanoines lors de la construction de la cathédrale romane. Elle fait par ailleurs remarquer qu'avec 20 m, la largeur de la nef serait égale à celle des trois vaisseaux centraux de Saint-Sernin.
    À une question du Président, Quitterie Cazes répond que l'on n'a, pour l'instant, retrouvé aucune trace des supports qui prouveraient l'existence de trois vaisseaux.
    Pascal Julien se demande si le caveau des chanoines, qui se développe sur une vingtaine de mètres carrés ne serait pas une zone de fouilles privilégiée. Quitterie Cazes craint que son aménagement ne se soit fait par entaille des maçonneries et réfection des parements, mais il pourrait être intéressant de s'en assurer. M. Ginesty fait la même observation à propos du tombeau de Riquet.

    Comme l'on aborde les questions diverses, Bruno Tollon donne des informations sur l'évolution de la situation après qu'il a envoyé un courrier au Directeur régional des Affaires culturelles avec copie à l'Inspecteur général, à l'Inspecteur des Monuments Historiques et au Conservateur régional des Monuments Historiques à propos des travaux en cours à l'hôtel d'Assézat.


M.S.A.M.F., T. LIV, page 171

Marie-Anne Sire, Inspecteur des Monuments Historiques, lui a donné toute assurance sur la conservation des menuiseries anciennes, taques de cheminée etc. Elle a adressé un courrier en ce sens à l'Architecte en chef des Monuments Historiques et à l'Inspecteur général et une visite de chantier sera programmée.

    Bruno Tollon ajoute que l'on a déjà démonté, avec la même hâte que pour sa construction, la cheminée pastiche qui avait été installée sans autorisation au premier sous-sol. En outre, le grand évier sera laissé en place, le porte-jarre sera replacé et l'on va refaire le grand potager. Les choses vont d'ailleurs très vite : nous nous étions inquiétés des percements réalisés dans les murs du premier sous-sol, et ils ont aujourd'hui encadrés de piédroits et d'arcs pastiches. Ces ouvertures sont évidemment hors d'échelle mais il sera bien difficile au visiteur de faire la différence entre l'authentique et le pastiche.

    La discussion s'engage ensuite sur les causes du décollement des cloisons au premier étage. Le Président indique que nous avons déménagé vingt tonnes environ de livres. Certains membres pensent que l'on peut peut-être admettre l'explication donnée par l'Architecte en chef d'une remontée des poutres et des cloisons suspendues après enlèvement du poids. D'autres font remarquer que dans la salle des séances de l'Académie des Sciences, où nous sommes, la cloison montre à l'évidence un fléchissement vers le centre. Bruno Tollon pense que nous pourrions obtenir tout à fait officiellement le rapport de M. Voinchet. Il ajoute que la Société pourrait sans doute tout aussi officiellement suivre les visites de chantier. Le Président pense que Bruno Tollon devrait à cette occasion représenter notre Société et souhaite par ailleurs que nous puissions avoir des échos de la visite de l'Inspection générale.

    Guy Ahlsell de Toulza demande de quand datent les boiseries de l'hôtel. Bruno Tollon répond que l'on a du mal à en situer l'exécution d'après les textes. Pour Louis Peyrusse, les décors de stucs et les lambris sont probablement en partie du XVIIIe siècle et en partie de l900. Guy Ahlsell de Toulza fait remarquer qu'ils sont en tout cas antérieurs à l'installation de la Société dans l'hôtel.

    Guy Ahlsell de Toulza rappelle par ailleurs qu'après les articles de l'abbé Rocacher et de M. Gillis sur la disparition des voûtes gothiques de la rue Saint-Rome, il faudrait que la Société adresse en commun avec les Toulousains de Toulouse une lettre au Maire.

 

Séance du 22 mars 1994

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire général, Scellès, Secrétaire-adjoint; Mme Blanc-Rouquette, MM. l'abbé Baccrabère, Bertrand, Boudet, Cabau, Fabre, Gérard, Gillis, Julien, Péaud-Lenoël, Prin, Tollon, Vézian.
Excusés: Mme Foucaud, MM. Manière, Peyrusse.
Invité: M. Philippe Gruat.

    Le Président donne lecture d'un courrier que nous a adressé la Société des Études de Comminges à propos de l'abbaye de Bonnefont. Devant des oppositions qui se manifestent contre le démontage de la façade de la salle capitulaire actuellement en place dans l'ancienne gendarmerie de Saint-Martory, elle souhaite que des membres de notre Société puissent lui adresser des courriers de soutien en faveur du transfert de cette façade sur son site d'origine.

    Maurice Scellès intervient pour exprimer son extrême réserve sur le projet de remontage sur le site de Bonnefont. Il rappelle que les emplacements d'origine précis des différents éléments lapidaires ne sont pas connus. La reconstitution ne pourra donc être qu'un pastiche hypothéquant l'avenir puisque tous les éléments architecturaux d'origine seront replacés dans une maçonnerie.

    Guy Ahlsell de Toulza pense qu'il faut être moins critique. Il souligne l'état actuellement très dégradé de la façade de la salle capitulaire dans l'ancienne gendarmerie et le fait que le courrier n'a pour but que de s'opposer à l'opposition qui se développe aujourd'hui au sein de la municipalité de Saint-Martory. La Société de Comminges, qui récupère depuis quinze ans tous les éléments dispersés provenant de l'abbaye, a acheté l'ancienne gendarmerie de Saint-Martory. Il rappelle que l'on n'a pas hésité à dépecer le pavillon de Maurens-Scopon et que le cloître des Jacobins n'a pu être reconstitué qu'en rassemblant des chapiteaux éparpillés.

    Pour Daniel Cazes, le projet pose des problèmes assez complexes. On peut souhaiter le démontage et le transfert de la façade de la maison de Saint-Martory, ancienne maison Barreau de Lorde devenue ensuite gendarmerie, mais il faut se souvenir que le portail de l'église de Bonnefont et de nombreux éléments de celle de Touille proviennent de l'abbaye. On aimerait avoir des précisions sur ce que l'on envisage dans ces deux cas. Se pose aussi la question des éléments architecturaux dont les emplacements précis dans l'abbaye ne sont pas connus. Enfin, il faut avoir à l'esprit le cas de Rieux-Volvestre où des chapiteaux qui se trouvaient à la mairie et qui avaient été employés pour orner des espaces publics ont disparu.
    Maurice Scellès pense que ce n'est pas le transfert de la façade de la salle capitulaire qui est contestable, mais son remontage alors que l'on pourrait opter pour une présentation réversible des éléments architecturaux sur le site mais dans un bâtiment conçu comme un musée. Il ajoute qu'il est discutable de consacrer des sommes importantes à des reconstitutions incertaines alors que des édifices tout à fait authentiques souffrent du manque de moyens.


M.S.A.M.F., T. LIV, page l72

    Le Président informe ensuite la Société des derniers développements concernant l'hôtel d'Assézat.

    Il rappelle qu'après la lettre que M. Sermet avait envoyée au Maire, avec copie à Me Goguel, le Maire de Toulouse avait répondu en proposant d'organiser une réunion pour aboutir à un accord dans le respect des intérêts de chacun et de la convention signée.
    La réponse que Me Goguel a adressée à Me Viala est au contraire une fin de non recevoir, réfutant tous les arguments exposés tant sur le plan juridique qu'esthétique ou pratique. Le Président fait remarquer que son exposé fait supposer que Me Goguel n'a pas lu la convention signée entre la Ville et l'Union des Académies.
    Me Viala a donc repris l'idée d'une réunion pour trouver un accord. Il a en outre préparé la défense de l'Union des Académies et un recours en référé devant le tribunal de Grande Instance si aucun compromis n'était trouvé. On peut imaginer de négocier les horaires d'utilisation du grand escalier, mais on ne peut admettre les solutions qui nous sont proposées pour la porte de la Société Archéologique. Le référé provoquerait un arrêt des travaux, ce qui, peut-on espérer, sera une menace suffisamment grave.

    Guy Ahlsell de Toulza rend compte de la récente discussion qu'il a eue avec l'adjoint au Maire, M. Andrès, qui souhaite évidemment éviter des complications judiciaires.
    Le Président rappelle que l'on croyait le problème résolu, la convention signée démontrant suffisamment que le sas était prévu et n'était pas dévolu à la fondation. Les services municipaux souhaitent d'ailleurs le sas que l'architecte M. O'Byrne refuse absolument. Guy Ahlsell de Toulza précise que le chantier prend déjà du retard ; il pense qu'il faut rencontrer Me Goguel pour lui faire la preuve de notre bonne foi. Il ajoute qu'il faut peut-être songer à une solution de compromis qui pourrait être la création d'une porte double, solution qui avait été proposée à un moment par M. O'Byrne mais avait été refusée par l'architecte en chef. La mise à nu des maçonneries montre en effet que la porte actuelle du deuxième étage est une réfection du XIXe siècle. Maurice Scellès pense que ce n'est pas une raison pour cautionner un pastiche que nous critiquons par ailleurs.
    La discussion se poursuit sur la circulation dans l'escalier, l'éventuel aménagement d'une grille sur le palier, le faux argument esthétique avancé pour refuser le sas, etc. On ajoute que l'argument esthétique contre le sas est particulièrement mal venu quand on voit la façon dont on double les murs ou certaines parties des plafonds en modifiant les proportions des pièces.

 

    La parole est donnée à Jean-Luc Boudartchouk pour sa communication consacrée aux Lieux de culte liés au culte de l'évêque Saturnin du IVe au VIe siècle. Bilan des sources, publiée dans ce volume (t. LIV, 1994) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Jean-Luc Boudartchouk de cette communication qui complète la présentation qu'il avait faite devant la Société des résultats des fouilles de la place Esquirol. Le problème de la translation va sans doute susciter des questions, d'autant qu'elle est confirmée par deux lettres d'empereurs.
    Jean-Luc Boudartchouk rappelle que la législation romaine est très rigide en matière de sépultures, et qu'un déplacement même minime suffit pour qu'il soit nécessaire d'en demander l'autorisation.

    M. Gérard, après avoir remercié Jean-Luc Boudartchouk de sa communication, veut apporter quelques précisions sur les sources. Dans l'état actuel de la recherche, il faut distinguer les deux sources les plus sérieuses qui sont la passio antiqua et la passion rimée, plus tardive, qui est due à un archevêque de Narbonne de la fin du Xe-début XIe siècle.
    La passio antiqua se compose de trois parties : l'une rédigée vers 400-421, l'autre ajoutée dans la seconde moitié du Ve siècle, avec un noyau central sans doute dû à l'évêque Exupère comprenant un panégyrique et le récit de la translation. C'est la source la plus sûre.
    La messe du 29 novembre, c'est-à-dire la passion rimée, est tirée de la passio antiqua.
    À propos de la topographie de Toulouse aux XIe-XIIe siècles, M. Gérard indique que le cartulaire de Saint-Sernin permet de savoir que la porte antique, porta castri, existe toujours à ce moment-là, mais qu'elle est transformée, alors qu'une porte voisine, dite de Saint-Quentin, permet de sortir de la ville. On a mention au début du XIIe siècle de la rue qui mène de Saint-Quentin à Saint-Sernin. Il ajoute qu'en 1078 un hebdomadier de Saint-Sernin est chapelain de Saint-Sernin du Taur et que la paroisse du Taur n'est créée qu'au XIIIe siècle.

    Le Président et Jean-Luc Boudartchouk remercient M. Gérard de ces savantes précisions.

    Pascal Julien fait remarquer que le terme de « basilique » correspond au titre accordé à l'église au XIXe siècle, et qu'il ne peut être employé pour l'édifice du Moyen Age. On discute les différents sens du mot « basilique ». Patrice Cabau rappelle que le Guide du Pèlerin de Saint-Jacques emploie encore le terme de « basilica  » à propos de Saint-Sernin. M. Prin pense que le mot est encore pris dans son sens romain.

    Patrice Cabau remarque que le texte de Nicolas Bertrand a été cité d'après la traduction, assez libre, de Guillaume de Lapérière et pense que le retour au texte est nécessaire. Par ailleurs, si l'on met en doute que la première sépulture de saint Sernin se soit trouvée sur l'emplacement de l'église du Taur, que faut-il penser de l'appellation ? Patrice Cabau ajoute qu'on en connaît plusieurs formes : Tauri, de Tauro, ad Tauram. Jean-Luc Boudartchouk pense que le souvenir de la course du taureau ne s'est jamais perdue, mais qu'il est impossible de décider. Il lui paraît surtout intéressant de présenter les différentes hypothèses.
    Patrice Cabau fait encore remarquer que le texte le plus sûr, celui de la passio antiqua, fait effectivement état d'une fosse « très profonde ».
    À propos des noms de lieux qui rappellent le martyre de saint Saturnin, Daniel Cazes se demande ce qu'il faut penser du lieu-dit « Matabiau ». M. Gérard indique que la porte Matabiau est mentionnée dès le début du XIIe siècle, mais il ajoute que le même toponyme se retrouve au XIIe siècle à L'Union où il correspond à un petit abattoir rural.


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    Guy Ahlsell de Toulza relève que le texte de la passio place le taureau au sommet des marches du Capitole alors que l'autel se trouvait bien sûr en bas. Jean-Luc Boudartchouk suppose qu'il s'agit d'un effet rhétorique, peut-être suggéré par la hauteur réelle du podium encore visible quand le texte est rédigé. Un autel sur le podium est toutefois possible, même si l'autel monumental destiné aux sacrifices devait se trouver à cinq mètres environ devant le temple.
    Daniel Cazes fait encore remarquer que l'église Saint-Sernin est disposée en biais par rapport à l'orientation du cardo, ce qui est surprenant, alors que nous sommes sûrs que l'édifice actuel a le même axe que celui du Ve siècle.

 

Séance du 5 avril 1994

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Labrousse, Merlet-Bagnéris, Pradalier, MM. Bertrand, Boudet, Julien, Lapart, Péaud-Lenoël, Tollon.
Excusés : M. Cazes, Secrétaire Général; M. Cabau.

 

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture des procès-verbaux des séances des 15 mars et 22 mars, qui sont adoptés, le premier après un complément demandé par Bruno Tollon.

    À propos de la question de la porte de communication entre notre future salle des séances et l'escalier d'honneur de l'hôtel d'Assézat, le Président rend compte de la rencontre qu'il a eue avec Mme Tomasin, en compagnie de Guy Ahlsell de Toulza. Mme Tomasin ne s'est pas montrée opposée au projet présenté par notre Trésorier de la création d'une porte double.
    Le lendemain, une nouvelle rencontre a eu lieu avec l'architecte de la fondation Bemberg, M. O'Byrne, l'architecte en chef des Monuments historiques, M. Voinchet, M. Séguy, vérificateur des Monuments historiques. La réunion a été orageuse et les propos échangés ont été vifs. Puis le calme est revenu et on est convenu de l'intérêt que pouvait présenter une porte double. À la fin de la réunion, M. Voinchet a dessiné un croquis de ce que pourrait être cette porte double.
    Guy Ahlsell de Toulza donne les quelques éléments de l'analyse qu'il a pu faire de l'état de la porte actuelle. Les traces de reprises montrent qu'elle a été transformée au XVIIIe ou au XIXe siècle, mais les piédroits n'ont pas été déplacés. Il n'y a donc jamais eu une double porte à cet endroit. Mais la demande d'une porte double a été formulée en premier lieu par la fondation Bemberg et la Conservation régionale des Monuments historiques n'y est pas opposée. Guy Ahlsell de Toulza ajoute qu'il a pu, après une recherche rapide, trouver trois exemples de portes doubles dans des châteaux de la Renaissance : au château de Madrid, au château des Bories en Dordogne et au château de Roquevidal.
    M. Sermet avait demandé un rapport à M, Viala et à Guy Ahlsell de Toulza. Celui-ci a été déposé sur son bureau le lundi 28 mars. Il a été remis le lendemain à Mme Tomasin et un exemplaire a été adressé à M. Andrès. On pense que la proposition ne devrait pas rencontrer de difficultés.

    Mme Labrousse offre à la Société un exemplaire de l'Histoire du Quercy, éditée par Privat, dont Michel Labrousse avait eu la responsabilité du chapitre consacré à l'Antiquité. Le texte était achevé en 1987 et ne paraît qu'aujourd'hui. On fait remarquer que l'illustration est assez médiocre et que les documents occupent des places sans rapport avec leur intérêt. On rappelle que Privat a été racheté par Bordas en 1988 et on indique que les maquettes sont parfois réalisées par des stagiaires.

    Le Président prend la parole pour le premier rapport sur les concours. Il donne lecture du rapport établi par M. Robert Sablayrolles, maître de conférences à l'Université de Toulouse-Le Mirail sur le mémoire de maîtrise de M. Sébastien Saunière :

    « Monsieur Sébastien Saunière a préparé sous ma direction en 1991-1992 un mémoire de maîtrise sur La vallée de la Pique à l'époque gallo-romaine. Ce mémoire entrait dans le cadre d'un programme de prospection archéologique des vallées pyrénéennes, programme que l'Université de Toulouse-Le Mirail a mis en chantier depuis 1988. Le secteur de recherche attribué à Monsieur Sébastien Saunière était constitué par la vallée de la Pique depuis le village de Cierp-Gaud jusqu'aux sommets pyrénéens de la chaîne frontière.

    Monsieur Sébastien Saunière a utilisé pour ce travail toutes les techniques de prospection classique : élaboration et étude d'une bibliographie, dépouillement systématique des archives et des cadastres, étude de cartes (en particulier géologiques), photo-interprétation des clichés verticaux de l'Institut Géographique National, examen de la toponymie, enquête orale, parcours de terrain. Ces recherches ont mené Monsieur Saunière des bibliothèques aux pentes des Pyrénées, des archives aux galeries de mines, des musées aux falaises des carrières. Le résultat de cette quête patiente, souvent difficile, est d'abord un catalogue qui fait le point des connaissances commune par commune. Cet inventaire constitue désormais pour toute recherche sur la région une base de données précieuse et à jour : y sont recensés les sites antiques dûment attestés (sanctuaires, habitats, nécropoles), les découvertes fortuites isolées, les réutilisations dans des édifices médiévaux ou modernes et, également, les sites de mines ou de carrières pouvant avoir fait l'objet d'une exploitation dans l'Antiquité.


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    Cette base de données, dans laquelle Monsieur Saunière a montré de solides qualités d'analyse et de jugement pour la réévaluation de plusieurs découvertes, lui a fourni la matière d'une remarquable synthèse historique. L'auteur se montre là tout à la fois archéologue, philologue, épigraphiste et historien. Le plus intéressant témoignage de cette capacité à la synthèse pluridisciplinaire réside sans doute dans les pages consacrées aux thermes des Onesii : rouvrant un vieux débat, il apporte en la matière un éclairage renouvelé et la clarté comme la logique de sa démarche entraînent la conviction sur ce point qui fut l'objet de multiples controverses. Ce point particulier de son étude a fait l'objet d'un article qui paraîtra dans le prochain numéro des Annales du Midi. Les conclusions de son mémoire cernent les points forts de la romanisation, articulés autour des secteurs clés que constituent les thermes ou les zones d'exploitation du marbre. Dans la définition de ce processus, Monsieur Saunière livre des réflexions fructueuses et novatrices sur les problèmes du panthéon pyrénéen et des pratiques funéraires, deux sujets traditionnels des études sur les Pyrénées antiques.

    Les qualités d'homme de terrain de Monsieur Sébastien Saunière, sa rigueur intellectuelle, la finesse de ses conclusions, ses talents d'historien tout autant que son domaine de recherche font de lui un candidat de choix pour le prix du Professeur Michel Labrousse de la Société Archéologique du Midi de la France. »

    Le Président rappelle que le prix du Professeur Michel Labrousse n'est pas obligatoirement attribué chaque année. Il ajoute qu'on lui a fait remarquer que le mémoire de Sébastien Saunière n'était pas assez personnel : l'auteur mentionne ainsi des œuvres qui « seraient », dit-il, au Musée Saint-Raymond, ce qui laisse entendre qu'il n'a pas pris la peine de vérifier l'information.
    Mme Labrousse pense que cette critique est justifiée, mais elle fait remarquer que ce travail est d'abord un travail de terrain et qu'un mémoire de maîtrise est nécessairement réalisé dans un temps limité. Elle précise par ailleurs que le prix est surtout fait pour encourager des étudiants de la région Midi-Pyrénées travaillant sur l'Antiquité.
    Le Président conclut en déclarant que la Société Archéologique du Midi décerne donc le prix du Professeur Michel Labrousse à M. Sébastien Saunière.

    La parole est donnée à Mme Michèle Pradalier-Schlumberger pour son rapport sur la thèse de Mlle Anne-Laure Napoléone :

    « Mlle Anne-Laure Napoléone a soutenu une thèse de doctorat, en décembre 1993, dont le sujet était : Figeac au Moyen Âge : les maisons du XIIe au XIVe siècle. La thèse compte 400 pages et un album de 430 pages contenant près d'un millier de documents de toute nature. La thèse a été soutenue devant un jury comprenant MM. Yves Esquieu et Yves Bruand, Mmes Joëlle Burnouf et Michèle Pradalier-Schlumberger, et a reçu une mention Très honorable avec félicitations du jury.

    Comme elle l'annonce dans son introduction, l'auteur a été amenée à étudier non seulement l'architecture domestique médiévale de Figeac, « mais aussi les ponts, le canal, les moulins, les hôpitaux, couvents, remparts et églises », d'où un véritable inventaire, qui se veut exhaustif, de la ville médiévale. La première partie de la thèse est consacrée à l'histoire de la ville des origines jusqu'au XIVe siècle, limite de son étude. C'est une bonne synthèse qui permet à Anne-Laure Napoléone de mettre en place une grille chronologique, en exposant les grandes périodes de construction des principales églises de la ville.

    La seconde partie est consacrée à huit monographies des maisons les plus représentatives de l'architecture figeacoise, les unes restaurées depuis des années, comme la Maison de la Monnaie ou le Château Balène, les autres en cours de rénovation, comme la Maison dite des Templiers. Ces études concrétisent un énorme travail de terrain, puisque l'auteur a observé pendant des années les chantiers de restauration des maisons figeacoises, en suivant les travaux des architectes du secteur sauvegardé, créé en 1988. Elle a réuni une importante documentation, faite de cadastres, plans, photos, et surtout procédé elle-même à nombre de relevés et de croquis, qui sont le point de départ d'une méthode d'archéologie monumentale très solide et très convaincante. Pour chaque maison, elle analyse ou restitue les dispositions générales de la demeure, les systèmes de circulation, les galeries extérieures, la distribution des ouvertures, les décors sculptés et peints, la modénature. L'une des curiosités de la demeure figeacoise réside dans une abondante sculpture d'accompagnement, qui a toujours intrigué les architectes, et Anne-Laure Napoléone a pu faire de fructueuses comparaisons avec la sculpture des églises de Figeac, Saint-Sauveur et Notre-Dame du Puy, et, d'une manière générale, avec la sculpture médiévale quercynoise et rouergate.

    L'auteur arrive tout naturellement, dans un chapitre de synthèse, à proposer une chronologie des maisons figeacoises, fondée sur l'analyse des formes et des décors, et sur les techniques de construction. En croisant les indices recueillis dans les monographies, elle définit quatre « générations » de maisons, dont les plus anciennes dateraient du XIIe siècle, et les plus récentes du XIVe siècle. Elle ose donc, selon ses propres termes, une datation haute pour certain édifices, ce qui la situe au cœur des débats actuels sur la demeure médiévale. La synthèse montre également les multiples particularités de l'architecture domestique de Figeac : l'importance des pans de bois, la présence de décors peints extérieurs, la richesse des encadrements de fenêtres, l'importance de la salle. Anne-Laure Napoléone restitue un panorama très complet de l'habitat médiéval à Figeac, allant du moindre détail de l'installation intérieure domestique jusqu'aux problèmes liés au tissu urbain et à l'urbanisme d'une grande cité commerçante.

    L'importante thèse de Mlle Napoléone fait figure d’œuvre pionnière, dans un domaine que l'histoire de l'Art et l'archéologie découvrent depuis peu, et apparaît comme une recherche exemplaire sur une cité médiévale de la France méridionale. C'est à ce double titre qu'elle mérite d'être distinguée par la Société Archéologique du Midi de la France. »

    La parole est ensuite à M. Bruno Tollon pour son rapport sur le mémoire de maîtrise de Mlle Elisabeth Chauvin :


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    « Mlle Elisabeth Chauvin a présenté en juin 1993, à l'Université de Toulouse-Le Mirail, un mémoire de maîtrise consacré à L'évolution de la rue des Filatiers soutenu devant un jury composé de MM. Yves Bruand, professeur, et Bruno Tollon, maître de conférences.

    L'étude remise par Mlle Chauvin forme trois volumes de 137, 128 et 47 pages, comprenant un texte de synthèse, le catalogue des 59 maisons qui composent la rue et un troisième volume de 81 figures réunies en 49 planches d'une présentation élégante et claire, avec croquis et graphiques soignés, à l'abondante documentation photographique, qui témoignent d'un travail consciencieux.
    Mlle Chauvin a consacré ses recherches à un domaine encore très neuf parmi les enquêtes urbaines, qui consiste non pas à retenir un échantillonnage de grandes demeures et d'hôtels, mais au contraire en l'étude exhaustive de tous les éléments d'un quartier, analysant tous les édifices qui composent une rue, le but étant de mettre en évidence l'évolution du paysage urbain.

    Cette entreprise suppose le maniement d'un ensemble de techniques d'enquête, avant de parvenir à l'établissement du corpus. Comme dans tous les domaines de la recherche, l'historien de l'Art doit commencer par créer les documents. Ceux-ci sont tirés des informations fournies par les différentes sources conservées aux Archives municipales, principalement les registres de cadastres, conservés en quasi totalité depuis l'époque de la Renaissance, et que complètent les registres de tailles. À côté de ces documents, les matrices de cadastres fournissent pour le XVIIe siècle (1680) et pour le XVIIIe siècle (à partir de 1750) la possibilité de fixer moulon par moulon, les limites de parcelles, et même le rapport entre cour et jardin et espace bâti.
    La ventilation des données permet de retracer la succession des propriétaires, l'évolution des parcelles, la relative stabilité de la disposition sur la rue des Filatiers (une des portions de la grande rue qui traverse la ville du Sud au Nord), et les tentatives d'agrandissement en cœur d'îlot ou bien sur une rue adjacente, où la pression est moins forte.

    Ce travail dans les archives est prolongé par l'étude sur le terrain, qui reprend les méthodes de l'archéologie monumentale notices descriptives, croquis, photographies servant à vérifier ou compléter tout ce que les archives ont pu déjà indiquer.
    L'ensemble débouche, grâce à une étude comparée, sur l'appréciation des caractéristiques décoratives permettant de fixer le contexte stylistique.
    On le voit, la tâche est considérable. Elle devrait s'envisager avec la logistique des méthodes et des ressources de l'Inventaire général du Patrimoine. Cette recherche pionnière est ici réalisée par un chercheur isolé. Il convient d'en apprécier les résultats.

    Mlle Chauvin a été conduite à limiter l'exploitation de sa documentation aux aspects qu'elle a jugés les plus maîtrisables en l'espace d'une année de recherche. Elle s'est attachée à une réflexion sur le parcellaire aux principales étapes de son histoire : 1473, 1550 ou 1571, puis, pour les temps classiques, 1678 et 1780.

    La ventilation des données permet de reconstituer l'éventail des propriétaires, la répartition professionnelle et sociale des superficies, d'où l'établissement de moyennes. Après ces analyses qui prouvent tout l'intérêt de la statistique et de la topographie historiques, l'auteur se consacre au domaine qui est au cœur des problèmes de l'histoire architecturale de la ville : l'examen des façades et la datation des immeubles. Le sérieux et la rigueur de la méthode, l'intérêt des résultats donnent au lecteur l'espoir que l'étude donnera lieu au complément indispensable qui doit permettre une réflexion d'ensemble. Celle-ci découle logiquement de l'observation et des comparaisons archéologiques : volumétrie des édifices, répartition des éléments en fonction de la rue ou de la cour, format et rôle de la cour intérieure, emplacement de l'escalier, de la façade principale, habitudes de construction, et tout ce qui permet de comprendre le fonctionnement et l'esthétique de la demeure urbaine.

    Envisagée dans sa dimension globale, la maison toulousaine peut alors être replacée dans l'aire plus large de cette « France latine » que les publications récentes sur Montpellier, Nîmes, Figeac ou Cahors ont contribué à mettre en évidence.
    Au total, dans les limites que l'auteur s'était fixées, le pari difficile a été tenu. Le travail de Mlle Chauvin constitue la première pierre – ou la première brique – d'un projet plus vaste, qui permettra de restituer un aspect jusque-là négligé du passé toulousain. »

    On reproche à ce travail de se limiter trop strictement à une étude des façades. Il est dommage que les cours, les escaliers, les accès secondaires n'aient pas été pris en compte, ni même seulement évoqués. Le Président fait remarquer qu'on ne peut exiger d'un mémoire de maîtrise, qui se fait en un an, l'exhaustivité d'une thèse.
    On rappelle que le travail de Mlle Chauvin a déjà été primé par les Toulousains de Toulouse.

    Après discussion, le prix de la Société Archéologique du Midi de la France est attribué à Anne-Laure Napoléone. Mlle Chauvin recevra une médaille d'argent.

 

    Le Président donne ensuite la parole à Jacques Lapart pour une communication consacrée à Une nouvelle collection d'antiques découverte à Auch.

    Le Président remercie Jacques Lapart dont la tâche était particulièrement difficile car il n'était pas possible de présenter des diapositives. Il demande s'il y a des chapiteaux parmi les éléments conservés. Jacques Lapart indique qu'il y a des chapiteaux à quatre feuilles attribuables à l'Antiquité tardive, mais quelques éléments de couronnement appartiennent au IIe siècle.
    Jacques Lapart indique par ailleurs qu'en faisant cette communication, il espérait qu'on serait en mesure de lui annoncer que le deuxième manuscrit de Collard était revenu dans les archives de la Société. Deux manuscrits ayant appartenu à la Société Archéologique du Midi de la France se sont en effet retrouvés mis en vente par un marchand toulousain, il y a un mois et demi. Le premier a été acheté par le Directeur des archives départementales du Gers.


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    Jacques Lapart précise que ce sont trois carnets de Collard que possédait notre Société. Ce sont des archives très précieuses. Des mémoires de Collard se trouvent également à Saint-Germain-en-Laye et celui-ci avait aussi fait des envois à la Société Française d'Archéologie et au Comité des Travaux historiques.

    Claude Péaud-Lenoël demande si l'on a des données sur l'implantation des monuments cités. Jacques Lapart répond que les excavations qui demeurent visibles dans le parc et les notes de Collard permettent d'avoir une idée d'ensemble convenable des édifices qui s'y trouvaient. La difficulté tient surtout aux réticences de la propriétaire actuelle. La famille vend des parcelles en terrain à bâtir et nous ne savons pas ce qu'elle compte faire des objets. Le conservateur régional de l'archéologie proposait de faire classer les objets.
    Richard Boudet indique qu'il a repéré un fragment d'amphore italique parmi les photos et dessins mis en circulation pendant la communication. Jacques Lapart précise qu'il n'a pas de certitude sur la provenance des éléments mobiliers.

 

Séance publique du samedi 16 avril 1994

Elle se tient dans la grande salle de l'hôtel d'Assézat.

Allocution du Président

« Mes chers confrères, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Il est des années où la mort se montre redoutable. C'est avec cruauté qu'en cette année 1993 elle a frappé notre Société, emportant trois de ses membres, et non des moindres, qui l'honoraient de leur présence et contribuaient à son rayonnement.

 

Gratien LEBLANC
(1904-1993)

    Le premier d'entre eux était notre Président Honoraire, M. Gratien Leblanc. C'est en effet le 21 décembre dernier qu'il nous a quittés, âgé de 89 ans. Grande figure toulousaine, connu de beaucoup d'entre nous, collègues, anciens élèves ou confrères d'Académies et de Sociétés Savantes, il s'est éteint, au seuil de l'hiver, dans sa maison de la rue Franc où il habitait depuis 1929.

    Gratien Leblanc, qui allait devenir un des grands connaisseurs et des acharnés défenseurs de l'histoire et du patrimoine du Midi toulousain, était picard d'origine. En effet, quoique né en 1904 à Castres, du fait de l'affectation de son père dans cette ville, tous ses ancêtres paternels, jusqu'à son père, avaient vécu dans un périmètre restreint aux confins des départements de l'Oise et de la Somme et sa mère était de Saint-Quentin. Sa famille paternelle illustre bien l'évolution d'une famille de la petite et moyenne bourgeoisie, de ces familles qui firent la Révolution Française à la fin du XVIIIe et la révolution industrielle au XIXe siècle. On retrouve en effet un de ses ancêtres administrateur en l'An II du village de Libermont dans l'Oise, et tout au long du XIXe siècle des propriétaires terriens, officiers ministériels, négociants et industriels jusqu'à son père qui, après des études au Lycée d'Amiens puis à Janson de Sailly, fit une carrière d'ingénieur après avoir été élève de l'École Nationale des Ponts et Chaussées et ingénieur des Constructions Civiles. Cet ingénieur entra à la Compagnie des Chemins de Fer du Midi et fut nommé Inspecteur et Ingénieur de la Voie à Toulouse. Il s'y fixa définitivement et son fils ne devait plus quitter cette ville et être adopté par celle-ci au point que bien peu auraient soupçonné à Gratien Leblanc des origines si lointaines.

    Mais le jeune Gratien abandonna la voie de ses ancêtres, celle du commerce et de l'industrie pour devenir professeur. C'est à Toulouse que de 1909 à 1922 il suit le cursus traditionnel des élèves aptes à obtenir le baccalauréat. Étudiant à la Faculté des Lettres de 1922 à 1928, il est attiré par l'histoire, la géographie et l'histoire de l'art. Diplômé d'histoire de l'art, agrégé d'histoire et de géographie, c'est en 1928 qu'il est nommé au lycée de Carcassonne. L'année suivante il épouse une toulousaine, Marie-Louise Sérié dont le père est maire de Tréziers dans l'Aude. Les attaches de Gratien Leblanc avec Toulouse et l'Aude sont désormais scellées et il va se consacrer à l'étude de la région tout en continuant sa carrière de professeur.

    En 1936 il est muté au Lycée de Toulouse. De 1939 à 1949 il enseigne comme professeur dans la classe préparatoire à l'institut agronomique. De 1942 à 1949 il est professeur de classe préparatoire aux Écoles nationales d'Agriculture. En 1941 il prépare ses élèves à Saint-Cyr. Il sera un temps, en 1959, chargé de conférences en histoire de l'art à la Faculté des Lettres après la mort de Raymond Rey et en même temps que son ami Victor Allègre, ce qui vient compléter l'enseignement qu'il donne à l'École Régionale d'Architecture et à l'École des Beaux-Arts de Toulouse depuis 1950. Enfin, en 1961, couronnement de sa carrière, il est nommé professeur de première supérieure et de lettres supérieures au Lycée Pierre de Fermat. C'est là que beaucoup ont pu apprécier ses qualités de professeur, sa rigueur d'enseignant et son souci de transmettre cette technique bien française de la dissertation en trois parties qu'il exigeait de ses élèves et appliquait lui-même à chacun de ses cours. Ce parcours dans le service publie fut couronné par l'attribution de la rosette d'Officier dans l'Ordre des Palmes Académiques et, en 1970, de la croix de Chevalier de la Légion d'Honneur.

    Mais à côté de ce qui était son métier et le service de l'État, Gratien Leblanc développa une large activité dans le domaine associatif. Membre de nombreuses sociétés savantes régionales ou nationales il consacra la plus large place à son activité au sein des trois grandes associations toulousaines que sont Les Toulousains de Toulouse, dont il fut membre dès 1942, l’Académie des Sciences, dont il fut président de 1978 à 1980, et, bien sûr, notre Société, dont il fut membre correspondant en 1946, membre


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titulaire en 1949, Directeur de 1959 à 1988, Président de 1988 à 1990, et Président Honoraire depuis 1990, proclamé par acclamation au moment où ses ennuis de santé l'empêchèrent de présider aux séances.

    Sa bibliographie est là pour témoigner de sa volonté de faire connaître l'histoire de l'art dans notre région. Ses recherches furent dirigées d'abord vers les abbayes cisterciennes du Midi de la France. Et il entreprit de s'intéresser en priorité à celles qui étaient les moins connues ou les plus ruinées, donc les plus difficiles à étudier, ou bien aux bâtiments secondaires de ces abbayes. C'est ainsi qu'il s'attacha à étudier l'Abbaye-Nouvelle près de Gourdon, les abbayes de Bonnefont, de Berdoues, de Goujon et les granges de Lassalle et de Fontcalvi. Il apporta dans ces travaux des éléments nouveaux et décisifs en particulier dans l'étude de la grange de Fontcalvi qui demeure un des modèles du genre.

    Mais ses attaches audoises l'amenèrent à s'intéresser largement au patrimoine audois. La ville de Mirepoix fit de sa part l'objet de trois articles parus dans nos Mémoires, l'un en 1971 sur le labyrinthe de la cathédrale, l'autre sur la maison des consuls en 1973, le dernier sur l'histoire de la cathédrale en 1974. La revue Historiens et Géographes accueillit en 1972 une magistrale étude sur la cathédrale d'Alet qu'il reprit en 1973 à l'occasion du Congrès Archéologique de France tenu dans les Pays de l'Aude. Les vestiges de l'ancienne abbaye d'Alet, l'église Saint-André d'Alet et la bastide de Mirepoix firent l'objet de sa part dans ce même congrès de complètes et solides notices dont il était coutumier. Des études sur les châteaux de Ferrals, Couiza et Lagarde, parues ailleurs, vinrent compléter cette anthologie sur l'art dans le département de l'Aude.

    Toulousain, il était normal qu'il s'intéressât au patrimoine de notre cité. Les résumés des visites qu'il faisait pour les Toulousains de Toulouse, les articles publiés dans L'Auta, sont là pour montrer son intérêt pour Toulouse. Mais ce sont deux travaux majeurs qui sont à remarquer tout particulièrement : son livre La vie à Toulouse il y a cinquante ans, édité en 1976 par les éditions Privat, dans lequel il fait revivre par la plume et l'illustration la Toulouse des années vingt ; son grand article de 118 pages consacré à l'enceinte du faubourg Saint-Cyprien, publié par notre Société en 1985, et qui aboutit à la protection des quatre tours de ce rempart.

    Mais c'est son engagement dans la défense et la protection du patrimoine toulousain qui révèle le caractère de Gratien Leblanc. Dès 1926, à l'âge de 22 ans, il s'engage dans le combat pour la défense du Pont Neuf et l'Hôtel-Dieu, signe précurseur d'interventions ultérieures. Parmi celles-ci, citons tout particulièrement la défense des remparts du faubourg Saint-Cyprien et les sollicitations couronnées de succès pour la restauration des façades de l'Hôtel Dumay. A côté de ces réussites il faut bien compter les interventions qui n'aboutirent pas. C'est dans celles-ci que se révèle toute la pugnacité de Gratien Leblanc. Ainsi lors des travaux d'aménagement de l'ancien Hôpital Larrey qui aboutirent au déplorable résultat que nous pouvons constater tous les jours, il allait sur le chantier, à 83 ans, malgré les chefs de chantier, les ouvriers qui le rejetaient parfois brutalement. Il écrivit des lettres aux autorités qui souvent ne reçurent pas de réponses. Il obtint cependant, avec d'autres, que les bâtiments des religieuses de Notre-Dame du Sac soient conservés. En 1987, à l'occasion du creusement de la station de métro du Capitole, il attira l'attention des autorités sur les risques de destruction d'une tour et d'un fragment de l'enceinte romaine du square du Capitole. Enfin il s'engagea dans la défense de Saint-Sernin contre le projet de dérestauration et fit partie de ceux que la défiguration du monument affecta profondément.

    Lui ayant succédé à la présidence de notre Société, j'allais le tenir au courant de ce qui se passait dans les séances de la Société Archéologique que sa surdité croissante l'empêchait de suivre. Cela me donnait le plaisir de discuter avec lui au 14 de la Rue Franc, et il racontait alors volontiers des souvenirs ou des anecdotes sur sa carrière ou sur tel ou tel, avec toujours un reflet de malice dans l’œil et un humour qui pouvait être particulièrement caustique. Alors perçait une autre facette du caractère de Gratien Leblanc : la lucidité sans complaisance sur les autres et lui-même. C'est cette image que nous gardons de lui et que rend parfaitement le portrait photographique que conserve de lui la Société Archéologique : un lutteur, un chercheur, au visage éclairé d'un regard perçant sur le monde mais n'excluant jamais la bonhomie. C'est cet homme que nous avons perdu, que Toulouse a perdu.

    Au nom de la Société Archéologique et en mon nom propre j'adresse à son fils Monsieur Bernard Leblanc et à son épouse, à ses petits-enfants, dont il parlait souvent et avec une immense fierté, nos plus profondes condoléances.

 

    Georges FOUET
(1922-1993)

    Comme Gratien Leblanc, Georges Fouet fut une des grandes figures de la Société Archéologique. Il y fut admis dès l'âge de 25 ans en 1947 comme membre correspondant et fut élu membre titulaire en 1956. Dix ans plus tard il devint notre bibliothécaire-archiviste, poste qu'il occupa jusqu'à sa mort.

    Georges Fouet était né en 1922 à Toulouse. Ce fils d'un fonctionnaire des impôts connut le cursus normal de l'école communale de Balma, où habitaient ses parents, jusqu'au Lycée Berthelot où il était toujours parmi les premiers de la classe comme me le confiait récemment un de ses anciens condisciples. Il poursuivit ses études à l'École Normale d'Instituteurs de Toulouse ce qui lui permit d'obtenir un poste d'instituteur qu'il n'occupa qu'après la guerre, ayant dû entre temps faire les Chantiers de Jeunesse et aller en Pologne dans le cadre du S.T.O.

    Le hasard, ou le destin, voulut qu'à son retour, il soit nommé à Saint-Plancard en même temps que son épouse, institutrice également. Ce passionné d'antiquités se lança aussitôt dans des fouilles sur le site de la Chapelle Saint-Jean-des-Vignes dans le cimetière de Saint-Plancard. Il y découvrit des marbres gallo-romains mais aussi des fresques médiévales qu'avec l'abbé Laffargue il publia dans la Revue de Comminges en 1945. Découvertes et publications furent couronnées en 1946 par notre Société. Quelques mois plus tard Georges Fouet entrait dans notre compagnie.


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    Ces brillants résultats le poussèrent à poursuivre dans la voie de l'archéologie. Il mena dès lors des fouilles qui lui permirent de découvrir peintures murales et marbres gallo-romains à Saint-Pé d'Ardet et à Garraux. Ces découvertes ayant attiré l'attention sur lui, c'est tout naturellement qu'en 1954 il fut admis comme attaché de recherches au C.N.R.S. Alors il se consacra exclusivement à sa passion pour les fouilles et c'est le site de la villa gallo-romaine de Montmaurin qui bénéficia de ses recherches, site auquel il consacra, entre la fouille et la publication, 15 ans de sa vie.

    La parution de son ouvrage sur Montmaurin assoit dès lors sa réputation et en fait un personnage incontournable dans son Comminges natal. Pour toute découverte on fait appel à lui. C'est ainsi qu'il se consacre au site de la Hillère et aux fouilles puis au musée de la villa gallo-romaine de Valentine, qu'on sollicite son avis sur la nécropole d'Arnesp ou sur les découvertes de Saint-Martory.

    Mais déjà cet infatigable chercheur s'intéresse à d'autres aspects de l'antiquité commingeoise et lui, le fouilleur des villas des plaines, se tourne vers l'étude des cultes gallo-romains des sommets dans la montagne commingeoise : Montlas, le Pic du Ger, Montsacon, le Col de la Croix de l'Oraison sont l'objet de ses recherches

    Son activité de chercheur s'étendit tout naturellement à Toulouse et à ses environs. On le vit s'intéresser plus particulièrement au site de Vieille-Toulouse et au gué du Bazacle en compagnie de Georges Savès. Notre Société fut régulièrement informée des progrès de ses découvertes par des communications fréquentes en 1958, 1961, 1963, 1964, 1965, 1970, 1971. Elles furent en partie publiées dans nos Mémoires mais aussi dans d'autres revues comme par exemple Gallia. Citons entre autres les publications dans nos Mémoires sur La villa gallo-romaine de Gelleneuve, commune de Mouchan (Gers), en 1961, sur Un nouveau puits funéraire gaulois, rue Saint-Roch, à Toulouse, en 1964, sur Le plomb à Vieille-Toulouse durant le premier siècle avant notre ère, en 1968, en collaboration avec Georges Savès, enfin sur Les méreaux de la Garonne. Trouvailles archéologiques du gué du Ramier du Bazacle à Toulouse, en 1987, en collaboration avec Georges Savès et Jacques Labrot.

    Les travaux de Georges Fouet l'amenèrent tout naturellement à participer aux activités de nombreuses Académies et Sociétés Savantes. C'est ainsi qu'il fut à la fois membre puis président de l'Académie Julien-Sacaze de Luchon, membre du conseil d'administration des Toulousains de Toulouse, et Amis du Vieux Toulouse, de la Société Méridionale de Spéléologie, de l'Académie des Sciences de Toulouse, et, bien sûr de notre Société. Quand il intervenait dans les débats, sa cigarette papier-maïs au coin des lèvres, auréolé d'un nuage de fumée bleuté, ses remarques pouvaient être vigoureuses, passionnées, véhémentes même et nous avons tous ici le souvenir de vives discussions s'éternisant entre antiquisants campés sur leurs positions.

    On ne saurait oublier la place tenue par Georges Fouet dans la Société de Comminges, qu'il présida à partir de 1969, et du rôle tout particulier qu'il joua dans le développement de la Revue de Comminges. Je laisse ici pour en parler la parole à notre confrère Louis Anizan de la Société de Comminges : La mise au point de la revue l'absorbe entièrement. Sous sa direction, elle continue de paraître chaque trimestre. Il en améliore la présentation, sollicite des auteurs plus nombreux (près de 60 par an). Elle compte à présent 600 pages alors qu'au début elle n'en avait que 180. Commencée comme une publication régionale, pour un nombre réduit d'amateurs, elle devient un document apprécié des étudiants ou des chercheurs, même étrangers.

    En effet c'est bien à Georges Fouet que la Revue de Comminges doit d'être devenue une revue de grande qualité unanimement appréciée. Ses successeurs s'attachent à poursuivre cette œuvre. Nous nous unissons à eux en ces jours de peine pour les consoler de la perte qu'a été pour eux la disparition de Georges Fouet et leur apporter nos fraternels encouragements dans la poursuite de la lourde tâche qu'il leur a laissé.
    À la famille de Georges Fouet, enfin, à son frère, à ses trois enfants, à ses petits-enfants, la Société Archéologique, qui pleure la perte d'un érudit, adresse ses plus sincères condoléances et partage la peine qui est la leur.

 

    Gilles CASTER
(1924-1993)

    Avant de mourir, Gilles Caster a demandé à ce qu'aucun éloge officiel ne soit fait ni sur sa tombe, ni à l'Université où il enseigna, ni dans les Sociétés Savantes auxquelles il adhéra. Sa famille tenant à respecter ce souhait je me bornerai donc à rappeler par ces quelques mots la disparition d'un professeur qui fut cher à beaucoup d'entre nous et à vous demander en l'honneur de sa mémoire et de celle de nos autres disparus de bien vouloir observer une minute de silence.

 

    L'année académique a été lourde, très lourde. En effet, à côté de l'activité habituelle, la Société Archéologique, avec ses consœurs de l'Union des Six Académies et Sociétés Savantes de l'hôtel d'Assézat et Clémence Isaure dont le Président nous honore de sa présence, a dû se battre pied à pied pour obtenir ce qui lui avait été promis dans le cadre du réaménagement de l'hôtel d'Assézat et de l'installation de la Fondation Bemberg. Le différend, qui semble devoir être résolu dans les prochains jours, porte sur l'accès à notre future salle des séances au deuxième étage de l'aile nord. Il s'agit pour nous de pouvoir accéder sans contrainte à celle-ci tout en ne gênant pas les visiteurs de la Fondation Bemberg à laquelle nous avons cédé les 4/5e de nos locaux. Une solution avait été proposée il y a longtemps, qui consistait à percer sur le palier du 2e étage une porte jumelle permettant de donner accès sans contrainte, l'une à la Fondation Bemberg, l'autre à la Société Archéologique. Cette dernière, dans le souci de ne pas dénaturer l'aspect du grand escalier d'un édifice du XVIe siècle classé Monument historique s'était opposée à cette solution. Mais le décapage récent des murs de l'aile nord a révélé que la porte qui y donnait accès était en réalité un remontage de la fin du XVIIe siècle. Dès lors, rien ne s'opposait plus à ce qu'elle soit remplacée par la porte jumelle qui résout


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tous les problèmes de circulation. Nous espérons pouvoir définitivement régler le problème dès lundi avec les représentants de la Ville et de la Fondation Bemberg. Toutefois je dis cela avec la plus grande prudence car, en relisant ce matin le rapport moral de l'an dernier en date du 27 mars 1993, j'avais cru pouvoir déclarer : « Il ne reste que le petit problème du percement de la porte destinée à nous permettre d'accéder à notre salle des séances au sommet du grand escalier qui ne soit pas réglé mais dont nous avons bon espoir qu'il le sera bientôt ». J'étais trop optimisme comme vous voyez. J'espère ne pas tomber dans le même travers aujourd'hui.

    Une des grosses préoccupations de cette année académique a été le déménagement de notre Société. N'ayant plus notre salle des séances nous tenons nos réunions dans la salle des séances de l'Académie des Sciences qui a bien voulu nous la prêter pour nos mardis, ce dont nous tenons à la remercier vivement et publiquement. Mais le gros problème a été le déménagement de notre bibliothèque. Nous souhaitions que la partie la plus fréquemment consultée de celle-ci demeure accessible aux chercheurs. La solution qui consistait à entasser des cartons aux anciens abattoirs ne pouvait donc nous satisfaire. Heureusement l'Université, par le biais de l'URA 247 du C.N.R.S. et de l'Institut d'Études Méridionales a bien voulu accueillir la moitié de notre bibliothèque au 56 rue du Taur où elle est consultable le mardi sous la diligente compétence de M. Latour, notre nouveau bibliothécaire-archiviste qui a succédé le 18 mai dernier à Georges Fouet. Par ailleurs Daniel Cazes, conservateur du Musée Saint-Raymond, et en même temps secrétaire général de notre société voyez comme le hasard fait bien les choses ! a aimablement proposé pendant la durée des travaux de l'hôtel d'Assézat d'accueillir à l'abri des systèmes de protection de son musée, nos collections, nos archives et nos ouvrages les plus précieux, où ils sont consultables aux heures habituelles d'ouverture de la bibliothèque du musée. Enfin le reste, ouvrages et revues étrangères en russe, en allemand, en roumain, en tchèque ou en néerlandais est provisoirement rangé dans des cartons, placés sous alarme, aux anciens abattoirs prêtés par la ville aux Académies.

    Je tiens à remercier publiquement les services municipaux de M. Gianazza et les membres de la Société Archéologique qui se sont dévoués pour mettre en carton, transporter, reclasser la vingtaine de tonnes de papier que constituait notre bibliothèque et ce au milieu du chantier en pleine activité de l'hôtel d'Assézat. Parmi nos membres, MM. Latour, Scellès, Julien, Peyrusse, Bertrand se sont plus particulièrement dévoués, sans être les seuls, à cette tâche ingrate. Le déménagement de ces ouvrages a eu, paraît-il, une conséquence inattendue pour l'hôtel d'Assézat. Il semblerait que l'enlèvement des livres au deuxième étage ait provoqué un allégement des planchers qui, libérés de cette charge, seraient remontés, entraînant avec eux dans un étonnant mouvement ascendant les cloisons du premier étage qui leur seraient suspendues. Ainsi s'expliquent, nous dit-on, l'apparition de fissures béantes d'une dizaine de centimètres que l'on peut voir entre le plancher du premier étage et la base des cloisons.
    Le déménagement de la bibliothèque va être également pour nous l'occasion de procéder à un récolement général de celle-ci et à l'établissement d'un fichier informatisé. C'est M. Latour qui a la responsabilité de ce lourd travail avec l'aide d'étudiants que nous engageons dans le cadre des Contrats Emplois Solidarités. La Société participe ainsi, dans la mesure de ses moyens, à la lutte contre le chômage. Ce n'est pas la moindre de nos fiertés.

    Dans les travaux d'aménagement de l'hôtel d'Assézat, la Société a appuyé l'action de plusieurs de ses membres pour que soient préservés au maximum, et surtout dans les sous-sols, les dispositions du XVIe. C'est ainsi que les salles de service du XVIe siècle, (cuisines, cheminées, resserres, salles froides, éviers, etc.) ont pu être partiellement conservées. Elles constituent une rareté, ces services désuets ayant été généralement détruits, au cours des siècles, dans la plupart des bâtiments de la Renaissance.

    Je faisais allusion l'an dernier à notre prise de position sur les transformations regrettables infligées au bâtiment du 69 rue du Taur destiné à accueillir l'agence des Bâtiments de France. La réponse est venue sous la forme de deux lettres, l'une de M. le Préfet de la Haute-Garonne, l'autre de M. le Directeur Régional des Affaires Culturelles ne répondant qu'en partie à nos questions, et d'un article de journal dans lequel on parlait de tout, mais surtout pas de ce qui était en cause, à savoir la détérioration par un service chargé de veiller scrupuleusement à la protection des bâtiments, de l'ordonnance d'une façade de la Renaissance en même temps que du seul portail classé de Nicolas Bachelier. Je ne résiste pas au plaisir de vous lire comment a été accueillie lors de notre séance du 18 mai 1993 la lecture de cet article que je n'aurai pas la cruauté de relire devant vous. Vous pourrez suivre le développement de cette affaire en vous reportant aux pages 210, 226-229, 231 et en lisant l'érudite mise au point sur cette question de M. Bruno Tollon aux pages 235-239. Les services des Bâtiments de France auraient été bien inspirés, en l’occurrence, de faire un peu moins de « communication » et un peu plus d'histoire et d'archéologie avant de se lancer dans une opération aux résultats inadmissibles.

    En ce moment, un autre scandale nous préoccupe. Dans la rue Saint-Rome un commerçant a cru pouvoir, pour aménager son magasin, procéder sciemment à la destruction de voûtes gothiques. Nous envisageons une action appropriée pour faire condamner de tels agissements qui portent atteinte au patrimoine toulousain dans le futur secteur sauvegardé de la ville.

    Je terminerai enfin ce rapport moral par l'énumération des travaux de la Société. Vous trouverez tout dans le volume de nos Mémoires et Bulletin qui vient de sortir et qui est en vente dans cette salle. C'est là que vous pourrez lire deux articles sur la période antique : l'un, du regretté Michel Labrousse, édité et complété par son épouse et M. Richard Boudet Le trésor de monnaies gauloises à la croix de Dunes (Tarn-et-Garonne), l'autre du fidèle abbé Baccrabère, Les puits et fosses funéraires toulousains de Saint-Roch, des IIe et Ier siècles av. J.-C. Quatre articles portent sur la période médiévale. L'un de M. Maurice Scellès sur L'ancienne église Notre-Dame de la Daurade à Toulouse, un deuxième de MM. Boudartchouk, Arramond et Molet sur L'ancienne église Saint-Pierre-Saint-Géraud de la Pierre à Toulouse. Je me permets de souligner l'importance de cet article


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qui éclaire d'un jour nouveau le culte de saint Sernin à Toulouse et qui est un des résultats des fouilles entreprises lors du creusement du parking de la Place Esquirol. M. Séraphin nous a entretenu des Édifices médiévaux à angles arrondis dans le Fumélois et M. Pierre Gérard des Possessions de Saint-Sernin entre Tarn-et-Garonne : l'archidiaconé de Villelongue au XIIe siècle. Enfin pour la période moderne, M. Pascal Julien nous a livré le fruit de ses recherches sur Deux dessins de Jean Chalette pour les fastes et solennités capitulaires.

    À cela s'ajoute le Bulletin, rédigé par MM. Scellès et Cabau, chaque année plus riche, plus complet, mieux illustré, dans lequel se développent les recensions d'ouvrages dues à M. Cazes. On y trouvera des notes et des résumés de communications de M. Boudet sur les fouilles de l'Ermitage à Agen, de M. Latour sur le castrum d'Auterive, de M. Catalo sur le forum antique de Rodez, de M. Manière sur les menhirs de Saint-Martory, Mancioux et Balesta, de M. Barès sur la tour de Castelvieil de 1793 à 1993, de M. Lapart sur quelques chapiteaux aquitains proches de ceux de La Daurade à Toulouse, de M. Ahlsell de Toulza et de Mme Watin-Grandchamp sur les découvertes de peintures à l'abbaye de Vielmur dans le Tarn.

    Depuis, nos travaux se sont poursuivis et plusieurs communications que nous avons entendues feront l'objet de publications ou de résumés dans notre prochain volume. Elles concernent les retables du chœur et des chapelles de l'église N.-D. d'Alet au diocèse de Toulouse dont nous a parlé M. Pascal Julien, le couvent des Prêcheurs de Fanjeaux, étudié par le père Montagnes, l'archéologie monumentale du Collège de Foix analysée par MM. Prin et Tollon, l'acquisition de l'emplacement de la halle de la Pierre par les Comtes de Toulouse en 1203, révélée par M. Cabau, les cheminées de stuc à Toulouse au XVIIe siècle, étudiées par M. Tollon, la cathédrale romane de Toulouse dont Mme Cazes va nous reparler dans un instant, les lieux de culte liés au culte de l'évêque Saturnin du IVe au VIIe siècle sur lesquels M. Boudartchouk a fait le bilan des sources, enfin, d'une nouvelle collection d'antiques découverte à Auch, retrouvée par M. Lapart.

    Tous ces travaux montrent que malgré le surcroît de charges et les dérangements qu'entraîne pour les membres de la Société Archéologique le chantier de l'hôtel d'Assézat, son activité ne faiblit pas et qu'elle a à cœur de produire une publication d'audience nationale. Du reste, les comptes rendus élogieux consacrés à nos articles dans les revues nationales sont là pour montrer que nous sommes sur la bonne voie et ils constituent réconfort et encouragement pour tous ceux qui participent à cette publication. "

    Rapport sur les concours, présenté par M. Patrice Cabau. Le prix du Professeur Michel Labrousse, doté de 2500 F., est remis à M. Sébastien Saunière. Mlle Anne-Laure Napoléone ayant été dans l'impossibilité d'être présente, le prix de la Société Archéologique du Midi de la France, doté de 3000 F. et accompagné d'une médaille d'argent, lui sera adressé. Mlle Elisabeth Chauvin reçoit une médaille d'argent de la Société Archéologique du Midi de la France.

    Conférence de Mme Quitterie Cazes sur Le cloître roman disparu de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse.

 

Séance du 19 avril 1994

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Cazes, Secrétaire général, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste ; Mmes Merlet-Bagnéris, Noé-Dufour ; MM. Bernet, Bertrand, Boudet, Cabau, Fabre, Ginesty, Julien, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, l'abbé Rocacher.
Excusé : M. Scellès, Secrétaire-adjoint.

    Le Président donne la parole au Secrétaire général pour la présentation de la correspondance imprimée.

    Daniel Cazes résume et commente les articles qui lui ont paru les plus intéressants dans les publications périodiques que la Société a reçues de l'étranger (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne).

    Henri Pradalier remercie Daniel Cazes de son précieux travail de recension. Puis il fait circuler des photographies montrant une croix de pierre médiévale, sculptée et inscrite, récemment trouvée au Bourg-Saint-Bernard, remployée dans un mur ; autour d'un disque central figurant l'Agnus Dei court une inscription latine devenue indéchiffrable.

 

    Le Président cède ensuite la parole à Jean Coppolani pour la communication du jour : Toulouse : le projet de Ville : « l'ambition d'une ville forte, l'équilibre d'une ville douce » (1993), publiée dans ce volume (t. LIV, 1994) de nos Mémoires.

    Henri Pradalier remercie Jean Coppolani de son exposé, qui fait le bilan de la période récente en matière d'urbanisme, d'architecture, de protection et de mise en valeur du patrimoine. Ce bilan est consternant à double titre : d'une part, multiplication des errements, accumulation des erreurs dans la période récente ; d'autre part, impuissance face à des pouvoirs écrasants, avec pour seul recours la possibilité de protester auprès des administrations.
    On souligne l'influence des promoteurs immobiliers, dont le rôle politique vient d'être mis en évidence par la publication des comptes de campagne pour les élections législatives de 1993. On insiste par ailleurs sur la nécessité de constituer un contre-


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pouvoir face aux promoteurs : l'opinion publique, informée et mobilisée, peut exercer une influence déterminante. La population et les associations du quartier du Bazacle ont ainsi pu arrêter les projets menaçant l'ancienne Manufacture des Tabacs.
    On peut cependant déplorer que les campagnes de presse soient difficiles dans une région soumise à un régime de quasi monopole, mais il reste toujours possible de faire appel à des journaux nationaux. Un grand hebdomadaire avait consacré il y a quelques années un dossier au triste sort du patrimoine toulousain. Il insiste pour que l'étude de Jean Coppolani soit publiée dans les Mémoires de la Société.

    Daniel Cazes intervient à propos des vestiges antiques de Toulouse, notamment du rempart romain, victime de l'accélération des destructions. Il dénonce l'opinion commune, issue d'une sorte de tradition historiographique, selon laquelle il n'y aurait pas à Toulouse de vestiges de l'Antiquité. Les travaux récents démentent ce préjugé réducteur et néfaste. Il cite la thèse du Professeur Michel Labrousse, qui montrait en 1968 que Tolosa avait été une grande cité antique ; l'article d'André Soutou, qui révélait en 1971 que la tour des Hauts-Murats avait conservé au-dessus de ses assises de moellons des maçonneries romaines sur plusieurs mètres de hauteur ; les recherches de l'abbé Baccrabère, publiées en 1973, qui repéraient, sur plus de trois kilomètres de long, les nombreux fragments conservés de l'enceinte. L'étude de Raphaël de Filipo parue dans Gallia en 1993, ainsi que les vestiges naguère visibles sur le site de l'ancien Hôpital Larrey et au n° 10 de la rue Sainte-Anne, démontrent que des portions importantes du rempart antique sont conservées jusqu'au niveau supérieur de la courtine. Aujourd'hui, les enceintes de Toulouse, Nîmes et Vienne apparaissent comme véritablement exceptionnelles : les plus précoces de l'Occident romain. Daniel Cazes rappelle également que le monument romain découvert au siècle dernier à proximité du Pont-Neuf, et interprété alors par Jacques-Jean Esquié comme un « château d'eau », était en réalité un grand théâtre, le plus grand théâtre romain que l'on connaisse dans le territoire de la Gaule. Toulouse doit cesser de nier – et de détruire – son passé antique. Il est grand temps encore de mettre ce patrimoine en valeur.

    Jean Rocacher, qui a participé pendant huit années aux travaux de la COREPHAE, témoigne du peu d'intérêt que les autorités responsables accordent à la protection des enceintes antique et médiévale de la ville : deux Directeurs régionaux des Affaires culturelles ont opposé une fin de non recevoir au projet de classement global, en raison sans doute des difficultés de constitution du dossier (repérage des emplacements parcelle par parcelle), mais aussi par méconnaissance de cet ensemble monumental.
    Louis Peyrusse fait remarquer combien d'autres villes du Midi ont su faire valoir les vestiges et les mythes de l'Antiquité « Marseille, ville grecque », « Nîmes, la petite Rome des Gaules », « Narbonne, première fille de Rome en terre gauloise ».
    Richard Boudet signale que la Protohistoire a été aussi sous-estimée et maltraitée à Toulouse que l'Antiquité : les sites du quartier Saint-Roch et de Vieille-Toulouse, aujourd'hui totalement ou partiellement urbanisés, étaient – et demeurent – absolument fondamentaux pour la connaissance de la période préromaine et des débuts de la romanisation dans le Sud-Ouest de la Gaule. Concernant Vieille-Toulouse, Daniel Cazes rappelle qu'on y découvrit à la fin du siècle dernier une inscription latine datée de 47 avant J.-C., qui resta longtemps la plus ancienne des Gaules ; elle provenait très vraisemblablement du fanum détruit dans les années 1970 à Baulaguet, sanctuaire dont la maquette tout récemment réalisée est visible au Musée Saint-Raymond.
    Richard Boudet donne un exemple contemporain, proche mais mal connu, de destruction de monuments antiques, celui d'Agen : théâtre aux trois-quarts détruit, amphithéâtre sauvé de la destruction mais menacé d'être recouvert par un programme immobilier. Il insiste sur le rôle que les Mémoires de la Société peuvent jouer dans la diffusion de l'information.

    Louis Peyrusse propose que la Société publie un dossier photographique sur les remparts de Toulouse. On souligne par ailleurs le problème que constitue de nos jours l'« inculture » des architectes en matière d'Histoire de l'Art.
    La Compagnie s'accorde à reconnaître que formation et information sont des conditions essentielles pour la protection du patrimoine. La diffusion et l'impact de nos Mémoires demeurant restreinte, on s'interroge sur les moyens d'atteindre le grand public : rubrique d'information dans la presse toulousaine, séquence dans les programmes des télévisions locales.

    Concernant le patrimoine toulousain, Annie Noé-Dufour rappelle qu'il y a une possibilité d'expression lors de l'enquête publique relative au Plan d'occupation des sols, dans lequel les édifices présentant un intérêt sont indiqués comme étant à conserver. Jean Coppolani pourrait s'occuper du P.O.S.
    Daniel Cazes relève l'intérêt d'une réflexion de Jean Coppolani sur les carences de la signalisation des monuments de Toulouse. Les inscriptions apposées par le Syndicat d'Initiative en 1946 sont devenues très insuffisantes. Il conviendrait par exemple de signaler sur la place Esquirol l'existence du Capitole romain, d'évoquer l'importance architecturale et historique de cet édifice. S'appuyant sur l'exemple de la ville de Béziers, où l'on a mis en place des panneaux explicatifs très utiles et fort consultés, il pense qu'il faudrait, en concertation avec les Services municipaux de l'esthétique urbaine et de l'environnement, l'Office de Tourisme et d'autres intervenants, organiser une grande campagne de signalisation monumentale.

    Guy Ahlsell de Toulza s'étonne de la hauteur considérable prévue pour les immeubles qui pourront être construits dans le Secteur sauvegardé : 21 mètres, alors que les ceux élevés à la fin du siècle dernier sur la rue d'Alsace-Lorraine atteignent déjà 17 mètres. Puis il commente le projet d'élévation concernant les façades de l'ancienne Manufacture des Tabacs sur les allées de Brienne, conçu par G. de Hoym de Marien. Le traitement que cet architecte (privé) médite de faire subir à un édifice inscrit à l'Inventaire des Monuments historiques (mais pour lequel la procédure de classement s'est trouvée interrompue tout d'un coup) est aussi ahurissant qu'atterrant : les trois-quarts des façades devraient consister en surfaces vitrées, ce qui impliquerait la destruction de nombreuses travées en maçonnerie de brique ; cette intervention – on ne saurait parler de « restauration » – aboutirait à une complète dénaturation de l'architecture du bâtiment. Un membre apporte un autre exemple des procédés


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scandaleusement arbitraires avec lesquels on traite de nos jours les Monuments historiques : l'aile occidentale du Musée des Augustins construite par Darcy, récemment classée et ravalée, vient de perdre un élément essentiel de son architecture avec la suppression pure et simple du garde-corps qui courait au niveau de l'étage sur ses façades ouest et sud. Qu'est-ce que le respect d'un Monument historique ?

    Le Président fait ensuite le compte-rendu d'une réunion tenue la veille, 18 avril, à laquelle ont pris part des représentants de la Ville, de l'Union des Six Académies et Sociétés savantes de l'hôtel d'Assézat, et de la Fondation Bemberg. Cette réunion avait pour objet la question de l'accès à la salle des séances de la Société Archéologique par une porte ouvrant sur le palier du second étage et donnant dans la cage du grand escalier de l'Hôtel. On y a examiné le projet d'aménagement de portes jumelles à substituer à l'ouverture actuelle, qui résulte d'un remaniement effectué au XVIIIe siècle ; cette porte double permettrait d'accéder d'une part à la future salle des séances de la Société Archéologique, d'autre part aux locaux destinés à la Fondation Bemberg. Fait à souligner, ce projet a recueilli l'agrément unanime des participants. Reste à obtenir l'accord officiel des Monuments historiques. Henri Pradalier donne lecture d'une lettre contenant toutes explications utiles à la compréhension de cette affaire, et qui sera adressée par l'Union des Académies et Sociétés savantes à la Direction régionale des Affaires culturelles, à l'Inspection des Monuments historiques, ainsi qu'au Maire de Toulouse. Ce texte est discuté, puis adopté.

 

    M. Richard Boudet donne une information sur la Quatrième année de recherche sur l'oppidum de L'Ermitage à Agen (Lot-et-Garonne) : 

    « La campagne de 1993 sur l'oppidum de l'Ermitage à Agen a touché deux secteurs principaux : le rempart avec une prospection électrique et la zone d'occupation (Z21) située au milieu du site dont la fouille a débuté en 1992 ainsi que le puits gaulois st.41.

    Le rempart septentrional a été testé en 1990 et 1992 avec l'ouverture d'une coupe d'une soixante de mètres de longueur et sept mètres de hauteur. Le fossé taillé dans le rocher (14,50 m de largeur sur 4,50 m de hauteur) présentant des traces de reprise à l'époque moderne, a fait l'objet d'une prospection électrique réalisée par M. Martinaud (L.E.R.G.G.A., Univ. Bordeaux I) afin d'identifier son parcours. Cette recherche a permis de le visualiser sur près de 65 m de longueur et de montrer qu'il suit l'inflexion de la levée du rempart présente au niveau de la porte d'entrée (très certainement un système rentrant). Un nouveau sondage en 1994 devrait permettre de confirmer son origine protohistorique.

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AGEN. L'ERMITAGE.
Apparition du dépôt contenant le casque et les vases dans le puits st. 41.
Cliché Richard Boudet.

    En 1992, une surface d'environ 1500 m2 située sur le sommet de l'oppidum a fait l'objet d'une première année de fouilles programmées après une prospection électrique conduite par M. Martinaud. En 1993, une surface à peu près égale à celle de l'année précédente et l'accostant a été ouverte. Près des deux tiers des anomalies magnétiques repérées se sont avérées être des structures archéologiques.
    Le puits mis en évidence près de l'hypothétique sanctuaire en 1992 a été en partie fouillé par St. Laurent. Son ouverture au sommet est d'environ 2 m x 2 m. Il traverse sur ce module la couche d'argile sous-jacente sur 3,80 m avant d'atteindre le plateau calcaire où il se réduit à 1 m x 1 m. La roche est traversée sur près de 3 m et laisse la place à des marnes verdâtres très indurées. La fouille 1993 a été arrêtée à 7,50 m de profondeur, le niveau de nappe phréatique ayant été rencontré à 7 m. Sur environ 4,70 m depuis le sommet, le sédiment est composé d'un humus argileux très plastique (contenant des nodules stériles de marnes verdâtres) de couleur sombre (gris foncé) livrant au milieu d'un abondant mobilier archéologique de très nombreuses inclusions céramiques et de charbons de bois de petite taille. À partir de 4,70 m


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et jusqu'à la base actuelle de la fouille, le sédiment, pauvre en mobilier archéologique, est exclusivement constitué de marnes verdâtres identiques à celles situées sous le banc calcaire. Il paraît assez clair que le puits à partir au moins de la profondeur actuelle de la fouille jusqu'aux environs de la surface du plateau calcaire a été comblé avec le remblai marneux issu du creusement.
    La partie sommitale du puits a été obturée par une chape d'argile concave très indurée et brûlée sur laquelle avait été entretenu un foyer autour duquel (dessus et dessous) plusieurs monnaies d'argent et de bronze ont été retrouvées. Sous ce foyer et jusqu'au calcaire plusieurs dizaines d'amphores vinaires italiques (plus d'une cinquantaine) ont été précipitées (les cols sont souvent cassés en place et la pointe repose vers le haut) en compagnie d'un sédiment riche en cendres contenant de nombreux vestiges de faune, de vaisselle indigène ou importée (à paroi fine et à vernis noir en particulier), de métal (nombreux clous en fer, mais aussi une pointe de javeline et une serpette ou en bronze dont des anneaux et perles, un bracelet, des fibules de type Nauheim... ), en verre (perles), en os... Il convient de noter la présence d'une quinzaine d'amphores portant des inscriptions peintes en rouge sur le col (dont trois marques consulaires datable entre l20 et 104 avant notre ère) et de plusieurs opercules en mortier dotés de marques épigraphes ou anépigraphes (en particulier une tête de face à collier perlé, le nom C.MAEVI .... ).
    Ph. Marinval (C.N.R.S., Toulouse) a isolé dans ce comblement de nombreuses paléo-semences, des noyaux de prunes (très convoitées aujourd'hui à Agen..), des coquilles d’œuf... Au moment où il se réduit le puits n'a plus livré dans un comblement marneux que quelques rares vestiges archéologiques épars parmi lesquels il faut mettre en évidence une anse complète de cruche de type Kelheim et trois clavettes de char (volontairement brisées ?) identiques à tige de fer et tête en bronze décorée dotée de deux anneaux.

    Un dépôt d'objets a été rencontré à 7,50 m de profondeur. Il était recouvert de plusieurs planches en bois à plat et de chant (dont certaines moulurées d'après B. Szepertyski du Laboratoire d'Analyses et d'Expertises en Archéologie et (Œuvres d'Art de Bordeaux qui va se charger de leur étude et en particulier de leur datation par dendrochronologie). Ce dépôt est constitué de trois vases indigènes (deux décorés sur l'épaule) dont un reposant le fond vers le haut, d'un crochet en fer et d'un casque en bronze de type Mannheim intact la calotte inversée, reposant sur un quatrième vase préalablement brisé. Le comblement de ce dernier contenait des éléments de cordelettes pouvant relever du système de rembourrage interne.
    La fouille de ce puits sera achevée en 1994. D'ores et déjà, il semble bien que son rôle comme celui fouillé en 1990/1991 (Z1) soit d'inspiration religieuse. Le comblement paraît ici nettement plus organisé que dans le premier cas (divers indices laissent penser à la présence d'un plancher sous le foyer). Son étude détaillée devrait apporter des éclaircissements nouveaux au problème délicat des puits « funéraires » du Toulousain. Sa datation est à rechercher dans le dernier quart du IIe siècle avant notre ère.

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AGEN. L'ERMITAGE.
Comblement supérieur d'amphores dans le puits st. 41.
Cliché Richard Boudet.

    La fouille de 1993 a permis la mise en évidence d'une partie d'un bâtiment antique très arasé au Moyen Âge. Sa fouille n'est pas achevée. On ne sait s'il s'agit du sanctuaire gallo-romain dont la présence est fortement pressentie dans le secteur. Il recoupe partiellement un chapelet de fosses gauloises contenant un riche mobilier céramique. Il est accosté d'une large fosse contenant un agencement de pierres sèches encore mal interprété mais surtout un abondant cortège de vestiges de vaisselle fine et de petit module en terre cuite (sigillée, plombifère de l'Allier, parois fines, « commune » ... ) et en verre, ainsi qu'une cuillère à fard en


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bronze argenté, une fibule en bronze, des épingles en os, un probable as de Claude, des débris de statuettes en terre, de la faune... La datation de cette structure est à rechercher vers le milieu du Ier siècle après notre ère. La surface de fouille a également livré plusieurs fossés mal datés (dont un semi-circulaire) et de grandes fosses médiévales appartenant au XIIe siècle. Deux ont livré de très nombreuses paléo-semences carbonisées.

    Grâce à l'important dépouillement d'archives réalisé par S. Faravel (Université de Toulouse-Le Mirail) l'occupation médiévale du plateau mais également l'ermitage troglodyte qui lui donne son nom s'entrevoit d'un jour nouveau. Il apparaît ainsi de plus en plus évident que la paroisse Sainte-Croix d'Agen s'est organisée sur la partie centrale de l'ancien oppidum autour d'une église accostée de son cimetière et de sa communauté villageoise à l'emplacement d'un établissement antique pourvu d'un probable sanctuaire reprenant lui-même une zone d'activité religieuse liée au fonctionnement de l'oppidum de la fin de l'Âge du Fer. »

 

Séance du 10 mai 1994

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Merlet-Bagnéris, MM. l'abbé Baccrabère, Bernet, Bertrand, Cabau, Fabre, Gérard, Julien, Manière, le Père Montagnes, Nayrolles, Péaud-Lenoël, Prin, l'abbé Rocacher.
Excusés : MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cazes, Secrétaire Général.
Invitée: Mlle Haraldsdottir.

    Le Président donne la parole à Patrice Cabau pour la lecture du procès-verbal de la séance précédente, qui est adopté à l'unanimité.
    Pascal Bertrand signale que les travaux de la manufacture des tabacs sont en cours et que la façade sur les allées a été éventrée. Le Président indique alors qu'il a adressé une lettre au Directeur régional des Affaires culturelles avec copies aux différentes institutions intéressées, lettre accompagnée d'une photocopie du projet publié afin de savoir si celui-ci était effectivement le projet retenu. Ce courrier est resté sans réponse et on comprend aujourd'hui que ce silence signifiait que les travaux allaient commencer.

    À propos des travaux d'aménagement de l'hôtel d'Assézat, le Président annonce que notre proposition de portes jumelles a finalement été rejetée. Les représentants de la Fondation Bemberg avaient donné leur accord mais les Monuments historiques s'y sont opposés, arguant que cela provoquerait une fragilisation du mur sur lequel repose le grand escalier. Mme Tomasin a consulté l'Inspecteur général, M. Mouffle, qui a suivi l'avis de l'architecte en chef. Tous trois se sont prononcés en faveur du sas que le Conseil d'administration de la Fondation a catégoriquement refusé. Il y aura donc une simple cloison et une porte ouvrant directement sur la Fondation.
    Maurice Scellès fait alors remarquer que les membres de la Société devront donc passer par les salles d'exposition, ce qui est en contradiction avec les règles de sécurité qui avaient été avancées. Le Président pense que l'on pourra trouver un accord avec le directeur de la Fondation qui vient d'être nommé. Il rapporte par ailleurs que le Conseil d'administration de la Fondation voulait que nous déplacions notre salle des séances, ce à quoi il a répondu que, la Société archéologique du Midi de la France ne se mêlant pas de l'accrochage de la collection Bemberg, il n'acceptait pas que la Fondation Bemberg s'ingère dans la répartition de nos locaux.
    Il ajoute que nous devons admettre que nous avons été trompés et que le Conseil de l'Union a manqué de vigilance.
    On s'étonne de la fermeté des Monuments historiques en ce qui concerne l'établissement d'une porte au deuxième étage alors que le reste du monument est traité avec désinvolture.

 

    Le Président donne ensuite la parole à Pascal Julien en le remerciant d'avoir bien voulu assurer au pied levé la communication d'aujourd'hui, consacrée au marbre de Caunes dans la nef de Saint-Pierre de Rome.

    Le Président remercie Pascal Julien de cette communication qui, corrigeant des assertions antérieures, montre que des pans entiers des marbres employés à Saint-Pierre de Rome proviennent de Caunes. Il rappelle que dans l'Empire byzantin, l'emploi du marbre et du porphyre était contrôlé par les empereurs et que les sarcophages en porphyre étaient réservés aux membres de la famille impériale. Par sa couleur, le marbre de Caunes permet ainsi à la Papauté d'évoquer la pourpre impériale.

    M. Manière indique qu'il connaît un toit d'auge cinéraire en marbre rouge de Caunes. Pascal Julien fait observer qu'il existe plusieurs résurgences de ce type de marbre en dehors de l'Hérault et que l'on n'a actuellement aucune preuve de l'extraction du marbre de Caunes dans l'Antiquité. M. Péaud-Lenoël remarque cependant que Claude Bessac, dans le catalogue de la récente exposition de peintures romaines à Narbonne, suppose une utilisation strictement locale de ce marbre. Il ajoute qu'il a lui-même observé les carrières de Caunes et relevé de nombreux fronts d'attaque en arête de poisson qui témoignent d'une exploitation


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ancienne, peut-être médiévale. Le Président relève que l'abbaye montre un emploi plus important à l'époque pré-romane, avec en particulier les remplois visibles dans le clocher. Il fait remarquer que le marbre de Villefranche ressemble à celui de Caunes, et Pascal Julien ajoute que c'est également le cas de celui de Saint-Pons de Thomières.

    Louis Peyrusse note ce passage étonnant que le marbre rouge effectue du baroque romain au classicisme versaillais. Il se demande par ailleurs si, comme dans l'Antiquité, rareté et éloignement n'ont pas été pour quelque chose dans l'engouement pour telle ou telle couleur de marbre. La teinte purpurine du marbre de Caunes n'a-t-elle pas été d'autant plus appréciée qu'il s'agissait d'un marbre étranger ? A-t-on d'ailleurs des données sur l'exploitation des carrières à cette époque ?
    Pascal Julien répond qu'il n'a pour l'instant trouvé ni commande, ni contrat de transport, mais qu'ils doivent exister dans les registres des notaires de Narbonne qu'il faudrait consulter de façon systématique. On peut en tout cas constater que les quantités extraites ont été considérables. Louis Peyrusse fait remarquer qu'il s'agit surtout d'un emploi sous forme de plaques. Pascal Julien précise que les progrès techniques permettent à partir des années 1660-1665 d'extraire des colonnes de plus en plus nombreuses déjà, vers 1630, deux petites colonnes avaient été réalisées.
    Le Président demande si tous les autres marbres de Saint-Pierre de Rome sont italiens. Pascal Julien répond que c'est en effet le cas, et il ajoute que le vert provient d'une colonne antique qui a été débitée.
    Louis Latour voudrait savoir si le marbre de Caunes a été retenu pour ses qualités et en particulier parce qu'il se débite facilement en plaques minces. Qu'en est-il d'ailleurs du griotte qui n'a pas les mêmes qualités ? Pascal Julien indique que le griotte n'est que peu utilisé et seulement en morceaux de petite taille. Après une remarque de Louis Latour, Pascal Julien confirme qu'il est sûr que le canal du Midi a favorisé l'exportation du marbre de Caunes.

    Mme Merlet-Bagnéris demande quels sont les débouchés actuels du marbre de Caunes. M. Péaud-Lenoël a pu constater la réalisation de plaques minces mais sans en connaître la destination. À une question de M. l'abbé Baccrabère, Pascal Julien répond qu'il n'a pas été fait d'analyses pétrographiques des marbres de Saint-Pierre de Rome. Bruno Tollon voudrait savoir si l'on a pu évaluer les coûts des marbres qui y ont été employés. Pascal Julien précise que les indications de prix existent dans les archives, mais qu'aucune étude n'a été faite ; peut-être présenterait-elle quelques difficultés du fait que l'on a souvent à faire à des livraisons mêlées.

    Abordant les questions diverses, le Président fait état d'une proposition de M. Robert Sablayrolles de faire réaliser par une étudiante, qui a déjà engagé ce travail sur les fonds de la Bibliothèque universitaire et du Musée Saint-Raymond, un fichier informatisé des ouvrages consacrés à l'Antiquité de notre bibliothèque. Il est évident que notre Société ne peut être qu'intéressée.

    Il annonce ensuite que la date du repas en l'honneur de Maurice Prin a été arrêtée au 14 juin. Quant à la journée foraine à Cahors, elle est fixée au samedi 25 juin ; Maurice Scellès est chargé de son organisation sur place.

    À propos du rempart romain qui paraît à nouveau menacé, en particulier par les travaux du Palais de Justice et du côté de la tour des Hauts-Murats, le Président indique qu'il va demander un rendez-vous au Directeur régional des Affaires culturelles afin de lui faire prendre conscience du problème ; il souhaite que Daniel Cazes l'accompagne. M. l'abbé Rocacher précise que le projet du ministère de la Justice prévoit de raser la partie du rempart qui est actuellement visible depuis les allées Jules-Guesde.

    Pascal Julien présente deux diapositives des stalles de la cathédrale Saint-Étienne pour rappeler qu'elles continuent de se dégrader depuis le rapport de 1988 et en dépit d'un projet de restauration. Elles tombent littéralement en poussière et il conviendrait d'intervenir de toute urgence.
    Il ajoute qu'il a pu constater l'installation récente d'un lutrin qui a été réalisé en remployant deux colonnes provenant des stalles, colonnes qui ont été pour cela sciées d'un mètre. M. l'abbé Rocacher indique que ce lutrin a été fait par l'abbé Palacin avec l'accord de l'inspecteur des Monuments historiques. La rapide discussion qui suit porte sur l'opportunité de tels remplois et les conditions dans lesquelles ils peuvent se faire.

 

Séance du 7 juin 1994

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Foucaud, Pradalier-Schlumberger, MM. Bernet, Bertrand, Boudet, Fabre, Gérard, Julien, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, l'abbé Rocacher, Roquebert.
Excusés: M. Cazes, Secrétaire Général ; MM. Peyrusse, Tollon.

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 10 mai 1994, qui est adopté après quelques corrections.
    L'abbé Rocacher demande si la réunion qui avait été projetée avec le Directeur régional des Affaires culturelles au sujet du rempart romain a pu avoir lieu. Le Président répond qu'il n'a pas encore été possible de trouver une date qui convienne au Directeur régional, à Daniel Cazes et à lui-même.


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    L'abbé Rocacher indique par ailleurs qu'une cuve baptismale en plomb que l'on dit du IXe siècle se trouve actuellement sur le marché de l'art. En ajoutant qu'il devrait recevoir l'antiquaire demain, il regrette que Daniel Cazes n'ait pu venir à cette séance car il lui semble que les musées de Toulouse pourrait user de leur droit de préemption. À une question du Président, l'abbé Rocacher répond que l'origine de cette cuve n'est pas connue. Il indique encore que l'antiquaire est une personne qui vient de créer une association, l'A.M.O.S., spécialisée dans l'expo-vente d'objets d'art sacré ; elle a en particulier proposé de faire une telle expo-vente... dans le cloître de Saint-Bertrand de Comminges, ce qui a bien évidemment été refusé.
    Guy Ahlsell de Toulza s'étonne de cette étrange spécialisation qui fait supposer des fournisseurs ou des rabatteurs et ne peut que jeter la suspicion sur l'origine des objets ; il pense qu'il faut prévenir le plus rapidement possible l'Inspecteur des Monuments historiques et sans doute alerter la brigade chargée des vols d'objets d'art.

    À propos de l'ancienne manufacture des tabacs, le Président indique qu'il a reçu une réponse, dont il donne lecture, du Directeur régional des Affaires culturelles. On peut en conclure que les parties d'un édifice qui sont protégées au titre des Monuments historiques peuvent être modifiées par n'importe quel architecte et se demander à quoi servent les mesures de protection.
    M. Gillis renchérit en rappelant qu'il a lui-même rédigé un article qu'il a intitulé « À quoi sert la protection Monument historique ? ».
    Le Président souligne le fait qu'il s'agit là du résultat d'un marchandage, la société qui devait réaliser la ZAC ayant demandé à l'Etat des indemnités très importantes en compensation de l'abandon forcé du projet, consécutif à l'inscription de la manufacture à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques.
    On s'accorde sur le fait que ce n'est pas la qualité architecturale de la réalisation en cours que l'on met en cause, mais bien la dérive qu'elle suppose de la notion de « Monument historique ».
    On relève encore que l'argument de la réversibilité invoqué par le Directeur régional des Affaires culturelles manque totalement de sérieux : cela revient à admettre que toute destruction est réversible puisqu'il est possible de reconstruire !

    Le Président annonce que nous avons reçu une invitation à une journée consacrée au développement urbain qui se tiendra à Toulouse sous l'égide de M. Dominique Baudis, Maire de Toulouse. M. Coppolani y assistera.

    Nous avons par ailleurs reçu de M. Boyer une candidature au titre de membre correspondant. Pascal Bertrand, qui précise que M. Boyer est un spécialiste de Mignard, est chargé du rapport sur cette candidature.

 

    Le Président donne ensuite la parole à M. Gérard pour sa communication : Le cartulaire de Saint-Sernin : son importance pour l'étude de Toulouse et du Midi toulousain de la fin du XIe siècle à la fin du XIIe siècle.

    Le Président remercie M. Gérard de cette communication qui est le fruit de décennies de recherches et qui nous montre à quel point notre confrère connaît le cartulaire de Saint-Sernin et combien il sait en donner une traduction vivante. Cette communication, qui sera publiée dans un prochain volume de nos Mémoires, correspond à l'essentiel de la présentation qui introduira la publication du cartulaire de Saint-Sernin, prévue pour 1996.

    M. l'abbé Rocacher voudrait savoir s'il faut attribuer l'extraordinaire expansion du culte de saint Sernin que l'on constate dès le Ve siècle à une répartition des reliques ou à une politique préparant la constitution d'un temporel. M. Gérard fait remarquer que le cartulaire ne donne que peu d'indications sur les reliques. Ce que l'on peut supposer, c'est que la rédaction de la Gesta sancti Saturnini est une tentative pour justifier la prééminence d'Eauze sur la Navarre, alors que le texte de Narbonne vient ensuite appuyer les prétentions de Toulouse.

    Le Père Montagnes, en rappelant que Saint-Sernin est une communauté canoniale, demande si le terme de « monasterium » est employé par les textes. M. Gérard précise que les actes de la seconde moitié du XIe siècle parlent seulement de « canonici », de « mensa » et de « tabula » ; ce n'est qu'à partir de 1075 qu'apparaît l'expression « canonici regulares ».

   Quitterie Cazes relève que le silence des textes au cours de la seconde moitié du XIe siècle est très étonnant puisque les études archéologiques montrent que la reconstruction de l'église a commencé vers 1080, ce qui suppose que la récupération du temporel est déjà bien engagée. M. Gérard se demande si, en effet, la réforme du chapitre ayant eu lieu vers 1075, les chanoines ont pu récupérer autant d'argent en si peu d'années. Pour le Président, le fait d'engager les travaux prouve que les chanoines disposent de l'argent nécessaire et donc que la récupération du temporel est déjà en partie réalisée : il faudrait en conclure que le cartulaire présente des lacunes pour la période incriminée. M. Gérard pense que c'est un aspect de la recherche qu'il peut approfondir encore.
    Le Président rappelle que le programme sculpté de la porte Miégeville illustre tout à fait ce que révèle l'analyse du cartulaire, avec en particulier la représentation de l'ascension manquée de Simon le Magicien, à un moment où la question de la simonie n'est pas encore complètement réglée.

    Puis le Président rend compte de la dernière réunion du Bureau. Guy Ahlsell de Toulza indique que nous serons une vingtaine à participer au repas en l'honneur de Maurice Prin. Les participants seront avertis dans la semaine du restaurant finalement retenu.


3e partie
Séances du 5 avril 1994 au 25 juin 1994