Société Archéologique  du Midi de la France
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couverture T. 59

Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LIX (1999)


BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE
1998-1999

établi par Patrice CABAU & Maurice SCELLÈS


    Cette édition électronique respecte la mise en page de l'édition imprimée (Bulletin de l'année académique 1998-1999, dans Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, t. LIX, 1999) dont nous indiquons la pagination. Certaines illustrations en noir et blanc ont cependant été remplacées par des illustrations en couleur.   En outre, quelques illustrations supplémentaires qui figuraient dans la pré-publication électronique ont été maintenues : elles sont toujours clairement signalées.


1ère partie
Séances du 20 octobre 1998 au 2 février 1999
2e partie
Séances du 23 février 1999 au 6 avril 1999
3e partie
Séances du 27 avril 1999 au 1er juin 1999

M.S.A.M.F., t. LIX, p. 262  

 

SÉANCE DU 23 FÉVRIER 1999

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire Général, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Delaplace, Napoléone, Pradalier-Schlumberger, MM. Baccrabère, le général Delpoux, Hermet, le Père Montagnes, Pradalier, Mgr Rocacher, M. Tollon, membres titulaires ; Mmes Blanc-Rouquette, D’Ercole, Fronton-Wessel, Jimenez, Nouviale, MM. Bertrand, Burroni, Cranga, Luce, Garland, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mme Cazes, M. Manière.

    Le Président rend compte de la correspondance. Nous avons en particulier reçu la candidature au titre de membre correspondant de Mme Hélène Debax, maître de conférences d’histoire à l’Université de Toulouse-Le Mirail.

    Le Secrétaire Général porte à la connaissance de la Compagnie une demande d’information qu’une étudiante américaine nous a adressée par courrier électronique : réalisant un travail sur la topographie de Toulouse au XIIe siècle, Mlle Pamela Marquez recherche des précisions sur le cours du Sauzat, qui aurait été canalisé autour des murailles de la ville. Henri Molet a pu indiquer qu’il s’agissait probablement du Sauzat mentionné du côté de la rue Romiguière, et l’abbé Baccrabère a fait état d’un article de Gaston Astre consacré à la géologie de Toulouse, paru dans les Mémoires de l’Académie des Sciences (vol. 125, 1963). Patrice Cabau pense qu’il pourra donner quelques informations lors de la prochaine séance.
    Le Secrétaire Général rappelle que les courriers électroniques que nous recevons, et où figurent aussi bien des questionnaires de lycéens que des demandes plus spécialisées, sont archivés dans le classeur de courrier consultable dans la salle de lecture.
    Le Président indique que le Maire de Toulouse nous a également transmis une lettre de M. Taillebois demandant des informations sur d’éventuelles traces d’occupation néolithique à Toulouse. M. Coppolani rappelle que les sites chasséens d’Ancely et de Villeneuve-Tolosane sont bien connus.

    Le Secrétaire Général donne lecture du procès-verbal de la séance du 19 janvier, et Henri Pradalier de celui de la séance du 2 février. Les deux procès-verbaux sont adoptés.


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    Il est alors procédé aux élections d’un membre libre et de deux membres correspondants. M. Germain Sicard est élu membre libre. Les rapports entendus, MM. Henri Molet et Étienne Hamon sont élus membres correspondants.

    La parole est alors à Cecilia D’Ercole pour une communication consacrée aux Expressions figuratives dans l’Italie archaïque : l’exemple des stèles dauniennes (VIIe-VIe s. av. n. è.) :

    « Au cours des années soixante, de nombreuses stèles sculptées en calcaire (1) furent mises au jour dans la plaine de Siponto, dans les Pouilles septentrionales (l’ancienne Daunie) (2). Ces monuments reproduisent sous une forme très schématisée des figures humaines au corps rectangulaire, à la tête arrondie ou pointue, iconique ou aniconique (3). Le riche décor incisé et peint à l’origine s’étale sur les corps des personnages et reproduit leurs riches tenues vestimentaires, ainsi que des scènes figurées plus ou moins complexes. La représentation détaillée des ornements et des armures (fibules, colliers, kardiophylakes, boucliers) a évidemment la fonction d’exalter le rang social et la richesse des personnages. On reconnaît ainsi des colliers en ambre, des fibules " à navicella ", des pectoraux rectangulaires à rebord convexes, des épées. Toutes ces représentations ont des analogies précises avec les objets qu’on retrouve dans les mobiliers de la région daunienne ainsi que dans d’autres territoires italiques, au VIIe siècle av. n.è.

    Le répertoire figuratif de ces monuments singuliers se démarque par sa variété et par son exubérance. Des scènes animées et composées de plusieurs personnages envahissent ainsi toute la surface disponible et composent des séquences narratives complexes et difficiles à décrypter. Cette abondance d’éléments figuratifs confirme d’ailleurs la chronologie proposée plus haut, car c’est justement dans l’art orientalisant du VIIe siècle qu’on retrouve cette même tendance dans la production artistique de plusieurs régions méditerranéennes. Dans le cas des stèles, l’impression de grande vivacité qui se dégage de cette surcharge ornementale devait être à l’origine certainement accrue par le décor peint.

    Parmi les sujets traités, une large place est accordée aux scènes de chasse (souvent au cerf) à pied et à cheval. Également nombreuses sont les scènes de combats, individuels ou en groupes, à pied, à cheval et même sur des chars, souvent associées aux scènes de chasse. Un autre thème souvent représenté est la rencontre de deux cortèges opposés, dont l’un est mené par un personnage avec la lyre ; parfois des personnages masculins sont opposés à des femmes qui portent des vases ou corbeilles sur la tête. Il s’agit là de la représentation d’un rituel complexe et solennel, qui pourrait faire allusion à l’échange de dons à l’occasion d’une circonstance importante, par exemple un mariage, ou bien à une pratique de culte, comme les processions qu’on voit parfois gravées sur des lamelles votives en bronze de la Vénétie (4). D’autres stèles semblent décrire les occupations habituelles de cette communauté italique, par exemple la navigation ou la pêche. Des thèmes fantastiques ou monstrueux sont également évoqués par les sculpteurs dauniens, qui ont réalisé, il faut le souligner, l’un des plus riches et intéressants ensembles de sculptures de la Méditerranée archaïque.

    L’intérêt artistique et symbolique des stèles dauniennes n’a pas échappé aux archéologues qui ont proposé plusieurs méthodes de classement et d’interprétation de ces monuments complexes. Silvio Ferri a été le premier à publier les stèles et à essayer d’interpréter leurs images, dans une série de notes et d’articles publiés à partir de 1962 (5). L’admirable érudition de ce savant constitue cependant, paradoxalement, la limite principale de son analyse, car Silvio Ferri a constamment interposé son bagage de connaissances à la lecture directe des images, ce qui a produit dans la plupart des cas la déformation, voire l’incompréhension de l’imagerie daunienne. C’est peut-être par réaction à l’exubérance interprétative de S. Ferri que dans les études successives l’analyse sémantique a été remplacée par la description morphologique et le classement typologique des stèles, fondés sur des critères qui se veulent le plus possible objectifs. Nous pensons au catalogue publié par M.L. Nava en 1980 (6), qui a décrit et classé le millier d’exemplaires jusque là connus, ainsi qu’à une récente analyse (7) qui étudie globalement,

en tant que système, le décor ornemental aussi bien que figuré. Ces deux classements, même fondés sur des critères d’analyses fort différents, ont contribué à montrer la logique précise et rigoureuse de construction des monuments et de leur décor. Ils ont toutefois laissé en arrière-plan une question fondamentale pour la compréhension non seulement des stèles mais aussi de la société qui les a produites, à savoir l’exégèse des scènes figurées, qui sera certainement la tâche des études à venir sur le sujet. Nous voudrions brièvement nous pencher sur quelques scènes figurées qui nous ont paru tout particulièrement adaptées à montrer d’une part la capacité d’auto-représentation de cette société indigène de l’Italie archaïque, d’autre part l’ampleur des contacts culturels que l’art des stèles permet d’apercevoir.

    Il s’agit d’une série de scènes relativement courantes : dans la

STÈLE DAUNIENNE AVEC PROCESSION RITUELLE. Dessin M.C. D'Ercole d'après Nava.


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STÈLE DAUNIENNE AVEC SCÈNE DE TISSAGE.
Dessin M.C. D'Ercole d'après Nava.

DÉTAIL DE STÈLE DAUNIENNE : gants. D'après Nava.

TINTINABULUM DE LA TOMBA DEGLI ORI, Bologne. D'après Morigi Govi.


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plus complète d’entre elles (8), un personnage vêtu d’une tunique, probablement une femme, est assis en face d'un objet vertical, entouré sur les deux côtés par deux bandes décorées de méandres qui tombent jusqu’au sol. Sur la droite de la scène, une femme debout semble aider le personnage assis ; d'autres femmes s’approchent ; elles portent sur la tête des vases, dont la forme rentre indiscutablement dans le répertoire typique de la céramique archaïque locale. La même scène se répète symétriquement sur le côté opposé de la stèle ainsi que sur sa partie antérieure, avec des variations dans le nombre des personnages. Sur au moins trois autres stèles (9), des scènes analogues se déroulent autour de l’élément vertical qui constitue évidemment la clé pour la compréhension de l’ensemble. S. Ferri a donné à cet objet des significations différentes. Ainsi l’a-t-il interprété comme un filet pour oiseaux (10) dans l'exemplaire que nous venons de décrire, un lit funèbre dans une autre stèle (11). La nature de l’objet reste d’ailleurs controversée, puisqu’il a pu devenir, dans une publication récente, la colonne du naiskos dans lequel serait assise une divinité recevant l’offrande du personnage débout (12). À notre avis, l’explication est autre : dans tous les cas ci-dessus évoqués, il s’agit d’un métier à tisser de type vertical (13) et les bandes qui retombent de part et d’autre pourraient symboliser le produit de cette activité, à savoir le tissu décoré. En effet, le même motif à méandre orne très fréquemment les vêtements et aussi les gants sculptés sur plusieurs stèles (14). Un dernier détail nous assure du souci de précision perceptible dans cette scène : la femme assise porte une tunique à manches courtes décorées d'une croix, ainsi que des gants sillonnés par des rayures parallèles. Or, c'est exactement le même type de tenue vestimentaire qui caractérise le personnage " titulaire " de la stèle.

VASE DE SOPRON-ÖDENBURG. D'après Frey.

    Ce sujet figuré est loin d’être isolé dans l'imagerie archaïque de l’Italie. Des analogies surprenantes se retrouvent, par exemple, dans les scènes de tissage gravées sur le tintinnabulum de la " Tomba degli Ori " de Bologne, daté du VIIe siècle av. J.-C. Là aussi, on voit une femme assise en train de travailler à son métier, face à un autre personnage féminin (vraisemblablement de rang inférieur) qui s'approche avec une corbeille, contenant probablement la matière destinée à la filature (15). Autre exemple, le cycle narratif gravé sur un document extraordinaire : le trône en bois sculpté de la tombe 89 de Verucchio en Romagne, récemment analysé de façon admirable par Mario Torelli (16). Le savant italien arrive à bien montrer comment le tissage se situe au sommet du cycle des activités et des rituels de passage propres à la femme aristocratique, précédée par d’autres activités de moindre importance, confiées à des servantes, telle la tonte des animaux et la filature de la laine. La maîtresse de l’oikos aidée par une ancilla a droit elle seule à tisser, assise sur un trône qui à Verucchio est doublement représenté, par les images et par le support même des images, modelé justement en forme de trône. Il nous reste à ajouter à cette série de documents un autre objet figuré qui nous amène vers les cultures halstattiennes des Alpes orientales. Il s’agit d’un vase de la fin du VIIe siècle av. n.è., provenant du tumulus 27 de Sopron-Ödenburg : une femme est représentée devant un métier à tisser vertical, aidée par une autre femme (17). L’importance de l’activité représentée est soulignée par la présence d’un personnage probablement de sexe masculin avec la lyre et deux autres femmes avec les bras ouverts, peut-être en train de danser. Si nous revenons brièvement à notre stèle, les comparaisons avec les documents ci-dessus évoqués éclaircissent l’ensemble de la représentation : les femmes assises en train de tisser sont les protagonistes de la scène et appartiennent probablement au même groupe familial ; les autres sont les servantes qui aident dans l’activité de tissage ou apportent la matière destinée à la filature. Ajoutons un autre détail : la femme de gauche semble tenir sur ses genoux un personnage de taille plus réduite, qui paraît répéter ses mêmes gestes. On pourrait se demander s’il s’agirait pas d’un enfant de sexe féminin, imitant l’attitude de sa mère. Cette scène rassemblerait ainsi des allusions multiples aux aspects essentiels de la fonction féminine dans cette société archaïque : l’activité de production (le tissage) et de reproduction (la procréation et la formation des enfants).

    En conclusion, l’exemple choisi montre assez clairement comment les stèles mettent en scène le mode de vie aristocratique : à côte de l’univers masculin de la chasse et de la guerre, le groupe familial où les femmes trouvent leur place et la possibilité d’être célébrées, dans leur double fonction de mères et de protagonistes des certaines activités économiques (le tissage). Il ne s’agit pas, bien entendu, d’une description réaliste, mais plutôt de la transposition d’un univers réel dans la fixité atemporelle donnée à la fois par l’image et par son support. Il s’agit donc d’actions qui se transforment en rituels : là où par rituel on entend une cérémonie où trois éléments essentiels sont associés : le premier est le caractère stéréotypé, indépendant d’une situation ou d’une émotion actuelle ; le deuxième est la répétition et l’exagération visant à produire une sorte d’effet théâtral ; le troisième est la fonction de la communication (18). C’est seulement dans un deuxième temps, à partir du VIe siècle, avec des temps et des modalités propres


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à chaque culture de la péninsule italique, que les mêmes situations seront représentées sous une forme empruntée au mythe grec, sans toutefois oublier complètement les conventions et les significations propres à l’art archaïque (19). »

 Maria Cecilia D’Ercole

 

1. On compte actuellement plus d’un milliers de pièces : toutefois, ce chiffre est certainement supérieur au nombre originaire d’exemplaires, car il s’agit dans la plupart des cas de fragments très réduits, dont plusieurs devaient à l’origine appartenir à la même stèle. La majorité de ces monuments proviennent du lieu-dit " Cupola-Beccarini " et sont actuellement conservés dans le Château de Manfredonia ; d’autres exemplaires ont été retrouvés dans d’autres sites de la même région (à Salpi, à Arpi, à San Paolo Civitate).
2. Étant donné le caractère occasionnel de ces découvertes, la disposition et la fonction originaires des stèles restent controversées ; s’il est certain qu’il s’agit de monuments dressés en position verticale et partiellement enfoncés dans la terre, leur relation originaire avec des monuments funéraires ou des enclos sacrés peut être uniquement supposée. On sait toutefois que certaines stèles étaient proches de sépultures : voir M. L. NAVA, Stele Daunie, Florence 1980 (abrégé dorénavant NAVA 1980), n. 593, pl. CLXXVIII. D’autres stèles ont été réutilisées au VIe siècle, comme dalles de couverture des tombes (NAVA 1980, p. 9-10). 
3. La hauteur moyenne des exemplaires sans la tête peut atteindre 94 cm. (par exemple, la stèle dans M.L. NAVA, Stele Daunie. Sculture antropomorfe della Puglia protostorica, Milan 1988 – abrégé dorénavant NAVA 1988 –, p. 51, fig. 56-57). Mais les variations dans la hauteur des monuments peuvent être importantes : la stèle publiée par NAVA 1980, I, p. 72, n. 17 ; tav. XXXVIII-XXXIX, n. 139 ne dépasse guère les 50 centimètres env.
4. Sur lesquels voir par exemple L. CAPUIS, I Veneti. Società e cultura di un popolo dell’Italia preromana, Milan 1993, pl. 79 : lamelles votives de Vicenza, Ve-IIIe siècles av. n.è.  
5. Récemment rassemblés et republiés par NAVA 1988, p. 17 sq.
6. Abrégé ici NAVA 1980.
7. A. PONTRANDOLFO, E. MUGIONE, F. SALOMONE, " Alcuni esempi figurativi dell’Italia antica. Le stele daunie ", dans Iconografia iberica, iconografia italica. Propuestas de interpretacion y lectura, sous la dir. de R. Olmos Romera, J.A. Santos Velasco, Roma 1993, Madrid 1997, p. 297-315.
8. Il s'agit de la stèle avec des ornements reproduite par NAVA 1980, n. 585, pl. CLXVIII ; NAVA 1988, p. 128, pl. 159-160.
9. La même scène revient certainement au moins dans trois autres exemplaires : a) NAVA 1980, n. 722, pl. CCXXI et NAVA 1988, p. 66, pl. 79 ; b) NAVA 1988, p.124, pl. 155 ; c) NAVA 1988, p. 184, pl. 198. Il s’agit dans les trois cas de stèles avec des ornements.
10. Le texte de S. Ferri a été réédité dans NAVA 1988, p. 129-130. Son interprétation découle probablement de la présence d'un oiseau sur le côté droit de la scène ; mais je crois que le sujet animalier, par ailleurs extrêmement courant sur les stèles, ne suffit pas à donner le sens global de la représentation.
11. S. FERRI, dans NAVA 1988, p. 66, pl. 79, stèle n. 0540, 0929.
12. L’Arte dei Popoli Italici, Naples 1994, p. 368-369, pl. 244.
13. Cette interprétation a été déjà proposée par M. L. Nava mais uniquement pour l’un de ces exemplaires : NAVA 1980, I, p.34, p.159, n.748 ; II, pl. CCXLVI-CCXLVII.
14. Voir par exemple les stèles reproduites dans NAVA 1988, p. 58, n. 69; p. 72, n. 92-94, p. 73, n. 96, ainsi que la typologie des gants à la p. 207. Il faut remarquer qu'un motif décoratif analogue apparaît sur la céramique géométrique de la Daunie méridionale, datée d'entre le troisième quart du VIIe et le troisième quart du siècle suivant ; pour ce décor voir D. YNTEMA, The Matt-Painted Pottery of Southern Italy. A General Survey of the Matt-Painted Pottery Styles of Southern Italy during the Final Bronze Age and the Iron Age, Galatina 1990, p. 240, fig. 220, n. 23 ; sur cette classe céramique en général voir p. 234 sq.
15. C. MORIGI GOVI, " Il tintinnabulo della " tomba degli Ori " dell’Arsenale di Bologna ", dans Archeologia Classica XXIII, 1971, p. 211-235 ; A. RALLO, Fonti, dans Le donne in Etruria, sous la dir. d'A. Rallo, Rome 1989, p. 17, pl. III-IV.
16. M. TORELLI Il rango, il rito e l’immagine. Alle origini della rappresentazione storica romana, Milan 1997; sur le trône de Verucchio voir les p. 52 sq.  
17. O.-H. FREY, " Bemerkungen zu figürlichen Darstellungen des Osthallstattkreises ", dans Festschrift R. Pittioni, Wien 1976, p. 578-587, qui souligne à juste titre le rapport avec le tintinnabulum de Bologne.
18. Selon la définition proposée par W. BURKERT, Mito e rituale in Grecia. Struttura e storia, Milan 1992, p. 63.
19. Voir les conclusions très denses de M. TORELLI, p. 174 sq. qui analyse les phases de ce passage et les survivance des thèmes et des formules de l’expression figurative archaïque jusqu’à l’Empire romain. Voir aussi, sur le passage du rituel au mythe en Étrurie et dans le Latium archaïques : M. MENICHETTI, Archeologia del potere. Re, immagini e miti a Roma e in Etruria in età arcaica, Milan 1994. 

    Le Président remercie Cecilia d’Ercole d’avoir su nous faire découvrir d’une manière aussi synthétique ces stèles énigmatiques, dont la beauté est évidente à nos yeux formés à l’art contemporain.

    Henri Pradalier demande ce que l’on sait de ce peuple et plus généralement de la civilisation daunienne, et s’il existe des textes. Cecilia D’Ercole indique que nous ne connaissons aucun texte autochtone, mais que la généalogie du peuple daunien est donnée par quelques sources grecques. C’est en particulier à travers la légende de Diomède qu’un poète grec du VIIe siècle, Mimnerme, évoque les alliances et les trahisons du roi daunien Daunos. Son aire géographique correspond grosso modo à la partie septentrionale des Pouilles. L’archéologie de cette région est assez nouvelle : les découvertes réalisées au cours de ces dernières décennies ont révélé des productions de céramique décorée qui ont été exportées dans toute l’Adriatique, ce qui est exceptionnel pour une céramique non grecque. Les peuples voisins des Dauniens sont également connus à travers les sources grecques : les textes et l’archéologie permettent de plus en plus d’imaginer des sociétés très hiérarchisées autour d’un pouvoir « royal ».

    Répondant à Maurice Scellès, Cecilia D’Ercole précise que l’on connaît d’autres stèles en Ligurie, en Toscane, en Istrie, etc. mais que les autres exemples anthropomorphes adriatiques sont plus récents. Les exemplaires les plus anciens sont tous à décor géométrique et les stèles dauniennes constituent de ce fait un groupe cohérent et bien délimité.
    Daniel Cazes évoque les céramiques à décor géométrique où prennent place des figures filiformes assez semblables à celles


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des stèles dauniennes. Après avoir indiqué que la question est complexe, Cecilia D’Ercole note que contrairement à ce que l’on trouve sur les vases grecs, les scènes des stèles dauniennes ne sont jamais des représentations explicites de la mort. Tout au plus pourrait-on penser que certaines scènes de chasse et de combat puissent éventuellement correspondre à des jeux funèbres. Par ailleurs, les céramiques dauniennes présentent surtout des décors géométriques où l’insertion de figures est très rare, et il paraît donc peu probable que les scènes figurées des stèles dérivent de modèles grecs. Les témoins archéologiques de contact avec le monde grec sont en outre inexistants.

    Pour Jean-Marc Luce les scènes de banquet laissent pourtant supposer une influence grecque et les femmes portant des vases seraient assimilables aux hydrophores. Il rappelle que le vin fait l’objet d’une loi à Rome à l’époque archaïque, et pense que les scènes des stèles pourraient représenter des couples homme/vin, femme/eau. Cecilia D’Ercole note que les vases portés par les femmes semblent pouvoir contenir autre chose que de l’eau puisqu’un animal est figuré sur l’un d’eux : il faudrait plutôt imaginer des séries d’offrandes. Quant aux scènes de banquet, pour lesquelles on a proposé des parallèles avec le banquet homérique, elles peuvent également témoigner de relations avec l’Étrurie où les femmes participaient au banquet. En Italie du sud comme en Étrurie, des cratères ont été retrouvés dans des tombes de femmes.

    Le Président constate que l’on a abandonné la surinterprétation homérique au profit d’une étude essentiellement archéologique, mais faut-il pour autant récuser tout rapport avec les légendes grecques ? Cecilia D’Ercole répond qu’il ne s’agit pas d’écarter la tradition grecque, mais qu’il était nécessaire au cours de cette phase de la recherche d’analyser d’abord les images, et de voir dans quelle mesure les images pouvaient ramener aux traditions textuelles.
    Guy Ahlsell de Toulza remarque que l’on parle beaucoup des Grecs mais pas du tout des Celtes, que l’ambre ou encore les représentations de chars semblent pourtant devoir évoquer. Le fond légendaire lui-même ne peut-il faire référence à des sagas germaniques ou italiques ? Après avoir dit que l’exploration devait en fait prendre en compte l’ensemble des mythes indo-européens, Cecilia D’Ercole ajoute que des décors géométriques très proches de ceux que l’on trouve sur les stèles dauniennes sont connus en Allemagne.
    Christine Delaplace demande s’il ne faut pas encore penser à d’éventuelles influences phéniciennes et rappelle que l’on connaît en Tunisie d’assez nombreuses stèles figurées.

    Le Président met fin à la discussion en concluant plaisamment que la Méditerranée a toujours été le carrefour de toutes les civilisations.

  

    Au titre des questions diverses, le Président rend compte des dernières réunions des Bureaux de l’Union des Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat et de l’Association des Amis de l’Hôtel d’Assézat.

    Maurice Scellès fait état de deux documents du XVIe siècle, très endommagés, retrouvés dans une maison de Cahors où ils avaient été utilisés pour boucher un trou dans une poutre. En dépit d’importantes lacunes, ce qui peut être restitué des textes fournit la date de 1541 et indique qu’il s’agit de deux pièces d’une procédure concernant la possession des revenus du prieuré de Catus, connue par ailleurs (cf. Ludovic de Vallon, Le prieuré de Catus. Essai historique et archéologique, dans Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze, t. XXVI, 1904-1905, p. 524-529). Selon Jean Lartigaut, qui a été consulté, leur intérêt n’est que secondaire et leur publication a donc pour seul but d’en conserver la trace. Leur lecture peut en outre être complétée.


Planche non publiée dans le Bulletin.

Page : 198 Ko


    Premier document (1 feuille recto, 1 page) : [lacune] [illisible] le unziesm[e] [lacune] [illisible] / [lacune] [illisible] [lacune] [illisible] / [lacune] [illisible] [lacune] gr(âc)e de dieu / [lacune] [illisible] [n]ot(ai)re Royal / [lacune] [illisible] [lacune] / [lacune]ble fr(è)re Fra[n]çois Fayd[i] [Re]lig[ie]u[x] del[ordre de] / s[ain]ct benoist et prieur de s[ainct Jehan de] / ca[tu]s l[e]quel de [illisible] / [5 lignes lacunaires et illisibles] / en lad(ite) c[illisible] [lacune] / p(ro)[illisible] en icelle [illisible] toutz [lacune] / et ung [illisible] [lacune] / en lad(ite) c[illisible] [lacune] [illisible] dudi(t) [lacune] / en toutes [illisible] [lacune] [illisible] / faict en demandeu[r] [lacune] en deffandeu[r] / et illec bailler demandes deffets R[illisible] / [illisible] Req[ue]stes produ[lacune] / [1 ligne lacunaire et illisible] / en [illisible] demander [lacune] / et sentences deffinit[ives] [lacune] / si besoing est [lacune] / [5 lignes lacunaires et illisibles] / not[ai]r(e) Royal soubz [signé] [lacune].


Planches non publiées dans le Bulletin.

Page 1 : 188 Ko Page 2 : 188 Ko Page 3 : 116 Ko Page 4 : 124 Ko


    Deuxième document (1 feuille double recto-verso, 4 pages) : [Première page] [Sachent pré]sents [illisible] [lacune] [illisible] / [lacune] du moys d[e] [lacune] mil cinq / [cent qu]arante et ung [lacune] de catus / [lacune] [illisible] au dev[ant de la] gran[d] porte de / [l’église du] monesta[ire] de la(dite] ville [illisible] de / [lacune] matin et par devant moy / maistre bernard sergent R[oyal] de la ville / de Cahours [illisible] comiss[…] [lacune] / [lacune] [illisible] m[a]istre / b[era]ldi [lic]en(cié) es d[r]oits [illisible] [lacune] [illisible] / [dudit de] Vassal Reli[gieux de l’ordre de sainct] be[noist] / [3 lignes lacunaires et illisibles] / et de [lacune] [illisible] [lacune] / dudi(t) de Vassal [illisible] [lacune] / [illisible] ensemble et [illisible] [lacune] / [illisible] lesquelle(s) p(ar) moy [illisible] [lacune] / [illisible] ledi(t) beraldi [lacune] / qui dessus en vertu dicelles à la Requ[este] / dudi(t) impétrant [lacune] avoit f[…] [lacune] / par devant moy serge[nt] s[us]dit aulx [lacune] / qui dessus maistre fran(çois) Raffin proth[onotaire] / du s[ain]ct siecge ap[o]sto[l]ique e[t] f[rèr]e Fr[ançois] / Faydi Religieux du[d]i(t) ordre [illisible] [lacune] / [3 lignes lacunaires et illisibles] / si estoit heure d[e] [lacune] / [1 ligne lacunaire et illisible] / [lacune] monast[aire] [lacune] / [3 lignes lacunaires et illisibles] / [Deuxième page] [lacune] de Catus Ill[ec] [lacune] / [2 lignes lacunaires et illisibles] / [lacune] deulx ont [lacune] / [le]s quatr[e] saincts ev[vangiles] [lacune] / ma[in]s droites touches [lacune] / [lacune] moy s(er)gent susdi(t) [illisible] [lacune] / [illisible] heure de tierce [illisible] [lacune] / [2 lignes lacunaires et illisibles] / [lacune] la gran[d] porte d[e] [l’]égli(s)e [lacune] / [lacune] […]di V[…] [lacune] / [lacune] a dema[ndé] / [lacune] estre [illisible] [lacune] / [lacune] deffault [lacune] [l]esdi


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(ts) Raffin et Faydi / et en leur [de]ffault [le]di(t) de Vassal [e]stre / [m]aintenu [et] gardé en la possession et saysine / dudi(t) prieuré de sainct Jehan de catus et fruits / [illisible] esmolumens dicelluy tout et / [illisible] Et alors p(ar) / moy s[ergent] susdi(t) a été [illisible] deffault / [illisible] Raffin et Faydi adjornés et p(ar) / moy [a]ppelés à aulte voix [illisible] / [illisible] dans une heure seront reten(us) / [1 ligne illisible] / [lacune] de madi(te) comission de quoy / [lacune] dessus [illisible] / [2 lignes lacunaires et illisibles] / [lacune] neuf heures dudi(t) jour / [lacune] ladi(te) heure p(ar) devant moy s[erg]ent / [lacune] susdi(t) [lacune] [deva]nt ladi(te) grand / [porte de la]di(te) égli(s)e [lacune] […]paru ledi(t) beraldi / [lacune] que des[us] [q]ui a demandé [illisible] / [lacune] estre faicte [illisible] / [Troisième page] [lacune d’une quinzaine de lignes] / [illisible] [lesdits] Raffin e[t Faydi] [lacune] / [2 lignes lacunaires et illisibles] / maintenu [illisible] en s[a] posses[sion] / et saysine proffiz [lacune] et esmolu[mens] / et libertés dudi(t) prieuré de Sainct Je[han] / de catus ledi(t) de V[assal] Et en [illisible] [lacune] / [1 ligne lacunaire et illisible] / [illisible] [lacune] à ladi(te) / [lacune] faicte inhibition et deffan[ce] / au[x]di(ts) [R]affin et Faydi et à tout autre / qui [illisible] [lacune] / [3 lignes lacunaires et illisibles] / ledi(t) de Vassal [lacune] / des fruits libertés [lacune] / [1 ligne lacunaire et illisible] / Revenu[s et e]smolumens / [1 ligne lacunaire et illisible] / [Quatrième page] [lacune d’une quinzaine de lignes] / [14 lignes lacunaires et illisibles].

 

SÉANCE DU 2 MARS 1999

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire Général, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Cazes, Napoléone, Noé-Dufour, MM. l’abbé Baccrabère, Bruand, le général Delpoux, Gilles, Roquebert, Tollon, membres titulaires ; Mmes Blanc-Rouquette, d’Ercole, Jimenez, Pujalte, MM. Manuel, Gillis, Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mme Pradalier-Schlumberger, MM. Burroni, Hermet, Pradalier.
Invité : M. Pierre Garrigou Grandchamp.

    Le Président ouvre la séance en rappelant que les Toulousains de Toulouse tiendront leur assemblée générale dans l'auditorium de l’ancienne église Saint-Pierre-des-Cuisines le 20 mars prochain.
    Puis le Président présente à la Compagnie M. Pierre Garrigou Grandchamp, dont nombre d’entre nous connaissent les travaux sur la demeure médiévale, et dit tout le plaisir que nous avons à l’accueillir parmi nous ce soir.
    Le Secrétaire Général donne lecture du procès-verbal de la séance du 23 février dernier, qui est adopté.

    Deux ouvrages sont offerts à la Société, l’un par Mme Akermann : L’image du pèlerin au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, sous la direction de Pierre André Sigal, Ass. des Amis de Rocamadour, 1994, 408 p. ; l’autre par M. Yves Bruand : Marie-Laure Capella, Urbain Vitry (1802-1863), un architecte toulousain de l’époque romantique, thèse sous la direction d’Yves Bruand, Université de Toulouse-Le Mirail, 1998. Au nom de la Société, le Président remercie les donateurs.

    La parole est alors à Marie-Luce Pujalte pour une communication intitulée Du nouveau sur les architectes toulousains du XVIIIe siècle, publiée dans ce volume (t. LIX, 1999) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Marie-Luce Pujalte de nous avoir fait revisiter toute une série de carrières d’architectes et de nous avoir ouvert les portes de l’hôtel de Paulo. Il constate que dans cette province où l’innovation paraît bien pauvre, il est difficile de mesurer ce qu’a apporté l’existence d’une académie royale. L’impression dominante est celle d’une architecture médiocre ou tout au moins ordinaire.
    Marie-Luce Pujalte confirme cette impression générale en excluant toutefois les hôtels les plus accomplis qui empruntent à des modèles savants pour la distribution ou le décor. En dépit de ses contacts avec Paris, le milieu parlementaire toulousain semble très conformiste. Le Président se demande s’il faut mettre en cause le conformisme social ou bien les conditions économiques, et voudrait savoir si l’on dispose pour Toulouse de devis de construction que l’on pourrait comparer avec ceux de Bordeaux. Marie-Luce Pujalte indiquant qu’ils sont toujours plus bas que ceux que l’on connaît dans d’autres villes, il faudrait considérer que les conditions économiques ont été déterminantes. Le Président demande encore si l’augmentation de la richesse dans la deuxième moitié du siècle se traduit par une amélioration de la qualité de l’architecture. Marie-Luce Pujalte constate que ce n’est pas le cas alors que les constructions sont plus nombreuses.
    À propos de la qualification d’« architecte », M. Gilles note que la tradition toulousaine fait de préférence usage de l’appellation de « maître maçon » : c’est un simple maçon qui est maître d’œuvre du Bâtiment des Études. Celui-ci a reçu un modèle qu’il est chargé d’exécuter et il est probable que dans bien des cas, les maîtres maçons aient reçu des instructions des propriétaires. Pour les bâtiments publics, ce sont les maîtres des œuvres de la Sénéchaussée ou de la Ville qui interviennent.

    Le général Delpoux fait remarquer que nombre de bâtiments construits au XVIIIe siècle ont dû disparaître lors du percement de la rue Alsace-Lorraine et de la rue de Metz, ce que confirme Marie-Luce Pujalte. Annie Noé-Dufour indique que les archives qui se trouvent encore au service de l’urbanisme de la Ville de Toulouse comprennent de nombreux plans au sol qui permettraient sans doute de connaître les principales dispositions de certains hôtels du XVIIIe siècle aujourd’hui disparus.
    Répondant à une question du Président, Marie-Luce Pujalte mentionne les décors de terre cuite de l’hôtel de Montbel, en indiquant que ces décors sont cependant peu nombreux. Annie Noé-Dufour rappelle qu’il en existe en dehors de la ville, comme par exemple au château de Bellevue.


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    Guy Ahlsell de Toulza s’étonne du contraste que présentent des hôtels comme ceux de Paulo et de Castelpers, en affichant sur la rue des portails énormes suivis de très médiocres façades sur cour. La disproportion paraît incompréhensible, en particulier si l’on pense aux hôtels de la génération précédente, que ce soit l’hôtel de Puivert ou l’hôtel d’Espie. Marie-Luce Pujalte rappelle que le marquis de Castelpers est l’une des toutes premières fortunes de Toulouse – qu’il faudrait pouvoir comparer à celles du Bordelais ou de Montpellier, notent le Président et Guy Ahlsell de Toulza –, mais qu’il a peut-être présumé de ses moyens en engageant en 1777 la construction d’un second hôtel, après celui de la place Sainte-Scarbes construit vers 1770. Aucune explication ne peut en revanche être proposée pour l’hôtel de Paulo.

    M. Yves Bruand souligne les qualités dont fait preuve Guillaume Cammas, tant pour le plan du Capitole que pour ceux de l’hôtel de Lafage et de l’hôtel de Puivert, en adaptant les dispositions aux contraintes de bâtiments préexistants ou de parcelles très irrégulières qui présentaient d’importantes difficultés. Il ajoute qu’il avait pu soupçonner l’intervention d’Étienne Mauri à l’hôtel Dubarry, et que Marie-Luce Pujalte, grâce à un important dépouillement des archives, a découvert deux documents qui le mentionnent, permettant d’avancer un peu dans la connaissance de cet architecte.
    Annie Noé-Dufour indique que les archives du Génie, à Vincennes, conservent de nombreux plans correspondant à la période où l’hôtel de Puivert fut occupé par le maréchal Niel, et les travaux qui y furent alors réalisés. Guy Ahlsell de Toulza en prend bonne note, en disant cependant que la restitution des dispositions intérieures du XVIIIe siècle ne soulève guère de difficultés. Il fait encore remarquer que l’adaptation d’un plan régulier à un parcellaire irrégulier fait partie des exercices habituels des architectes de l’époque classique : lorsque nous évoquons le déplacement des axes des façades sur cour et sur jardin, de nombreux exemples de célèbres hôtels du XVIIe siècle nous viennent tout naturellement à l’esprit.

    Au titre des questions diverses, M. Robert Manuel fait circuler une photographie d’une planchette peinte d’un lion ailé, récemment retrouvée dans le plafond de la cave de sa maison de Cordes, où elle est en remploi. Ce décor pourrait correspondre à la date de 1553 donnée par un cartouche et peut-être à la peinture murale représentant le Sacrifice d’Abraham qui est conservée au rez-de-chaussée. Le Président émet l’hypothèse qu’il puisse s’agir d’un décor antérieur et propose de consulter à ce sujet Marie-Laure Fronton-Wessel.

CORDES (TARN), MAISON PORTAL, planche peinte d'un liion, en remploi dans le plafond de la première cave et pouvant provenir de la pièce au premier étage où se trouve la peinture murale représentant le Sacrifice d'Abraham.

    Le Président annonce à la Compagnie que la Commission de Martres-Tolosane se réunira immédiatement après la fin de la séance afin de préparer l’étude de géophysique souhaitée par le Service régional de l’archéologie sur l’ensemble du site de Chiragan et de définir les projets de notre Société pour les années à venir.

 

SÉANCE DU 16 MARS 1999

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire Général, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Cazes, Delaplace, Napoléone,


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Pousthomis-Dalle, Pradalier-Schlumberger, MM. l’abbé Baccrabère, le général Delpoux, Gilles, Hermet, le Père Montagnes, Pradalier, Tollon, membres titulaires ; Mmes Aribaud, Blanc-Rouquette, Fronton-Wessel, Pujalte, Rousset, Tollon, MM. Burroni, Ginesty, Hamon, Manuel, Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mgr Rocacher, M. Cranga.
Invité : Mme Catherine Tollon, M. Bertrand Ducoureau.

    Le Président souhaite la bienvenue à notre nouveau confrère Étienne Hamon, qui prend séance ce soir, et à Mme Catherine Tollon que nous accueillons bien volontiers. Nous serons rejoints par M. Bertrand Ducoureau, conservateur du patrimoine à la Conservation régionale des Monuments historiques de Midi-Pyrénées, qui a également été invité à assister à la communication de la séance.

    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite.
    M. Dominique Baudis nous remercie pour l’envoi du dernier volume de nos Mémoires, dont il a pris connaissance avec beaucoup d’intérêt.
    Un autre courrier nous accorde de pouvoir exceptionnellement bénéficier de l’auditorium de Saint-Pierre-des-Cuisines pour notre séance publique qui se tiendra donc le 3 mai. Le Président indique que cette date était malheureusement la seule disponible et regrette que notre séance publique se tienne ainsi le même jour que la fête des Jeux Floraux. Cette situation malheureuse, qui est due au fait que la grande salle de l’Hôtel d’Assézat est en cours de rénovation, ne se répétera pas.
    M. Vincent Geneviève nous adresse sa candidature au titre de membre correspondant. Le rapport est confié à Daniel Cazes.

    Enfin, notre consœur Christine Aribaud offre à la Société le catalogue de l’exposition du Musée Paul-Dupuy, Soieries en sacristie. Fastes liturgiques, XVIIe-XVIIIe siècles (Toulouse-Paris : Musée Paul Dupuy-Somogy, 1998, 200 p., 250 ill. coul.) et deux tirés-à-part : Christine Aribaud, Velvères, tamis, éverteflingues… Le traité de commerce de 1787 et les étoffes anglaises, dans Bulletin du Centre International d’Étude des Textiles Anciens (C.I.E.T.A.), 1998, p. 132-145, et Une part d’histoire de l’abbaye de Saint-Chaffre à la lecture des tissus sacrés du XVIIIe siècle, dans Les bénédictins de Saint-Chaffre du Monastier. Histoire et archéologie d’une congrégation. Actes du colloque des 7, 8 et 9 novembre 1997, p. 365-380. 

    Le rapport de Michèle Pradalier-Schlumberger entendu, Mme Hélène Débax est élue membre correspondant de notre Société.

    La parole est alors à Valérie Rousset et Françoise Tollon pour une communication sur la découverte d’un décor médiéval à la cathédrale de Cahors : 

    « La chapelle Notre-Dame de la cathédrale de Cahors : étude du décor des niches latérales

    L’analyse des peintures des niches de la chapelle Notre-Dame, réalisée à la demande de M. Bertrand Ducourau, Conservateur du patrimoine à la Conservation régionale des Monuments Historiques (D.R.A.C. Midi-Pyrénées) dans la perspective d’établir un futur programme de restauration, a associé une étude stylistique et historique (1) et une étude technique (2) destinée à mettre au jour l’intérieur de quatre grandes niches gothiques obturées à la fin du XVIIe siècle.

    Implantée sur l’ancienne absidiole romane sud du chœur de la cathédrale, la chapelle est l’œuvre de l’évêque Antoine d’Alamand qui la consacra en 1484. Elle est alors placée sous le double vocable de la Bienheureuse Marie et de la sainte Coiffe, linge de lin qui aurait recouvert la tête du Christ dans son tombeau, rapporté de la croisade par l’évêque Géraud de Cardaillac entre 1109 et 1113. Jugée peu digne de recevoir ce saint Suaire dès le XVIIe siècle, la chapelle ne suscita que peu d’intérêt au XIXe siècle lorsque l’architecte Tourette procéda à la dépose d’une partie de son ornementation sculptée qui constitue aujourd’hui, cependant, l’un de ses atouts majeurs.
    La chapelle est élevée selon un plan rectangulaire réparti en deux travées coiffées de voûtes d’ogives reçues par des culots sculptés parmi lesquels sont représentées les figures du tétramorphe. Les voûtains sont ornés d’un ciel azuré parsemé de soleils et d’étoiles peintes. Quatre grandes niches peu profondes (de 42 à 68 cm) sont aménagées sur les murs est et ouest. Couvertes d’arcs surbaissés, elles sont encadrées de larges biseaux sculptés de motifs gothiques. Une inscription latine en lettres gothiques taillées dans la pierre Nove nove iterum que nove nove que, dont la signification demeure énigmatique, porte l’accent sur la niche nord-est. Un grand renfoncement dans lequel était vraisemblablement placé l’autel initial, occupe l’entière largeur du mur sud ; il est masqué par un retable du XVIIe siècle. La chapelle rassemble un vocabulaire ornemental sculpté et peint du gothique flamboyant : roses épanouies, fleurs de lys, soleils placés sur des cercles de faible relief et ciselés de chevrons, billes, monogramme du Christ et bâtons écotés qui soulignent un panneau en bas et haut-relief consacré au Couronnement de la Vierge.
    Cet ensemble ornemental remarquable par la profusion des motifs a été complété entre 1679 et 1681 par un retable doré à la feuille, réalisé sur un dessin de Gervais Drouet et offert par le chanoine Dadine de Hauteserre. C’est sans doute à l’occasion ou à la suite de cette installation que l’on a procédé à l’obturation des quatre grandes niches afin de présenter un nouveau cycle peint consacré à la vie de Marie : l’Annonciation, la Visitation, l’Adoration des Bergers et la Présentation au temple. Ces œuvres, bien que de qualité très moyenne (des maladresses dans les perspectives et de fortes disproportions sont communes aux quatre scènes) concourent à la célébration du culte marial développé depuis l’époque gothique. Celui-ci s’achève par la représentation de l’Assomption de la Vierge peinte sur le retable de bois doré.
    Les fines parois sur lesquelles sont peints les quatre panneaux de la fin du XVIIe siècle ont été partiellement sondées en 1980 (trous de 15-20 cm sur 10-15 cm) afin de déterminer le contenu de l’intérieur des niches, mais nous n’avons pas trouvé de trace


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écrite des résultats de ces sondages. Les dernières recherches ont permis de pousser plus avant leur connaissance en révélant les vestiges d’une scène du XVe siècle et la stratigraphie picturale de l’ensemble. L’intérieur des niches a été observé directement par les trous des sondages précédents puis à l’aide d’une micro-caméra, tandis que les cadres sculptés et les peintures du XVIIe siècle ont été observés en lumière frontale et rasante.

    Le décor de la fin du XVe siècle

    Peinture murale

peint2m.BMP (99790 octets)

CAHORS, CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE, CHAPELLE NOTRE-DAME, vestiges du décor peint du XVe siècle aperçu dans la niche.

Avant l’obturation des niches, le mur du fond de celles-ci a été recouvert d’un badigeon de chaux blanc dont la présence a parfois limité l’observation des vestiges peints.
    Seule la niche nord-est a conservé un fragment lisible à ce jour, visible par le trou pratiqué en haut à droite du mur du XVIIe siècle : on peut y voir trois personnages dont deux se tiennent la main sur un fond de paysage avec des moutons. Pour le reste de cette niche, l’observation avec la micro-caméra a été décevante puisque le badigeon blanc qui recouvrait la peinture est encore en place. Des lacunes de ce badigeon laissent apparaître quelques traces de couleur, mais rien de suffisant pour connaître l’étendue actuelle de cette peinture ainsi que son état de conservation. Il faut noter qu’il était impossible techniquement, dans le cadre de cette étude, de procéder à un dégagement du badigeon à cause des difficultés d’accès à la peinture du XVe siècle.

    Les niches sud-est, sud-ouest et nord-ouest présentent seulement, dans les larges zones où le badigeon est tombé, quelques fragments illisibles en terme « d’image », mais qui révéleront des éléments précieux pour décrire quelque peu la composition du programme décoratif des niches.

    Le décor est vraisemblablement réalisé avec une peinture à base d’huile (une analyse scientifique nous en donnerait la certitude) posée sur la pierre, sans mortier intermédiaire. Seule une couche d’ocre orangé (3) sépare la peinture proprement dite de l’appareil ; c’est elle qui apparaît sur le mur est de la chapelle.
    La peinture à l’huile (4) est une technique que l’on rencontre plutôt rarement au XVe siècle dans cette région et on peut même dire en France en général ; c’est à ce moment-là plutôt la peinture sur badigeon qui prévaut, non seulement parce qu’elle coûte moins cher mais aussi parce que les peintres locaux maîtrisent alors imparfaitement la technique à l’huile. C’est pourtant une pratique déjà largement diffusée dont on trouve des exemples dans le nord dès le XIIIe et surtout au XIVe siècle.

    Dans chacune des niches, en haut ou en bas, le fond ocre orangé (et la peinture proprement dite lorsqu’il en reste) s’interrompt, avec des coulures de peinture sur la plage non peinte. Il y a tout lieu de penser que la peinture détourait des sculptures en haut ou bas relief. Un autre élément concourt à cette hypothèse : de grosses pattes métalliques fichées sur le mur du fond de certaines niches peuvent avoir été le mode d’accrochage des éléments sculptés.
    Les voûtes des niches représentaient le ciel au-dessus des scènes. Elles ont donc été entièrement recouvertes, sur le fond ocre orangé, d’une peinture bleue. On a pu observer, dans les niches nord-est et sud-est des étoiles d’un bleu plus soutenu. Il s’agit en fait d’un « négatif » du décor original : après que le fond bleu du ciel a été posé, des étoiles en relief (5), certainement à base de cire (6), ont été appliquées puis dorées à la feuille d’or sur mixtion. Un morceau d’étoile en relief est encore présent sur la voûte de la niche nord-est. On peut observer deux sortes d’étoiles, dont l’une, en forme semi-circulaire, se retrouve sur le décor sculpté au-dessus de la niche sud-est, ce qui confirme l’appartenance de la décoration des niches à l’ensemble ornemental de la chapelle.

    L’étude de la niche sud-ouest a révélé quelques fragments forts intéressants : on a pu retrouver d’un côté le reste d’une feuille d’or, de l’autre, des fragments de motifs en reliefs évoquant des brocarts appliqués, dorés à la feuille d’or.
    Les niches nord-ouest, sud-ouest et sud-est ne présentent plus de décor lisible de la fin du XVe siècle.
   Seule la niche nord-est reste énigmatique puisque qu’un fragment de décor lisible est apparent. On peut  cependant émettre un pronostic réservé sur son étendue : nous savons d’une part que toute la surface du mur du fond de la niche n’était pas recouvert de peinture et d’autre part, l’état de conservation du fragment visible aujourd’hui est médiocre : la couche picturale est extrêmement fine et fragile, assez largement lacunaire.


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    Cadres sculptés

    Les cadres sculptés entourant les niches ont également reçu dorure et polychromie au XVe siècle : les cadres sud-est et sud-ouest présentent un fond rouge, les éléments sculptés, fleurs de lis ou roses sont dorés ; le cadre nord-ouest comporte également un fond rouge avec les éléments sculptés, fleurs de lys et soleils dorés, mais le cercle entourant les soleils est bleu.
    Le cadre nord-est est plus recherché : si les lettres et les soleils sont dorés, avec le cercle entourant les soleils peint en bleu, le fond est vert avec des rinceaux vert foncé et des fleurs blanches.

    Le décor du XVIIe siècle

    Peinture murale

    Le décor du XVIIe siècle a été réalisé sur un mortier appliqué sur une fine cloison en brique. La peinture à l’huile est posée sur une couche « d’imprimitura » qui est ici une peinture à l’huile rouge. Comme pour la peinture du XVe siècle, le peintre a rendu le support plus imperméable par une couche préparatoire ; il faut noter toutefois qu’à partir du XVIIe siècle, la technique de la peinture à l’huile se perfectionnant, cette couche de fond joue également un rôle esthétique.
    Techniquement, l’artiste a toujours utilisé une peinture assez empâtée, jouant sur les reliefs des empâtements pour animer un motif ou jouant du fond rouge grâce aux rainures laissées par le pinceau.
   Les quatre peintures murales sont très sombres, difficilement lisibles. Outre la crasse, on peut noter la présence de deux couches de vernis dont au moins une n’est pas originale. Or, en vieillissant, un vernis s’altère, il s’oxyde et prend une teinte brunâtre parfois très soutenue. Le résultat d’une telle altération est ici flagrant : les blancs sont devenus marrons.
    Nous avons réalisé des fenêtres de dévernissage sur chacune de ces peintures. L’état de conservation des peintures du XVIIe varie très fortement d’une niche à l’autre.

peint1m.BMP (140238 octets)

CAHORS, CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE,
CHAPELLE NOTRE-DAME,
panneau peint du XVIIe siècle : L’Adoration des bergers.

    L’Adoration des bergers (niche nord-est) est la peinture la mieux conservée; elle présente seulement un léger chanci du vernis, notamment dans la partie gauche. La Présentation au temple (niche sud-est) et L’Annonciation (niche nord-ouest) sont moins bien conservées : outre un chanci du vernis, des réseaux d’écaillages et de soulèvements de la couche picturale se sont formés. La scène de L’Annonciation est en plus altérée par des efflorescences salines en partie haute et le long du bord gauche ; cette peinture a été restaurée.

    La scène de La Visitation est la plus gravement altérée. Partageant le mur de L’Annonciation, elle en présente les mêmes altérations, chanci du vernis, écaillage et soulèvements de la couche picturale, multiplication de lacunes de couche picturale, cristallisation de sels, mais avec une ampleur et des conséquences bien plus importantes. Tout comme L’Annonciation, ce panneau a déjà été très largement restauré.

    L’humidité est la cause principale de cette altération. La peinture a dû en effet souffrir d’infiltrations antérieures à la dernière restauration du cloître. Celui-ci est actuellement couvert et donc normalement hors d’eau et d’après des sondages, il n’y aurait pas de remontées capillaires. La peinture s’est pourtant largement dégradée depuis sa dernière restauration : l’assèchement du mur ouest de la chapelle, suite à sa mise hors d’eau, a pu favoriser de telles altérations.
    Une peinture à l’huile, plus que toute autre technique de peinture murale, supporte très mal la présence d’eau dans les maçonneries. En effet, l’huile étant hydrophobe, elle empêche totalement l’évaporation de l’eau par la face peinte, ce qui provoque, outre le chancis du vernis, les réseaux d’écaillages, de soulèvement puis de chute de la peinture.
    Viennent se greffer, comme pour L’Annonciation, les problèmes de cristallisation de sels solubles qui proviennent non pas du support direct de la peinture mais des pierres de taille qui l’entourent. Ces sels migrent à l’état soluble dans le mur et cristallisent aux abords de la surface, provoquant, là aussi, écaillage, soulèvement et chute de la couche picturale.
    Nous l’avons évoqué, cette peinture a été largement restaurée ; c’était déjà scène la plus altérée à l’époque de l’intervention


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car elle présente de nombreuses retouches picturales. On ne sait par contre dans quelle mesure les écaillages et soulèvements ont été alors refixés. Quoiqu’il en soit, son état actuel montre que le processus d’altération a progressé et qu’elle est à nouveau la plus altérée des quatre peintures.

    Cadres sculptés

    L’intervention du XVIIe a laissé apparents les cadres sculptés du XVe siècle. Ceux-ci ont à nouveau été polychromés et ont reçu un fond rouge vif tandis que les éléments sculptés ont été recouverts de feuille d’or à la mixtion. Seule nuance : les cercles entourant les soleils (niche nord-est et niche nord-ouest) ont été peints d’un rouge plus soutenu. Bien qu’il s’agisse d’une réutilisation, il faut noter la richesse de cette nouvelle polychromie qui emploie la feuille d’or.
    Par la suite, les fleurs de lys sculptées des cadres ont été bûchées. Plus tard encore, les quatre cadres ont reçu une couche de badigeon de chaux blanc puis une couche jaune, certainement une peinture à la colle, ces deux dernières strates ayant été dégagées lors d’une restauration de la chapelle. 

    Conclusion

    La vocation funéraire de l’absidiole romane sud, attestée au XIIIe siècle – c’est ici que l’on a placé les sépultures de trois évêques dont le sarcophage de Guillaume IV de Cardaillac enchâssé lors de la reconstruction gothique dans le mur est –, s’est éteinte à la fin du XVe siècle pour laisser place à un programme peint et sculpté en bas et haut-relief, voire en ronde-bosse, voué au culte marial. C’est dans quatre niches latérales que prirent placent, en effet, des décors peints à l’huile qui ne sont évoqués aujourd’hui que par les vestiges d’une scène dans laquelle trois personnages sont représentés sur un fond bucolique. À la fin du XVIIe siècle, un nouveau programme iconographique, d’inégale qualité, a permis de prolonger la dévotion rendue à la Vierge.

    Le décor des niches de la fin XVe siècle et de toute la chapelle, fut extrêmement riche. Il faut de plus noter son caractère extraordinaire pour la région (peinture à l’huile, utilisation massive de la feuille d’or, présence de motifs en relief). Nous sommes donc devant un programme décoratif complet qui alliait peinture murale et sculpture polychrome dans des scènes historiées.
    Par sa technique (7), sa richesse et son style (le fragment de peinture de la niche nord-est rappelle la peinture sur panneau du nord), le décor de la chapelle profonde de la cathédrale évoque « la peinture de luxe », que l’on trouve notamment en Flandres pour les ensembles les plus riches dès le XIIIe siècle mais surtout au XIVe siècle, et qui mettait en œuvre peinture, éléments en reliefs, verroterie, or, argent, pierres semi-précieuses.

    Malheureusement, ce décor n’existe plus qu’à l’état de fragments. Pour les niches nord-ouest, sud-ouest, sud-est, on peut aller jusqu’à dire qu’il n’en reste rien. Pour la niche nord-est, nous savons que la peinture ne couvrait pas toute la surface des murs du fond et que le fragment actuellement visible présente une peinture fragile et lacunaire. On ne peut donc rien prédire de l’état de conservation de la peinture qui pourrait encore se trouver sous le badigeon de chaux, sachant de plus qu’un dégagement est impossible à l’heure actuelle, tout au moins dans des conditions acceptables.
    Il est peu raisonnable d’envisager la dépose de la peinture XVIIe de la niche nord-est pour découvrir la peinture du XVe siècle : c’est une opération délicate et extrêmement traumatisante pour une peinture murale, très onéreuse, et l’incertitude sur l’étendue et l’intérêt de ce que l’on trouvera sur le mur du fond de la niche est trop grande.
    Les fenêtres de dévernissage réalisées sur les quatre panneaux du XVIIe siècle montrent que l’esthétique de ces peintures est largement altérée par la présence des vernis et que donc, une restauration leur rendrait tout de même, au-delà d’une meilleure lisibilité, un aspect plus gratifiant. De plus, certaines d’entre elles, et particulièrement la scène de la Visitation sont menacées aujourd’hui et une intervention de conservation s’avère nécessaire. L’ensemble des peintures du XVIIe siècle mériterait à ce titre une intervention de conservation-restauration.  »

Valérie Rousset & Françoise Tollon

1. Rousset (Valérie), La chapelle Notre-Dame de la cathédrale Saint-Étienne de Cahors, l’étude des peintures des niches. CRMH de Midi-Pyrénées, Novembre 1997.
2. Tollon (Françoise), Étude des niches de la chapelle sud du déambulatoire de la Cathédrale de Cahors. CRMH de Midi-Pyrénées, décembre 1997.
3. Dès l’apparition des techniques picturales utilisant l’huile, il a fallu mettre en œuvre une préparation particulière du support (appelée « imprimitura »), quelle que soit sa nature, pierre, enduit, préparation, qui limite ses capacités d’absorption. Au XIVe siècle, Cennino Cennini mentionne à cet effet un mélange comportant de l’œuf, du lait de figue voire de l’huile. Selon Paul Philippot, on note l’utilisation en Flandres, dès le XIIIe siècle, de céruse (« Les techniques de peinture murale au nord des Alpes aux XIVe et XVe siècles… », dans Pénétrer l’art, Restaurer l’œuvre, Une vision humaniste, 1990, p. 217-234). On a cependant des exemples (Notre-Dame de Dijon) de préparations plus simples, constituées seulement d’une fine couche de chaux puis d’une couche d’ocre jaune (liant indéterminé).
4. Lorsque l’on parle de peinture à l’huile à l’époque médiévale, il ne faut pas imaginer celle que nous connaissons aujourd’hui. Il s’agit alors en fait de techniques mixtes englobant de l’huile mais aussi de l’œuf et/ou de la colle.
5. Il faut noter que l’on trouve également à l’église Saint-Barthélemy de Cahors, sur la scène de la Crucifixion dans l’enfeu du mur est de la


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première chapelle est, des étoiles en relief, procédé fréquent à la fin du Moyen Âge. En dépit des apparences, les techniques employées à Saint-Barthélemy et à la cathédrale ne sont pas comparables : alors que celles de la chapelle profonde sont fines et très lisses, celles de Saint-Barthélemy sont plus frustres ; elles ont été posées avec un pinceau ou une spatule et comportent encore les remous de leur fabrication ; il s’agit clairement d’une technique moins aboutie qu’à la cathédrale.
6. Ainsi que nous l’avons dit, l’utilisation de motifs en reliefs sur les peintures murales est fréquent à la période médiévale, notamment pour les décors les plus riches. On trouve de multiples recettes pour la réalisation de tels éléments. Les ornements les plus volumineux comme les nimbes peuvent être réalisés en mortier (chaux et sable), ou bien à l’aide d’une préparation à base de vernis et de farine, ou alors d’un mélange de cire et de poix, ce dernier étant modelé directement sur le mur, lorsque le mélange est chaud ; on peut également mouler les motifs, soit avec une préparation classique (gesso et colle), soit avec un mélange à base de cire ; il s’agit dans ce cas d’une technique rappelant celle du brocart appliqué utilisée en sculpture, notamment dans le nord. Il est difficile de préciser la technique qui a été mise en œuvre dans la chapelle profonde ; sa finesse n’écarte pas l’hypothèse du brocart appliqué. Tous ces reliefs étaient dorés à la feuille d’or sur mixtion.
7. Cennino Cennini (Le livre de l’art, Paris, 1991) souligne à propos de la technique de la peinture à l’huile (chapitre 89) : « ... comme les allemands le font beaucoup... ».

 

    Le Président remercie les deux oratrices de cette présentation qui est aussi un bel exercice de frustration puisque derrière les peintures très ordinaires du XVIIe siècle, on pouvait espérer quelques éléments un peu plus spectaculaires : il faut se contenter de fragments intéressants. En demandant qu’elle était la profondeur des niches au XVe siècle, le Président voudrait savoir si des hauts reliefs pouvaient y trouver place. Valérie Rousset indique que la profondeur totale était de 70 cm, et la profondeur diminuée de celle du cadre de 30 cm, ce qui permettait en effet de disposer des reliefs.

    Le Président ayant évoqué les techniques du nord à propos des sculptures se détachant sur un fond peint ou encore l’emploi de brocard d’or, Françoise Tollon acquiesce et ajoute qu’elles lui font également penser à des peintures sur panneaux. Il s’agit en tout cas de techniques peu employées dans le Sud, bien que l’on en connaisse un autre exemple à Cahors, dans un enfeu de l’église Saint-Barthélemy, comme le rappelle Maurice Scellès. Le Président demande s’il en existe d’autres exemples dans le Sud-Ouest et s’il faut penser à des modèles flamands. Valérie Rousset répond que M. Bertrand Ducoureau leur a signalé que des chapelles de la cathédrale de Rodez présentaient cette même technique de motifs en cire appliqués sur la peinture.
    Étienne Hamon note que le motif du bâton écoté n’est pas propre au Quercy et qu’on le trouve à la fin du XVe siècle en Île-de-France, où l’on connaît aussi des retables peints et sculptés datables des environs de 1500. Maurice Scellès rappelle que la définition d’une « école quercynoise » de sculpture de la fin du XVe siècle est née au début du siècle avec un article paru dans le Bulletin de la Société des Études du Lot, et paraît fort discutable. Le bâton écoté, la rosace et le soleil flamboyant sont des motifs très largement répandus en dehors du Quercy.

    Étienne Hamon fait remarquer que la date de 1484 inscrite dans la chapelle paraît suspecte, et demande si elle est confirmée par la documentation. La date de la consécration de la chapelle est en effet connue par un passage d’un livre consulaire. Le blason au-dessus duquel se trouve la date étant retourné, Valérie Rousset, Françoise Tollon et Étienne Hamon s’accordent pour considérer que la date a été gravée après coup sur une pierre replacée dans la maçonnerie.

    Le Président voudrait avoir des précisions sur le parti qui sera retenu pour la conservation de ces différents ensembles peints. Françoise Tollon dit qu’il est techniquement possible de déposer les peintures du XVIIe siècle, mais que le coût en serait élevé pour un résultat très incertain, car rien n’assure que les décors du XVe siècle soient conservés au-delà de ces vestiges. En revanche, il convient sans doute de limiter les migrations de sels.
    Le général Delpoux se félicite de l’attention portée à ces peintures. Évoquant l’église de Caudeval, qui a été entièrement décapée jusqu’à la pierre sur ordre du maire, il souligne qu’un important travail de sensibilisation doit encore être fait pour éviter des pertes irréparables.
    Nelly Pousthomis-Dalle demande s’il est sûr que la peinture des fonds ait été appliqué après la mise en place de sculptures. Pour Françoise Tollon, c’est ce que laissent penser les traces visibles, mais on peut aussi imaginer que l’on ait tracé les silhouettes des sculptures avant de peindre, les reliefs n’étant définitivement placés que dans un second temps. Quitterie Cazes n’exclut pas que les sculptures aient été peintes en même temps que les fonds, et Françoise Tollon relève qu’en effet les fragments de sculpture actuellement présentés dans le cloître gardent les traces d’une préparation sembable à celle des fonds.
    Le général Delpoux s’étant inquiété du traitement qui appliqué aux peintures du XVIIe siècle, Françoise Tollon indique qu’il faut prévoir un enlèvement des vernis, et qu’elle n’appliquerait un film protecteur que si l’état de la couche picturale le rendait nécessaire. Le produit actuellement le plus stable est obtenu par une solution de résine acrylique.

    Répondant à Bruno Tollon, Valérie Rousset précise que la chapelle de la fin du XVe siècle n’a pas de vocation funéraire, et que les tombes qui s’y trouvent sont en fait celles qui existaient auparavant dans la chapelle romane détruite pour faire place à l’actuelle chapelle Notre-Dame.

 

    Le Directeur informe la Compagnie des travaux actuellement menés par la Commission des fouilles archéologiques de Chiragan à Martres-Tolosane.
    Il rappelle que la Commission renoue avec l’une des plus anciennes traditions de notre Société, qui a eu un rôle déterminant dans l’étude du site de Chiragan jusqu’à la fin du XIXe siècle. La nouvelle Commission, mise en place lors de la réunion du Bureau du 23 février dernier, voit le jour cent ans exactement après la dernière campagne de fouilles menée par Léon Joulin au cours des années 1897-1899.
    La Commission des fouilles archéologiques de Chiragan à Martres-Tolosane réunit régulièrement les membres du Bureau, comme l’imposent les statuts de notre Société, et deux membres, Quitterie Cazes et Jean Catalo, désignés en raison de leurs compétence d’archéologues de terrain. Elle est chargée du suivi de l’ensemble des opérations qui pourront être décidées en


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liaison avec le site archéologique de Chiragan, tant sur le plan de leur organisation que sur le plan scientifique ; elle nomme un porte-parole qui a la responsabilité de s’adresser aux différentes institutions concernées par les fouilles de Chiragan : la Mairie de Martres-Tolosane et le Musée archéologique de la commune, le Président de l’Association archéologique de Martres, le Conservateur régional de l’archéologie, la Mairie de Toulouse et le Musée Saint-Raymond, le Département de la Haute-Garonne, la Région, etc. Elle informe régulièrement la Société de ses activités.
    La Commission dresse un bilan des connaissances, dont la publication interviendra en 2002 ou 2003 sous la forme d’un volume hors série de nos Mémoires.

   

    L’ordre du jour appelle les rapports sur les concours. Le Président indique que peuvent être attribués cette année le prix du Professeur Michel-Labrousse et le prix de Clausade, doté de 3000 F.

    Christine Delaplace conclut favorablement son rapport sur le mémoire de Mlle Florence Millet, Inventaire des nécropoles et sépultures isolées de l’Antiquité tardive (IIIe-VIIe siècles) dans le département du Tarn : étude de la christianisation d’une région du sud-ouest de la Gaule :

    « Mademoiselle Florence Millet a rédigé sous ma direction un mémoire de Maîtrise en Histoire Ancienne dont la soutenance eut lieu le jeudi 10 septembre 1998 devant un jury composé de Madame Sylvie Faravel, Maître de Conférences en Histoire et Archéologie médiévales à l’Université de Toulouse-II le Mirail, et de moi-même. Le manuscrit de ce mémoire me fut soumis dès les premiers jours de juillet 1998, mais il fut convenu avec l’impétrante que la soutenance se tiendrait début septembre 1998.
    Le sujet de recherche de Mademoiselle Florence Millet touche de très près, outre la recherche archéologique, le domaine du Patrimoine et de sa conservation puisqu’il s’agissait de mettre en œuvre, selon le titre même du mémoire, un Inventaire des nécropoles et sépultures isolées de l’Antiquité tardive (IIIe-VIIe siècles) dans le département du Tarn : étude de la christianisation d’une région du sud-ouest de la Gaule. L’ouvrage est composé de deux volumes : un volume de textes (tome I) de 359 pages et un volumes de photos, planches, cartes et graphiques (tome II) de 128 pages.

    Le premier volume s’ordonne naturellement autour de l’Inventaire. Ce dernier représente le chœur du travail de recherche de Mademoiselle Millet. Composé de 266 pages, il est organisé en fiches par site très clairement rédigées qui mettent en valeur les qualités de raisonnement, d’organisation et de synthèse de la candidate. La conception méthodologique de ces fiches présente un modèle qui pourrait être repris par nombre d’étudiants élaborant ce type de travail d’inventaire. Le premier volume rassemble une documentation bibliographique trop longtemps éparpillée et des informations provenant de sources orales et de prospections personnelles sur les sites qui en font une remarquable source de renouvellement des données inventoriées. Une présentation générale du département du Tarn dans l’Antiquité, sans doute un peu trop succincte – mais c’est un exercice qui se révèle difficile pour tout chercheur débutant –, précède ce travail. Un essai de synthèse conclut quant à lui le volume. Il met en relief les zones de plus ou moins grande densité de trouvailles archéologiques de l’Antiquité tardive, ce qui permet de présenter quelques prudentes conclusions sur la christianisation de la région. La candidate répond ainsi en quelque sorte à une hypothèse de recherche formulée un jour ici même par Daniel Cazes qui m’incita à proposer à un étudiant ce travail d’inventaire pour le Tarn.
    Le second volume met en évidence le souci de la candidate de faire en sorte que les documents archéologiques découverts ou redécouverts par ses soins puissent désormais faire l’objet d’une conservation au moins scientifique par le biais de ses nombreuses photographies et croquis effectués lors de ses déplacements sur les sites. Il s’agit en effet souvent de fragments de sarcophages ou de sarcophages entiers réutilisés dans des contextes qui n’augurent pas de leur pérennité dans les décennies à venir. Chacun se trouve ainsi immortalisé par des dessins d’une très grande précision et des photos obtenues parfois après la résolution de grandes difficultés techniques.
    Une bibliographie thématique très exhaustive et bien ordonnée accompagne ce travail minutieux et bien rédigé. La candidate maîtrise parfaitement cette bibliographie, ce qui l’autorise à présenter une réflexion historiographique sur la production des érudits et des historiens locaux des XIXe et XXe siècles particulièrement utile dans ce genre d’inventaire archéologique.

    La ténacité, la curiosité intellectuelle et le sens du contact humain dont a fait preuve sans défaillance Mademoiselle Florence Millet durant cette recherche sont également des qualités que j’ai plaisir à signaler à la Compagnie. »

     Le prix du Professeur Michel Labrousse est donc attribué à Mlle Florence Millet.

    On entend ensuite les rapports pour le prix de Clausade.

    Christine Delaplace présente le travail de Mme Patricia Beaudrix-Guillet, L’Église Saint-Martin de Moissac : Étude historique et archéologique :

    « Madame Patricia Beaudrix-Guillet a préparé sous la direction de Madame Nelly Pousthomis, Maître de Conférences en Histoire de l’Art et Archéologie médiévales à l’Université de Toulouse II-Le Mirail, et de moi-même qui en assurais surtout la direction historique et administrative, un mémoire de Maîtrise en Histoire de l’Art et Archéologie dont la soutenance a eu lieu le jeudi 10 septembre 1998 devant un jury composé de Madame Nelly Pousthomis et de moi-même. Le sujet de recherche de Madame Patricia Beaudrix-Guillet touche de très près les préoccupations de la Société Archéologique en matière d’archéologie du Patrimoine, de sa conservation et de sa présentation au public, puisqu’il s’agissait d’établir la première monographie de synthèse sur l’église Saint-Martin de Moissac.

    Ce mémoire, intitulé  L’Église Saint-Martin de Moissac : Étude historique et archéologique, est composé de deux volumes :


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le tome I (83 p.) comprend le texte de la synthèse scientifique ; le tome II reproduit 204 figures, planches photographiques en couleur et en noir et blanc, plans et relevés pierre à pierre réalisés par l’auteur.

    Ce travail universitaire met en valeur les qualités de raisonnement, d’organisation et de synthèse de Madame Patricia Beaudrix-Guillet. Elle a su exploiter avec profit les résultats de ses fouilles, effectuées en septembre 1997, en démontrant le caractère erroné de certains plans anciens qui permettaient des conclusions hâtives concernant la soi-disant enceinte antique ou médiévale qui aurait servi, en remploi, à l’édification du mur ouest de l’église. Ses relevés pierre à pierre exploitent une remarquable connaissance du monument que j’ai pu constatée à chacune de mes visites. Elle applique ici les méthodes les plus dynamiques de la recherche archéologique médiévale en Architecture monumentale. Ses analyses comparatives, pour modestes qu’elles soient dans le cadre limité du temps de rédaction d’une maîtrise, permettent là encore d’avancer quelques hypothèses nouvelles quant à l’interprétation et à la datation de ce monument. Une bibliographie thématique très exhaustive et bien ordonnée accompagne ce travail très clair et agréable à lire.
    Ce mémoire met en évidence, par le biais de nombreuses photographies et croquis, le souci de la candidate de faire en sorte que ce monument puisse désormais faire l’objet d’une attention scientifique nouvelle que commande la fragilité de sa conservation. Elle n’a eu de cesse de tenir au courant de ses travaux tant la municipalité de Moissac que les Monuments Historiques. En étant présente sur le site lors des Journées Nationales du Patrimoine, elle a fait bénéficier le public de la réouverture d’une église que d’aucuns considèrent parfois comme la plus ancienne de France. Ce souci pédagogique honore, je crois, la candidate autant que son travail universitaire. »

    Henri Pradalier donne lecture de son rapport sur le mémoire de Mlle Priscilla Malagutti, Buzet-sur-Tarn. Étude monumentale :

    « Le travail présenté par Mlle Priscilla Malagutti est un mémoire de maîtrise soutenu en 1998 devant Mme Pradalier-Schlumberger et M. H. Pradalier. Il est intitulé Buzet-sur-Tarn : Étude monumentale, et se compose d’un volume comptant 168 pages, un glossaire, des pièces justificatives et 28 planches, dont plusieurs inédites, et d’un volume de photographies.
    Il s’agissait au départ d’effectuer un recensement de tous les monuments médiévaux de la ville de Buzet, puis de les analyser, avant de les insérer dans les grands courants de la production artistique contemporaine. Les premières investigations ayant révélé que les restes médiévaux de Buzet-sur-Tarn étaient quasi inexistants, Mlle Malagutti a alors décidé d’appliquer la même méthode aux monuments de la ville qui le méritaient, à savoir l’église Saint-Martin et les maisons de bois. C’est avec bonheur qu’elle a réussi cette mutation.

    Son travail se divise en trois parties. La première concerne l’histoire de Buzet, des origines à nos jours. Dans cette partie, après avoir rappelé l’histoire de Buzet, sans qu’il y ait d’apports nouveaux – ce qui n’était d’ailleurs pas le but du travail –, Mlle Malagutti s’est penchée sur un aspect plus intéressant : celui des monuments disparus du Buzet médiéval, passage dans lequel elle élimine définitivement certaines légendes concernant d’éventuels souterrains, se penche sur le tracé des remparts et s’interroge sur l’emplacement des portes de la ville en fonction des axes de circulation et du développement urbanistique de celle-ci.
    La deuxième partie du travail est la plus importante en quantité mais aussi en qualité. Elle concerne l’étude de l’église Saint-Martin de Buzet. Elle commence par l’historique de l’église à travers les textes, en s’appuyant beaucoup sur les documents postérieurs au XVIe siècle, pour des raisons évidentes de conservation. Mais à travers l’étude de ces documents, Mlle Malagutti montre son habileté à utiliser les documents écrits à des fins d’archéologie monumentale.

    L’étude architecturale de l’église, qui suit la partie historique, vient montrer d’abord que la façade, la tour puissante qui la scande et le clocher qui la surmonte doivent être datés au plus tôt du début du XVe siècle pour les parties les plus anciennes et à l’extrême fin du XVIe siècle, voire au début du XVIIe siècle pour les parties hautes. On ne saurait trop souligner l’importance de cette chronologie qui montre la survivance, fort tard dans la période moderne, de procédés et de formes dont les premiers exemples peuvent remonter, dans certains cas, à la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle.
    Le reste de l’édifice reprend les formes de l’église à vaisseau unique usitée dès le début du XIIIe siècle et illustrée par des monuments aussi célèbres que la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse, ou les églises du premier gothique tolosano-albigeois (Rabastens et Lavaur). Mlle Malagutti apporte ainsi un élément important à l’histoire des formes architecturales dans l’aire tolosano-albigeoise en montrant comment aux XVe et XVIe siècles on a conservé, à Buzet, le parti initial d’une église vraisemblablement construite au XIIIe siècle et reconstruite à la suite des destructions dues à la Guerre de Cent Ans puis aux guerres de religion.  

    La troisième tempête essuyée par l’église de Buzet a été celle de la Révolution française. L’après Révolution a été l’occasion de la restauration de l’édifice et surtout de l’établissement d’un décor peint très important dont Mlle Malagutti, dans la partie la plus neuve de son travail, a retrouvé le nom du peintre, Damon, habitant de Lavaur, et les dates de réalisation : 1863-1870.
    Elle se livre dans cette partie à une analyse fouillée et passionnante de ce décor peint qu’elle replace dans le contexte général de la peinture religieuse du XIXe siècle mais aussi de la peinture religieuse régionale, en s’appuyant sur les travaux de notre confrère Christian Mange. Il apparaît que les sources de Damon ont été les Ceroni et Sainte-Cécile d’Albi, et, plus indirectement, Viollet-le-Duc qui a contribué à faire connaître les peintures de ce dernier édifice. Elle retrouve également dans son art l’influence des nazaréens et considère que l’art de Damon est révélateur du goût pour la redécouverte du Moyen Âge.

    La dernière partie de la maîtrise de Mlle Malagutti touche la construction privée. Il faut reconnaître que la pauvreté architecturale des monuments concernés ne peut favoriser les grandes envolées. Mais on saura gré à l’auteur d’avoir su débrouiller la chronologie des quelques maisons de la bourgade qui méritaient de l’être et dont les plus anciennes ne datent que du XVIIe siècle.


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Cette partie aurait gagnée à être placée avant l’étude de l’église, ce qui aurait permis à ce travail de s’achever sur un point fort. Mais c’est là une critique mineure. Bien évidemment comme tout premier travail universitaire, la maîtrise de Mlle Malagutti n’est pas exempte de fautes ou d’erreurs. Mais ce sont là péchés véniels que l’on ne pardonnerait pas dans un travail plus élaboré comme celui d’une thèse par exemple.

    La candidate a montré au cours de son travail d’excellentes capacités d’adaptation puisqu’elle a réussi, avec bonheur, à traiter d’une période pour laquelle elle n’était pas particulièrement préparée. »

    Maurice Scellès lit son rapport sur le travail présenté par Mme Dany Couget-Rullier, Grenade-sur-Garonne : monographie de l’église Notre-Dame de l’Assomption, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de M. Henri Pradalier, Université de Toulouse-Le Mirail, 1998, t. 1. texte : 185 p. + 25 figures, t. 2 illustrations : LXVIII planches.

    « L’auteur aborde l’étude de l’église paroissiale en la situant dans le contexte de la bastide de Grenade, fondée en 1290 dans le cadre d’un paréage conclu entre l’abbé de Grandselve, Pierre III Alfaric, et le roi de France représenté par son sénéchal Eustache de Beaumarchais. Une grange de l’abbaye cistercienne était située sur le territoire de Vieilleaygue qui prendra le nom de « Granata ». La première section permet d’évoquer l’histoire ancienne du site, les conditions de la création de la ville nouvelle et les principaux événements survenus au Moyen Âge et à l’époque moderne. L’analyse du plan de la bastide situe l’église dans l’agglomération et précise la manière dont elle s’insère dans le tracé parcellaire.

    Ce premier chapitre s’achève avec l’historique de l’église paroissiale tel qu’il apparaît à travers les sources conservées, depuis la fin du XIIIe siècle jusqu’à son classement au titre des Monuments historiques en 1951. L’édifice est particulièrement bien documenté :

- les travaux auraient été entrepris le 15 octobre 1290 selon un missel de Grandselve ;
- selon une source non vérifiable, la construction de l’église aurait coûté 120 931 florins d’or et le clocher construit en 1293 aurait coûté 15 000 florins ;
- en 1296, une transaction entre les consuls et l’abbé de Grandselve concernant la fabrique et les réparations à faire à l’église paroissiale prévoit 50 livres de provision annuelle et convient qu’une éventuelle reconstruction à neuf incomberait entièrement à l’abbaye ;
- en 1309, le pape accorde un an et cent jours d’indulgence à ceux qui visiteront l’église Sainte-Marie de Grenade ;
- en 1334, le roi autorise à empiéter sur la rue pour bâtir des chapelles ;
- par une sentence arbitrale de 1376, le maçon granadain Pierre de Sorèze, désigné comme maître d’œuvre des murs de l’église, est reconnu coupable de malfaçons et d’inachèvement ;
- en 1395, Raimond de Dolhio offre quatre francs or pour faire faire une peinture et suffisamment de briques pour paver le sol de l’église ; en 1402 n. st., il ajoute dix livres tournois pour que la scène prévue soit peinte dans la chapelle Saint-Gratien qu’il fait édifier ;
- en 1396, les marguilliers de la Grande Confrérie de Notre-Dame décident de la construction de la grande sacristie ;
- en 1400, le prêtre Géraut de Bosco participe financièrement au décor du chœur ;
- en 1403 n. st., Raimond de Dolhio ajoute 200 francs or aux quinze francs déjà légués pour le clocher, au cas où l’abbé s’opposerait à la construction de la chapelle Saint-Gratien ;
- la chapelle du Purgatoire est fondée en 1454 par l’abbé Giles de Morban.
Quelques documents font connaître les embellissements et restaurations postérieurs au XVe siècle.

    Le deuxième chapitre est consacré à l’étude architecturale et archéologique de l’église. Mme Dany Couget-Rullier y fait preuve d’un très bon sens de l’observation. En s'appuyant sur les plans existants mais surtout sur ses propres relevés, elle parvient à dresser un état précis des maçonneries et des reprises et à en proposer une chronologie relative convaincante.
    L’auteur s’intéresse ensuite au décor, avant de conclure avec la datation des différents états de l’édifice. L’étude du décor sculpté du portail occidental est rendue difficile par les interventions du XIXe siècle : il semble pourtant qu’il aurait été possible de mieux mettre en évidence ce qui appartient au style du début du XIVe siècle. Les sculptures des chapelles, parmi lesquelles figurent des décors héraldiques, font l’objet d’une description systématique, précieuse pour préciser la chronologie, même si la lecture est gênée par le plan de l’exposé qui sépare trop formellement culots, chapiteaux et clefs de voûte au lieu de privilégier des ensembles. Plutôt que « virgo », on proposera de lire, dans la chapelle n° 2, l’inscription de l’écu comme le nom du donateur, un certain « hugo de p[...] ».
    L’étude des briques vient compléter l’analyse archéologique en mettant en évidence des formats différents qui caractérisent un peu plus les campagnes de construction. L’auteur peut alors confronter la chronologie relative établie à partir de l’observation de l’édifice aux dates fournies par la documentation écrite.

    Elle distingue ainsi un premier état dont ne subsisterait que quelques maçonneries dans la partie occidentale, ainsi que la base du clocher hors-œuvre, état qui pourrait appartenir à un édifice antérieur à la fondation de la bastide ou bien au tout premier édifice construit dans les années 1290.
    Vers 1296, serait construite une nef à trois vaisseaux à laquelle appartiendraient les parties les plus anciennes du mur du chevet.
    L’édifice en partie ruiné vers 1300, serait reconstruit avec un agencement différent des travées au cours des trois premières décennies du XIVe siècle. Le portail occidental, qui sera ensuite en grande partie rebâti, est alors en place.
    Des chapelles sont ajoutées au sud puis au nord, en empiétant sur la rue, vers 1334.
    Les années 1370 marque le début d’une ample campagne de reconstruction qui ne s’achève qu’au début du XVe siècle,


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donnant à l’édifice son allure actuelle : le chevet est surhaussé et le voûtement de la nef est refait sur de nouveaux supports ; le clocher est achevé.
    La chapelle du Purgatoire est élevée en 1454.
    La partie occidentale de l’église est reprise et le portail est déplacé et rebâti après 1454, peut-être au début du XVIe siècle.
    L’ensemble de la chronologie proposée éclaire de manière très pertinente l’histoire de l’édifice, même s’il est possible de discuter tel ou tel point de la démonstration. En écartant les quelques vestiges d’une éventuelle construction antérieure, dont la signification est sujette à caution, la première église, restée inachevée, pourrait ainsi être datée plus globalement des années 1290 à 1330 ; dans cette optique, le décor du portail occidental mériterait une étude plus précise.

    En conclusion, le mémoire de Mme Dany Couget-Rullier témoigne d’une incontestable capacité à utiliser les sources et la bibliographie et de grandes qualités d’observation et d’analyse aboutissant à une bonne étude d’archéologie monumentale. Si l'on peut sans doute regretter quelques faiblesses dans la rédaction et le plan d'ensemble du mémoire, les résultats obtenus sont à la hauteur du très important travail réalisé par l’auteur. »

    Une discussion s’engage sur les mérites respectifs de ces différents travaux, sans parvenir à une décision. On convient qu’il serait nécessaire que les membres puissent effectivement fonder leur jugement sur des comparaisons mieux établies, les rapporteurs ayant lu chacun au moins deux des trois mémoires présentés.
    Sur proposition du Président, la Compagnie vote à l’unanimité le renvoi de la question devant une commission ad hoc, qui devra proposer une décision lors de la prochaine séance. Le Président ainsi que MM. Étienne Hamon et Olivier Testard se joindront aux rapporteurs pour constituer la commission.

   

    Au titre des questions diverses sont présentées quelques observations sur l’abside de l’ancienne église des Cordeliers à Toulouse, dont les vestiges font actuellement l’objet de travaux. La comparaison entre la photographie avant travaux et celle de l’état actuel est éloquente : ce qui subsistait encore de l’abside a été entièrement dénaturé. Après qu’il a été précisé que les travaux sont conduits par l’architecte en chef des Monuments historiques, M. Bernard Voinchet, et qu’ils sont financés à 50 % par l’État, il n’est plus besoin d’épiloguer…

 

SÉANCE DU 6 AVRIL 1999

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire Général, Cabau, Secrétaire-adjoint ; Mmes Cazes, Delaplace, Napoléone, MM. Blaquière, le général Delpoux, Pradalier, Mgr Rocacher, M. Roquebert, membres titulaires ; Mmes Fronton-Wessel, Piot, Pujalte, Watin-Grandchamp, MM. Burroni, Cranga, Ginesty, Hamon, Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusés : MM. Cazes, Directeur, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Henri Molet.
Invités : M. le professeur Jean-Paul Fortuné, Mme Mariarosaria Gargiulo.

    Le Secrétaire Général donne lecture des procès-verbaux des séances des 2 et 16 mars derniers, qui sont adoptés.
    Mgr Rocacher regrette que n’aient pas été évoquées les transformations qui affectent également la sacristie des Cordeliers, pourtant classée au titre des Monuments historiques. Le bâtiment légué autrefois à l’Évêché par une dame pieuse a été revendu à un particulier.

    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite.
    Mme Hélène Débax remercie la Société de l’avoir élue parmi ses membres correspondants, et nous demande d’excuser ses prochaines absences en nous faisant part de la joie d’une naissance toute récente. La Société lui présente tous ses compliments et ses meilleurs vœux.
    M. Jean Guyon nous dit tout le plaisir qu’il a eu à la réception du dernier volume de nos Mémoires, et nous demande d’excuser le retard de sa réponse, dû à l’achèvement du volume de la topographie de la Gaule consacré à Aix-en-Provence. En soulignant le caractère exemplaire de cette publication qui est un modèle du genre, Quitterie Cazes engage vivement la Société à l’acquérir pour sa bibliothèque.
    Enfin nous avons reçu de M. Dominique Baudis, Maire de Toulouse, une invitation pour une visite du musée Saint-Raymond rénové, le 6 mai prochain à 16 heures 30.

 

    La parole est alors à Céline Piot, pour la première communication de la séance, consacrée à La villa gallo-romaine de Lamolie à Astaffort (Lot-et-Garonne) : étude d'un domaine rural antique et de son environnement dans la basse vallée du Gers, publiée dans ce volume (t. LIX, 1999) de nos Mémoires

    Le Président remercie Céline Piot en la félicitant d’avoir su balayer aussi rapidement l’ensemble des questions que pouvait susciter la villa de Lamolie et son environnement. Il remarque cependant que cette villa romaine paraît n’avoir pour aujourd’hui qu’une existence virtuelle et demande ce qu’il en est d’éventuels sondages archéologiques. 
    Céline Piot indique que la politique actuelle du Service régional de l’archéologie, pour les villae romaines, est de concentrer les efforts sur des sites de référence et qu’aucune fouille n’est de ce fait envisagée à Lamolie. 


M.S.A.M.F., t. LIX, p. 279  

Le chevet des Cordeliers avant travaux

TOULOUSE, ANCIENNE ÉGLISE DES CORDELIERS,
les vestiges de l'abside en 1991.

Le chevet des Cordeliers en mars 1999

TOULOUSE, ANCIENNE ÉGLISE DES CORDELIERS,
les vestiges de l'abside au cours des travaux de 1999.

 


M.S.A.M.F., t. LIX, p. 280  

    Répondant à Quitterie Cazes, Céline Piot dit qu’une restitution de la villa pourrait en effet être tentée à partir à partir des photographies aériennes et d’une étude des cadastres.
    Le Président s’étant inquiété des labours profonds qui peuvent endommager les couches archéologiques, Céline Piot précise qu’il n’est pas actuellement pensable de pouvoir les limiter. Elle ajoute que le ramassage des objets sur le site n’a pas été systématique. 
    Quitterie Cazes note que le vin est en effet souvent considéré comme une source de richesse des villae, et elle évoque à ce sujet le programme de recherche mis en place par Catherine Balmelle.

 

    La parole est ensuite à Gabriel Burroni pour des Propos sur la gypserie à travers quelques exemples ; parenté et différences avec le stuc.

    Le Président remercie Gabriel Burroni et Jean Coppolani demande si un recensement des gypseries de Toulouse a été engagé. Gabriel Burroni répond par la négative et regrette le peu d’intérêt que l’on manifeste le plus souvent pour la gypserie, croyant à tort qu’il s’agit de décors moulés alors que ce sont toujours en fait des décors uniques. 
    Jean Coppolani évoque deux immeubles, déjà signalés par Jules Chalande, au 8 rue de la Pleau et au 33 de la rue des Paradoux, où les décors présentent des thèmes maçonniques. Gabriel Burroni a également noté le signe des trois points à l’hôtel Dubarry. 
    À propos de la cheminée de Saint-Antonin, le Président voudrait avoir des précisions sur les indices qui ont permis la reconstitution des piédroits. Gabriel Burroni explique que le haut du piédroit était conservé sous la hotte, donnant précisément le profil du corps de moulures ; en revanche, aucune indication n’existait pour les bases et il a donc fallu s’aider des dessins réalisés par Viollet-le-Duc sur deux autres cheminées semblables de Saint-Antonin. 
    Répondant à une question d’Henri Pradalier, Gabriel Burroni indique que les compositions des pâtes sont variées, différents ingrédients pouvant être mélangés au plâtre, mais que c’est le désir d’imiter la pierre qui caractérise le stuc et le distingue de la gypserie. 
    Henri Pradalier voudrait encore avoir des précisions sur les panneaux réalisés par Lacombe dans la chapelle du château de Pechbonnieux. Dominique Watin-Grandchamp dit qu’il semblerait que le décor ait été inspiré par une iconographie janséniste, en relation avec les choix religieux du commanditaire. Le Président note que le motif de la chute d’ornements est ici composé d’objets religieux parmi lesquels figurent des calices et des ostensoirs.
    Guy Ahlsell de Toulza ayant exprimé son scepticisme quant à en éventuelle influence janséniste sur le décor de la chapelle, le Président rappelle que des travaux récents ont insisté sur le fait que le jansénisme était l’une des clefs de la compréhension du XVIIIe siècle.

 

    L’ordre du jour appelle à nouveau l’examen des rapports pour le concours. Le Président résume les différents avis et conclut qu’il est possible de réserver le prix, de le partager ou de l’attribuer. À l'issue de la discussion il est décidé de réserver le prix de Clausade, et de décerner à titre d'encouragement une médaille de bronze à chacune des trois candidates.

 

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CAUSSADE, LA TOUR D'ARLES EN 1999, après la restauration des élévations extérieures.

  Au titre des questions diverses, Maurice Scellès présente quelques observations suite à une récente visite à la Tour d’Arles à Caussade, dont la restauration des élévations extérieures vient de s’achever. Le caractère exemplaire du chantier qu’annonçait l’étude préalable prolongée par un suivi archéologique des travaux, dont notre confrère Bernard Pousthomis a rendu compte ici même, (Bulletin de l’année académique, dans M.S.A.M.F., t. LVIII, 1998, p. 259-260) est confirmé : l’architecte des Monuments historiques, M. Régis Martin, et l’entreprise Bizeul-Rodrigues ont scrupuleusement respecté les parties anciennes, y compris les vestiges d’enduit qui n’ont été que complétés, tout en optant pour une reconstitution de l’état du XIIIe siècle. La valeur documentaire de l’édifice a ainsi été préservée tout en redonnant au bâtiment médiéval une valeur monumentale. Le Président juge que la restauration de la tour d’Arles s’inscrit dans la lignée du meilleur Viollet-le-Duc. Maurice Scellès ajoute que le projet d’un escalier de secours, qui aurait conduit à percer l’élévation ouest à chaque niveau, a heureusement été abandonné.

    Un membre fait remarquer que la qualité de la restauration de


M.S.A.M.F., t. LIX, p. 281  

la Tour d’Arles tranche avec les travaux en cours sur les vestiges des Cordeliers de Toulouse, qui ont entièrement dénaturé ce qui subsistait de l’abside de l’ancienne église (des photographies en ont été présentées lors de la séance du 16 mars dernier). La Compagnie s’étonne que deux monuments aussi proches et tous deux protégés au titre des Monuments historiques puissent recevoir des traitements aussi différents de la part de la même administration. La disparition de toute doctrine de restauration se traduit dans les faits par l’abandon des édifices entre les mains des architectes de Monuments historiques livrés à eux-mêmes, pour le meilleur et pour le pire. La section Travaux de la Commission supérieure des Monuments historiques, où ne figurent plus que de très rares historiens d’art, ne peut plus être considérée comme une instance de réflexion et de contrôle.

    La Compagnie décide de décerner des félicitations à la Ville de Caussade pour la restauration de la tour d’Arles et de lui remettre solennellement une médaille d’argent de la Société Archéologique du Midi de la France.


1ère partie
Séances du 20 octobre 1998 au 2 février 1999

3e partie
Séances du 27 avril 1999 au 1er juin 1999


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