Société Archéologique  du Midi de la France
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Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LX (2000)


 

BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE
1999-2000

établi par Patrice CABAU & Maurice SCELLÈS  


    Le Bulletin reproduit les comptes rendus des séances qui, tout au long de l'année, sont régulièrement mis en ligne sur le site Internet de la Société archéologique  où il demeure consultable. Les quelques passages non reproduits par l'édition papier sont signalés par leur adresse précise sur le site Internet : 
                    (www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/samf/memoires/t_60/bul20001.htm)

            Les parties non reproduites dans l'édition papier apparaissent en vert dans cette édition électronique.


M.S.A.M.F., t. LX, p. 211

 

SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1999

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Cazes, Merlet-Bagnéris, Napoléone, MM. Hermet, Nayrolles, Prin, Tollon, le Père Montagnes, membres titulaires, Mmes Aribaud, Fraïsse, Fronton-Wessel, Jimenez, Pujalte, MM. Gillis, Hamon, Lapart, Mange, Manuel, Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusé : Mgr Rocacher.

    Le Président déclare ouverte l’année académique 1999-2000, en faisant remarquer que cette séance précoce correspond aux modifications annoncées du fonctionnement de notre Société et que les rentrées académiques auront lieu à l’avenir le premier mardi du mois d’octobre.
    Le Président indique que l’Hôtel d’Assézat a reçu ce jour même la visite de journalistes de TLT et qu’il espère avoir su présenter la Société archéologique sous ses aspects les plus dynamiques. Puis il donne des informations sur les affaires en cours, en particulier sur la réorganisation de la salle de lecture qui devrait permettre d’accueillir des lecteurs plus nombreux, alors que la bibliothèque municipale vient de fermer pour rénovation. Parmi les bonnes nouvelles, il faut indiquer que le prochain volume de nos Mémoires est en bonne voie : « Dame Tholose » fera la couverture, afin d’attirer un peu plus l’attention sur cette œuvre exceptionnelle.

    Après la restauration des salons du premier étage et de la salle des séances publiques, l’hôtel d’Assézat vient de connaître deux inaugurations successives, l’une par le Maire, l’autre à l’occasion d’une séance publique exceptionnelle de l’Académie des Sciences. Ces deux manifestations ont été accompagnées de deux publications : le petit catalogue de l’exposition présentée en hommage à Théodore Ozenne collectionneur, et un livre, Autour d’Assézat, publié sous l’égide de l’Association des Amis de l’Hôtel d’Assézat. Le Président rappelle qu’un volume plus important est toujours à l’étude, qui serait consacré à l’histoire de l’hôtel depuis ses origines jusqu’à l’installation des académies.

    Puis le Président évoque le volume thématique qui a constitué le premier fascicule du Bulletin monumental en 1999. Cela lui paraît être une voie à suivre, et il a pour cela demandé à Michèle Pradalier-Schlumberger de bien vouloir organiser une journée d’étude dédiée à la maison médiévale, qui serait placée sous le double patronage de l’Université de Toulouse-Le Mirail et de notre Société. Quant à la séance publique, elle se tiendra un soir de semaine vers le mois de février, mais la date n’en pas encore fixée.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 1er juin 1999.


M.S.A.M.F., t. LX, p. 212

    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite. Notre confrère Claude Péaud-Lenoël nous prie de l’excuser de ne plus être en mesure d’assister à nos séances autant qu’il le voudrait, il nous assure de son attachement à notre Société et accompagne sa lettre d'un don. Au nom de la Compagnie, le Président remerciera très vivement notre confrère. Il propose en outre d’élire Claude Péaud-Lenoël membre libre de notre Société au cours d'une prochaine séance.
    M. Christophe Évrard, animateur du patrimoine à Villefranche-de-Rouergue, nous a adressé trois communications écrites sur le clocher de la collégiale de Sauveterre et sur deux maisons médiévales. Le Secrétaire général en fera le compte rendu lors de la prochaine séance.
    M. François Bordes, directeur des archives municipales de Toulouse, nous adresse sa candidature au titre de membre correspondant : Daniel Cazes est chargé du rapport qui sera présenté lors la séance du 9 novembre prochain.
    Le Président signale enfin la parution très prochaine du livre Cahors, ville et architecture civile au Moyen Âge, dû à notre confrère Maurice Scellès.
    Le Directeur présente la correspondance imprimée : catalogues, prospectus d’ouvrages, invitations et colloques…
    Le Président communique le calendrier et le programme des séances de l’année. Il profite de l’occasion pour féliciter notre consœur Marie-Luce Pujalte, qui, la veille, a brillamment soutenu sa thèse à l’Université de Toulouse-Le Mirail.

    La parole est alors à Jean Nayrolles et Christian Mange pour une communication consacrée à l’église du Jésus à Toulouse, publiée dans ce volume (t. LX, 2000) de nos Mémoires.

    Le Président remercie les orateurs d’avoir accepté de revisiter pour nous leurs travaux de jeunesse. S’adressant à Jean Nayrolles, il remarque que si la référence à l’église parisienne Saint-Ignace est évidente, celle-ci se présente néanmoins comme une grande église blanche sans décor. Ne faut-il donc pas considérer que l’ornementation très abondante de l’église du Jésus puisse être un écho de l’architecture méridionale ? Pour Jean Nayrolles, les préoccupations sont tout autres et l’église Saint-Ignace aurait sans doute été peinte si les moyens l’avaient permis comme à Toulouse. Saint-Germain-des-Prés en donne d’ailleurs un bel exemple. Mais on peut encore imaginer que si la proximité de la prison n’avait imposé un toit bas, Bach aurait sans doute opté pour de hauts combles en ardoise comme à Blagnac. Maurice Prin acquiesce et rappelle que c’est à Auguste Bach, le frère de l’architecte, que l’on doit cet aspect très coloré de l’église du Jésus. Jean Nayrolles souligne le fait que toutes les autres églises construites par Bach sont restées blanches.
    Saisissant l'occasion, le Président exprime, au nom de notre Compagnie, de vifs remerciements à Maurice Prin qui représente la mémoire vivante de ces édifices religieux qui n’intéressaient personne jusqu’à une époque récente et dont nombre ont aujourd’hui disparu.

    Le Président demande comment il faut caractériser les vitraux de l’église du Jésus. Christian Mange rappelle que l’historicisme de Flandrin cherche à allier archaïsme et modernité, et que c’est la voie tracée par Flandrin que Bénezet reprend dans ses peintures. On emprunte au Moyen Âge la sérénité des attitudes, l’intériorité des personnages tout en conservant les acquis de la Renaissance avec en particulier une grande attention portée à la correction du dessin. Mais comment faire autrement, d’ailleurs, pour un artiste formé par l’École des Beaux-arts ? Il s’agit en fait de concilier l’inconciliable. Comme l'on évoque le concile de Trente, le Président dit que Bruno Foucart a bien montré que toute l'iconographie de la Contre-réforme avait été repensée au XIXe siècle. Christian Mange précise que, vers 1860, les Jésuites ont décidé de produire des images industrielles afin de développer un art populaire de qualité.

    Daniel Cazes demande s’il existe une documentation graphique importante sur la construction de l’église du Jésus, qui pourrait apporter des informations sur la partie du rempart romain qui a été détruite à cette occasion. Jean Nayrolles répond que les archives des Pères Jésuites sont assez intéressantes, très complètes sur certains points, plus fragmentaires sur d’autres, mais qu’elles ne conservent pas de documents graphiques. Ceci est d’ailleurs la règle pour les commandes privées. Jean Nayrolles fait remarquer que Bach a parfois été un architecte vandale, détruisant dans un autre cas deux ou trois travées de l’hôtel de Mansencal. Daniel Cazes dit qu’il faut mettre à l’actif des Jésuites la mise en valeur de la courtine romaine, il y a de cela une quinzaine d’années. Maurice Prin se demande si le rempart était encore debout au moment de construction de l’église du Jésus, et s’il n’avait pas déjà été détruit pour établir le jardin de M. de Puymaurin. Jean Nayrolles indique que la destruction n’est pas mentionnée par les documents, mais Daniel Cazes fait remarquer que la tour des Hauts-Murats a été tranchée sur toute sa hauteur pour faire passer la sacristie.
    Le Directeur ajoute qu’il s’est laissé dire que les Jésuites quitteraient la rue des Fleurs. Jean Nayrolles confirme l’information en indiquant que la réutilisation de l’ensemble des bâtiments ne sera probablement pas aisée.


M.S.A.M.F., t. LX, p. 213

    Répondant à Patrice Cabau, qui voudrait savoir si les armoiries portées par les vitraux sont celles de donateurs identifiés, Maurice Prin cite les noms de trois ou quatre familles.

    Au titre des questions diverses, Chantal Fraïsse fait une brève communication sur Un traité des vertus et des vices illustré à Moissac du XIe siècle, auquel elle a consacré un article qui vient de paraître dans les Cahiers de civilisation médiévale (42e année, juillet-septembre 1999, p. 221-242) :

B.n.F., latin 2077, Orgueil et tous les vices, f° 163.

« Une importante partie de la bibliothèque médiévale de l’ancienne abbaye Saint-Pierre de Moissac est parvenue jusqu’à nous, conservée à la Bibliothèque nationale de France. L’un de ces manuscrits, le B.n.F latin 2077, contient, entre autres textes, une compilation de deux traités d'époque carolingienne dont le thème est l’affrontement verbal des vices et des vertus chrétiennes qui peuvent les vaincre : le traité d’Halitgaire de Cambrai et celui d’Ambroise Autpert. Loin d’être l’amalgame dont on avait parlé, cette compilation rigoureusement conçue témoigne de l’ambition de son auteur : créer un texte nouveau. Une compilation en tous points identique, mais non illustrée, existe : elle est datée du XIe siècle et provient de l’abbaye Saint-Martial de Limoges, abbaye dont les productions enluminées peuvent être très souvent rapprochées de celles des ouvrages moissagais.

    Ce texte est émaillé de dix grandes images mettant en scène les allégories des vices et des vertus. Après une image introductive sur le Péché originel, une pleine page présente la grande famille des vices gesticulant autour du trône de leur souverain : " Orgueil " ; défilent ensuite les vices d’Envie, de Vaine gloire, de Colère, de Tristesse et de Désespoir, d’Avarice, de Gourmandise et de Luxure. L’analyse de ces dessins à l’encre installés entre des plages de texte révèle l’intime connaissance que leur auteur avait de la compilation et montre que le dessinateur n’était autre que le compilateur lui-même. Le travail de création a ainsi porté à la fois sur le texte et sur le décor. Ce décor ne se contente pas d’être illustratif car il existe parfois une intéressante interaction entre le traité et les images. Ces dernières peuvent compléter le message écrit et devenir alors un " commentaire de texte " ; ce sont elles par exemple qui rapprochent de façon répétée l’orgueil et la jalousie. Le " code " utilisé pour les représentations doit beaucoup à la tradition iconographique des Psychomachies illustrées et le style un peu lourd des dessins peut tout à fait correspondre à la date proposée par Jean Dufour à partir de critères paléographiques et codicologiques : le début du XIe siècle. Cet ensemble texte–image apparaît donc comme une création moissagaise d’une ou deux décennies postérieure à l’an mille qui nous permet d’entrevoir un pan de l’activité intellectuelle et artistique d’une époque de l’abbaye que la chronique locale décrit comme désastreuse. Par ailleurs le rapprochement entre le scriptorium de Moissac et celui de Saint-Martial de Limoges échappe au seul domaine du rapprochement stylistique de leurs enluminures ; il se trouve confirmé par la présence dans les deux ateliers ( et eux seuls dans l’état actuel de nos connaissances) d’un même texte très particulier (puisque mélange de deux autres). »

     Louis Latour annonce que des sondages archéologiques seront réalisés au mois de novembre sur le site de Saint-Martin de Luffiac, à Auterive, site qui a déjà livré des monnaies du IVe siècle et un très beau sarcophage à décor de vigne qui se trouve aujourd’hui au Musée Saint-Raymond. Les sondages ont été confiés à notre consœur Françoise Stutz et les membres de notre Société qui pourraient apporter leur aide à cette occasion seraient les bienvenus.

    Le Secrétaire général donne des informations sur le projet de mise en réseau de l’Académie des sciences et de la Société archéologique et du transfert des catalogues de leurs bibliothèques sur Internet. La grille commune est en cours de discussion. L’opération comprend l’achat du serveur et des postes périphériques, le câblage et la mise en réseau, la récupération des fiches existantes, la création des bases de données et de leurs interfaces de saisie et d’interrogation sur place et sur Internet. Elle ne sera possible que si nous obtenons l'aide d'institutions publiques et de mécènes.

 

SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Mme Noé-Dufour, MM. l’abbé Baccrabère, Hermet, Roquebert, membres titulaires, Mmes Blanc-Rouquette, Fronton-Wessel, Pujalte, MM. Cranga, Garland, Gillis, Ginesty, Manuel, Testard, membres correspondants.


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Excusés : M. Cabau, Secrétaire-adjoint, Mme Stutz, M. Gérard.
Invitée : Mlle Séverine Jarlan.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 5 octobre dernier, qui est adopté.

    Le Président annonce que chaque membre recevra prochainement un exemplaire de l’ouvrage Autour d’Assézat, offert par la Caisse des dépôts et consignations.
    Puis il exprime son regret de ne pas avoir été averti à temps qu’une plaque commémorative en l’honneur de Gratien Leblanc devait être inaugurée à Saint-Cyprien. Il rappelle que notre ancien Président avait publié dans nos Mémoires son étude du rempart de Saint-Cyprien.
    Le Président indique que le 126e congrès des Sociétés savantes se tiendra à Toulouse au printemps 2001, avec pour thème « Terres et hommes du sud ». Il ajoute que notre Compagnie se doit d’y figurer de façon significative.
    Quant à « Dame Tholose », le dossier est en bonne voie. La Conservation régionale des Monuments historiques a fait établir un devis de dépose et M. Alain Daguerre de Hureaux, Directeur du Musée des Augustins, serait prêt à la recevoir et à faire réaliser toutes les analyses nécessaires à l’étude de l’œuvre.

 

Le Secrétaire général rend compte des communications écrites qui nous ont été adressées par M. Christophe Évrard, animateur du patrimoine à Villefranche-de-Rouergue :

    « Le clocher de la collégiale Saint-Christophe à Sauveterre-de-Rouergue (Aveyron)

    La paroisse de Sauveterre-de-Rouergue n'est mentionnée dans les textes qu'en 1330, soit une cinquantaine d'années après la fondation de la bastide par Philippe III le Hardi. À cette époque, le lieu de culte est un oratoire aménagé en dehors du village, au milieu des jardins et des champs qui constituent le parcellaire agricole.
    L'église actuelle n'est construite qu'au début des années 1380, à l'intérieur d'une enceinte fortifiée (mentionnée dès 1342-1343) destinée à protéger la population des pillages occasionnés par certains routiers. Placée sous le vocable de Saint-Christophe, elle deviendra collégiale en 1514.

SAUVETERRE-DE-ROUERGUE,
élévation est du clocher de la collégiale Saint-Christophe.

    L'examen du plan de l'édifice montre que nef et clocher, particulièrement désaxés, appartiennent à deux campagnes distinctes. L'analyse archéologique de ce clocher atypique nous amène à effectuer plusieurs constatations et à y voir une probable utilisation militaire.
    Tout d'abord, la maçonnerie de la nef a été maladroitement calée contre celle du clocher, élément préexistant. De plan carré, celui-ci était primitivement flanqué d'une courtine médiocre et frêle, dont il subsiste quelques arrachements (XVe ou XVIe siècle). Son chemin de ronde, étroit, desservait le premier étage du clocher par une porte.
    À l'ouest (côté champs), le clocher était originellement ouvert à sa base par un arc brisé particulièrement haut et large (clavage régulier de grès) qui matérialise une voûte en berceau . En l'état dans le rez-de-chaussée, celle-ci est composée de gros moellons de schiste irrégulièrement équarris, liés au mortier, qui forment une maçonnerie médiocre mais cohérente.


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La voûte, dans laquelle est aménagé un trou d'homme, repose sur deux impostes dont le profil est en quart de rond.
    Au nord du rez-de-chaussée, au niveau du sol initial (aujourd'hui surélevé d'environ 1 m) existe une porte en arc brisé, dont la facture est très soignée : clavage régulier et large, joints fins, chanfrein régulier. Primitivement fermée de l'extérieur par une barre et un vantail (la logette et les gonds subsistent), la porte donnait accès à un étroit couloir appareillé. Cette disposition semble indiquer que le clocher était originellement accessible par une lice aménagée à l'intérieur des remparts de la bastide.

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SAUVETERRE-DE-ROUERGUE, tour-clocher de la collégiale, élévation nord : porte desservant l’ancien chemin de ronde. 

    À l'ouest du clocher, ouvrant sur la nef, se trouve une seconde porte qu'un retable occulte depuis la fin du XVIIe siècle. Les piédroits chanfreinés supportent un tympan aveugle que surmonte un large voussoir privé de tout ornement. La mise en œuvre assez maladroite de cet élément d'entrée et l'analyse de la maçonnerie semblent indiquer que le portail est (sensiblement) postérieur à la construction du clocher.
    Quant aux étages (ler et 2e), autrefois planchéiés et sans doute distribués par un système d'escaliers rampants en bois (des feuillures d'encastrement et des trous d'ancrage subsistent), ils sont éclairés par trois baies étroites (jours à faible ébrasement) autrefois équipées de coussièges. La partie sommitale, dont la mise en œuvre est assez médiocre (moellons de schiste à peine équarris) semble résulter d'une surélévation tardive de l'édifice (XVIe ou XVIIe siècle).

    Au vu des éléments observés pendant l'analyse architecturale de l'édifice (maçonnerie, dispositifs de circulation interne et externe, équipements), nous pensons que le clocher de la collégiale était initialement une tour de ville à fonction défensive.
    Élevée au milieu du XIVe siècle dans le contexte d'une assez forte instabilité sociale et politique (prémices de la guerre de Cent Ans), la tour faisait initialement partie du premier système de fortification de la bastide. Elle en était sans doute, en raison de ses dimensions, l'articulation principale. La distribution du bâtiment et les équipements conservés (jours, coussièges, trou d'homme, poterne) indiquent essentiellement une fonction de surveillance. En effet, aucun organe de tir (archère, archère-canonnière) ou dispositif de défense passive (assommoir, herse, chambre haute, pont-levis) n'est présent dans l'ouvrage.
    Les menaces de pillage définitivement écartées et en attendant que l'église actuelle puisse être construite ou achevée (vers 1380) à l'intérieur des premiers remparts, la porte aurait été partiellement transformée en clocher-tour. La porte d'accès extérieur – qui fragilise le contrôle défensif du site – est alors murée tandis qu'une chapelle provisoire (ou oratoire) – dont subsiste le portail – est aménagée au rez-de-chaussée. Les étages conservent leur fonction primitive. Cette mutation permet d'associer la surveillance défensive du village et l'exercice du culte.
    Enfin, dans une troisième étape qui succède aux troubles des guerres de religion (fin XVIe ou XVIIe siècle), la tour est surélevée d'environ 5 m afin d'accueillir le système campanaire et une nouvelle toiture. L'on condamne la petite porte latérale qui desservait l'intérieur des remparts, l'on ouvre une première baie cintrée dans le mur sud, et une seconde, rectangulaire, dans le mur est du rez-de-chaussée afin d'éclairer correctement la pièce qui est définitivement intégrée à l'église.

Christophe ÉVRARD
Animateur du Patrimoine
(P.A.H. des Bastides du Rouergue)
Castellologue »


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VILLENEUVE-D'AVEYRON, maison, parcelle 197, étoiles peintes sur le plafond.

VILLENEUVE-D'AVEYRON, maison, parcelle 197, rinceaux fleuris peints sur une poutre.

VILLENEUVE-D'AVEYRON, maison, parcelle 185, cheminée au premier étage.

VILLENEUVE-D'AVEYRON, maison, parcelle 185, décor peint dans les combles actuels.


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    Ce sont ensuite deux maisons médiévales de Villeneuve-d’Aveyron qu’il signale à notre attention. Le détail des équipements conservés montre tout ce que l’on peut attendre de l’étude de ces maisons par Mlle Séverine Goutal, dans le cadre de son mémoire de maîtrise. Les deux maisons conservent en particulier des cheminées complètes. La première, qui a été achetée par la Ville pour y installer un musée d’art et traditions populaires, conserve en outre un plafond peint d’étoiles et de rinceaux qui en accentue le caractère exceptionnel ; dans la seconde, c’est un large pan de mur recouvert d’un enduit peint à faux-appareil qui s’ajoute ainsi au répertoire déjà connu. 

    Le Président demande au Secrétaire général de remercier M. Christophe Évrard au nom de notre Compagnie et propose de l’engager à présenter sa candidature au titre de membre correspondant de notre Société.

 

    La parole est à l’abbé Baccrabère pour la communication du jour : Céramiques toulousaines du XVIIe siècle dans la rue Saint-Jérôme (quartier Saint-Georges), publiée dans ce volume (t. LX, 2000) de nos Mémoires. Pendant son exposé, l’abbé Baccrabère fait circuler céramiques et autres objets découverts, que les membres de la Compagnie peuvent ainsi examiner à loisir.

    Le Président remercie l’abbé Baccrabère pour cette communication qui, comme chaque automne, transforme la séance en une séance un peu extraordinaire. Le butin est une fois encore considérable et il faut sans doute se féliciter que, faute de pouvoir se consacrer à l’étude de l’occupation romaine du site, notre confrère ait été amené à se reporter sur le Moyen Âge et l’époque moderne.
    Le Président ayant rappelé les références franc-comtoises, l’abbé Baccrabère précise que la fourchette chronologique proposée s’appuie sur tout un ensemble de données, issues de fouilles ou de catalogues publiés. Guy Ahlsell de Toulza note que les pâtes claires permettent d’évoquer les céramiques de Cox, mais demande si, pour les pâtes foncées, moins bien connues, on peut penser à des productions de Giroussens ou de Toulouse. L’abbé Baccrabère dit qu’il ne peut pas encore se prononcer, mais qu’il se propose de tenter une synthèse lorsqu’il aura achevé la publication de l’ensemble du matériel qu’il a pu récolter.
    Jean Coppolani remarque que si les pièces décorées appartiennent entièrement au passé, en revanche les poteries grises à vernis jaune se vendaient encore à Toulouse dans les années 1930. L’abbé Baccrabère confirme que certaines formes perdurent jusqu’à l’époque contemporaine et en particulier les cruches à vernis jaune.
    Guy Ahlsell de Toulza s’étonne que les réchauds ne montrent aucune trace de noircissement par les braises. Il se demande si le réceptacle pouvait être éventuellement protégé par des cendres froides.

    Répondant à Maurice Scellès, l’abbé Baccrabère indique que les pièces présentées ce soir témoignent d’un niveau social comparable à celui que laissait supposer la céramique du XVIe siècle trouvée dans le même quartier, à laquelle il a consacré sa communication de l’an dernier. Le Président note également l’exceptionnelle qualité de la verrerie. L’abbé Baccrabère précise que le milieu du XVe siècle semble correspondre à Toulouse à une période de stagnation, avec d’ailleurs très peu de trouvailles pour cette époque, mais qu’à partir de la fin du siècle et du début du XVIe siècle on constate au contraire un fort développement des importations, peut-être de Provence, d’Italie voire même d’Afrique du Nord.
    Le Président voulant savoir si la fosse peut être située sur le plan cadastral, l’abbé Baccrabère indique qu’il est possible de la localiser dans le parcellaire « napoléonien ». La précision est cependant insuffisante par rapport aux bâtiments et on ne peut malheureusement l’attribuer à un édifice particulier. L’abbé Baccrabère rappelle dans quelles conditions ont été faites ces différentes découvertes du quartier Saint-Georges, alors que les bulldozers avaient fait disparaître toute trace au sol de la voirie et de la structure des îlots.

    Louis Latour présente ensuite des poteries communes du milieu du XVIIe siècle trouvées dans des silos de l’ancien hôpital d’Auterive

   « L’Hôpital de la ville d’Auterive (Haute-Garonne), appelé aussi Hôtel-Dieu Saint-Jacques, est attesté dès le Moyen Âge. Il était alors administré par la confrérie Notre-Dame des Proudhoms et, comme la plupart des maisons de ce nom, servait à la fois d’hôpital pour les malades, d’hospice pour les vieillards et de refuge provisoire pour les pèlerins et les pauvres passants.
    D’importants travaux de restauration de l’immeuble, à l’automne 1978, remirent au jour l’ancien sol de l’Hôpital, à environ 50 cm de profondeur. Dans le vieux dallage de brique s’ouvraient les entrées de deux silos médiévaux qui furent fouillés en 1978-79.
    L’étude de leur contenu a montré qu’ils avaient été comblés en une seule fois lors de leur abandon à la suite de travaux importants au cours de l’Ancien Régime.


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AUTERIVE (HAUTE-GARONNE),
céramiques du milieu du XVIIe siècle.

    Les nombreuses monnaies trouvées dans les silos datent leur comblement des années 1655 à 1660. Elles permettent ainsi une datation assez précise des poteries trouvées dans ces cavités, que nous avons présentées au colloque de Muret le 26 septembre 1999 et qui seront publiées dans les Actes de ce colloque.
    Ces poteries – bols, terrines, assiettes creuses ou plates, réchauds, marmites… – sont très semblables à celles présentées aujourd’hui par l’abbé Baccrabère et confirment tout à fait ses datations relatives aux céramiques du quartier Saint-Georges. »

    Le Président remercie Louis Latour de cette communication qui vient à point nommé confirmer les datations proposées par l’abbé Baccrabère pour la céramique toulousaine, complétant encore notre tableau de la vie quotidienne dans la première moitié du XVIIe siècle. La fonction des silos ayant été évoquée, Louis Latour précise qu’ils avaient un usage domestique quotidien, servant en particulier à conserver le grain. On lui a d’ailleurs rapporté que des silos étaient encore en usage à la fin du XIXe siècle à Grisolles ; pour protéger le grain de l’humidité, les parois étaient couvertes de paille de seigle maintenue par des cercles d’osier.

 

    Au titre des questions diverses, Maurice Scellès signale que la maison à façade à pan-de-bois qui se trouve au débouché de la rue de Rémusat sur la place du Capitole est en travaux, et que la toiture et une partie des planchers ont été enlevées. Il s’inquiète d’une éventuelle étude avant travaux, prenant en particulier en compte les aménagements intérieurs qui disparaissent le plus souvent au cours des rénovations. Annie Noé-Dufour dit qu’elle n’a pas connaissance d’une étude réalisée sur cette maison.

 

SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Présents : MM. Peyrusse, Président, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Noé-Dufour, Pousthomis-Dalle, Pradalier-Schlumberger, MM. l’abbé Baccrabère, Hermet, Fau, Pradalier, M. Tollon, Mgr Rocacher, le Père Montagnes, membres titulaires, Mmes Fraïsse, Jimenez, Pujalte, MM. Boudartchouk, Garland, Hamon, Manuel, Testard, membres correspondants. 


M.S.A.M.F., t. LX, p. 219

Excusés : M. Coppolani, Directeur honoraire, Mme Napoléone.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 19 octobre, qui est adopté.
    Annie Noé-Dufour informe la Compagnie qu’elle a pu visiter la maison de la rue de Rémusat et qu’elle en a fait faire des photographies. Les quelques observations réalisées à cette occasion montrent que le bâtiment appartient à un regroupement de maisons opéré lors de la régularisation de la place du Capitole. Quelques éléments, dont les moulures du plafond, permettraient de dater la maison sur la rue du XVIIe siècle.

    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite.
    M. le Sénateur-Maire de Caussade, M. Colin, propose à notre Société que la cérémonie de remise d’une médaille d’argent à la Ville se déroule le 4 décembre à 11 heures et il joint à son courrier une liste des personnalités qui pourraient être invitées. Tous les membres de notre Compagnie sont bien sûr conviés.
    Notre confrère Jean-Claude Richard nous annonce que la Fédération archéologique de l’Hérault, fondée en 1971, fêtera son trentenaire à Sète les 29 et 30 avril 2000.
    Il fait ensuite circuler parmi les membres les invitations reçues et présente les ouvrages offerts à la Société. Par l’entremise de notre Secrétaire général, la Bibliothèque municipale de Cahors offre le catalogue rédigé par M. Patrick Ferté, maître de conférences à l’Université de Toulouse-Le Mirail, pour l’exposition La vie à Cahors du XVIe au XVIIIe siècle à travers les fonds municipaux. 18 septembre-20 octobre 1999 (102 p.), et deux numéros du Bulletin de l’Association archéologique de Martres-Tolosane sont donnés par le maire de la ville. Le Directeur fait également don à la Société de plusieurs ouvrages.

    Ayant entendu le rapport de Daniel Cazes sur la candidature de M. François Bordes, la Compagnie procède au vote. M. François Bordes est élu membre correspondant de notre Société.
    Le Président soumet alors au vote l’élection au titre de membre libre de notre confrère Claude Péaud-Lenoël. La proposition est adoptée.

    La parole est alors à Emmanuel Garland pour une communication sur L’art des orfèvres romans à Conques d’après les filigranes du trésor, publiée dans ce volume (t. LX, 2000) de nos Mémoires.

 

CONQUES (AVEYRON), TRÉSOR,
le « A de Charlemagne », détail. Cliché E. Garland.

    Le Président remercie Emmanuel Garland de cette relecture de la plus grande partie du trésor de Conques, à travers une analyse de la technique merveilleusement illustrée par des macrophotographies. On pouvait imaginer qu’une approche de ce genre mettrait en lumière nombre de questions et le Président se tourne alors vers l’historien de Conques, notre confrère Jean-Claude Fau, qui nous fait l’amitié d’être parmi nous ce soir. Jean-Claude Fau dit qu’il a beaucoup appris au cours de cette communication et que l’analyse des filigranes constitue une avancée sérieuse dans l’étude du trésor de Conques, bien qu’elle ne puisse déboucher sur de véritables conclusions. Quant aux deux reliquaires dits « pentagonal » et « hexagonal », Jean-Claude Fau ne croit pas qu’ils aient été réalisés du temps de l’abbatiat de Bégon ; leur facture les place en dehors de l’art de l’orfèvre, à un moment où tout atelier d’orfèvrerie a disparu à Conques. Emmanuel Garland confirme ce dernier point tout en remarquant qu’une inscription indique le début du XIIe siècle. La conception en serait en tout cas toute différente à partir du XIIIe siècle. Jean-Claude Fau admet que la décadence commence peut-être à Conques immédiatement après le premier tiers du XIIe et que l’on pourrait alors songer à des œuvres du milieu ou de la seconde moitié du XIIe siècle. Emmanuel Garland fait cependant remarquer que la plus grande partie des filigranes est antérieure et que l’habitude de leur remploi disparaît à ce moment-là. Il reconnaît qu’il est de toute façon très difficile de trancher en l’état actuel de nos connaissances.

    Le Président constate que les problèmes sont en effet complexes et qu’Emmanuel Garland ne propose prudemment que des conclusions très mesurées. Il lui demande s’il faut penser que l’atelier produisait des bandes de filigranes en série qui étaient ensuite adaptées aux objets à décorer. Emmanuel Garland précise que cela dépend des époques. Pour la statue de sainte Foy, le choix des pierres est le plus important et le décor d’orfroi en dépend étroitement. En revanche, sous l’abbatiat de Bégon, le lot de pierres antiques dont dispose encore l’abbaye est beaucoup plus pauvre et elles ne représentent plus alors que l’une des composantes du décor ; la technique de l’orfèvre est également plus sommaire.

    Le Président évoque la restauration effectuée sous la direction de Jean Taralon dans les années 1960 et demande si les nouvelles techniques d’étude permettraient aujourd’hui d’en savoir plus. Emmanuel Garland répond par l’affirmative en rappelant dans quelles conditions, et sous la pression de quels tabous, ont été menées l’analyse et la restauration de Taralon. Une nouvelle étude scientifique lèverait probablement de nombreux doutes. Il rappelle que si les pierres antiques ont en général été étudiées, il subsiste des problèmes d’identification de la nature exacte de certaines d’entre elles.

    Michèle Pradalier-Schlumberger voudrait savoir s’il est possible de préciser les filiations qui semblent se


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dessiner avec l’orfèvrerie carolingienne. Emmanuel Garland répond qu’un certain nombre d’éléments conduisent à rapprocher le reliquaire dit de Pépin d’œuvres réalisées dans les ateliers impériaux du début du Xe siècle, au point qu'il faut considérer qu'il en est issu, mais qu’il est actuellement difficile d’être plus précis.

 

    Au titre des questions diverses, le Secrétaire général dresse un état du site Internet de la Société. Il rappelle tout d’abord que le site, ouvert en octobre 1997, a maintenant deux années d’existence et qu’il est associé à celui de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres sous une bannière rassemblant l’ensemble des Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat. Le site de la Société archéologique compte aujourd’hui 250 documents, ce qui doit à peu près correspondre à 2000 pages imprimées et plus de 500 images. Le compteur placé sur la page d’accueil vient de franchir les 3000 consultations et l’augmentation constatée au cours de la dernière année correspond à celle que révèle l’outil statistique du serveur, lequel analyse avec une grande précision les volumes de données transférées. Il paraît clair que le site Internet accroît sensiblement l’audience de notre Société et qu’il répond, en dépit de ses imperfections, à son objectif qui est de rendre accessibles au plus grand nombre une documentation et des travaux d’histoire, d’archéologie et d’histoire de l’art de la plus grande qualité possible.

 

SÉANCE DU 23 NOVEMBRE 1999

Présents : MM. Peyrusse, Président, M. Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Napoléone, Noé-Dufour, M. Tollon, membres titulaires, Mmes Aribaud, Blanc-Rouquette, Fronton-Wessel, Pujalte, MM. Bordes, Burroni, Ginesty, Laffont, Mange, membres correspondants.
Excusés : MM. Garland, le Père Montagnes.

    Le Président souhaite la bienvenue à notre nouveau confrère François Bordes, qui prend séance ce soir.
    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 9 novembre, qui est adopté.
    Le Président complète son compte rendu de la dernière réunion du Bureau de l’Union des Académies et Sociétés savantes, puis il indique que notre consœur Christine Aribaud nous communique une invitation pour l’exposition Teintures précieuses de la Méditerranée. Pourpre. Kermès. Pastel. Musée des Beaux-Arts de Carcassonne. Centre de Documentació i Museu Textil, Terrassa 1999-2000, qui est accompagnée d’un catalogue (Carcassonne : Impr. Sival, 1999, 181 p.).
    Il rappelle que notre prochaine séance se tiendra au Musée Saint-Raymond.

 

    La parole est alors à Marie-Luce Pujalte pour sa communication François Cammas et son Cours d’architecture militaire à l’usage des élèves du Lycée de Toulouse (1792, inédit), qui sera publiée dans le volume t. LXI (2001) de nos Mémoires

    Le Président remercie Marie-Luce Pujalte d’avoir accepté de nous présenter, sans attendre d’avoir achevé sa recherche, cette première exploration d’une découverte extrêmement excitante. Elle révèle l’activité d’ingénieur de François Cammas et vient ainsi compléter le portrait du peintre, architecte, dessinateur que l’on connaissait. Ce cours peut être considéré comme un document de base pour évaluer le savoir technique et architectural à la fin du XVIIIe siècle à Toulouse. Sans doute sera-t-il possible d’aller plus loin dans l’identification des sources ? Marie-Luce Pujalte dit qu’elle a encore des difficultés à les repérer et qu’en outre, la bibliothèque municipale étant fermée, elle n’a pas eu le temps de consulter directement le cours de Blondel édité en 1771, qui paraît bien être le fondement principal de celui de François Cammas. Louis Peyrusse et Bruno Tollon indiquent qu’un exemplaire est peut-être conservé à la bibliothèque des Beaux-Arts.
    Le Président demande quels rapports peuvent être établis avec les autres ingénieurs étudiés par Antoine Picon. Marie-Luce Pujalte répond qu’il faut poursuivre les investigations sur ce point.

    Daniel Cazes précise que l’« aqueduc » mentionné par Cammas est en fait l’égout romain et qu’il est probable qu’il s’inspire là des études présentées par Saget devant l’Académie des Sciences, faisant en particulier écho au danger que représenterait son exploration. Cet intérêt pour les aqueducs et égouts romains appartient à l’esprit du temps et de nombreuses villes d’origine romaine ont fait l’objet de semblables études, les réseaux étant même parfois remis en service.

    Le Président et Bruno Tollon évoquent la littérature de voyage, disant que l’on aimerait connaître les guides auquel Cammas a sans aucun doute eu recours pour son voyage en Hollande. Le Président note aussi qu’il sera intéressant de replacer l’enseignement de François Cammas dans le contexte de la suppression des Académies et de


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la création de l’école centrale. Il s’interroge par ailleurs sur les circonstances de son incarcération en 1798. Henri Ginesty dit que les archives de Castres apporteraient peut-être des précisions.

    Jean-Luc Laffont rappelle qu’Anne Blanchard et ses élèves ont consacré plusieurs travaux aux ingénieurs militaires et que le Musée de l’Armée conserve des documents sur l’enseignement de l’architecture militaire. Pour lui, le voyage de Cammas en Hollande a peut-être été motivé par le fait que les États du Languedoc entreprennent alors des assèchements d’étangs dans le Bas-Languedoc. Le Président note que d’assez nombreux Hollandais viennent pour cela sur place et l’on s’accorde pour considérer que la mission confiée à Cammas paraît exceptionnelle.
    S’étonnant que François Cammas n’apparaisse qu’en 1786, Jean-Luc Laffont note qu’une enquête dans les archives de la commission des travaux publics serait peut-être nécessaire. Marie-Luce Pujalte confirme que Cammas n’est, par exemple, jamais mentionné à propos de la construction des quais de Toulouse.
    Répondant à Maurice Scellès, Marie-Luce Pujalte dit que le cours de François Cammas ne comporte malheureusement que de rares mentions sur les monuments de Toulouse. Puis, le Président lui ayant demandé si elle pensait intégrer des morceaux choisis à sa publication, elle dit que ce serait tout à fait envisageable. Le Président la remercie à nouveau, en soulignant la richesse foisonnante de cette recherche en cours.

 

    Au titre des questions diverses, le Directeur donne des informations sur l’engagement de l’étude géophysique du site de la villa de Chiragan à Martres-Tolosane. Jean-Emmanuel Guilbaut lui a indiqué que l’opération devait débuter le 13 novembre et durer plusieurs semaines. Un changement est intervenu dans la composition de l’équipe : l’étude sera réalisée par l’entreprise Hadès, dirigée par notre confrère Bernard Pousthomis, avec la collaboration de Michel Martinaud et celle d’un ingénieur du Service régional de l’archéologie de Languedoc-Roussillon. Le Maire et notre fermier ont été avertis, et notre Société sera tenue informée.

    Puis Daniel Cazes évoque les trois expositions qu’il a récemment visitées à Paris et qui l’ont enthousiasmé. Il propose que notre Société fasse l’acquisition des catalogues pour sa bibliothèque. C’est tout d’abord la magnifique exposition que le Musée du Louvre consacre à Vivant Denon (Dominique-Vivant Denon. L’œil de Napoléon. Catalogue de l’exposition du Musée du Louvre, 20 octobre 1999 – 17 janvier 2000, Éditions de la Réunion des Musées nationaux, Paris : 1999).
    L’exposition Hadrien, trésors d’une villa impériale, conçue pour être présentée sur le site de la villa elle-même l’année prochaine, est actuellement accueillie par la Mairie du 5e arrondissement. L’exposition permet en particulier de voir des pièces habituellement en réserve et d’autres qui ont fait partie des collections de Catherine de Russie (catalogue par les Éditions Electa, Milan : 1999). Bruno Tollon ajoute qu’une maquette permet de se faire une bonne idée de l’ensemble de la villa et qu’il a été en particulier intéressé par les circulations souterraines remarquablement mises en évidence. Daniel Cazes indique qu’il s’agit là de l’un des points forts des recherches actuelles des archéologues italiens.
    La troisième exposition, L’Europe en temps d’Ulysse : dieux et héros de l’Âge du bronze, se tient dans les Galeries nationales du Grand Palais (28 septembre 1999 – 10 janvier 2000). Elle a auparavant été présentée à Copenhague (décembre 1998 – avril 1999), à Bonn (mai – août 1999) et sera l’année prochaine à Athènes (février – mai 2000) (pour l’édition française, catalogue par les Éditions de la Réunion des Musées nationaux, Paris : 1999). La mythologie est vue non plus à travers la référence à un monde oriental supposé supérieur, mais sous la forme d’un vaste panorama qui cherche à mettre en relation tout ce que l’on connaît aujourd’hui de l’Europe de l’Âge du bronze.

    Un membre attire l’attention sur le sort futur de la prison Saint-Michel et de la caserne Niel qui seront prochainement désaffectées. On croit savoir que les deux édifices sont menacés de démolition et il paraît souhaitable de recueillir l’avis de notre Société. Pour la prison, le Président indique qu’il faudrait pouvoir interroger à ce sujet Odile Foucaud et rappelle que les conditions de détention y sont indignes de la République. Hors la façade de brique et la cour, tout est dans un état lamentable. Il rappelle l’extrême qualité du plan dû à Esquié, lequel avait cependant eu pour mission de construire à moindre coût. Daniel Cazes souligne que les deux édifices se trouvent en outre sur des zones archéologiques qui devront être prises en compte quel que soit leur sort. S’ensuit alors une discussion que l’on conclut en convenant qu’il est nécessaire de pouvoir examiner plus amplement les dossiers.


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SÉANCE FORAINE DU 4 DÉCEMBRE 1999

    Remise d’une médaille d’argent de la Société Archéologique du Midi de la France à la Ville de Caussade pour la restauration de la Tour d’Arles.

    Le Président, le Trésorier, le Secrétaire général, MM. Burroni, Tollon et Pajot se retrouvent devant la Tour d’Arles où ils sont accueillis par le Sénateur-Maire de Caussade, M. Collin, accompagné de personnalités de la ville, en présence de M. Rodriguez, de l’entreprise Rodriguez-Bizeul qui a réalisé une large part des travaux de restauration, de notre confrère Bernard Pousthomis, gérant de l’entreprise Hadès à laquelle a été confiée l’étude archéologique, et de la presse.
    Après des souhaits de bienvenue, M. Collin invite le groupe à une visite du monument sous la conduite de Bernard Pousthomis. La qualité de la restauration qu’annonçaient les façades extérieures est vérifiée à l’intérieur où chacun peut constater et le soin apporté aux reconstitutions de l’état d’origine et le respect scrupuleux des parties anciennes. Des discussions émaillent la visite, attirant l’attention sur un point ou un autre de l’analyse archéologique ou de la restauration.
    Le groupe se dirige ensuite vers l’Hôtel de Ville où a été préparé un vin d’honneur.

    M. Collin rappelle que la Tour d’Arles a longtemps attendu cette restauration, mais que cette longue maturation a finalement été une chance pour l’édifice. Il se plaît à souligner tout ce qu’a apporté à sa compréhension l’analyse archéologique si minutieuse de Bernard Pousthomis et la parfaite entente qui s’est établie entre l’archéologue, l’architecte en chef des Monuments historiques et les entreprises. Il convient de rendre hommage à tous. Le résultat est à la hauteur des espérances et M. Collin y voit la confirmation d’un choix qu’il n’était certes pas très facile de faire accepter il y a quelques années : il ne peut aujourd’hui que se féliciter d’avoir décidé d’engager cette restauration sans la lier à aucune réutilisation de l’édifice. C’est dans le même esprit qu’il a pris la décision de renoncer à l’escalier de secours dont la construction sur l’arrière du bâtiment avait été projetée. À l’issue de cette première phase des travaux, d’autres solutions apparaissent, avec en particulier la possible acquisition de l’immeuble voisin. M. Collin termine son allocution en annonçant que la seconde tranche de travaux, qui comprendra la restauration des peintures murales intérieures, sera engagée prochainement.
    Après avoir évoqué la compétence très largement régionale qui est celle de la Société Archéologique du Midi de la France depuis sa fondation, le Président dit quel plaisir a été le sien – et celui de toutes les personnes présentes aujourd’hui – en découvrant un édifice qu’il connaissait pourtant déjà, mais auquel sa restauration a rendu sa beauté première en révélant un monument remarquable. Il est sûr que la Tour d’Arles, pour laquelle on dispose en outre d’une datation précise, figurera désormais parmi les monuments les plus significatifs de l’architecture civile du Moyen Âge non seulement du Sud-Ouest mais également de la France et de l’Europe. Il salue le courage d’une restauration pleinement assumée, qui renoue avec le meilleur de la tradition de Viollet-le-Duc tout en s’appuyant sur une étude scientifique des plus exigeantes. Exemplaire à tous ces titres, la restauration de la Tour d’Arles justifie pleinement la médaille d’argent par laquelle la Société Archéologique du Midi de la France a tenu à récompenser la Ville de Caussade.

    Au nom de la Ville de Caussade, M. Collin remercie la Société Archéologique du Midi de la France d’une distinction qui l’honore. Il y ajoute le plaisir de conférer à notre Président le titre de citoyen d’honneur de Caussade, en lui remettant la médaille de la Ville.

 

SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

Visite du musée Saint-Raymond rénové

Présents : Louis Peyrusse, Président ; Daniel Cazes, Directeur ; Maurice Scellès, Secrétaire Général ; Patrice Cabau, Secrétaire-adjoint ; Louis Latour, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Annie Noé-Dufour, Anne-Laure Napoléone, Nelly Pousthomis-Dalle, MM. l’abbé Georges Baccrabère, Michel Roquebert, Bruno Tollon, Jean Vézian, le Père Montagnes, membres titulaires ; Mmes Christine Aribaud, Marie-Thérèse Blanc-Rouquette, Marie-Laure Fronton-Wessel, Marie-Luce Pujalte, Dominique Watin-Grandchamp, MM. François Bordes, Yves Cranga, Henri Ginesty, Étienne Hamon, Bernard Pousthomis, membres correspondants.
Excusée : Mme Quitterie Cazes.

    La Compagnie se retrouve à 17 heures au musée Saint-Raymond. Daniel Cazes, Conservateur en chef du musée et Directeur de notre Société, conduit la visite du musée rénové et de la nouvelle présentation de ses collections.


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    Louis Peyrusse remercie Daniel Cazes d’accueillir la Société archéologique au musée Saint-Raymond. Ayant rappelé que notre Compagnie n’est pas tout à fait étrangère en ces lieux, le Président loue un réaménagement qui se signale par sa rigueur, son équilibre et sa beauté : depuis sa réouverture, le musée offre une nouvelle fête pour l’œil et pour l’intelligence. Daniel Cazes se récrie : « Merci. C’est trop ! ». Il confirme que la Société archéologique est la bienvenue dans le musée, où elle est comme chez elle, au milieu de collections que, depuis 1831, elle a contribué à constituer ; ses contributions majeures seront signalées au cours de la visite. Daniel Cazes commence son exposé en montrant toute la difficulté qu’il y a à parler des collections du musée Saint-Raymond : un millier d’œuvres seulement sont présentées au public, alors que le musée possède plusieurs dizaines de milliers de pièces. Il rappelle que le musée a longtemps souffert d’un jugement défavorable de « pauvreté », la réorganisation menée de 1946 à 1949 par Robert Mesuret n’ayant présenté qu’une partie infime de ses richesses. Depuis les années 1950, celles-ci se sont considérablement accrues, grâce aux fouilles menées à Toulouse et dans la région. M. Cazes souligne que le lien organique établi par Michel Labrousse et Jacqueline Labrousse entre deux institutions, la circonscription des Antiquités historiques et le musée, a permis d’augmenter les collections d’un nombre d’objets supérieur à celui des pièces entrées au XIXe siècle.

    La visite proprement dite suit la démarche recommandée au public, à savoir en partant du deuxième étage, consacré à Toulouse romaine et à la province de Narbonnaise.
    Daniel Cazes commence par évoquer la question de l’origine du nom de Tolosa : celtique ou ibérique ? Selon un recensement fait par Pierre Moret, on ne trouve en France qu’un seul exemple de ce toponyme, alors que de nombreuses occurrences se rencontrent dans la péninsule Ibérique. Ce constat porte à croire que le peuple fondateur de Tolosa appartenait à une aire linguistique ibérique. C’est sur un substrat ibérique ou « pyrénéen » que se sont établis les Volques Tectosages, peuple celte arrivé au IIIe siècle avant notre ère. M. Cazes présente ensuite les torques d’or trouvés à Fenouillet en 1841 et sauvés par Guillaume Gaspard Belhomme, membre de la Société archéologique : celui-ci réussit à acquérir cinq des six bijoux découverts alors que les ouvriers avaient commencé à en faire le partage et à les dépecer. Étant donné que ces pièces ont été retrouvées à proximité d’une urne et d’ossements, il doit s’agir d’un dépôt funéraire. Influencées par l’orfèvrerie hellénistique mais appartenant à la civilisation celtique et datables de l’extrême fin du IIIe siècle avant notre ère, ces parures sont attribuables aux Volques Tectosages. Les autres bijoux en or retrouvés à Lasgraïsses en 1885 permettent également d’évoquer la légendaire richesse des Volques Tectosages, dont l’or provenait de l’orpaillage pratiqué dans les rivières de la région telles que l’Ariège, l’Arize ou le Tarn. La présentation d’amphores vinaires des IIe et IIIe siècles avant notre ère, témoins d’un commerce actif entre Méditerranée et Atlantique, donne occasion d’esquisser les relations que le pays des Volques entretenait avec des horizons plus ou moins lointains et d’autres civilisations.

    Daniel Cazes décrit ensuite la pénétration de Rome, effectuée par des poussées vers l’intérieur à partir de la Via Domitia. En - 106 arrive le consul Cépion, et Tolosa est intégrée à la province romaine de Transalpine. À partir de - 27, par suite d’une réforme d’Auguste, elle fait partie de la province de Narbonnaise. M. Cazes présente le fragment d’inscription découvert à Vieille-Toulouse en 1879 par Théodore de Sevin, membre de la Société archéologique. Datée de - 47, cette inscription est restée le plus ancien texte épigraphique daté connu pour les Gaules, jusqu’à la découverte, en 1949, près de Narbonne, du milliaire de Treilles, de - 118. Sur la partie subsistante, la moitié droite, se lit un texte relatif à l’édification d’un sanctuaire par un collège religieux. Les noms des dédicants, disposés à l’origine sur trois colonnes, sont grecs et latins. Ce monument est à rapprocher des vestiges découverts par Michel Vidal non loin de là, à Baulaguet, en 1971 : les substructions d’un fanum de type celtique, dont le plan comporte une cella entourée d’une galerie à colonnade et dont le mode de construction est tout romain, avec l’utilisation de la brique cuite, notamment pour les colonnes montées avec des briques en quart de rond ou la toiture composée de tegulae et d’imbrices.
    Daniel Cazes présente le matériel provenant des puits à offrandes, « funéraires » ou « cultuels », fouillés par Michel Vidal à Vieille-Toulouse, sur le site actuellement occupé par un terrain de golf. Ces puits, dont certains atteignent une grande profondeur (jusqu’à 17 mètres), contiennent un dépôt d’objets relatifs soit à la vie guerrière (casque, pointe de lance…), soit au vin (œnochoé, situle, seau de bois cerclé de bandes de bronze travaillées, simpulum…). Au-dessus du dépôt d’offrandes, les couches de comblement étaient remplies de débris d’amphores vinaires. M. Cazes montre sur des fragments d’amphores des inscriptions peintes en langue ibère datables du IIe siècle avant notre ère : un nom suivi d’un nombre, ce qui pourrait correspondre à une mention commerciale. Il conclut sa présentation de Vieille-Toulouse en disant qu’il s’agit d’un site de toute première importance, qui serait dans des pays voisins de la France déclaré site archéologique d’intérêt national.


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    La Compagnie s’assemble ensuite devant le plan de Tolosa, dont Daniel Cazes montre l’organisation urbaine. La ville antique, édifiée sur la rive droite de la Garonne, couvre 90 hectares ; un rempart monumental appuyé vers l’Ouest sur le fleuve la ceint au Nord, à l’Est et au Sud. M. Cazes évoque la « Porterie », grande porte nord mise au jour en 1971 lors du creusement du parc de stationnement souterrain de la place du Capitole et conservée encore sur quatre mètres d’élévation, dont la destruction a été un désastre. Il faut espérer que les fouilles projetées sur l’emplacement du Palais de Justice permettront de retrouver les éléments de la grande porte sud, intégrée au Moyen Âge dans le Château-Narbonnais. M. Cazes met ensuite en évidence la trame urbaine, signalant les monuments de la cité : l’aqueduc et les thermes étudiés par notre confrère l’abbé Baccrabère, le théâtre, le plus grand connu pour la France (avec un diamètre supérieur à 100 mètres), qui pouvait contenir une dizaine de milliers de spectateurs. C’est l’occasion d’aborder la question de la population de Toulouse antique, estimée par Michel Labrousse à 25 000 ou 30 000 habitants, chiffre prudent qui paraît aujourd’hui tout à fait raisonnable. À propos de l’évolution ultérieure de la structure urbaine, M. Cazes rappelle que Toulouse a connu au Moyen Âge une dilatation, alors qu’Arles ou Nîmes subissaient une contraction.

    La visite de Tolosa se fait ensuite par secteurs, devant des fragments architecturaux, des sculptures, des maquettes ou des vitrines d’exposition.

    Secteur centre. – La Compagnie fait cercle autour d’une maquette représentant le grand temple du forum retrouvé sous la place Esquirol lors des fouilles pour le métro et le parc de stationnement souterrain, menées notamment par notre confrère Jean-Luc Boudartchouk, Jean-Charles Arramond et Raphaël de Filippo. Le forum de Toulouse romaine était immense : représentant en superficie environ deux fois et demie la surface de la place du Capitole, il s’étendait entre la grande voie Nord-Sud, le cardo maximus (rue des Changes), et un axe cardinal secondaire (rue des Tourneurs). Ses constructions étaient vraiment monumentales : le temple majeur de la ville, très vraisemblablement le Capitolium, apparaît comme le plus grand temple connu en France (façade large de 27 mètres) après celui de Narbonne (façade de 32 mètres). À la fin de l’Antiquité, le forum et ses monuments ont servi de carrière de pierre. Les matériaux retrouvés par la fouille indiquent deux grandes phases de construction : l’emploi de la pierre calcaire de Belbèze caractérise les bâtiments de l’époque augustéenne, l’utilisation du marbre ceux d'une l’époque impériale plus avancée. Pour ces derniers, un fragment de chapiteau énorme, des éléments de placage de colonne au cœur maçonné d’un diamètre d’environ un mètre cinquante suggèrent un ordre colossal. La reconstruction des monuments du forum témoigne d’un enrichissement considérable de Tolosa dans la période correspondant à la seconde moitié du Ier siècle de notre ère, au IIe siècle et au premier tiers du IIIe.

    Secteur est. – Un fragment de corniche en marbre blanc donne lieu à l’évocation du temple dont les ruines furent retrouvées par Alexandre Du Mège sur l’emplacement de l’ancienne église Saint-Jacques, remplacée au début du XIXe siècle par la chapelle Sainte-Anne. Un grand autel de culte fut découvert en 1862 à l’entrée de la rue Sainte-Anne, dans la maison de Marcel Dieulafoy, membre de la Société archéologique, qui en fit don au musée ; le décor, des guirlandes de fruits et de feuillages soutenues par des mascarons, évoque le dieu Bacchus. Des abords de la cathédrale Saint-Étienne proviennent également un grand chapiteau corinthien trouvé dans le sol de la Préfecture, ainsi que des fragments de statues officielles, sinon impériales. On a l’impression que le pouvoir politique s’est affirmé dans cette zone au IIe siècle.
    Daniel Cazes présente ensuite un élément de bas-relief en marbre figurant le combat des Grecs et des Amazones qui fut découvert au XVIIe siècle dans le lit de la Garonne, entre le Pont-Neuf et la chaussée du Bazacle. Il s’agit d’une copie romaine d’une œuvre grecque, dont le thème est sans doute à mettre en relation avec la propagande politique de l’empereur Auguste.

    Secteur nord. – Daniel Cazes présente la maquette des vestiges retrouvés dans les fouilles de l’ancien hôpital Larrey. Il insiste sur la qualité de cette maquette, très fidèlement réalisée Denis Delpalillo d'après les indications données par le fouilleur du site, Raphaël de Filippo. Les substructions mises au jour au sud du rempart romain et détruites immédiatement après la fouille étaient celles d’un grand palais dont la façade regardait vers la Garonne et dont l’organisation est typique de l’architecture de pouvoir de l’époque de l’Empire. À une grande tour carrée encadrée à gauche et à droite par un portique, suivie d’un hémicycle, d’un portique et d’une grande cour, s’ajoute un autre bâtiment retrouvé depuis sous le nouvel auditorium du Conservatoire. Cet ensemble palatial doit être mis en relation avec les vestiges d’un grand monument retrouvé hors les murs, au nord de l’église Saint-Pierre-des-Cuisines, qui présente les mêmes techniques de construction, tout à fait originales. Comme l’a proposé Claude Domergue, il faut sans doute voir dans le palais celui que les rois wisigoths de Toulouse se firent construire au Ve siècle. C’est ce


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palais que Sidoine Apollinaire a évoqué dans ses lettres, mentionnant notamment les écuries et le trésor du roi Théodoric II (lequel comprenait non seulement des richesses, mais encore la bibliothèque et les archives royales). Quant au monument extra muros, il pourrait s’agir d’un mausolée érigé pour les rois wisigoths.
    Daniel Cazes en vient naturellement, en présentant les colonnettes de marbre provenant de l’ancienne église de la Daurade, au problème de la fonction de cet édifice : chapelle palatine des rois wisigoths, ou plutôt cathédrale arienne… ?

    Plusieurs vitrines présentant divers objets, comme les céramiques sigillées produites dans les ateliers de potiers de La Graufesenque et de Montans, amènent à évoquer les activités économiques ainsi que la vie quotidienne.
    Daniel Cazes conduit ensuite la Compagnie devant quelques-unes des découvertes majeures faites dans la province de Narbonnaise, notamment les dix portraits romains en marbre découverts en 1844 sur un emplacement proche du forum de Béziers, acquis en 1845, à l'initiative de la Société Archéologique du Midi de la France, par Guillaume Gaspard Belhomme et publiés par lui : un rare buste d’Octave-Auguste, fondateur de Béziers, réalisé en – 36 / – 35, un portrait de Tibère, et le plus beau portrait connu de Germanicus.

    La visite du musée se poursuit avec la découverte du premier étage, entièrement consacré à la villa de Chiragan à Martres-Tolosane.
    Ce site tout à fait exceptionnel fut connu et exploité aux XVIIe et XVIIIe siècles. On en avait extrait un torse de Vénus devenu célèbre, ainsi qu’une grande statue d’empereur assis, deux œuvres aujourd’hui disparues. Des fouilles furent organisées au XIXe siècle : dirigées de 1826 à 1830 par Alexandre Du Mège, elles furent continuées de 1840 à 1843 par une Commission de la Société archéologique du Midi formée de Costes, Guillaume Gaspard Belhomme, Edmond Chambert et Urbain Vitry, puis poursuivies par Albert Lebègue en 1890-1891 et Léon Joulin en 1897-1899. Ces campagnes ont permis de reconnaître les vestiges d’une villa gigantesque établie au bord de la Garonne, sur trois terrasses du fleuve, comprenant quatre-vingts bâtiments disséminés dans un enclos rectangulaire d’une superficie de seize hectares. Le centre de ce complexe était un immense palais composé de quelque cent cinquante salles, chambres, pièces… distribuées autour de cours, atria… M. Cazes présente le plan de ce dédale, appelant l’attention sur un portique de quarante-cinq mètres de longueur qui aboutit à une salle basilicale, ainsi que sur l’énorme ensemble thermal et sportif. Toutes ces constructions résultent de cinq siècles d’occupation, de l’époque d’Auguste à la fin de l’Antiquité. Les fouilles successives ont procuré une masse d’éléments sculptés, qui n’ont pas été retrouvés sur leurs emplacements d’origine, mais accumulés dans des remblais et mélangés à d’autres matériaux.

    Daniel Cazes commente le splendide décor architectural marmoréen mis en place lors de la troisième étape de construction du palais de Chiragan, entre la fin du IIe siècle et celle du IIIe. Il s’agit tout d’abord de pilastres très généreusement sculptés de rinceaux, ensuite de grands médaillons ornés de bustes, enfin de reliefs figurant les douze Travaux d’Hercule. Les neuf panneaux conservés sont présentés selon l’ordre canonique fixé à l’époque hellénistique, au IIIe siècle avant notre ère. M. Cazes explique comment il a pu procéder à des reconstitutions, à partir de fragments épars qui n’avaient jamais été mis en relation : Hercule aux Enfers, tenant une des têtes de Cerbère (identifié et reconstitué à partir d’une scène figurée sur un sarcophage du musée des Offices à Florence) ; Hercule au Jardin des Hespérides, portant les pommes d’or. Il souligne la personnalité vraiment originale du sculpteur, jusqu’ici peu étudiée, et dont la manière se caractérise entre autres par un traitement « lourd » des poches lacrymales.

    Il y avait dans le palais de Chiragan des répliques romaines d’œuvres grecques ou hellénistiques célèbres, exécutées dans un marbre statuaire de provenance sans doute orientale (Asie mineure) :
    – une copie de la fameuse Athéna du sculpteur Myron : la réplique de Chiragan est la plus proche de l’original, qui était en bronze, par comparaison avec les copies qui se trouvent à Francfort et à Madrid, au musée du Prado ;
    – une copie de l’Athéna du sculpteur Crésilas : la réplique de Chiragan est la meilleure de toutes celles que l’on connaît ;
    – une copie d’une statue dérivant de l’Aphrodite de Cnide due au sculpteur Praxitèle (IVe siècle avant notre ère) : par rapport aux répliques fondamentales, très froides, que sont les têtes Borghèse et Colonna, les répliques adaptées que sont les têtes Kaufmann (découverte en Asie mineure) et de Chiragan présentent une physionomie adoucie.

    Daniel Cazes guide ensuite la Compagnie dans la galerie des portraits romains découverts à Martres-Tolosane : la série, qui compte quelque deux cents pièces, représente le plus grand ensemble découvert en France.

    L’abondance et la qualité de toutes ces sculptures conduisent à s’interroger sur l’identité du propriétaire de la villa de Chiragan. À l’évidence, il s’agissait d’un personnage exceptionnel : on a pu penser à quelque grand sénateur, à un gouverneur de la province. Peut-être aussi la villa de Chiragan fut-elle, à quelque moment du IIIe ou du IVe siècle, une des résidences impériales.


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    Vu l’heure tardive, la visite du sous-sol du musée, consacré à Toulouse paléochrétienne, est reportée à une date ultérieure. La Compagnie se sépare peu après 19 heures.

 

SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mme Napoléone, MM. l'abbé Baccrabère, Hermet, Roquebert, Tollon, membres titulaires, Mmes Blanc-Rouquette, Fronton-Wessel, Jimenez, Pujalte, MM. Bordes, Burroni, Hamon, Manuel, Séraphin, Testard, membres correspondants.
Excusés : MM. le général Delpoux, Garland.

    Le Président ouvre la séance et donne la parole au Président de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres, M. Paul Féron, qui nous annonce la parution du livre Théodore Ozenne, mécène toulousain, un fort volume de 360 pages accompagnées d’illustrations. M. Paul Féron demande à la Compagnie d’apporter son concours en aidant à la vente de l’ouvrage. Il indique que les revenus en seront attribués au projet de mise en réseau des fichiers informatiques de nos bibliothèques, projet qui réalisera à un siècle d’intervalle le vœu de Deloume d’un grand fonds documentaire unique des académies et sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat, sous une forme virtuelle et en respectant donc l’indépendance de chacune de nos institutions.
    Le Président remercie M. Paul Féron et le félicite d’avoir mené à bien cette longue entreprise, qui permettra peut-être de maintenir la tradition du mécénat de Théodore Ozenne.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 23 novembre, qui est adopté.

    Le Président remercie Michel Roquebert qui fait don à la Société de son dernier ouvrage : Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle (s.l. : Perrin, 1999, 538 p.). C’est également Jean-Luc Laffont qui offre pour notre bibliothèque de nombreux tirés à part, tant de ses propres articles que de ceux d’autres chercheurs, qui constituent un ensemble riche sur l’histoire du notariat.

    Le Président rend compte de la réunion du Bureau de la Fédération des Sociétés savantes de Languedoc-Pyrénées-Gascogne. Les membres présents ont constitué un Conseil d’administration et un Bureau qui prendront en charge la préparation du congrès régional qui se tiendra à Auch au printemps 2000, et celle du congrès national qui se tiendra à Toulouse à Pâques 2001.
    Puis le Président rend compte de la cérémonie très amicale au cours de laquelle a été remise à la Ville de Caussade la médaille d’argent que notre Société lui a décernée pour la restauration de la Tour d’Arles. La visite de l’édifice a amplement confirmé l’exceptionnelle qualité du parti de restauration et de sa réalisation. En remerciement, le Sénateur-Maire de la ville, M. Collin, a conféré au Président de notre Société le titre de citoyen d’honneur de Caussade, et lui a remis une médaille de la Ville, reproduction fidèle d’un poids du XVIe siècle qui trouvera place dans les vitrines de nos collections.
    Le Président évoque encore l’enchantement qu’a été notre dernière séance qui se tenait au Musée Saint-Raymond. La présentation de Daniel Cazes a été un bonheur comme il en existe peu, riche d’idées extraordinairement excitantes, l’exposé oral autorisant ce que ne permet jamais l’expression écrite. Daniel Cazes a bien voulu accepter d’assurer la conférence de notre prochaine séance publique, en retenant pour thème la sculpture de la villa de Chiragan.
    Notre confrère l’abbé Baccrabère nous propose en outre une séance exceptionnelle de visite du rempart antique de l’Institut catholique, que nous acceptons très volontiers. Il reste à en fixer la date.
    C’est enfin une lettre tout à fait passionnante de M. Bertrand Ducourau, conservateur du patrimoine chargé des objets mobiliers à la Conservation régionale des Monuments historiques, qui nous propose de placer sur le site Internet de notre Société un certain nombre de rapports de restauration. Les premiers dossiers pourraient concerner les peintures murales du XIe siècle découvertes à Nogaro, un groupe sculpté de Rodez et l’église de Vals. Notre site Internet qui pouvait éventuellement être considéré comme un simple jouet, ou un gage donné à la modernité, s’affirme comme un facteur de mutation. Le Président rappelle le projet, en cours de réalisation, de mise en ligne de l’ensemble du catalogue de Virebent qui est conservé au Musée Paul-Dupuy. Il apparaît que nous avons sans aucun doute entre les mains l’un des moyens du rayonnement futur de notre Société.
   

    La parole est à Gilles Séraphin pour une communication sur des maisons médiévales de Montcabrier.

    Le Président remercie l’orateur et souligne la surprise que représente cette disposition de l’escalier. Elle serait


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sans doute justifiée dans une agglomération aux constructions très denses, mais ce n’est certes pas le cas de Montcabrier. Gilles Séraphin note que le caractère distendu du bâti peut être interprété comme la marque de l’échec de la bastide. Encore est-il permis d’en douter si l’on tient compte de la construction de l’enceinte, mais il faut rappeler que la bastide naît en 1287 du paréage entre le seigneur de Pestilhac et le roi de France dont les rapports ont été très conflictuels. Montcabrier est réputée avoir été rasée par ses fondateurs autant que par les villes voisines, ce qui pourrait laisser supposer d’importantes destructions.
    Le Président fait remarquer que la disposition est néanmoins atypique. Pour Gilles Séraphin, elle pourrait s’expliquer par la volonté de rendre les différents niveaux indépendants. La location à des forains pourrait être une hypothèse. Gilles Séraphin rappelle que l’accès indépendant à l’étage est l’une des caractéristiques de la maison vigneronne.
    Maurice Scellès se dit très intéressé par le partage de l’escalier entre deux maisons voisines, partage qui lui paraît indiquer que la mitoyenneté est un caractère fréquent des constructions de cette époque, y compris lorsqu’aucune contrainte d’espace ne l’impose. Gilles Séraphin note que la mitoyenneté s’exerce sur l’entremis mais pas sur le mur. L’évolution des bâtiments montre en outre que l’utilisation commune de l’escalier a été difficile.
    Maurice Scellès rappelle que des parcellaires semblables à Cahors et à Figeac n’ont pas entraîné les mêmes formes et Anne-Laure Napoléone précise que les portes retournées se rencontrent dans d’autres quartiers que celui de l’Ortabadial. Le Président remarque que la formule n’est d’ailleurs pas une réussite architecturale. Gilles Séraphin convient que la porte retournée devient une figure de style, comme l’est sans doute la technique de l’angle arrondi au castrum de Pestilhac, alors que l’on avait sur place des tailleurs de pierre capables de réaliser des chaînes d’angle.
    Répondant à Christine Jimenez, Gilles Séraphin indique qu’en général, dans les villes neuves d’Aquitaine, les parcelles dont la largeur était inférieure à 9 m ont été conservées, tandis que celles dont la largeur était supérieure ont été divisées.

 

    Au titre des questions diverses, Gilles Séraphin et Maurice Scellès entretiennent la Compagnie de la chronologie de la rénovation gothique de la cathédrale de Cahors, à l’occasion d’un article à paraître prochainement :  

    « La chronologie actuellement admise fait débuter les travaux de rénovation de la cathédrale Saint-Étienne de Cahors vers 1285, avec la reconstruction des parties hautes de l’abside, le chantier se poursuivant vers l’ouest avec en particulier l’érection du massif occidental entre 1309 et 1316 ; dans les années 1320 auraient été exécutées les peintures murales intérieures dont le vaste ensemble aurait parachevé la rénovation gothique.
    Or un texte de 1288 laisse entendre qu’un portail occidental est déjà en place à cette date : comme il ne peut s’agir d’un troisième portail du XIIe siècle, il convient de réexaminer la chronologie de l’ensemble des travaux.
    Le catalogue de tous les textes disponibles confronté à l’analyse architecturale de l’édifice et à celle du décor sculpté de l’abside, des chapelles et du massif occidental permet de proposer une chronologie sensiblement différente : les travaux aurait débuter dès les années 1250-1270, sous l’épiscopat de Barthélemy de Roux, par la reprise de l’abside dont la voûte n’aurait cependant pas été construite. C’est à Raymond de Cornil (1280-1293) qu’il reviendrait d’avoir voûté l’abside et engagé l’érection du massif occidental, dont seuls les derniers niveaux n’étaient peut-être pas encore bâtis en 1288. »

    Le Président remercie les deux avocats et leur demande – provocation oblige – s’il est tout à fait convenable de proposer par commodité une relecture d’un catalogue de textes.
    Maurice Scellès fait un rappel historiographique et souligne que la chronologie qui prévalait jusqu’à présent avait l’inconvénient non négligeable de ne pas prendre en compte l’ensemble des textes. Gilles Séraphin ajoute que des travaux récents, et en particulier ceux de Claude Andrault-Schmitt, rendaient nécessaire un réexamen de la datation des parties gothiques de la cathédrale de Cahors. Il rappelle que Jacques Gardelles avait été gêné par le retard attribué au Sud-Ouest, retard sans doute admissible pour des petites églises rurales mais qui ne s’explique guère dans le cas de grands édifices.
    Étienne Hamon dit que la tendance actuelle est en effet de vieillir les datations de quinze à vingt ans. Alain Erlande-Brandenbourg est d’ailleurs d’avis que la plupart des Vierges à l’Enfant présentées lors de l’exposition Philippe Le Bel doivent être attribuées à la génération précédente. Étienne Hamon remarque encore que les textes précis font défaut pour le XIIIe siècle, alors que les sources sont beaucoup plus abondantes à partir du début du XIVe


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siècle. À propos du portail ouest dont la datation fait en effet question, il lui apparaît que le tympan n’est probablement pas antérieur à l’extrême fin du XIVe siècle.  

    C’est ensuite Patrice Cabau qui a la parole pour une note sur la liste des souscriptions au Concile d’Arles de 314

    « Mamertin, évêque de Toulouse en 314

    En 314, l’empereur Constantin fit assembler à Arles, en vue de régler le conflit opposant les deux évêques de Carthage Caecilianus et Donatus, un concile ‘‘général’’ (1). Ce synode, qui siégeait le 1er août, condamna le schisme donatiste et édicta des règles disciplinaires destinées à organiser la vie de l’Église après la fin des persécutions. Les actes donnent la liste des noms des représentants de quarante-quatre communautés chrétiennes d’Occident, parmi lesquels les délégués venus de quinze cités ou localités qui relevaient alors des deux diocèses civils de Viennoise (alias des Sept ou des Cinq Provinces) et des Gaules. Voici la liste de ces derniers telle qu’elle a été publiée par Charles Munier (1963), puis par Jean Gaudemet (1977), d’après un manuscrit datable du sixième siècle qui appartint au monastère de Corbie :
   Incipit nomina episcoporum cum clericis suis uel quanti uel ex quibus prouinciis ad Arelatense synhodo conuenerint sub Marino episcopo, temporibus Constantini, ad derimanda scismata uel prauas hominum intentiones, Volosiano et Anniano consulibus. […] Oresius episcopus, Nazareus lector de ciuitate (M)asseliensi prouincia Vienninse [Marseille]. Marinus episcopus, Salamas presbyter, Nicasius, Afer, Vrsinus et Petrus diaconi de ciuitate Arelatensium prouincia Viennensi [Arles]. Verus episcopus, Beflas exurcista de ciuitate V(ienn)ensi prouincia suprascripta [Vienne]. Dafenus episcopus, Victor exurcista de ciuitate Vasensi prouincia Vienninsi [Vaison]. Faustinus presbyter de ciuitate Arausicorum prouincia qua supra [Orange]. Innocentius diaconus, Agapitus exorcista portu Incheinsis [Nice]. Romanus presbyter, Victor exorcista de ciuitate Aptensium [Apt]. Item de Galleis. Inbetausius episcopus, Primigenius diaconus de ciuitate Remorum [Reims]. Ausanius episcopus, Nicetius diaconus de ciuitate Rotomagensium [Rouen]. Riticius episcopus, Amandus presbyter, Felomasius diaconus de ciuitate Augustudunensium [Autun]. Vosius episcopus, Petulinus exurcista de ciuitate Lugdunensium [Lyon]. Maternus episcopus, Macrinus diaconus de ciuitate Agripenensium [Cologne]. Genialis diaconus de ciuitate Gabalum prouincia Aquitanica [Gévaudan]. Orientalis episcopus, Flauius diaconus de ciuitate Burdegalensi [Bordeaux]. Agrucius episcopus, Felix exurcista de ciuitate Triuerorum [Trèves]. Mamertinus episcopus, Leontius diaconus de ciuitate Elosasium. […] (2).
    La cité d’où venaient l’évêque Mamertinus et le diacre Leontius a été identifiée d’abord comme étant Toulouse, notamment par Claude Robert (1626), Guillaume de Catel [+ 1626] (1633), Claude Devic et Joseph Vaissete (1730) (3), puis Jacques Sirmond (1629), les frères Sainte-Marthe (1656), Denis de Sainte-Marthe (1716), Louis-Clément de Brugèles (1746), les continuateurs de la troisième Gallia Christiana (1785), Adrien Salvan (1856), Émile Mabille (1872, 1874), Pius Bonifacius Gams (1873), Gabriel Cayre (1873), Louis Duchesne (1894, 1900, 1907, 1910), Charles Higounet (1960), Charles Munier (1963), Jean Gaudemet (1977), Jacques Lapart (1985), Paul-Albert Février (1986), entre autres (4), ont considéré qu’il s’agissait d’Éauze (5).
    Ce changement tient, ainsi que l’ont expliqué Denis de Sainte-Marthe (1716) et les continuateurs de la troisième Gallia Christiana (1785) (6), à une révision du texte des "souscriptions" du concile d’Arles d’après l’édition de Jacques Sirmond (1629), lequel se fondait sur le manuscrit de Corbie et sur une conjecture géographique : étant donné qu’Éauze appartenait à l’Aquitaine et Toulouse à la Narbonnaise, il n’y avait aucune raison de placer Toulouse parmi les cités des Gaules, que l’on distinguait ordinairement de la province de Narbonnaise et qui en étaient ici nettement séparées (7). Émile Mabille (1874), dans une note additionnelle à la troisième édition de l’Histoire générale de Languedoc, est allé dans le même sens : ‘‘Voici les souscriptions des évêques des Gaules qui ont assisté à ce concile par eux-mêmes ou par des mandataires : Oresius episcopus […] Mamertinus episcopus de civitate Elosatium. Une chose frappe, dans cette nomenclature : c’est l’absence des évêques de la Narbonnaise. Quoique la Viennoise fût déjà séparée de la Narbonnaise depuis l’an 278 environ, c’est dans cet acte qu’elle est citée pour la première fois. — La leçon acceptée par les auteurs de l’Histoire de Languedoc & qui met : Mamertinus episcopus de civitate Tolosatium, au lieu de : de civitate Elosatium, n’a pas prévalu. Mamertin était évêque d’Eause, & non de Toulouse, comme le disent ici nos auteurs [Claude Devic et Joseph Vaissete].’’ (8).


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mamertp.JPG (9172 octets)

MANUSCRIT 364 DE LA BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE TOULOUSE (vers 600). Partie supérieure du folio 24 v° portant les noms de certains des participants au concile d’Arles de 314 ; aux lignes 2-3 se lit : Ex ciuita(te) Telosacium / Mamertinus ep(iscopu)s Leontius diac(onu)s.

    Or la leçon du manuscrit de Corbie, Mamertinus episcopus, Leontius diaconus, de ciuitate Elosasium, (9) se trouve démentie par celles d’au moins six autres manuscrits, qui remontent aux neuvième, huitième, septième, voire sixième siècles : Ex ciuitate Tolosa, Mamertinus episcopus, Leontius diaconus (10), Ex ciuitate Dolosatium, Mamertinus episcopus, Leontius diaconus (11), Ex ciuitate [To]losacium, Marmertinus episcopus, Leontius diaconus (12), Ex ciuita(te) Telosacium, Mamertinus episcopus, Leontius diaconus (13), Ex ciuitate Tolosacium, Mamartinus episcopus, Leoncius diaconus (14), Ex ciuitate Tolosa, Mamertinus episcopus, Leontius diaconus (15).
    Quant à l’"absence des évêques de la Narbonnaise", elle ne signifie pas que cette province n’était pas du tout représentée : la cité d’Apt, qui relevait de la province de Narbonnaise seconde, avait envoyé deux mandataires (16). Il convient sans doute d’envisager ici l’organisation des provinces de l’Empire romain telle qu’elle résultait de la réforme administrative lancée par Dioclétien dans les années 290, c’est-à-dire après regroupement des provinces en douze diocèses, puis morcellement des anciens territoires provinciaux en unités plus petites (17), donc telle que la décrit la Liste de Vérone dressée entre 308 et 325, probablement vers 311-313 (18). Cependant, l’analyse des différentes versions de la liste des participants au synode arlésien de 314 montre d’une part que le terme de prouincia y est indistinctement employé au sens de province ou de diocèse, d’autre part que l’ordre de présentation adopté n’a rien d’absolument rigoureux, en particulier pour la mention des délégués venus des cités appartenant à l’Italie (19). On a observé que plusieurs Églises furent représentées, non par un évêque, mais seulement par des clercs, ce qu’expliquerait une "organisation encore imparfaite de jeunes communautés" ou une "christianisation peu avancée en dehors de quelques centres" (20) ; il faut noter toutefois que trois représentants envoyés d’Espagne et un d’Italie sont qualifiés tantôt de presbyter, tantôt d’episcopus, et que la cité de Lincoln en Bretagne paraît avoir député deux episcopi (21). En tout cas, l’impression d’ensemble qui se dégage de la liste d’Arles est bien que les cadres du christianisme n’étaient pas encore très nettement fixés. Pour les régions correspondant aux diocèses civils de Viennoise et des Gaules, la situation peut être résumée par le tableau ci-dessous.
    On voit que la participation des Églises de Viennoise et des Gaules au synode de 314 ne fut pas systématique et que l’énumération de leurs envoyés ne se conforme pas à la logique d’une organisation strictement établie. Dans ces conditions, l’identification du siège épiscopal de Mamertinus ne saurait guère être fondée sur une argumentation d’ordre géographique.
    Au demeurant, l’examen de la transmission manuscrite des listes des participants au concile d’Arles permet d’infirmer la tradition, constituée à partir du dix-septième siècle, qui faisait de Mamertinus un évêque de l’ancienne métropole d’Éauze (22). Cette tradition se combinait au catalogue moderne des évêques de cette cité (23), dressé comme suit par Denis de Sainte-Marthe (1716) et Émile Mabille (1872) : I. S. PATERNUS, II. S. LUPERCULUS, III. MAMERTINUS, IV. SERVANDUS, V. TAURINUS, VI. CLARUS, VII. LEONTIUS, VIII. S. ASPASIUS, IX. LABAN, X.


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DESIDERIUS, XI. SENOCHUS, XII. PATERNUS (24). De ces douze personnages, Louis Duchesne (1900) n’a retenu que les sept évêques attestés par des documents sûrs et, s’aidant de sources tout aussi fiables, il put en ajouter trois autres : 1. Mamertinus (314), 2. Clarus (506), 3. Leontius (511), 4. Aspasius (533, 541, 549, 551), 5. Laban (573, 585), 6. Desiderius (585/6), 7. Leodomundus (614), 8. Palladius (626/7), 9. Sidocus (626/7), 10. Scupilio (673/5) (25). Les derniers auteurs qui se soient occupés de la série épiscopale d’Éauze, Charles Higounet (1960) et notre confrère Jacques Lapart (1985), ont considéré Mamertinus comme le "premier évêque connu", le "premier prélat de la province" (26), mais ils n’ont évidemment pas procédé à une étude critique des "souscriptions" du concile d’Arles.

Qualité et nombre des représentants

Communautés chrétiennes

Indications des listes synodales sur les villes

Statut des villes à la suite de la réforme de Dioclétien, d’après la Notitia Galliarum

Évê-

que

Prê-

tre

Dia-

cres

Lec-

teur

Exor

ciste

 

Rang

Province ou

diocèse

Rang

Province

Diocèse

Cité

Métropole

   

1

   

1

 

Marseille

cité

Viennoise

   

Viennoise

Viennoise

1

1

4

   

Arles

cité

Viennoise

x

 

Viennoise

Viennoise

1

     

1

Vienne

cité

Viennoise

 

x

Viennoise

Viennoise

1

     

1

Vaison

cité

Viennoise

x

 

Viennoise

Viennoise

 

1

     

Orange

cité

Viennoise

x

 

Viennoise

Viennoise

   

1

 

1

Nice

port

     

Alpes maritimes

Viennoise

 

1

   

1

Apt

cité

 

x

 

Narbonnaise II

Viennoise

1

 

1

   

Reims

cité

Gaule(s)

 

x

Belgique II

Gaules

1

 

1

   

Rouen

cité

   

x

Lyonnaise II

Gaules

1

1

1

   

Autun

cité

 

x

 

Lyonnaise I

Gaules

1

     

1

Lyon

cité

   

x

Lyonnaise I

Gaules

1

 

1

   

Cologne

cité

   

x

Germanie II

Gaules

   

1

   

Gévaudan

cité

Aquitaine

x

 

Aquitaine I

Viennoise

1

 

1

   

Bordeaux

cité

   

x

Aquitaine II

Viennoise

1

     

1

Trèves

cité

   

x

Belgique I

Gaules

1

 

1

   

Éauze

cité

 

x

x

Novempopulanie

Viennoise

Toulouse

 

x

 

Narbonnaise I

Viennoise


    En somme, on peut voir à nouveau en Mamertinus l’évêque qui dirigeait en 314 la communauté chrétienne de Toulouse. Son épiscopat fut vraisemblablement antérieur à celui d’Hilarius, qui inaugura au quatrième siècle le culte du martyr Saturninus, premier évêque de la cité, mis à mort en 250. Mamertin apparaîtra dans cette hypothèse comme le premier successeur connu de saint Saturnin (27).

NOTES : 1. Sur le concile d’Arles de 314, dont les actes ont été imprimés dès le seizième siècle (MERLIN 1524, 1530 [f. LXXXVIII v° - LXXXIX v° : titres et canons, sans les souscriptions], 1535 – CRABBE 1538 [p. 170 et suiv.], 1551 – SURIUS 1567 [p. 368 et suiv.]), voir notamment : BARONIO 1590, an 314, § 35-71 – HEFELE ; LECLERCQ 1907, p. 275-296. — 2. MUNIER 1963, p. 14-15 = GAUDEMET 1977, p. 56, 58, 60. — 3. "Tolosani Præsules. […] Martinus, Concilio Arelatensi." G.C.1 1626, p. 153, 155 – "MARTIN estoit Euesque de Tolose en l’an trois cens quatorze, car il fut en ladite année au Concile premier tenu dans la ville d’Arles soubs Syluestre premier estant Constantin Empereur l’an du Consulat de Volusian & Anian qui est en ladite année trois cens quatorze, ainsi qu’est dict par le susdit Concile, dans lequel sont remarqués les Euesques qui y estoient presens, entre lesquels estoit Agricius Episcopus Biterrensis, & Felix Exorcista ex Prouincia Narbonensi, & apres, ex eadem Prouincia & Ciuitate Tolosæ Martinus Episcopus, Leontius Diaconus." CATEL 1633, p. 826 ; cf. p. 955 – H.G.L.1 1730, p. 141 (d’après COUSTANT 1721, c. 344) = H.G.L.2 1840, p. 207 = H.G.L.3 1874, p. 353 — 4. L’opinion d’Alexandre Du Mège, qui dédouble Mamertinus en Martin et Mamertin (DU MÈGE 1844 (VII), p. 29), demeure plutôt équivoque (DU MÈGE 1844 (III), p. 40). — 5. SIRMOND 1629, p. 8, 594 – G.C.2 1656, p. 96, 673 – G.C.3 1716, c. 968 = G.C.4 1870, c. 968 – G.C.3 1785, c. 4 = G.C.4 1874, c. 4 – BRUGÈLES 1746, p. 37 – SALVAN 1856, p. 154 – MABILLE 1872 = H.G.L.3 1872, p. 366 – CAYRE 1873, p. 20 – GAMS 1873, p. 496 – MABILLE 1874 = H.G.L.3 1874, p. 353 (n. 1) – DUCHESNE 1894 = DUCHESNE 1907, p. 24 ; cf. p. 31, 33, 46, 47 – DUCHESNE 1900, p. 95 – HIGOUNET 1960, c. 1266-1267, 1268 – MUNIER 1963, p. 14-22, 235 (c. 2) = GAUDEMET 1977, p. 60, 61 – LAPART 1985, p. 363, 365 – FÉVRIER 1986, p. 23, 32. — 6. In quibusdam codicibus manu exaratis pro Elusatium vel Elosatium, legitur Tolosatium, proculdubio ex amanuensium imperitia ; qui nimirum ignorantes fuisse olim civitatem Elusatium, in qua sedisset magnæ auctoritatis episcopus, Tolosatium scribendum esse autumarunt pro Elosatium. G.C.3 1716, c. 968 = G.C.4 1870, c. 968 – De Mamertino jam diximus, t. I, col. 968, observavimusque concilio Arelatensi adfuisse an. 3I4. Mamertinum episcopum non e civitate Tolosa, ut in ms. Colbertino [3368, a Petro Coustant publicato anno 1721, col. 343-344] correxerunt amanuenses imperiti, sed e civitate Elosatium quam ignorabant, ut legit in ms. Corbiensi [Jacobus] Sirmundus, & approbavit [Severinus] Binius [in secunda editione conciliorum publicata anno 1618, vel in tertia, anno 1636]. G.C.3 1785, c. 4 = G.C.4 1874, c. 4. —


M.S.A.M.F., t. LX, p. 231

7. NOMINA EPISCOPORVM. ] Secuti sumus in hoc indice codicem Corbeiensem, in quo Episcoporum nomina ciuitatum nominibus præponuntur, cùm in aliis contrâ, vt in Remensi [nunc Parisiensi, Bibl. Nat. Cod. Lat. 3846], sicut in Suriana editione [publicata anno 1567] postponantur […]. DE CIVIT. ELOSATIVM. ] Quidam Tolosa, vel Tolosatium, eorum fortasse iudicio, quibus minùs nota erat ciuitas Elosatium. SIRMOND 1629, p. 593, 594 – MAMERTINVS Episcopus cum Leontio Diacono ciuitatis Elosatium, interfuêre Concilio Arelatensi I. an. 3I4. quibusdam autem Tolosatium dicitur, eorum fortasse iudicio, quibus minùs nota erat ciuitas Elosatium. G.C.2 1656, p. 673 – NOTÆ IAC. SIRMONDI S. I. […] De civitate Elosatium. ] Quidam Tolosa, vel Tolosatium, eorum fortasse judicio, quibus minus nota erat civitas Elosatium. LABBÉ, COSSART 1671, c. [1]432 (n. 12) – IACOBI SIRMONDI S. I. NOTÆ POSTVMÆ IN CONCILIVM ARELATENSE I. anno Christi CCCXIX. [lire : CCCXIV] habitum. […] MAMERTINVS DE C. ELOSATIVM. ] In Mamertini nomine consentiunt manuscripti, non item in nomine civitatis. Quidam enim non Elosatium, sed Tolosatium legunt. Nos Corbeiensem in primis codicem secuti sumus, hac inter cætera conjectura nixi, quod cum Elusa civitas sit Aquitaniæ, Tolosa provinciæ Narbonensis, nihil causæ erat cur Tolosam in hunc locum rejiceret inter civitates Galliarum, quæ distingui solebant a provincia Narbonensi, reque ipsa hoc loco distincte sejunctæ sunt. LABBÉ, COSSART 1671, c. 1565, 1572. — 8. MABILLE 1874 = H.G.L.3 1874, p. 353 (n. 1). La liste des souscriptions citée par Émile Mabille correspond à une édition dérivant du manuscrit de Corbie indiqué à la note suivante. — 9. Paris, B.N.F., fonds latin, ms. 12097 (ms. du sixième siècle pour sa première partie [après 524], confectionné à Lyon ou à Arles, ayant appartenu au monastère de Corbie), f. 91 = Mamertinus Episcopus, Leontius Diaconus, de ciuitate Elosatium. SIRMOND 1629, p. 9 = Mamertinus episcopus, Leontius diaconus, de civitate Elosatium. LABBÉ, COSSART 1671, c. 1430 = Mamertinus episcopus, Leontius diaconus, de civitate Elosatium. LABBÉ, COSSART ; HARDOUIN 1715, c. 267 = Mamertinus episcopus, Leontius diaconus de ciuitate Elosasium. MUNIER 1963, p. 15 = Mamertinus episcopus, Leontius diaconus de ciuitate Elosasium. GAUDEMET 1977, p. 60. — 10. Paris, B.N.F., fonds latin, ms. 3846 (ms. du neuvième siècle, ayant appartenu au monastère Saint-Amand, au diocèse de Tournai), f. 138 v° = MUNIER 1963, p. 22 – In Colbertino autem exemplari not. 3368. […] Ex civitate Tolosa Mamertinus episcopus, Leontius diac. COUSTANT 1721, c. 343, 344. — 11. Munich, Staatsbibliothek, fonds latin, ms. 5508 (ms. de la fin du huitième siècle, confectionné à Salzbourg), f. 16 v° = MUNIER 1963, p. 22. — 12. Albi, B.M., ms. 147 (ancien 2) (Liber canonum copié au neuvième siècle à Albi sur le ms. cité à la note suivante ; sur ce ms., voir essentiellement : Catalogue… 1849, p. 481-482 – GALABERT 1933, p. 353-371), f. 45 r°. Le manuscrit porte : "exciuitatelosaciu. marmertiN9 eps. Leontius diacoN9" (f. 45 r°, lignes 2-3). — 13. Toulouse, B.M., ms. 364 (ancien I, 63 ou B. 63) (Liber canonum écrit aux environs de 600 par le prêtre Perpetuus sur l’ordre de l’évêque d’Albi Dido ; sur ce ms., voir essentiellement : MOLINIER 1883, n° 364, p. 203-213 – GALABERT 1933, p. 353-371 – OURLIAC 1978, p. 223-238 – cf. SAMARAN, MARICHAL 1968, planche I), f. 24 v°. Le manuscrit porte : ‘‘ExciuiTaTelosacium / mameRTINus eps leoNTIusdiacs’’ (f. 24 v°, lignes 2-3) ; l’abbé Munier transcrit : ‘‘Ex ciuitate (To)losacium Mamertinus episcopus Leontius diaconus.’’ (MUNIER 1963, p. 20, l. 40-41), mais il donne à l’Index nominum : ‘‘Elosacium, Losacium, Tolosacium, Dolosatium ciuitas, Elosa metropolis, Eauze […]’’ (MUNIER 1963, p. 235, c. 2). — 14. Paris, B.N.F., fonds latin, ms. 1452 (ms. du dixième siècle, copie de Berlin, Staatsbibliothek, ms. Phillippicus 1745 : ms. du septième siècle, confectionné en Bourgogne, incomplet du début), f. 153 = MUNIER 1963, p. 18. — 15. Cologne, Bibliothèque capitulaire, ms. 212, f. 30 v° (ms. de la fin du sixième siècle ou du début du septième, confectionné en Gaule rhodanienne) = MUNIER 1963, p. 16. — 16. Apt, dont les délégués sont mentionnés par la seule liste du manuscrit de Corbie (MUNIER 1963, p. 14), figure vers 400 parmi les sept cités de Narbonnaise seconde : XVI. In provincia Narbonensis secunda ciuitates num. VII : Metropolis ciuitas Aquensium. Ciuitas Aptensium. […] (Notitia prouinciarum et ciuitatum Galliae = SIRMOND 1629, p. [4] [après la préface] = SEECK 1876, p. 273 = MOMMSEN 1892 = C.C.S.L. 1965, p. 404 – Cf. LONGNON 1878, p. 189 – DUCHESNE 1907, p. 79 – MIROT 1929, p. 31). — 17. MOMMSEN 1862 = PICOT 1866, p. 369-395 et planche hors-texte XXI – BESNIER 1937, p. 305-309 et fig. 4, p. 307 – CHRISTOL 1997, p. 209-210 et carte, p. 232-233. 18. MAFFEI 1742, p. 84 = MOMMSEN 1862 = PICOT 1866, p. 370-372 = SEECK 1876, p. 247-253 – BESNIER 1937, p. 306 (n. 168) – CHRISTOL 1997, p. 209 — 19. Les délégués de Syracuse, Capoue, Lago di Salpi, Aquilée, Rome et Milan figurent en tête de liste, ceux de Porto, Centumcellae et Ostie à la fin, et ceux Cagliari dans le corps de la liste, parmi les représentants des cités d’Afrique (MUNIER 1963, p. 14-22). Notons que la cité d’Aquilée, située par toutes les versions de la liste dans la province de Dalmatie, se trouvait en réalité dans celle de Vénétie-Istrie. — 20. FÉVRIER 1986, p. 32 ; cf. p. 23. — 21. Sabinus de Bétique, Natalis d’Osuna, Probatius de Tarragone, Leontius d’Ostie ; Adelfius et Sacerdos de Lincoln (MUNIER 1963, p. 14-22). Le diacre Deuterius de Césarée est cité une fois comme évêque, sans doute par erreur (MUNIER 1963, p. 19). — 22. Le rang de métropole de la province de Novempopulanie fut disputé entre les cités d’Éauze et d’Auch au sixième siècle (OURLIAC 1978, p. 229, n. 23 – Cf. Notitia prouinciarum et ciuitatum Galliae = SEECK 1876, p. 271 = MOMMSEN 1892 = C.C.S.L. 1965, p. 401 : cf. p. 384 – Cf. FÉVRIER 1986, p. 30). L’évêché métropolitain d’Éauze disparut entre 673 et 879, date à laquelle le pape Jean VIII qualifiait d’archevêque le chef de l’Église d’Auch (DUCHESNE 1900, p. 18, 95, 97 – HIGOUNET 1960, c. 1266). — 23. Præterea Mamertinus reperitur in cataloguo episcoporum Elusanorum, qui omittitur in Tolosanis. G.C.3 1785, c. 4 = G.C.4 1874, c. 4. — 24. G.C.3 1716, c. 967-970 = G.C.4 1870, c. 967-970 – H.G.L.3 1872, p. 365-366. 25. DUCHESNE 1900, p. 95 ; cf. p. 91-94. Aucun de ces évêques ne figure dans les séries épiscopales contenues dans le cartulaire noir du Chapitre métropolitain d’Auch : liste de peu postérieure à 1200, "assez mauvaise", et document provenant du prieuré Saint-Orens d’Auch, daté de 1108, "plein d’erreurs énormes" (Auch, A.D. Gers, G 16, f. 4 r° - 5 v°, 12 r° - 14 v° = LACAVE LA PLAGNE BARRIS 1899, n° I, p. 1-3 ; n° [CLXI], p. 195-199 – DUCHESNE 1900, p. 92-93). — 26. HIGOUNET 1960, c. 1266-1267 – LAPART 1985, p. 363, 365. — 27. CABAU 1999, p. 132 ; cf. p. 128.

BIBLIOGRAPHIE : www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/samf/memoires/t_60/bul20001#bul01
BARONIO (Cesare), Annales ecclesiastici, a Christo nato ad annum MCXCVIII, Rome, I-XII, 1588-1593 — BESNIER (Maurice), L’Empire romain de l’avènement des Sévères au concile de Nicée, dans Histoire générale publiée sous la direction de Gustave GLOTZ, Paris, 1937 — BINI (Séverin), Concilia generalia et prouincialia […], Cologne, I, 1606 ; 2e édition 1618 ; 3e édition Paris, 1636 — BRUGÈLES (Louis-Clément de), Chroniques Ecclesiastiques du Diocése d’Auch […], Toulouse, 1746 — CABAU (Patrice), Les évêques de Toulouse (IIIe-XIVe siècles) et les lieux de leur sépulture - Première partie : les évêques de Toulouse, dans M.S.A.M.F., LIX, Toulouse, 1999, p. 123-162 — Catalogue des Manuscrits des Bibliothèques des départements, Paris, I, 1849 ; VII, 1883 — CATEL (Guillaume de), Memoires de l’Histoire du Languedoc […], Toulouse, 1633 — CAYRE (Gabriel), Histoire des Évêques et Archevêques de Toulouse depuis la fondation du siége jusqu’à nos jours, Toulouse, 1873 — C.C.S.L. = Itineraria et alia geographica, Corpus Christianorum. Series Latina, CLXXV, Turnhout, 1965 — COUSTANT (Pierre), Epistolæ Romanorum pontificum, et quæ ad eos scriptæ sunt […], Paris, I, 1721 — CRABBE (Pierre), Concilia omnia […], Cologne, I, 1538, 2e édition 1551 — CHRISTOL (Michel), L’Empire romain du IIIe siècle. […], Paris, 1997 — DUCHESNE (Louis), Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, I, Provinces du Sud-Est, Paris, 1894 ; 2e édition 1907 ; II, L’Aquitaine et les Lyonnaises, Paris, 1900 ; 2e édition 1910 — DU MÈGE (Alexandre), Additions et Notes, dans H.G.L.2 1844 (VII) — DU MÈGE (Alexandre), Histoire des Institutions religieuses, politiques, judiciaires et littéraires de la ville de Toulouse, Toulouse, III, 1844 — FÉVRIER (Paul-Albert), Approches de la Gaule méridionale, etc., dans Premiers temps chrétiens en Gaule méridionale. Antiquité tardive et haut Moyen Âge. IIIème - VIIIème siècles, catalogue d’exposition, Lyon, 1986 — GALABERT (François), Notice sur deux manuscrits des bibliothèques de Toulouse et d’Albi (VIIe et IXe siècles), dans Annales du Midi, XLV, Toulouse, 1933, p. 353-371 ; cf. appendice, p. 371-372, et planches hors-texte IV et V — GAMS (Pius Bonifacius), Series Episcoporum Ecclesiæ catholicæ, quotquot innotuerunt a beato Petro apostolo, Ratisbonne, 1873 — GAUDEMET (Jean), Conciles gaulois du IVe siècle, collection Sources chrétiennes, n° 241, Paris, 1977 — G.C.1 = ROBERT (Claude), Gallia Christiana, in qua regni Franciæ ditionumque vicinarum Diœceses et in iis Præsules describuntur, Paris, 1626 — G.C.2 = SAINTE-MARTHE (Scévole, Louis de ; Pierre, Abel, Nicolas de), Gallia Christiana, qua series omnium Archiepiscoporum, Episcoporum et Abbatum Franciæ, vicinarumque ditionum, ab Origine Ecclesiarum, ad nostra tempora per quatuor tomos deducitur. […], Paris, I, 1656 — G.C.3 = SAINTE-MARTHE (Denis de) et continuateurs, Gallia Christiana, in provincias ecclesiasticas distributa [...], Paris, I, 1716 ; XIII, 1785 — G.C.4 = SAINTE-MARTHE (Denis de) et continuateurs, Gallia Christiana, in provincias ecclesiasticas distributa [...], 2e édition, Paris, I, 1870 ; XIII, 1874 — HEFELE (Karl Joseph von) ; LECLERCQ (Henri), Histoire des conciles d’après les documents originaux, Paris, I-1, 1907 — H.G.L.1 = DEVIC (Claude), VAISSETE (Joseph), Histoire générale de Languedoc […], Paris, I, 1730 — H.G.L.2 = DEVIC (Claude), VAISSETE (Joseph), Histoire générale de Languedoc […], 2e édition, Toulouse, I, 1840 ; VII, 1844 — H.G.L.3 = DEVIC (Claude), VAISSETE (Joseph), Histoire générale de Languedoc […], 3e édition, Toulouse, I-2, 1874 ; IV-1, 1872 — HIGOUNET (Charles), Éauze, dans Dictionnaire d’Histoire et de Géographie ecclésiastiques, Paris, XIV, 1960, c. 1266-1268 — LABBÉ (Philippe), COSSART (Gabriel), Sacrosancta Concilia ad Regiam editionem exacta […], Paris, I, 1671 — LABBÉ (Philippe), COSSART (Gabriel) ; HARDOUIN (Jean), Conciliorum collectio Regia maxima […], Paris, I, 1715 — LACAVE LA PLAGNE BARRIS (C.), Cartulaires du chapitre de l’église métropolitaine Sainte-Marie d’Auch, dans Archives historiques de la Gascogne, 2e série, fascicule III, Cartulaire noir, Paris et Auch, 1899 — LAPART (Jacques), Les cités d’Auch et d’Eauze de la conquête romaine à l’indépendance vasconne (56 avant J.-C. — VIIe siècle après J.-C.). Enquête archéologique et toponymique, thèse de 3e cycle, Université de Toulouse-Le Mirail, I (texte), Toulouse, 1985 — LONGNON (Auguste), Géographie de la Gaule au VIe siècle, Paris, 1878 — MABILLE (Émile), Notes, dans H.G.L.3 1872, 1874 — MAFFEI (Scipion), Opuscoli ecclesiastici, dans Istoria teologica delle dottrine della diuina grazia, Trente, 1742 — MERLIN (Jacques), Tomus primus quatuor conciliorum generalium […], Paris, 1524 ; 2e édition Cologne, 1530 ; 3e édition Cologne, 1535 — MIROT (Léon), Manuel de géographie historique de la France, Paris, 1929 (et 1930) — [MOLINIER (Auguste)], Manuscrits de la Bibliothèque de Toulouse, dans Catalogue… 1883 — MOMMSEN (Theodor), Verzeichnisse der römischen Provinzen, aufgesetzt um 297, dans Abhandlungen der Berliner Akademie, Berlin, 1862, p. 489-538 = Gesammelte Schriften, Berlin, V, 1908, p. 561-588 = PICOT 1866-1867 (traduction en français) — MOMMSEN (Theodor), Notitia prouinciarum et ciuitatum Galliae, dans Monumenta Germaniae historica, Auctores antiquissimi, IX, Chronica minora saeculorum IV-VII, I, Berlin, 1892, p. 552-612 = C.C.S.L. 1965, p. 379-406 — MUNIER (Charles), Concilia Galliae. A. 314 - A. 506, Corpus Christianorum. Series Latina, CXLVIII, Turnhout, 1963 — OURLIAC (Paul), Le manuscrit toulousain de la collection d’Albi, dans Revue de droit canonique, XXVIII, Strasbourg, 1978, p. 223-238 — PICOT (Émile), Mémoires sur les provinces romaines et sur les listes qui nous en sont parvenues, depuis la division faite par Dioclétien jusqu’au commencement du Ve siècle, dans Revue archéologique […], Paris, nouvelle série, XIII, 1866 ; p. 377-399 ; XIV, 1866, p. 369-395 et planche hors-texte XXI ; XV, 1867, p. 1-15 = MOMMSEN 1862 (traduction en français) — SAINTE-MARTHE (Denis de) = G.C.3, Paris, I, 1716 — SAINTE-MARTHE (Scévole, Louis de ; Pierre, Abel, Nicolas de) = G.C.2, Paris, I, 1656 — SALVAN (Adrien), Histoire générale de l’Église de Toulouse […], Toulouse, I, 1856 — SAMARAN (Charles), MARICHAL (Robert), Catalogue des manuscrits en écriture latine portant des indications de date, de lieu ou de copiste, VI, Bourgogne, Centre, Sud-Est et Sud-Ouest de la France, Paris, 1968 — SEECK (Otto), Notitia dignitatum […] et laterculi prouinciarum, Berlin, 1876 ; 2e édition Francfort-sur-le Main, 1983 — SIRMOND (Jacques), Concilia antiqua Galliæ […], Paris, I, 1629 — SURIUS (Laurent), Tomus primus conciliorum omnium […], Cologne, 1567. »

     Le Président remercie Patrice Cabau de cette relecture.

 

SÉANCE DU 4 JANVIER 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour,


M.S.A.M.F., t. LX, p. 232

Bibliothécaire-Archiviste, Ahlsell de Toulza, Trésorier ; Mmes Napoléone, Pousthomis-Dalle, MM. Gérard, Hermet, Lapart, Roquebert, Vézian, le Père Montagnes, membres titulaires ; Mmes Blanc-Rouquette, Fronton-Wessel, Pujalte, Stutz, Suau,  MM. Bordes, Boudartchouk, Geneviève, Manuel, Molet, Testard, membres correspondants.
Excusés : MM. Cazes, Directeur, Scellès, Secrétaire général, Mme Cazes, MM. Manière, Tollon, membres titulaires, Mme Jimenez, M. Ginesty, membres correspondants.

    Le Président ouvre la séance à 17 heures et présente à la Compagnie tous ses vœux amicaux et chaleureux. Louis Peyrusse s’abstient de tout discours relatif au bilan et aux projets de la Société, attendu que ces perspectives seront développées lors de la séance du 18 janvier. Il déclare simplement qu’il souhaite que l’année 2000 ait quelque chose de la magie qui s’attache aux chiffres ronds.
    Le Secrétaire-adjoint donne lecture de la relation de la sortie foraine à Caussade, du 4 décembre 1999, puis du procès-verbal de la séance du 14 décembre. L’ensemble de ces comptes rendus est adopté.

    Le Président annonce ensuite la récente élection du bâtonnier Viala à la Présidence de l’Union des six Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat, puis il fait état de la correspondance manuscrite. Celle-ci comprend notamment une lettre de M. Dominique Baudis, maire de Toulouse, qui nous adresse la copie d’un courrier qu’il a envoyé, en date du 29 novembre 1999, à M. Dominique Letellier, Architecte des Bâtiments de France. Il s’y déclare « particulièrement choqué », ainsi que « la majorité des Toulousains et des visiteurs », de la « nouvelle couleur jaune moutarde de la porte de la cathédrale Saint-Étienne ». M. Baudis regrette que la Mairie n’ait pas été consultée et « souhaite que l’État, propriétaire, revienne à des couleurs mieux adaptées à l’environnement urbain et moins agressives ». Il s’agit ensuite de deux dossiers envoyés par le général Pierre Garrigou Grandchamp et Christophe Évrard, animateur du Patrimoine, qui sollicitent la qualité de membre correspondant de notre Société. Maurice Scellès, Secrétaire général, est chargé du rapport sur ces deux candidatures. Ce sont enfin un compte rendu de l’assemblée générale, tenue le 1er décembre 1999, de la Fédération des Sociétés académiques et savantes Languedoc-Pyrénées-Gacogne, qui devient la «  Fédération des Sociétés académiques et savantes Midi-Pyrénées », et une circulaire de la maison Privat, qui lance un concours ouvert aux jeunes auteurs d’Histoire, doté de prix et offrant une intéressante possibilité d’édition. Louis Peyrusse présente ensuite diverses publications :
– la brochure Autour d’Assézat, disponible pour chacun des membres de la Compagnie ;
– l’ouvrage de Paul Féron, Théodore Ozenne, mécène toulousain, Presses de l’Université des Sciences sociales de Toulouse, Toulouse, 1999, en dépôt à la Société ;
– la version publiée de la thèse de Maurice Scellès, Cahors, ville et architecture civile au Moyen Âge (XIIe-XIVe siècles), collection Cahiers du Patrimoine, C.N.M.H.S. - Éditions du Patrimoine, Paris, 1999.

    Le Président donne la parole à Françoise Stutz pour la communication du jour, intitulée : Les faciès mérovingiens dans la Gaule du Sud, publiée dans ce volume (t. LX, 2000) de nos Mémoires.

    Louis Peyrusse remercie l’intervenante et, ayant souligné l’aspect très technique de sa communication, lui demande de préciser la définition de la notion de faciès. Françoise Stutz dit qu’il faut entendre par faciès « toutes les manifestations culturelles que l’on peut regrouper dans un ensemble cohérent de faits et de dates ». Le Président fait appel aux questions de l’assemblée. Patrice Cabau s’enquiert du sens qu’il faut donner à l’expression d’« inhumation habillée ». Françoise Stutz répond qu’il s’agit d’une sépulture comprenant un grand nombre d’éléments de parure pour les femmes, et de panoplie pour les hommes. Robert Manuel intervient à propos des « agrafes de suaire », et Françoise Stutz confirme qu’elles sont assez caractéristiques de l’époque carolingienne. Guy Ahlsell de Toulza ayant abordé la question des grenats qui paraissent manquer dans le décor d’une grande fibule circulaire en or cloisonnée, Françoise Stutz dit que les grenats utilisés pour les encloisonnements étaient des pierres d’importation très lointaine, et que l’approvisionnement s’est trouvé interrompu lorsqu’a été coupée la route de l’Inde. Michel Roquebert envisage l’utilisation éventuelle de grenats de provenance plus immédiate, par exemple de grenats pyrénéens, dont il dit connaître un gisement dans la partie orientale de la chaîne, et Louis Latour cite le gisement de la vallée d’Aure, dans les Hautes-Pyrénées. Françoise Stutz explique que les pierres locales sont d’une qualité très inférieure à celle des grenats d’importation lointaine exclusivement employés par les joailliers. Évoquant la figure de Barrière-Flavy, Louis Latour demande à Françoise Stutz de préciser le rôle qu’il a joué pour l’archéologie mérovingienne. Mme Stutz déclare que Casimir-Bonaventure Barrière-Flavy (Toulouse, 1863 – Toulouse, 1927) a été le père de l’archéologie mérovingienne dans le Midi de la France dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ses publications, notamment ses ouvrages de synthèse publiés en 1892 et 1901, ainsi que ses dossiers documentaires, conservés à la Bibliothèque de l’Arsenal à Toulouse, témoignent d’une grande rigueur scientifique. Si ses datations doivent généralement être revues – nombre d’objets qu’il a attribués au Ve siècle appartiennent en réalité au VIIe –, c’est qu’il a été induit en erreur par


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les indications que lui fournissait le baron de Baye ; en témoigne la correspondance échangée entre le chercheur du Nord et celui du Midi. Jacques Lapart souligne l’importance des moyens de publication dont Barrière-Flavy a pu disposer, puis il dit tout l’intérêt du schéma de synthèse élaboré par Françoise Stutz à partir d’un matériel méridional en somme relativement peu abondant. S’agissant des plaques-boucles en fer damasquinées, leur rareté lui paraît pouvoir s’expliquer par le fait qu’on les découvre à l’état de bloc de rouille et qu’on ne sait les traiter que depuis peu. Louis Latour abonde en ce sens, citant l’exemple de la belle plaque-boucle de Grépiac, qui nous a été présentée restaurée et qu’il a connue comme un amas de rouille informe. Jean-Luc Boudartchouk intervient à propos de l’aspect originel des plaques-boucles damasquinées : il lui apparaît qu’elles devaient présenter une polychromie résultant des couleurs diverses du fond de fer et des fils d’argent ou de laiton qui y étaient incrustés.
    Puis la discussion s’engage sur le substrat local antérieur au faciès mérovingien, et Jacques Lapart résume ainsi l’état des connaissances sur ce sujet : « Que savons-nous des nécropoles du IVe siècle en Aquitaine ? »

    Le Président donne ensuite la parole à Patrice Cabau pour une communication brève :

    « Alphonse et Pierre, fils de Foulque de Marseille, évêque de Toulouse de 1205 à 1231

    "Folquet de Marseille était fils d’un marchand qui était de Gênes et avait nom sire Alphonse. Et, quand le père mourut, il laissa Folquet très riche d’avoir. Et celui-ci rechercha le mérite et la valeur, et il se mit à servir les barons éminents et les hommes éminents, et à frayer avec eux, et à donner, et à servir, et à aller et à venir. Il fut fort bien accueilli et honoré par le roi Richard, et par le comte Raymond de Toulouse, et par Barral, son seigneur de Marseille. Il "trouvait" très bien et était très avenant de sa personne. Et il courtisait la femme de son seigneur sire Barral, et il la priait d’amour et lui consacrait ses chansons, mais, par ses prières et ses chansons, il ne put jamais obtenir en grâce qu’elle lui fît quelque bien en droit d’Amour : c’est pourquoi, toujours, il se plaint de l’Amour dans ses chansons. Et il advint que la dame mourut, et sire Barral, son mari et le seigneur de Folquet, auquel il faisait tant d’honneur, et le bon roi Richard, le bon comte Raymond de Toulouse, le roi Alphonse d’Aragon. Aussi, pour la tristesse qu’il eut au sujet de sa dame et des princes que je vous ai nommés, Folquet abandonna le monde. Et il entra dans l’Ordre de Cîteaux, avec sa femme et les deux fils qu’il avait. Et il fut fait abbé d’une riche abbaye qui se trouve en Provence, qui a nom Le Thoronet. Et puis il fut fait évêque de Toulouse, et c’est là qu’il mourut."
    Voilà en quels termes un auteur anonyme, qui écrivait en langue provençale dans la seconde moitié du treizième siècle, a rédigé la Vida du troubadour Foulque de Marseille (1). Ce bref récit concorde avec ce que l’on peut connaître de l’existence mouvementée de ce personnage fameux, non seulement au travers de son œuvre littéraire, mais surtout par le biais de sources documentaires nombreuses et diverses. Foulque est en effet mentionné d’abord comme notable de Marseille le 1er février 1179*, sous le nom de Foulque Alphonse (Fulco Anfos) (2), puis comme abbé de Sainte-Marie du Thoronet en 1204, enfin comme évêque de Toulouse à partir du mois de novembre 1205 ; il mourut le jeudi 25 décembre 1231 et fut inhumé dans l’église de l’abbaye cistercienne Sainte-Marie de Grandselve, au diocèse de Toulouse (3). Stanislaw Stronski a montré que l’auteur de la Vida possédait pour la "vie réelle de Folquet" des "informations excellentes, sommaires mais exactes : d’abord sur son origine et sur sa condition […] ensuite sur sa carrière religieuse" (4) et Jean Boutière a souligné que sa notice est d’une "exactitude qui suppose une sérieuse information, ou même le recours aux documents" (5).
    Cette "biographie" de Foulque se trouve corroborée — dans la mesure où elle n’en est pas inspirée (6) — par celle que maître Jean de Garlande a esquissée dans le cinquième des huit livres de son poème sur les Triomphes de l’Église, ouvrage composé entre 1231 et 1252 : "Les pervertis, et le docteur et le feu et l’épée les extirpent. L’évêque Foulque les fauche dans la ville sainte. Il avait naguère été jongleur, et puis citoyen de Marseille, connu par son épouse, ses enfants, sa maison. Entrant au monastère du Thoronet, sous l’habit blanc, il s’efforce d’être à l’intérieur de lui-même plus blanc encore. De moine, il fut fait abbé, et puis évêque de Toulouse, et il endura pour ses ouailles beaucoup de maux : outrages, menaces, voyages, exil, soupirs, douleurs, rapines, mépris et grandes embûches. Les deux fils de Foulque ont été faits abbés, et le voile de la religion consacre leur mère." (7).
    On a voulu identifier l’un des fils de Foulque d’après l’une des clauses de l’accord de paix que le comte de Toulouse Raymond "VII" fit serment d’observer le 12 avril 1229 : "Verfeil, ses dépendances, et le village des Bordes avec ses dépendances, nous les cédons à l’évêque de Toulouse et à son fils, Olivier de Lyliers21, comme les leur avaient cédés le roi Louis de bonne mémoire, père de notre


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seigneur le roi, et le comte de Montfort, à condition que l’évêque de Toulouse nous doive pour Verfeil ce qu’il devait au roi Louis de bonne mémoire, père de notre seigneur le roi." (8).
    Seulement, le texte latin de cet article a été traduit incomplètement et mal compris. Voici comment il convient de l’interpréter : "Verfeil, avec ses dépendances, et le domaine de Lasbordes, avec ses dépendances, nous les cédons, conformément à la donation du roi Louis [VIII], de bonne mémoire, père du même seigneur roi [Louis IX], et du comte [Simon] de Montfort, à l’évêque de Toulouse [Foulque] et au fils d’(Eudes) de Lillers, à condition toutefois que l’évêque de Toulouse fasse envers nous pour Verfeil ce qu’il devait faire envers le comte de Montfort et que le fils du même (Eudes) fasse envers nous ce qu’il devait faire envers le roi Louis, de bonne mémoire, père du seigneur roi." (9). À l’évidence, on ne saurait considérer comme fils de l’évêque de Toulouse celui d’Eudes de Lillers, noble probablement originaire de l’Artois (10) venu dans le Midi à l’époque de la croisade contre les Albigeois.
    Par bonheur, l’identité véritable des deux fils de Foulque nous est révélée par une charte transcrite dans le cartulaire, compilé après 1258, de l’abbaye cistercienne Sainte-Marie de Berdoues, au diocèse d’Auch : parmi les quatre témoins de cet acte, daté de 1210, paraissent "Frère Alphonse et Frère Pierre, son frère, moines de Grandselve, qui sont dits fils de Folquet de Marseille, évêque de Toulouse" (11). On aura noté que le fils aîné de Foulque porte le nom de son grand-père et on y verra une nouvelle preuve de la fiabilité des informations de la "biographie" provençale.
    S’il paraît impossible de savoir de quel monastère Pierre devint abbé — les prélats de ce nom ont été nombreux dans les abbayes languedociennes de l’Ordre de Cîteaux au treizième siècle (12) —, il semble que l’on puisse identifier Alphonse comme l’abbé Alfonsus qui gouverna de 1231 à 1239 l’abbaye Sainte-Marie de Feuillants, sise alors au diocèse de Toulouse (13).

NOTES : 1. Folquet de Marsseilla si fo fillz d’un mercadier que fo de Genoa et ac nom ser Anfos. E quan lo paire muric, si.l laisset molt ric d’auer. Et el entendet en pretz et en ualor, e mes se a seruir als ualenz barons et als ualenz homes, et a brigar ab lor, et a dar et a seruir et a uenir et a anar. E fort fo grazitz et onratz per lo rei Richart e per lo comte Raimon de Tolosa e per en Baral, lo sieu seingnor de Marseilla. Molt trobaua ben e molt fo auinenz om de la persona. Et entendia se en la mullier del sieu seingnor en Baral, e pregaua la e fasia sas chansos d’ella, mas anc per precs ni per cansos no.i poc trobar merce, qu’ella li fezes nuill ben en dreit d’Amor : per que totz temps se plaing d’Amor en soas cansos. Et auenc si que la domna muric, et en Barals, lo maritz d’ella e.l seingner de lui, que tant li fasia d’onor, e.l bons reis Richartz, e.l bons coms Raimos de Tolosa, e.l reis Anfos d’Arragon. Don el, per tristeza de la soa domna e dels princes que uos ai ditz, abandonet lo mon. E si se rendet a l’orde de Cistel ab sa muiller et ab dos fillz qu’el auia. E si fo faichs abas d’una rica abadia qu’es en Proensa, que a nom Lo Torondet. E pois el fo faichs euesques de Tolosa, e lai el muric. D’après BOUTIÈRE, SCHUTZ, CLUZEL 1973, n° LXXI-A, p. 470-471 (texte), 472-473 (traduction) = STRONSKI 1910, p. 3-4 (texte) ; cf. p. 140-143 (critique) — 2. ALBANÉS, CHEVALIER, 1899, n° 1104, c. 693-696 – STRONSKI 1910, p. 3*, 140* (sous la date erronée du 23 janvier 1178) – CABAU 1986, p. 169 (date exacte) – CABAU 1999, p. 154 (date erronée). — 3. STRONSKI 1910, p. 140*-145* – CABAU 1986, p. 151-179 – CABAU 1999, p. 154-156. — 4. STRONSKI 1910, p. 142 ; cf. p. 112*-113*. — 5. BOUTIÈRE, SCHUTZ, CLUZEL 1973, p. X ; cf. p. XII-XIV. — 6. STRONSKI 1910, p. 112*-113*, 142. — 7. Prauos extirpat et doctor et ignis et ensis. / Falcat eos Fulco presul in urbe sacra. / Hic dudum fuerat ioculator, ciuis et inde / Marsilie, clarus coniuge, prole, domo. / Intrans cenobium Turoneti, ueste sub alba, / Certat ut interius albior esse queat. / Factus de monacho fuit abbas, presul et inde / Tholose, passus pro grege multa mala, / Probra, minas, iter, exilium, suspiria, luctus, / Raptus, contemptus, insidiasque graues. / Abbates facti Fulconis sunt duo nati, / Consecrat et matrem relligionis apex. WRIGHT 1856, p. 92-93 = STRONSKI 1910, p. 107*-108*. – On a donné de ce passage une traduction inacceptable sur plusieurs points : "Mais les dépravés, ce sont le docteur et le feu et l’épée qui les exterminent ; et c’est Foulque, le saint prélat, qui les fauche dans la ville. Lui qui naguère fut jongleur en la cité de Marseille et qui, au su de tous, eut femme, fils et maison, entra au monastère du Thoronet en quête, sous la robe blanche, d’une blancheur intérieure plus éclatante encore. De moine il devint abbé, puis évêque de Toulouse et là de par la foule il souffrit mille maux : insultes, menaces, déplacements, exils, sanglots, deuils, enlèvements, mépris et des sièges cruels. Lui, ce fer de lance de la religion, consacra deux abbés indigènes et une mère abbesse." BONNASSIE, PRADALIÉ 1979, p. 53-54. — 8. "21. Foulque de Marseille, évêque de Toulouse, avait été marié avant de se faire moine à l’abbaye cistercienne du Thoronet, puis d’obtenir le siège épiscopal de Toulouse." BONNASSIE, PRADALIÉ 1979, p. 30. — 9. […] Viridefolium cum pertinentiis suis et uillam de Lesbordes cum pertinentiis suis dimittimus, secundum donum bone memorie Ludouici regis, patris eiusdem domini regis, et comitis Montisfortis, episcopo Tholosano et filio O. de Lyliers, ita tamen quod episcopus Tholosanus pro Viridifolio faciat nobis quod debebat facere comiti Montisfortis et filius eiusdem O. faciat nobis quod debebat facere bone memorie Ludouico regi, patri domini regis. […] (Paris, A.N.F., J 305, Toulouse, III, n° 60, lignes 29-30 [original scellé] = TEULET 1866, n° 1992, p. 147-152 [150] = H.G.L.3 1879, n° 271 - CLXXXIV, II, c. 883-892 [888]). Ces dispositions sont rappelées dans une lettre adressée par le roi à l’évêque de Cahors en mai 1230 : […] Cum igitur predicte donationes facte a comitibus Montisfortis in terra eiusdem comitis Tolosani per formam pacis predictam fuerint reuocate, exceptis dumtaxat illis donationibus que facte fuerunt marescallo [Guidoni de Leuis] et O. de Lilers et episcopo Tolosano […]. (Paris, A.N.F., J 306, Toulouse, III, n° 65 [original jadis scellé] = TEULET 1866, n° 2054, p. 177). La donation du castrum de Verfeil par Simon de Montfort à l’évêque de Toulouse Foulque est du 4 juin 1214 (Paris, A.N.F., JJ 19, f. 182 v° ou 187 v° [transcription des environs de 1241] = H.G.L.3 1879, n° 176, c. 653 ; cf. c. 2397 – MOLINIER 1874, n° 80, p. 78 – Toulouse, A.D. Haute-Garonne, 1 G 315, f. 123 v° [copie] ; 1 G 843 [copie] – Cf. GUILLAUME DE PUYLAURENS, Chronica, chapitre XXVIII = DUVERNOY 1976, p. 102). — 10. Lillers, arrondissement de Béthune, Pas-de-Calais. Une domina de Lilers est mentionnée dans une charte d’avril 1209 (Paris, A.N.F., J 399, Promesses, n° 8 [original scellé] = TEULET 1863, n° 870, p. 330). —


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11. […] Hujus rei sunt testes Frater Bernardus de Petrucia, monachus Berdonarum, et Frater Ildefonsus et Frater Petrus, frater eius, monachi Grandis Silue, qui dicti sunt filii Folquet de Massilia, episcopi Tolose, et Ramundus de Bordes, cognatus predicti Fratris Sancii [de Pipio], qui hoc audorgavit per se et per omnes successores suos presentes et futuros Fratribus Berdonarum. Factum est hoc anno ab incarnatione Domini MCCX, regnante Philippo rege Francorum, Bernardo Auxitano archiepiscopo, Centullo Astaracensi comite. CAZAURAN 1905, n° 435, p. 288-289. — 12. Cf. H.G.L.3 1876, p. 602, 608, 609, 613, 618, 619, 621, 624, 627, 630, 632, 635, 636, 642. — 13. G.C.3 1785, c. 218 = G.C.4 1874, c. 218 – H.G.L.3 1876, p. 637.

BIBLIOGRAPHIE : www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/samf/memoires/t_60/bul20001#bul02
ALBANÉS (Joseph-Mathias-Hyacinthe), CHEVALIER (Ulysse), Gallia Christiana novissima, Marseille, Valence, 1899 — BONNASSIE (Pierre), PRADALIÉ (Gérard), La capitulation de Raymond VII et la fondation de l’Université de Toulouse - 1229-1979 - Un anniversaire en question, Toulouse, 1979 — BOUTIÈRE (Jean), SCHUTZ (A.-H.), CLUZEL (Irénée-Marcel), Biographies des troubadours. Textes provençaux des XIIIe et XIVe siècles, 2e édition, Paris, 1973 — CABAU (Patrice), Foulque, marchand et troubadour de Marseille, moine et abbé du Thoronet, évêque de Toulouse (v. 1155/1160 - 25.12.1231), dans Cahiers de Fanjeaux, 21, Les Cisterciens de Languedoc (XIIIe-XIVe s.), Toulouse, 1986, p. 151-179 — CABAU (Patrice), Les évêques de Toulouse (IIIe-XIVe siècles) et les lieux de leur sépulture - Première partie : les évêques de Toulouse, dans M.S.A.M.F., LIX, Toulouse, 1999, p. 123-162 — CAZAURAN (abbé), Cartulaire de Berdoues, La Haye, 1905 — G.C.3 = Gallia Christiana, in provincias ecclesiasticas distributa [...], Paris, XIII, 1785 = G.C.4, 2e édition, Paris, 1874 — DUVERNOY (Jean), Guillaume de Puylaurens, Chronique - Chronica magistri Guillelmi de Podio Laurentii, Paris, 1976 — H.G.L.3 = Histoire générale de Languedoc […], 3e édition, Toulouse, IV-2, 1876 ; VIII, 1879 — MOLINIER (Auguste), Catalogue des actes de Simon et d’Amauri de Montfort, extrait de la Bibliothèque de l’École des chartes, XXXIV, Paris, 1874 — STRONSKI (Stanislaw), Le troubadour Folquet de Marseille. Édition critique […], Cracovie, 1910 ; 2e édition, Genève, 1968 — TEULET (Alexandre), Layettes du Trésor des chartes, Paris, I, 1863 ; II, 1866 — WRIGHT (Thomas), Johannis de Garlandia De Triumphis Ecclesiae libri octo, a latin poem of the thirteenth century, Londres, 1856. »

 

SÉANCE DU 18 JANVIER 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, MM. Gérard, Gilles, Hermet, Nayrolles, Roquebert, Tollon, Mgr Rocacher, le Père Montagnes, membres titulaires, Mmes Blanc-Rouquette, Fraïsse, Fronton-Wessel, Jimenez, Pujalte, MM. Bordes, Burroni, Ginesty, Manuel, Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusés : Mme Pradalier-Schlumberger, MM. Hamon, Pradalier.

    Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 4 janvier dernier, qui est adopté.

    Le Président présente le livre, très joliment mis en page, que ses anciens confrères et élèves viennent d’éditer à la mémoire de Paul Ourliac. À côté d’une mise en perspective des travaux de Paul Ourliac, l’ouvrage comprend une bibliographie qui met à jour celle qui avait été établie en 1979.
    Chantal Fraïsse offre à la Société un tiré à part de son article Un traité des vertus et des vices illustré à Moissac du XIe siècle (Cahiers de civilisation médiévale, 42e année, juillet-septembre 1999, p. 221-242), et Pierre Garrigou Grandchamp trois volumes anciens de The antiquaries Journal, qui viennent heureusement compléter notre collection. Au nom de notre Compagnie, le Président remercie les donateurs.
    Parmi la correspondance, on note en particulier des bulletins de souscription pour l’ouvrage de notre consœur Chantal Fraïsse : Moissac et la Révolution (inventaire analytique des archives communales), pour le très attendu Cartulaire de Saint-Sernin de Toulouse de notre confrère Pierre Gérard (édité par les Amis des archives de la Haute-Garonne), et pour Cabaret. Histoire et archéologie d’un castrum (C.V.P.M., Maison des Mémoires).

    Le Président présente le rapport moral pour l’année 1999 :

    « Recaler sur l'année civile 1999 les morceaux de deux années académiques a quelque chose d'arbitraire. Essayons pourtant.
    La Société a été heureuse en 1999 de ne pas connaître de deuil. (Il nous reste toutefois à saluer la mémoire de quelques-uns de nos membres éminents comme Michel Labrousse ou Georges Fouet que je souhaiterais voir honorer d'une longue notice sur la vie et les travaux). Nous avons recruté quatre jeunes confrères : Mme Hélène Debax, MM. Henri Molet, Étienne Hamon et Vincent Geneviève. En revanche nous avons dû après un ultime courrier de rappel rayer de nos effectifs quelques membres ayant cessé depuis quelque temps tout rapport épistolaire et économique avec la Société. Ces démissions " subreptices " sont à déplorer : elles témoignent de l'absence d'attraction de notre Société auprès de confrères – on l'espère, requis par d'autres chantiers... Je souhaiterais que l'an 2000 voie notre recrutement s'élargir en particulier du côté des jeunes chercheurs. Et cette politique de recrutement doit s'accompagner d'une utilisation plus large des possibilités offertes par les statuts : nous n'avons pas assez de membres d'honneur – certains pourraient être des relais d'influence efficaces de nos travaux... De l'excellence de ceux-ci témoignera le volume de Mémoires pour l'année 1998-1999 qui arrivera le 1er février et dont le retard n'est imputable qu'aux retards de quelques auteurs et non à l'indiligence du secrétaire général qui a donné tous ses soins à ce volume comme à l'accoutumée.
    Autre sujet de satisfaction : la séance publique a été d'une qualité exceptionnelle grâce à l'évocation des " oubliés " de l'histoire de Toulouse au temps du catharisme ressuscités par Michel Roquebert dans le cadre extraordinaire de Saint-Pierre-des-Cuisines. Lors de cette soirée du 3 mai – placée à une date que nous n'avons pu faire bouger – quatre prix de la Société archéologique furent remis à Florence Millet, Patricia Guillet-Baudrix, Priscilla Malagutti et Dany Couget-Rullier. Le


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4 décembre dernier, nous avons remis à M. le Sénateur-Maire de Caussade la médaille d'argent de la Société pour saluer 1’exceptionnelle réussite de la restauration de la Tour d'Arles.
    Les travaux de l'année 1999 ont été nombreux et variés. Ils vont de la haute antiquité des stèles dauniennes (Cecilia d'Ercole) au XIXe siècle de l'église du Jésus à Toulouse. Toutes les périodes ont eu droit à une étude significative. Je suis en particulier assez satisfait que les communications brèves, qui apportent des informations ponctuelles de découvertes ou des remarques sur des restaurations ou des aménagements, aient trouvé un rythme satisfaisant. Le volume LIX des Mémoires – douze articles, un copieux Bulletin – témoignera de cette diversité, même si toutes les communications ne sont pas éditées.
    Le trésorier fera remarquer que, heureusement, celles-ci ne grèvent pas le budget de ces Mémoires qui atteignent les 320 pages. Pour un équilibre nécessaire de nos comptes, il faut nous fixer un certain nombre de règles : la Société prend pour éditer le volume annuel sur les revenus de ses capitaux. La part départementale est limitée à l'impression de 100 pages. Il devient impératif de ne pas dépasser 300 pages – sauf à mettre en péril non pas nos comptes, mais notre capacité à financer autre chose que les Mémoires. Une piste à explorer serait de faire passer en édition électronique sur notre site Internet les articles qui compromettent la longueur du volume ou sont rendus en retard...
    Il reste d'autres problèmes en suspens : peut-être est-ce dû au manque d'efficacité du président débutant... Je les rappelle en vrac : nos affaires de Martres-Tolosane, l'équipement des salles de travail, la toilette de nos statuts, la bibliothèque dont Louis Latour est le serviteur très dévoué…
    Mais on ne peut oublier que la Société est aussi ouverte sur l'extérieur. À Pâques 2001 (9-13 avril) se tiendra à Toulouse, sans doute à l'Université de Toulouse-Le Mirail, le Congrès national des Sociétés savantes. La Société recevra le 17 février des membres du C.T.H.S. et des Sociétés savantes du Midi pour une séance préparatoire de travail. Au début de l'été 2001 est programmée la journée d'études sur la maison médiévale que prépare Maurice Scellès en accord avec Michèle Pradalier. Le site Internet de la Société va accueillir les rapports des recherches commandées par la Conservation régionale des Monuments historiques grâce à la proposition de M. Bertrand Ducourau auquel nous exprimons notre gratitude. Il est aussi projeté de mettre en ligne le catalogue des produits de la manufacture Virebent dont les images ont été saisies. D'autres projets sont en cours, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.
    Il me reste – et c'est la partie la plus agréable de ce bref survol – à dire ma fierté d'œuvrer à la tête d'une équipe et d'une société qui méritent bien des éloges : aux membres du bureau : Daniel Cazes qui suit le dossier " Martres ", Maurice Scellès notre " cheville-ouvrière ", Guy Ahlsell de Toulza qui veille à l'équilibre de nos comptes, Louis Latour au dévouement absolu, et à ceux dont le travail est " invisible " : Patrice Cabau, Anne-Laure Napoléone, Christine Delaplace, Jean Nayrolles... à tous un très grand merci. Une société vit de ces dévouements au bien commun ; la qualité du travail hebdomadaire fait notre force et il est très agréable d'en souligner l'exceptionnelle valeur. Aussi brève que soit la ponctuation finale, c'est un énergique merci qui s'impose.

Louis PEYRUSSE »

    Le Trésorier présente ensuite le rapport financier. À l’unanimité le rapport moral est approuvé et il est donné quitus au trésorier pour sa bonne gestion.
    L’ordre du jour appelle les élections statutaires. Louis Peyrusse, Maurice Scellès et Louis Latour sont respectivement réélus Président, Secrétaire général et Bibliothécaire-archiviste. En leur nom à tous trois, le Président remercie la Compagnie de cette confiance renouvelée qui, rappelle-t-il, honore autant qu’elle oblige.

    La parole est à Bruno Tollon qui propose à la Compagnie deux notes brèves :

« Le grand degré du collège de Périgord à Toulouse (1367)

    Dans un essai qui a fait date, Jean-Marie Pérouse de Montclos (1) s’attachait à suivre l’apparition et le développement de l’escalier ouvert porté par des voûtes, en France et en Espagne. Le hasard d’une enquête permet d’apporter un nouvel élément aux exemples réunis jusqu’ici. On le trouve au collège de Périgord installé dans la plus vieille demeure patricienne de Toulouse. On sait que le cardinal Hélie de Talleyrand-Périgord avait prévu cette fondation par décision testamentaire avec un legs considérable de 20 000 livres tournois sous le vocable de Saint-Front de Périgueux ; il devait recevoir vingt étudiants


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TOULOUSE, COLLÈGE DE PÉRIGORD, plan de 1753, A.D. Hérault, C 544-1. Cliché A.D. de l’Hérault.

assistés de quatre chapelains et servis par sept domestiques (1360). Entre 1362 et 1371, les légataires firent l’acquisition de six hôtels situés à l’angle des actuelles rue du Taur et rue du Périgord et édifièrent le nouveau collège en réutilisant bon nombre de murs anciens et la vénérable tour des Maurand pour servir, au rez-de-chaussée, de sacristie à la nouvelle chapelle et de salle d’archives à l’étage. Entre 1363 et 1370 furent édifiées la chapelle le long de la rue du Taur et les trois ailes sur une cour entourée d’un cloître à deux niveaux (une seule aile au revers de la rue du Taur est encore conservée). Maurice Meusnier (2) a étudié l’histoire de cette entreprise grâce aux registres de comptes partiellement conservés. Ainsi l’auteur a-t-il retrouvé le détail de la construction du grand escalier dont les fondations commencent le 14 octobre 1367 ; les échafaudages de ses voûtes furent enlevés le 9 juin 1368 et ceux de ses murs le 26 novembre 1369. L’escalier a disparu au XIXe siècle quand le collège, cédé à l’archevêché, a été reconstruit pour l’installation du Grand séminaire (1823).
    Par chance, des plans du collège médiéval, dressés au XVIIIe siècle, permettent la localisation du grand degré (3). L’escalier était édifié dans l’aile nord du collège et communiquait avec le cloître par deux grandes arcades reposant sur des supports cruciformes. La légende du dessin à la plume indique bien la présence de ce " grand escalier voûté ". Les volées droites en retour d’équerre s’appuient sur les murs d’un grand vestibule. En prévoyant des voûtes, on a donné un caractère plus monumental à ce type d’escalier ouvert qui ne conduisait qu’au premier étage : avec vingt-trois marches, la première volée, appuyée sur le mur nord, aboutissait à un repos intermédiaire d’où la seconde volée plus courte (douze marches) prenait son départ. Celle-ci débouchait dans la galerie de l’aile orientale du bâtiment. On reconnaît ici une formule spectaculaire comparable à celle de l’escalier suspendu édifié avant 1347 pour le logis de la reine dans le palais des rois de Majorque à Perpignan. Ce prototype, lui aussi bien daté (4), est conservé. Il prend place dans un vestibule qui communique avec la cour par deux hautes arcades en plein cintre et dessert l’appartement de l’étage. Le parti de voûtement y est très élémentaire avec deux berceaux rampants en retour d’équerre sur lesquels sont posées les marches. La retombée des berceaux est appuyée sur les murs ; au retour, le berceau de la deuxième volée prend naissance sur le flanc de la première volée. Avec ou sans échiffre pour supporter le départ de la voûte, l’escalier du


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collège toulousain montre un parti très proche et constitue, à l’heure actuelle, le plus ancien exemple en France de la formule observée à Perpignan. En 1982, Jean-Marie Pérouse de Montclos ne voyait au prototype de la capitale du royaume de Majorque qu’une descendance espagnole. Depuis son enquête, les travaux consacrés à l’architecture civile médiévale ont fait avancer la connaissance de la distribution. On trouve dans les cours des grands hôtels médiévaux des escaliers ouverts établis sur voûte rampante à une ou deux volées (5).
    Intégrée à une aile du bâtiment, la solution observée à Perpignan et à Toulouse est porteuse d’avenir. Dans le premier cas, l’escalier est placé sous un portique largement ouvert sur la cour de la reine ; dans le second, il est édifié dans un vestibule séparé de la cour par les travées du cloître. En attendant la découverte d’autres escaliers suspendus, la solution monumentale retenue pour le collège toulousain s’inscrit dans le cadre languedocien au sens large où la tradition stéréotomique a toujours été significative. Plus d’un demi-siècle avant la fameuse " vis de Toulouse ", désormais bien datée de 1531 et dont l’auteur est identifié (6), les responsables de la fondation de l’évêque de Périgueux misaient sur un escalier spectaculaire pour conférer au nouveau collège un caractère palatial.

Bruno TOLLON »

1. Jean-Marie Pérouse de Montclos, L’architecture à la française, Paris, 1982, p. 167.
2. Maurice Meusnier, « Fondation et construction d’un collège universitaire au XIVe siècle : le collège de Périgord à Toulouse », dans Annales du Midi, 1951, p. 211-221.
3. A.D. Hérault, C 544, devis de réparation, 1753.
4. Marcel Durliat le date avant 1347 (L’art dans le royaume de Majorque, Toulouse, 1962, p. 205).
5. Bernard Sournia, Jean-Louis Vayssettes, Montpellier : la demeure médiévale, Paris,1991, p. 72-80 ; Anne-Laure Napoléone, Figeac au Moyen Âge : les maisons du XIIe au XIVe siècle, Figeac, 1998, 2 vol. ; Maurice Scellès, Cahors : ville et architecture civile au Moyen Âge, Paris, 1999, p. 111-127.
6. Bruno Tollon, « "L’escallier de Toulouze" ou la vis des archives revisitée », dans M.S.A.M.F., t. LII, 1992, p. 97-106.

    À propos de l’escalier du collège de Périgord, le Président ayant manifesté sa surprise devant les comparaisons proposées avec l’escalera en rincón de claustro que l’on connaît en Espagne, Bruno Tollon précise que les escaliers à trois volées se développent surtout à partir du début du XVIe siècle.
    Maurice Scellès remarque que l’on s’attendrait plutôt pour cette époque à un escalier sous galerie immédiatement accessible : la formule de l’escalier isolé dans une cage serait exceptionnelle. Bruno Tollon note que les escaliers étaient parfois situés au revers du corps sur rue, et ne se trouvaient donc pas toujours placés dans l’axe de l’entrée.

    Bruno Tollon présente ensuite un décor peint du château de Rudelle (Muret) :

« Le château de Rudelle et le décor peint du galetas

    Ces dernières années, les découvertes de décors peints dans les édifices civils se sont multipliées. Cependant beaucoup de monuments attendent encore des enquêtes complètes. Ainsi en est-il du château de Rudelle, près de Muret, inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis 1979 pour " ses façades et toitures, six cheminées et des vestiges de peintures murales au troisième étage " qui vont nous intéresser ici.
    Le château est représentatif des traditions techniques propres à la région toulousaine : maçonneries de briques nues et pierre de taille pour les baies et l’escalier. Bâti à proximité d’une rivière, il réunit toutes les dépendances nécessaires à un grand domaine : moulins, tuilerie, bâtiments agricoles, écuries et remises, mais ces derniers ne dessinent pas la cour du château. Celui-ci reste isolé et offre un plan massé avec trois étages au-dessus du rez-de-chaussée réservé à la cuisine et à l’office. L’allure du château lui est procurée par quatre tourelles d’angle et, au-dessus de la vis d’escalier, un pavillon plus élevé abritant la pièce haute avec sa vis d’accès. Peu transformé au XIXe siècle, on trouve ici des témoignages significatifs de l’art d’habiter sous l’Ancien Régime. Seul le premier étage a été repartagé et les plafonds plâtrés. En revanche, le second étage a conservé ses poutres et ses cheminées ornées, et aussi les poteaux des cloisons qui isolaient la chambre de la garde-robe, du côté oriental ; enfin, chaque pièce possède un dégagement – ou cabinet – dans la tourelle d’angle. Au total, le château offrait, à chaque étage, deux appartements séparés par la salle. Au troisième étage, d’une hauteur bien moindre, la charpente, modifiée au XIXe siècle, reste apparente ; aucune division ne vient cloisonner cet espace


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LE CHÂTEAU DE RUDELLE (HAUTE-GARONNE) au XIXe siècle,
d'après un dessin de la collection d'Ingres conservé au musée de Montauban.

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CHÂTEAU DE RUDELLE (HAUTE-GARONNE), plan au niveau des combles.
Relevé Jean-Louis Claverie, architecte.

 


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CHÂTEAU DE RUDELLE (HAUTE-GARONNE), décor peint du galetas : Cérès.

bien éclairé avec dix-huit ouvertures cintrées ou " mirandes " qui font de cet étage de galetas un lieu d’accueil comme grenier à provision, étendoir ou garde-meuble, mais également un promenoir superbe ouvert sur la plaine au-delà du parc du château.

    Rudelle a vraisemblablement été construit par Guillaume de Rudelle, petit-fils d’un marchand du Rouergue dont les enfants avaient accédé à des fonctions d’avocat ou de conseillers au Parlement. Guillaume, fils de Hugues de Rudelle et de Marie Daffis, est capitoul en 1607-1608, conseiller en 1610 puis président de 1637 à 1642 ; en 1604, son mariage avec Madeleine de Catelan, d’une famille parlementaire, lui apporte les moyens d’édifier un château neuf. La construction se place vraisemblablement en même temps que celle des hôtels élevés pour François de Chalvet et Georges de Caulet, tous deux membres du Parlement et très liés à Guillaume de Rudelle. Les caractères architecturaux et décoratifs sont les mêmes : tourelles maigres pour Caulet et Rudelle, fenêtres de pierre à meneaux et traverses ornées de motifs identiques (Rudelle, Caulet et Chalvet) (1).

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CHÂTEAU DE RUDELLE (HAUTE-GARONNE), décor peint du galetas : bordure inspirée des « grotesques ». 

    À Rudelle, les vestiges d’un important décor peint se situent au troisième étage, occupant toute la paroi du côté nord, depuis le montant de la cheminée installée sur le petit côté à l’ouest jusqu’à la porte de la tourelle orientale ; en revanche, aucune trace de badigeon ou de décor n’a été repérée sur la moitié sud de l’étage. Tout semble confirmer que la peinture n’a été prévue que pour la seule moitié nord du galetas.
   Les peintures ont subi de multiples dégradations lors des réfections apportées à la charpente : trois piliers ont doublé les trumeaux 3, 4 et 5, les enduits ont été pour la plupart arrachés à la partie supérieure du mur et seules les bordures des baies ou des portes ouvrant sur les deux tourelles conservent badigeons et éléments ornementaux.
    Une scène occupe le grand trumeau côté ouest au-dessus de ce qui semble avoir été un faux lambris bas. On distingue un personnage féminin adossé à un arbre, un cheval et un chien dans un paysage. Des fragments de bordure montrent des trophées et un satyre.
    Les trumeaux étroits étaient réservés à de grandes figures. On distingue sur le trumeau 6 un personnage en cuirasse tenant une lance au bout de laquelle se love un serpent. Au dernier trumeau


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(n° 8), on reconnaît Cérès avec une gerbe de blé sur le bras. Une frise d’ornements composée de trophées musicaux l’encadre. Le dessin élégant de la draperie, l’allure dansante et les proportions élancées de la figure évoquent le maniérisme de la seconde École de Fontainebleau. Les bordures rappellent les panneaux de " grotesques " mis à la mode par la gravure (2). Ce style est illustré à Toulouse par Jacques Boulvène et ses figures sophistiquées dont la manière est identifiable dans les peintures des Annales de la Ville. Un fragment retrouvé, qui montre des rois mages en costume oriental, brandissant des vases d’offrandes, évoque pleinement cet art de cour étudié par Jean-Claude Boyer à propos de l’Allégorie de la Prévoyance, de l’Honneur et de la Vigilance (3).
    Les vestiges de décor peint de Rudelle posent le problème des circonstances de la réalisation du programme. Avec les poutres peintes et les cheminées ornées des autres étages, l’ensemble atteste la place tenue par la peinture murale dans les décors intérieurs du XVIIe siècle. Toutefois, l’emplacement du programme le plus élaboré, mêlant figures de pastorales et divinités de la " Fable ", qu’on attendrait dans une galerie, ne laisse pas de surprendre. L’hypothèse la plus vraisemblable reste celle d’un décor rapidement brossé pour une fête, sans doute un mariage.
    Le caractère des frises inspirées par les thèmes des grotesques et le style maniériste des figures évoquent bien le premier tiers du siècle. Dans le reste du château, les poutres peintes, les frises hautes (rinceaux, médaillons à paysage…) comme les manteaux des cheminées relèvent au contraire d’un autre contexte stylistique et appartiennent à la seconde moitié du XVIIe siècle.

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CHÂTEAU DE RUDELLE (HAUTE-GARONNE), deuxième étage, élévation intérieure est.

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CHÂTEAU DE RUDELLE (HAUTE-GARONNE), plafond du deuxième étage. 

    L’intérêt de ce décor est de poser le problème de l’utilisation apparemment noble de ces parties hautes, ces niveaux de " mirandes " trop souvent considérés comme des espaces secondaires dévolus à des fonctions de stockage, séchage et rangement. Il restera à s’interroger, après nettoyage et restauration, sur les caractéristiques de l’iconographie et les rapports qui pourraient être établis avec d’autres manifestations de la vie culturelle toulousaine.

Bruno TOLLON »

1. Cf. VUILLEZ (Éric), L’hôtel de Caulet avant 1630, mémoire de maîtrise, Université de Toulouse-Le Mirail, 1992.
2. GRUBER (Alain), L’art décoratif en Europe, t. 2, Renaissance et Maniérisme, 1993.
3. BOYER (Jean-Claude), «Boulbène, Ripa, Richeome», dans Revue de l’art, 1992, p. 42-50.

    Le Président le remercie de nous avoir révélé ce décor inattendu, conservé dans un comble qui n’avait pas à l’évidence une fonction de grenier. Bruno Tollon précise que les mirandes au revers desquelles se trouve le décor sont tournées vers le nord, et il ajoute que la salle devait être plafonnée.
    Bruno Tollon ayant évoqué des décors réalisés pour des circonstances très précises, Maurice Scellès demande si cette hypothèse ne doit pas être envisagée pour celui du château de Rudelle. 
    Répondant à Guy Ahlsell de Toulza, Bruno Tollon indique que la pièce aveugle qui existe à chaque étage servait peut-être de resserre, et que l’on en connaît d’autres exemples ailleurs.

 

SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mme Napoléone, MM. Gilles, Roquebert, membres titulaires, Mme Pujalte, MM. Bordes, Cranga, Manuel, Salvan-Guillotin, membres correspondants.
Excusés : M. Coppolani, Directeur honoraire, MM. Burroni, Tollon.

    À la demande du Secrétaire général, la lecture du procès-verbal de la séance du 18 janvier est reportée.
    Le Président communique à la Compagnie qu'il a été entendu avec notre consœur Évelyne Ugaglia qu’une visite de l’exposition Les arts du métal, qui vient tout juste d’ouvrir au Musée Saint-Raymond, serait organisée hors calendrier avant le mois de juin.
    Marie-Luce Pujalte offre à la Société un exemplaire de sa thèse : L’architecture civile privée du XVIIIe siècle à Toulouse, sous la direction de M. le Professeur Yves Bruand, Université de Toulouse-Le Mirail, 1999, 2 vol. de texte 540 p., 3 vol. de planches 252 p.
    L’ordre du jour appelle l’élection de deux membres correspondants. Après audition des rapports présentés par le Secrétaire général, on procède au vote : le général Pierre Garrigou Grandchamp et M. Christophe Évrard, animateur du patrimoine des bastides du Rouergue, sont élus membres correspondants de notre Société.


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    La parole est alors à Louis Latour pour une communication consacrée à Jacques-Jean Esquié et la construction de l'église de la Madeleine à Auterive (Haute-Garonne) :

« L’ancienne église

    À la fin du XIIe siècle, la construction du grand pont d’Auterive sur l’Ariège permit l’extension de la ville sur la rive gauche : quelques maisons se regroupèrent autour d’une petite église, constituant ainsi le faubourg du Bout-du-Pont.
    Modeste édifice, à l’origine, elle se révéla très vite insuffisante pour accueillir une population sans cesse croissante de brassiers, de marins et de pêcheurs. Elle fut agrandie en 1764 par l’adjonction de trois grandes chapelles à l’ouest de la nef.
    L’église de la Madeleine prit alors le visage définitif qu’elle devait garder jusqu’au milieu du XIXe siècle. La nef qui surplombait à l’est le lit de l’Ariège, était longée du côté du faubourg par la sacristie et les trois chapelles dédiées à la Vierge, à saint Éloi et à sainte Catherine. Au nord de l’édifice s’ouvrait l’entrée principale au-dessous du clocher-mur traditionnel de forme triangulaire percé de cinq ouvertures pour recevoir les cloches. Le portail était précédé d’un porche dans lequel s’ouvrait l’escalier d’accès à la tribune. Sous celle-ci, une porte permettait d’entrer dans les fonts baptismaux installés dans une petite salle contiguë au porche, du côté de la rivière.

    La population du faubourg ayant fortement augmenté au début du XIXe siècle (1 500 habitants, 500 communiants environ, en 1834) et la paroisse voisine de Saint-Martin-de-Luffiac ayant été rattachée à celle de la Madeleine, l’église du Bout-du-Pont se révéla à nouveau très insuffisante. Un projet d’agrandissement proposé par la fabrique en 1841, sur des plans de Virebent aîné, architecte de la ville de Toulouse, dut être ajourné par manque de ressources.

    En 1853, l’abbé Ginesté, curé de la Madeleine, exposa au conseil municipal « qu’il [avait] acheté une portion considérable d’un terrain qui lui [semblait] convenable pour l’emplacement d’une nouvelle église, qu’il [mettait] ce terrain à la disposition de la commune avec les ressources dont il [pouvait] disposer et qu’il [évaluait], avec les prestations volontaires, à une somme approximative de 15 000 F. »
    La municipalité, craignant d’être entraînée dans des dépenses excessives, choisit la solution plus économique de l’agrandissement de l’ancienne église et chargea Jacques-Jean Esquié, architecte du département et des édifices diocésains, de présenter un projet dans ce sens.

    L’architecte proposa l’ajout de trois travées à l’extrémité nord de l’église. Les deux premières couvraient la largeur de la nef et celle du collatéral, la première à l’emplacement de l’ancien porche, la seconde en avant de celle-ci. Elles étaient précédées d’une troisième travée plus réduite, de la largeur de la nef seulement, supportant la nouvelle tribune, au-dessus du portail d’entrée.
    La façade gardait son caractère traditionnel avec un portail cintré et un clocher-mur triangulaire percé de trois baies. L’ensemble des travaux était évalué à 5 520 F.

AUTERIVE (HAUTE-GARONNE), ÉGLISE DE LA MADELEINE.
L’agrandissement de l’ancienne église. Projet de J.-J. Esquié.

    Le projet d’agrandissement fut voté par le Conseil municipal le 14 mai 1854, approuvé par le préfet et consacré par le décret impérial du 19 août 1854. Le 4 février 1855 la municipalité décidait l’adjudication immédiate des travaux.
    Le curé et la fabrique s’opposèrent énergiquement au projet Esquié : l’agrandissement consistait en fait en un allongement excessif de la nef qui aurait mesuré plus de 30 m de long – un véritable couloir – 


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et n’aurait pas réglé les problèmes d’insalubrité et d’insécurité liés à la proximité de l’Ariège. L’abbé Ginesté opta définitivement pour l’édification d’une nouvelle église, prit comme architecte un conducteur des Ponts-et-chaussées, Piette, posa solennellement la première pierre, le 24 juillet 1854, puis commença activement la construction projetée.
    Le conflit, d’une rare violence, dura plus d’un an. Des expertises tempérèrent quelque peu l’ardeur des deux parties et, le 22 mars 1856, le préfet se laissa fléchir par la détermination du curé et de la fabrique. Il refusa le projet d’agrandissement de la vieille église et invita la municipalité à collaborer avec la fabrique pour la construction de la nouvelle église.

La nouvelle église de la Madeleine 

    Le préfet confia à Esquié le soin d’expertiser les travaux déjà réalisés par Piette et d’évaluer les compléments nécessaires pour l’achèvement de la nouvelle église. L’architecte estima que cette dépense pourrait être réduite à 21 500 F mais que « le projet en cours d’exécution [était] très médiocre, ne [présentait] soit à l’intérieur soit à l’extérieur, aucun caractère religieux, et [n’avait] pas été approuvé » et proposait « d’inviter M. le curé ou M. le Maire à faire dresser un nouveau projet par un des architectes (…) recommandés aux communes ».
    Malgré l’appui du curé Ginesté en sa faveur, le préfet écarta définitivement Piette de la construction de la nouvelle église et confia à J.-J. Esquié le soin de dresser les plans et devis définitifs.
    L’architecte diocésain présenta le projet définitif le 1er mars 1859. Dans son descriptif, il constatait d’abord l’état du chantier : « il comprend actuellement les murs latéraux de la nef, les bas-côtés avec leur toiture et la façade principale. » Et il ajoutait : « chargé par M. le curé et la fabrique de cette paroisse de modifier le projet en cours d’exécution, et de donner à cette église, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur, un caractère et des formes architecturales plus en rapport avec sa destination, j’ai dû conserver autant que possible les constructions érigées jusqu’à ce jour, afin de réduire au strict nécessaire le chiffre de la dépense restant à effectuer pour approprier cet édifice de manière à pouvoir y célébrer convenablement les cérémonies religieuses. »
   
« Ce résultat sera obtenu par la construction du sanctuaire [le chœur] et de la sacristie, l’exhaussement des murs de la nef et de la façade principale à partir des accoudoirs des fenêtres supérieures, l’établissement de la toiture de la nef ainsi que des voûtes et des carrelages de tout l’édifice, enfin par le placement provisoire des portes, fenêtres, autels, confessionnaux, etc., etc. provenant de l’église actuelle (…) » et par la rectification de « la partie inférieure de la façade principale » selon les dessins annexés.

AUTERIVE (HAUTE-GARONNE), ÉGLISE DE LA MADELEINE.
La façade de la nouvelle église. Projet de J.-J. Esquié.

    Le devis estimatif s’élevait à 20 200 F, compte tenu des prestations volontaires que devaient assurer de nombreux paroissiens, des rabais importants consentis par les fournisseurs et de l’ajournement de la construction du clocher et de la décoration intérieure.
    Les projets d’Esquié, approuvés par le conseil municipal d’Auterive et par le conseil de fabrique,


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furent entérinés par le décret impérial du 15 décembre 1860. Le projet fut enfin approuvé par le préfet qui accorda une subvention de l’État de 3 000 F, le 19 avril 1861.
    Malgré un nouveau conflit entre la fabrique et la municipalité au sujet du financement des portes et fenêtres, la construction fut menée à bien par l’entreprise Th. Pourquié sous la direction de Jacques-Jean Esquié et l’église inaugurée en 1863.
    Le clocher dont la réalisation avait été ajournée du fait des ressources insuffisantes de la commune et de la fabrique, fut construit en 1871 par Pourquié, pour la somme de 6 732 F avec une aide importante de l’État de 4 000 F pour l’achèvement de l’église.

Dans la nouvelle église : quelles sont les parts respectives de Piette et d’Esquié ?

    Les plans de la nouvelle église de la Madeleine conçus par Piette en 1855, ne furent communiqués à l’administration préfectorale que très tardivement en mai 1858 mais, égarés, ne furent transmis par le préfet à J.-J. Esquié que le 29 septembre de la même année.
    Ces plans ayant été définitivement perdus, à notre connaissance, nous devons nous appuyer sur leur critique faite par l’architecte diocésain pour essayer de distinguer les parts respectives des deux architectes dans l’église actuelle de la Madeleine.

Le plan 

    Le plan fourni par Esquié faisant apparaître l’extension du projet par l’adjonction du chœur semi-circulaire et de la grande sacristie contiguë, on pourrait croire que l’idée en revient à l’architecte diocésain. Or l’étude des documents est claire : dans un premier rapport du 24 janvier 1856, Esquié critique la voûte de l’hémicycle du sanctuaire conçue par Piette et regrette que la grande sacristie [prenne] jour sur une propriété voisine. Le sanctuaire semi-circulaire et la grande sacristie figuraient donc bien sur les plans de Piette mais ne purent être construits par lui car ils nécessitaient l’expropriation de propriétaires voisins : chose impossible pour la construction d’une chapelle privée entreprise par la fabrique sans autorisation officielle, sur un terrain lui appartenant.
    Le plan complet de l’église est donc bien l’œuvre de Piette, y compris l’abside en hémicycle et la sacristie contiguë. Il montre une large nef flanquée de deux bas-côtés ouverts à leurs extrémités proches du sanctuaire et destinés sans doute à recevoir des chapelles successives. Le plan d’Esquié, au contraire, ferme ces extrémités, transforme les collatéraux en nefs secondaires destinées à recevoir chacune un autel unique proche du maître-autel, et complète ainsi le plan basilical.

AUTERIVE (HAUTE-GARONNE), ÉGLISE DE LA MADELEINE.
Plan montrant les constructions réalisées par Piette
et les modifications prévues par J.-J. Esquié en 1859.

Les constructions 

    J.-J. Esquié dans son rapport du 1er mars 1859 précisait que la construction déjà


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réalisée par Piette comprenait les bas-côtés avec leur toiture, les murs latéraux de la nef et la façade principale jusqu’aux appuis des fenêtres. Il s’engageait pour sa part à construire le sanctuaire – c’est à dire le chœur – et la sacristie, à achever l’élévation des murs de la nef et de la façade principale « à partir des accoudoirs des fenêtres supérieures », à couvrir la nef et à voûter et carreler tout l’édifice, ainsi qu’à « rectifier la partie inférieure de la façade principale » déjà construite.
    Nous pensons donc qu’il convient d’attribuer à Piette, conducteur des Ponts-et-chaussées à Villefranche, les ouvrages suivants :

  • les fondations de l’ensemble de l’édifice, selon un plan rectangulaire s’arrêtant à la naissance du chœur,
  • la maçonnerie et la couverture des deux bas-côtés y compris les murs et les arcs séparant les chapelles de la nef,
  • les murs latéraux de la nef jusqu’à la base des fenêtres supérieures,
  • la partie inférieure de la façade principale qui sera ensuite rectifiée par son successeur.

    Jacques Jean Esquié ayant achevé l’édifice en conservant « autant que possible les constructions érigées jusqu’à ce jour », nous lui devons donc :

  • l’achèvement des murs de la nef,
  • la construction du sanctuaire semi-circulaire et de la sacristie adjacente,
  • le voûtement de la nef et des chapelles en voûtes d’arêtes et celui du chœur en cul-de-four,
  • le dallage de tout l’édifice,
  • la couverture de la nef, la charpente reposant sur quatre murs pignons bâtis sur les reins des arcs doubleaux,
  • l’achèvement de la façade principale : rectification de la partie inférieure construite par Piette, construction de la partie supérieure,
  • et, plus tard, la construction du clocher.

Le caractère religieux de l’édifice

    Dans sa critique du projet Piette, l’architecte diocésain se plaignait surtout que le plan soit « dépourvu (…) de tout caractère architectural convenable alors qu’il s’agirait d’appliquer à l’entière construction d’un monument religieux les saines idées mises en honneur par la rénovation artistique dont l’administration doit surveiller et assurer les progrès (…) » (Rapport du 24 janvier 1856).
    Esquié s’engagea alors à « donner à cette église, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur, un caractère et des formes architecturales plus en rapport avec sa destination » (Projet du 1er mars 1859).
    Et il ajouta, nous l’avons vu, « ce résultat sera obtenu par la construction du sanctuaire et de la sacristie, l’exhaussement des murs de la nef et de la façade principale à partir des accoudoirs des fenêtres supérieures, l’établissement de la toiture de la nef ainsi que des voûtes et des carrelages de tout l’édifice ».
    Il est évident que le caractère religieux de l’édifice ne peut découler du seul achèvement de la construction : le maçon construit, l’architecte imprime son style. C’est le style de J.-J. Esquié que nous voulons retrouver dans l’église de la Madeleine…

À l’extérieur 

    La petite phrase suivante, à la fin du projet Esquié, était passée jusqu’ici inaperçue : « on rectifiera la partie inférieure de la façade principale [déjà construite par Piette] conformément aux indications des dessins ci-annexés. »
    Si les volumes et les proportions de la façade principale sont bien l’œuvre de Piette, nous pensons que nous devons à Esquié tout l’aménagement architectural qui lui est propre :

  • le fronton classique et les puissants pilastres qui le supportent, apparentés à ceux de Saint-Martin-du-Touch et de Villemur,
  • les baies accolées que l’on retrouve dans les mêmes églises,
  • les rangées de petites arcatures qui décorent de même les églises de Longages, de Bélesta-Lauragais, de Villemur et de Saint-Martin-du-Touch,
  • et le portail en plein cintre à la mouluration large et profonde semblable à ceux des autres églises remaniées ou construites par J.-J. Esquié.

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    La « rectification » de la façade imprime bien à l’église de la Madeleine la marque personnelle de l’architecte toulousain.

À l’intérieur 

    Le néo-roman qui inspire déjà la façade, s’exprime pleinement dans l’aménagement de la nef et des chapelles.
    Ici encore nous retrouvons des modèles chers à J.-J. Esquié :

  • l’usage exclusif du plein cintre pour les baies et pour les arcs séparant la nef des collatéraux,
  • les larges moulurations de ces arcs,
  • la corniche puissante qui les surplombe,
  • et surtout la voûte en cul-de-four de l’abside, entièrement aveugle, destinée à recevoir un vaste décor peint.

    Si le plan de l’église est bien l’œuvre de Piette, l’aménagement religieux de l’édifice reflète tout à fait l’inspiration et la technique d’Esquié. À la construction entreprise par un conducteur de travaux, l’architecte a ajouté une âme. En ce sens, l’église de la Madeleine est bien réellement l’œuvre de Jacques-Jean Esquié…

En guise de conclusion : questions et hypothèses

Un projet inédit 

    La découverte d’un projet inédit, d’origine inconnue, conduit à de nouvelles interrogations au sujet des projets initiaux du curé Ginesté. Il s’agit de deux plans dressés par Louis Bordes, architecte à Paris, et intitulés « Projet d’une église pour la paroisse de la Madeleine à Auterive ».

    Ces plans sont datés du 1er juin 1853. La date n’est pas quelconque : le 10 février 1853, le curé Ginesté avait proposé son terrain pour l’emplacement de la nouvelle église et, le 27 avril suivant, une commission municipale avait rendu un rapport favorable demandant qu’un plan et un devis soient dressés pour le 8 mai. Il est donc probable que le plan de L. Bordes a été dressé alors à la demande de la fabrique et il est possible que ce plan ait inspiré le projet du conducteur Piette.
    Le premier plan présente la façade principale avec son portail cintré encadré de deux portes secondaires et surmonté de trois fenêtres accolées séparées par des colonnettes. De part et d’autre, on aperçoit le profil des bas-côtés éclairés chacun par une fenêtre en plein cintre. Au-dessus, un clocher à section carrée avec une fenêtre à abat-son surmontée d’une flèche couverte d’ardoise. La décoration est très simple, plutôt pauvre.
    La coupe du chœur montre sa voûte surbaissée, la ferme supportant la toiture et la structure des bas-côtés. Cette vue montre également le décor projeté : au-dessus d’un autel très simple, les médaillons des apôtres Pierre, Jean et Paul ; au-dessus encore, entre deux baies en plein cintre, un grand tableau représente le couronnement de la Vierge. Les couleurs ternes, la décoration limitée traduisent ici aussi une simplicité qui confine à la pauvreté.
    Ces plans, dans lesquels nous croyons déceler une certaine indigence, traduisaient-ils vraiment les goûts et les désirs du curé et de la fabrique ? La découverte assez récente – vers 1990 – du Registre des délibérations du Conseil de fabrique de la paroisse de la Magdelaine d’Auterive (1836-1899) apporte ici encore de nouveaux éléments de recherche.

« Le style grec a aussi son mérite… »

    Dans sa séance du 9 février 1856, le Conseil de fabrique réfute longuement les critiques portées par Esquié contre le projet Piette dans son rapport de janvier 1856. Nous lisons ainsi, sous la plume du curé Ginesté : « Le style de l’église n’est pas différent de celui qu’on a adopté, à des époques très récentes, pour une foule de monuments religieux, soit dans le département, soit dans le reste de la France – voir notamment les églises de Castanet et de Lanta. M. l’architecte sait bien mieux que nous que les paroisses de campagne, dépourvues de ressources, ne peuvent pas prétendre à des ornementations gothiques ou à la magnificence du style roman. Le style grec a aussi son mérite, et en


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AUTERIVE (HAUTE-GARONNE), ÉGLISE DE LA MADELEINE.
Le projet de Louis Bordes : la façade principale.


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permettant plus d’économie, il permet aussi de réaliser des projets qui n’offensent ni le progrès des arts, ni les idées saines d’architecture, et tel est le projet dressé par M. Piette. »
    Sans doute ne faut-il pas attendre de l’abbé Ginesté une connaissance approfondie des styles architecturaux. Il oppose surtout ici la simplicité de ce qu’il nomme le style grec à la magnificence du néo-gothique et du néo-roman pour des raisons pécuniaires : c’est la modicité des ressources locales qui le contraint à la simplicité. Mais les deux exemples qu’il donne – les églises de Castanet et de Lanta – témoignent de ses préférences artistiques. Leurs belles façades classiques à frontons triangulaires inspirées du style grec, œuvres respectives des architectes D. Villeneuve et U. Vitry, représentaient pour lui le modèle idéal : modèle architectural, certes, mais aussi modèle économique car leur simplicité apparente était le gage d’un coût raisonnable.

FAÇADES COMPARÉES.
1. Église de Castanet (Haute-Garonne) : D. Villeneuve, architecte, 1837-1859.
2. Église de Lanta (Haute-Garonne) : U. Vitry, architecte, 1847-1849.
3. Église de la Madeleine à Auterive : projet de L. Bordes, architecte, 1853.
4. Église de la Madeleine à Auterive : J.-J. Esquié, architecte, 1859-1863.

    Lorsque, à partir de 1858, après l’éviction de Piette, l’abbé Ginesté devint l’un des interlocuteurs du nouvel architecte, ses goûts personnels durent rejoindre facilement ceux de J.-J. Esquié. La comparaison des façades représentées par les schémas montre à l’évidence la pauvreté du projet de L. Bordes et, en revanche, la parenté de style entre les façades d’Auterive, de Castanet et de Lanta. Le mérite du style grec avait été reconnu…


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    Nous souhaitons que la découverte de nouveaux documents, en particulier le plan de la façade projetée par Piette, puisse apporter une réponse définitive à nos questions. Mais pour nous une réponse est déjà certaine : l’église de la Madeleine est bien, au sens le plus noble du mot, l’œuvre de Jacques-Jean Esquié.

___________

Sources :

Archives paroissiales d’Auterive : Registre 192.
Archives départementales de la H.-G. : 2.O.46.
Archives personnelles de l’auteur : Plans de Louis Bordes (1853).

Louis LATOUR »

 

    Le Président remercie Louis Latour en remarquant qu’il minimise son apport au dossier, alors que toutes ces précisions permettent de mieux comprendre les aléas du chantier et les choix définitifs. Il souligne combien il était en effet aisé de démontrer les faiblesses du projet de Piette, l’abside ne pouvant être construite qu’en ayant recours à une mesure d’expropriation pour utilité publique qui ne pouvait être mise en œuvre par le clergé. Le Président insiste également sur le fait que finalement moins d’un tiers des murs est attribuable à Piette et qu’Esquié a dû ajouter des contreforts pour pouvoir les surélever. Louis Latour note que Piette avait prévu des contreforts sur l’abside qu’il n’a pas eu la possibilité de construire.
    Le Président rappelle qu’Esquié s’en tient souvent à des dispositions standard, avec un clocher en façade et un plan basilical à chapelles latérales. L’originalité de l’église de la Madeleine est qu’elle associe un clocher de style roman bourguignon, et non local, à un édifice de style néo-roman. Il serait intéressant de faire le calcul du prix de revient par habitant. Louis Latour s’exécute immédiatement de bonne grâce en indiquant qu’il est parvenu à un prix de revient par habitant de la commune de 24 F., et de 71 F. par paroissien, soit un coût bien inférieur au maximum de 100 F. par habitant selon les normes officielles citées par Odile Foucaud. Grâce au clergé, Auterive a donc hérité d’une grande église pour un coût assez faible.

    M. Gilles s’enquiert de ce qu’il est advenu de l’ancienne église. Louis Latour indique qu’elle a été vendue à un minotier qui voulait édifier un moulin sur le bord de la rivière, les pierres du portail et des fenêtres devant être récupérées pour la nouvelle église. Le projet n’a pas été réalisé et l’église a été rachetée par la commune qui a établi un jardin public sur son emplacement.

 

    Michel Roquebert présente des notes :

« Sur l’ancienneté de la famille de Ulmo à Toulouse

    Jean de Ulmo – dont nous pouvons faire en occitan Jean Deloume et en français Jean Delorme (1) – est bien connu à Toulouse pour avoir fait édifier entre 1520 et 1530 l’hôtel situé à l’actuel n° 15 de la rue Ninau, et pour avoir eu une surprenante carrière. Avocat général au Parlement en 1526, président à mortier en 1529, il fut impliqué dans une grave affaire de corruption, qui entraîna en 1537 sa dégradation publique, son exposition au pilori place Saint-Georges et sa flétrissure au fer rouge sur le front. Après quoi, condamné à la prison à vie, il fut transféré au fort de Saint-Malo. Affecté, vu son niveau de culture, aux écritures, il trouva le moyen de falsifier les comptes du gouverneur, et cette fois fut pendu. C’était en 1549.

    Que peut-on savoir sur l’ancienneté du patronyme de Ulmo à Toulouse ?

    Le Cartulaire du Bourg nous montre plusieurs consuls portant pour patronyme de Ulmo de 1205 à 1226 ; ce sont Raymond [1204, 1205, 1208, 1215, puis, 1221 – mais est-ce le même (2) ?] Arnaud [1220 (3)] et Guillaume [1226 (4)]. Les actes ne permettent cependant pas de déceler leurs liens de parenté. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’un Raymond de Ulmo, qui pourrait être le consul de 1204 et 1205, avait en 1201 un frère nommé Pierre, et en 1205 – si c’est le même Raymond, un frère nommé Bernard (6). Trente ans plus tard, exactement en mars 1236, on voit apparaître de nouveau deux frères nommés Raymond et Bernard de Ulmo (7).


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    De son côté, le petit mémoire de Fr. Guillaume Pelhisson sur la construction du couvent des Prêcheurs, que Bernard Gui a recopié dans son De Fundatione, nous fait connaître un Pierre de Ulmo, dont on ne saurait dire si c’est celui de 1201, mais dont on sait qu’en 1229 il vend pour 600 sous toulzas au prieur des Prêcheurs un jardin avec maison et pigeonnier, situé dans le bourg et appuyé au mur de la Cité  (ortum cum columbario ex partie burgi et quamdam domum contiguam columbario). « Ce jardin s’étend du Sauzat du Bourg, qui est devant le puits de la rue qui conduit à l’Orme sec (ad ulmam siccam) jusqu’au mur de la Cité, et de la maison d’Arnaud Nouvel jusqu’au jardin d’Arnaud Souquière, c’est-à-dire de même que coule le Sauzat, par où s’écoulent les eaux pluviales communales » (8). Cette « rue qui conduit à l’Orme sec » apparaît dans un acte du 15 février 1219 du cartulaire de Lézat, comme carraria que ducit ad Ulmos (9). Pelhisson parle dans sa Chronique, à la date de 1234, du vicus qui vocatur l’Olmet sec (10), qui devint en 1851 la rue Romiguières. Quant au Sauzat du Bourg, c’était un ruisseau bordé de saules qui servait de drain et qui coulait vers la Garonne, entre le mur de la Cité et le tracé de l’actuelle rue Pargaminières (11).
    En 1231, le même Pierre de Ulmo vend 300 sous, toujours aux Prêcheurs, un autre jardin situé ex parte burgi, sur lequel seront notamment édifiés l’hospitium, la plupart des logements du couvent, les cuisines, la cuisine de l’infirmerie et le réfectoire des malades. Une partie du jardin acquis restera cependant à usage de jardin, « de l’hôpital jusqu’au mur de la rue du côté de l’Olmet » (12).
    En 1246, ce sont les héritiers de Pierre de Ulmo qui vendent au prieur des Prêcheurs, Raymond de Foix, une maison, avec four et jardin, qui s’étend jusqu’à la tour de Guillaume de Ferrières et au mur de la Cité, et où va être construite la nouvelle infirmerie. Le tout est vendu 600 sous, mais les vendeurs abandonnèrent 150 sous à titre d’aumône pour le repos de l’âme de Pierre de Ulmo (13).

*

    Quatre personnages nommés de Ulmo figurent dans le diplôme délivré en 1279 par le roi Philippe le Hardi, et ordonnant la restitution aux légitimes héritiers des biens confisqués par le passé aux fauteurs d’hérésie condamnés à la prison. Un Arnaud de Ulmo est au rang des pétitionnaires qui ont demandé la restitution des patrimoines confisqués (14). Sans doute est-il lui-même l’héritier, ou l’un des héritiers, des trois de Ulmo, Pons, Guillaume-Pierre et Raymond, dont les biens saisis pour hérésie seront restitués (15), encore qu’on ne sache rien de leurs condamnations : pour beaucoup de personnages touchés par le diplôme de 1279, on possède les sentences qui les ont condamnés à la prison perpétuelle et à la saisie de leurs biens – elles datent pour la plupart de 1246-1248 et ont été prononcées par les inquisiteurs Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre. Ce n’est pas le cas pour nos trois de Ulmo, condamnés, par conséquent, à des dates indéterminées.

    Sur le premier des trois, Pons, John Hine Mundy, qui a édité le diplôme royal de 1279, n’a rien trouvé, et je ne l’ai moi-même pas rencontré dans les documents inquisitoriaux. Guillaume-Pierre, en revanche, est mentionné dans un acte de juin 1226 : avec sa femme Arnaude et son fils Pierre-Jean, il vend six maisons sises près du rempart du Bourg Saint-Sernin (16); mais cela ne nous apprend rien sur ses liens avec l’hérésie. Finalement, le dernier des trois, Raymond de Ulmo est le seul à apparaître dans les sources inquisitoriales, sous le nom de Ramundus del Olm, lorsque, vers 1225, à Lanta, il écoute la prédication d’un éminent personnage de l’Église cathare, le diacre Bernard de Lamothe (17). Il est très vraisemblable, au vu des dates, qu’il s’agit du consul Raymond de Ulmo attesté par deux fois en 1221. On sait que tout au long de la première moitié du XIIIe siècle, un bon nombre de familles consulaires ont été impliquées, ouvertement ou clandestinement, dans l’hérésie.
    Raymond ne fut d’ailleurs pas le seul de Ulmo à avoir eu des relations avec l’Église interdite. À une date indécise, mais en tout cas avant 1241, un Arnaud Olme assista à Saint-Sernin, près de Bélesta-Lauragais, à un conseil que l’évêque cathare Bertrand Marty – descendu pour l’occasion de Montségur – tient en compagnie du diacre Bernard de Mayreville et de plusieurs parfaits, avec divers hobereaux du Lauragais, certainement pour étudier avec eux la situation de l’Église clandestine (18). Cet Arnaud Olme pourrait bien être le consul de Toulouse attesté en 1220 et 1221, mais ce n’est qu’une conjecture. Il n’apparaît cependant, ni dans les sentences de 1246-1248, ni dans le diplôme royal de 1279. Il est vrai qu’il mourut avant 1245 ; il aurait pu être condamné à titre posthume, mais on n’en trouve pas trace.

*

    Voilà donc ce qu’on peut savoir des de Ulmo de Toulouse, entre 1201 et l’amnistie de 1279. Il reste à tenter de rechercher l’origine de cette famille.
    Une piste pourrait être fournie par le Cartulaire des Templiers de Douzens, entre Carcassonne et Lézignan.


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    En 1168, en 1170, un Pierre de Ulmo travaille une terre à Valséguier, aujourd’hui sur la commune de Fajac-en-Val , canton de Lagrasse (19). Il tient cette terre des Templiers de Douzens (20).
    En 1173, c’est un Guillaume de Ulmo qui fait une donation aux mêmes Templiers de Douzens (21).
    En 1182, un Pierre de Ulmo est témoin d’une vente faite aux mêmes Templiers (22).

    Nous avons donc, dans les actes concernant les Templiers de Douzens, un Pierre de Ulmo en 1168, 1170, et 1182, et un Raymond de Ulmo en 1181. Or, on l’a vu tout au début, on trouve à Toulouse, en 1201, deux frères nommés Pierre et Raymond de Ulmo. Il y a mieux : en septembre 1181, un Raymond de Ulmo et sa femme Vitalia achètent un bien foncier à Toulouse, dans le Bourg, en l’occurrence un demi-arpent de vigne situé à Prat-Long, et ils le font « du consentement de Pons, abbé de Saint-Sernin, dominus dicti honoris » (23). Il n’est pas impossible, que l’on tienne là le terminus a quo de l’installation à Toulouse, au Bourg Saint-Sernin, d’une famille de Ulmo venue du Carcassès, mais ce n’est évidemment qu’une hypothèse.
    Il faudrait dire, d’ailleurs, une partie de la famille, car des de Ulmo subsistèrent à Carcassonne : Un Guillaume-Arnaud de Ulmo est, en septembre 1284, au nombre des consuls de la ville qui complotent la destruction des livres de l’Inquisition (24).

*

    Pour les premières décennies du XIVe siècle, on peut mentionner :

    – Maître Arnaldus de Ulmo, jurisconsulte de Pamiers, au nombre des fondés de pouvoir des nobles du comté de Foix chargés, le 19 août 1316, de désigner un tuteur pour les enfants du comte décédé, Gaston Ier (25).
    – Le même Arnaldus de Ulmo, jurisperitus Appamiarum, est convoqué en août 1318 par l’évêque de Pamiers Jacques Fournier, avec une trentaine de personnalités laïques et religieuses, pour décider de la sentence concluant la procédure engagée pour hérésie contre Aude, femme de Guillaume Fauré, de Merviel (26).

    Frère Pons de Ulmo, du couvent des Mineurs de Pamiers, assiste le 7 août 1318 à la promulgation de la sentence qui fait miséricorde à Aude Fauré, la relève de son excommunication, et lui impose divers pèlerinages à titre de pénitence (27).
    Enfin, le 4 septembre 1332 le damoiseau Guillaume de Ulmo de Lesignano, sénéchal du Quercy, se porte caution pour le chevalier Bertrand Plantier, libéré de prison sous condition par ordre du roi (28). Voilà qui nous ramène à ce qui fut – peut-être ! – le berceau des de Ulmo, puisque Lézignan n’est qu’à une lieue et demie de Douzens...

Michel ROQUEBERT »

1. Latin ulmus, orme ; d’où, en français, Lormais, Dorme, Dhorme, Delorme, Delormeau, Delumeau, d’Ormesson, etc. Formes occitanes : olm, om, orm [pron. oulm, oum, ourm] etc. d’où , dans le Midi, Loulme, Loulmet, Deloume ; savoyard Delormoz (Réf. : Dauzat, Alibert). 
2. 14 juin 1204 : Ramundus de Ulmo témoin, en tant que consul de Toulouse, du traité de paix entre la commune de Toulouse et Vézian, vicomte de Lomagne, seigneur Auvillar. (Toulouse, Cartulaire du Bourg, dans Limouzin-Lamothe, La commune de Toulouse, p. 363).– 10 mars 1205 : Ramundus de Ulmo témoin, en tant que consul de Toulouse, d’un établissement consulaire réglant les rapports des aubergistes de Toulouse avec les pèlerins , les accusations posthumes d’hérésie, la pente des rues et l’écoulement des eaux, la police des jeux, la police des funérailles, les spectacles des baladins (Ibid. p. 361).– 21 mars 1205 : Ramundus de Ulmo témoin, en tant que consul de Toulouse, d’un jugement consulaire déclarant propriété communale la place, les maisons et les chapelles de Montaygon (Ibid. p. 365).– Mai 1205 : Ramundus de Ulmo est au nombre des consuls de Toulouse qui demandent une enquête sur les bureaux et les tarifs des péages dans le Toulousain (Ibid. p. 366, 369). – 17 mars 1208 : Ramundus de Ulmo témoin, en tant que consul de Toulouse, de l’établissement consulaire interdisant aux répondants d’acquérir les biens de ceux dont ils répondent ; attribuant à la Commune la justice des violences exercées contre les Toulousains ; défendant de vendre ou d’engager des tombeaux de familles ; réglementant la conservation des objets saisis en gage ; fixant la répartition des défenseurs dans les procès (Ibid. p. 429, 430). – 8 octobre 1208 : Ramundus de Ulmo témoin, en tant que consul de Toulouse, de l’établissement consulaire séparant les intérêts et des actes du comte les dommages soufferts par la Commune (Ibid. p. 431). – Octobre 1215 : Ramundus de Ulmo consul du Bourg (John Hine Mundy, The repression of catharisme at Toulouse : The royal diploma of 1279 [Toronto, Pontifical Institute, 1985] p. 84, d’après Archives Municipales, Layettes : Odon de Saint-Blanquat, Inventaire des Archives de la ville de Toulouse antérieures à 1790, t. II, 45).
3. 8 novembre 1220 : Arnaldus de Ulmo consul de Toulouse, lors de l’ordonnance du comte Raymond VI indemnisant sur les revenus de ses domaines les dépenses faites par les consuls pendant la guerre contre les croisés. (Cartulaire du Bourg, p. 443).
4. 15 mars 1226 : Willelmus de Ulmo au nombre des consuls de Toulouse qui promulguent un établissement défendant à tout habitant de Toulouse de prêter assistance en justice et secours d’aucune sorte aux malfaiteurs étrangers coupables


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de méfaits envers d’autres Toulousains (Cartulaire du Bourg, p. 445).– 11 avril 1226 : Willelmus de Ulmo au nombre des consuls de Toulouse qui fondent une lampe perpétuelle à Saint-Sernin devant l’autel et les reliques de saint Exupère (Ibid. , p. 444).
5. Décembre 1201 : Petrus et Ramundus de Ulmo, fratres (A.D. Haute-Garonne, E2 : copie de 1211, d’après Mundy, op. cit. p. 83). 
6. Février 1205 : Ramundus et Bernardus de Ulmo, fratres (A.D. Haute-Garonne, Malte 2, 168 iv, copie de 1236, d’après Mundy, op. cit. p. 84).
7. Mars 1236 : Ramundus et Bernardus de Ulmo, fratres (Ibid. Malte 2, 168 v).
8. Bernard Gui, De Fundatione, éd. Amargier, MOFPH, vol. 24 (Rome, 1961) p. 33.
9. Cartulaire de l’abbaye de Lézat, édité par P. Ourliac (1984) n° 1504.
10. Guillaume Pelhisson, Chronique, édition J. Duvernoy (CNRS 1994) p. 60.
11. Cf. M.-H. Vicaire, « Le financement des Jacobins de Toulouse », dans La naissance et l’essor du gothique méridional, Cahiers de Fanjeaux n° 9 (Toulouse, Privat 1974) p. 216.
12. De Fundatione, p. 33.
13. De Fundatione, p. 41.
14. Arnaldus de Ulmo (Mundy, op. cit. p. 125).
15. Poncius de Ulmo, Willelmus Petri de Ulmo, Ramundus de Ulmo (Mundy, op. cit. p. 83, 94, 99).
16. Willelmus Petri de Ulmo, Arnalda, Petrus Johannis (A.D. Haute-Garonne, E 501, d’après Mundy, op. cit. p. 94).
17. « J’ai vu Bernard de Lamothe et son socius hérétique à Lanta chez Alaman de Rouaix, et j’ai vu avec eux Guillaume Jaule, Bernard Sabatier, qui fut par la suite hérétique, Guillaume del Tort, Pons Saquet, Jourdain de Lanta, son frère Guiraud Hunaud, Raymond Azéma, Ramundus del Olm, Pons de Lafage, etc. [...] Moi-même et tous les autres, nous avons écouté la prédication des hérétiques et les avons adorés trois fois. Il y a vingt ans ou environ. » (Interrogatoire de Pierre Barot, de Saint-Anatoly, par Bernard de Caux, le 26 février 1245. B.M. Toulouse,  Ms 609 f° 210 v°).
18. « Cathala [écuyer de Pons Magrefort, de Pechluna] qui habite à Pomas, m’a dit que Bertrand Marty [évêque cathare du Toulousain], Bernard de Mayreville [diacre cathare] et leurs compagnons hérétiques, tinrent conseil (fecerunt concilium) à Saint-Sernin près de Bélesta [Lauragais] sur la terre du comte de Foix. Assistèrent à ce conseil Pons Magrefort, de Pechluna, Bertrand de Peyrefite, Arnaldus Olme defunctus [...] Il y a deux ans environ que Cathala m’a raconté cela [...] » (Interrogatoire de Guillaume Salamon, de Mayreville, par Bernard de Caux, 1245. B.M. Toulouse,  Ms 609, f° 214 r°). [Le 18 mai 1226, Raymond VII avait donné en fief au comte de Foix Roger-Bernard II Saint-Félix et ses appartenances, à savoir quinze châteaux et villages du Lauragais - Histoire Générale de Languedoc, t. VIII, col. 832 – Il les reprit à Roger-Bernard du vivant de ce dernier - Histoire Générale de Languedoc, t. VI, p. 747].
19. 17 décembre 1168 et 19 novembre 1170. Cartulaire des Templiers de Douzens, édité par P. Gérard et É. Magnou, (Paris, Bibliothèque nationale, 1965) Cartulaire B, n° 33 et 71.
20. Acte du 18 avril 1175, ibid. n° 66.
21. 9 février 1173, ibid. n° 78.
22. 6 novembre 1182, ibid. n° 30.
23. Douais, Cartulaire de l’abbaye de Saint-Sernin (Paris, 1887), Appendice n° 67.
24. Enquêtes de Jean Galand, Paris, B. N. ms du Fonds Doat, vol. XXVI, f° 267 v° et 271 v°.
25. Histoire Générale de Languedoc, t. X, Preuves, col. 563.
26. Registre d’Inquisition de Jacques Fournier, f° 138 v° (éd. J. Duvernoy, t. II p. 102).
27. Ibid. f° 138 v° (éd. t. II p. 104).
28. Histoire Générale de Languedoc, t. X, Preuves, col. 720.

    Le Président remercie Michel Roquebert pour cette mise au point qui en rassemblant des mentions éparses laisse entrevoir une histoire familiale dont le plus extraordinaire est qu’elle est fort probable. Pour Patrice Cabau, l’hypothèse qui a été esquissée est tout à fait cohérente, et l’on imagine volontiers, même en l’absence de toute certitude, l’arrivée à Toulouse d’une famille modeste à la fin du XIIe siècle, bientôt portée sur le devant de la scène par le parti populaire au début du siècle suivant.
    Répondant au Président, Michel Roquebert indique que le patronyme est très peu courant et que ses notes reprennent tout ce qu’il a pu rassembler, alors que celles qu’il possède sur les Rouaix représenteraient quelque deux cents pages.
    Patrice Cabau, François Bordes et Michel Roquebert discutent de l’origine du nom du lieu dit « L’Orme sec », où se sont justement installés les de Ulmo. M. Gilles précise que ce quartier est encore très peu bâti au XIIIe siècle.      

 

SÉANCE DU 15 FÉVRIER 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mme Napoléone, Pousthomis-Dalle, MM. l’abbé Baccrabère, Gilles, Hermet, Pradalier, M. Roquebert, le Père Montagnes, Mgr Rocacher, membres titulaires, Mmes Pujalte, Stutz, Tollon, MM. Bordes, Geneviève, Hamon, Manuel, Testard, Vayssières, membres correspondants.


M.S.A.M.F., t. LX, p. 253

Excusés : MM. Burroni, Garland, Tollon.
Invités : M. Mathieu Ferrier, M. Bertrand Ducourau.

 

    Le Président rappelle les modifications qui ont été apportées au programme des futures séances et annonce que la date de la visite de l’exposition Les arts du métal, au Musée Saint-Raymond, a été fixée au 23 mai.
    Le Secrétaire général donne lecture des procès-verbaux des séances des 18 janvier et 1er février derniers, qui sont adoptés.

    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite. Plusieurs mémoires sont présentés au concours. M. Philippe Bouzon nous adresse son travail sur les feuilles votives dans l’Empire romain (Université de Toulouse-Le Mirail) : le rapport sera demandé à M. Robert Sablayrolles ; les autres rapporteurs seront Bruno Tollon pour la thèse de Mme Fabienne Sartre sur Marc Arcis (Université de Toulouse-Le Mirail), Henri Molet, Jean-Luc Boudartchouk et Jean Catalo pour la thèse de Mme Pamela Marquez sur l’urbanisme à Toulouse au début du XIIIe siècle (Université du Colorado), Mme Anne-Laure Napoléone pour les mémoires de maîtrise de Mlle Catherine Guiraud sur la maisons médiévales d’Albi et de Mlle Aurélie Fabre sur les maisons médiévales de Rodez (Université de Toulouse-Le Mirail).
    La fondation Guitard nous annonce la remise de son prix annuel à Henri Ameglio.
    Le Président remercie Daniel Cazes qui offre pour notre bibliothèque plusieurs tirés à part et catalogues d’exposition en remplacement des exemplaires disparus.

    Le Président souhaite la bienvenue à M. Bertrand Ducourau, en soulignant que c’est avec son concours que le site Internet de notre Société s’est tout récemment enrichi du dossier de restauration des peintures de l’église de Vals, et il donne la parole à Françoise Tollon. Après avoir indiqué tout ce qu'elles doivent à la collaboration de M. Bertrand Ducourau, celle-ci présente deux communications, la première portant sur la restauration de la carte du ciel de Saint-Sernin de Toulouse :

    « Dans la galerie située au-dessus du collatéral extérieur nord de la basilique Saint-Sernin se trouvent des peintures murales qui ont été l’objet de deux interventions successives de conservation et de relevés, travaux réalisés sous la maîtrise d’œuvre de la conservation régionale des Monuments Historiques de Midi-Pyrénées.
    L’analyse iconographique de ces peintures, réalisée par M. Ducourau et parue dans Monumental, n° 22 , est résumée avant le bref exposé des travaux effectués entre octobre 98 et février 2000.

    Les peintures dont il est ici question sont les seules présentes dans la galerie (notons tout de même que la voûte d’accès à cette galerie comporte également des dessins à l’ocre rouge) et représentent deux cartes du ciel. Elles sont toutes deux situées sur le mur droit (sud) compris entre deux piliers, tandis que la voûte en demi-berceau, sur la même largeur, représente une voûte d’arêtes ornées d’étoiles. La partie inférieure du mur et les piliers sont peints de fausses pierres. L’ensemble est réalisé à l’ocre rouge sur un badigeon de chaux.
    La première carte, dont la moitié supérieure est détruite, représente " deux cercles concentriques, avec des annotations et des signes : nuages pluvieux, traits représentant peut-être le vent, un point cardinal au nord. On retrouve ces signes dans l’illustration du thème du microcosme et du macrocosme, qui met en relation schématique la nature et le destin de l’homme avec la structure de l’univers " (B. Ducourau, Monumental n° 22).
    La seconde carte, à droite de celle-ci, représente l’univers dans la conception qui prévaut jusqu’au De Revolutionibus de Copernic publié en 1543. La terre est divisée en trois continents : Europa, Africa et Asia ; elle est au centre d’un univers composé de douze cercles concentriques. Les six premiers cercles portent un astre, nommé en latin, du centre vers l’extérieur : la lune, Mercure, Vénus, le soleil, Mars, Jupiter. Le septième cercle devait être celui de Saturne, certainement situé en partie haute, aujourd’hui lacunaire, au droit du soleil. Le cercle suivant représente la " barrière des étoiles fixes ", qui clôt l’univers stellaire avec ses astres situés environ tous les 10°. Le cercle qui suit est le Premier mobile, qui donne à l’univers son mouvement rotatif. Les trois derniers cercles peuvent correspondre aux sphères célestes où siègent les neuf catégories d’anges.
    Cette représentation-type a prévalu du IVe siècle av. J.-C. au XVIIe siècle. Elle offre, malgré une simplification des données plus complexes observables dans le ciel, une vision didactique de l’univers et contient " la plus grande part d’information qu’eût jamais le non astronome, dans les connaissances générales, sur la structure de l’univers géocentrique " (Kuhn).


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    Par voie de conséquence, du point de vue astronomique, cette carte du ciel n’est pas réaliste et on peut noter par ailleurs que la répartition des continents sur la terre n’obéit pas à l’Eurocentrisme ( le nord est en bas à gauche). Il est par ailleurs " normal " de voir côte à côte une carte à portée symbolique et une autre plus scientifique car jusqu’au XVIIe siècle, où l’astronomie a commencé à gagner sa spécificité, la science du ciel est à la fois symbolique et physique, les deux approches étant souvent superposées. Ici, à Saint-Sernin, la volonté de juxtaposer ces deux conceptions, ménageant à chacune d’entre elles une meilleure lisibilité, témoigne de leur destination pédagogique plus qu’artistique.
    Pour ce qui est de la datation, le seul indice sûr est celui des inscriptions que l’on peut rattacher au XIIIe siècle. On peut se rappeler qu’en 1229 est fondée l’université de Toulouse où, à la différence de Paris, l’enseignement de la physique d’Aristote est autorisé.

    L’ensemble de ces peintures a donc été l’objet d’interventions de conservation, mais aussi de relevés et d’observations techniques.
    Nous avons vu que l’ensemble a été réalisé avec une peinture ocre rouge sur un badigeon de chaux blanc. Pourtant, tant au niveau de la stratigraphie que de celui de la conservation, les choses sont différentes entre le mur droit et la voûte.
    Sur le mur droit (cartes) on trouve, du point de vue de la stratigraphie : le mur de briques enduit d’un mortier très fin, incisé le long des joints entre les briques (y compris pour l’arc de la baie donnant sur la nef) ; un premier badigeon de chaux avec des motifs ocre rouge (cercles concentriques, fausses pierres sur l’arc de la baie, traces ocres illisibles visibles dans des lacunes) ; un badigeon de chaux blanc qui supporte les cartes visibles aujourd’hui. Ces deux cartes ne sont donc pas les premières peintures qui ont été réalisées sur le mur droit de la galerie. On pourrait imaginer que les premières peintures, également à l’ocre rouge, consistaient en un dessin préparatoire dans la mesure où l’on retrouve des cercles concentriques. Pourtant, si l’on observe de près toutes ces traces, on peut voir que celles-ci ne correspondent pas toujours à l’emplacement ou aux caractéristiques des motifs de la seconde peinture. Nous pensons plutôt qu’il s’agissait d’une peinture sur le même thème, qui a été refaite, voire corrigée à un moment donné.
    Ainsi que l’a noté M. Ducourau, ces peintures sont plus didactiques qu’artistiques : l’observation du dessin et la maladresse technique du peintre (présence de très nombreuses coulures dont certaines ont été effacées avec des reprises de badigeon) nous confirment dans cette voie.
    Pour ce qui est de l’état de conservation, on peut dire qu’il est assez précaire : la moitié de la représentation de la terre a disparu ainsi que la partie haute de l’univers. La raison de cette altération est simple : des infiltrations d’eau par la toiture. Concernant la peinture encore en place, on peut noter que les badigeons de chaux ont très largement perdu de leur cohésion et qu’ils se décollent du mur en de nombreux endroits : ils ont été refixés avec une résine acrylique en solution dans de l’éthanol. Le mortier fin qui recouvre la brique ne présente que de rares décollements qui ont été consolidés avec un coulis d’injection.
    La voûte est différente au niveau stratigraphique. Nous avons ici : la maçonnerie en briques recouverte, parfois sur de larges plages, du mortier très grossier de coffrage, un badigeon de chaux qui recouvre soit la brique soit le mortier (avec par conséquent une surface très irrégulière), les motifs d’étoiles et la fausse voûte d’arêtes en ocre rouge. Contrairement donc au mur droit, il n'y a ici qu’une seule couche de peinture.
    Les altérations de la voûte sont bien plus grandes que celles du mur droit, ce qui est tout à fait logique, la voûte étant plus exposée aux infiltrations d’eau par la toiture. Comme dans presque toute altération due à la circulation d’eau, les sels ont joué un rôle moteur de l’altération. Les analyses réalisées par Maria Rosaria Guarguillo, dans le cadre d’un D.E.S.U. sur l’altération des briques de l’Antiquité à nos jours au Laboratoire de Minéralogie de l’Université Paul Sabatier, ont révélé que les sels responsables de l’altération des briques et du mortier de la voûte sont des sulfates de calcium, sous différentes formes cristallines. Les conséquences de la cristallisation de ces sels sont les suivantes : altération des briques en feuillets, décollement du mortier, décohésion du badigeon de chaux.
    La consolidation du décor de la voûte a été réalisée avec des solins, avec l’injection de coulis et la mise en place de cales sous pression pour permettre un bon " collage " du support. Considérant son état d’altération, on peut estimer pourtant qu’il sera très difficile à long terme de sauver le décor de la voûte, d’où l’importance de la documentation rassemblée à l’occasion de ce chantier.
    Normalement, elle est aujourd’hui hors d’eau suite à la dernière restauration, mais on sait qu’il faut


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des années pour qu’une maçonnerie s’assèche et arrive à l’équilibre avec le climat de la galerie. Pendant ce laps de temps, partie de l’eau contenue dans la maçonnerie s’évapore lentement par la face peinte, entraînant avec elle la cristallisation des sels solubles qui provoquent les dégâts que nous venons de voir.
    Par ailleurs, la présence de sels en telle quantité, à l’intérieur des briques ou des mortiers, empêche une bonne adhésion entre ces supports et le coulis de consolidation. Il est enfin très difficile de consolider correctement une brique altérée en feuillets : on n’est jamais sûr que le produit passe entre chaque feuillet.
    On trouvera plus de précisions sur ces peintures et sur les problèmes de leur conservation sur le site Internet de la société archéologique (http://www.pyrenet.fr/savants/samf/geo/31/toulouse/stsernin/ftollo98.htm). Il faut ajouter que nous avons réalisé, lors de cette intervention, des relevés sur film transparent des deux cartes. Ces relevés ont permis à M. Marc Smith, professeur à l’École des Chartes, de déchiffrer les inscriptions illisibles in situ

Françoise TOLLON »

La seconde sur celle du faux-retable de Notre-Dame d’Alet

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NOTRE-DAME D'ALET, RETABLE PEINT EN TROMPE-L'OEIL, partie droite.

    « En 1999, à l’occasion de la restauration du retable de la chapelle de Notre-Dame d’Alet par les ateliers Dupuy (sous la maîtrise d’œuvre de la conservation régionale des Monuments Historiques de Midi-Pyrénées), des peintures murales ont été découvertes sur le chevet plat de l’édifice. Il était donc important de relever ces peintures qui allaient à nouveau disparaître derrière le retable.
    Ces peintures représentent un retable en trompe-l’œil avec, comme partie centrale, une Piétà qui a été coupée dans sa partie haute par le creusement d’une niche centrale. Les parties latérales sont peintes sur un badigeon de chaux qui a été posé sur un mortier ocre jaune vraisemblablement plus ancien. La partie centrale (la Piétà) est réalisée directement sur le mortier.
    L’étude très précise de Pascal Julien sur la chapelle, publiée en 1993 (supplément au n° 109 de la revue Archistra), nous permet de proposer une chronologie de la réalisation de ces peintures. La reconstruction de la chapelle est achevée en mars 1674 et la première messe y est célébrée le 8 avril.
    Le 3 novembre 1680 est baillée auprès du sculpteur toulousain Thibaut Mestrier une statue de la Vierge pour remplacer, écrit P. Julien, le " tableau du chœur ".

    Ce tableau est peut-être cette Piétà maladroite qui figure en motif central du retable en trompe-l’œil. Pascal Julien insiste bien sur la provenance locale des artisans chargés de la reconstruction de la chapelle. Les observations techniques (peinture réalisée directement sur le mortier) tant que stylistiques donnent à penser que le peintre qui a réalisé cette Piétà est lui un artisan sinon local, du moins inexpérimenté. Le modèle de Carrache est repris mais nous devons noter des maladresses qui ne se retrouvent nulle part ailleurs sur le retable peint : traitement bâclé des couleurs, aspect inachevé du dessin et des polychromies, approximations dans les détails ( ainsi l’ange à droite du Christ qui compte six doigts à sa main gauche). Pour la livraison de la Piétà de Thibaut Mestrier, qui intervient en 1682, une niche est creusée au centre du chevet, détruisant en partie la scène centrale. En 1684


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Mestrier reçoit la commande d’un grand retable devant couvrir le chœur de l’église. À la suite de son décès, Antoine Guépin poursuit les travaux à partir de 1685.
    Les parties latérales du retable peint ont été réalisées dans un second temps, cette fois par un atelier expérimenté : dessin et technique sont plus aboutis. Il s’agit toutefois d’un décor réalisé très rapidement (avec certes une maîtrise du dessin et des couleurs) et à l’économie : dans le bas du retable, on trouve le décor directement peint sur la brique, sans que l’on ait pris le soin de mettre du mortier.
    Notons également les repentirs qui n’ont pas été occultés et demeurent apparents. Au niveau des deux niches latérales, deux états sont en effet visibles. La niche sud contient un personnage drapé en grisaille, celle au nord est vide. Chacune a été remplacée par une nouvelle niche, vide cette fois, dessinée davantage vers le centre du retable. Elles sont cantonnées vers le centre par une colonne torsadée, et vers les murs latéraux d’une chute de fruits jouxtant une nouvelle colonne torsadée. Aucune modification importante dans l’entablement, d’abord figuré plat, qui est ensuite dessiné en saillie à chaque extrémité du chevet, correction bien visible au sud. Ces repentirs n’ont rien à voir avec la maladresse du panneau central : il s’agit de rectification de composition et non d’approximation dans l’exécution. Sur les murs latéraux le décor continue mais la restauration du retable n’ayant donné lieu qu’à des déposes limitées, aucun travail de relevé n’en permet l’interprétation. Bien que subsistant à l’état de peinture murale, on peut aisément imaginer que le retable n’était alors qu’un écran : les niches vides pouvaient servir de fond à des statues exposées sur des consoles.

    Ces peintures auraient donc été réalisées à partir de 1674 et recouvertes par le retable à peine dix ans plus tard. Cela nous instruit bien sur les richesses qu’a pu mobiliser le réaménagement de la chapelle de Notre-Dame d’Alet. De façon plus générale nous sommes aussi instruits sur le fait qu’un décor pouvait être moins renouvelé pour des questions de mode que pour des raisons plus contingentes de richesse et de prestige. Si rien, de façon archéologique, n’exclut que les peintures soient antérieures à la reconstruction de la chapelle, l’iconographie et le style confortent toutefois une datation de la seconde moitié du XVIIe siècle. Nous avons ici en effet tout le répertoire décoratif et architectural des retables de cette période. L’utilisation de la couleur ocre jaune pour les motifs décoratifs ornementaux ou figuratifs tels que les chutes de fruits, pampres ornés autour des colonnes, fleurons, rappelle d’ailleurs très explicitement l’usage de l’or dans l’art des retables en bois dorés et polychromés.
    L’intérêt de ces peintures n’est pas seulement esthétique. Elles témoignent aussi et surtout de l’aménagement décoratif des chevets qui n’accueillaient pas seulement des cycles narratifs mais aussi des structures en trompe-l’œil. Mentionnons en ce sens la découverte en 1999 d’une tenture en trompe-l’œil à l’église d’Avezac (65), décor datable cette fois de la fin de la période médiévale et caché au XVIIe siècle par le retable majeur, ainsi que celle du retable peint (fragments déposés) de l’église de Bazus (XVIIe siècle). L’art des retables feints ne s’est d’ailleurs pas arrêté à la grande diffusion, aux XVIIe et XVIIIe siècles des retables en bois ou de gypserie. Citons par exemple celui, monumental et néogothique de l’église de Plaisance du Touch (XIXe siècle) ou celui, plus modeste, de l’église de la Masse aux Junies (XIXe siècle).
À mentionner, aussi, à Notre-Dame d’Alet, la découverte sur les corniches du retable de restes ténus du plafond peint du XVIIe siècle (bois peints de motifs ornementaux).

 Françoise TOLLON »

    Le Président remercie Françoise Tollon pour ces deux présentations qui nous ont fait voyager dans le temps et il la félicite de nous avoir offert, en collaboration avec M. Bertrand Ducourau, des études très complètes de ces peintures. À propos de la carte du ciel de Saint-Sernin, il remarque que son utilisation dépend sans doute des circulations dans la basilique. Françoise Tollon précise que l’on y accède aujourd’hui par le seul escalier en vis du bras de transept nord. Bertrand Ducourau souligne qu’il s’agit d’un très rare exemple de représentation didactique de l’univers au XIIIe siècle.
    Le Père Montagnes s’interroge sur l’éclairage dont pouvait bénéficier cet espace ; Mgr Rocacher se dit très sceptique sur le fait qu’il ait pu servir de salle d’étude. Pour Henri Pradalier, qui évoque les dispositions de l’abbaye de Flaran, la carte du ciel doit être replacée dans un ensemble lié au cloître, dans lequel on pourrait imaginer une bibliothèque et des espaces de travail. Il ajoute qu’il s’est souvent interrogé sur la date des voûtes de cette partie de l’église. Françoise Tollon précise que la voûte porte un badigeon de moins que le mur, mais qu’il lui semble que le décor conservé correspond aux couches les plus anciennes ; les briques sont en outre


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identiques. Henri Pradalier ayant rappelé que cette partie de l’édifice avait été abaissée au XVIIe ou au XVIIIe siècle, en tout cas avant l’intervention de Viollet-le-Duc, Daniel Cazes remarque que c’est peut-être à cet endroit que se trouvait une salle gothique qui a été démolie avant le XIXe siècle. Henri Pradalier note qu’un autre accès existait peut-être à partir du massif occidental.

    À propos du faux-retable de Notre-Dame d’Alet, le Président observe qu’il s’agit d’un bel exemple de retable d’attente, dont l’intérêt est accru par la juxtaposition d’une architecture feinte savante et d’un tableau d’une facture presque expressionniste.

 

    La parole est alors à Jean-Luc Boudartchouk et Mathieu Ferrier pour une communication sur Quelques ensembles d'époque mérovingienne inédits en Midi-Pyrénées, publiée dans ce volume (t. LX, 2000) de nos Mémoires.

    Le Président remercie les orateurs en demandant où se trouvent aujourd’hui les objets qui nous ont été présentés. Jean-Luc Boudartchouk rappelle qu’il s’agissait le plus souvent de trouvailles fortuites, parfois déjà anciennes : soit les objets ne sont plus connus que par des relevés, soit ils ont été prêtés pour restauration et étude par le propriétaire auquel ils ont été ensuite rendus. Répondant à une autre question du Président, Jean-Luc Boudartchouk précise que la belle boucle dorée à grenats hémisphériques peut certes être rapprochée de celle qui est conservée au musée de Barcelone mais que l’on n’en connaît pas de double ; il s’agit d’une pièce de première qualité qui doit se situer autour de 500.
    Daniel Cazes s’étant inquiété du sort de la série de plaques-boucles provenant de Lacroix-Falgarde, Jean-Luc Boudartchouk confirme que les objets ont été restitués il y a déjà longtemps à leur propriétaire. Après avoir regretté qu’ils ne soient pas entrés dans une collection publique, Daniel Cazes souligne l’intérêt et la beauté de la plaque à deux animaux affrontés. Françoise Stutz note que si l’on trouve assez fréquemment un hippogriffe associé à un canthare, les compositions à deux hippogriffes sont très rares (elle en cite un exemple à Castelferrus). Daniel Cazes se demandant s’il ne peut s’agir de cerfs, Jean-Luc Boudartchouk précise que l’on parle d’ « hippogriffe » par convention.
    Françoise Stutz dit le plaisir qu’elle a eu à voir des objets un peu « nouveaux », dont certains devraient aider à une nécessaire redéfinition du « style aquitain ». Ainsi la plaque d’aumônière n’est-elle pas septentrionale et témoigne-t-elle de la copie d’un motif par une atelier aquitain. Il semble qu’au VIIe siècle la production locale ait été beaucoup plus riche qu’on ne le pensait. Après une discussion avec Jean-Luc Boudartchouk sur les productions de la fin du VIIe siècle, Françoise Stutz souligne l’intérêt des deux boucles à base réservée, dont le creux pouvait être rempli de cuivre ou d’or : très rares dans le sud de la Gaule, elles doivent être datées de la seconde moitié du VIe siècle.

 

    Au titre des questions diverses, le Président indique que le magasin Exopotamie semble avoir été condamné à reconstruire la voûte d’ogives du n° 30 rue Saint-Rome, détruite en 1993 (M.S.A.M.F., t. LIV, p. 159-162). Le Secrétaire général dit qu’il a constaté que la reconstruction était en cours, et qu'il serait intéressant, pour apprécier la gestion du centre ancien de Toulouse, de savoir s'il s'agit ou non de l'application d'une décision de justice.
    Le Président annonce que l’exposition Un jour les moines arrivèrent à Catus, réalisée par le D.E.S.S. de Cahors, est actuellement présentée dans l’ancien collège de Montauban : on y voit en particulier les très beaux chapiteaux du cloître, mis au jour par les fouilles de Bernard et Nelly Pousthomis.

 

SÉANCE DU 7 MARS 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Merlet-Bagnéris, Pousthomis-Dalle, MM. Hermet, Roquebert, Tollon, le Père Montagnes, membres titulaires, Mmes Fronton-Wessel, Pujalte, Suau, MM. Bordes, Burroni, Cranga, Évrard, Geneviève, Ginesty, Hamon, Luce, Salvan-Guillotin, membres correspondants.
Excusés : Mmes Cazes, Napoléone, Pradalier-Schlumberger, M. Pradalier.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 15 février, qui est adopté.
    Le Président annonce à la Compagnie que le dernier volume des Mémoires, tant attendu, a été enfin livré. Il se félicite de la qualité de la publication, et dit mesurer la quantité de travail et de patience qu’elle a exigée. Les coquilles sont cependant inévitables et le Président en signale trois dans la liste des membres.


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    M. Christian Rico nous adresse pour notre bibliothèque deux tirés-à-part : Jean-Gérard Georges et Christian Rico, Barrages ruraux d’époque romaine en moyenne vallée du Guadiana, dans Collection de la Casa de Velázquez, vol. 65, p. 157-195 ; Manuel Bendala Galán, Christian Rico, Lourdes Rolclán Gómez, El ladrillo y sus derivados en la época romana, dans Monografías de arquitectura romana, 4 (1999), p. 25-44. Le Président le remercie au nom de notre Compagnie.
    La correspondance imprimée comprend diverses invitations et le bulletin du Centre d’Étude des Bastides (C.E.B.) Info bastide qui signale le site Internet de la Société Archéologique du Midi de la France.

    Louis Latour présente un échantillon de roche contenant de nombreux grenats, qui provient du massif de l’Arbizon, dont les grains ne sauraient cependant concurrencer ceux qui ornaient les bijoux du haut Moyen Âge.
    Guy Ahlsell de Toulza présente une photographie d’un dessin découvert dans la série B des Archives départementales de la Haute-Garonne, qui serait la plus ancienne représentation de l’abbaye de Grandselve.

 

    La parole est alors à Marc Salvan-Guillotin pour la communication du jour consacrée au thème de l'arbre de Jessé dans les Pyrénées centrales à la fin du Moyen Âge, publiée dans ce volume (t. LX, 2000) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Marc Salvan-Guillotin de nous avoir fait voyager dans les vallées pyrénéennes du Moyen Âge et de la Renaissance, à travers ce thème particulier et en dépit des problèmes de lecture que posent souvent les peintures murales. Les décors sont sans doute très répétitifs, mais faut-il penser que ces vallées sont des conservatoires pour des thèmes passés de mode ? Marc Salvan-Guillotin répond que les vallées ne sont certes pas fermées et qu’elles sont des lieux de passage, mais plus entre les deux versants qu’avec le piémont. Le Président ayant demandé si l’on connaissait des représentations de l’Arbre de Jessé en Espagne, Marc Salvan-Guillotin cite Pampelune, où le thème prend place dans un cycle du XIVe siècle, et il ajoute qu’il en existe ailleurs des exemples de l’époque romane. Faut-il considérer que le thème de l’Arbre de Jessé devient une survivance dont le sens est de plus en plus mal compris ? Marc Salvan-Guillotin le croit, et il remarque qu’on le complète et l’éclaire alors avec des sujets annexes. Le Président note que le décor de Vielle-Louron est en tout cas une merveille.
    À propos de la scène d’Auguste et de la sibylle, Jean-Marc Luce rappelle qu’à côté de la veine populaire représentée par la légende médiévale rapportée par la légende dorée, il existe une tradition savante et littéraire qui a réinterprété la quatrième bucolique de Virgile. Marc Salvan-Guillotin note que la tradition savante n’a sans doute que peu d’influence dans les scènes étudiées, et que, le plus souvent, les sibylles ne sont pas individualisées au Moyen Âge. Le Père Montagnes dit que le Concile de Trente a pris des mesures pour que l’iconographie soit épurée de tout ce qui était extra-scripturaire et dès lors considéré comme inconvenant ; les sibylles n’ont cependant pas disparu brutalement. Bruno Tollon rappelle qu’André Turcat a bien étudié le thème des sibylles en Espagne, en particulier dans un article paru dans les Mélanges offerts à Marcel Durliat. Mlle Bergès n’a-t-elle pas aussi traité de ce thème ? Marc Salvan-Guillotin répond par l’affirmative en précisant qu’elle n’a cependant pas étudié les peintures sur bois ni pris en compte le thème de l’Ara Coeli.
    Nelly Pousthomis-Dalle note que le thème de la Vierge allaitant peut être une façon d’affirmer un peu plus le dogme de l’Incarnation, et qu’un parallèle peut encore être établi entre les rois et prophètes musiciens de l’Arbre de Jessé et les Vieillards de l’Apocalypse toujours représentés avec des instruments de musique.
    Louis Latour se souvient qu’Émile Mâle a bien montré qu’hormis David, aucun des personnages de l’Arbre de Jessé n’était identifié, le rôle de ces personnages secondaires étant surtout de meubler le champ, alors que l’essentiel était la fleur de l’Arbre, c’est-à-dire la Vierge elle-même.
    Françoise Merlet-Bagnéris demande si le décor de ces différentes églises comprend aussi un Jugement dernier. Marc Salvan-Guillotin dit que c’est effectivement le cas, exception faite de Saint-Bertrand de Comminges. Françoise Merlet-Bagnéris voudrait encore savoir quels facteurs pourraient expliquer le succès de ces thèmes. Pour Louis Latour, les vallées pyrénéennes sont avant tout des conservatoires de la peinture murale, parce qu’elles ont été épargnées par les guerres de Religion et sans doute aussi parce qu’elles ont connu une croissance de la population au XVIe siècle. Marc Salvan-Guillotin abonde dans ce sens.
    Louis Latour l’interrogeant à propos de l’inscription en occitan de Bourisp, Marc Salvan-Guillotin précise que la lecture en été rectifiée dans une publication récente du service régional de l’Inventaire.

    Au titre des questions diverses, Vincent Geneviève propose quelques observations à la suite de la communication de Jean-Luc Boudartchouk et Matthieu Ferrier.

    Maurice Scellès présente des photographies d’un plafond peint, datable du XVIIe siècle, qui lui a été récemment signalé au n° 42 rue Saint-Barthélemy à Cahors. Le décor se trouve dans une pièce qui sert actuellement de garage et c’est sans doute ce qui lui a valu d’être conservé. Comme il s’interroge sur la fonction d’origine de cette pièce en


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rez-de-chaussée sur la rue, Guy Ahlsell de Toulza indique que l’on trouve des décors peints dans des boutiques et il cite l’exemple du n° 44 de la rue des Filatiers à Toulouse.

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CAHORS (LOT), PLAFOND PEINT DU XVIIe SIÈCLE, n° 42 rue Saint-Barthélemy.

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CORNEBARRIEU (HAUTE-GARONNE), CHAPITEAU servant de support de bénitier dans l'église paroissiale.

   Maurice Scellès soumet ensuite à la Compagnie une demande d’information présentée par Mme Françoise Zannese à propos de la provenance d’un chapiteau de marbre actuellement conservé dans l’église paroissiale de Cornebarrieu. Il s’agit d’un gros chapiteau monolithe d’environ 70 cm de haut ; sous un tailloir orné de feuilles molles boursouflées, la corbeille polygonale porte principalement des figures de moines représentés debout, encapuchonnés ; sur deux des faces, un moine se tient agenouillé devant un autre moine debout. Alors que la tradition locale attribue cette œuvre à l’abbaye de Prémontrés de Notre-Dame de la Capelle, disparue pendant la Révolution, qui se trouvait sur la commune de Merville, on convient que les dimensions et le thème pourraient convenir à un support de salle capitulaire. Nelly Pousthomis-Dalle remarque que le style de la sculpture peut évoquer, par exemple, le tombeau d’Hugues de Castillon à Saint-Bertrand-de-Comminges. Le Président note qu’en tout cas, la qualité de l’œuvre a sans doute retenu l’attention de Mme Suau, au titre de sa fonction de conservateur des antiquités et objets d’art de la Haute-Garonne.

   Daniel Cazes recommande à la Compagnie la visite de l’exposition consacrée à la restauration de la cité médiévale qui est actuellement présentée à Carcassonne.

 

SÉANCE DU 21 MARS 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Cazes, Napoléone, Noé-Dufour, MM. l’abbé Baccrabère, Bruand, Gérard, Gilles, Hermet, Nayrolles, Pradalier, Tollon, le Père Montagnes, membres titulaires, Mmes Blanc-Rouquette, Fraïsse, Fronton-Wessel, Pujalte, Stutz, MM. Bordes, Boudartchouk, Burroni, Luce, Manuel, Testard, membres correspondants.
Excusés : M. Garland.

    La présentation du procès-verbal de la dernière séance est reportée.
    Puis le Président rend compte de la correspondance manuscrite. C’est en premier lieu une lettre de M. Pierre Gérard, auquel il laisse la parole. Notre confrère nous dit le plaisir et l’émotion qu’il ressent en remettant à la Société Archéologique du Midi de la France un exemplaire dédicacé de l’édition du cartulaire de Saint-Sernin qui vient enfin de paraître. Il accomplit ainsi aujourd’hui une œuvre pie, en remerciement du soutien que lui ont apporté ses


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confrères de la Société Archéologique, alors que s’achève un labeur qui a occupé dix années de son existence et de celle de son épouse. Pierre Gérard rappelle que ce cartulaire constitue un puits de renseignements pour la connaissance de la topographie de Toulouse aux XIIe et XIIIe siècles, mais aussi pour un territoire immense qui comprend le Lauragais, le Comminges, la Guyenne, le Quercy… On se souvient encore que ce sont quelque cent cinquante documents qui concernent Artajona en Espagne. Un index par thème apporte une aide précieuse à la recherche.
    Le Président remercie infiniment notre confrère et souligne la qualité de l’édition réalisée par les Amis des Archives de la Haute-Garonne. Il ajoute qu’il s’agit là d’un instrument fondamental et que c’est désormais le « Gérard » que l’on consultera.

    La correspondance comprend également une lettre de candidature au titre de membre correspondant que nous adresse Mme Nicole Andrieu-Hautreux, conservateur délégué aux Antiquités et objets d’art de la Haute-Garonne. Le Directeur est chargé du rapport.
    Notre consœur Chantal Fraïsse nous fait parvenir le programme du colloque qui se tiendra à Moissac les 28-30 juin prochains pour le neuvième centenaire de l’achèvement du cloître.
    Ce sont encore différentes invitations qui nous sont parvenues, dont celle qui nous annonce la prochaine conférence que notre confrère Jean Catalo fera au palais de Justice, tandis qu’une exposition sera présentée dans la salle des pas perdus.

    La parole est à Quitterie Cazes pour une communication sur le collège de Moissac, à Toulouse, qui sera publiée dans le volume LXI (2001) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Quitterie Cazes de cette exploration des archives et du sous-sol qui sont les seuls témoins du collège disparu. Il remarque, d’une part que le vandalisme militaire a au moins eu pour compensation les très nombreux dessins réalisés à l’occasion de chaque transformation des bâtiments, et d’autre part que le site a une longue tradition étudiante. Il voudrait savoir si l’on a d’autres exemples de constructions du Ve siècle qui seraient ainsi conservées en élévation. Quitterie Cazes rappelle que le fait que les bâtiments du Ve siècle aient pu structurer le collège du XIIIe siècle et se maintenir jusqu’à la fin du XIXe siècle n’est qu’une hypothèse, avant d’ajouter que le fait serait exceptionnel pour un édifice civil.
    Répondant à Henri Pradalier, elle indique que le collège comptait douze étudiants et un prieur. Bruno Tollon attire l’attention sur le dessin de l’escalier en vis, en se demandant si le noyau ne pouvait être creux et la rampe hélicoïdale. Pour Quitterie Cazes, l’escalier a été bâti en même temps que les bâtiments adjacents, et pour assurer une liaison avec le grand bâtiment du tinel.
    Maurice Scellès s’étonne d’une formule qui isole le tinel dans un bâtiment à un seul niveau, et qui rappellerait les tours accompagnées d’une salle contenue dans un bâtiment distinct que l’on trouvait au XIIe siècle par exemple autour de Saint-Sernin. Quitterie Cazes explique que dans le cas du collège de Moissac, la disposition des bâtiments est sans doute imposée par les constructions préexistantes. Daniel Cazes rappelle que l’importance de ces salles est perceptible dans l’actuel Musée Saint-Raymond et qu’il faut garder à l’esprit qu’elles accueillaient des foules nombreuses à l’occasion de certaines fêtes. Henri Gilles demande si le premier étage n’a pas été occupé par un dortoir : Quitterie Cazes croit, à en juger d’après les percements, que l’étage n’a été établi que plus tard, et elle imagine plutôt pour le XIIIe siècle une grande salle sous charpente portée par des arcs diaphragmes. Maurice Scellès évoque les demeures montpelliéraines où l’on connaît des arcs diaphragmes dans des bâtiments divisés en deux niveaux.
    Quitterie Cazes ajoute que la date très tardive de la destruction du collège lui donne l’espoir d’en trouver un jour des photographies. Le Président conclut que cette séduisante résurrection devrait enchanter le professeur Léon Pressouyre.

    L’ordre du jour appelle l’examen des rapports pour le concours. Le Président indique que le prix de l’année est le prix Ourgaud, mais qu’il nous est possible de décerner un prix de la Société Archéologique et d’utiliser le prix de Clausade 1999, que nous avions réservé l’an dernier.

    Bruno Tollon présente son rapport sur la thèse de Mlle Fabienne Sartre, Marc Arcis, un Toulousain sculpteur du roi (1652-1739) :

    « Le 13 décembre 1999, Mademoiselle Fabienne Sartre a présenté à l'Université de Toulouse-Le Mirail sa thèse de doctorat en Histoire de l'Art sur Marc Arcis, un Toulousain sculpteur du roi (1652-1739), devant un jury composé de MM. Christian Michel, professeur d'Histoire de l'Art à l'Université de Paris X-Nanterre, rapporteur, Yves Bruand, professeur émérite à l'Université de Toulouse-Le Mirail, directeur de recherche de la candidate, Christian Taillard, professeur d'Histoire de l'Art à l'Université de Bordeaux III- Michel de Montaigne, président, et de moi-même, Bruno Tollon, professeur d'Histoire


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de l'Art à l'Université de Toulouse-Le Mirail. Cette thèse a valu à Mlle Sartre la mention Très honorable avec les félicitations du jury.
    Avec cette soutenance, Mlle Sartre terminait brillamment un cycle de recherches consacré à un domaine trop souvent laissé de côté par l'historiographie, l'art de la sculpture. En 1990, elle avait soutenu son mémoire de maîtrise sur le sculpteur Arthur Legoust, une des figures un peu mythiques de l'art toulousain, qu'elle avait su, grâce à un excellent catalogue faisant la part des œuvres propres à l'artiste et celles revenant à son fils, à la fois débarrasser de sa légende et   remettre à sa vraie place au cours d'une période de grand rayonnement pour les ateliers toulousains. Ce mémoire lui avait valu la mention Très bien. Elle avait ensuite orienté ses recherches vers Marc Arcis qui est avec Nicolas Bachelier et Arthur Legoust un des grands noms de la sculpture en Languedoc.
    Marc Arcis est reconnu depuis le XVIIIe siècle comme un sculpteur de premier plan dont la carrière, d'une longueur exceptionnelle, apporte grâce à l'étude de Mlle Sartre, un éclairage très complet et à bien des égards très neuf sur les conditions de l'activité artistique dans un grand centre provincial et ses rapports avec la capitale.
    Issu d'une famille d'artisans du Lauragais, et après un apprentissage auprès d'Ambroise Frédeau et de Gervais Drouet, Marc Arcis, âgé de vingt-deux ans, obtient des commandes publiques grâce à l'appui de Jean-Pierre Rivalz dont la position officielle et l'amitié lui seront d'un appui constant. La commande des bustes des Hommes illustres pour la galerie que ce dernier décorait en est un exemple. Arcis ne prend pas le chemin de Rome comme les artistes de la génération précédente : l'attraction de la capitale du royaume s'exerce désormais. Son installation à Paris est soutenue par les Capitouls qui voient d'un œil favorable pour les projets de la Ville son intégration à l'équipe des sculpteurs qui travaillent à Versailles sous la direction de Girardon. Lié à Coysevox et à Carl van Loo, comme eux il voit sa candidature retenue à l'Académie royale de peinture et de sculpture. Il aurait pu s'engager dans une carrière parisienne avec quelques commandes privées importantes, mais l'occasion de diriger la confection d'une statue du souverain à Pau le ramène finalement en Languedoc. Après quelques années destinées à mener à bien l'exécution de la statue de Louis XIV à Pau, son retour définitif à Toulouse marque le début d'une seconde étape de sa carrière, de loin la plus longue avec plus de quarante ans d'un règne artistique partagé avec Antoine Rivalz sous l'œil bienveillant de Gaspard de Fieubet, le tout puissant premier président, et de Dupuy des Grez, l'auteur du Traité sur la peinture. Travaux pour la ville, avec dès 1685 les modèles pour une statue équestre de Louis XIV jamais exécutée, des figures de pierre pour des parcs de châteaux dont celui de Laréole, et surtout la participation à la mise au goût du jour de grands sanctuaires : cathédrale de Tarbes, église abbatiale de Saint-Sernin avec un baldaquin somptueux, décor de la chapelle de la confrérie du Carmel pour Gabriel Vendage et des ornements pour celle des Pénitents Blancs et Noirs, l'autel de la cathédrale de Toulouse et les grandes statues de la façade de la cathédrale de Montauban. Il est l'artisan du rayonnement de ce " grand goût " du règne de Louis XIV qu'illustrent admirablement les bas-reliefs de l'opéra de Toulouse (actuel cinéma Utopia), ou les médaillons des Vertus des Pénitents Blancs. Son style rigoureux et élégant se transmet à Pierre Lucas, Louis Parant ou Pierre-François Hardy autant qu'à son fils et à son neveu qui prolongent ainsi le noble art. Pour l'inculquer aux apprentis, Arcis avait d'ailleurs œuvré aux côtés d'Antoine Rivalz pour l'ouverture d'une école de dessin, l'Académie des Arts, véritable préface à l'Académie royale obtenue à Toulouse en 1750.
    Avec Arcis, tout une page particulièrement brillante de l'art toulousain a pu revivre grâce à l'étude de Mlle Sartre. Son ouvrage volumineux (753 pages de texte dont un catalogue raisonné de 345 pages avec 75 numéros d'inventaire) est accompagné d'un très riche album d'illustrations. Ouvrage parfaitement documenté puisque Mlle Sartre a relu toutes les sources connues et s'est livrée à une exploration systématique des archives pour appuyer de nombreuses découvertes et éclairer bien des points obscurs. Les recherches approfondies dans les archives et les bibliothèques ont permis à Mlle Sartre de mettre au jour des textes originaux dont un choix pertinent a été transcrit, formant une soixantaine de pièces justificatives. On soulignera l'ampleur des dépouillements effectués où aucune série administrative susceptible de fournir des documents de première main n'a été négligée, même lorsque la consultation exhaustive exigeait des recherches longues et difficiles comme les registres notariaux.
    L'étude de Mlle Sartre envisage tour à tour la biographie du sculpteur en insistant sur l'intérêt de son séjour à Paris, les raisons de son choix du retour dans le sud-ouest, avant de passer en revue, selon une démarche thématique, l'ensemble de son œuvre. Enfin, la troisième partie s'attache à dresser un large panorama de la sculpture régionale aux XVIIe et XVIIIe siècles dans lequel Arcis prend place.


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Mlle Sartre insiste avec raison sur l'importance qu'a eu pour l'artiste son passage dans les ateliers royaux de Versailles, son admission à l'Académie royale de peinture et sculpture et ses contacts parisiens. Son titre de sculpteur du roi a facilité sa carrière méridionale autant que ses attaches locales. L'obtention de nombreuses commandes officielles lui a permis de s'imposer et d'étendre son champ d'action à la clientèle noble et ecclésiastique. Il participe pratiquement à tous les grands chantiers de rénovation du décor intérieur des édifices religieux de Tarbes à Montauban avec naturellement un rôle privilégié à Toulouse, cœur du catholicisme triomphant de l'époque. Les analyses des œuvres (on pense en particulier au grand chantier à épisode du baldaquin de Saint-Sernin) à l'affaire de la statue équestre de Louis XIV, sont finement menées, s'appuyant sur une documentation bien exploitée et débouchant sur des perspectives d'ensemble démontrant une indéniable hauteur de vue. Au total, cette thèse, qui constitue un apport de premier plan, mérita les éloges du jury devant lequel Mlle Sartre soutint ses travaux. Il y a quelques mois, elle a d'ailleurs été remarquée à Paris par le jury du prix Nicole, qu'elle partage avec un chercheur parisien. La thèse de Mlle Sartre mérite donc tout naturellement d'être primée par la Société Archéologique du Midi de la France. »

    Jean-Luc Boudartchouk donne lecture du rapport, pour sa plus grande partie rédigé par contre confrère Henri Molet, sur la thèse de Mme Pamela Marquez, Recentering the City : Urban Planning in Medieval Toulouse in the early Thirteenth Century :

    « L'auteur, américaine, est étudiante de l'université du Colorado, à Denver. Elle a choisi dans le cadre de son doctorat de traiter une institution et un moment particulièrement important de l'histoire de Toulouse : l'essor et l'apogée du pouvoir municipal au XIIe siècle. Dans ce cadre, elle a cherché si, dans les actions menées et les résultats obtenus par les consuls dans les divers domaines, il était possible de trouver une cohérence politique qui dépasse l'événementiel et la soumission à ses impératifs. Autrement dit, l'administration municipale a-t-elle travaillé sur des projets à long terme, a-t-elle eu une vision de la ville ? Et si oui, celle-ci avait-elle commencé à s'inscrire dans le tissu urbain avant l'interruption majeure de la croisade albigeoise ?
    L'organisation de la thèse répond aux critères classiques de ce type de travail : après une partie introductive historiographique, elle expose les sources utilisées et sa méthode. Le corps de son ouvrage se compose de cinq chapitres organisés autour des domaines suivants :

- le " territoire " au sens anglo-saxon du terme : physique, économique, religieux, culturel et politique ;
- le pouvoir communal, son émergence et son évolution vers le consulat ; l'origine sociale de ses membres ;
- les pouvoirs comtal, communal et religieux et leurs interactions ;
- l'activité législative communale dans les domaines public et privé, les travaux et la mise en œuvre des projets :ponts, voirie, places, marchés, maison de ville...
- l'espace urbain à la fin de cette période : les relations entre la cité et le bourg, la continuité du projet urbain et le déplacement du centre de gravité de la ville.

La bibliographie est importante, près de 200 titres, et regroupe, outre des références anciennes, pratiquement tout ce qui a été publié sur la Toulouse médiévale entre 1980 et 1996. Elle comprend les découvertes archéologiques récentes concernant les églises Saint-Pierre-des-Cuisines et Saint-Pierre-Saint-Géraud et leur environnement (27 citations dans le texte) et les travaux récents, entre autres, de Mmes Cazes, Mousnier et Napoléone, de MM. Cabau, Catalo, Ourliac, Prin, Rocacher et Scellès. On regrettera seulement l'absence des travaux universitaires non publiés, absence compréhensible par ailleurs. Les références extérieures concernent essentiellement le midi méditerranéen (Italie : 18 titres, Languedoc occidental : 12 titres, Catalogne : 5 titres ; Provence : 3 titres).
    L'intérêt de cette bibliographie est aussi de citer un nombre non négligeable de travaux d'origine anglo-saxonne, utilisés dans le texte, peu connus des chercheurs toulousains (31 titres, notamment les publications de Collins, Freeman, Lewis et Reyerson sur la France méridionale et le Languedoc en particulier, portant sur les législations urbaines pendant la période Xe-XIIIe siècles).
    Le premier chapitre présente Toulouse dans les différents aspects de son environnement géographique, historique, social et économique au moment de la naissance de l'organisation


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communale. Bien que chacun de ces aspects soit présenté successivement, le fond de cette étude montre leur influence réciproque et des liens sont constamment établis entre les différentes approches. Il s'agit là d'une tentative d'histoire globale, à un moment donné, que Mme Marquez a tenté et qui a le mérite de réunir dans un même ouvrage des domaines qui sont généralement traités séparément. Elle contraint toutefois Mme Marquez à un survol assez rapide de cet "état des lieux". Si elle utilise les dernières données archéologiques qui établissent quelques ponts entre l’Antiquité et le début du Moyen Âge, à travers la persistance et l'environnement de sites religieux maintenant mieux connus, comme Saint-Pierre-des-Cuisines, la place de la Pierre et l'église Saint-Géraud et la naissance du Bourg autour de Saint-Sernin, elle utilise peu ou néglige deux faits importants qui marquent le début (1075-1115) de la période qu'elle traite : la crise de la réforme grégorienne à Toulouse et les deux intermèdes "aquitains". Ces deux crises qui ont vu successivement les pouvoirs, religieux puis seigneuriaux, en conflit de légitimité, demander le soutien des habitants, ont permis aux Toulousains, appelés au rôle d'arbitre, d'engager le processus qui conduira une génération plus tard à la reconnaissance d'un pouvoir citadin par le comte.
    Dans le deuxième chapitre, où elle traite de l'émergence et du développement du pouvoir communal, elle décrit les différentes étapes qui conduiront du conseil commun, encore contrôlé par le pouvoir comtal, à une " république " signant des traités, obtenant la justice criminelle et le droit d'élire ses représentants sans intervention seigneuriale. Mme Marquez utilise largement le " livre des coutumes de Toulouse " et les travaux antérieurs de Limouzin-Lamothe, Gilles et Ourliac. Des comparaisons intéressantes sont faites avec les évolutions parallèles connues pour des villes italiennes (Lucques, Gênes, Palerme) ou plus proches (Montpellier, Narbonne). Dans ce chapitre, elle aborde un aspect rarement étudié, le rôle des pouvoirs lignagers à travers quelques grandes familles consulaires comme les Villeneuve, Castelnau, Roaix, Turre, Caraborda... Elle montre que la politique générale de la ville est souvent celle de quelques individus, chefs de lignage " bourgeois ", qui cherchent avant tout leur propre avantage. Le pouvoir toulousain est d'abord le pouvoir d'une oligarchie restreinte, dont les intérêts sont le plus souvent en accord avec ceux du comte. Elle note que les seules exceptions, avec l'apparition au conseil de représentants de la classe moyenne, correspondent à des situations de crise militaire, politique ou sociale aiguë. La classe moyenne sera définitivement écartée de l'exercice du pouvoir avec le traité de Paris (1229).
    Le troisième chapitre analyse les rapports entre les différents pouvoirs. Mme Marquez s'efforce d'abord de définir les lieux et les points où s'exerce chacun des trois pouvoirs, comtal, ecclésiastique et des " notables " – dont elle définit le sens – dans la topographie de la ville. L'émergence du pouvoir consulaire s'est faite aux dépens des deux autres qui, jusque-là, se partageaient Toulouse. Les points qui lui semblent importants dans la genèse de ce partage sont :
- le fait que les comtes, à l'exception des deux derniers, n'étaient qu'occasionnellement présents à Toulouse. Leurs possessions propres y étaient réduites, limitées à la " Salvetat ", et leur intérêt reposait d'abord sur des droits fiscaux, dont ils cherchaient à se faire payer le revenu en argent. Les comtes avaient donc tout intérêt à se ménager la fidélité des habitants de la ville en déléguant leur autorité à une administration locale.
- les notables ne forment pas au départ un corps, ils sont installés de manière dispersée dans la ville et le bourg, et leurs activités sont de même assez disparates. Ils ne se retrouvent qu'en quelques occasions : sur l'exercice de monétaire, dans la participation aux moulins ou dans l'affermage de la fiscalité comtale. Il s'agit même souvent de destins individuels, du moins dans la première partie du XIIe siècle, comme ceux de Pons de Capdenier, de Vital Carbonnel, de Raymond Gautier. Leur puissance disparaît avec leur mort. La situation change après 1150, quand des familles de notables forment des lignages, s'allient entre elles et s'associent dans des projets financiers communs. La communauté d'intérêt les transforme alors en groupe de pression. Ils deviennent naturellement les interlocuteurs privilégiés du comte qui attend d'eux d'abord de l'argent.

    Dans son chapitre 4, Mme Marquez fait le tour des installations et projets où les consuls et, à travers eux, la classe entière des " notables ", a exercé son action à partir du moment, vers 1180, où ils ont obtenu le plein contrôle du gouvernement de la cité. Elle met surtout en évidence que cette action a été très forte dans tout ce qui relevait du domaine financier et commercial : moulins, libre navigation sur


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l'Ariège et la Garonne, suppression des péages, création de ponts, de marchés, statuts de métiers et fixations des mesures. Organiser et réglementer pour protéger l'intérêt commercial des Toulousains, tel est le sens principal des ordonnances prises. Si les consuls ont aussi d'autres sujets d'interventions, notamment dans l'exercice de la justice et bien sûr, dans la perception des impôts, il existe un secteur où, même s'ils agissent dans leur propre intérêt, leur action laisse apparaître un renouveau du sens du " bien public ". Elle cite les exemples de la mise à disposition à la communauté de la rive du ramier du Bazacle, de la réglementation sur la salubrité des rues et sur la distribution et l'écoulement des eaux, de la défense du sol des rues et places. Pour Mme Marquez, cette direction vers une reprise en compte de la res publica n'est sans doute pas sans lien avec le renouveau et la rediffusion du code de Justinien (le Digeste) chez les professionnels du droit.

    Avec le chapitre 5, Mme Marquez aborde la mise en place et par écrit d'un droit coutumier toulousain. Celui-ci intervient dans un deuxième temps, quand les consuls, déjà forts d'une histoire ancienne, sentent la nécessité d'établir un code de jurisprudence. Mme Marquez détaille les principaux thèmes contenus dans le "livre des coutumes" : cérémonies officielles des consulats avec les règles d'élections et d'exercices, droit familial, sécurité des personnes, règles d'urbanisme... Elle montre que vers 1230 les consuls reprennent à leur compte les projets laissés par leurs prédécesseurs des années 1200-1210 : installation d'une maison commune à cheval sur la cité et le bourg, création d'une grande halle publique à la place de la Pierre, reprise et achèvement du pont du Bazacle. Il y a donc, pour elle, une continuité dans l'action, que tous les troubles, combats, succès et revers, n'ont fait que suspendre. Ce suivi sera renforcé et achevé par la fusion administrative et financière des deux parties de Toulouse en 1268. Sans doute aurait-elle pu ajouter que la maison commune, symbole du pouvoir citadin, a été placé, signe sans équivoque, aussi loin que possible des autres lieux de pouvoir (Château-narbonnais, Saint-Étienne, Saint-Sernin, La Daurade).
    La conclusion est présentée sous forme de bilan, où Mme Marquez souligne le caractère particulier de l'évolution urbaine à Toulouse qui se démarque nettement de la situation " type " des républiques urbaines (italiennes). Plus généralement, Mme Marquez fait ressortir l'intérêt que présenterait, vu la richesse des fonds des archives urbaines, l'analyse des différences des choix, d'une cité à l'autre : "L'étude de ces processus, montre qu'à Toulouse, les responsables ont eu des objectifs définis, des ambitions propres influencées par les contraintes locales" (p. 216). Elle réintroduit le cas de Toulouse dans le contexte plus général de la période, qui voit pour la première fois depuis l'époque antique, la renaissance des institutions municipales et des projets d'aménagement urbain. Elle conclut enfin par une remarque personnelle : d'après elle, (et à l'opposé des cités d'Italie) c'est le cadre local de la cité qui est l'élément fondamental, presque exclusif, autour duquel se sont organisées et la politique, et l'activité du pouvoir communal toulousain.

    Il s’agit donc d’un travail dont la forme est pleinement satisfaisante, qu'il s'agisse du plan ou du propos général de l'auteur. La problématique est claire et intéressante. Cette vision " extérieure " de points d'histoire toulousaine apporte en outre quelques éléments nouveaux ou peu exploités ; surtout Mme Marquez se place dans une perspective d'étude comparative qui permet d'envisager différemment les implications de certains faits connus depuis longtemps. Concernant l'Antiquité et le début du Moyen Âge, elle utilise et maîtrise la bibliographie récente, dont elle retient l'essentiel pour son propos, en faisant d’ailleurs quelques remarques très judicieuses. Enfin la réflexion qu'elle esquisse sur le " poids " politique des différentes églises durant le premier Moyen Âge, mais aussi ses considérations sur la gestion du " domaine public " comme l'eau – la Garonne – sont riches et peuvent annoncer de nouvelles pistes de recherches. C'est un bon travail, clair, juste et synthétique, qui mériterait une traduction française. »

    Le Président propose d’attribuer le prix Ourgaud, doté d’une somme de 2000 FF. et accompagné d’une médaille d’argent, à Mlle Fabienne Sartre, et le prix de la Société Archéologique du Midi de la France, doté de 1000 FF. et accompagné d’une médaille de bronze, à Mme Pamela Marquez. On procède au vote : la proposition est adoptée.


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    Le Président donne lecture du rapport de M. le professeur Robert Sablayrolles sur le mémoire de M. Philippe Buzon, Palmae argentae, les feuilles votives dans l’Empire romain :

    « Monsieur Philippe Buzon a préparé sous ma direction et brillamment soutenu en 1999 un mémoire de D.E.A. sur les Palmae argentae, les feuilles votives dans l’Empire romain, mémoire pour lequel il a obtenu la mention Très Bien. Ce mémoire était la suite naturelle d'un travail de maîtrise sur les Mars pyrénéens, au cours duquel il avait été amené à s'intéresser au trésor d'Hagenbach. Cette série d'objets votifs en argent, d'origine indubitablement pyrénéenne, fut retrouvée dans le lit du Rhin, où avait sombré un chariot de pillards, probablement au IIIe siècle de notre ère.
    Le mémoire de D.E.A. de Monsieur Buzon propose donc une synthèse sur les feuilles votives dans l'Empire romain, s'interrogeant sur le sens du terme antique, palma argenta, sur l'origine éventuelle de l'objet, sur sa symbolique et sur les divinités honorées de ce type d'offrande. Ce riche travail de synthèse, qui a nécessité en amont un énorme labeur d'investigation bibliographique, sert de toile de fond à une analyse serrée du trésor d'Hagenbach.
    La chronologie des objets (et donc le terminus post quem de la date du pillage) est fixée de façon convaincante dans la première moitié du IIIe siècle de notre ère. L'étude épigraphique, qui témoigne des remarquables compétences de Monsieur Buzon en la matière, cerne la personnalité du deus Mars Augustus, dont il est à plusieurs reprises question dans les dédicaces, démontre le sens de son association à Jupiter et définit, par une analyse onomastique exhaustive et pertinente, la qualité juridique, l'origine géographique et la dominante culturelle des dédicants : des Aquitains encore en voie de latinisation au IIIe siècle de notre ère, chez qui se mêlaient étroitement adhésion aux valeurs du culte impérial et enracinement dans des traditions pré-indo-européennes.
    Le remarquable mémoire de Monsieur Buzon est un véritable travail de chercheur, dans un domaine ardu et sur des documents encore peu connus malgré une première publication en Allemagne. Monsieur Buzon fait preuve dans cet ouvrage d'une parfaite maîtrise des compétences indispensables à qui s'intéresse à l'archéologie et à l'histoire antiques : latiniste, épigraphiste, archéologue, historien de l'art. Monsieur Buzon possède en outre, peut-être en raison de ses origines convènes, une excellente connaissance de la bibliographie et du milieu pyrénéens, qu'il sait replacer dans le cadre plus large de l'histoire des mentalités religieuses de l'empire romain. Bref, Monsieur Buzon est un véritable historien, habile dans le maniement des sources, sachant relier l'analyse pointue des données régionales aux grandes lignes de l'histoire religieuse de l'Antiquité. Ces qualités de chercheur, ce sens de l'histoire et cet attachement à ce que les Romains appelaient la petite patrie, un attachement qui n'empêche ni les visions larges ni la culture du Mousikos Anèr d'Irénée Marrou, font de Monsieur Buzon un candidat tout désigné pour un prix qui récompenserait un chercheur régional de talent, ouvert aux grands débats de l'histoire ancienne. »

    Anne-Laure Napoléone donne lecture de son rapport sur le mémoire de Mlle Catherine Guiraud, Architecture civile du XIIe au XIVe siècle à Albi :

    « Catherine Guiraud a rédigé sous la direction de Mme M. Pradalier-Schlumberger, professeur à l'Université de Toulouse-Le Mirail, un mémoire de Maîtrise en Histoire de l'Art et Archéologie du Moyen Âge intitulé Architecture civile du XIIe au XIVe siècle à Albi, soutenu en juin 1999. Son sujet de recherche s'inscrit dans l'ensemble désormais important des études urbaines effectuées autour d'analyses de bâtiments civils médiévaux. Ce travail est composé de deux volumes : un volume de texte de 138 pages augmenté d'une annexe de 26 planches et d'un volume d'illustrations de 234 planches parmi lesquelles figurent cartes, photographies, gravures et dessins anciens ainsi que des relevés archéologiques effectués par l'auteur.
    Ce travail débute par une large présentation historique retraçant tout d'abord les étapes du peuplement du site depuis les périodes les plus anciennes, puis la formation de la ville, son développement et ses mutations au Moyen Âge mais également aux siècles suivants. Après avoir défini le cadre urbain dans le temps et dans l'espace, Catherine Guiraud présente dans sa deuxième partie onze monographies d'édifices correspondant aux principaux vestiges visibles aujourd'hui à Albi. Les quatre premières sont réservées aux maisons dites " romanes ", c'est-à-dire datables du XIIe ou du début


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du XIIIe siècle. Pour ces constructions anciennes parmi lesquelles deux ont été détruites, Catherine Guiraud constitue des dossiers précis et détaillés, débrouillant quelques erreurs répétées par certains auteurs ; elle effectue en outre la première analyse archéologique de ces édifices de pierre pourtant déjà connus depuis fort longtemps, du moins pour les trois premiers. La dernière étude porte sur les vestiges d'une fenêtre récemment découverte qui constitue sans doute le plus ancien témoignage de l'architecture civile de brique à Albi. Les sept autres monographies concernent des vestiges datables des XIIIe et XIVe siècles, façades portant les traces d'ouvertures aux rez-de-chaussée et aux étages pour lesquelles Catherine Guiraud effectue à chaque fois une étude détaillée accompagnée de nombreux relevés et de photographies. À l'occasion de travaux de rénovation, elle constitue un dossier complet sur la maison de la rue du Castelviel, édifice en pans de bois très remanié dont elle réussit à situer la construction avant 1400. Dans la conclusion générale, elle propose une synthèse sur la construction albigeoise au Moyen Âge, reliant en particulier les techniques d'édification en brique à celles du Gaillacois et du Toulousain.
    Le mérite de Catherine Guiraud est d'avoir fait de ce sujet difficile une très bonne maîtrise : sujet difficile car les vestiges peu nombreux pouvaient s'avérer insuffisants pour ce travail universitaire ; le dossier solide sur les maisons romanes est de première importance pour la connaissance des demeures de cette époque. Il fallait également mener une enquête particulière sur les édifices disparus et traiter à la fois les constructions en pierre, en brique et surtout en pans de bois pour lesquels les études font cruellement défaut. Catherine Guiraud a montré dans ce travail ses capacités dans le domaine de la recherche de terrain. Sa grande sociabilité lui a permis de pénétrer sans difficulté dans tous les édifices qu'elle a étudiés, menant son étude systématique avec beaucoup de sérieux. Les monographies, correctement rédigées, qui s'organisent selon un même plan, montrent ses qualités de raisonnement. Le volume de planches est lui aussi révélateur. Pour tous les dossiers, les relevés ont été effectués systématiquement avec un souci du détail mettant en évidence ses compétences ; ceux-ci sont accompagnés de nombreuses photographies et, dans la plupart des cas, de dessins qui illustrent ses hypothèses de restitution. On peut regretter que l'analyse finale n'ait pas été d'avantage développée sur la base de l'extraordinaire matière mise au jour par les monographies. Cette maîtrise nous révèle en tout cas un patrimoine albigeois méconnu et une archéologue de grande qualité dont on attend les recherches futures. Ces recherches portent précisément sur la brique dans la vallée du Tarn. »

    Puis elle présente son rapport sur le mémoire de Mlle Aurélie Fabre, Les maisons médiévales de Rodez du XIIe au XIVe siècle :

    « Aurélie Fabre a effectué sa maîtrise en Histoire de l'Art et Archéologie du Moyen Âge sous la direction de Mme M. Pradalier-Schlumberger, professeur à l'Université de Toulouse-le Mirail sur le thème des maisons médiévales de Rodez. Son travail a été soutenu en septembre 1999. Il comprend un volume de texte de 96 pages augmenté de 32 pages d'annexe et un volume de 374 planches (photographies, plans, relevés, et documents anciens).
    Aurélie Fabre développe son sujet en trois parties inégales : elle donne tout d'abord une présentation historique complète de la ville permettant de suivre ses mutations depuis sa naissance au Haut Empire jusqu'à la fin du Moyen Âge. La seconde partie, la plus importante, est constituée par d'importants dossiers contenant l'analyse archéologique de cinq édifices et elle achève enfin son travail par une étude de synthèse sur la construction civile médiévale à Rodez. Bien que très proche dans sa conception générale et dans son approche de la recherche effectuée sur la ville d'Albi, ce travail se distingue du précédent puisqu'il a dû s'adapter à un cadre urbain complètement différent. En effet, si à Albi l'architecture civile montre l'utilisation de divers matériaux (calcaire, brique et pan de bois), c'est le grès qui règne et qui seul est conservé à Rodez. À l'inverse du précédent travail, Aurélie Fabre dut tenir compte de l'abondance de traces et de vestiges de demeures médiévales qu'elle a cartographiés et systématiquement photographiés et décrits, de façon à donner une idée précise du patrimoine conservé et visible en cette fin de XXe siècle à Rodez. À partir de cet inventaire, cinq édifices ont été choisis pour leur état de conservation parmi lesquels se trouve le Musée Fenaille alors en cours de rénovation. Cet édifice a fait l'objet d'une étude détaillée concernant également les remaniements


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du XVIe siècle qui font sa réputation. L'étude archéologique est enrichie d'une documentation historique à laquelle s'ajoute une abondante illustration. L'étude d'Aurélie Fabre permet d'augmenter le petit corpus de maisons " romanes " conservées dans la région de deux nouveaux bâtiments. Retenons également ce grand édifice de la première moitié du XIVe siècle composé de plusieurs corps de bâtiment et d'une tour remarquablement conservée, appelé " Maison des Anglais ". Tout comme les demeures albigeoises du XIIe siècle, il connaît depuis longtemps une certaine réputation sans jamais avoir fait l'objet d'un véritable travail archéologique. L'étude qui lui est consacrée est un dossier solide abondamment documenté et bien que l'analyse archéologique n'ait pu être complète, elle rend à cet hôtel le prestige qui fut le sien.
    Le mérite d'Aurélie Fabre est d'avoir su faire un excellent travail de recherche malgré les difficultés rencontrées pour visiter les édifices qu'elle avait choisi d'étudier. Il faut souligner l'abondante documentation réunie à l'occasion de ses investigations. Aurélie Fabre a bénéficié de la présence d'un fonds important qu'elle a su parfaitement exploiter. Ses qualités d'archéologue ne sont pas en reste : la rigueur de ses monographies et la qualité de ses relevés montrent sa maîtrise de l'étude monumentale. Il faut également rendre hommage à ses talents d'analyse : toutes ses hypothèses s'appuient sur les données des textes, de l'archéologie de sous-sol et de l'archéologie monumentale, lui permettant de construire de solides synthèses, le tout rédigé dans un style agréable. On peut regretter la surabondance de la documentation iconographique qui aurait pu, pour s'harmoniser avec la rigueur du texte, faire l'objet d'une sélection plus importante. Ce travail est de toute première importance pour la connaissance de la ville de Rodez et nous avons là une deuxième archéologue de talent qui a également l'intention de poursuivre dans cette voie. Elle travaille actuellement sur l'architecture urbaine de villages dans le Ruthénois. » 

    Le Président propose de reprendre le prix de Clausade réservé en 1999, et de le partager en trois, en attribuant à chacun des lauréats un chèque de 1000 FF. et une médaille de bronze. La proposition est acceptée.

 

SÉANCE PUBLIQUE DU 29 MARS 2000

    Elle se tient dans la grande salle de l'Hôtel d'Assézat.

    Allocution du Président.

    Rapport sur le concours présenté par Étienne Hamon : Mlle Fabienne Sartre reçoit le prix Ourgaud ; le prix de la Société Archéologique du Midi de la France est attribué à Mme Pamela Marquez, dont l'éloignement excuse l'absence ; le prix de Clausade est remis conjointement à M. Philippe Buzon, Mlle Catherine Guiraud et Mlle Aurélie Fabre.

    Conférence de Daniel Cazes, membre de la Société : Les sculptures de Chiragan : l'art et l'énigme.

 

SÉANCE DU 4 AVRIL 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Napoléone, Noé-Dufour, MM. Hermet, Nayrolles, Pradalier, membres titulaires, Mmes Fronton-Wessel, Pujalte, Rousset, Stutz, MM. Bordes, Boudartchouk, Burroni, Molet, Testard, membres correspondants.
Excusés : M. Tollon.

    Le Secrétaire général donne lecture des procès-verbaux des séances des 7 et 21 mars derniers, qui sont adoptés. Le Président évoque la séance publique et la conférence au cours de laquelle Daniel Cazes nous a encore une fois émerveillés avec les sculptures de Martres-Tolosane.
    Le Président, le Directeur et Quitterie Cazes se sont d’ailleurs retrouvés samedi dernier à Martres-Tolosane, pour une présentation publique des premiers résultats de l’étude géophysique du site de Chiragan, en compagnie du Maire


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de Martres, de M. Jean-Emmanuel Guilbaut du service régional de l’archéologie, de M. Bernard Pousthomis et de Mme Catherine Boccacino de la société Hadès, et de M. Martinaud, géophysicien. Cette présentation a été l’occasion d’expliquer les opérations en cours et les projets qui pourraient être développés dans les années à venir.
    Par ailleurs, notre confrère Jean Catalo présentait hier soir, au cours d’une conférence, les résultats de la première tranche des fouilles archéologiques au Palais de Justice de Toulouse.

    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite. En accusant réception du dernier volume des Mémoires, M. Puel nous écrit qu’il compte à nouveau attirer l’attention du Secrétaire général de la Ville de Toulouse sur le sort de « Dame Tholose ».
    M. Paul Claracq poursuit ses recherches sur les meules et demande des informations. Daniel Cazes indique que le Musée Saint-Raymond conserve une collection de meules en basalte et il ajoute que le sujet a particulièrement intéressé M. Robert Corbières avec lequel notre correspondant pourrait sans doute entrer en relation.

    La parole est à Patrice Cabau pour des Notices du Marquis de Castellane sur une épitaphe paléochrétienne et une inscription médiévale trouvées à Toulouse en 1842 :

    « Le hasard du commerce des livres anciens a fait parvenir en ma possession (1) un exemplaire du corpus épigraphique publié par le marquis Joseph Léonard de Castellane d’Esparron (1761-1845), l’un des fondateurs de la Société archéologique du Midi de la France et son premier président (1831-1845). Il s’agit d’un ouvrage recouvert de papier bleu-vert comprenant, ainsi que l’annonce le titre doré sur une vignette dorsale de cuir brun (2), d’une part les Inscriptions du Ve au XVIe siècle, recueillies principalement dans le Midi de la France (1838) (3), d’autre part le Supplément aux inscriptions du Ve au XVIe siècle, recueillies principalement dans le Midi de la France (1841/1842) (4). Le volume a été constitué en deux temps : le recueil initial a reçu une première reliure, les tranches étant traitées à l’imitation du papier à la cuve ; une seconde reliure a été réalisée pour y associer le recueil additionnel, sans que les tranches soient uniformisées. À l’intérieur, cet exemplaire comporte les particularités suivantes : pour certaines planches, quelques figures ont été enluminées de lavis d’encres de diverses couleurs (5) ; au bas d’une page a été collé un billet contenant la notice manuscrite d’une épitaphe paléochrétienne (6) ; sont en outre inclus deux feuillets volants manuscrits dont l’un porte la notice d’une inscription médiévale, l’autre le brouillon de la belle préface du Supplément (7). Selon toute vraisemblance, et comme l’assure une note ancienne inscrite en tête de l’ouvrage (8), ce volume est l’exemplaire personnel de l’auteur du corpus, que celui-ci a donc continué d’enrichir entre 1841 et 1845 (9). 
    Les deux nouveaux monuments épigraphiques recueillis par le marquis de Castellane sont présentés et étudiés selon les modalités du projet exposé dans le propos liminaire de son corpus : reproduction figurée (fac-simile lithographique) ; datation, transcription, notes explicatives et remarques diverses (paléographiques, linguistiques, historiques…), références bibliographiques, indications sur la provenance et le lieu de conservation (10).

    Ces deux inscriptions sont aujourd’hui toujours conservées dans les collections publiques de Toulouse, la première au Musée Saint-Raymond, la seconde au Musée des Augustins. Dans la mesure où leur étude peut être précisée sur pièces, le principal intérêt des notices du marquis de Castellane est de nous renseigner d’une part sur la date de leur dépôt au Musée de Toulouse, d’autre part sur leur provenance à ce moment-là.

Épitaphe de Sedata, chrétienne au nom latin, décédée à l’âge d’environ cinquante ans (15)

HIC REQVI / ESCIT SEDATA / QVI VIXET / ANNVS / PLVS MINV / S L

    Le support est une plaque de marbre blanc grisé de forme presque carrée (largeur : 0,33 m ; hauteur : 0, 35 m ; épaisseur : 0,05 m.), aujourd’hui brisée en deux morceaux et dont l’angle inférieur droit a disparu. L’inscription occupe la partie supérieure du champ. Un cadre comportant six lignes a été préalablement tracé. Le texte est disposé sur cinq lignes, dont la dernière ne comporte que deux signes. Les lettres, assez peu profondément gravées, sont relativement régulières ; certaines présentent des formes remarquables (A, L, M, Q). Formulaire et caractéristiques paléographiques induisent à proposer une datation comprise entre le troisième siècle et le septième. Cette épitaphe paléochrétienne fut découverte à Toulouse dans les années 1783-1785, avec d’autres inscriptions funéraires ou fragments d’inscriptions, dans l’"ancien cimetière" qui environnait la chapelle Saint-Roch-du-Férétra, située au sud de la ville (16). Jean-François de Montégut (1726-1794), ancien conseiller au Parlement


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de Toulouse (1751-1771), l’un des grands "antiquaires" toulousains du dix-huitième siècle, la présenta le 16 février 1786 à ses collègues de l’Académie royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, et il en publia en 1788 un texte partiellement amendé (17). Contrairement à d’autres inscriptions trouvées au quartier du Férétra, celle-ci n’est pas répertoriée dans les catalogues du Musée de Toulouse imprimés entre 1795 et 1835, mais il se pourrait qu’elle soit mentionnée dans l’inventaire manuscrit achevé par Alexandre Du Mège (1780-1862), conservateur des Antiquités (1832-1862), au mois de novembre 1844 (18). En tout cas, elle se trouve inventoriée dans le catalogue préfacé en octobre 1864 par son successeur (1862-1892) Ernest Roschach (1837-1909) et édité l’année suivante (19). Une photographie publiée en juin 1936 la montre enchâssée dans un cadre de bois et accrochée au mur de la deuxième travée de la "Salle Gallo-Romaine", au rez-de-chaussée du bâtiment en façade sur la rue d’Alsace-Lorraine (20). Transférée au Musée Saint-Raymond, ainsi que d’autres monuments antiques, au début des années 1980, elle est exposée depuis 1999 dans la salle du sous-sol consacrée aux antiquités paléochrétiennes.

Inscription rappelant l’établissement, par maître Bernard Étienne, notaire de Toulouse, et par ses frères Guillaume Pierre et Raymond, d’une sépulture pour eux, leur famille et leur descendance, en 1307 (ou 1308*) (21)

doigtnr.gif (903 octets) : ISTA[M] : SEPVLTVRA[M] : FECERV[N]T / : FIERI : MAG[ISTE]R : B[ER]NARD(VS) : STEPHA / NI : NOTARI(VS) : THOL[OSE] : (ET) : G[VILLELM](VS) : PET[R](I) : (ET) : / RAMV[N]D(VS) : EI(VS) : FRATRES : PRO : SEIP / SIS : (ET) : EORV[M] : ORDINIO : (ET) : SVCCE / [S]SORIB(VS) : A[N]NO : D[OMI]NI : M° : CCC° : VII° :

    Le support est une plaque de marbre gris de forme rectangulaire (largeur : 0,35 m ; hauteur : 0,27 m ; épaisseur : 0,06 / 0,08 m.). L’inscription occupe la totalité du champ. Un cadre comportant douze lignes a été préalablement tracé. Le texte est disposé sur six lignes pleines. Une petite main tournée vers la droite le précède, marque fréquente dans les registres notariaux, mais pas dans les inscriptions lapidaires. Les lettres, soigneusement gravées, sont de petites dimensions et bien régulières (hauteur comprise entre 15 et 20 mm). Trois points superposés séparent les mots (deux points seulement entre la main et le premier mot). Les abréviations sont assez nombreuses : traits horizontaux, 7 et pontet suscrits, 9 pour –us, ° pour les quantièmes, note tironienne, ressemblant à un 7, pour et. Des restes de mortier rendent la lecture parfois difficile. Pour le millésime ":M°:CCC°:VII°:", Joseph de Castellane a lu ":M°:CCC°:IIII°", Ferdinand de Guilhermy "1303", Ernest Roschach ":m:ccc:iiii." et Henri Rachou "MCCCIIII". Cette inscription n’est pas mentionnée dans l’inventaire manuscrit achevé par Alexandre Du Mège en novembre 1844. Elle se voyait avant 1865 dans la galerie méridionale du grand cloître du Musée, dépourvue de numéro d’ordre (22). Elle se trouve répertoriée sous le n° 745 dans le catalogue préfacé par Ernest Roschach en octobre 1864 et imprimé en 1865 (23). Au début de l’année 1883, elle fut scellée, avec plus de cent autres monuments inscrits, dans la paroi de la galerie septentrionale du même cloître, formée par le mur sud de l’ancienne église des Augustins (24). Déposée dans la première quinzaine de février 1977, elle est présentée depuis le début des années 1980 dans la galerie d’épigraphie médiévale aménagée à l’ouest de la galerie occidentale du grand cloître (25).
    Les notices du marquis de Castellane nous apprennent que la première inscription fut "tirée des débris de la cave de feu Mr de Montaigut, place des Carmes, [à] Toulouse, [en] 1842" et que la seconde provenait d’"une cave de la maison de M. de Montaigu à Toulouse". La maison en question, située à peu près à l’angle actuellement formé par la place des Carmes et la rue de Languedoc, a été démolie en 1907 pour élargir l’ancienne rue du Vieux-Raisin (devenue rue de Languedoc). Propriété des Montégut depuis les années 1640, elle appartenait encore au début du dix-neuvième siècle à des membres de cette famille (26). L’immeuble donnait vers l’Est sur la rue du Vieux-Raisin et faisait face à l’Hôtel du même nom, vers le Nord sur la rue du Crucifix, qui jadis longeait au Sud le couvent des Grands-Carmes rasé en 1809-1810 (27). La portion de bâtiment en façade du côté nord fut reconstruite vers le début des années 1840, au témoignage de Du Mège (28), et c’est évidemment au cours des travaux préalables à cette réédification qu’apparurent les monuments tumulaires que le marquis de Castellane a ajoutés à son recueil. Ainsi ces inscriptions ont-elles très vraisemblablement fait partie de la riche collection d’antiquités constituée par Jean-François de Montégut (29). Après la mort de celui-ci (20 avril 1794) (30), on demanda la mise sous scellés de son cabinet (16 juin) (31), puis inventaire fut dressé pour les pièces en métal telles que les médailles, monnaies, poids, statues… (10 juillet et


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Épitaphe paléochrétienne

Inscription médiévale

 

 

 

"[fac-simile (11)] VII- siecle

hic requiescit Sedata
qui vixet annus plus
minus L
qui pour quæ. ?
vixet pour vixit
annus pour annos – ou annis
portée au musée de toulouse —
tirée des débris de la
cave de feu mr de montaigut
place des carmes toulouse 1842 (12)
A, pl. II, I A ligne 6 –
M 3 – M Ligne 3
plus minus – pl. V – page 14 –
2 – plus minus qui – plus minus – quæ" (13)

"MCCCIIII

[fac-simile (14)]

istam Sepulturam fecerunt fieri magister bernardus Stephanus notarius

tholosanus ………… petrus ….. ramundus ejus fratres pro seipsis et eorum
ordinio ………….. anno domini m. ccc IIII —
Les points après tholosanus remplacent des lettres effacées – peut-être regius
Les points après pet– remplacent des lettres effacées et signifient peut-être rus et
Les points après ordinio et les lettres T. sec. signifient peut-être in secula seculorum
Cette epitaphe vient d’une cave de la maison de m. de montaigu. a toulouse
et est deposée au musée de toulouse"


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jours suivants) (32). Plus tard, à une date comprise entre 1820 et 1835, l’abbé de Montégut (+ 1857), vendit les collections de son grand-père, qui furent emportées à Paris (33). S’agissant des éléments lapidaires tels que des marbres sépulcraux, il est probable qu’ils avaient été depuis longtemps relégués et oubliés dans la cave où on les découvrit en 1842.
    En tout cas, les indications de provenance contenues dans les notices du marquis de Castellane font surgir deux séries de questions. En premier lieu, puisque Montégut était entré en possession de l’épitaphe de Sedata, comment se fait-il que l’on n’ait retrouvé aucune autre des sept inscriptions funéraires nouvelles qu’il avait présentées avec celle-ci à l’Académie des Sciences en 1786 et qu’il a publiées en 1788 (34) ? Castellane a procuré en 1836 un fac-simile de l’épitaphe de Rogodolfus, mais seulement d’après une "copie figurée par Lucas, sculpteur", à savoir François Lucas (1736-1813), dit Lucas aîné (35) ; s’il n’a pas donné de reproduction lithographique pour celle d’Eugenius, ni pour celle de Mart[i]olus, il a précisé pourtant qu’elles étaient, comme la précédente, "d’une écriture très-négligée" (36)... Ici se pose le problème du devenir des découvertes successives faites au quartier du Férétra à la fin du dix-huitième siècle. En second lieu, que valent les renseignements fournis par Roschach dans le catalogue du Musée édité en 1865, selon lesquels l’inscription relative à la sépulture de la famille de Bernard Étienne proviendrait de l’ancien couvent des Cordeliers de Toulouse et aurait été "donnée par le génie militaire" ? Les mêmes informations sont données dans ce catalogue pour un fragment de bas-relief (37), aujourd’hui perdu, et la "Direction du Génie militaire à Toulouse" se trouve mentionnée dans la liste des donateurs figurant en fin d’ouvrage (38). À la Révolution, le couvent des Cordeliers fut déclaré bien national et l’on vendit par lot ses dépendances, bâtiments et jardins, entre juillet 1796 et janvier 1804 (39). En l’an II, la grande église fut un moment affectée au Museum nouvellement créé (décembre 1793 - février 1794) (40) ; en l’an VII (1798-1799), elle fut occupée par le Génie et convertie en magasins à fourrages (41), usage auquel elle servit jusqu’à l’incendie fatal du 23 mars 1871. Trois inscriptions médiévales réputées provenir des Cordeliers ont été enregistrées dans les notices du Musée, la première en 1813 (42), depuis disparue, deux autres en 1818/1819, qui y sont encore (43). Pourquoi celle de Bernard Étienne, déposée en 1842, n’a-t-elle pas été inventoriée par Du Mège dans le manuscrit de 1844, et comment se fait-il que la mention d’origine alléguée par Roschach diffère de celle indiquée par Castellane ? La réponse est peut-être dans un autre catalogue rédigé par Du Mège en 1858, demeuré inédit, et de nos jours introuvable (44)... Voilà qui pose un autre problème : celui de l’histoire, très imparfaitement connue, des objets conservés dans les collections publiques de notre ville (45).

NOTES : 1. Acquisition faite à Toulouse en 1999. — 2. "DE CASTELLANE / — / INSCRIPTIONS / DU VE AU XVIE / SIÈCLE / – / SUPPLÉMENT". — 3. Inscriptions du Ve au XVIe siècle, recueillies principalement dans le Midi de la France, Imprimerie de Lavergne, successeur de Vieusseux, Toulouse, 1838, 1-229 p., 1 f. blanc, 48 planches lithographiées hors-texte = tirage à part des Inscriptions du Ve au Xe siècle […], dans M.S.A.M.F., II (1834-1835), ibidem, 1836, p. 175-231 ; Inscriptions du XIe au XIIe siècle […], Inscriptions du XIIIe siècle […], Inscriptions du XIVe, XVe et XVIe siècles […], dans M.S.A.M.F., III (1836-1837), ibidem, 1837, p. 53-107, 193-236, 237-305. — 4. Supplément aux inscriptions du Ve au XVIe siècle, recueillies principalement dans le Midi de la France, s.l.n.a. [1841-1842], 1-76 p., 13 planches lithographiées hors-texte = tirage à part du Supplément aux inscriptions du Ve au XVIe siècle […], dans M.S.A.M.F., IV (1840-1841), ut supra, 1841, p. 255-322. — 5. Première partie, XVe siècle : planche I, n° 3 ; planche II, nos 1-4 ; planche III, n° 3. — 6. Première partie, p. 29. — 7. "Je réclame encore l’indulgence pour ce supplément au recueil d’inscriptions déjà publié dans ces mémoires. […] Le constater, c’est aussi constater sa reconnaissance." Supplément […], p. 1 = 255. — 8. "Exemplaire du Marquis de Castellane. Nous avons de sa main la preface de la 2me partie. [Suit un paraphe illisible.]" Note ancienne au crayon sur le recto du second feuillet de garde. — 9. Joseph de Castellane, très affaibli à partir de 1841, mourut le vendredi 17 octobre 1845, à Toulouse, dans son Hôtel de la rue Croix-Baragnon, n° 10 ; ses obsèques eurent lieu le lendemain. — 10. CASTELLANE, 1838, p. 4 = 1836, p. 176. — 11. Les références relatives à la forme des lettres renvoient à la pl. II, VIe siècle, nos 1 et 3 (cf. p. 19, 20 = 191, 192). Celles qui concernent la formule plus minus correspondent à deux inscriptions citées à la p. 14 = 186, mais l’indication "pl. V" ne mène à rien. — 12. Hauteur : 5,5 cm ; largeur : 6,2 cm. — 13. Les trois lignes qui précèdent sont encadrées de deux traits horizontaux et d’un trait vertical à gauche. — 14. Hauteur : 10,2 cm ; largeur : 14,2 cm. L’inscription a été d’abord dessinée au crayon, puis le dessin a été repassé à la plume. — 15. Toulouse, Musée Saint-Raymond, inventaire : Ra 16 d. Bibliographie : MONTÉGUT 1788, n° 2, p. 295 – SALVAN 1856, p. 61 – ROSCHACH 1865, n° 16 d, p. 10 – LE BLANT 1865, n° 603 ; planches, n° 486 – HIRSCHFELD 1888, n° 5408, p. 629 – SACAZE 1892, n° 42, p. 96 – BARRY, LEBÈGUE… 1892, n° 1502, p. 428 – BATIFFOL 1902, p. 136 – RACHOU 1912, n° 16 d, p. 12-13 – DIEHL 1925/1931, n° 3126 A – RACHOU 1936, n° 16 d, p. 508 – LECLERCQ 1952, n° 12, c. 2472 – LABROUSSE 1968, p. 467 (n. 76). — 16. "A l’extrêmité du faubourg Saint-Michel, du côté de la Garonne, il se trouve une étendue considérable de terrein divisé par la rue dite de l’Observance, qui conduit au Couvent des Récollets. […] Dans cet espace est une contenance d’environ vingt arpens en quarré, qui a servi anciennement de Cimetière ; au centre est une Chapelle dédiée à Saint Roch […]. Cette Chapelle étoit appellée anciennement, de Notre-Dame de Férétra. Férétra étoit le nom du terrein au milieu duquel elle est située." (MONTÉGUT 1782, p. 76-77). "Je lui ai déjà fait part [à l’Académie] de plusieurs monumens intéressans qui ont été découverts dans cet espace voisin des Récollets, qui portoit le nom de Feretra, & que j’ai prouvé avoir servi de cimetiere, notamment sous le regne des premiers Empereurs. On y a trouvé depuis quelques fragmens d’Inscriptions Romaines […]." (MONTÉGUT 1784, p. 14’). — 17. "Je terminerai ce Mémoire, en mettant sous les yeux de l’Académie


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quelques inscriptions, découvertes au même lieu [l’ancien cimetiere près la Chapelle St. Roch] […]. 2. HIC REQVI / ESCIT SEDATA / QVI VIXIT AN / NVS PLVS MINV / S. L." MONTÉGUT 1788, p. 295 ; cf. p. 294. — 18. Les désignations d’Alexandre Du Mège restent désespérément vagues : "Fragment d’une autre inscription sépulcrale découverte à Toulouse." ; "J’ai placé sous le même n°. les fragmens d’inscriptions / chretiennes et de pierres tumulaires des premiers monumens chrétiens trouvés / trouvés [sic] à Toulouse. […]." DU MÈGE 1844, Description…, p. 779 (addition dans la marge gauche) ; [802]. — 19. "16. Marbres inscrits, découverts à l’extrémité du fau- / bourg Saint-Michel (quartier de Saint-Roch). […] d. Stèle éclatée par l’angle droit inférieur. H. 0m 35. L. 0m 35. / HIC REQVI / ESCIT SEDATA / QVI VIXET AN / NVS PLVS MINV / S L " Hic requiescit Sedata quæ vixit annos plus minus quinquaginta. — Ici repose Sedata qui a vécu cinquante ans, plus ou moins. " La grammaire n’est pas mieux traitée que dans le texte qui précède : qui pour quæ ; vixet pour vixit ; annus pour annos. " Trouvée dans le cimetière Saint-Roch, d’après M. de Montégut. (Mém. de l’Ac. des Sc. ; t. III, p. 295.)" ROSCHACH 1865, p. 9, 10 = RACHOU 1912, p. 11, 12-13 = RACHOU 1936, p. 506, 508. — 20. RACHOU 1936, p. 503 (au milieu de la photo, entre l’inscription de Vieille-Toulouse datant de – 47 et un moulage de cette même inscription, qui masque la partie inférieure de l’épitaphe de Sedata). — 21. Toulouse, Musée des Augustins, inventaire : Ra 558 ; galerie d’épigraphie médiévale : n° 47. Bibliographie : ROSCHACH 1865, n° 745, p. 267-268 – GUILHERMY 1826/1873, f. 299 r° – RACHOU 1912, n° 558, p. 238 – RACHOU 1938, [n° 558], p. 562. Cette inscription ne figure pas dans le Corpus des inscriptions de la France médiévale publié par le CNRS (C.I.F.M. 1982), qui s’arrête à la fin du treizième siècle (1300). — 22. Toulouse, Musée d’Antiquités, Grand cloître, Galerie méridionale, 7e division : "(n° 745) n° [blanc]. Pierre carrée ; un trait d’encadrement ; lignes entre / deux traits ; une petite main montre le texte : (des Cordeliers) / ista : sepultura : fecert : fieri : mag’r : bnard9 : Stepha      1303/ ni : notari9 : thol : /. /. /. " GUILHERMY 1826/1873, f. 299 r° (d’après la transcription que Daniel Cazes a eu l’amitié de me procurer). Le baron de Guilhermy a visité le Musée à diverses reprises, notamment entre 1835 et 1865, Description de Du Mège en mains, puis en 1865, cette fois-ci avec le Catalogue de Roschach, et encore en 1867 (cf. ibidem, f. 265 r°, 300 r°). — 23. "COUVENT DES CORDELIERS. […] 745. BERNARD ÉTIENNE 1304. / Inscription gravée sur marbre. / Ist: sepultura : fecerunt : fieri : magr : Bnard. : Stephani notarius : / Thol. : et G : Pet : et : Ramund. : ejs : fratres : pro : se : ipsis : et : / eor: ordinio : et successoribus : ano : Dni :: ccc : iiii. / " Maître Bernard Etienne, notaire de Toulouse, et ses frères Guillau- / me Pierre et Raimond ont fait faire la présente sépulture pour eux- / mêmes, pour leur famille et leurs successeurs, l’an du Seigneur 1304. " / Donnée par le génie militaire." ROSCHACH 1865, p. 264, 267-268. – "COUVENT [DES] CORDELIERS […] 558. BERNARD ÉTIENNE (I304). / Inscription gravée sur marbre ; pierre. — Haut. 0m27 ; / larg. 0m35. / ISTA SEPVLTVRA FECERVNT FIERI MAGR BNARD STEPHANI NOTARIVS THOL / ET G PET ET RAMVND EIS FRATRES PRO SE IPSIS ET EORV ORDINIO ET / SVCCESSORIBVS ANO DNI MCCCIIII / " Maître Bernard Étienne, notaire de Toulouse, et ses frères / Guillaume Pierre et Raimond ont fait faire la présente sépulture / pour eux-mêmes, pour leur famille et leurs successeurs, l’an du / Seigneur I304. " / Donnée par le génie militaire. / (Cat. I865, n° 745.)" RACHOU 1912, p. 231, 238 = RACHOU 1938, p. 557, 562. — 24. "M. le baron Desazars [de Montgailhard] dit qu’il a examiné récemment les travaux de restauration du Musée, et annonce que M. Roschach a commencé à disposer sur les parois du cloître les inscriptions de la riche collection épigraphique toulousaine." B.S.A.M.F., Toulouse, 1ère série, séances du 28 novembre 1882 au 20 mars 1883, p. 14 (6 mars 1883). — 25. "TOULOUSE / COUVENT DES CORDELIERS […] / 47 Inscription rappelant l’établissement par maître / BERNARDVS STEPHANI, notaire de Toulouse, / et par ses frères GVS PET[ ] et RAMVNDVS, / d’une sépulture pour eux / et leur famille, en 1307 ou 1308. / Ra 558" (notice de Daniel Cazes et Patrice Cabau). — 26. "RUE DU VIEUX-RAISIN. (Aujourd’hui rue de Languedoc.) […] Toutes les maisons, entre la rue des Régans et la place des Carmes, ont été reconstruites dans les premières années de ce siècle. Sur les emplacements des immeubles actuels, on trouvait : […] Au n° 25 (ancien 37), ancien Hôtel de Vèsa, démoli en 1907, dont l’élégante porte Renaissance, surmontée d’un fronton avec les croissants de Diane, a été réédifié dans la cour de l’ancienne caserne de la Mission. […] vers 1640 Henri de Montagut (ou Montégut), docteur et avocat, capitoul en 1637-38, chef du Consistoire en 1651-52 et 1652-53 […] ; vers 1788 Jean-François de Montégut, membre de l’Académie des sciences et conseiller au Parlement (1751-1771), et son fils, Raymond-André-Philibert de Montégut, conseiller en 1786. […] Après la Révolution, l’hôtel fut restitué à la famille." CHALANDE 1919, n° 114, p. 231, 234, 235. — 27. "Le couvent des Carmes était environné sur trois de ses faces, par la Rue de l’Arc des Carmes, par celle du Crucifix, que l’on nommait aussi la Rue du Provençal, la troisième était celle de Notre-Dame de Mont-Carmel. " ; " La chapelle du Crucifix […] tenait au couvent des Grands-Carmes, et a donné son nom à la rue qui s’étendait, au levant, vers la rue d’Aussargues, et à l’opposite, du côté de celle de Pharaon. " DU MÈGE 1844, Institutions… (I), p. 551 ; 152. — 28. "C’est dans la maison placée à l’angle de la rue du Crucifix, et de celle dite du Vieux-Raisin, qu’existait la maison de M. de Montégut, conseiller au parlement et victime de la révolution, ainsi que son fils. Le côté de cette maison, qui fait face à la place dite d’Orléans, a été rebâtie [sic] depuis peu de temps. Celle [lire : Celui] qui se trouve dans la rue du Vieux-Raisin, ou de Bertrand [lire : Bernard] Parayré conserve encore sa petite porte, décorée de croissants […]." DU MÈGE 1846, p. 552 – Cf. DU MÈGE 1844, Institutions… (I), p. 134. Le retour de la nouvelle façade nord sur la rue du Vieux-Raisin fut porté à l’alignement projeté pour cette voie. Cf. DIEUZAIDE, PRIN… 1978, p. 14 (plan de Toulouse par Joseph Vitry oncle, 1848 : angle de la "Place des Carmes" et de la "Rue du Vieux Raisin") ; cliché n° 34 (photographie antérieure à 1907 : vue de l’angle prise du Nord ; cf. p. 170). — 29. Sur ces collections, voir : BAOUR 1788 – LAMOUZÈLE 1902, p. 65-66 – DESAZARS DE MONTGAILHARD 1903, p. 248-249 – SENTOU 1984, p. 376 — 30. Jean-François de Montégut fut guillotiné à Paris le 20 avril 1794, selon Alexandre Du Mège, Edmond Lamouzèle et Jean Sentou (DU MÈGE 1823, p. 79 – Cf. DU MÈGE 1827, p. 200 – Cf. DU MÈGE 1844, Institutions… (III), p. 394 – Cf. DU MÈGE 1858 (I-1), p. LXXX – LAMOUZÈLE 1903, p. 65 – SENTOU 1984, p. 376) ; selon Jules Chalande, il serait mort au début de 1794, avant son jugement (CHALANDE 1919, p. 235). — 31. MESURET 1960, p. 101-102. — 32. LAMOUZÈLE 1903, p. 65-66. — 33. DU MÈGE 1835, p. 150 – DU MÈGE 1858 (I-2), p. 157. — 34. Épitaphes de Rodulfus ou Rogodolfus (MONTÉGUT 1788, n° 3, p. 295 – HIRSCHFELD 1888, n° 5407, p. 629), de Mart[i]olus (MONTÉGUT 1788, n° 5, p. 295 – HIRSCHFELD 1888, n° 5404, p. 629), de [S]abina (MONTÉGUT 1788, n° 9, p. 296 – HIRSCHFELD 1888, n° 5391, p. 628), d’un primigenius (MONTÉGUT 1788, n° 4, p. 295 – HIRSCHFELD 1888, n° 297*, p. 29*), épitaphe précédée d’un chrisme (MONTÉGUT 1788, n° 6, p. 295 – HIRSCHFELD 1888, n° 5406, p. 629), fragment comportant neuf lignes (MONTÉGUT 1788, n° 8, p. 296 – HIRSCHFELD 1888, n° 5409, p. 630). L’épitaphe d’Eugenius, découverte quelques années avant et publiée de façon fragmentaire (MONTÉGUT 1784, p. 34’-35’), l’a été à nouveau, de manière complète (MONTÉGUT 1784, p. [VII] – MONTÉGUT 1788, n° 7, p. 296 – HIRSCHFELD 1888, n° 5401, p. 629). — 35. CASTELLANE 1836, p. 181 = 1838, p. 9, n° 6 ; Ve s., pl. II, n° 6. — 36. CASTELLANE 1836, p. 185 = 1838, p. 13. Jean-François de Montégut dit bien que l’épitaphe d’Eugenius "doit avoir été faite dans les derniers temps de l’Empire, à en juger par la forme des caractères" (MONTÉGUT 1784, p. 35’), mais il ne donne aucune indication de cet ordre pour celle de Mart[i]olus. — 37. "747. Fragment de bas-relief en pierre peinte : translation des restes d’un saint. Donné par le génie militaire." ROSCHACH 1865, p. 268. Cette pièce ne paraît plus dans les catalogues de 1912 et 1938. — 38. ROSCHACH


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1865, p. 487. — 39. MARTIN 1916, p. 360, 371, 375, 382, 383, 384. — 40. MESURET 1968, p. 52, 53 — 41. DU MÈGE 1846, p. 614 – MARTIN 1916, p. 585. — 42. "183 bis Inscription placée autrefois au-dessus de la chapelle du saint Sépulcre dans l’église des Cordeliers." DU MÈGE 1813, p. 58. — 43. Inscriptions de la fin du treizième siècle ou début du quatorzième commémorant la fondation de chapelles dédiées, l’une à saint Jacques, l’autre à saint Barthélémy. Toulouse, Musée des Augustins, inventaire : Ra 556-557 ; galerie d’épigraphie médiévale : nos 45-46. Bibliographie sélective : DU MÈGE 1818/1819, nos 257, 264, p. 95 – DU MEGE 1828, nos 359, 365, p. 114 – DU MÈGE 1835, nos 602-603, p. 230 – CASTELLANE 1837, p. 211, 212 ; XIIIe siècle, planches VIII (n° 5) et IX (n° 2) = CASTELLANE 1841/1842, p. 135, 136 ; idem – DU MÈGE 1846, p. 613 – ROSCHACH 1865, nos 741-742, p. 266 – GUILHERMY 1826/1873, f. 292 v°, 298 v°, 324 r° – RACHOU 1912, nos 556-557, p. 237 – RACHOU 1938, p. 562 – CARBONELL-LAMOTHE 1966, p. 96 – C.I.F.M., 1982, nos 110-111, p. 148-149 ; planche LVIII, fig. 115-116. — 44. "Musée archéologique de Toulouse, notice par M. Alexandre du Mège […]. 1858. – 382 pages in-4°, 1890 numéros. (Manuscrit inédit, déposé aux archives de l’hôtel-de-ville.)" ROSCHACH 1865, p. VII, n° 11 – RACHOU 1912, p. XVIII, n° 11 ; cf. p. IX – RACHOU 1938, p. 558. — 45. Voici en quels termes Ernest Roschach, deux ou trois ans après sa nomination comme conservateur des antiquités du Musée de Toulouse, déplorait et expliquait cette méconnaissance : "Malheureusement, [l]es dépôts successifs […] ont été enregistrés avec la plus inexcusable négligence, et, faute d’indications précises et de descriptions techniques, l’identité des monuments présente quelquefois de véritables problèmes." ; "Cette tâche [la rédaction d’un catalogue précis] nous eût été rendue moins pénible si de regrettables négligences, des contradictions nombreuses, et surtout une extrême pénurie de documents, ne nous avaient suscité à chaque pas des obstacles inattendus." ROSCHACH 1865, p. II ; IV.

BIBLIOGRAPHIE : www.societes-savantes-toulouse.fr/samf/memoires/t_60/bul20003#bul03
BAOUR (Jean-François), L’Almanach Historique de la Province du Languedoc, Toulouse, 1788 — BARRY (Edward), LEBÈGUE (Albert),… Recueil des inscriptions antiques de la province de Languedoc = Histoire générale de Languedoc […], 3e édition, Toulouse, XV, 1892 (et 1893) — BATIFFOL (Pierre), L’épigraphie chrétienne à Toulouse, dans Bulletin de littérature ecclésiastique publié par l’Institut catholique de Toulouse, n° 5, Paris, 1902, p. 133-147 — CARBONELL-LAMOTHE (Yvette), Recherches sur la construction du couvent des Cordeliers de Toulouse, dans Fédération des Sociétés académiques et savantes de Languedoc-Pyrénées-Gacogne, Actes du XXIe Congrès d’études régionales (Toulouse, 15-16 mai 1965), Toulouse, 1966, p. 93-104 — CHALANDE (Jules), Histoire des rues de Toulouse […], Toulouse, I, 1919 — C.I.F.M. = FAVREAU (Robert), MICHAUD (Jean), LEPLANT (Bernadette), Corpus des Inscriptions de la France médiévale, Paris, 7, 1982 — DESAZARS DE MONTGAILHARD (baron), Les antiquaires, les collectionneurs et les archéologues d’autrefois à Toulouse, dans B.S.A.M.F., Toulouse, nouvelle série, n° 30, 1903, p. 234-256 — DIEHL (Ernst), Inscriptiones Christianae Latinae veteres, Berlin, I-III, 1925-1931 — DIEUZAIDE (Jacqueline), DIEUZAIDE (Jean), PRIN (Maurice), SAINT-SAËNS (Marc), Toulouse tel qu’il fut vers 1900, Toulouse, 1978 — [DU MÈGE (Alexandre)], Notice des tableaux, statues, bustes, dessins, etc. composant le Musée de Toulouse, Toulouse, 1813 — [DU MÈGE (A.)], Notice des tableaux, statues, bustes, bas-reliefs et antiquités, composant le Musée de Toulouse, Toulouse, [1818/1819] — DU MÈGE (A.), Montégut (Jean-François de), dans Biographie Toulousaine, Paris, II, 1823, p. 75-79 — DU MÈGE (A.), [Éloge de] M. de Montégut, dans Histoire et Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, Toulouse, 2e série, I-2, 1827, p. 196-200 — DU MÈGE (A.), Notice des monuments antiques et des objets de sculpture moderne conservés dans le Musée de Toulouse, [Toulouse], 1828 — DU MÈGE (A.), Description du Musée des Antiques de Toulouse, Toulouse, 1835 — DU MÈGE (A.), Description du Musée des Antiques de Toulouse, Toulouse, novembre 1844 (Toulouse, A.M., 5 S 219 : registre manuscrit in-folio, paginé, une page sur deux, au recto, en chiffres impairs. – Photocopies au musée Saint-Raymond et au musée des Augustins.) — DU MÈGE (A.), Histoire des Institutions religieuses, politiques, judiciaires et littéraires de la ville de Toulouse, Toulouse, I, 1844 ; 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2e édition, an IV [1795/1796] ; 3e édition, an V [1796/1797] ; 4e édition, an VIII [1799/1800] — [LUCAS (J.-P.)], Notice des tableaux, statues, bustes, dessins, etc., composant le Musée de Toulouse, Toulouse, an XIII - 1805 — LUCAS (J.-P.), Catalogue critique et historique des tableaux, et autres monumens des Arts du Musée de Toulouse, [Toulouse], "5e édition", 1806 — MESURET (Robert), Évocation du Vieux Toulouse, Paris, 1960 — MESURET (R.), Les cabinets de Académies et les Musées municipaux d’Art et d’Histoire de 1564 à 1914, catalogue d’exposition, Toulouse, 1968 — MARTIN (Henri), Département de la Haute-Garonne - Documents relatifs à la vente des biens nationaux - District de Toulouse, Toulouse, 1916 — MONTÉGUT (Jean-François de), Recherches sur les Antiquités de Toulouse [Lues le 10 Avril 1777.], dans Histoire et Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse, Toulouse, 1ère série, I, 1782, p. 65’-110’ et planches hors-texte IV-XII — MONTÉGUT (J.-F. de), Conjectures sur quelques fragmens d’Inscriptions Romaines dévouvertes à Toulouse vers la fin de l’année 1782 [Lu le 23 Janvier 1783.], dans Histoire et Mémoires de l’Académie […], Toulouse, 1ère série, II, 1784, p. 14’-35’ — MONTÉGUT (J.-F. de), Antiquités découvertes à Toulouse pendant le cours des années 1783, 1784 & 1785 [Lu les 23 Avril 1784 & 16 Février 1786.], dans Histoire et Mémoires de l’Académie […], Toulouse, 1ère série, III, 1788, p. 265-296 et planches hors-texte XI-XIV — RACHOU (Henri), Catalogue des Collections de Sculpture et d’Épigraphie du Musée de Toulouse, Toulouse, 1912 — RACHOU (H.), Musée des Augustins - Collections de Sculpture et d’Épigraphie, dans Ville de Toulouse - Bulletin Municipal, Toulouse, 1936 (n° 6, juin) ; 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    Le Président remercie Patrice Cabau pour cette relecture critique qui nous rappelle une nouvelle fois à ce doute terrifiant qu’il faut toujours avoir devant les catalogues des XVIIIe et XIXe siècles. Il dit comprendre le plaisir du bibliophile se retrouvant en présence de l’exemplaire ayant appartenu au marquis de Castellane, dont il rappelle l’activité de dessinateur, antérieure à son intérêt pour les antiquités, mais il avoue avoir eu quelques difficultés à suivre le cheminement des deux inscriptions. Patrice Cabau confirme que la provenance de l’inscription de Sedata n’est pas remise en cause, mais qu’en revanche l’inscription médiévale de B. Stephanus ne provient pas des Cordeliers.
    Henri Molet signale qu’un B. Stephanus est mentionné en 1293, dans un rôle de dettes anciennes, pour avoir prêté de l’argent à la commune ; il habite le capitoulat de Saint-Rome.
    Daniel Cazes dit qu’il a eu à plusieurs reprises l’occasion d’insister sur la rupture qui a eu lieu entre les dernières années de Du Mège et la reprise de la conservation du Musée par Roschach. Dans les années 1850-1860, le Musée de Toulouse est à l’état d’abandon ; on y constate des vols, des dégradations, du vandalisme et la Société Archéologique s’en plaint plusieurs fois. Les catalogues sont édités jusqu’en 1835, puis la Ville en refuse sans cesse la réédition. On se rappelle le conflit qui opposa Du Mège et le concierge du Musée, lequel peignait de son propre chef des cartels sur les œuvres. À partir de 1862, Roschach essaie de retrouver les provenances des objets, et il faut bien dire qu’il fait ce qu’il peut. Son catalogue contient de très nombreuses erreurs qui se retrouvent bien sûr en chaîne dans les publications postérieures.

    La parole est alors à Valérie Rousset pour une communication sur Deux maisons médiévales de Saint-Laurent-les-Tours, publiée dans ce volume (t. LX, 2000) de nos Mémoires

    Le Président remercie Valérie Rousset d’avoir bien voulu accepter de faire bref, puis il s’enquiert du sort réservé à ces deux maisons exceptionnelles mais en ruines. Valérie Rousset indique que la maison « gothique » fait l’objet d’un projet de restauration qui respecte l’édifice. Le bâtiment « roman » et en revanche trop mal conservé et de plus incomplet puisque manque toute la partie arrière, dont les vestiges, pris sous les remblais, exigeraient une fouille archéologique. A propos de la maison « romane », qui lui paraît la plus intéressante, le Président demande si les trous d’encastrement qui apparaissent au niveau de l’étage ne sont pas des trous de boulin. Après avoir indiqué qu’ils sont d’une dimension supérieure aux trous de boulin, Valérie Rousset fait remarquer qu’ils se trouvent au même niveau que le plancher. Une discussion intervient alors entre Valérie Rousset, Olivier Testard et Maurice Scellès sur la meilleure façon de restituer le plancher et sa poutraison.
    Répondant à Anne-Laure Napoléone, Valérie Rousset précise qu’aucune trace de la distribution d’origine ne subsiste dans la maison « romane », peut-être parce que l’escalier se trouvait dans la partie arrière détruite. Anne-Laure Napoléone ajoute que la fenêtre de Figeac invoquée pour dater la maison de Saint-Laurent est cependant un peu plus tardive.
    Annie Noé-Dufour attire l’attention sur les portes de la maison « gothique » et note que leur contemporanéité serait plutôt en faveur du début du XVIe siècle, ce dont convient Valérie Rousset.
    Répondant au Président, Valérie Rousset précise que la famille indiquée par l’héraldique apparaît dans les années 1460. François Bordes ayant demandé si l’on disposait de sources historiques, elle signale les études d’Edmond Albe et de Jean Lartigaut, mais elle ajoute qu’aucun lien ne peut être établi entre les textes et les bâtiments.
    Jean Nayrolles et Henri Pradalier s’étonnent de l’emploi qui est fait des catégories du « roman » et du « gothique ».


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Jean Nayrolles rappelle que la question du vocabulaire est importante et que le recours à cette terminologie a déjà conduit à des impasses. Pour Henri Pradalier, il est clair que les termes de « roman » et « gothique » doivent être proscrits dans le cas d’édifices de ce type et il en appelle à une datation par siècle. Le Président note que, dans cette architecture, seules les formes des baies peuvent éventuellement être qualifiées stylistiquement. Maurice Scellès admet qu’il s’agit d’un emploi abusif des notions de style, tout en faisant remarquer le caractère pratique de ces appellations alors que la recherche n’est pas assez avancée pour que soient proposées des datations plus précises. Olivier Testard dit avoir recours à des notions de style alors même qu’elles sont en décalage avec les datations connues. Daniel Cazes rappelle que cette terminologie est une tradition spécifiquement française et que les périodisations utilisées en Italie (par siècle) ou en Espagne (par exemple « l’art de la Reconquête ») sont mieux fondées.
    Henri Molet et Maurice Scellès demandent des précisions sur les « archères » de la première maison. Valérie Rousset montre qu’il s’agit plus probablement de fentes d’éclairage.

 

SÉANCE DU 11 AVRIL 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mme Cazes, MM. l’abbé Baccrabère, Nayrolles, Pradalier, Roquebert, le Père Montagnes, Mgr Rocacher, membres titulaires, Mmes Fronton-Wessel, Pujalte, Tollon, MM. Bordes, Burroni, Hamon, Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusés : M. Coppolani, Directeur honoraire, M. Garland.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 4 avril dernier, qui est adopté.
    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite. En nous remerciant de l’envoi du dernier volume de nos Mémoires, le maire de Toulouse, M. Dominique Baudis, nous écrit qu’il a en particulier prêté une grande attention à l’article consacré à « Dame Tholose », pour laquelle il avait déjà demandé en 1998 une expertise et des propositions pour la protéger. Il saisit cette occasion pour la rappeler à l’attention de l’administration municipale et ne manquera pas de nous tenir informés.

    Le Bibliothécaire-archiviste présente le bulletin de souscription pour le volume que les éditions Flohic consacrent au département de la Haute-Garonne. La présentation par canton et par commune du patrimoine des origines jusqu’aux années 1960 constitue un ensemble documentaire intéressant, en dépit de lacunes regrettables. Répondant à Quitterie Cazes, Louis Latour indique que les notices elles-mêmes ne sont pas signées mais que les auteurs sont mentionnés par canton. Certains membres expriment des réserves sur le contenu et les méthodes employées, illustrant leurs propos de quelques témoignages. Il faut croire que la fièvre patrimoniale qui s’est emparée de notre société favorise les grandes « moulineries » de margoulins qui savent en profiter et produisent malgré tout une documentation parfois utile.

    Le Directeur présente son rapport sur la candidature de Mme Nicole Andrieu-Hautreux. On procède au vote : Mme Nicole Andrieu-Hautreux est élue membre correspondant de notre Société.

    Henri Pradalier informe la Compagnie qu’il a été sollicité par la Ville de Toulouse pour donner son avis sur des textes succincts destinés à des panneaux signalétiques présentant les monuments et lieux de la ville. Il demande aux membres présents de bien vouloir examiner la liste qu’il fait circuler et de lui faire part de leurs éventuelles observations. François Bordes, qui a été chargé du dossier et qui est donc l’auteur de ces premiers textes, précise que les panneaux seront placés sur les monuments eux-mêmes ou sur le trottoir.

    La parole est à Françoise Tollon pour une première communication sur Les fresques de Saint-Sulpice-sur-Lèze : état des lieux :

    « Les peintures murales datables du XVe siècle de la seconde chapelle sud de l’église de Saint-Sulpice (Haute-Garonne) se trouvant dans un état de conservation critique, elles ont fait l’objet d’une intervention d’urgence. Les travaux ont été réalisés au cours de l’été 1999 sous la maîtrise d’œuvre de la conservation régionale des Monuments Historiques de Midi-Pyrénées. Ils ont permis, outre la consolidation des peintures, de faire un état des lieux en prévision de leur conservation à plus long terme et enfin de redécouvrir une œuvre dont la lisibilité était fortement altérée.

    La scène de l’Enfer a été placée, selon la tradition, sur le mur ouest de la chapelle, tandis que celle du Paradis est peinte sur le mur est. Le mur sud devait à l’origine être peint mais il est aujourd’hui


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entièrement recouvert de béton. Les seules peintures encore en place sur ce mur sont celles de l’ébrasement de la fenêtre, qui représentent la résurrection des morts. Il faut également noter que des peintures sont encore en place sur la voûte et l’arc de la chapelle mais elles n’ont pas encore été mises au jour. Les scènes de l’Enfer et du Paradis qui ont fait l’objet de cette intervention de conservation ne sont pas complètes puisque la partie basse des murs est et ouest, suite à la disparition des peintures, a été entièrement réenduite.
    Pour la représentation de l’arrivée des âmes dans la Jérusalem Céleste, la ville nouvelle est représentée à droite par un mur fortifié qui comporte deux fenêtres par lesquelles on voit les visages des âmes qui sont déjà entrées. Devant une grande porte se tient saint Pierre, la clef dans la main gauche. Juste au-dessus de la construction, un personnage est entouré d’un nuage ondulé ; il semble bénir de la main droite. Il pourrait s’agir de la représentation du Christ, mais la couche picturale est très abrasée dans cette zone, notamment au niveau de sa tête. Entre le nuage et la Jérusalem céleste émergent des bustes d’âmes avec les mains en prière.
    Sur le côté gauche, une multitude d’âmes se presse, debout ou à genoux, les mains en prière ; pratiquement toutes ont le visage tourné vers la Ville Céleste. Des anges viennent les chercher en les prenant par la main. L’ensemble des âmes est représenté sur un fond noir (identique à celui de la gueule du Léviathan) et leurs corps nus sont encore léchés de flammes rouges : il s’agit donc apparemment des âmes qui viennent du purgatoire.
    La partie supérieure, très abrasée, évoque le ciel qui passe du blanc au bleu.
    Sur le mur ouest la gueule du Léviathan se trouve à droite de la scène, pleine d’écailles ocres, et qui s’ouvre sur un fond noir baigné de flammes rouge vif. Des diables, dont les coudes ou les genoux sont autant de bouches qui happent les damnés, torturent ou emmènent ceux-ci vers l’Enfer. Les seules tortures sont celles de gueules d’animaux imaginaires qui mangent les seins des damnés, dont quelques uns sont enchaînés. Un diable, à gauche, en porte de nombreux dans son panier tandis que d’autres sont dans une charrette tirée par un animal monstrueux. En haut de la gueule du Léviathan se trouve le diable qui se veut certainement le plus effrayant de tous.

    La majeure partie des observations sur la technique mise en œuvre évoque une peinture à fresque, avec, en premier lieu, le fait que la peinture soit directement posée sur le mortier, sans badigeon intermédiaire. Deux autres éléments concourent à l’hypothèse d’une technique à fresque :
- sur les deux scènes on voit nettement des pontates (qui avec les giornates sont caractéristiques d’une peinture réalisée a fresco). S’il s’agissait d’une détrempe le mur aurait été enduit en une seule journée, compte tenu de sa faible surface.
- dans la partie basse de l’Enfer, côté sud, une zone a été complètement baignée d’eau, et ce durant un temps relativement long : on peut voir la limite supérieure de cette partie « lessivée ». La couche picturale est altérée mais on voit toujours très bien le dessin préparatoire, les traits noirs du dessin définitif et certaines couleurs. Une peinture à la détrempe n’aurait pas résisté à un tel traitement.
    Si les observations visuelles évoquent très fortement une technique à fresque (avec des reprises « à sec » bien sûr et des procédés « mixtes », par exemple pour les corps qui ont reçu un lait de chaux avant la pose des ombres et lumières ou des traits de visage... ), seule une recherche de liant par analyse pourrait le certifier. Une telle analyse, au demeurant très délicate, est malheureusement compromise par la présence de fixatifs qui ont été passés sur les peintures lors des restaurations précédentes.
    Les couleurs utilisées sont des plus « classiques » : ocre rouge, ocre jaune, noir, pures ou mélangées à de la chaux pour les gris et les roses. Une exception, un rouge très vif (vermillon ?), notamment utilisé pour les flammes, qui a terni mais que l’on a pu observer en dégageant les restes de badigeon de chaux. Ce rouge est également visible sur les bouches des monstres. Les dessins préparatoires ont été réalisés à l’ocre rouge.
    La fresque, technique noble de la peinture murale, a été pratiquée en France jusqu'à la période romane. S'impose ensuite la peinture à la détrempe sur un badigeon de chaux lui-même posé sur un mortier plus ou moins sec mais qui peut être antérieur à la peinture. Si les peintures de Saint-Sulpice sont bien, comme nous le pensons, à fresque, elles peuvent apparaître comme un anachronisme. Peut-être cette technique a-t-elle perduré dans certains ateliers car il arrive que l'on en rencontre dans les périodes tardives, comme celles de l'église d'Estarvielle dans les Pyrénées orientales, datables du milieu du XVIe siècle. Il nous faut pourtant remarquer qu'ici, la réalisation des peintures est, dans son ensemble, fruste et maladroite. Le mortier, très grossier, a été posé de manière malhabile. Le dessin lui-


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même est simple et gauche, malgré la volonté de mise en volume des personnages. On note également quelques repentirs, recouverts de lait de chaux. Ces observations nous incitent à penser que le peintre qui a réalisé cet ensemble n’était pas un « professionnel », un peu comme si quelqu’un avait pris des livres de recettes et des images et avait tenté de les adapter avec ses méconnaissances techniques.

    Les peintures de l’Enfer et du Paradis ont subi de nombreuses interventions. Les observations que nous avons pu faire sur l’histoire de ces peintures sont lacunaires dans la mesure où leur dégagement a fait disparaître certains indices. Nous avons cependant pu établir la chronologie qui suit.
    Dans un premier temps des lacunes du mortier original et des joints entre les briques ont été réenduits avec un mortier brun. Ensuite, un badigeon de chaux blanc a été passé sur l’ensemble des peintures. Ce badigeon recouvrait le mortier sur la limite inférieure actuelle des peintures, ce qui signifie que les parties basses étaient déjà, en partie tout au moins, tombées. Ultérieurement, la partie inférieure des murs a été enduite d’un mortier brun, très dur, certainement hydraulique. Enfin, l’ensemble a été recouvert d’une couche de plâtre peint en ocre jaune.
    Les peintures ont été redécouvertes en 1954. Dans les années suivantes elles ont été restaurées par M. Nicolas Greschny. Nous n’avons pas de document sur cette intervention, mais les observations visuelles indiquent qu’elles ont alors été dégagées et dépoussiérées. Les petites lacunes ont été enduites et remises en couleur avec une peinture synthétique, certainement vinylique. Lors de cette intervention, les fissures les plus larges, les plus grosses lacunes ainsi qu’une bande de 50 cm de haut environ sous la limite inférieure des peintures, ont été enduites avec mortier à base de ciment. Les plus grosses lacunes et les fissures ainsi enduites ont été l’objet de restitutions. Par contre, N. Greschny a été très respectueux, pour l’époque, de la peinture originale car sur l’ensemble des deux scènes on ne note que de très rares repeints sur la peinture originale. Le peintre a simplement réalisé quelques repiquages. Deux zones ont subi une retouche picturale plus lourde : la partie haute de l’Enfer avec le diable central dont le visage et le bras droit ont été partiellement repeints. Mais il faut ajouter que N. Greschny a principalement posé sa retouche sur des badigeons calcités (qu’il n’a pas dégagés) et que ses repeints ont suivi des restes d’original. Une autre zone a été assez largement reprise, sur la scène du Paradis, au niveau du visage du personnage qui représente certainement le Christ. Des zones calcitées en partie haute n’ont pas été dégagées.
    En 1981, M. Pierre Bellin a réalisé une intervention de remise en état et de fixation des peintures. À sa demande, le L.R.M.H. a analysé des prélèvements : les efflorescences salines présentes sur les peintures étaient composées à 77 % de sulfate de calcium. Des tests réalisés avec de l’acétone montrent que le voile blanc recouvrant la surface est en partie dû à la présence d’un fixatif qui a été posé sur la surface des peintures et qui, en présence d’une forte circulation d’eau, s’est altéré. Nous ne pouvons dire cependant si cette fixation correspond à l’intervention de M. Greschny ou à celle de M. Bellin.
    Enfin certaines parties du support, comme les écailles de la gueule de l’enfer, sont jonchées de coups de marteau. Nous ne savons pas si ces dégâts correspondent à une tentative de bûchage du mortier lorsque l’on a posé la couche de plâtre ou s’il s’agit des traces du dégagement de la première restauration.

    Le support des deux scènes est en très mauvais état de conservation. L’origine de cette altération est l’humidité. Tout d’abord il y a eu de grosses infiltrations d’eau qui ont altéré les parties hautes. Par ailleurs des remontées capillaires importantes ont dans un premier temps fait chuter les parties basses des mortiers (sur 2,70 m. pour le mur est et 3,10 m. pour le mur ouest) ; les murs de briques, comme nous l’avons dit, ont été réenduits à deux reprises, avec un mortier hydraulique pour le premier et un autre à base de ciment dans les années cinquante. La présence de tels matériaux a nui au mortier original encore en place : l’eau ne pouvant plus s’évacuer dans les parties basses remontait jusqu’à la fresque où elle trouvait un passage pour s’évaporer. Les conséquences de cette circulation d’eau sont les suivantes :
- décollement total du mortier original sur une hauteur de 50 à 80 cm tout le long de la limite inférieure, et poches de décollement dans les parties supérieures ;
- affaiblissement et décohésion du mortier ;
- nombreuses lacunes de mortier dont la plupart ont été bouchées et restaurées par M. N. Greschny ;
- l’ensemble de la couche picturale est recouvert d’un voile blanc plus ou moins prononcé, tandis que des efflorescences salines se trouvent en partie inférieure des peintures.


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stsulp1m.JPG (15677 octets)  

SAINT-SULPICE-SUR-LÈZE, PEINTURES MURALES.
Mur est : le Paradis.

 stsulp2m.JPG (15949 octets)

SAINT-SULPICE-SUR-LÈZE, PEINTURES MURALES.
Mur ouest : l'Enfer. 


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    Les prélèvements réalisés avec des bandelettes des laboratoires Merck ont montré que sur l’ensemble de la surface le voile blanc est principalement composé de nitrates tandis que les efflorescences salines des parties inférieures de la peinture sont principalement composées de sulfates. Il s’agit très certainement de sulfates de calcium au vu de l’histoire de la chapelle. La présence de sulfates n’est confirmée qu’en partie basse, à l’exception d’une zone sur le mur est (Paradis), située en partie haute, côté sud, où le mur a subi plus qu’ailleurs les conséquences des infiltrations. On peut d’ailleurs observer les altérations typiques dues au sulfates, sous forme de petits cratères. La couche picturale est fortement altérée mais au regard de ce qu’elle a subi, elle a finalement bien résisté, ce qui nous conforte dans l’idée qu’il s’agit bel et bien d’une fresque.
    Le dégagement du badigeon de chaux qui recouvrait les peintures n’ayant pas été très soigné, la couche picturale était jonchée de restes de ce badigeon blanc, ce qui nuisait fortement à la lisibilité de l’œuvre.
    Dans les parties hautes, conséquence des infiltrations, ce badigeon s’est calcité. Ces zones n’ont pratiquement pas été dégagées par M. Greschny. La fragilisation et la décohésion du mortier ont entraîné de multiples lacunes de la couche picturale qui présente une forte pulvérulence sur l’ensemble de sa surface. Les couleurs pures (noirs, ocres jaunes et rouges) étant les plus pulvérulentes, les couleurs mélangées avec de la chaux (les roses et les gris) étant un peu mieux conservées, bien que fragilisées. Quelque temps après le dégagement des mortiers en partie basse des murs des moisissures sont apparues sur les briques et sur la partie inférieure des peintures.

    L’intervention qui a été réalisée au cours de l’été 1999 a consisté plutôt en une opération d’urgence. En effet une intervention de fond pour une sauvegarde à long terme des peintures n’était pas envisageable dans les conditions où celles-ci se trouvent actuellement.
    La première urgence était de faire tomber tous les mortiers hydrauliques des parties basses (ce qui a été fait par la Mairie de Saint-Sulpice) et de consolider les parties inférieures des mortiers originaux encore en place qui, comme nous l’avons vu, étaient décollés sur toute la longueur, sur une hauteur de 50 à 80 cm. Ces consolidations ont été effectuées avec des injections de coulis Torraca (chaux hydraulique, chamotte, Primal AC33), avec pose de cales sous pression pour maintenir les mortiers en place. Des solins ont au préalable été posés tout le long de la limite inférieure des peintures. Certaines zones, qui sonnaient creux mais ne correspondaient pas à de forts décollement de mortier, n’ont pu être consolidées.
    Les zones où la décohésion du mortier conduisait, au-delà de la pulvérulence, à la perte de la surface, ont été consolidées avec du Primal AC33 à 20 % dans de l’eau. Les trous d’injection qui ont dû être ménagés dans le mortier original et les lacunes les plus profondes ont été mastiqués avec un mortier de chaux grasse et de sable.
    Par ailleurs, il était nécessaire de traiter la couche picturale, fragilisée par les conditions hygrométriques auxquelles elle est soumise. Dans les conditions actuelles où se trouvent les peintures, le choix de la méthode était restreint : le refixage de la couche picturale a été fait avec du Paraloïd B72. Pour ce faire, l’épiderme de la peinture devait être nettoyé. Les efflorescences salines et le voile blanc ont été éliminés avec des moyens mécaniques, scalpel et pinceaux doux ; les restes de badigeon qui jonchaient la peinture ont été dégagés au scalpel, les zones calcitées n’ayant pu être traitées dans le cadre de ce chantier ; la couche picturale et de la maçonnerie apparente en partie basse ont été traitées au nitrate d’échonazole à 3 % (éthanol et alcool benzilique) ; l’ensemble de la couche picturale a été refixé avec une couche de Paraloïd B72 à 3,5 % dans du xylène.

    Comme nous l’avons dit, l’intervention dont il est question ici est une mesure d’urgence pour assurer la sauvegarde des peintures. La conservation à plus long terme de ces fresques impose d’envisager une intervention plus lourde.
    La principale source d’altération de ces peintures est l’humidité. Le problème des infiltrations semble avoir été résolu puisque la toiture des chapelles sud a été revue. Le problème des remontées capillaires reste donc à régler, avant qu’un traitement de conservation efficace puisse être entrepris. Si l’on parvient à stopper ou ralentir les remontées d’eau par le sol de la chapelle, il faudra ensuite attendre quelque temps (cela se compte en années) afin que toute l’humidité contenue dans les murs de la chapelle s’évacue et que ceux-ci arrivent à un relatif équilibre avec le climat de l’église. Il faut noter que durant ce laps de temps, le mouvement d’humidité correspondra à un assèchement progressif des maçonneries, ce qui se traduira par la réapparition du voile de nitrates et des amas de sulfates. 


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    Une fois le mur en « équilibre » avec le climat de l’église, on pourra alors envisager un traitement définitif pour les peintures. Il s’agira alors d’éliminer les sels encore contenus dans le mortier par des séries de compresses d’eau déminéralisée, additionnée de carbonate d’ammonium pour le traitement des sulfates. Après quoi un traitement remédiant à la décohésion du mortier et à la pulvérulence de la couche picturale pourra être effectué, avec, de préférence, des consolidants minéraux.

Françoise TOLLON »

    Le Président remercie Françoise Tollon pour cette présentation accompagnée de très bonnes photographies de ces peintures que l’on voit bien mal sur place. S’il faut admettre le principe d’une restauration tous les vingt ans, pourquoi ne pas procéder à la dépose ? Françoise Tollon précise que des travaux de drainage et de toiture ont été réalisés par la Mairie et qu’une restauration globale est proposée, mais elle ajoute qu’elle est très opposée à la pratique de la dépose en raison des altérations que subissent inévitablement les peintures. Elle rappelle que la dépose nécessite d’enduire la surface picturale de colle, qui pénètre dans l’enduit, puis de la fixer sur un nouveau support : les différents produits utilisés vieillissent mal. En outre, leur conservation nécessite un climat strictement contrôlé qu’il est souvent plus difficile d’obtenir dans un musée qu’in situ.
    Le Président demande s’il faut considérer que les Italiens sont déraisonnables. Françoise Tollon dit que nous admirons à juste titre nos confrères italiens, mais que leurs pratiques ont, comme les nôtres, fluctué avec les modes. Elle ajoute que parmi les restaurateurs, personne n’est actuellement favorable à la dépose.
    Le Président remarque que le service des Monuments historiques n’a que peu d’archives concernant les restaurations des années 1980, ce que confirme Françoise Tollon en indiquant que des dossiers complets sont désormais exigés des restaurateurs. Elle souligne combien il est nécessaire de disposer de dossiers fiables en particulier lorsqu’il faut avoir recours à des interventions répétées au fil des années.
    Daniel Cazes dit douter de la disparition totale de la technique de la fresque aux XIIe et XIIIe siècles et il évoque encore Villeneuve d’Avignon, Narbonne et Béziers. Pour Françoise Tollon seules des analyses techniques précises permettent de trancher, mais elle croit pouvoir affirmer que les seules fresques connues en France après le XIIe siècle sont des œuvres dues à des artistes étrangers. Daniel Cazes rappelle que c'était ce que l’on disait pour le XIIe siècle jusqu’à la découverte des fresques de Saint-Sernin. Olivier Testard rappelle qu’une fresque comporte très souvent des compléments réalisés à la détrempe.
    Le Président souligne la qualité extraordinaire de la représentation de l’Enfer et regrette que l’édifice, inscrit sur la liste supplémentaire des Monuments historiques, ne soit pas mieux mis en valeur par la commune. Comme il demande si la peinture a été étudiée, Françoise Tollon dit que rien n’a été fait depuis le recensement de Mesuret. Henri Pradalier dit qu’il est sûr que Michèle Fournié s'est intéressée à la représentation du Purgatoire.  

    Françoise Tollon présente ensuite une seconde communication consacrée à la Restauration d'un cadre de l'église de Vielmur (Tarn) : questions autour d'une restauration :

   « Dans le chœur de l’église de Vielmur-sur-Agout (Tarn) se trouvent trois cadres en bois doré et argenté, datés du milieu du XVIIIe siècle et qui, compte tenu de leur état, sont l’objet d’une campagne de conservation-restauration sous la maîtrise d’œuvre de la conservation régionale des Monuments Historiques de Midi-Pyrénées. La première œuvre traitée est le tableau représentant saint Benoît, côté sud du chœur. La toile a été restaurée par le C.R.P.A. (Gaillac, Tarn) tandis que M. Jean-Michel Parrot (Venès, Tarn) s’est occupé du support bois du cadre.
    Le cadre n’a pas de forme angulaire et il est composé de feuilles de vigne, de grappes de raisin, de volutes ; dans la partie haute, deux visages d’anges émergent de nuages. L’ensemble a été doré à la feuille d’or à l’exception des nuages qui sont recouverts de feuille d’argent. De petits miroirs ont été placés dans des oves creusés dans la largeur du cadre. La forme des volumes principaux a été sculptée dans le bois dont l’épaisseur varie entre quelques dizaines de centimètres et quelques millimètres.
    L’ensemble a été recouvert d’une préparation très épaisse (1,5 - 2,5 mm) à base de colle de peau de lapin et de carbonate de calcium qui a été modelée de reliefs plus délicats. L’ensemble des feuilles métalliques (or et argent) a été posé à l’eau. Que ce soit pour l’or ou pour l’argent, l’utilisation de bols diversement colorés ainsi qu’un traitement de finition différent (brunissage plus ou moins accentué) permettent de jouer tant sur la couleur que sur la brillance de la feuille. Les parties brillantes ont reçu un bol rouge et ont été bien brunies ; les parties plus mates ont été recouvertes d’un bol ocre clair voire blanc, la feuille ayant été peu ou pas brunie.


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    Les différentes observations réalisées au cours d’une restauration nous donnent des indices tant sur la fabrication de l’œuvre que sur son histoire. On a pu ainsi noter quelques zones où la feuille d’or a été posée directement sur le bois, notamment dans des lacunes de préparation. Nous ne pouvons cependant mettre en doute que la dorure est originale, compte tenu de sa grande qualité d’exécution et de l’histoire du cadre. Nous pensons plutôt que ces lacunes ont été faites dans l’atelier de création du cadre alors qu’il était enduit de préparation (par exemple lors du maniement du cadre apprêté) et que les doreurs n’ont pas pris le soin de les boucher lors de la pose des feuilles métalliques.
    Nous avons pu faire des analyses des différents composants de la couche picturale du cadre au microscope électronique à balayage. Ces analyses ont bien montré que la préparation originale était à base de carbonate de calcium. Un prélèvement effectué dans une zone d’argent mat montre la présence du bol (kaolin ou silicate d’aluminium) posé sur la préparation. Comme nous n’avons pu déceler sur ce bol la présence de fer (sous forme de différents oxydes qui donnent aux bols leur couleur), nous avons constaté qu’il s’agit bien d’une assiette blanche pour les zones mates. Enfin, nous avons la confirmation de la présence d’un vernis passé sur la feuille d’argent (une feuille d’argent était toujours vernie pour éviter son oxydation) tandis que nous n’avons rien trouvé de tel sur la feuille d’or.
    Les miroirs ont été réalisés avec de petites plaques de verre mercurisées. Une couche d’étain a été posée au préalable sur le verre pour permettre l’accrochage du mercure.

VIELMUR-SUR-AGOUT, cadre du milieu du XVIIIe siècle.

     Ce cadre a connu, entre le moment de sa création et cette restauration, deux interventions successives.
    À une date indéterminée, les parties dorées du cadre ont été recouvertes d’une peinture ocre jaune à la détrempe, y compris les lacunes de préparation qui étaient déjà apparentes à l’époque. À cette occasion, le cadre aurait pu être nettoyé (voir ci-dessous) mais nous ne pouvons l’affirmer avec certitude.
    D’une manière générale cette peinture a été passée en glacis sur la dorure tandis que les lacunes ont été recouvertes d’une couche plus empâtée. On trouve cependant des zones où cette peinture est assez épaisse sur la dorure.
    La feuille d’argent a également été recouverte d’une peinture grise (zones mates) et noire (zones brillantes).
    Enfin une résine (gomme laque ?) a été posée de manière peu homogène sur cette peinture ; elle apparaît parfois sous forme d’amas ou de coulures.

    Plus tard encore l’ensemble a été recouvert d’une couche de bronzine dont le liant est principalement huileux. Cette intervention a repris l’idée originale qui proposait une variante sur la couleur et la brillance des feuilles métalliques. On trouve donc sur la feuille d’or l’alternance d’une bronzine jaune et d’une autre orange tandis que les nuages ont été entièrement recouverts de la bronzine orange. Cette bronzine a été passée directement sur la dorure tandis que pour les nuages (feuille d’argent), un apprêt a été posé au préalable. Cette préparation intermédiaire était à base de sulfate de calcium.


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    La bronzine est une « mixture » à base de métaux et de résine ou d’huile destinée à imiter les feuilles métalliques. Les traités anciens donnent des recettes précises pour sa fabrication. Les éléments de base de cette bronzine sont le cuivre, le zinc et le fer (ce dernier en proportion infime). Seul le « bronze blanc », qui imite la feuille d’argent, comporte de l’étain (96,46 %). Des alliages de ces métaux étaient ainsi fabriqués (différentes couleurs étant obtenues en fonction des proportions) puis réduits en poudre et enfin imprégnés d’un liant.
    Les analyses réalisées par le M.E.B. montrent que la bronzine jaune passée sur le cadre contient les trois éléments de base (cuivre, fer, zinc). La bronzine orange est principalement composée de cuivre et de zinc, alors que le fer, lorsqu’il apparaît, n’est qu’à l’état de trace, ce qui correspond aux recettes pour une bronzine orange. Une question persiste cependant : nous avons vu que normalement les métaux sont d’abord fondus ensemble pour constituer un alliage qui est alors réduit en poudre. Or dans les différents échantillons analysés, on retrouve toujours la présence de cuivre mais le zinc est parfois absent. Selon les proportions de zinc et de cuivre l’altération de l’alliage est différente. Il semble qu’ici l’altération de cette bronzine est une corrosion par désincification du laiton initial, ce qui explique l’absence occasionnelle du zinc.
    La bronzine, du fait même de sa composition, s’est oxydée, ce qui a provoqué un obscurcissement général, très nettement accentué dans la partie basse où la bronzine a été altérée sous l’effet de la chaleur ; dans certaines zones localisées, le bois est brûlé en profondeur (jusqu’à 15 mm de profondeur environ). Ceci signifie que des bougies ont été placées suffisamment près de la partie basse du cadre pour engendrer de tels dégâts.

    Les feuilles métalliques sont bien conservées en pourcentage de surface : elles couvrent encore l’ensemble du cadre (hormis bien sûr au niveau des lacunes de préparation). Elles présentent par contre de nombreuses usures ainsi que des micro lacunes, notamment dans les parties mates qui ont été peu brunies. Ces mini-cratères peuvent être le résultat d’un nettoyage à l’eau et à l’alcali, méthode fréquemment utilisée par les doreurs. Dans l’ensemble, les feuilles métalliques sont très fragilisées. La couche de peinture à la détrempe qui les recouvrait était dans certaines zones amalgamée à de la crasse.
    La majeure partie des altérations de la préparation sont dues à la conjonction de deux éléments : le mode de fabrication du cadre et les variations climatiques qu’il a subies. La préparation présente un large réseau de fissures et de nombreux soulèvements, notamment dans les parties où l’épaisseur du bois est faible (le support est alors encore plus sensible aux variations hygrométriques). La préparation est par conséquent assez lacunaire, notamment dans les parties droite et inférieure.
    Les relevés permettent d’observer que dans l’ensemble la majeure partie des lacunes s’est faite récemment, c’est-à-dire après le passage de la bronzine. Les raisons de cette altération « récente » peuvent être diverses : tout d’abord et très logiquement, plus une œuvre vieillit plus les altérations s’aggravent. Par ailleurs, d’après nos observations, nous savons qu’au moment où la bronzine a été passée, les soulèvements de préparation n’ont pas été l’objet de refixage et qu’il ont donc fini par chuter. Mais aussi le liant de la bronzine, lors de son « séchage », a pu exercer un fort pouvoir tirant sur la préparation et provoquer des soulèvements de l’apprêt qui ont eux aussi fini par générer des lacunes.
    Les nuages ont été fixés au reste du support par de gros clous en fer. En rouillant, ces clous ont augmenté de volume, provoquant ainsi le soulèvement puis la chute de la préparation qui les recouvrait.

    Avant même d’entreprendre les travaux de conservation-restauration du cadre, nous avons dû définir une ligne de conduite, un choix d’intervention, dont les arguments étaient tout à la fois historiques, esthétiques et financiers. Deux possibilités se présentaient à nous : soit on prenait le parti de conserver la bronzine, soit on décidait de dégager la couche de bronzine et celle de peinture à la détrempe pour retrouver les feuilles métalliques originales, et donc de se rapprocher de l’œuvre telle qu’elle a été conçue. Il faut toutefois noter que cette seconde option, plus satisfaisante tant au niveau esthétique qu’au niveau historique, était deux fois plus onéreuse ; sans compter que la décision prise pour ce cadre devait être suivie pour son pendant (côté nord du chœur) ainsi que pour le cadre central. À la suite d’une réunion avec la mairie et le conservateur du patrimoine chargé du dossier, nous avons fait le choix de remettre au jour les feuilles d’or et d’argent.
    Avant la dépose du cadre pour son acheminement en atelier, de petits facings ont été posés partout


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où les soulèvements de la préparation menaçaient de chuter. Ces facings sont constitués de non tissé de polyester (papier japon) mis en place avec du paraloïd B72 à 20 % dans l’acétone.
    Pour la conservation-restauration de la couche picturale, le cadre a tout d’abord été dépoussiéré avec des pinceaux doux. Les soulèvements de préparation ont été refixés avec un PVA (acétate de polyvinyle) à 10 % dans de l’eau et mise sous pression des parties refixées pour permettre un bon collage. La bronzine a été dégagée avec un fort solvant de l’huile, du dyméthylformamide. La couche de peinture jaune à la détrempe a été éliminée à la salive : cette peinture n’avait que l’eau comme solvant. La dorure originale ne pouvant supporter un nettoyage à l’eau, nous avons dû, après bien des essais, nous résoudre à l’utilisation de la salive pour le dégagement de cette couche. Pour les nuages, nous n’avons pas pu enlever complètement la peinture grise ou noire, les feuilles d’argent étant trop fragiles. Nous l’avons donc simplement « allégée ».
    Les clous, que l’on ne pouvait raisonnablement supprimer, ont été traités avec un anti-rouille. Les feuilles métalliques nettoyées ont reçu une couche de protection avec un Paraloïd B72 dilué à 5 % dans du xylène.
    Les lacunes de préparation, où le bois est apparent, ont été décrassées à l’éthanol puis ont été réenduites d’une préparation (colle de peau de lapin et blanc de Meudon) qui a ensuite été modelée.
    Pour la retouche des lacunes ainsi préparées, nous avons dû à nouveau choisir entre deux options. À l’heure actuelle, la déontologie, pour ce qui est des interventions de restauration à proprement parler, est la suivante : toute partie retouchée doit être facilement repérable de près tandis qu’à une certaine distance, l’intervention doit passer inaperçue. En peinture murale, en sculpture, en peinture de chevalet parfois, on utilise la technique de la retouche à tratteggio, qui est réalisée avec des petits traits colorés. Concernant les œuvres en bois dorés, ce type de retouche a été largement adopté dans les musées, notamment pour les œuvres gothiques. La tendance actuelle est cependant, pour l’ensemble des œuvres sculptées et polychromées (au sein des musées), de ne faire pratiquement aucune retouche colorée.
    Pour les œuvres classées « Monument Historique », qui englobent notamment les retables, il est vrai que la tendance est plutôt de redorer toutes les parties lacunaires et de les patiner pour qu’elles se fondent totalement dans l’œuvre originale. Tant et si bien qu’à terme, après plusieurs interventions (une œuvre étant régulièrement restaurée) il y a peu de chances, lorsque le travail est bien fait, de distinguer la part originale de la restauration. Nous avons choisi, pour le cadre exceptionnel de Vielmur, une solution que l’on peut qualifier d’intermédiaire.
    Les lacunes de préparation mastiquées ont été retouchées à tratteggio avec de l’aquarelle. Ces retouches ont été recouvertes d’une couche de paraloïd B 72 à 3 % ou à 8 % dans de l’acétone en fonction de la brillance à obtenir. La volute et les grappes de raisins restituées en bois par M. Jean-Michel Parrot ont été traitées à la feuille d’or sur bol (rouge et ocre) puis patinées à l’aquarelle. Nous avons ainsi pu lui rendre son esthétique tout en permettant, en s’approchant, de distinguer l’œuvre originale des reprises dues à la restauration.

Françoise TOLLON »

    Le Président remercie Françoise Tollon de nous avoir proposé ce très bel exemple de restauration qui lui paraît d’une sophistication extrême. Ce cadre est en effet fabuleux et l’on peux se demander s’il ne fallait pas remettre également les miroirs qui l’enrichissaient. Françoise Tollon précise que l’on en conserve quelques restes, et qu’il s’agit d’un verre très fin qui ne se fabrique plus. Gabriel Burroni rappelle qu’une loi de 1848 a interdit la fabrication des miroirs au mercure parce qu’elle était trop dangereuse. Françoise Tollon ayant indiqué qu’il aurait été trop cher de faire refaire les miroirs, Henri Pradalier se demande si Saint-Gobain n’aurait pu apporter son concours en plaçant son mécénat dans le cadre de la redécouverte d’un vieux métier.
    François Bordes demande si l’on dispose d’un bail à besogne. Françoise Tollon répond que l’on ne connaît aucun autre document qu’un bout de papier journal daté de 1765, retrouvé sous un miroir. Jean Nayrolles s’étant interrogé sur la qualité du tableau, le Président note que l’on a des exemples au XVIIIe siècle de cadres coûtant cinq fois plus cher que le tableau.
    Guy Ahlsell de Toulza demande si la restauration de ce cadre magnifique s’inscrit dans un programme portant sur l’ensemble de l’abbaye et il rappelle le triste état dans lequel se trouvaient la frise de blasons lors de la visite qu’il y avait faite avec Dominique Watin-Grandchamp. Françoise Tollon dit qu’elle ne peut répondre, mais qu’elle sait néanmoins que le collège quitte les lieux, l’édifice étant repris par la Mairie.


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    Le Secrétaire général présente au nom de notre confrère Gilles Séraphin une découverte de peintures sur le tympan du portail gothique de la cathédrale de Cahors. Une observation attentive permet en effet de distinguer sur les côtés du tympan, où ils ont été protégés par la profondeur de la voussure, deux personnages très effacés mais dont il est néanmoins possible de définir les principaux traits. Tous les deux sont représentés barbus, nimbés et debout. Celui de gauche tient une sorte de luth dont il gratte les cordes de la main droite. L’instrument du personnage de droite n’est pas identifiable, mais la position du doigt ne permet guère de douter qu’il joue également d’un instrument à cordes. Un pied nu du personnage de gauche est nettement visible et l’on distingue par endroits des restes des drapés des vêtements.

 

CAHORS, CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE, musiciens nimbés peints sur les côtés du tympan du portail ouest. Clichés Jean-Luc Esposito.

L’identification des personnages est d’autant plus délicate qu’elle devrait sans doute tenir compte de l’ensemble du programme iconographique du tympan dont les niches sont aujourd’hui vides de sculptures. Quant au style, il évoque irrésistiblement celui des peintures du cycle de la création dans le massif occidental de la cathédrale, mais cela demanderait à être confirmé par un examen rapproché. On se souvient que l’on s’est interrogé ici même sur la datation du tympan alors que le portail devait être situé dans les années 1280 : il faudra tenir compte désormais de ces peintures pour l’étude du décor peint intérieur de la cathédrale, et, réciproquement, tenir compte des peintures pour dater le tympan.

    Maurice Scellès ajoute que Françoise Tollon lui a confirmé qu’un relevé permettrait sans aucun doute de préciser le dessin de ces deux personnages ainsi que les couleurs utilisées.

    François Bordes évoque la thèse sur Le peintre Antoine Rivalz (1667-1735) que Valérie de Pous a tout récemment soutenue à l’École des Chartes, devant un jury auquel participait Alain Mérot. Il précise que l’auteur a découvert un mois avant la soutenance des documents très prometteurs conservés à Rome. Le Président dit espérer


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que ce soit là l’occasion d’une exposition qui pourrait être présentée au Musée des Augustins. Un membre ajoute que le jury s’est fait l’écho des difficultés que l’étudiante aurait rencontrées auprès de certains milieux toulousains.

    Louis Latour attire l’attention de la Compagnie sur un récent article paru dans La Dépêche du Midi où, sous le prétexte de rendre compte d’un ouvrage, l’auteur publie sur une double page une carte et une liste des sites archéologiques du Midi de la France pouvant intéresser les chercheurs de trésors, et les profits qui peuvent en être escomptés. Malgré un avertissement mou sur le caractère illégal des prospections archéologiques sauvages, l’article est à l’évidence une incitation à la chasse au trésor et au pillage des sites. L'auteur oublie de citer la loi du 18 décembre 1989 qui stipule que « nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d'objets métalliques, à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative », le contrevenant étant passible du Tribunal de Grande Instance ; et il se garde bien de rappeler qu'un objet archéologique séparé de son contexte perd la plus grande partie de son intérêt scientifique. La Compagnie se déclare scandalisée que La Dépêche du Midi se prête ainsi à un jeu qui ne peut que conduire à la dégradation des sites archéologiques et elle espère que le Ministère de la Culture se manifestera auprès de la rédaction du journal. 

 

SÉANCE DU 2 MAI 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, Cazes, Directeur, Coppolani, Directeur honoraire, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mme Cazes, Napoléone, MM. l’abbé Baccrabère, Blaquière, Gérard, Gilles, Hermet, Nayrolles, Pradalier, Prin, Roquebert, Tollon, Mgr Rocacher, membres titulaires, M. Costa, membre libre, Mmes Andrieu, Blanc-Rouquette, Pujalte, MM. Bordes, Burroni, Gillis, Testard, membres correspondants.
Excusé : M. Garland.

    Le Président souhaite la bienvenue à Mme Nicole Andrieu, nouvellement élue membre correspondant et qui prend séance ce soir, et à M. Georges Costa, qui nous fait l’amitié de venir tout spécialement à Toulouse pour cette séance.
    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 11 avril dernier qui est adopté après quelques corrections. À propos de l’article de La Dépêche du Midi, Louis Latour indique qu’il a, en son nom propre, adressé un courrier à ce sujet au Service régional de l’archéologie, lequel a transmis l’information à la Sous-direction de l’archéologie en demandant que le Ministère exerce le droit de réponse qui s’impose. Il ajoute que quelques jours après la parution de l’article, un « détectoriste » s’est présenté sur le site de Saint-Martin de Luffiac.

    Le Président présente la correspondance manuscrite qui comprend en particulier un courrier du Maire de Toulouse accompagnant le schéma directeur de la ville.
    Par ailleurs, notre bibliothèque s’enrichit de deux ouvrages : L’Aubrac, Éditions du Beffroi, 1996, 48 p. (coll. Tourisme et culture en Aveyron et en Lozère) ; Toulouse, sur les chemins de Saint-Jacques. De saint Saturnin au Tour des Corps Saints, Genève-Milan : Skira, 1999, 287 p. Le Président souligne la belle qualité éditoriale de ce dernier ouvrage, qui contraste avec l’absence de cohérence que montre le choix des œuvres présentées dans l’exposition à laquelle il sert de catalogue.

    La parole est à Pierre Gérard pour une communication consacrée à des Variations sur un solier :

    « On se souvient des observations faites, lors de ma communication du 16 décembre 1997, à propos du vocabulaire de l’habitation et de la fortification dans le Cartulaire de Saint-Sernin . Plusieurs questions visaient l’acte de fondation du castelnau de Grisolles (1155-1156), spécialement le terme " solarium / solerium " employé à deux reprises dans le texte (1). 
    Que faut-il au juste entendre par " solarium " ?
    La meilleure façon d’aborder cette question est de déchiffrer l’une des plus anciennes inscriptions de la Gaule romaine conservée au Musée Saint-Raymond de Toulouse. Cette épigraphe, qui peut être datée de 47 avant notre ère, nous rappelle la construction, par un groupe d’hommes libres et d’esclaves, d’un ensemble cultuel dont les éléments sont énumérés : " …[A]EDEM, BASIM ET SOLARI[UM]… " Si l’accord des traducteurs se fait sur le temple (AEDES) et sur le socle (BASIS) destiné peut-être à une statue ou à une inscription, les avis divergent sur le sens à donner au SOLARIUM. Les uns y voient une " horloge solaire " dont le socle aurait été le support. Les autres pensent au contraire


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à un " espace ouvert " devant le temple pour les cérémonies, rappelant que cette définition est attestée à Rome, en Italie, en Cisalpine, en Afrique proconsulaire et en Espagne (2).

    Nous sommes là dans le domaine du latin classique, qui nous propose deux substantifs " solarium ".

    1.- Le premier " solarium " est un dérivé de " sol ", le soleil, astre du jour, source de lumière et de chaleur, divinisé en la personne de Phoibos-Apollon. Ce mot désigne en premier lieu un " cadran solaire " (solarium horologium). On le trouve chez Varron (116-27 avant J.-C.), dans le De lingua latina [5,2,52], et chez Plaute (v. 254-184 avant J.-C.) d’après ce que nous apprennent les Noctes Atticae [3,3,35] d’Aulu Gelle (né vers 130). On le retrouve dans le Pro Quinctio [53] prononcé en 81 avant J.C. par Cicéron, qui évoque ainsi le cadran solaire du Forum romain.
    Le " solarium " est aussi un " endroit exposé au soleil " : terre-plein, plate-forme, terrasse, balcon. On le rencontre avec ce sens chez Plaute, dans le Miles gloriosus [340, 378], ainsi que chez Suétone [v. 75-v. 160], dans les Vies des Douze Césars : Néron [16] et Claude [10].
    2.- Le second " solarium " tire son origine de " solum " qui désigne tout ce qui est plat, que ce soit le fond de la mer ou d’un fossé, ou encore un pavement (marmoreum solum), et par conséquent une assise, un fondement, le sol d’un terrain (solum terrae). De là vient le nom de " solarium " donné à un impôt foncier dans le Digeste publié en 533 sous le règne de Justinien [30,1,39] et sans les Variae de Cassiodore au début du VIe siècle [5,30,6].
    D’après le F.E.W. (3), le premier des substantifs " solarium " aurait été formé à partir de l’adjectif " solarius " (= solaire, exposé au soleil), avec les deux sens qui sont les siens depuis Plaute. Toutefois, par suite d’une collision homonymique, ce mot a été pris pour un dérivé de " solum " (= sol, surface plane, aire) et a ainsi acquis une nouvelle signification, celle de " niveau ", de " plan horizontal ". Ce télescopage ne fait aucun doute quand nous constatons que l’ancien français et même l’ancien occitan " solier ", tous deux issus du premier " solarium ", désignent un " niveau " ou " étage " dans une maison.
    Déjà, dans son lexique de la latinité, A. Forcellini (4) affirmait que le vocable " solarium " s’était d’abord appliqué à un endroit inondé de soleil au sommet de la maison, telle une terrasse dallée faite pour se chauffer aux rayons de l’astre du jour. Puis, lorsque s’était répandue la mode des toits couverts de tuiles, ce nom avait fini par désigner l’étage supérieur se développant sous la toiture. Mais le latin médiéval avait pour ainsi dire ignoré le sens originel de " toiture en terrasse " pour ne retenir que celui de " niveau de la maison situé sous le toit ". Le glossaire de Du Cange est à cet égard instructif, donnant la définition suivante : " domus contignatio vel cubiculum majus ac superius [tabulatum] " (5), c’est-à-dire " étage supérieur ou vaste chambre haute de la maison [avec un plancher] ". Pour sa part, le lexique de Niermeyer propose le sens d’" étage, chambre haute, grenier ", tout en ayant soin de rappeler que le latin classique donnait celui de " terrasse " (6).
    Il s’agit maintenant de nous reconnaître parmi les différentes définitions du substantif " solarium ", afin de pouvoir en donner l’idée la plus juste à ceux qui auront en main des textes le mentionnant en toutes lettres. Que soient ici remerciés ceux de nos collègues – Henri Gilles, Michel Roquebert, Bruno Tollon, Daniel Cazes, Maurice Scellès et Patrice Cabau – dont les interventions ont été précieuses pour la suite de mon exposé.

    Comment ne pas commencer par le niveau ou étage supérieur, la chambre haute, l’espace sous le toit ? Les exemples ne manquent pas. Le F.E.W. nous apprend (7) que le vocable " solarium " s’est répandu dès avant 400 dans l’espace germanique. Cette diffusion justifie l’existence de l’ancien bas-francique " solre " désignant la chambre haute sous le toit. De l’époque franque également nous avons une charte du roi Gontran, datée de 577, qui évoque un " solarium cum caminata " (8). Plus tardifs, les actes du concile de Metz de 888 condamnent (art. 8) la déplorable habitude prise par certains prêtres de célébrer la messe " in locis… non consecratis, id est in solariis sive in cubiculis, propter infirmos vel longius iter ". Au XIIIe siècle encore, le Dialogus miraculorum de Christian d’Heisterbach, publié entre 1219 et 1222, évoque une scène aperçue par un clerc : " de fenestra solarii ". C’est aussi le cas de la Chronica majora de Matthieu de Paris (mort en 1259/60), qui évoque un personnage " dormiens in solario quod ecclesiae et cœmeterio imminebat ", ce denier exemple permettant de deviner la situation éminente du local en question.
    Certains exemples suggèrent que " solarium " peut aussi désigner le " plafond " ou face inférieure du plancher séparant deux étages superposés, par opposition à la face supérieure dite " soculus ". Ainsi, dans le registre 41 du Trésor des Chartes, il est question de la maison des enfants de Salomon de Melgueil " in quibus sunt tres soculi et tres solarii " (charte n° 88 datée de 1309). De son côté, le registre


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44 mentionne un hôtel " in quo sunt septem stagia inter soculos et solerios " (charte n° 123 datée de 1308). Le sens de " plafond " est exprimé également en italien par le vocable " solaio ", comme nous pouvons le constater dans le Paradis de Dante (chant X, 130) où nous lisons : " Come per sostentar solaio o tetto, per mensola talvolta una figura si vede giunger la ginocchia in petto / Comme pour soutenir un plafond ou un toit, à la place d’une console se voit quelquefois une figure joindre les genoux à la poitrine… " Du plancher séparant deux étages à chaque étage pris séparément la différence s’est atténuée progressivement au point qu’une charte de Saint-Victor de Marseille, datée de 1455, parle d’une maison " de uno solario et medio " couverte de tuiles. Dans tous les cas que nous venons de citer, le substantif " solarium " est un dérivé de " solum " (= sol, fondement, base) qui a fini par être confondu avec le dérivé de " sol " (= soleil).
    Le soleil est évidemment de la partie lorsqu’il s’agit d’un grenier ou d’un fenil exposé à ses rayons, soit au-dessus de l’habitation ou des étables, soit dans un bâtiment spécial. Dans une charte du Cartulaire de Béziers datée de 1043 (n° 84 de l’édition de J.-B. Rouquette), nous nous trouvons en présence d’un manse " cum solario et cum ipsas mansiones ab ipsa curte et cum ipso orto que ad ipsum mansum pertinet " : il s’agit d’un ensemble comprenant vraisemblablement un grenier et des bâtiments d’habitation distribués autour d’une cour, ainsi qu’un jardin. C’est d’un autre grenier qu’il est question dans un acte du tribunal épiscopal d’Elne des environs de l’an 1000 rappelant un don fait par le chanoine Auriol à ses confrères de la cathédrale (n° 158 du tome V de l’Histoire générale de Languedoc, édition Privat) : " constituit alodem suum…id est solario cum curte et clauso, et cum ipsa fexa de terra qui ibidem est… ". Parfois, le " solarium " est assimilé à un cellier, comme il est dit dans les Gesta Aldrici episcopi Cenomanensis (édités par Baluze, Miscellanea, t. 8, p. 7) : " eisque suam domum, in qua manerent, et solarios sive cellaria et alia aedificia, quae as suum opus habebat, tradidit ".
    Des précisions nous sont données par le registre d’inquisition de Jacques Fournier (9). À Montaillou, village ariégeois, le " solarium " se développait au dessus du rez-de-chaussée (sotulum) réservé à l’habitation. On y accédait par un escalier (per scalare) dont la porte (hostium) donnait sur la cour (versus curtim), près du colombier (columbarium), ou s’ouvrait dans le cellier (cellarium). L’étage était occupé par une grande salle (aula solarii) éclairée au moins par une fenêtre (fenestra) et possédant un endroit pour faire du feu (ignis). On y conservait des victuailles comme des miches de pain (placentas) ou des ustensiles tel un pot d’étain (potum de stagno). Quoi qu’il en soit, le " solarium " semble avoir joué un rôle important durant la période cathare, servant aussi bien de salle pour les réunions que de cachette pour les fugitifs (10).
    Le niveau supérieur peut faire saillie sur la rue. Dans ce cas, le vocable " solarium " désigne un balcon, une galerie ouverte, un lieu où l’on jouit du soleil. Le sens de " balcon en encorbellement au-dessus du portail, adossé à la grande salle en pierre du premier étage " se dégage de l’article 157 des coutumes de Toulouse rédigées en 1286, où nous pouvons lire : " quod usus et consuetudo est Tholose quod, si aliquis juxta aulam lapideam ex parte carrerie solarium de novo edificare seu construere voluerit in quo solarium ante non erat, trabes cujus solarii exirent supra carreriam ultra unum palmum (224 mm), quod trabes illius solarii de novo edificati vel edificaturi non debent exire de portale nisi unum palmum " (11). Il s’agit d’une construction reposant sur des poutres dont l’avancée sur la rue est strictement réglementée.
    Du bâtiment passons au terrain à bâtir dénommé " solar " dans le Diccionario ideológico de la lengua española de Julio Casares (p. 778). Dans une charte du roi aragonais Sancho Ramirez, datée de 1090, il est question d’un don portant sur " unum…solarem, ut ipsi se adoptaverint, in quo possint facere bonas casas ad habitandum " (12). Par assimilation à " solar ", le substantif " solarium " a fini par prendre le sens de " terrain susceptible de servir d’assise à un édifice nommé solarium ". C’est avec ce sens qu’il faut entendre le " solarium Rogerii Nigri quod est juxta domum Aldra " cité dans une charte de Guilhem V de Montpellier, datée de 1108. La même définition est à donner au " solarium Arnaldi de Scans " mentionné dans un dénombrement d’août 1156 (Cartulaire de Saint-Sernin, éd. de P. et T. Gérard, n° 500). Mais l’exemple le plus éloquent est celui qui nous est donné par l’acte de fondation du castelnau de Grisolles en 1155-1156. La partie principale de l’enceinte habitée est répartie en trois terrains à bâtir réservés en propre aux pariers chargés d’assurer la sécurité. L’un de ces terrains est un " solerium " appartenant à l’abbé de Saint-Sernin de Toulouse, " in quo fuerat solarium suum vetus ". Une distinction est faite entre la parcelle de terre (" solerium " dérivé de " solum ") et le bâtiment qui s’y trouve (" solarium " dérivé de " sol "). Rien ne souligne mieux l’intérêt de ce document (Cartulaire de Saint-Sernin, éd. de P. et T. Gérard, n° 106).


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    Un autre sens est à étudier : celui de surface plane, horizontale, plus ou moins surélevée, telle qu’une tribune, une estrade ou une plate-forme. Ainsi, dans l’église Santa Chiara de Rimini, il y avait " quodam solarium pro choro, in quo more sanctimonialium horas diurnas et nocturnas dicerent ac missas ac alia divina officia, quae in ecclesia decantarentur, audirent " (13). Le solarium dont il est ici question ne peut être qu’une estrade dressée pour servir de chœur aux moniales durant les offices.
    Une dernière signification est suggérée par l’inventaire manuscrit du trésor du Siège apostolique rédigé en 1295 : " unam cassam argenti factam ad modum arche cum diversis imaginibus animalium et avium elevatis, et habet fundum seu solarium in medio, et de subtus in solario sunt tres cassete parve de argento, que extrahuntur de ipsa per partem anteriotrem cum tribus annulis " Le reliquaire d’argent en forme d’arche mentionné dans l’inventaire comporte, sous le portique cintré, un espace surélevé compartimenté (solarium) où sont logés trois coffrets contenant les reliques. Le solarium du reliquaire est ainsi comparé à l’étage supérieur d’une maison divisée en diverses pièces.

   La courte intervention que je viens de faire n’a pas d’autre but que d’appeler l’attention sur le délicat problème posé par l’interprétation des termes techniques se trouvant dans les documents que nous avons à étudier. Un simple vocable comme solarium peut avoir un sens variant selon le contexte où il est employé. Tout nous recommande la prudence en ce domaine. Nous pouvons néanmoins avoir recours à des ouvrages spécialisés, tel celui de V. Gay qui fait autorité : Glossaire archéologique du moyen-âge et de la renaissance, 2 vol. (Paris, 1882 et 1928).

Pierre GÉRARD »

1. Cartulaire de Saint-Sernin de Toulouse publié par Pierre et Thérèse GÉRARD, Toulouse, Amis des Archives de la Haute-Garonne, 1999, t. II, vol. 1, p. 663-667.
2. Voir Palladia Tolosa. Toulouse romaine, catalogue de l’exposition organisée au Musée Saint-Raymond de Toulouse de novembre 1988 à mars 1989, Toulouse, décembre 1988, n° 5, p. 15, n. 3. Voir aussi Michel LABROUSSE, Toulouse antique…, Paris, E. De Boccard, 1968, p. 211 et n. 713.
3. Walter von WARTBURG, Französisches Etymologisches Wôrterbuch..., t. 12 (Bâle, Zbinden Druck und Verlag A.G., 1966), p. 38.
4. Totius Latinitatis Lexicon opera et studio A. FORCELLINI lucubratum, Prati, éd. De Vit, 1856-1875).
5. Du CANGE, Glossarium mediae et infimae latinitatis…, t. VII (Niort, L. Favre, 1886), p. 511.
6. J. F. NIERMEYER, Mediae latinitatis lexicon minus…, Leiden-New York-Köln, E. J. Brill, 1993, p. 976.
7. Walter von WARTBURG, op. cit., p. 38.
8. Gallia christiana,t. IV, Instrumenta, col. 222.
9. Le Registre d’Inquisition de Jacques FOURNIER, évêque de Pamiers (1318-1325), ms n° 4030 de la Bibliothèque vaticane, édité par Jean DUVERNOY, Toulouse, 1965, 3 vol., avec les Corrections publiées en 1972.
10. Idem, p. 321, 494, 928, 934, 1085, 1132, 1133.
11. Henri GILLES, Les coutumes de Toulouse (1286) et leur premier commentaire (1296), Toulouse, Académie de Législation, 1969, titre De edificiis et bastimentis, art. 157, p. 148.
12. Citée dans l’Historia Pinnatensis, livre 3, chap. 9.
13. Voir Mgr V. GARAMPINELLE, Memoriales ecclesiastices della Beata Chiara da Rimimi (d’après une bulle de Grégoire XI).

    Le Président remercie Pierre Gérard d’avoir su nous présenter avec autant de limpidité les différentes acceptions du mot solarium.
    Henri Gilles confirme que le terme est un vrai casse-tête quand on le rencontre dans les coutumes méridionales, qu’il a beaucoup fréquentées, et qu’il est toujours difficile à interpréter. Le même texte peut d’ailleurs employer le mot solarium avec deux ou trois sens différents. Dans le cas des coutumes de Toulouse le sens du texte situe bien le solarium en hauteur, sans que l’on puisse savoir cependant s’il s’agit de galeries ou d’étages supérieurs. Michel Roquebert évoque à son tour les maisons de Montaillou où, avec une quarantaine de mentions, le solarium est aussi bien un niveau dans lequel on rentre directement par la porte ou auquel on accède par un escalier ; ce sont ici des pièces d’habitation où l’on mange et où l’on dort et qui sont munies de fenêtres. Maurice Scellès note que les mêmes sens multiples se rencontrent en Italie comme le montre l’excellent glossaire établi par Amedeo Benati pour Bologne (I portici di Bologna e l’edilizia civile medievale, Bologne : Grafis Edizioni, 1990, p. 334-338).
    Daniel Cazes rappelle que dans un contexte monastique, le mot a fréquemment le sens d’infirmerie ou de galerie. Maurice Prin rappelle que Bernard Guy mentionne, à propos du couvent des Jacobins de Toulouse, une galerie couverte au-dessus de laquelle se trouve un solarium où se rendent les scribes pour travailler.


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    Louis Latour fait état d’un belle maison à colombage de Saint-Sulpice-sur-Lèze, qui possède un local contigu, dépourvu de hourdis, que les gens du pays appellent « le solarium ». On ne sait cependant si l’appellation est ancienne.
    Michel Roquebert se demande si les patronymes tels que Solar ou Soulier ne pourraient dériver de solarium avec le sens de « ceux qui habitent au-dessus », tandis que les Soutous pourraient correspondre à ceux qui sont « au-dessous ».

    Georges Costa présente une communication sur L’œuvre de Pierre Souffron au Pont Neuf à Toulouse, publiée dans ce volume (t. LX, 2000) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Georges Costa pour cette évocation très vivante d’un chantier dont les aléas ont peu à envier à nos pratiques contemporaines. Jean Coppolani félicite Georges Costa de toutes les précisions qu’il apporte à l’étude déjà ancienne de René Lotte, en faisant en outre apparaître que Souffron intervient en fait très longtemps dans la construction du Pont Neuf. Comme il souligne la nouveauté que représentait un pont sans maisons, Georges Costa dit que Souffron a peut-être été influencé par le parti retenu pour le Pont Neuf à Paris.
    Louis Latour note que l’adjudication remportée par Souffron devait sans doute prévoir que les dégâts occasionnés par les crues éventuelles seraient à la charge du soumissionnaire. Georges Costa le confirme en ajoutant qu’il a cependant constaté que la commission avait toujours manifesté de la compréhension devant les difficultés rencontrées par les entrepreneurs. Souffron a d’ailleurs été obligé à contracter des emprunts considérables et n’a finalement reçu le solde des sommes dues qu’en 1630. Louis Latour demande si les États du Languedoc ne s’étaient pas mis en tort en n’effectuant pas le premier versement prévu par le bail. Georges Costa précise que pour permettre la poursuite du chantier, la commission du Pont Neuf a procédé à trois versements de 12 000 livres, mais que le règlement définitif a achoppé sur l’estimation des travaux ; trois expertises successives ont été diligentées, ce qui explique que le reliquat n’ait été soldé qu’en 1630.
    Daniel Cazes dit avoir découvert un aspect méconnu du projet de reconstruction du Pont Neuf, avec les canalisations hydrauliques que Souffron prévoyait d’intégrer à son ouvrage, ce qui supposait sans doute la remise en service de l’aqueduc romain. Georges Costa et Jean Coppolani rappellent que René Lotte avait signalé un bassin sur la rive droite et Georges Costa indique que l’adduction d’eau apparaît aussi dans les contrats concernant le projet de Lemercier. Michel Roquebert fait remarquer qu’il y avait une difficulté à combiner le passage de l’eau et un profil en dos d’âne, et Olivier Testard note que c’est peut-être la raison qui a fait considérer que la première arche était trop haute. Le Président ayant demandé si l’on connaissait d’autres exemples de ponts-aqueducs, Daniel Cazes cite les projets de Tarragone et de Rome. Michel Roquebert voudrait savoir si l’on ne pouvait avoir recours à une pompe et Georges Costa rappelle l’installation de celle de la Samaritaine à Paris.

    Après avoir souligné que Georges Costa était aujourd’hui le meilleur connaisseur de Pierre Souffron, Bruno Tollon demande si l’architecte a complètement abandonné Toulouse après ses déconvenues dans les travaux du Pont Neuf, ou bien s’il a continué à travailler pour la clientèle privée. Georges Costa répond qu’il a poursuivi son activité à Toulouse et que d’ailleurs il travaillait encore au Pont Neuf, sous la direction de Lemercier, dans les années 1621-1622. Il lui paraît clair que Souffron a rêvé d’être celui qui achèverait le Pont Neuf de Toulouse.
    Le Président demande si l’on peut rêver de disposer de la biographie de Souffron : Georges Costa proteste de la trop grande amabilité de Bruno Tollon et avoue n’avancer que très lentement.

 

SÉANCE DU 16 MAI 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Merlet-Bagnéris, Pradalier-Schlumberger, MM. Lapart, Nayrolles, Pradalier, Prin, Roquebert, Tollon, membres titulaires, Mmes Andrieu, Pujalte, MM. Bordes, Boudartchouk, Burroni, Ginesty, Hamon, Manuel, Salvan-Guillotin, Testard, membres correspondants.
Excusés : M. Cazes, Directeur, Mmes Cazes, Napoléone.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 2 mai 2000, qui est adopté.
    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite : M. Laurent Macé, maître de conférences à l’Université de Toulouse-Le Mirail nous adresse sa candidature au titre de membre correspondant.

    Deux dons viennent enrichir notre bibliothèque :

- de Jacques Lapart, son article « Têtes gallo-romaines en marbre récemment découvertes dans le Gers », extrait d'Aquitania, t. 15 (1997-1998), p. 229-344 ;


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- de François Bordes le coffret-catalogue de l’exposition Cité Mémoires, qui est présentée aux Archives municipales de Toulouse.

    Notre confrère fait une présentation des différentes manifestations qui accompagneront tout au long de l’année cette exposition. Le Président souligne la qualité de la mise en scène de cette exposition par ailleurs très « décoiffante ».

 

    Après l’avoir félicité pour sa toute récente élection à l’Université de Paris IV-Sorbonne, félicitations qu’accompagnent le regret de le voir nous quitter et l’espoir de liens pas tout à fait rompus, le Président donne la parole à Étienne Hamon pour une communication consacrée aux Villages désertés de l’Aubrac :

« Les mas désertés de l'Aubrac médiéval : bilan provisoire d'une recherche collective

Problématique et méthodologie

    Situé aux confins des départements de l'Aveyron, de la Lozère et du Cantal, l'Aubrac est formé par la plus méridionale des coulées volcaniques du Massif Central. Malgré un environnement naturel hostile à l'homme, ce plateau dont la partie centrale oscille entre 1100 et 1450 m d'altitude constitue un terrain de recherche privilégié pour l'archéologie extensive. La très faible densité humaine, le relief peu découpé, la modestie du couvert forestier et la prédominance de la prairie naturelle permettent de repérer aisément en prospection aérienne des vestiges d'habitat souvent bien conservés.
    Le nombre élevé de structures inventoriées à ce jour offre ainsi du peuplement de l'Aubrac aux périodes anciennes un visage qui contraste singulièrement avec l'actuel, dont les textes nous assurent qu'il n'a que très peu évolué depuis la fin du Moyen Âge. Ces ruines parfois spectaculaires ont été signalées par les érudits dès le milieu du XIXe siècle (1), et n'ont depuis cessé d'être évoquées dans les ouvrages historiques, ethnologiques ou touristiques sur la région. Mais les rares investigations ayant donné des résultats exploitables ont porté jusqu'à présent sur les vestiges les plus faciles à interpréter, ceux de l'époque gallo-romaine. Ainsi la station d'Ad Silanum, mentionnée sur la Table de Peutinger sur le tracé de l'antique voie Lyon-Toulouse, et le fanum, des rives du lac de Saint-Andéol (2) ont-ils fait l'objet de rapides sondages dans les années 1950.
    Pour les autres sites, de loin les plus nombreux, les incertitudes de datation n'ont été levées que très récemment. Car en dépit, parfois, de fouilles énergiques livrant un peu de mobilier (3), l'interprétation de ces ruines relevait invariablement du lieu commun : ces habitats étaient soit des « villages gaulois », soit des « villages de la peste ». L'un des apports essentiels du projet collectif de recherche lancé en 1994 pour étudier, dans leur diversité, les formes de l'habitat médiéval sur l'Aubrac (4) a donc été de mettre en évidence une densité inattendue de sites datables des XIe-XIIe siècles, chronologie dont l'hypothèse n'avait jamais été formulée auparavant.

    Le cadre géographique de ce projet est celui des domaines possédés sous l'Ancien Régime par l'hôpital d'Aubrac, monastère dont la fondation sur le site éponyme de la région dans les années 1120 livre en quantité suffisante les premiers documents permettant d'écrire l'histoire locale. Ces limites englobent une aire d'étendue significative – environ 200 km2 – puisque la seigneurie des chanoines réguliers s'étendait sur tout le sud du plateau, de part et d'autre de la forêt d'Aubrac. Mais dès les premières prospections, des incursions sont apparues nécessaires dans les fiefs limitrophes où l'on constate les mêmes manifestations archéologiques. Les fortes présomptions pour que les sites découverts soient antérieurs à l'installation des religieux justifiaient que les limites prédéfinies fussent dépassées (5).

Le mas et la maison de l'Aubrac médiéval

L'habitat temporaire

    Au terme de six saisons de prospection, le bilan du volet du P.C.R. consacré à l'habitat déserté des sommets du plateau est particulièrement riche. Le plus grand nombre des vestiges relevés témoigne de structures temporaires qui se présentent sous la forme de cavités rectangulaires d'environ 10 m sur 5, limitées par des bourrelets de terre, parallèles à la pente et présentant une entrée sur le petit côté aval. Il n'est guère de montagne qui ne possède une ou plusieurs de ces dépressions, souvent regroupées en


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MONTAGNE DE LA BAYSSE-HAUTE (MARCHASTEL, LOZÈRE) : vue aérienne des vestiges d'habitat temporaire d'estive (à droite) et d'habitat permanent (à gauche) à proximité du buron moderne. Cliché Didier Rigal.

chapelets. La seule montagne de Cammejane à Saint-Chély-d'Aubrac en comporte plus de 80. Les textes qui remontent au XIVe siècle lèvent les doutes sur la chronologie et la fonction de ces cabanes appelées mazucs ou traps.
Reconstruites à chaque nouvelle saison d'estive, à demi enterrées et couvertes d'une toiture à deux pentes, elles abritaient les gardiens des troupeaux de bovins transhumants. Des sondages ont confirmé leur appartenance à l'époque moderne. Leur ont succédé à partir du XVIIIe siècle les burons en pierre, mieux adaptés à la fabrication de fromage.

Le mas

    Un autre type de vestiges retient davantage l'attention. Il s'agit de bâtiments distincts des précédents par leurs dispositions et leurs techniques de construction plus élaborées. L'analyse de l'ensemble des données les concernant invite à les interpréter comme des vestiges d'habitat permanent du Moyen Âge. Quinze sites de cette nature, parfois perturbés par des traces de mazucs, ont été repérés dans la zone du plateau située au-dessus de la courbe des 1100 m d'altitude et dans un rayon de 10 km autour du village de Nasbinals. Depuis 1999 l'un des sites de la montagne des Inguillens (Condom-d'Aubrac), Cantegal, fait l'objet d'une fouille programmée.
    Les dispositions générales de ces ruines sont très changeantes quant au site, au type de regroupement et au plan d'ensemble. Certaines sont dans des vallons (Foun-Bello, les Places-Hautes) quand d'autres occupent des hauteurs (Le Barthas de Bor), des terrasses (la Baysse-Haute, la Bessière) ou des versants dominant de vastes étendues (Le Barthas de Montorzier, Cantegal). Les bâtiments sont par conséquent implantés soit sur des replats, soit perpendiculairement ou parallèlement à une pente légère. Les « villages » comportent un nombre de structures qui varie de l'unité à la trentaine. Toutes ces agglomérations sont ouvertes, sans schéma directeur apparent et s'organisent autour de voies de circulation et d'espaces communs peu structurés.

La maison

   Les bâtiments présentent des dispositions plus stables. La forme la plus caractéristique est rectangulaire allongée, de 7 à 9 m sur 15 à 20 m hors d'œuvre comportant une ou deux entrées sur un grand côté. Ce type de bâtiment se rencontre régulièrement associé à des constructions de module plus trapu, séparées ou formant retour d'équerre, ou bien à des enclos.
    Les techniques de construction se caractérisent par un usage systématique de la pierre. L'appareillage des murs est fonction de l'implantation de la maison et du matériau disponible sur place. En règle générale on a utilisé des blocs de pierre volcanique ou de granite affleurant à proximité ou prélevés lors du dégagement de l'humus et du nivellement du substrat géologique qui sert de niveau de circulation. La mise en œuvre présente un moyen appareil de moellon, de module hétérogène, monté sur deux parements avec un blocage interne de terre et de cailloutis. La première assise est posée à même le substrat. Lorsque l'installation a nécessité un décaissement important du terrain, les murs soutenant la terre ont été montés sur un seul parement intérieur avec des blocs de grand module à la base. Au Barthas de Bor (= Le Peyrou), les constructeurs ont utilisé les prismes basaltiques du site, tronçonnés et mis en œuvre sous forme de parpaings formant un étonnant appareil polygonal.


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hamon2m.BMP (22518 octets)

MONTAGNE DE BOR (MARCHASTEL, LOZÈRE) : plan schématique des ruines du site du Barthas de Bor (alias le Peyrou).
Dessin Christine et Francis Dieulafait.

   Les murs devaient à peine dépasser les niveaux que certains bâtiments conservent encore, soit 1,5 m de haut. Ils portaient sans doute une charpente à deux pentes dont il n'a pu être observé aucun système d'assemblage ou d'ancrage au sol ou dans les maçonneries. La couverture faisait appel principalement à des matériaux périssables, mais les maisons du versant aveyronnais de l'Aubrac ont pu très tôt connaître la lauze associée au chaume de seigle ou aux plaques de gazon. Les fragments de schiste qui parsèment les niveaux d'abandon des maisons des Inguillens proviennent peut-être des carrières exploitées dès le XIIIe siècle à Condom-d'Aubrac, à 2 km de là.
    Les rigueurs du climat ont encouragé la mise au point de dispositifs de protection contre les intempéries. Les portes, ouvertes à l'abri des vents dominants qui soufflent du nord et de l'ouest, sont précédées de murets qui dessinent une sorte d'entonnoir ou de coude en soutenant un amas de terre. De très rares et petites fenêtres pouvaient éclairer l'intérieur, mais elles n'ont laissé aucune trace.
    La plupart de ces maisons longues étaient subdivisées en 2 ou 3 pièces par des cloisons légères en bois ou, en cas de dénivellation importante entre les parties amont et aval, par des murs de refend permettant de disposer de surfaces horizontales en enfilade (Places-Hautes ; Barthas). Ces pièces possédaient une ouverture indépendante vers l'extérieur tout en communiquant entre elles.

    L'étude des aménagements des sols et des formes des ouvertures fournit des indices pour identifier les fonctions des différents espaces. La façade principale des maisons est souvent percée de deux portes de dimensions distinctes séparées par un trumeau de quelques mètres : l'une, correspondant en général à la partie amont du bâtiment, est large d'1 m environ ; l'autre mesure autour d'1,5 m.
    La première donne sur une pièce dont le sol en terre battue est parfois doté d'un caniveau aménagé avec des pierres de chant servant à drainer les eaux de ruissellement vers le seuil (les Places-Hautes). Un foyer occupe le centre de la pièce (Cantegal), duquel la fumée s'évacue par une cheminée sans doute en matériaux légers suspendue au toit. Des placards en pignon ou des banquettes constituent les seuls aménagements muraux. L'ensemble de ces données désignent la partie habitation de la maison,


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MONTAGNE DE BOR (MARCHASTEL, LOZÈRE) : détail d'un bâtiment du site du Barthas de Bor.
Cliché Étienne Hamon.

MONTAGNE DES INGUILLENS (CONDOM-D’AUBRAC, AVEYRON) : maison du site de Cantegal en cours de fouille.
Cliché Laurent Fau, juillet 1999.


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défendue contre l'intrusion des animaux par une porte étroite.

    La porte la plus large ouvre sur une pièce de dimensions supérieures à la précédente dont le sol est soigneusement pavé. La rareté du mobilier de fouille milite contre une fonction résidentielle. L'aménagement du sol, comparable à celui des étables traditionnelles de l'Aubrac, nous oriente vers un usage pour la stabulation : le piétinement des animaux rend en effet indispensable un tel dallage. La découverte aux Places-Hautes de dents de jeunes bovins et la dimension de la porte viennent conforter cette interprétation.

MONTAGNE DES PLACES-HAUTES (NASBINALS, LOZÈRE) : plan des bâtiments de la ferme médiévale. Dessin Laurent Fau.

Conclusions

    Cette enquête a mis en évidence un type relativement stable d'habitat dont l'unité de base est la maison mixte allongée où cohabitent les hommes et les animaux. On connaît cette disposition dans plusieurs régions de l'Europe médiévale où la nature du sol a favorisé l'élevage (Bretagne, îles britanniques) et la rigueur du climat le rapprochement des hommes et des bêtes ; mais les maisons de l'Aubrac se distinguent des autres par leurs grandes dimensions, par l’emploi exclusif de pierre dans la construction des murs et par les aménagements liés aux spécificités du climat montagnard. L'Aubrac a pratiqué cette forme de construction jusqu'au XIXe siècle ; au fil du temps se sont ajoutés des ouvertures (fenêtres), un niveau supplémentaire et une couverture en lauze.
    Ces unités d'exploitation forment des fermes isolées ou bien se groupent en hameaux comptant jusqu'à une dizaine de feux. Leur implantation tient compte de l'activité pastorale dominante qui privilégie la surveillance des troupeaux par rapport à l'agrément de l'exposition. Dans tous les cas, pourtant, la présence de cultures – légumineuses et céréales – fait peu de doute. Elle est ponctuellement attestée par l'existence de fours à pain individuels. Des annexes à la maison servent au stockage des outils ou des récoltes.
    Les sondages effectués sur une dizaine de bâtiments répartis sur cinq sites (6) ont livré une céramique commune grossière à pâte sombre et un abondant mobilier métallique (lames de couteaux à soie, clous et fers à équidés) qui atteste de la relative opulence de ces habitants. Les techniques (cuisson réductrice et gros dégraissant) et les formes (fermées) peu caractérisées de la céramique – a fortiori pour les fusaïoles d'instruments à filer ou à tisser –, qui jadis orientaient les archéologues vers les périodes protohistoriques, interdisent une datation plus serrée que la fourchette XIe-XIIIe siècles. Cette incertitude a été partiellement levée par des analyses du radiocarbone d'échantillons de charbon de bois. Les datations obtenues révèlent, à chaque fois, un pic de probabilité de la dernière occupation autour des années 1100 (7).

    En mettant en évidence l'importance numérique des mas désertés du milieu du Moyen Âge sur l'Aubrac, le P.C.R. soulève plus d'interrogations qu'il n'en résout et bien des hypothèses attendent encore confirmation.
    Il reste à affiner la datation précise de chacun de ces sites pour déterminer leur chronologie relative. Malgré leur appartenance commune aux XIe-XIIIe siècles, leur occupation n'a pas été nécessairement synchrone. Faute de textes, le contexte historique et les motivations de cette colonisation de zones réputées hostiles à l'homme nous échappent. On ne peut également qu'entrevoir,


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grâce à la palynologie, la physionomie d'un paysage composé de landes et de bois déjà clairsemés depuis les grands défrichements antiques.
    L'archéologie suggère des durées d'occupation assez courtes pour n'avoir suscité aucun réaménagement significatif des structures. L’abandon massif qui a suivi demeure pareillement inexpliqué en l'absence d'indices archéologiques de destruction violente ; il s'inscrit de surcroît dans un mouvement général de poussée démographique. Plutôt que d'incriminer les nouveaux maîtres du sol, les monastères, et leur appétit de terre, on peut penser que l'installation des moines a été facilitée par ces désertions. On observe en effet un décalage d'un siècle au moins entre les abandons et la mise en valeur du plateau par un système de granges monastiques puis d'estives ouvertes à la transhumance lointaine. La réorganisation de l'habitat s'est faite dans le cadre des seigneuries laïques, celle des barons de Peyre notamment, sans que les castra de la région comme Marchastel n'en profitent réellement.
    Les recherches s'orienteraient donc vers un rééquilibrage spontané, peu de temps après une vague de colonisation imprudente, au profit de sites plus favorables climatiquement, rééquilibrage qui entraîna la disparition de l'église paroissiale de Saint-Andéol près du lac du même nom. Les plateaux de Haute-Auvergne semblent avoir connu des phénomènes comparables (8).
    Les données disponibles font déjà apparaître, sur les hauteurs de l'Aubrac, un très fort coefficient de disparition. Une dizaine au moins de mas ont été désertés sur l'étendue de la seule commune de Nasbinals qui aujourd'hui ne compte pas davantage de hameaux, tous concentrés dans la zone la plus clémente du finage. Mais la liste des sites repérés est loin d'être close. La concordance entre les toponymes actuels des montagnes qui abritent de tels vestiges et certains lieux-dits énumérés dans les dénombrements du XIIIe siècle (Montorzier, la Bessière, la Baysse, Tournecoupe... ) permet d'espérer de nouvelles découvertes dans les zones correspondant à la quarantaine de toponymes qualifiés de « mas » dans les reconnaissances féodales de la fin du Moyen Âge qui perpétuent le souvenir de la conjoncture démographique du siècle de l'an Mil (9).

Étienne HAMON »

 

1. Dr. PRUNIERES, «  Notes sur quelques découvertes archéologiques faites dans les montagnes d'Aubrac (Lozère) », dans Revue archéologique du Midi de la France, vol. 11, n° 2, 14e livraison, 1867, p. 17-30 ; Louis de Malafosse. «  Note sur les ruines présumées gauloises de l'Aubrac », dans Congrès scientifique de France, 40e cession (Rodez), t. II, 1874. p. 49-52.
2. Communes de Nasbinals et de Marchastel (Lozère).
3. Le docteur Prunières, op. cit. et L. MALAFOSSE, Le pays d'Aubrac et le plateau des lacs. Toulouse, 1901, p. 21, évoquent brièvement les « fouilles » qu'ils ont réalisées sur ces sites.
4. Lancé en 1994, le P.C.R. intitulé « Approches de l'habitat et de l'activité économique en moyenne montagne : les dépendances de la domerie d'Aubrac » associe des historiens, des archéologues, des historiens d'art et des chercheurs en paléo-environnement. Il est coordonné par Laurent Fau, ingénieur d'études au S.R.A. Midi-Pyrénées. Un premier bilan de ce P.C.R. a été dressé en 1997 : « Approches de l'habitat médiéval en moyenne montagne : le plateau de l'Aubrac », dans Ruralia H, actes du colloque tenu à Spa (Belgique) en septembre 1997, p. 126-139 (Pamatky archeologické - Supplementum 11, Prague, 1998). Une synthèse de ces recherches est en cours de publication.
5. Le champ d'étude se concentre sur les actuelles communes de Condom-d'Aubrac, Saint-Chély-d'Aubrac, Prades-d'Aubrac, Aurelle-Verlac, Recoules-d'Aubrac, Nasbinals, Marchastel, Malbouzon.
6. Le Barthas de Montorzier et les Places-Hautes (Nasbinals) ; Roc-Guiral et Cantegal (Les Inguillens, Condom-d'Aubrac) ; Tournecoupe (Prades-d'Aubrac).
7. Références des analyses pour Roc-Guiral et Cantegal : Ly-9043 ; Ly-8740 et Ly9592.
8. Un P.C.R. coordonné par Jean-Luc Boudartchouk est actuellement en cours pour étudier ce phénomène.
9. Voir par exemple un acte de 1266 publié par J.-L. RIGAL et P.-A. VERLAGUET dans Documents sur l'ancien Hôpital d'Aubrac, t. 1, Rodez, 1913-1917, p. 141-144.

    Le Président remercie Étienne Hamon de nous avoir présenté ces très étonnantes recherches sur un Aubrac densément peuplé en les illustrant de photographies très éclairantes, et il s’enquiert de la durée du programme en cours. Étienne Hamon indique que le P.C.R. (Programme Collectif de Recherche) est né en 1994 et que depuis 1999 sont engagées des fouilles programmées trisannuelles dont on espère qu’elles seront reconduites afin de pouvoir mener à bien une fouille assez complète de l’un de ces ensembles ; une publication d’étape est prévue.
    À la suite d’une autre question du Président, Étienne Hamon indique que l’occupation a sans doute été intensive, mais que le sol très acide en conserve très mal les traces. Les seuls vestiges organiques retrouvés sont quelques fragments de charbon de bois et quelques ossements : il faudra étendre la fouille à l’extérieur des bâtiments.
    Maurice Scellès ayant demandé si aucune indication sur les charpentes n’avait été reconnue, Étienne Hamon rappelle que les sondages n’ont été pratiqués que sur des surfaces très réduites et que les murs n’ont pour l’instant pas révélé de traces d’ancrage des pièces de bois.


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    Jean Nayrolles demande à quel moment apparaissent les grandes transhumances. Étienne Hamon indique que des transhumances de longue distance entre le Quercy, le Bas-Languedoc et l’Aubrac sont connues à la fin du Moyen Âge, ce qui expliquerait les habitats temporaires, mais on sait que la transhumance était pratiquée au moins depuis l’Antiquité. Les transhumances de la fin du Moyen Âge sont organisées par les nouveaux propriétaires, et, s’il est possible d’imaginer que les habitats de la période antérieure soient des habitats temporaires bâtis en dur et accompagnés, par exemple, de bâtiments pour la fabrication des fromages, comme c’est le cas au XIXe siècle, l’hypothèse qui prévaut actuellement est celle de villages liés à une activité agro-pastorale.
    Jean Nayrolles évoque ensuite ses souvenirs de promeneur très impressionné par la voie romaine conservée dans les forêts de l’Aubrac et son effarement de l’avoir vue quelques années plus tard complètement défoncée. Étienne Hamon explique que le très bon état de la voie était dû au fait qu’elle était toujours empruntée par les troupeaux qui, au contraire, se dispersaient sur les plateaux. Il ajoute que les destructions sont le fait des engins qui les utilisent aujourd’hui : le collectif de recherche a demandé à l’O.N.F. de placer des rochers pour imposer aux engins le contournement des tronçons subsistants… sans grand résultat, alors que Daniel Schaad, du Service régional de l’archéologie, a procédé a une coupe qui a parfaitement confirmé que la voie était romaine. Pour Jean Nayrolles, le site mériterait d’être classé.

[ Au moment de mettre sous presse, nous prenons connaissance d'un texte du XIIe siècle, tiré du livre des Miracles de Notre-Dame de Rocamadour, qui met en scène un paysan de l'Aubrac défendant contre des pillards sa chaumière, ses récoltes et ses bêtes :

« Bernard, de l'Hôpital d'Aubrac, au diocèse de Rodez, était assiégé dans sa petite demeure par des soldats et des chevaliers pillards qui voulaient lui prendre ses biens. Ces biens, il les avait acquis par son travail : la terre féconde lui donnait d'abondantes récoltes, ses bestiaux lui fournissaient la nourriture et le vêtement. Il ne cherchait à faire tort à personne et vivait simplement sur son petit domaine ; mais quand il se vit ainsi attaqué, il fit de son mieux pour se défendre et conserver son avoir. Alors, les bandits retirent du toit de chaume une grosse quantité de paille, l'entassent à la porte de l'humble demeure et y mettent le feu. La chaumière brûle, le paysan et sa petite famille sont déjà torturés par la chaleur et par la fumée, ses bêtes mugissent, se démènent, rompent leurs attaches. Voyant enfin qu'il lui est impossible de résister, car personne ne lui viendra en aide, il implore le secours de la Bienheureuse Vierge et fait vœu d'apporter une maison de cire à son église de Rocamadour. Aussitôt, comme sur l'ordre de Notre-Dame, les bandits se retirent, sans avoir achevé leur méchante action, et le paysan put débarrasser des flammes son toit à demi brûlé. C'est ainsi qu'avec l'aide de sa Libératrice, il sauva sa cabane et tout ce qu'il possédait. »

Extrait de : Les miracles de Notre-Dame de Rocamadour au XIIe siècle, édité par Edmond Albe, Paris : 1907, réédition complétée par Jean Rocacher, Toulouse : Le Pérégrinateur, 1996, p. 189. ]

 

    La parole est alors à Jacques Lapart pour une communication sur Le décor marmoréen de la villa de Séviac d’après des documents inédits, publiée dans ce volume (t. LX, 2000) de nos Mémoires.  

    Le Président remercie Jacques Lapart de nous avoir ainsi montré que la villa de Séviac possédait comme les autres villae romaines un important décor de marbre.
    Henri Pradalier voudrait savoir à quelle période doivent être assignés ces décors de marbre. Jacques Lapart indique que depuis une dizaine d’années la tendance est de les dater des IVe-Ve siècles, alors qu’ils étaient datés plus tardivement jusque-là. Il faut considérer que le décor de marbre accompagne les mosaïques que Catherine Balmelle situe prudemment au plus tôt au IVe siècle, et personne n’hésite plus aujourd’hui à dater du Ve siècle certains de ces aménagements somptueux.

 

    Au titre des questions diverses, Marc Salvan-Guillotin présente une nouvelle découverte de peintures murales dans l’église Saint-Martin d’Antist (Hautes-Pyrénées) (1) :

    « En 1990, la dépose du retable majeur du XVIIIe siècle de l'église d'Antist avait laissé apparaître un décor peint recouvrant le mur de l'abside (2). Datable des années 1560, cet ensemble fut restauré en 1995. Le cycle fut alors visible dans sa quasi-totalité, à l'exception des extrémités basses nord et sud occupées par des bancs de chœur. Déposées au printemps 1998 afin d'être restaurées, ces boiseries ont enfin livré leurs secrets, pour peu de temps néanmoins : les obligations de la conservation ont 


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poussé à les remettre en place, dissimulant à nouveau les peintures murales, qui ont toutefois été fixées. Cette "mise au jour éclair" a cependant permis une vision globale des peintures conservées à Antist, toute nouvelle découverte semblant exclue dans cette église, les enduits du reste de l'édifice et notamment ceux de la nef ayant été piquetés au XIXe siècle.
    Le résultat de la dépose des bancs et boiseries placés contre le mur sud du chœur s'est avéré assez décevant, aucun décor n'ayant été bien conservé : seules apparaissent quelques traces du compartimentage architecturé ocre jaune, déjà observé dans le reste du cycle, détruites sur de très importantes surfaces par de nombreuses reprises de maçonnerie au mortier de ciment.
    Au contraire, le mur nord a livré trois nouveaux éléments qui s'inscrivent dans la continuité du registre inférieur déjà connu, à 1,30 m du sol. Ces trois importants fragments sont séparés les uns des autres par les mêmes moulures ocre jaune qui scandent le reste du cycle à ce niveau, finissant de lui donner son aspect de retable peint.
    La première scène ainsi délimitée était déjà en partie connue, son extrémité est ayant été découverte dès la dépose du retable majeur. La présence supposée du manteau de la Vierge, ainsi qu'une partie de son trône laissaient alors présumer la représentation d'une Épiphanie, hypothèse qui se trouve à présent confirmée. Placée à droite, la Maesta a été détruite par une large fissure. Privés de la majeure partie de la figure, nous pouvons néanmoins l'imaginer tournée vers la gauche, vêtue d'un manteau immaculé jeté sur un habit ocre jaune (le départ d'une manche semble visible), présentant l'Enfant, également en grande partie disparu, aux Rois Mages lui faisant face. Ces derniers se détachent sur un fond clair et sont placés l'un à la suite de l'autre. Le premier est agenouillé aux pieds de la Vierge pour offrir un ciboire ocre jaune, pédiculé et à couvercle arrondi, tout en touchant de sa main gauche le pied de l'Enfant en signe de déférence. Ce personnage est très effacé, seules les couleurs brunes ayant bien résisté au temps. Le visage de profil, il semble doté d'une barbe et de cheveux bruns, vêtu d'un manteau désormais totalement décoloré et privé de tout pli, sous lequel il porte un habit sombre dont seules les manches ajustées apparaissent. Placé debout derrière lui et s'apprêtant à lui toucher l'épaule de la main droite, le second Mage présente lui aussi un ciboire ocre jaune au Sauveur. Sa silhouette est peu discernable, seuls quelques détails ayant bien survécu : le visage, encadré d'une barbe et de cheveux roux, est coiffé d'une couronne formée de pointes, tandis que sa tenue est des plus simples (un ample manteau noir couvre un habit dont seules les manches blanches apparaissent). Le dernier Roi, debout et placé de profil, prend sa suite, faisant un geste du bras gauche (pour désigner l'étoile qui les a guidés ?), et tenant un ciboire identique à ceux de ses compagnons. Son visage brun indique ses origines africaines, et il est vêtu de manière plus riche que les deux autres. Ses cheveux courts sont ceints d'une couronne identique à celle de son prédécesseur, le buste arbore les mêmes vêtements que le premier Mage, mais c'est surtout la riche étoffe de ses culottes bouffantes qui montre sa richesse : de même que les chausses, elles sont de couleur rouge, rehaussées de lignes grises entre lesquelles alternent de petites touches allongées grises et blanches placées de biais.

    Ce panneau, tout aussi conventionnel et maladroit que les autres, nous livre trois éléments pas ou peu pressentis dans notre étude précédente : cette scène, hormis celles du partage du manteau et de la Fuite en Égypte très lacunaire, est à proprement parler la seule où le mouvement l'emporte sur la représentation uniquement statique, et où l'anecdote prend le pas sur le symbole. Pour preuve, les gestes des Mages, l'un accroupi pour toucher le pied de l'Enfant, le second lui effleurant l'épaule, et le troisième faisant un large geste du bras gauche, introduisent une dynamique non encore entrevue dans ce cycle. L'autre élément qui caractérise la scène est le recours au profil. Déjà utilisé sur le pauvre quémandant le manteau de saint Martin, et bien que très mal maîtrisé, son utilisation nous laisse deviner un artiste parfois plus audacieux qu'il n'y paraît et qui se soucie de varier les positions de ses personnages. Enfin, l'habit du Mage africain permet de se faire une meilleure idée du chromatisme originel de l'œuvre : les terres, si utilisées dans cette région à la fin du Moyen Âge, sont ici bien présentes, mais ce détail vestimentaire, alliant grisailles et rouges laisse imaginer une palette plus chatoyante qu'il n'y paraissait de prime abord.

    Placé immédiatement à gauche de l'Épiphanie, et séparé d'elle par deux moulures, se trouve l'Ecce Homo. Le Sauveur, debout et de face, les poignets liés, est affublé du manteau et du roseau qu'il tient de sa main gauche. Curieusement, il n'est point doté de la couronne d'épines, sa tête légèrement


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tournée vers la gauche étant simplement nimbée. Sa physionomie est en tous points identique à celles des autres personnages du cycle, notamment à celles du Crucifié et du Christ de la Trinité : les membres difformes, les jambes enflées, le seul pied visible maladroitement placé de profil. De même que le reste du corps, le visage, encadré par une barbe bifide et une chevelure rousse, est uniquement linéaire, caractéristique qui affecte également le perizonium très graphique. Le manteau ocre, rehaussé de motifs au pochoir, est retenu par une cordelette autour du cou, et retombe sur les épaules avant de s'évaser très largement.
    Nous retrouvons ici le type de représentation statique déjà largement rencontré dans le reste du programme iconographique. Son intérêt est que le thème abordé, sans être original, est un épisode de la Passion qui a été peu traité par les artistes ayant travaillé dans les Pyrénées centrales à la fin du Moyen Âge.

    L'ultime tableau a malheureusement beaucoup souffert : tronqué à la fois dans sa partie supérieure par le percement d'une fenêtre et sur la gauche par les piquetages ayant affecté la nef au XIXe siècle, il représente une vue urbaine.

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ÉGLISE SAINT-MARTIN D'ANTIST,
PEINTURE MURALE : Ecce Homo.
Cliché M. Salvan-Guillotin.

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ÉGLISE SAINT-MARTIN D'ANTIST.
PEINTURE MURALE, détail : paysage urbain.
Cliché M. Salvan-Guillotin.

Se retrouve ici le type de bâtiments qui apparaît à l'arrière du trône de la Vierge de l'Épiphanie, constructions figurées de manière totalement frontale et dont la palette très réduite (ocres, noir, blanc et grisailles) est en accord avec le reste du cycle. Nous sommes ici en présence de trois tours massives, dont la première, située à l'extrême gauche, est la plus détaillée. Entièrement peinte en grisailles, elle présente trois niveaux percés de petites baies séparés par des moulures ocres jaunes, et surmontés par un dôme placé à l'arrière de deux tourelles. Tuiles et pierres de taille sont indiquées par des lignes noires ou blanches qui animent la surface de façon régulière. Peut-être le peintre a-t-il voulu représenter là un clocher. Le second bâtiment semble placé en retrait et de profil, introduisant ainsi une légère profondeur de champ. Tout en présentant des caractéristiques générales identiques à celles du précédent (niveaux séparés par des moulures, détails indiqués au trait et de façon systématique), il s'en distingue par ses tonalités uniquement ocre jaune. Un quadrillage oblique au niveau supérieur semble également indiquer de grandes baies (ornées de vitraux ?), détail que nous trouvons également à mi-hauteur du bâtiment suivant. Ce dernier, plus vers la droite et au même plan que la première bâtisse, est quasiment identique à celle qui figure dans la scène de l'Épiphanie, présentant lui aussi des étages bien différenciés. Il est regrettable qu'il nous soit désormais impossible de deviner quelle était la scène figurant dans cet ultime compartiment : il semble en tout cas certain que celle-ci prenait place dans un cadre urbain auquel le peintre a tenté de donner de la profondeur, sans toutefois y parvenir de manière satisfaisante.

    Ces trois nouveaux compartiments, figurant l'Épiphanie, l'Ecce homo et un décor urbain, s'inscrivent avec cohérence dans le reste du cycle. Évoquant eux aussi, du moins pour ce qui concerne les deux premiers, la vie de la Vierge et


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la Passion du Christ, ils donnent à penser que les éventuelles peintures disparues de la nef abordaient les mêmes thèmes, récurrents en cette région. Outre ceci, leur style, maladroit et rustique, permet de les attribuer à la main ayant œuvré dans le reste de la composition.

Marc SALVAN-GUILLOTIN »

1. Cette note fait suite à un article récent : M. SALVAN-GUILLOTIN, «  Les peintures murales d'Antist (Hautes-Pyrénées) », dans M.S.A.M.F., t. LVI, 1996, p. 121-128.
2. Le décor comporte les figurations suivantes : Crucifixion, Trinité verticale, Partage du manteau de saint Martin, saint Martin en pied, Assomption de la Vierge, figures en pied de sainte Catherine et de sainte Marie-Madeleine, Fuite en Égypte, fragment d'Épiphanie, armes du commanditaire, visage d'ange, lune, ainsi que divers fragments.

 

    La discussion qui suit une question posée par Michèle Pradalier-Schlumberger conclut que les trames losangées figurées sur les architectures évoquent sans doute les hourdis des pans-de-bois.

 

    Gabriel Burroni et Nicole Andrieu annoncent de nouvelles découvertes à Saint-Pierre-des-Chartreux de Toulouse :

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TOULOUSE, SAINT-PIERRE-DES-CHARTREUX, signature de Bernat Cadet sur la voûte.

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TOULOUSE, SAINT-PIERRE-DES-CHARTREUX, planche peinte retrouvée en remploi.

« Chargé par Bernard Voinchet, architecte en chef des Monuments historiques, d'un complément d'étude pour la restauration du dôme de Saint-Pierre-des-Chartreux, Gabriel Burroni a fait la découverte inattendue de planches peintes appartenant au lambris de la précédente voûte.
    Cette voûte de bois, conçue comme la charpente du toit à l'impériale par Georges Allègre en 1610, avait été peinte à la détrempe par Jacques La Carrière en 1611. Simultanément, Jacques La Carrière avait reçu commande du tabernacle actuellement conservé dans l'église de Roquettes, où il a été déposé en 1780, quand les Chartreux ont décidé de renouveler le décor de leur sanctuaire.
    La voûte lambrissée et les boiseries inférieures furent alors démontées et remployées dans le plancher créé au-dessus de la voûte, décorée de gypseries par Jean-Baptiste Julia. D'ailleurs, les signatures de six gypiers qui ont travaillé avec Julia et la date de 1781 restent visibles à plusieurs points de la voûte, révélés par le nettoyage récent.

       Jacques La Carrière, probablement né à Caen vers 1580, arrive à Toulouse dans les premières


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années du XVIIe siècle. Il est connu par quelques baux à besogne entre 1608 et 1615, alternant des commandes de tableaux et de sculpture. Seul le tabernacle des Chartreux aujourd'hui visible dans l'église de Roquettes, et dont les deux ailes ont été ajoutées vers 1650, témoigne des talents de Jacques La Carrière, sculpteur. Cette découverte va permettre, outre un essai de reconstitution de la voûte de 1610/1611, une meilleure approche des qualités de peintre de La Carrière dans la technique particulièrement exigeante de la détrempe.

Nicole ANDRIEU & Gabriel BURRONI »

    Le Président remercie les intervenants et demande des précisions sur les sujets représentés. Nicole Andrieu dit qu’il s’agit de grandes figures de saints et Gabriel Burroni ajoute que les planches peintes retrouvées correspondent à 3 m2 environ ; des parties non peintes permettront peut-être de reconstituer la structure du décor.
    Nicole Andrieu rappelle que Robert Mesuret parlait de plafond « à l’Espagnole » en faisant référence à l’artesonado, ce qui ne manque pas d’intriguer. Marc Salvan-Guillotin note que Robert Mesuret utilisait fréquemment cette qualification pour les plafonds et Bruno Tollon cite à l’appui le plafond de la chapelle de la Visitation.
    Jean Nayrolles fait remarquer à quel point la figure du saint ressemble à Henri IV. Répondant à Bruno Tollon, Gabriel Burroni indique que les personnages sont à peu près grandeur nature, en précisant que les planches sont verticales alors que l’on attendrait des planches horizontales dans le cas d’une voûte. Henri Pradalier demande s’il faut imaginer que les parties courbes ont disparu et Maurice Prin suggère que le décor puisse en fait provenir de la nef, ce que Nicole Andrieu et Gabriel Burroni admettent tout à fait.
    Le Président souligne le caractère spectaculaire de cette découverte de toute première importance, et il félicite Gabriel Burroni sans qui ces planches peintes auraient probablement fini à la décharge.
    Jacques Lapart signale à la Compagnie deux plafonds peints attribuables au XVIIe siècle qu’il connaît dans le Gers et pour lesquels il dispose d’une documentation qu’il communiquerait volontiers à qui serait intéressé. L’un présente un grand décor de sibylles qui n’a jamais été étudié, l’autre est un plafond à la française entièrement peint avec en particulier de petites scènes.
    Françoise Merlet-Bagnéris ayant demandé si les deux plafonds étaient encore visibles, Jacques Lapart précise que le premier a été remonté au musée d’Auch et que celui de Lectoure est resté en place mais qu’il est aujourd’hui à nouveau masqué par un faux-plafond.

SÉANCE DU 23 MAI 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, M. Blaquière, Mgr Rocacher, membres titulaires, Mmes Fronton-Wessel, Suau, Ugaglia, MM. Geneviève, Vayssières, membres correspondants.
Excusée : Mme Pujalte.
Invitée : Mme Fabienne Carme.

    En remerciant Daniel Cazes et Évelyne Ugaglia de nous recevoir à l’occasion de l’exposition Les arts du métal , le Président se félicite de voir notre Compagnie une nouvelle fois accueillie au Musée Saint-Raymond dont l’histoire est pour une part celle de la Société archéologique du Midi de la France. La personnalité d’Edward Barry qui sera nécessairement évoquée ce soir nous le rappellera.
    Après que Daniel Cazes a présenté à la Compagnie le très beau sarcophage paléochrétien prêté par le Musée archéologique national de Tarragone dans le cadre du Printemps des Musées, la parole est à Évelyne Ugaglia pour Les arts du métal, du chalcolithique à l’époque romaine. À l’issue de la visite, le Président remercie Évelyne Ugaglia d’avoir su si bien choisir parmi les objets présentés pour brosser à grands traits les principaux aspects de cette très riche exposition. Il relève qu’il est étonnant qu’un homme de l’écrit comme l’était Edward Barry ait manifesté un tel intérêt pour l’objet, même si le collectionneur n’a pas été, malheureusement pour nous, très attentif aux lieux de découverte. Comme il s’enquiert de possibles faux, Évelyne Ugaglia indique que la région de Naples en a produit au XIXe siècle, copies d’objets authentiques ou imitations. La prudence est de toute façon de mise : une récente étude a montré qu’un miroir du Musée Saint-Raymond, qui avait été considéré comme faux, était en fait authentique.


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    Le Président demande si le fil est rompu pour la plupart de ces œuvres entassées au XIXe siècle. Évelyne Ugaglia le confirme et elle ajoute que pour parvenir aujourd’hui à les replacer dans leur contexte, il faut en premier lieu préciser leur datation, et tâcher de les replacer dans des séries en les comparant à d’autres objets découverts en fouille. Pour que ce jeu de rapprochements soit possible, il faut que les objets du musée soient connus : leur publication en fait essentielle. Daniel Cazes renchérit en rappelant que la plus grande partie de ces objets, qui n’avait pas été présentée depuis quatre-vingts ans, devra retourner en réserve à la fin de l’exposition, faute de place pour une présentation permanente. Évelyne Ugaglia précise que les spécialistes qui les découvrent actuellement sont époustouflés par la richesse de la collection. Un membre note que l’opinion toulousaine n’a pas encore compris, au XXe siècle, quelle était l’extraordinaire richesse des musées de la ville et que nous avons à Toulouse des petits musées pour de très grosses collections alors que l’on construit partout en Europe de grands musées pour des collections souvent bien moins importantes en qualité et en quantité. Daniel Cazes rappelle que cette exposition présente aussi le résultat d’un long travail de restauration des objets, essentiel pour leur connaissance : cette politique entreprise par Mme Labrousse est poursuivie par Évelyne Ugaglia qui, depuis que les conditions de bonne conservation sont assurées dans le musée et les réserves, fait restaurer chaque année un certain nombre d’objets grâce à des crédits accordés par la Mairie de Toulouse et le Ministère de la Culture.  
    En remarquant que l’on ne saurait se plaindre de la richesse de nos musées, le Président souhaite que Toulouse parvienne un jour à prendre la mesure de leurs collections. Après avoir remercié Évelyne Ugaglia et Daniel Cazes, il les félicite pour le travail accompli et la qualité de la mise en scène de l’exposition.

 

SÉANCE DU 6 JUIN 2000

Présents : MM. Peyrusse, Président, M. Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Cazes, Merlet-Bagnéris, Napoléone, Pradalier-Schlumberger, MM. l’abbé Baccrabère, Pradalier, Mgr Rocacher, MM. Roquebert, Tollon, membres titulaires, Mmes Blanc-Rouquette, Jimenez, Fronton-Wessel, Pujalte, MM. Bordes, Burroni, Ginesty, Geneviève, Hamon, Molet, Testard, membres correspondants.
Excusés : MM. Coppolani, Directeur honoraire, Garland, Boudartchouk.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 16 mai, qui est adopté. Après avoir indiqué que le rapport sur la candidature de M. Laurent Macé avait été confié à Nelly Pousthomis-Dalle, le Président annonce que nous avons reçu deux nouvelles candidatures au titre de membre correspondant. La première est celle de Mlle Fabienne Sartre : le rapport est demandé à Bruno Tollon ; la seconde nous vient de M. Christophe Balagna, dont le rapport est confié à Michèle Pradalier-Schlumberger. Notre Compagnie examinera ces trois candidatures au cours de sa séance de rentrée.
    Au nom de notre Société, le Président présente ses félicitations à Marie-Luce Pujalte qui vient d’être brillamment élue à l’Université de Poitiers.
    La correspondance imprimée comprend une invitation à rencontrer M. Paul Féron à l’occasion de la parution de son livre sur Théodore Ozenne et le programme du prochain congrès de la Fédération des Sociétés savantes et académiques Pyrénées-Gascogne.

    La parole est à Olivier Testard pour une communication sur La façade occidentale de la cathédrale de Toulouse, qui sera publiée dans le volume t. LXI (2001) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Olivier Testard de son exposé, tout en avouant avoir été un peu gêné pour le suivre dans ses démonstrations, peut-être parce qu’il n’était qu’un très indigent auditeur. Les rapprochements opérés puisent dans un corpus très éclaté parcouru en suivant les règles de l’exégèse médiévale, mais, faute de représentations sculptées ou peintes, la démonstration exige un acte de foi. Or, jusqu’à quel point pouvait-on avoir à l’esprit ces références quand on reprenait des formes qui plaisaient ? Les roses « cisterciennes » n’expliquent-elles pas la rose de Saint-Étienne ?
    Olivier Testard convient que ses citations étaient nécessairement partielles et qu’il ne peut assurer que les vitraux que pouvait contenir la rose aient développé ce même thème. Il rappelle cependant que les offices étaient connus par cœur et que ces différents thèmes étaient alors des lieux communs. Une forme pouvait certes être reprise parce qu’elle plaisait, mais il est probable que le choix d’une rose à huit quartiers plutôt qu’à douze n’était pas sans sens. La fonction didactique de la façade de la cathédrale ne pourrait certes être entièrement démontrée que si nous possédions


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les sermons qui ont dû la commenter. Le Président admet que l’on est en présence d’un ensemble de formes très certainement associées, mais il se demande si on lui a effectivement donné ce sens précis.
    Daniel Cazes souligne que dans la famille des roses à colonnettes, celle de Saint-Étienne est exceptionnelle. Il rappelle que la cathédrale de Lérida, qui possède trois roses de ce type mais aussi un chapiteau sur lequel est représentée une rose, offre une piste intéressante pour leur interprétation : il semble bien que le maître d’œuvre d’origine italienne, qui intervient en 1203 et qui est peut-être aussi sculpteur si l’on suit Jacques Lacoste, conduise une véritable réflexion sur ce thème. Daniel Cazes rejoint volontiers Olivier Testard lorsque celui-ci évoque une représentation du mouvement de l’univers (des personnages actionnent la roue sur le chapiteau de Lérida) et de son harmonie (évoquée aussi sur le chapiteau de Lérida par un musicien). Faute d’autres références locales, il a préféré, pour sa part, s’en tenir là. Il ajoute que la rose de la cathédrale de Toulouse a pu recevoir des vitraux et donc être accompagnée d’une iconographie dont nous ne savons rien aujourd’hui.
    Mgr Rocacher rappelle que les roses pouvaient prendre des sens différents et que celles d’Amiens ou de Beauvais se réfèrent à la roue de la fortune qui traduit une vision pessimiste du temps humain, bien éloignée du triomphe ou de la glorification de l’Agneau. Il ajoute que seule une partie très infime du peuple qui fréquentait la cathédrale aurait été à même de comprendre la lecture très savante que propose Olivier Testard et il se dit persuadé que les sermons de la plupart des curés et des prédicateurs ne s’élevaient pas si haut. Mgr Rocacher s’interroge ensuite sur la signification du tympan de Beaulieu en Corrèze, si le thème n’est pas celui du Jugement dernier. Olivier Testard fait référence à la démonstration de Peter Klein et Henri Pradalier précise que le moment du tympan de Beaulieu se situe juste avant le Jugement. Olivier Testard convient que la plupart des Toulousains, même de la classe la plus fortunée, n’accédait pas à ce niveau de savoir, mais il ajoute que ce n’était pas le cas de Foulque. Le programme était certes très complexe, trop complexe peut-être pour être poursuivi jusqu’à son terme. Olivier Testard pense néanmoins que pour l’évêque Foulque, la construction de la cathédrale a représenté un poème offert à Dieu. Il rappelle que les analyses proposées pour nombre de portails romans montrent une semblable élévation de pensée. Le Président et Henri Pradalier font remarquer que ces analyses se nourrissent d’une iconographie abondante.

    Quitterie Cazes souhaiterait reprendre le début de la démonstration en s’attachant aux rôles respectifs de l’architecte et du commanditaire. Si Foulque ne décide peut-être pas lui-même du dessin, on peut néanmoins admettre que la composition de la façade se réfère à une culture qu’il partage. Maurice Scellès remarque que les formes sont susceptibles d’interprétations multiples et Michel Roquebert qu’elles se transmettent indépendamment de leur signification. Olivier Testard et Quitterie Cazes sont d’accord pour considérer qu’il convient de prendre en compte l’exceptionnelle personnalité de Foulque dans les rapports qu’il a entretenus avec l’architecte.
    Pour Mgr Rocacher, Durand de Mende ne peut être pris comme référence alors que ses positions doivent être considérées, même pour l’époque, comme à la limite de l’ésotérisme. Patrice Cabau signale que si les textes des sermons prononcés devant la façade de Saint-Étienne nous font défaut, nous conservons en revanche ceux de sermons prononcés en 1229 dans l’église Saint-Jacques. Après avoir rappelé qu’il avait le projet d’une communication sur la date de la reconstruction de la cathédrale de Toulouse, Patrice Cabau donne lecture d’une note préparée à cette intention :

    « Un témoignage relatif à la reconstruction de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse dans la première moitié du XIIIe siècle

    La seule source documentaire connue qui fasse explicitement état de travaux de construction à la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse pour la première moitié du treizième siècle est le procès-verbal d’une enquête menée en 1247 par des commissaires nommés par le pape Innocent IV aux fins d’informer sur les œuvres charitables, la pratique religieuse et les circonstances de la mort du comte Raymond "VI" (1156-1194-1222) (1). Plusieurs exemplaires de ce document ont existé :
– acte conservé aux dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles dans les archives du Chapitre de Saint-Sernin de Toulouse, analysé par Guillaume de Catel en 1623 (2), inventorié par Claude Cresty en 1728-1730, passé aux Archives de la Haute-Garonne en 1866, cité par Jules de Lahondès en 1890 (3) ;
– acte authentique dressé par Bernard Guillaume, notaire public de Toulouse, le 24 juillet 1247, dans la maison des chevaliers du Temple de Toulouse, conservé à la fin du dix-septième siècle dans les archives du couvent des Frères Prêcheurs de Toulouse, publié en 1693 par Jean-Jacques Percin sous le titre Inquisitio de Raymundo Comite Tolosano (4) ;


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– acte authentique dressé par Paul, notaire public de Toulouse, le 24 juillet 1247, dans la maison des chevaliers du Temple de Toulouse, conservé dans les archives de l’Ordre de Malte, au Grand-Prieuré de Toulouse, passé aux Archives de la Haute-Garonne, cité par Charles Molinier en 1880 (5).

    Le premier des cent dix-neuf témoins interrogés par les commissaires enquêteurs fit sa déposition le 12 juillet 1247 ; c’était François de Mons (11..-1257), l’un des plus anciens dignitaires du Chapitre cathédral (6) :
"Frère François, prêtre, archidiacre de Gimoès, chanoine régulier de la cathédrale de Toulouse, témoin juré, interrogé, déclara, au sujet des bienfaits accordés aux églises par le comte défunt, avoir vu et entendu que, quand on édifiait l’église Saint-Étienne, au temps de la guerre qu’il y eut entre le comte (de Toulouse) lui-même et le comte de Montfort, ceux qui édifiaient l’église avaient abandonné l’ouvrage, par la crainte de quelques-uns, et que tout l’édifice de l’église était mis en danger de ruine [ou menacé de destruction] s’il n’était consolidé [ou terminé], ledit comte veilla à ce que le susdit ouvrage fût achevé. Il déclara aussi que le même comte restitua au même témoin seize bœufs que des voleurs lui avaient pris. De plus, il déclara qu’il avait vu et entendu que, comme Toulouse était assiégée et que nul ne pouvait en sortir sans danger pour sa personne, le comte envoya son chapelain auprès de l’évêque, qui était à ce siège, par le témoin lui-même, pour qu’il célébrât les offices divins avec ce même chapelain, et que, par l’intermédiaire de ce dernier, il envoya des livres de théologie à maître Othon [qui était] à ce siège. Il vit aussi et entendit que le comte reçut à cette époque sous sa protection tous les clercs, tant les religieux que les autres, qui voulaient rester dans la cité de Toulouse. De plus, il vit et entendit que ledit comte accorda sa protection aux églises et à leurs biens, et qu’il fit publier à son de trompe à travers la cité que nul n’osât s’emparer des clercs ni des églises, et il entendit dire à nombre de religieux, [qui venaient] de beaucoup d’endroits, qu’ils s’estimaient comblés par le comte, et il était persuadé que, si celui-ci l’avait toléré, on aurait fait beaucoup de mal aux religieux, aux églises et aux personnes ecclésiastiques. De plus, il déclara que ledit comte faisait beaucoup de dons aux monastères, et spécialement à celui de Grandselve et à celui de la maison de Pinel. […]" (7).
    La question de savoir à quel moment, antérieur au décès de Raymond "VI" (5 juillet / 21 septembre 1222), la cathédrale de Toulouse était en construction, a été posée dès le dix-septième siècle. D’une lecture hâtive du témoignage précité, Guillaume de Catel (1560-1626) a conclu que l’intervention du comte avait eu lieu "lors du siege de Tolose" (8). Selon Germain de Lafaille (1616-1711), ce fut "du tems du prémier siége", c’est-à-dire entre le 16 et le 29 juin 1211 (9). Pour Jean-Jacques Percin (1633-1711), la nef de Saint-Étienne aurait été édifiée vers 1217 ou 1219, et elle était achevée dès cette dernière date (10). Quant à Joseph Vaissete (1685-1756), il estimait que le comte de Toulouse avait protégé cette construction "malgré la guerre qu’il avoit à soûtenir contre Amauri de Montfort", autrement dit dans les années 1218-1222 (11). De ces diverses conjectures, c’est celle de Lafaille qui a prévalu, amplifiée notamment par les monographies d’Auguste d’Aldéguier (1793-1866) (12) et de Jules de Lahondès (1830-1914) (13). Cette version des faits, réaffirmée par Philippe Wolff dans la première édition de son Histoire de Toulouse (14), a cependant été mise en doute par Marcel Durliat dans la refonte collective de cet ouvrage (15).
    Comme on le voit par le texte de sa déposition, le chanoine François de Mons n’associe nullement l’interruption et la reprise des travaux de la cathédrale à l’un des trois sièges que Toulouse eut à soutenir entre 1211 et 1219. Il se réfère de façon générale à l’époque de la guerre entre Raymond "VI" et le "comte de Montfort", en qui il faut reconnaître Simon, tué sous les murs de Toulouse le 25 juin 1218, bien plutôt que son fils Amaury (16). Le siège dont il parle ensuite ne peut ainsi être le troisième, qui eut lieu du 17 juin au 1er août 1219. Il s’agit vraisemblablement du deuxième, de beaucoup le plus long, puisqu’il dura de la fin de septembre ou du début d’octobre 1217 au 25 juillet 1218. Pour Marcel Durliat, ce deuxième siège "semble davantage correspondre à l’atmosphère dramatique qu’évoque le document cité plus haut" (17). À supposer que le témoin ait suivi l’ordre chronologique pour l’exposé des faits qu’il relate au début de sa déposition, l’intervention du comte sur le chantier de la cathédrale pourrait être antérieure à octobre 1217.
    Concernant cette intervention, la déposition de François de Mons, témoin oculaire, présuppose qu’il s’est trouvé à Toulouse en même temps que Raymond "VI". La confrontation des itinéraires respectifs du comte et du chanoine entre le début de la croisade et la mort de Simon de Montfort, pour autant qu’on puisse les reconstituer, montre que leur présence simultanée dans la ville n’est possible que pour les périodes suivantes : de septembre à décembre 1209, de février à juin 1210, de mi-août


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1210 à janvier 1211, de début février à mi-mai 1211, de début février à fin octobre 1215, enfin du 13 septembre 1217 au 25 juin 1218 (18).
    On aura que noté la seconde moitié de juin 1211, époque du premier siège de Toulouse, est exclue. En effet, comme les autres chanoines de Toulouse, François de Mons avait quitté la ville, sur l’ordre de l’évêque Foulque, dans la seconde quinzaine de mai 1211 (19) ; il ne put y rentrer qu’à la suite de la réconciliation des Toulousains à l’unité de l’Église, le 25 avril 1214, sans doute lors du retour de Foulque dans sa cité épiscopale, en janvier 1215 (20).
    Reste à déterminer à quel moment ceux qui travaillaient à la construction de la cathédrale Saint-Étienne abandonnèrent leur ouvrage "par la crainte de quelques-uns". La date la plus vraisemblable est celle de la réapparition de Raymond "VI" à Toulouse, le 13 septembre 1217, après une absence de plus d’un an et demi. Divers témoignages nous ont gardé mémoire de l’événement : "En l’an 1217, le comte de Saint-Gilles recouvra Toulouse, la veille de la Sainte-Croix de septembre" (21) ; "En l’an du Seigneur 1217, […] le comte de Toulouse […] passa les Pyrénées et fit son entrée dans Toulouse au mois de septembre, non par un pont, mais à gué sous le Bazacle. Ce qui, ayant été su d’un petit nombre de gens, plut à certains et déplut à d’autres, qui mesuraient l’avenir au passé. Cela amena certains à se retirer au Château-Narbonnais avec les Français, d’autres à se mettre de même dans la maison de l’évêque, dans le cloître Saint-Étienne et dans le monastère Saint-Sernin" (22), etc. (23). Des Toulousains partisans de Simon de Montfort quittèrent la ville (24), tel le notaire Bernard de Pexiora, qui s’enfuit en laissant inachevée au milieu d’une phrase la transcription d’un acte de 1213 (25).
    Eu égard à pareil contexte, le geste de Raymond "VI" faisant poursuivre les travaux de construction de la cathédrale Saint-Étienne peut s’inscrire dans la politique d’apaisement et d’union qu’il mena à Toulouse à partir du 13 septembre 1217 (26).

Patrice CABAU »

NOTES : 1. Sur cette enquête, voir notamment, outre les sources citées ci-après : GUILLAUME DE PUYLAURENS, Cronica, chapitres XXXII, XLV = DUVERNOY 1976, p. 112, 180, 182 – H.G.L.1 1737, p. 321-322, 323-324, 389, 456-457, 550, 593-594 – H.G.L.2 1842, p. 300-301, 302-303, 381-382, 404, 86’, 96’-97’ ; 1843, p. 67-68, 332-333 – H.G.L.3 1879 (VI), p. 549-550, 551-552, 663, 788-789 ; 1879 (VII), p. 28, 109-110 ; 1879 (VIII), n° 403, c. 1236-1238 ; n° CIX, c. 1957-1958 ; n° CCCXLII, c. 1996-1997 – MOLINIER 1885. — 2. CATEL 1623, p. 316-318, 368-371 – CATEL 1633, p. 163. "Ceste enqueste m’a esté monstrée par Monsieur Vilette, Chanoine de sainct Sernin, homme docte & curieux, elle contient la déposition de cent six tesmoins. [...] Dans la mesme Enqueste on trouue […] que lors du siege de Tolose, les Architectes & Massons qui bastissoient l’Eglise de sainct Estienne de Tolose, ayant quitté leur besoigne, à cause du siege, & le Comte voyant que le bastiment estant ainsi imparfaict, estoit en danger de se gaster, il leur commanda de reprendre leur besoigne, & de l’acheuer. Ie crois que ce que l’on bastissoit pour lors, estoit la nef de l’Eglise, que son pere ou luy faisoient bastir […]." CATEL 1623, p. 317. "[…] il est porté par l’enqueste que Raimond le Ieune Comte de Tolose son fils fist faire de la vie & religion de son pere, comme ledit Raimond le Vieil commanda aux Architectes & maçons qui bastissoient l’Eglise sainct Estienne de continuër leur besogne, nonobstant que la ville de Tolose fut assiegée." CATEL 1633, p. 163. — 3. LAHONDÈS 1890, p. [53], n. 1 (voir ci-dessous, n. 8). La référence indiquée par Jules de Lahondès ("Archives de Saint-Sernin, liasse LXXIX, n° XXI, titre 1."), reproduite notamment par Raymond Rey (REY 1929, p. 10, n. 1 – REY 1930, p. 72, n. 1), Daniel Drocourt (DROCOURT 1974, p. 69, n. 13), et dont Yvette Carbonell-Lamothe a relevé les avatars (CARBONELL-LAMOTHE 1980, p. 107, 118, n. 22), est erronée. Cette cote ne correspond pas en effet au système de classement (n°, liasse, titre) adopté par Claude Cresty, "déchiffreur et archivaire" de Langeac, qui procéda du 31 mai 1728 au 15 mai 1730 à l’inventaire des archives du Chapitre de Saint-Sernin. Dans le dépôt conservé jusqu’en 1866 (DOUAIS 1887, p. III) au premier étage de la tour nord du massif occidental de la basilique, les "archives fermées [se trouvaient] contenues dans quatre grandes armoires à clef, divisées en 24 étagères portant autant de numéros [comprenant chacun] des sacs et des liasses qui renferment à leur tour des titres aussi numérotés" (SALVAN 1840, p. 365). Sous le "N° 21", "liasse 79", étaient répertoriés des "Titres divers, extraordinaires et sans suite" (SALVAN 1840, p. 382). Il faut ainsi probablement corriger : N° XXI, liasse LXXIX, titre 1er. — 4. PERCIN 1693, p. 76’’’-81’’’ (voir ci-dessous, n. 8). "Refert D. de Catel hist. Comitum pag. 368. & 369. Inquisitionem super hoc negotio factam, cujus authenticum exemplar in nostris Archiviis est manuscriptum." (PERCIN 1693, p. 53’’) ; "Ex nss. mss. originali" (PERCIN 1693, p. 76’’’). Les archives de l’Inquisition de Toulouse, transférées vers 1626 de l’ancienne maison de l’Inquisition (7, place du Parlement) au couvent principal des Dominicains (Jacobins), furent presque totalement dispersées avant 1790 (DOSSAT 1959, p. 30-31, 35-36). — 5. "[...] un document conservé aux Archives de la Haute-Garonne (Ordre de Saint-Jean, Toulouse, liasse 1, n° 24) [...]. C’est le relevé, dressé à l’occasion de l’enquête dont parle Percin, des donations et des privilèges accordés de son vivant par le comte Raimond VI à un certain nombre d’églises et de monastères. La pièce, écrite à Toulouse, le 24 juillet 1247, dans la maison de l’Ordre du Temple, se termine par l’indication suivante : Ego Paulus, publicus Tholose notarius, de mandato venerabilis patris G., Lodovensis episcopi, et fratris R. de Cantios, ordinis Predicatorum, et fratris G. de Briva, ordinis Fratrum Minorum, a domino papa delegatorum, etc." MOLINIER 1880, p. 194 (n.). — 6. François de Mons : membre d’une famille consulaire de Toulouse, possessionnée à Toulouse et en Lauragais (MUNDY 1985, p. 242-247) ; chanoine du Chapitre de Saint-Étienne, témoin d’une donation faite par Gautier de Noé le jeudi 7 juillet ou vendredi 8 juillet 1205 (Archives de Saint-Étienne de Toulouse – G.C.3 1785 = G.C.4 1874, Instrumenta Ecclesiæ Tolosanæ, n° XLI, c. 27-28 – LEMASSON 1967, n° 139) ; l’un des deux cellériers du Chapitre, témoin de la cession de l’église Saint-Romain de Toulouse faite par le prévôt Mascaron à saint Dominique en juillet 1216 (G.C.3 1785 = G.C.4 1874, Instrumenta Ecclesiæ


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Tolosanæ, n° XLII, c. 28 – KOUDELKA 1966, n° 73, p. 68-69) ; chanoine, témoin d’une transaction entre le Chapitre de Saint-Étienne et les chevaliers de la maison du Temple de Toulouse conclue le 23 juillet 1222 (Toulouse, A.D. Haute-Garonne, 4 G 224 [n° XXIII, liasse 2, titres 3 et 2] – Toulouse, A.D. Haute-Garonne, 4 G 3, CRESTY 1734-1737 (II), f. 145 r°-v° – DU BOURG 1883, p. 73 ["Arch. Toulouse, L. XXIII."] – LAHONDÈS 1890, p. 150, 151, n. 1 ["Arch. de la H.-G., fonds de Saint-Etienne, n° XXII. l. 2, t. 2." : copie moderne défectueuse]) ; très vraisemblablement nommé, avec deux autres membres de sa famille, comme l’un des six exécuteurs du testament d’Hugues Jean, ancien viguier comtal de Toulouse, le 28 mai 1235 (Paris, A.N.F., J 330, Toulouse, XXI, n° 25 = TEULET 1866, n° 2380, p. 290 – MUNDY 1985, p. 245-246, n. 7) ; archidiacre de Gimoès, témoin de la confirmation par l’évêque Raymond du Fauga d’une série de donations à l’abbaye de Lacapelle, le jeudi 7 novembre 1247 (G.C.3 1785 = G.C.4 1874, Instrumenta Ecclesiæ Tolosanæ, n° LI, c. 36-38) ; chanoine, prieur d’Artigat, décédé le 13 janvier 1257* et inhumé dans le cloître canonial de Saint-Étienne (Épitaphe : IDVS IANVARII OBIIT DOMPNVS FRANCISCVS DE MONTIBVS PRIOR ARTIGATI ET CANONICVS ISTIVS LOCI ANNO DOMINI M CC L VI. Toulouse, musée des Augustins, inventaire : Ra 526 – C.I.F.M., 7, 1982, n° 79, p. 119-120 ; planche XLIII, n° 85 – CAZES 1999, p. 168 ; fig. 113, p. 169. Registre obituaire : XIII. (kalendas februarii.) Eodem die obiit F. de Montibus, prior de Artigaco, canonicus. Paris, B.N.F., fonds latin, nouvelles acquisitions, manuscrit 3036, f. 105 v° [date décalée]). Dans la suite de sa déposition, François de Mons déclare qu’il avait accompagné Raymond "VI" jusqu’à Paris, sans doute à la fin de 1209 ou au début de 1210, mais qu’il n’était pas un de ses familiers ; sa sœur avait été l’hôtesse du comte (PERCIN 1693, p. 77’’’). Quatre autres dignitaires du Chapitre de Saint-Étienne sont cités dans l’enquête de 1247 : Pons de Toulouse, prêtre, prieur d’Artigat, chanoine (témoin 2), Raymond, chanoine et prévôt (témoin 97), Guillaume de Toulouse, prêtre et operarius (témoin 98), Raymond, chanoine et archidiacre de Villelongue (témoin 99) ; leurs témoignages sont beaucoup plus brefs, voire inconsistants (PERCIN 1693, p. 78’’’, 81’’’). — 7. "Franciscus sacerdos archidiaconus Limoensis [sic], canonicus regularis tholosane sedis, testis juratus, dixit... se vidisse et audisse, quod quando ecclesia Sti Stephani tholosanae sedis edificabatur tempore guerre que fuit inter ipsum comitem et comitem Montisfortis, et ipsi qui edificabantur [sic] ecclesiam dimisissent opus timore quorundam et tantum edificium esset ecclesie sub periculo ruine constitutum nisi consommaretur, dictus comes dedit operam ut predictum opus perficeretur". LAHONDÈS 1890, p. [53] (n. 1) (= REY 1930, p. 72, n. 1 – GUÉBIN, LYON 1930, p. 315-316, n. – CARBONELL-LAMOTHE 1980, p. 110). "Frater Franciscus Sacerdos Archidiaconus Gimomonensis [sic] Canonicus Regularis Tolosanæ Sedis. Testis Juratus requisitus, dixit super beneficiis collatis Ecclesiis à Comite quondam Tolosano, se vidisse & audivisse quod quando Ecclesia sa[n]cti Stephani ædificabatur, tempore guerræ quæ fuit inter ipsum Comitem & Comitem Montisfortis, […] & ipsi qui ædificabant Ecclesiam dimisissent opus timore quorumdam, & totum ædificium Ecclesiæ esset periculo ruinæ destructurum nisi confirmaretur : dictus Comes dedit operam ut prædictum opus perficeretur. Dixit etiam quod dictus Comes eidem testi reddidit I6. boves, quos quidam raptores ei abstulerant. Item dixit quod vidit & audivit quod cum Tolosa esset obsessa, et nullus posset exire sine periculo corporis, misit Comes Capellanum Episcopo Tolosano, qui erat in obsidione prædicta per ipsum testem, ut cum e[o]dem Capellano divina officia celebraret ; & per eundem misit idem Comes Libros Theologiæ, […] Magistro Otoni, in obsidione prædicta. Vidit etiam & audivit quod dictus Comes tunc temporis recepit sub securitatem omnes Clericos, tam Religiosos quàm alios, qui vellent remanere in civitate Tol[osæ]. Item vidit & audivit quod dictus Comes dedit securi[t]atem Ecclesiis & rebus earum & fecit tubicinari per civitatem quod nullus ausus esset Clericos invadere nec Ecclesias : Et audivit à multis Religiosis & de multis locis, quod habebant se multùm pro pacatis […] de ipso Comite. Et scit pro certo, quod si ipse tolerasset, multa mala essent facta Religiosis & Ecclesiis & Ecclesiasticis personis. Item dixit quod dictus Comes dabat multa Monasteriis, specialiter […] Grandissilvae, […] & Domi de Pinelli. [etc.]" [Les coupures correspondent à la suppression d’appels de notes.] PERCIN 1693, p. 77’’’ (= CARBONELL-LAMOTHE 1980, p. 110 – Cf. DURLIAT, dans WOLFF 1974, p. 137 [traduction]). — 8. CATEL 1623, p. 317 – CATEL 1633, p. 163. Voir ci-dessus, n. 2. — 9. "Il y est encore dit [dans l’enquête] que du tems du prémier siége de Toulouse, les Maçons qui travailloient à la grande Nef de l’Eglise de Saint Estienne qu’il [Raymond] faisoit bâtir, aiant discontinüé le travail, il les y remit en disant, que les ouvrages qui regardoient la gloire de Dieu, ne devoient point être interrompus pour quelque cause que ce fût." LAFAILLE 1687, p. 127. — 10. "Quando Ecclesia S. Stephani ædificabatur. Navis scilicet, seu Auditorium quod constructum est circà annum 1217. a Comite Raymundo. Locus autem ubi nunc chorus, instructus est post annum I272. a Bertrando de insula Iordanis Episcopo Tolosano." PERCIN 1693, p. 81’’’ (n. A). "[…] cum jam ab anno I2I9. perfecta fuisset navis seu auditorium Ecclesiae sancto Stephano dicatum […]." PERCIN 1693, p. 10’’’. — 11. "Ils [les témoins] déclarerent qu’il [Raymond VI] protégea, malgré la guerre qu’il avoit à soûtenir contre Amauri de Montfort, la nouvelle construction de la cathédrale de S. Etienne de Toulouse, de la nef de laquelle on le regardef comme le fondateur [...] f Catel comt. p. 3I7." H.G.L.1 1737, p. 323 = H.G.L.2 1842, p. 302 = H.G.L.3 1879 (VI), p. 552. — 12. ALDÉGUIER 1834, p. 26-27 ; cf. p. 27-28, 122, 135, 136. — 13. LAHONDÈS 1890, p. [53]-54 ; cf. p. 430-431. — 14. WOLFF 1958, p. 93. — 15. WOLFF 1974, p. 136-137. — 16. La formule tempore guerre est utilisée dans le septième des douze articles présentés par Raymond "VII" aux commissaires enquêteurs : "7. Item [Comes Tolosanus] frequentabat Monasteria Religiosa ex devotione, & defendebat Ecclesias & Monasteria tempore guerræ, in personis, & rebus, intuitu pietatis" (PERCIN 1693, p. 76’’’). François de Mons, premier témoin, est le seul à préciser : "tempore guerræ quæ fuit inter ipsum Comitem & Comitem Montisfortis" (PERCIN 1693, p. 77’’’) ; les autres témoins (4, 8, 10, 26, 30, 31, 36, 58-59, 68, 76, 77, 83, 88, 95, 100, 104) emploient la formule générale, qui revient dix-sept fois dans la suite des dépositions (PERCIN 1693, p. 78’’’-81’’’). En 1220, Raymond "VI" parlait très précisément de la "guerre d’Amaury et des croisés" : […] quicumque homines nostre ydiome, uidelicet de hac lingua nostra, siue sint milites uel alii, pro hac gerra presenti Amaldrici et cruce signatorum, ad hanc diem in qua hoc donum fuit factum, gerram faciebant uel fecerint deinde ipsi domino comiti et filio suo et Tolose […] (Toulouse, A.M., AA 1, n° 94 [29 juin et 1er septembre 1220] = LIMOUZIN-LAMOTHE 1932, p. 439-442), […] dum hec gerra Amaldrici et cruce signatorum durabit […] (Toulouse, A.M., AA 1, n° 95 [8 novembre 1220] = LIMOUZIN-LAMOTHE 1932, p. 442-443). — 17. WOLFF 1974, p. 137. — 18. Les très nombreuses références utiles excèdent le cadre nécessairement limité imparti à la présente note. — 19. PIERRE DES VAUX-DE-CERNAY, Hystoria Albigensis, § 234 ; cf. § 221-222, 359, 473 = GUÉBIN, LYON 1926, p. 233 ; cf. p. 220-222 – Cf. GUÉBIN, LYON 1930, p. 57, 166-168 – GUÉBIN, MAISONNEUVE 1951, p. 97 ; cf. p. 91-92, 140, 182. — 20. PIERRE DES VAUX-DE-CERNAY, Hystoria Albigensis, § 507, 549 = GUÉBIN, LYON 1930, p. 201, 241-242 – GUÉBIN, MAISONNEUVE 1951, p. 195, 209 (§ 549 incomplètement traduit). — 21. "Anno .M.CC.XVII. cobre R[amons], coms de sant Geli, Tolosa, la uespra de Sancta Croz de setembre." = "Anno (Domini) millesimo ducentesimo decimo septimo recuperauit Tolosam comes sancti Egidii." CHRONIQUEURS TOULOUSAINS = CABAU 1996, n° 46, p. 98. — 22. Comes Tholose senior ueniens de Hyspania recuperauit Tholosam. – Capitulum XXVIII. Igitur, anno Domini M°


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CC XVII, […] comes Tholose […] transiuit Pireneum et intrauit Tholosam mense septembris, non ponte, sed uado sub Vadaculo. Quod cum pauci scirent, quibusdam placuit, et quibusdam displicuit, qui futura preteritis compensabant. Vnde quidam uersus castrum Narbonense cum Gallicis se traxerunt, quidam se in domum episcopi et in claustro Sancti Stephani et in monasterio Sancti Saturnini pariter receperunt. Quos comes minis atque blandiciis ad se post dies aliquot reuocauit. GUILLAUME DE PUYLAURENS, Cronica, chapitre XXVIII = DUVERNOY 1976, p. 100. || BERNARD GUY, Flores cronicorum = [BERNARD GUY], Preclara Francorum facinora […] = CATEL 1623, p. 123’. — 23. PIERRE DES VAUX-DE-CERNAY, Hystoria Albygensis, § 600 = GUÉBIN, LYON 1930, p. 293-295 – GUÉBIN, MAISONNEUVE 1951, p. 227. || TRADUCTEUR ANONYME, Histoire albigeoise, § 600 = GUÉBIN, LYON 1939, p. 186. || CONTINUATEUR ANONYME, Cansos, laisses 182-184 = MARTIN-CHABOT 1957, p. 272-286 (Illustration : Paris, B.N.F., fonds français, manuscrit 25425 [vers 1275], p. 148 [dessin à l’encre noire avec la légende, disparue vers 1760 : Can lo comte cobret Toloza]. Reproductions : H.G.L.2 1842, planche face à la p. 142’ [dessin gravé] – ROQUEBERT 1986, planche face à la p. 20 [photo] ; p. 521 [commentaire] – MARTIN-CHABOT 1931, p. XIX [légende] – MARTIN-CHABOT 1957, planche IV, face à p. 216 [photo] ; p. 316 [commentaire]. || ADAPTATEUR ANONYME, Cansos (remaniement en prose du quinzième siècle) = H.G.L.1 1737, c. 84-86 = H.G.L.2 1842, p. 511-512 = H.G.L.3 1879 (VIII), c. 152-153. || "[…] cùm Comes intraret ad recuperandum Tolosam exierunt & obviaverunt ei Moniales sanctæ Crucis […] & petierunt eleemosinam ab eo, dicentes se non habere quod comederent […]." Enquête sur Raymond "VI" de juillet 1247 (déposition de Jourdain de Copiac, ou de Sapiac, témoin 30) = PERCIN 1693, p. 79’’’ – Cf. GUÉBIN, LYON 1930, p. 294 (n.) || Enquête sur le mode de nomination des consuls de Toulouse, vers 1274 (Paris, A.N.F., JJ 305, n° 32 = MOLINIER 1882, nos 13, 14, 17, p. 37-39 = H.G.L.3 1885, nos 13, 14, 17, p. 166-167). || Actes de 1218 (voir ci-dessous, n. 24 et 25). Le dernier document qui mentionne Simon de Montfort comme comte de Toulouse est daté du 1er septembre 1217 ; le premier où Raymond "VI" réapparaît comme comte est du 23 septembre 1217 (Toulouse, A.D. Haute-Garonne, E 501 [1er septembre 1217, copie de décembre 1243] ; H Malte, Toulouse, 4, 206, 4e acte [23 septembre 1217] – MUNDY 1954, p. 298, n. 50 – Cf. GUÉBIN, LYON 1930, p. 294, n.). — 24. […] quidam homines et mulieres illius urbis Tolose iamdiu inde cum Symone Montisfortis et pro eo exierant et quidam alii homines et mulieres in aduentu ipsius comitis, quando uillam Tolose recuperauit, et postea absque consilio, assensu et uoluntate ipsius et eorumdem consulum et contra eos ab eadem urbe exierant. […] – […] qui sine consilio dicti domini comitis patris sui et eorumdem consulum ac contra eos similiter Tolosam exierant quando ipse dominus comes illam recuperauit […]. (Toulouse, A.D. Haute-Garonne, E 579 [copies authentiques de février 1224*] = H.G.L.3 1879 (VIII), n° 197 [I], c. 706-710 [mercredi 31 janvier 1218*] ; n° 197 [II], c. 710-711 [jeudi 7 juin 1218]). À l’encontre de ces transfuges fut prononcée la liquidation judiciaire de leurs biens. — 25. Bernardus […], qui de predicto negocio mandamentum ad faciendum cartam acceperat, quam non perfecerat, et quia post regressum domini Raimundi Tolosani comitis quem fecit in hac uilla Tolose predictus Bernardus […] ab hac uilla Tolose exiuit et diffugiuit, fuit cognitus a consulibus Tolosanis pro inimico domini Raimundi Tolosani comitis et tocius uille Tolose […]. (Toulouse, A.D. Haute-Garonne, H Malte, Toulouse, 1, 116 – DU BOURG 1883, p. 37-38 ["Arch. Toulouse, L. II."] – GUÉBIN, LYON 1930, p. 294, n. – MUNDY 1954, p. 298, n. 48 – MARTIN-CHABOT 1957, p. 277, n. 3 – ROQUEBERT 1986, p. 66, 90). L’année suivante, Guillaume de Saint-Pierre, notaire de la cité, dûment autorisé par les consuls, acheva la rédaction de l’acte. — 26. "[…] certains se réfugièrent dans la maison de l’évêque, dans le cloître Saint-Étienne ou dans le monastère Saint-Sernin, lesquels, par menaces et caresses, le comte fit revenir à lui quelques jours après." GUILLAUME DE PUYLAURENS, Cronica, chapitre XXVIII (voir ci-dessus, n. 22). L’abbé de Saint-Sernin Jourdain et le prévôt de Saint-Étienne Mascaron livrèrent alors chacun son église, dont le faîte et le clocher furent mis en état de défense (CONTINUATEUR ANONYME, Cansos, laisse 183 = MARTIN-CHABOT 1957, p. 286). En novembre ou décembre, tenant conseil en l’église Saint-Sernin-du-Taur pour organiser la défense de Toulouse assiégée, Raymond "VI" se posait en serviteur de Dieu et en protecteur des maisons religieuses (CONTINUATEUR ANONYME, Cansos, laisse 191 = MARTIN-CHABOT 1961, p. 52). 

BIBLIOGRAPHIE : www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/samf/memoires/t_60/bul20004#bul04
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    Le Président remercie Patrice Cabau de ces précisions qui viennent ainsi clore provisoirement la discussion.

    Au titre des questions diverses, le Secrétaire général lit une note que nous communique notre consœur Valérie Rousset sur La chapelle des Pénitents bleus à Luzech (Lot) :

    « La chapelle des Pénitents est l’un des principaux édifices du bourg castral de Luzech. Afin de mener le chantier de restauration dans le respect de l’édifice, la municipalité a engagé en 1999, sur les conseils de Monsieur Yves Augeard, Architecte des Bâtiments de France, une étude préalable confiée à Madame Nathalie Prat, Architecte du Patrimoine, accompagnée d’une étude des décors peints subsistant sur la façade orientale, confiée à Madame Sylvie Pontlévy, et d’une étude archéologique (1).
    C’est au contact direct de la carriera drecha de la ville que l’on édifia, dans la première moitié du XIIIe siècle, l’édifice qui fut attribué dans les dernières années du XVIe siècle à une confrérie de Pénitents bleus. La tradition historique désigne ici une chapelle initialement placée sous l’invocation de saint Jacques et rattachée à un hôpital dont la localisation reste indéterminée. Une mention du pouillé Dumas au XVIIe siècle précise que ce sanctuaire servait alors aussi d’église paroissiale avant que l’on érige dans le barry del balat, dans la première moitié du XIVe siècle, l’église Saint-Pierre.
    La chapelle forme un bloc compact de plan rectangulaire d’une surface au sol hors mur de 72 m². La nef unique composée de trois travées s’achève à l’est sur un chevet plat. Des voûtes sur croisées d’ogives épaulées à l’extérieur par des contreforts plats, et enveloppant les angles côté rue, couvrent l’ensemble. Le transfert du chœur d’est en ouest succéda de peu à l’établissement des Pénitents qui instaurèrent un portail  


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et un nouveau clocher, côté rue. L’édifice est construit exclusivement en briques de forte épaisseur (l. : 32 cm, p. : 27 cm, e. : 6,5 cm). L’emploi de la brique n’est cependant pas rare à Luzech qui a bénéficié depuis le Moyen Âge d’une industrie tuilière active. En grand nombre, les demeures de la deuxième moitié du XIIIe siècle et du XIVe siècle présentent des appareils de briques de plus faible épaisseur (4,5 cm à 5 cm) associés, comme dans la ville de Cahors (2), à des moellons de calcaire. C’est sur la base du module des briques que l’on a établi l’épaisseur des contreforts et des ogives des voûtes. L’appareil est monté en lits réguliers soudés au mortier de chaux et de sable de rivière de forte granulométrie. Les joints de construction sont creux et biais afin de laisser une accroche suffisante au mortier de finition. Les élévations extérieures, qui conservent des séries de trous de boulin, sont traitées en joints de parement beurrés, lissés soigneusement pour affleurer au nu des briques. En revanche, à l’intérieur et sur le contour des baies extérieures, les parements ont reçu un enduit uniforme, appliqué en fine couche destinée à recevoir un décor peint. Hormis le portail d’entrée et le clocher rapportés à la fin du XVIe siècle ou au début du XVIIe siècle, la façade sur rue conserve ses dispositions initiales structurées autour d’un grand arc reçu par les deux contreforts plats. Cette " ossature " assure ainsi l’épaulement de la voûte ; elle répartissait également les charges d’un clocher primitif. Le dégagement des trois fenêtres logées sous des voussures coiffées d’arcs en plein cintre a permis de découvrir leurs ouvertures, réduites à une fente de 10 cm de large encadrée d’un large chanfrein. Pour pallier l’éclairage parcimonieusement diffusé par ces minces ouvertures, on a disposé au centre de la façade un oculus logé dans une voussure adoucie par une moulure en quart-de-rond. L’analyse de la façade par Sylvie Pontlévy a montré que le parement jointoyé avait été initialement recouvert d’un badigeon de chaux blanc (ce même badigeon est conservé par endroit sur la façade nord), sauf au contact des voussures et des encadrements extérieurs des baies qui ont reçu un décor de fausse briques ocre rouge sur fond laissé brut. Le principe n’est pas isolé, et a été répertorié sur quelques demeures gothiques de Cahors (3). Plus surprenante et plus rare est la présence du badigeon blanc qui ne fut recouvert qu’à partir du XVIe ou XVIIe siècle. À l’intérieur, le décor de briques gagne le contour des baies ; le revers de l’oculus concentre néanmoins les effets : une couronne de fausses briques ocre rouge borde l’entière circonférence de l’ouverture. Une frise soulignée de bandes ocres encercle l’ensemble ; elle est composée de cercles juxtaposés ajourés de pétales dont le tracé préparatoire à la pointe sèche et au compas affleure encore. Au nord, des sondages ont permis de révéler les vestiges de l’ancien portail dont l’arc légèrement brisé et aux arêtes vives apparaît sur le parement. Quelques traces retrouvées au-dessus témoignent de l’installation d’un auvent destiné à protéger le passage des fidèles.
    Au sud, une petite porte sur laquelle sont incisées deux croix mettait en contact le chœur liturgique et l’extérieur sans doute occupé par un cimetière. L’abside et la nef sont couvertes de voûtes légèrement brisées, composées d’ogives portées par de puissants doubleaux retombant sur des pilastres. Leur section est celle des briques qui les constituent à l’exception cependant des biseaux qui ont été taillés dans le calcaire sur une hauteur de 120 cm. Désolidarisées des voûtains dont elles renforcent simplement les arêtes, elles sont représentatives de l’influence qu’ont exercé les modèles du gothique septentrional sur le Midi de la France à partir du dernier quart du XIIe siècle. Avec l’établissement de la confrérie des Pénitents, le parti a été de transférer le chœur à l’ouest, d’agrandir les fenêtres latérales et de créer à l’est un nouveau portail. Quelques traces ténues évoquent les deux Pénitents peints alors sur la façade sur rue. C’est sir cette nouvelle organisation que le XIXe siècle a surenchéri en complétant l’intérieur d’un décor mural aux motifs néogothiques.
    Les travaux de restauration de la façade orientale sont en cours d’exécution. Ils concernent la consolidation des maçonneries, la restitution des joints de parement et des décors de fausses briques tels qu’ils étaient au XIIIe siècle. La fixation des plaques d’enduit et des traces des peintures du XVIe ou XVIIe siècle permet dès à présent de préserver le témoignage de l’intervention des Pénitents bleus.

Valérie ROUSSET

1. Étude à paraître dans Bulletin de la Société des Études du Lot, 2000.
2. Scellès (Maurice), Cahors, ville et architecture civile au Moyen Âge, Paris : Éditions du Patrimoine, 1999 (Cahiers du Patrimoine n° 54), 253 p.
3. Scellès (Maurice), op. cit.
»

    Le Président remarque que les sondages réalisés dans cet édifice et la reprise de son étude sont tout à fait passionnants et contredisent tout ce qui a été écrit jusqu’à présent.


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LUZECH (LOT), CHAPELLE DES PÉNITENTS BLEUS, façade est. Relevé V. Rousset, 1999.

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LUZECH (LOT), CHAPELLE DES PÉNITENTS BLEUS, vue de la nef. Cliché V. Rousset, 1999

luzech3m.JPG (6186 octets)

LUZECH (LOT), CHAPELLE DES PÉNITENTS BLEUS, revers de la façade est :
l’oculus est entouré d’un décor de fausses briques et de cercles à motifs géométriques. Cl. V. Rousset.


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    Anne-Laure Napoléone et Maurice Scellès présentent une brève étude d’un bâtiment rural médiéval aux Rivals, commune de Saint-Michel-de-Lanès (Aude) :

    « La commune de Saint-Michel-de-Lanès se trouve aux confins occidentaux du département de l’Aude, à la limite de la Haute-Garonne, à une dizaine de kilomètres au sud-est de Villefranche-de-Lauragais. Le village est bâti au bord d’un affluent de l’Hers ; le " château ", au sommet du village près de l’église, montre une haute élévation de moellons où subsiste une fenêtre géminée surmontée d’un oculus. La ferme des Rivals est située sur les coteaux, à quelques kilomètres au sud.
    Sa silhouette est aujourd’hui celle de nombreuses fermes du Lauragais : un long bâtiment alignant sous le même toit maison d’habitation et dépendances. Côté sud, la façade principale de l’habitation présente sept travées dont les largeurs inégales trahissent la régularisation d’un bâtiment ayant connu plusieurs modifications. L’élévation postérieure juxtapose sans ordre des ouvertures de formes et d’époques différentes : petites baies rectangulaires, fenêtres du XVIIIe siècles couvertes par des arcs segmentaires, porte néo-classique et grandes fenêtres, porte de remise…
    De l’extérieur rien ne laisse deviner à première vue le bâtiment médiéval. Ce sont en fait quatre portes placées sur le refend longitudinal, qui avaient été dégagées par le précédent propriétaire, qui ont attiré l’attention sur l’édifice. Profitant de l’opportunité qu’offraient des travaux de réaménagement, les relevés en plan et en élévation ont pu être précisés grâce à quelques sondages réalisés dans les enduits modernes, sondages néanmoins limités pour l’essentiel à la partie occidentale du bâtiment. L’étude a été complétée par un examen des bois remployés dans la charpente moderne et par une analyse de dendrochronologie confiée à Béatrice Szepertyski.

    Le bâtiment est entièrement monté en moellons de calcaire et de grès très irréguliers, vaguement assisés, comme le "château". Les pierres de taille des chaînes et des encadrements des baies sont en calcaire clair de meilleure qualité.
    En plan, la construction médiévale se distingue nettement des parties ajoutées par l’épaisseur des murs, excepté dans la partie nord du mur oriental où des manques importants sont dus à l’implantation de l’escalier actuel. Il s’agissait d’un bâtiment de plan rectangulaire, d’axe est-ouest, divisé en deux parties inégales par un mur de refend transversal dont la présence explique en particulier les deux portes jumelles de l’étage. Les murs latéraux se prolongent de près de quatre mètres au-delà de la façade sud qui était donc précédée d’une galerie.
    La façade sud présentait en rez-de-chaussée une grande porte couverte d’un arc brisé, accolée au mur de refend, qui ouvrait sur la partie orientale du bâtiment. Une seconde porte, plus petite et couverte d’un arc en plein cintre, était disposée au milieu de la partie occidentale. Les deux portes de l’étage, de largeur différente (0,70 m et 1 m), l’une couverte d’un arc segmentaire, l’autre d’un arc brisé, sont placées de part et d’autre du mur de refend. Aucune autre ouverture n’a été reconnue dans cette élévation (1). Au sommet du mur, près de l’angle est, subsistent quelques plaques d’enduit dont le bord supérieur, conservé, coïncide avec le départ du rampant qui portait la toiture de la galerie.
    L’élévation est, nous l’avons indiqué, a presque entièrement disparu. Il n’en subsiste que le mur de la galerie et, en rez-de-chaussée seulement, l’angle nord-est du bâtiment. Celui-ci présente un épaississement moderne qui a servi à masquer des canalisations, à un emplacement où se trouvaient déjà des écoulements (destinés à des latrines ou à un évier ?) aboutissant dans une fosse maçonnée et voûtée repérée lors des travaux récents, à l’extérieur, contre le mur nord.
    L’élévation ouest ne présentait, de façon certaine, aucune ouverture ni en rez-de-chaussée ni à l’étage. La maçonnerie reprise à l’étage correspond à une grande cheminée dont le coffre en encorbellement a été démoli. Les jambages (2) et la pierre du contre-cœur, peut-être refait à une date inconnue, ont été retrouvés à l’intérieur.
    Une chaîne en pierre de taille marque l’angle nord-ouest du bâtiment médiéval. Sur l’élévation nord, un petit jour rectangulaire, dont l’encadrement est chanfreiné, appartient au premier état de la construction : il éclairait la pièce ouest du rez-de-chaussée. L’enlèvement d’une partie de l’enduit à l’étage a permis de mettre au jour plusieurs piédroits de fenêtre appartenant à des états successifs. L’un d’entre eux doit être mis en relation avec un arc segmentaire visible dans le comble, que son tracé et son appareil permettent d’attribuer à la construction du Moyen Âge. La pièce possédait donc au moins une fenêtre que sa faible largeur et la hauteur de l’embrasure conduisent à imaginer en forme de lancette. La réfection de l’enduit de la façade nord permettra peut-être un jour de préciser la disposition et la forme des autres ouvertures médiévales.


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rivals1m

SAINT-MICHEL-DE-LANÈS, LES RIVALS, vue axonométrique du bâtiment médiéval conservé dans la construction actuelle.

rivals2m

SAINT-MICHEL-DE-LANÈS, LES RIVALS, essai de restitution de l’état d’origine du bâtiment médiéval,
vue axonométrique depuis le sud-ouest.


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rivals3m

SAINT-MICHEL-DE-LANÈS, LES RIVALS :
A. coupe de la sablière de la galerie ; B. sous-face et profil d’un chevron.

    Dans les deux pièces du rez-de-chaussée, les plafonds anciens conservés sont entièrement en sapin : ils sont composés de poutres de 25 cm de retombée et de planches perpendiculaires ; les couvre-joints sont soulignés par un filet ocre jaune. Dans les murs nord et sud, les poutres reposent sur une muraillère. Cette structure est celle des plafonds antérieurs aux plafonds à la française et elle est connue dans de nombreux bâtiments des XIIIe et XIVe siècles. L’analyse de dendrochronologie a cependant montré que tous les bois prélevés donnaient les années 1738-1754 alors que la muraillère était datée de 1392-1407 en intervalle minimum et de 1392-1422 en intervalle maximum. Il faut en conclure que les plafonds ont été refaits à l’identique au milieu du XVIIIe siècle.
    La charpente, moderne, remployait plusieurs pièces de bois qui ont été déposées et analysées. Une poutre de forte section présentant à des espaces réguliers des groupes de trois mortaises pour un poteau et deux aisseliers correspond à la sablière haute de la galerie. Sa face supérieure est taillée en bâtière pour servir d’arrêt à l’encoche pratiquée sur les chevrons, dont l’extrémité est taillée en pointe de diamant. Sur les six exemplaires conservés, un a été daté de 1308-1326 et cinq de la fin du XVIe siècle ou du début du XVIIe, tandis que la poutre formant sablière a été datée de 1515-1530 : les chevrons taillés en pointe de diamant se rencontrant assez fréquemment dans des édifices postérieurs au XVe siècle, la date la plus haute peut correspondre à un bois de remploi. S’ils confirment l’existence de la galerie et dans une certaine mesure sa structure, qui n’a probablement pas été grandement modifiée, les bois retrouvés ne permettent pas toutefois d’assurer que leur mode d’assemblage ait été utilisé avant le XVIe siècle.

    Le bâtiment médiéval des Rivals, qu’il faut donc dater de l’extrême fin du XIVe siècle ou du tout début du XVe, avait environ dix-huit mètres de long, comprenait un étage et était précédé du côté sud par une galerie à deux niveaux fermée de chaque côté par une avancée du mur latéral, où se trouvait sans doute l’escalier. Elle était portée par des piliers maçonnés ou des poteaux en rez-de-chaussée et des poteaux à l’étage, et était couverte par un toit en appentis ménageant sans doute une rupture avec la toiture principale. Comme au château de Bioule, les pièces ne prenaient pas le jour sous la galerie et c’est sur l’élévation nord, qui était donc l’élévation principale, tournée vers la vallée, que se trouvaient les jours du rez-de-chaussée et les fenêtres de l’étage. Les deux pièces du rez-de-chaussée pouvaient servir de communs alors que la cheminée nous assure que l’étage était voué l’habitation.
    La fonction du bâtiment n’est toutefois pas connue : bâtiment d’habitation lié à une propriété agricole, " relais " pour les Hospitaliers ? Il pouvait en outre être accompagné de dépendances plus ou moins proches et peut-être construites en matériaux moins pérennes.

A.-L. NAPOLÉONE & M. SCELLÈS 

 

1. Les murs ont été observés en rez-de-chaussée sur la partie ouest, et des sondages réalisés à l’étage sur l’ensemble de l’élévation. Le petit jour aménagé plus tard sur la partie orientale du rez-de-chaussée est en faveur d’un mur aveugle à l’origine,


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et en outre un argument en faveur d’une galerie. Des incertitudes subsistent néanmoins à l’étage où des petites fenêtres pouvaient éventuellement exister à l’emplacement des percements modernes.
2. Au nu du mur et chanfreinés.
»

    Henri Pradalier complète cette présentation avec quelques notes historiques prises dans l'Histoire du Grand prieuré de Toulouse :

     « D’après Du Bourg,  il y avait à l’origine (la date n’est pas précisée), au Rival, un simple bâtiment d’exploitation agricole (il ne donne pas sa source). On ne sait quand cela devint une commanderie, mais, plus tard, les Hospitaliers reçurent en fief des seigneurs de Saint-Michel, un local dans la ville, où résidèrent les commandeurs tant qu’exista la commanderie. Situé au sommet du village, près de l’église, il est encore appelé de nos jours "le château".
    En 1144, une donation de peu d’importance à l’hôpital de Rival permet de constater son existence.
   En mars 1167, Bernard de Saint-Michel et Dame Ayceline donnent à l’Ordre de Saint-Jean, à Guillaume, prieur de Saint-Gilles, avec leurs personnes, l’honneur qu’ils possédaient dans le territoire de Saint-Jean de Caprescorjade. La donation est approuvée par Sicard de Laurac et sa femme Tiburge, qui promettent leur protection à l’hôpital du Rival. Devenue veuve, Ayceline entra dans l’ordre de Saint-Jean qui lui confia la direction de la commanderie pour la remercier de ses bienfaits.
   En mai 1175, Ysarn de Cominian donne à l’Hôpital tous les biens et les droits qu’il possédait à Saint-Michel de Lanès et à Saint-Félix de Valflour (aujourd'hui Belflou).
    Guillaume de Castlar donne en 1185 le fief qu’il avait à Saint-Michel près de la route appelée del Bug et allant à l’Hôpital et à la recluse des Landes. Le donateur et ses frères jurent que loin de causer désormais des dommages à cette maison, à ses habitants, à ses récoltes, ils la prendraient sous leur protection et la défendraient de tout leur pouvoir.
    Les Hospitaliers n'ont jamais joui d’aucun droit dans la commune de Saint-Michel de Lanès. En 1229, les habitants de Saint-Michel intentent un procès aux chevaliers de Saint-Jean, pour les obliger à participer à toutes les dépenses de la ville comme de simples particuliers. Foulque, évêque de Toulouse, qui était juge dans l’affaire, trancha en faveur des Hospitaliers et maintint l’Ordre dans ses privilèges et exemptions.
En 1266, les commandeurs du Rival ne prennent aucune part à la charte des communes octroyée aux habitants par Pons et Ycard de Saint-Michel et par leurs fils Bérenger, Guillaume et Gérard.
Peu après l’érection du prieuré de Toulouse (1315), la commanderie du Rival est rattachée à celle de Caignac. »

    Henri Pradalier ajoute qu'il existe une monographie manuscrite de Saint-Michel de Lanès, rédigée par l’abbé Corraze, déposée aux archives départementales de la Haute-Garonne.

    Anne-Laure Napoléone attire l’attention de la Compagnie sur les travaux qui seront bientôt réalisés dans le collège de Périgord et la Tour Mauran, et elle s’inquiète du traitement qui sera appliqué aux bâtiments alors que seule la tour « romane » est classée Monument historique. Les quelques discussions qu’elle a pu avoir l’ont convaincue qu’il serait opportun que la Société Archéologique du Midi de la France intervienne auprès de la Direction régionale des Affaires culturelles. Le Président précise que les locaux sont destinés à l’E.S.A.V.

    Le Président remercie les membres de leur assiduité et leur participation à la vie de notre Société et prononce la clôture de l’année académique.

 


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