Le 27 septembre 2002, notre confrère Georges Fabre est décédé. Membre de notre Société depuis plusieurs décennies, il en était le vice-doyen en ancienneté. Élu membre correspondant en 1946, il devint membre titulaire en 1951. Il n’était ni archéologue, ni historien de l’art. Son érudition l’avait fait entrer en notre Compagnie à une époque où on aurait eu quelques difficultés à occuper les quarante fauteuils uniquement avec des professionnels de ces disciplines.
Né à Toulouse en 1911, Georges Fabre fut élève au Caousou avant de poursuivre à la faculté de droit des études achevées par un doctorat. Sa vie active, premier clerc dans une importante étude de notariat, ne l’éloigna jamais de Toulouse, cité à laquelle il voua un attachement constant. Issu d’une famille profondément toulousaine – son grand-père fut en 1871 maire de la ville pendant une brève période –, il fut conduit tout naturellement à entrer dès 1958 dans une association œuvrant pour la défense du patrimoine. C’est ainsi qu’il devint archiviste-bibliothécaire des Toulousains de Toulouse, fonction occupée pendant de nombreuses années avant d’accéder à la vice-présidence.
La fréquentation des livres anciens et des vieux papiers ne l’éloignait guère des registres notariaux et c’est à la pratique de ces documents que son comportement se forma peu à peu. Il en devint précis au point d’en être minutieux. Il fut aussi d’une grande discrétion mais cela n’était qu’une façade derrière laquelle se cachait un esprit curieux du passé toulousain. Ses connaissances en histoire locale et en généalogie ne pouvaient que satisfaire ceux qui s’adressaient à lui.
Discret, il l’était sur sa famille. Jamais il ne parla des fonctions de son grand-père, de son frère professeur de médecine, de son oncle professeur de faculté, auteur d’une remarquable encyclopédie sur la photographie.
Son penchant pour les vieux livres et les documents du passé n’était pas celui d’un collectionneur. Il trouvait là matière à réflexions et à interrogations. Cela le conduisit à rédiger quelques articles où se mêlaient thèmes juridiques et littérature.
Ainsi, dans les pages qu’il rédigea sur la décollation du duc de Montmorency à Toulouse en 1632, il essaya, après d’autres, de préciser le mode d’exécution : coutelas, hache, épée, doloire. Il s’appliqua à revoir tout ce qui avait été écrit sur le sujet, depuis les Mémoires de Puysségur jusqu’à l’Histoire du parlement de Dubedat, sans oublier les machines rudimentaires figurant sur des gravures de Georges Penez, d’Henri Aldegrever ou de Lucas Cranach au XVIe siècle, tout en critiquant les invraisemblances de l’image donnée par Thomas Alboui au XIXe siècle. L’étude de Georges Fabre, réfléchie et longuement argumentée, laissera cependant planer un doute sur la réponse à la question posée.
Ce doute, il l’a cultivé également dans l’affaire du suicide de Marc-Antoine Calas, objet d’un court article développant les thèses de plusieurs auteurs partageant des opinions contraires.
Il s’intéressa aussi aux séjours toulousains de la famille de Montijo qui, à Paris, rencontrera Prosper Mérimée, Mérimée qui va tenir une place importante dans une étude traitant des rapports de cet inspecteur général des monuments historiques avec Alexandre Du Mège. Cela commence en 1834 lorsque Mérimée part en voyage dans le Midi, voyage le conduisant à Narbonne, Carcassonne et Toulouse. Dans notre ville, il va rencontrer le marquis de Castellane, Léonce de Lavergne et Alexandre Du Mège. C’est l’époque des discussions sur les bas-reliefs découverts à Nérac. C’est aussi celle de l’affaire Du Mège dans laquelle Mérimée va se trouver engagé et il se prononcera pour l’authenticité des Tétricus. Dans l’histoire de cette mystification, Georges Fabre traite des correspondances échangées entre Mérimée, Du Mège et Ludovic Vitet. Notre confrère retrouvera par ailleurs Mérimée et Du Mège à l’église Saint-Nazaire de Carcassonne où la destination d’une dalle funéraire donna libre cours à l’imagination de l’archéologue toulousain.
Je ne citerai qu’un autre écrit de Georges Fabre, celui traitant des amitiés qui liaient le poète Pierre Paschal à Ronsard, étude qui nous convie à rencontrer d’autres poètes et aussi quelques musiciens dans la cité toulousaine de la Renaissance.
Lorsque l’âge et l’état de sa santé l’éloignèrent des sociétés qui l’avaient accueilli, notre confrère se retira dans un lieu de retraite du quartier de la Dalbade, proche de son ancien domicile. C’est là que cet esprit curieux, vif et quelquefois critique, s’est éteint. Nous garderons de lui le souvenir d’un homme d’une parfaite civilité et d’une grande discrétion, une discrétion qui masquait son savoir.
André HERMET
janvier 2003
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