Société Archéologique  du Midi de la France
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Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LVI (1996)



BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE

1995-1996

établi par Maurice SCELLÈS

 

Cette édition électronique respecte la mise en page de l'édition imprimée (Bulletin de l'année académique 1995-1996, dans Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, t. LVI, 1996) dont nous indiquons la pagination. Les corrections nécessaires ont été apportées et quelques illustrations en noir et blanc sont remplacées par des illustrations en couleur.


1ère partie
Séances du 7 novembre 1995 au 9 janvier 1996
2e partie
Séances du 23 janvier 1996 au 30 mars 1996

3e partie
Séances du 2 avril 1996 au 18 juin 1996


M.S.A.M.F., T. LVI, page 281

 

SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1995

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Noé-Dufour, Labrousse, Watin-Grandchamp, MM. l’abbé Baccrabère, Catalo, le général Delpoux, Ginesty, Gillis, Hermet, Julien, Lassure, Mange, le Père Montagnes, Peyrusse, Tollon.
Excusé : M. Péaud-Lenoël.
Invitée : Mlle Yulia Kalchenko.

 

    Le Président proclame l’ouverture de l’année académique en souhaitant que notre Société poursuive le très bon travail dont témoigne la publication désormais reconnue que sont nos Mémoires.

    Puis il rappelle que nous avons eu la douleur de perdre notre confrère Richard Boudet dont chacun avait pu apprécier la compétence au cours des informations qu’il ne manquait pas de donner à notre Société sur ses travaux ou encore par les discussions qu’il savait susciter. Richard Boudet est mort brutalement après une pénible marche jusqu’à la grotte-sanctuaire de l’Ourtiguet sur le Larzac : il avait 38 ans.

    Se tournant vers notre invitée, le Président souhaite la bienvenue à Mlle Yulia Kalchenko, employée de la ville de Kharkhov en Ukraine et actuellement à Toulouse pour deux mois de stage à la D.R.A.C. et au théâtre du Capitole, qui a souhaité assister à nos séances et que nous accueillons bien volontiers.

    Le Président donne ensuite la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal de la séance du 20 juin 1995, qui est adopté.
    À propos de la statue de « Dame Toulouse », Annie Noé-Dufour fait remarquer qu’elle figure sur la liste des objets protégés au titre des Monuments historiques. Bruno Tollon confirme qu’elle a été classée le 10 mars 1942, au titre objet ; Louis Peyrusse note que cette mesure de protection a sans doute été prise en urgence pour éviter qu’elle ne soit envoyée à la fonte en application de la loi sur la récupération des métaux non-ferreux. Le Président précise qu’il a adressé à ce sujet un courrier au Maire de Toulouse, en demandant que la statue soit mise à l’abri.

    Puis le Président rend compte de la dernière réunion du Bureau. Notre Société va récupérer les statues-menhirs qui sont actuellement en dépôt au Musée Saint-Raymond. Celles-ci seront présentées dans nos nouveaux locaux.
    Louis Latour et Mlle Haralsdottir vont entreprendre la saisie des procès-verbaux de premières séances de la Société en vue de leur publication.
    Enfin, le Bureau doit se rendre à Martres-Tolosane pour prendre contact avec notre fermier et lui demander d’éviter les labours profonds sur les parcelles du site de la villa romaine de Chiragan, dont les terres pourraient être mises en prairie.

    Le Président donne alors la parole à M. l’abbé Baccrabère pour une communication sur les Fours de potiers à Saint-Michel du Touch, au Ier siècle avant J.-C., publiée dans ce volume (t. LVI, 1996) de nos Mémoires.

    Le Président remercie l’abbé Baccrabère pour cette nouvelle communication où il a su rester fidèle à ses principes, décrivant précisément les découvertes qu’il a pu faire tout en se gardant d’interprétations hâtives.
    Louis Latour remarque que les tessons présentés appartiennent à la poterie commune de la région. Jean-Luc Boudartchouk


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demande, après avoir relevé que le mobilier retrouvé peut être daté au plus tard du tout début de notre ère, si l’on a une idée du moment où ces fours ont été abandonnés. L’abbé Baccrabère précise que la campanienne la plus récente peut aller jusqu’aux années 50 ou 40 avant J.-C. et l’arétine en effet aux alentours du début de notre ère, ce qui situerait le moment de leur abandon. Jean-Luc Boudartchouk a également noté un four avec des tegulae et des imbrices, ce que confirme l’abbé Baccrabère en rappelant que des tegulae sont connues sur le site de Vieille-Toulouse pour une époque ancienne. M. Manière note que ces fours sont tout à fait comparables à ceux qu’il a pu fouiller à Saint-Cizy, et il pourrait, si la Compagnie le souhaitait, en présenter des diapositives lors d’une prochaine séance ; dans l’un de ces fours a été retrouvé le passage qui permettait à un enfant d’en effectuer le chargement.
    Répondant à une question de Louis Peyrusse, l’abbé Baccrabère précise que l’on avait effectivement à cet endroit un quartier de potiers. Quitterie Cazes demande si des dépotoirs ont été repérés. L’abbé Baccrabère pense que les tessons qu’il a retrouvés appartiennent aux productions de ces fours.
    Jean-Luc Boudartchouk se dit intéressé par le four médiéval qui a été mentionné. L’abbé Baccrabère, après avoir indiqué que celui-ci fera l’objet d’une prochaine publication dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, précise qu’il était assez semblable au four à chaux qui vient d’être mis au jour par les fouilles du Musée Saint-Raymond ; ce four avait d’ailleurs servi à fabriquer de la chaux, et on y a retrouvé des fragments de sculpture avec en particulier un chapiteau.
    Henri Ginesty demande ce que sont devenus ces fours. L’abbé Baccrabère répond qu’ils ont disparu au cours des travaux, mais que d’autres, dont il a pu repérer précisément les emplacements, subsistent sans doute sur ce terrain qui a toutefois été très bouleversé.

    Le Président indique que nous avons reçu de la part des étudiantes du « D.E.S.S. patrimoine » et du responsable de cette formation, notre confrère Louis Peyrusse, le catalogue de l’exposition « Quercy romantique » qu’ils ont organisée à Cahors. Maurice Scellès ajoute que Valérie Rousset a offert à notre Société le catalogue de l’exposition « Divona : la fontaine des Chartreux » qui a été présentée au cours de l’été au Grenier du chapitre à Cahors.

    On procède ensuite à l’élection de membres correspondants. Les rapporteurs ayant été entendus, M. Robert Manuel, M. Yves Cranga et Mme Chantal Fraïsse sont élus membres correspondants.

    Le Président présente alors une note d’information sur une stèle discoïdale de Cordes, que nous a adressée M. Robert Manuel qui remplit ainsi pleinement son rôle de membre correspondant de notre Société.

    Guy Ahlsell de Toulza présente différentes œuvres d’une collection particulière qui méritent d’être signalées et pour lesquelles il se propose de faire des recherches complémentaires après avoir recueilli l’avis des membres de notre Société.
    Un buste d’homme en marbre, dans un parfait état de conservation, aurait été trouvé en 1914 à Timgad : Louis Peyrusse s’interroge sur le nombre d’ateliers fabriquant des faux qui pouvaient alors exister à Timgad ; Daniel Cazes dit qu’il faudrait pouvoir examiner l’œuvre qui est peut-être un peu trop bien conservée, et il remarque que si la coiffure correspondrait à une représentation de l’époque de Néron, les yeux pupillés sont en principe caractéristiques d’œuvres plus tardives.
    Une petite fiole en plomb moulé, à décor figuré, proviendrait d’une collection de Cahors où elle aurait été trouvée au cours d’une fouille. On peut faire l’hypothèse d’un objet d’importation placé dans une sépulture.
    Deux chapiteaux datables des environs de 1200, hauts de 23 cm environ, auraient été récupérés, il y a quelques années, dans un fossé voisin de la maison d’un architecte qui venait de déménager. On peut supposer qu’ils provenaient d’un chantier traité par cet architecte. Ils offrent l’intérêt supplémentaire d’être tout à fait semblables à deux chapiteaux d’origine inconnue du Musée des Augustins (nos 260-261 du catalogue de Paul Mesplé).
    Un très beau tableau sur bois de 2 m sur 2 environ, représente La mort d’Adonis pleuré par Vénus. Il a été publié par Paul Mesplé comme une œuvre d’Antoine Verrius, alors que Turquin y verrait plutôt un œuvre de la seconde moitié du XVIe siècle attribuable à Franz Floris. Pour Bruno Tollon, il serait en effet étonnant qu’une peinture sur bois ait été réalisée par Antonio Verrio et Louis Peyrusse incline à y voir un travail anversois.

    Le Président remercie Guy Ahlsell de Toulza pour toutes ces informations.

 

SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 1995

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Cazes, Merlet-Bagnéris, Pradalier-Schlumberger, Watin-Grandchamp, MM. Bertrand, Cranga, le général Delpoux, Julien, Mange, Nayrolles, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, l’abbé Rocacher, Séraphin, Tollon.
Excusés : Mme Heng, M. Gérard.

    Le Président ouvre la séance en annonçant trois nouvelles candidatures au titre de membre correspondant de notre Société.
    Puis il donne lecture d’un courrier de M. Michel Vidal, conservateur régional de l’archéologie, qui informe la Société de sa


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volonté de proposer à la COREPHAE du 12 décembre prochain la protection au titre des Monuments historiques de l’ensemble du site de la villa gallo-romaine de Chiragan. Une telle mesure paraît nécessaire alors que se multiplient les opérations d’urbanisation en milieu rural. Le Président ajoute que notre Société ne peut qu’être favorable à une telle mesure, qui survient à point nommé puisque nous nous inquiétions depuis plusieurs mois du devenir des parcelles que la Société possède à Martres-Tolosane. Le courrier de M. Michel Vidal ne précise pas la nature de la protection envisagée, mais on s’accorde pour que la Société Archéologique demande le classement de l’ensemble des parcelles.
    Puis on entend le rapport sur la candidature de Mme Bernadette Suau qui est élue membre correspondant.

    La parole est ensuite à MM. Louis Peyrusse et Jean Nayrolles pour la communication du jour : Les terres cuites de Virebent : première approche

    Le Président remercie Louis Peyrusse de cette communication, et demande à Jean Nayrolles s’il souhaite y ajouter quelque chose. Celui-ci confirme son parfait accord avec les hypothèses présentées, en insistant sur le fait que les productions des Virebent sont très souvent des pièces uniques et non, comme on l’attendrait devant des chapiteaux par exemple, des productions en série.
    Dominique Watin-Grandchamp croit pouvoir distinguer les productions exceptionnelles destinées à quelques grands chantiers et une production de catalogue ; elle souligne par ailleurs tout l’intérêt que pourraient avoir aujourd’hui certains de ces moulages si les originaux ont disparu.
    Louis Peyrusse dit que l’on est certain des productions en série des Virebent, mais que ce qui a fait la renommée de la manufacture, ce sont au contraire des œuvres qu’il faut retirer aux arts industriels. De ce point de vue, les fabrications des Virebent sont très différentes des productions saint-sulpiciennes dont les catalogues montrent des produits peu différenciés proposés dans des matériaux divers. Bruno Tollon renchérit en faisant remarquer que les propriétaires des châteaux qui ont fait appel aux Virebent auraient sans doute mal compris que l’on use chez eux de pièces produites en un très grand nombre d’exemplaires.
    Daniel Cazes se souvient qu’il a eu souvent l’occasion, alors qu’il était au Musée des Augustins, de s’interroger sur le mode de fabrication de certaines œuvres : on avait l’impression d’être tantôt devant le moulage exact d’un original, tantôt devant un moulage retouché avec une partie modifiée ou une lacune comblée, ou encore d’être en présence du moulage d’une œuvre réalisée à cette seule fin.

    Claude Péaud-Lenoël rappelle qu’au moins depuis le début du XVIIIe siècle, les fabrications semi-industrielles d’objet en terre cuite nécessitent de réaliser une matrice à partir de laquelle sont tirés des moules en plâtre dont la durée d’utilisation est très brève et qui doivent donc être renouvelés. Il voudrait savoir si l’on connaît certaines matrices des Virebent. Il demande encore si l’on connaît d’éventuels modèles en bois, et par ailleurs ce que l’on sait des procédés d’émaillage utilisés par les Virebent. Louis Peyrusse répond qu’il est certain que toutes les matrices ont disparu, et qu’il ne nous reste que quelques moules récupérés par la fabrique Giscard dont les pièces ont été inventoriées récemment par Philippe Gisclard ; il ne croit pas que les modèles aient été en bois, et imagine plutôt des œuvres modelées en plâtre. Quant aux procédés d’émaillage, tout ce que l’on sait pour l’instant, c’est que Gaston Virebent avait reçu une très bonne formation dans ce domaine.
    Louis Latour voudrait savoir dans quel cadre s’exerçait la collaboration entre le sculpteur Salamon, qui devait avoir son propre atelier, et la manufacture des Virebent. Louis Peyrusse précise que Salamon a en effet exposé seul, mais qu’il devait être lié par contrat pour certaines réalisations. Guy Ahlsell de Toulza indique qu’il possède les factures de la manufacture Virebent pour un grand groupe de l’Assomption exécuté dans le style du XVIIIe siècle pour Rabastens, et qu’il y est fait mention d’un travail de sculpture dû à Salamon. Daniel Cazes rappelle que le sculpteur Beurné a également travaillé pour les Virebent, ce que confirme Louis Peyrusse qui indique que l’on ne sait cependant presque rien de ce sculpteur.
    Christian Mange revient sur la question des productions en série et s’interroge sur la qualité des formes produites par la fabrique Virebent, où il ne distingue pas de véritable originalité. Louis Peyrusse pense que notre confrère est bien sévère, et il rappelle qu’il y a eu des productions bien plus médiocres que celles des Virebent, alors que Jean Nayrolles insiste sur le fait que la fabrique toulousaine offre un catalogue exceptionnel.

    La séance s’achève avec trois brèves communications. Pascal-François Bertrand saisit l’occasion d’une exposition pour compléter l’analyse d’un dessin d’Hilaire Pader :

    « Dans la brillante synthèse d’Alain Mérot sur la peinture française au XVIIe siècle (Gallimard/Électa, 1994) figure dignement la production toulousaine et du Midi de la France, ainsi que ses principaux représentants, qu’il s’agisse de Jacques Boulbène, de Jean Chalette, de Nicolas Tournier, du frère Ambroise Frédeau, d’Hilaire Pader, de Jean-Pierre et Antoine Rivalz. La manière « classique » de Tournier (Monbéliard, 1590 - Toulouse, 1639 ?), qui doit à Caravage, outre l’utilisation d’un puissant contraste entre les zones d’ombre et de lumière, un naturalisme exacerbé et à Annibal Carrache une rigueur dans la composition unifiée, est de nouveau rappelée par Véronique Gérard Powell, auteur du chapitre sur le XVIIe siècle du manuel, réalisé sous la direction d’Alain Mérot, Histoire de l’art. 1000-2000, qui vient de paraître chez Hazan (1995), et dans lequel le président de notre Société a écrit la partie consacrée à l’art roman.

    Un catalogue d’exposition de Dessins français du XVIIe siècle (Paris, musée du Louvre, 28 janvier - 26 avril 1993) avait également retenu notre attention et nous aimerions revenir sur une des feuilles présentées à cette manifestation. Un dessin du musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon, intitulé Académie d’homme (cat. n° 106), est rendu par Jean-Claude Boyer


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HILAIRE PADER, ACADÉMIE D'HOMME OU LE RETOUR D'ÉGYPTE.
Pierre noire, sanguine, crayon brun sur papier beige.
Besançon, Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie.


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au peintre et théoricien toulousain Hilaire Pader. L’historien s’arrête sur la puissante académie d’homme au premier plan, mais semble éviter d’aborder la petite scène d’un retour d’Égypte figurée à droite légèrement en retrait, bien qu’il rappelle que le peintre célèbre longuement dans sa Peinture parlante parue à Toulouse en 1653 un tableau de Poussin sur ce thème. Dans son dernier ouvrage sur le grand peintre du XVIIe siècle, Jacques Thuillier (Nicolas Poussin, Paris, Flammarion, 1994) cite le passage du livre de Pader, qu’il convient de donner à nouveau :

" I’ai veu chez un Prélat qui chérit son Pinceau
Une vierge & son Fils sur le bord d’un ruisseau,
Qui paroit à nos yeux arrouser son ouvrage :
Un batelier conduit sa nacelle au rivage,
Où la Mère pucelle, avec son chaste Espoux,
Contemplent en IESUS ce qu’il a de plus doux ;
Car bien que tout le soit, la douceur de sa face
Des traicts plus adoucis toute douceur esface :
Sa belle bouche semble estre preste à parler
Pour chérir une Croix qu’il apperçoit par l’air,
Que des enfants aislés de l’empirée apportent,
Et de leurs tendres bras en voltigeant supportent,
Nos yeux verroient ses yeux tourner de toutes parts
Si ce mystique obiect n’arrestoit ses regards ;
Il élève les mains & monstre par son geste
Que son cour reconnoist la machine céleste.
La face de la Vierge invite le Chrestien
D’adlmirer de son Corps le pudique maintien ;
Puisque ce rare ouvrier l’a mise avec aisance,
Sans que rien soit forcé, dedans la bien-séance ;
Le manteau qu’elle porte a droit de nous charmer ;
Non parce qu’il paroist coloré d’Outremer,
Mais d’autant que les plis sont faits avec adresse,
Et font voir tout à coup la force & la tendresse.
Certes, c’est un chef-d’ouvre, & ce chef-d’ouvre est tel
Qu’il mérite à bon droit qu’on l’ait mis sur l’Autel ;
Il n’est point de Tableau, qui d’abord ne luy cède,
Et les beautés de cent luy tout seul les possède "

    Cette description a parfois été rapprochée d’un tableau de Poussin du Dulwick College de Londres (vers 1629-1630 ; Thuillier, cat. n° 77), mais elle correspond plus précisément à une autre version peinte par Poussin sur ce thème, conservée au Cleveland Museum of Art (vers 1633 ; Thuillier, cat. n° 89). Si la composition du dessin de Pader est très éloignée de celle du tableau de Cleveland, elle ne peut être réduite à une académie, aussi puissante fut-elle. On sait par ailleurs, ainsi que Jacques Thuillier l’a souligné, que les descriptions des tableaux de Poussin données par Pader dans ses traités sont généralement vagues et confuses, hormis peut-être pour celle du Retour d’Égypte. Ne peut-on pas voir dans le dessin de Besançon sinon une variation, du moins une évocation plus ou moins lointaine d’un original perdu de Poussin que Pader aurait pu admirer sur l’autel de l’oratoire d’un ecclésiastique (toulousain ?), amateur de peinture ? »

    Gilles Séraphin expose quelques réflexions sur le donjon médiéval du château de Lavardens en Gascogne :

    « Au cœur de l’ancien Fezensac, le bourg castral de Lavardens est très classiquement établi sur une serre dont l’extrémité rocheuse servait dès le Moyen Âge de socle à la résidence ou « salle » seigneuriale. Un mur de ville étoffé de cinq tours quadrangulaires enfermait l’ensemble de ce castelnau caractéristique, dans lequel avait pris place une imposante église paroissiale.
    L’actuel château de Lavardens est attribué pour l’essentiel à la reconstruction réalisée pour le maréchal de Roquelaure par l’architecte Levesville à partir de 1608. Cette construction nouvelle succédait à un édifice plus ancien, attesté dès les années 1140 et dont on sait qu’une part importante des maçonneries et du rocher qui les supportait fut réutilisée. Manifestement, l’ancienne forteresse ne fut donc pas rasée dans les années 1575 comme le supposait H. Polge (Lavardens dans C.A. Gascogne, 1970, p. 225-227). L’irrégularité totale de l’édifice, aux antipodes d’un autre projet réalisé pour le même maréchal de Roquelaure au Rieutord, laisse au contraire entrevoir chez l’architecte de Lavardens un souci réel de coller au plus près aux structures du château médiéval. La valeur symbolique de l’ancienne citadelle des comtes d’Armagnac méritait bien, sans doute, quelques égards.

    De fait, les différences de maçonneries et d’appareillage font nettement ressortir, au sein de l’édifice du XVIIe siècle, la présence d’un édifice médiéval complexe (J.-H. Ducos, Le château de Lavardens, Flaran, 1986, 40 p.), dont les volumes furent habilement réutilisés. Exemple : les contreforts du massif occidental, devenus les supports d’une galerie sur arcades reliant des tourelles aux encorbellements savants. Exemple encore : l’oratoire seigneurial qui paraît bien s’être installé dans les murs d’une chapelle castrale antérieure.


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LAVARDENS, MASSIF OCCIDENTAL DU CHÂTEAU COMTAL.
Les tourelles en encorbellement et les grandes arcatures portant les balcons sont établis sur les bases d'un donjon médiéval.
Cliché G. Séraphin.

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LAVARDENS, BASE DU MASSIF OCCIDENTAL. Les parements en appareil moyen et les vestiges d'une porte en arc brisé
caractérisent la construction médiévale.
Cliché G. Séraphin.

    Or c’est précisément dans les bases du massif occidental, encadré par des deux tourelles-pavillons, que fut identifié le noyau du château primitif. L’assise de cet ouvrage, de 17 à 18 m de côté, aux murs épais d’1,85 m, épaulés par sept contreforts, laisse entrevoir en effet une hauteur originelle et des proportions considérables. Sans la présence d’une porte en arc brisé ouvrant au rez-de-chaussée, la silhouette caractéristique des donjons romans à contreforts de l’Ouest de la France viendrait d’emblée à l’esprit. Si l’on se réfère à la typologie établie par A. Châtelain, les contreforts de Lavardens, épaulant les maçonneries en laissant dégagé l’angle de la construction, se rattacheraient au « type B » et évoqueraient ceux des donjons de Caen ou de Grez-sur-le-Loing (Donjons romans des pays de l’Ouest, Picard, 1973, p. 27 et s.).

    En fait, c’est une tout autre filiation que suggère l’examen du plan de l’ouvrage. Par ses dimensions et son plan de masse comme par certains détails, tels que l’épaisseur des maçonneries, la saillie et la disposition des contreforts, la base du donjon de Lavardens renvoie en effet à des ouvrages nettement plus modernes.

    La tour Saint-Laurent du palais des Papes offre ici le premier terme de comparaison. Les dimensions au sol, 17,20 m x 12,50 m, sont du même ordre comme la saillie et le nombre des contreforts. Mais, ici, l’édifice nous est parvenu dans toute son élévation, avec ses 44 m de hauteur. On croit savoir par ailleurs que cette tour, qui fait partie de la campagne de travaux commanditée par Innocent IV, fut élevée entre 1353 et 1358 sous la direction d’un maître d’œuvre originaire d’Ile de France, Jean de Louvres (de Luperiis) (S. Gagnière, Le palais des papes d’Avignon, C.N.M.H., 1977).

    Le second terme de comparaison est fourni par un autre édifice prestigieux de la seconde moitié du XIVe siècle, le château royal de Vincennes. Ici, il ne s’agit pas du donjon, édifié pour l’essentiel par Charles V entre 1361 et 1369, mais des tours de la grande enceinte, réalisées après 1364 et vers 1370. On considère généralement que ces tours étaient destinées au logement des princes et des barons de l’entourage royal. On y retrouve encore le principe d’un ouvrage à contreforts saillants, disposés par deux ou trois, pour des tours dont l’élévation dépassait quarante mètres. Mais ici les ressemblances sont plus précises : comme à Lavardens, les contreforts de Vincennes dégagent l’angle de la construction et sont de section carrée (E. Viollet-Le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture, t. IX, p. 107 ; F. Énaud, Le château de Vincennes, C.N.M.H., 1964). On pourrait encore évoquer la tour de Saint-Sauveur-le-Vicomte, donjon d’allure romane, à contreforts dégageant les angles, édifié dans la seconde moitié du XIVe siècle. Elle-même serait une réplique provinciale des tours de l’enceinte de Vincennes (J. Mesqui, Châteaux et enceintes de la France médiévale, Picard, 1991, t. 1, p. 200).

    Les vestiges du donjon médiéval de Lavardens sont aujourd’hui insuffisants pour en restituer les dispositions originelles. En revanche, le rapprochement avec les tours d’Avignon et de Vincennes permet d’esquisser des hypothèses. Le programme contenu dans ces tours est variable. Un passage occupait initialement le rez-de-chaussée de la tour Saint-Laurent et deux des tours de Vincennes tenaient, entre autres, le rôle de tours-portes. Mais dans les deux cas, comme sans doute à Lavardens, la fonction résidentielle de ces ouvrages s’impose. À Vincennes, les quatre tours d’angle, loin d’être


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PLANS COMPARÉS DU DONJON DE LAVARDENS
ET DE L'UNE DES TOURS  DE L'ENCEINTE DE VINCENNES.
1. Lavardens (Relevé G. Séraphin).
2. Vincennes (d'après Viollet-Le-Duc).
En noir, maçonneries médiévales.
En hachures, reprises du XVIIe siècle.

investies d’un rôle spécifiquement défensif, furent très vraisemblablement des logis affectés aux ducs d’Anjou, de Bourgogne, de Berry et de Bourbon (M. Whiteley, Les résidences princières parisiennes dans la deuxième moitié du XIVe siècle [et non XVIe siècle], dans Sous les pavés, la Bastille, C.N.M.H., 1990, p. 28-36). Par ailleurs, les 44 m et 42 m de hauteur relevés à Avignon et à Vincennes donnent une idée assez vraisemblable de ce qu’a pu être l’élévation initiale du donjon médiéval de Lavardens, à supposer qu’il ait été achevé. Comment concevoir d’ailleurs que le comte d’Armagnac ait pu élever une tour sensiblement moins élevée que les 41 m du donjon de Bassoues édifié par l’archevêque d’Auch au même moment ? (J. Gardelles, Bassoues, dans C.A. Gascogne, 1970, p. 29-32. Des documents permettent d’attribuer l’édification du donjon de Bassoues aux années 1361-1371.) Au palais des Papes comme à Vincennes, les contreforts paraissent avoir été investis d’une véritable fonctionnalité. D’une part ils sont associés à l’usage de la croisée d’ogives pour le couvrement des salles, la partition en deux travées justifiant la présence de contreforts médians entre les contreforts d’angle. Et, de ce fait, on peut logiquement supposer que des croisées d’ogives étaient prévues à Lavardens. D’autre part ils supportent des dispositifs défensifs. À la tour Saint-Laurent, il s’agit du système de flanquement vertical, réalisé au moyen d’arcs bandés d’un contrefort à l’autre. À Vincennes, le dispositif a consisté à implanter une tourelle sommitale sur les contreforts. De fait, deux ouvrages proches de Lavardens présentent des applications de ces deux dispositifs, associés comme à Avignon et à Vincennes à la présence de contreforts saillants : Monlezun-de-Pardiac avec des larges mâchicoulis bandés entre les contreforts et Termes avec ses tourelles doivent fournir l’un ou l’autre des exemples assez proches du dispositif prévu pour Lavardens.

    Reste l’évaluation chronologique. Le seul indice direct, l’arcature en arc brisé de la porte du rez-de-chaussée ne permet pas de trancher. Cependant, si l’on considère que l’édification du donjon de Lavardens pourrait être contemporaine de celle de la tour Saint-Laurent d’Avignon, de l’enceinte de Vincennes ou encore du donjon de Bassoues, il convient alors de l’attribuer à Jean Ier, avant 1373, date de sa mort à Beaumont-de-Lomagne, ou à Jean II, avant 1385, date de sa mort en Avignon. On sait en effet que Lavardens qui était dans le douaire de Régine de Goth depuis 1302, ne fut récupéré par les Armagnac qu’avec Jean Ier à partir de 1327. Ce dernier, rallié à la cause de Charles V à partir des années 1360, occupa manifestement Lavardens dans les dernières années de sa vie. En 1359 (ou 1364 ?), il y rédigea un testament par lequel il instituait une collégiale et en 1372, il y conclut un traité d’alliance avec le sire d’Albret. Surtout, les archives du comte y avaient été transférées en 1373, indice qu’une tour féodale que l’on suppose fraîchement bâtie était susceptible désormais de les accueillir. »

Quitterie Cazes présente les principaux résultats des fouilles de la rue Mage à Toulouse :

« Vestiges d’habitats des Ier et IIe siècles, rue Mage à Toulouse, par J.-Ch. Arramond, S. Bach, Q. Cazes, N. Poux.

    La fouille du terrain situé aux nos 24-26 de la rue Mage, inclus dans le périmètre de la ville antique, a permis la découverte de vestiges de deux habitats antiques successifs (1).

    Le site présente une occupation humaine dès le Ier siècle de notre ère. Son évolution jusqu’à nos jours est principalement marquée par la présence d’ateliers de tanneurs vraisemblablement dès le XIIIe siècle jusqu’au XVIe siècle (2), puis, au XVIIe siècle,


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TOULOUSE, RUE MAGE, plan général des bâtiments actuels et des structures des Ier et IIe siècles.

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TOULOUSE, RUE MAGE.
Le plus grand fragment de mosaïque de la cour.

par la construction d’un hôtel particulier précédant celle des bâtiments actuels. Seuls les témoins de la période antique feront ici l’objet d’une analyse.
    La plus ancienne occupation du site se traduit, dans le jardin, par la présence d’un bâtiment dont seules les fondations ont été conservées. Celles-ci étaient composées de galets disposés dans une tranchée, d’assez petites dimensions (5 à 10 cm de long), les plus importants étant réservés pour le parement. Trois à quatre assises de galets étaient ainsi observables. Le bâtiment lui-même, inégalement conservé, s’étendait sur une surface de 9 m sur 5,20 m (hors-œuvre). Il devait se poursuivre vers l’ouest, comme en témoigne un départ de mur dans cette direction sur le côté nord.

    Aucun niveau de sol contemporain de cette construction n’a été observé. Le seul élément qui puisse être mis en relation est un caniveau repéré 9 m plus à l’ouest : constitué de deux assises de briques reposant sur une rangée de tegulae et couvert de deux nouvelles assises de briques, il possède la même orientation que le bâtiment.
    L’extrême rareté du matériel permet néanmoins de proposer une datation dans la première moitié du Ier siècle. Le problème de la fonction de ces structures reste posé. À l’époque antique, elles se trouvaient, comme aujourd’hui, en cœur d’îlot. En l’absence d’aménagements spécifiques, on pourra donc penser à un bâtiment secondaire à vocation plus ou moins artisanale ou agricole.
    Un autre bâtiment lui succède, sans doute assez rapidement. Si aucun vestige de mur n’a été conservé, en deux endroits, des fragments d’opus signinum ont été découverts à 142 m d’altitude. Distants d’un peu plus de 9 m, ils sont de composition identique


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et font probablement partie du même ensemble, qui vient occulter au nord la fondation du bâtiment précédemment décrit. Il s’agit d’un pavement imperméable réalisé en béton de tuileau (mélange de chaux, de fragments de tuiles et d’amphores concassées méthodiquement) d’une épaisseur de 0,05 m reposant sur un radier de galets liés au mortier d’une puissance d’environ 0,10 m. Ce dernier est situé directement sur la marne. Le plus grand fragment de mosaïque conservé et déposé mesure 0,80 par 0,48 m. Il est ponctué de plaquettes triangulaires de marbre rose, de tesselles noires rectangulaires et de tesselles blanches carrées (3). La plupart de ces tesselles s’organisent en motifs floraux stylisés, quatre tesselles noires rayonnant vers une tesselle blanche. Certaines de ces dernières ont également été incrustées isolément. La petite taille des fragments de mosaïque parvenus jusqu’à nous ne permet pas de restituer l’organisation stylistique et spatiale d’éventuelles divisions internes. D’autres exemples de ce type de mosaïque sont connus (4), mais sur aucun de ces sites une dévolution ou une localisation spécifique des vestiges étudiés dans un quelconque bâtiment n’a pu être mise en évidence. Ils sont généralement datés des Ier et IIe siècles après le début de notre ère ; le contexte archéologique de la mosaïque du jardin de la rue Mage situe celle-ci dans la seconde moitié du Ier siècle. Le bâtiment dont ces fragments de mosaïque constituaient le sol avait, nous l’avons dit, entièrement disparu. Il est cependant probable qu’il s’agisse d’une des composantes situées au centre de la parcelle d’une construction à usage d’habitation.

    Dans la cour, à 142 m d’altitude également, 4 fragments de mosaïque en opus tessellatum ont été découverts. Ces fragments de facture homogène ont été réalisés à l’aide de tesselles noires et blanches encastrées dans un nucleus de mortier rose selon deux plans, l’un oblique, l’autre orthogonal. Le tout reposait sur un béton de tuileau de deux centimètres environ puis sur un radier d’une dizaine de centimètres.
    Le fragment situé au nord-ouest mesure 15 cm sur 25. Il est composé de tesselles blanches de petite taille disposées en biais. Au centre, un autre morceau de 25 cm par 10 est fait de tesselles noires rangées en biais. Le troisième vestige de même type à l’est mesure 20 cm par 30 : des tesselles noires et blanches y ont été incrustées selon les deux axes. La partie la plus occidentale a été réalisée avec des tesselles noires disposées à 45° par rapport à la bande noire (de 3 rangées de tesselles) et à la bande blanche toutes deux de direction nord-sud. Le fragment le plus grand (45 cm par 25) est situé au sud. Il allie du nord au sud des petites tesselles blanches suivant un plan oblique, une bande de 3 rangées de tesselles blanches, une bande de 5 rangées de tesselles noires, une bande de 4 rangées de tesselles blanches, une bande de 3 rangées de tesselles noires, le tout limité par des tesselles noires agencées en biais.
    Les différences d’orientation et de taille des tesselles participent au décor ; elles constituent aussi des indices architecturaux. Ainsi connaît-on plusieurs exemples de mosaïques composées de tesselles noires et blanches dont les bandes parallèles dessinent un cadre (5). Ces cadres suivis parfois de tesselles rangées en biais définissent des aires géométriques limitées, voire des pièces. L’espace central de la mosaïque était vraisemblablement de dominante blanche, en tesselles de petite taille, et délimité par des cadres successifs de tesselles noires ou blanches. Les différents fragments de la cour peuvent aussi bien appartenir à deux pièces différentes (une à l’ouest, l’autre à l’est), ou à deux tapis juxtaposés. Dans l’hypothèse où les cadres ne constituent pas des limites de pièces, ils peuvent jouer le rôle de bandes de raccord. S’il existait un décor central, il ne peut être restitué par manque d’éléments. Quant à sa datation, par comparaison avec les exemples précités, elle doit s’intégrer entre le Ier et le IIe siècle ; les vestiges mobiliers et l’observation stratigraphique nous permettant de limiter cette fourchette chronologique à la seconde moitié du Ier siècle. Ainsi, pour la même période nous disposons d’indices sûrs, bien que lacunaires, pour envisager une occupation de la parcelle par deux éléments d’habitation faisant peut-être partie d’un même ensemble, l’un donnant sur une rue, l’autre au centre ou en fond de parcelle. Dans cette hypothèse, le traitement apporté à chacun des deux ensembles mosaïqués témoigne d’une plus grande qualité dans la confection de celui jouxtant la rue Mage ; cela peut indiquer une prédominance dans l’importance attribuée à la structure ouvrant l’accès à la parcelle, différenciation vraisemblablement en rapport avec une dévolution différenciée de ces deux bâtiments.

1. Cette fouille de sauvetage urgent entrait dans le cadre d’une intervention avant travaux ; elle a eu lieu en deux phases, en août et septembre 1994 et en février et mars 1995. La congrégation des Sœurs de la Charité-Présentation de la Sainte Vierge en était le maître d’ouvrage. La gestion de l’intervention archéologique a été confiée à l’A.F.A.N. et le suivi de l’opération assuré par le Service Régional de l’Archéologie de la D.R.A.C. de Midi-Pyrénées.
2. J.-Ch. Arramond, S. Bach, Q. Cazes : « Vestiges d’une tannerie des XVe-XVIe siècle à Toulouse » dans Archéologie du Midi Médiéval, à paraître en 1996.
3. Plaquettes dont les dimensions varient de 10 x 20 cm à 3 x 5 cm. Les tesselles noires mesurent 1 x 2 cm et les blanches 1 cm2.
4. Par exemple à Saint-Bertrand-de-Comminges (C. Balmelle, Recueil général des mosaïques de la Gaule, Province d’Aquitaine, Xe supplément à Gallia, t. IV, 1, Paris, C.N.R.S., 1980, p. 46-49), Saint-Paul-Trois-Chateaux (H. Lavagne, Recueil général des mosaïques de la Gaule, Province de Narbonnaise, Xe supplément à Gallia, t. III, 1, Paris, C.N.R.S., 1979, p. 95), Apt (H. Lavagne, ibidem, p. 150), Saint-Romain-en-Gal (J. Lancha, Recueil général des mosaïques de la Gaule, Province de Narbonnaise, Xe supplément à Gallia, t. III, 2, Paris, C.N.R.S., 1981, p. 253).
5. Par exemple à Carpentras (H. Lavagne, op. cit., p. 87), Saint-Paul-Trois-Chateaux (ibidem, p. 96-98), Vienne (J. Lancha, op. cit., p. 29)., Saint-Romain-en-Gal (ibidem, p. 225), Saint-Bertrand-de-Comminges (C. Balmelle, op. cit., p. 34-57), Périgueux (« Informations archéologiques », Gallia, t. 37, 2, Paris, C.N.R.S., 1979, p. 498-502), Fréjus (« Informations archéologiques », Gallia, vol. 1-2, Paris. C.N.R.S., 1990, p. 206-214), Attricourt (« Informations archéologiques », Gallia, t. 44, 2, Paris, C.N.R.S., 1986, p. 254-256), Limoges (J.-P. Loustaud, « Les Thermes de la place des Jacobins à Limoges » dans Aquitania, t. VI, Bordeaux, 1988, p. 81-124). »


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SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1995

Présents : MM. Pradalier, Président, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Labrousse, Merlet-Bagnéris, Pradalier-Schlumberger, Watin-Grandchamp, MM. Bertrand, le général Delpoux, Hermet, Julien, Mange, Nayrolles, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, l’abbé Rocacher, Tollon.
Invitée : Mme Latour.

    Le Président accueille la Compagnie dans le réfectoire des Jacobins où est installée l’exposition Le regard de Rome : portraits romains de Tarragone, Mérida et Toulouse, à laquelle est consacrée la séance du jour.
    Le Président rappelle que l’exposition a été présentée à Tarragone, au printemps, puis à Mérida, cet été, avant de l’être à Toulouse, et qu’elle a été demandée par Rome où elle sera accueillie dès février prochain. Sans plus attendre, il donne la parole à Daniel Cazes, membre de notre Société et conservateur du Musée Saint-Raymond, qui a été l’un des maîtres d’œuvre de cette exposition avec les conservateurs des Musées de Tarragone et Mérida.

    Daniel Cazes évoque en premier lieu les origines du projet, trois ans plus tôt, alors qu’il s’agissait très modestement d’échanger des œuvres à l’occasion d’expositions temporaires, afin de faire bénéficier chaque musée des compléments que pouvaient lui apporter les deux autres collections de sculpture romaine. Mais il est vite apparu que les trois collections rendaient possible un projet commun plus ambitieux : une exposition consacrée au portrait romain.
    Si les spécialistes disposaient d’une bibliographie nombreuse, l’exposition pouvait faire découvrir à un public plus large un aspect majeur de la sculpture romaine qui est le plus souvent un peu méprisée, et inviter nos contemporains de la fin du XXe siècle à un jeu de miroir en portant un regard nouveau sur ce qu’a été Le regard de Rome.
    À cette fin, on a fait le choix d’une exposition didactique, servie par une mise en scène qui a le mérite de n’être jamais gratuite et qui peut jouer à évoquer la pompe impériale ou le faste des villes romaines sans pour cela se substituer aux œuvres.

    Le propos est articulé en sept chapitres principaux matérialisés par les sections de l’exposition.

1. Le pouvoir des images. Le mythe brisé

    Le visiteur est accueilli par un splendide portrait d’Auguste arborant la couronne civique qui lui a été attribuée par le Sénat en 27 av. J.-C. Avec six autres visages, il exprime dans le luxe et la pérennité du marbre une iconographie politique où le pouvoir des images sert la stabilité d’un système social. Reflets d’une culture homogène du bien-être, les portraits impériaux et ceux qui s’en inspirèrent ont contribué à la création d’un véritable mythe de l’Empereur.
    Le mythe se brise avec les crises qui secouent l’Empire et le développement du christianisme s’accompagne de la destruction des images divines et des effigies impériales, illustrée ici par une reproduction d’un graffiti de la catacombe de la Porta Pinciana à Rome. Statues décapitées, visages mutilés… rappellent les conditions de leur disparition et de leur redécouverte.

2. L’Antiquité admirée et retrouvée

    Modèle politique et juridique jamais vraiment oublié, objet de l’admiration des humanistes, académiciens et antiquaires, retrouvée par les historiens et les archéologues modernes, l’Antiquité romaine n’a cessé de fasciner. Ses portraits ont été l’un des vecteurs essentiels de ce goût. Ils furent soumis, de la Renaissance à nos jours, à des études toujours plus précises et leur conservation généra les splendides collections et galeries de nos musées.

3. Matériaux et techniques. Formes et intentions

    Après avoir évoqué les origines du phénomène du portrait romain, encore très discutées, des œuvres variées illustrent les techniques utilisées et les codes de la représentation.
    Tous les matériaux ont servi pour la réalisation et la diffusion des portraits : métal des monnaies, des statues et des œuvres d’art de petite dimension, pierre dure des intailles, terre cuite, calcaire et marbre divers parfois associés pour jouer de leur polychromie…
    La plate-tombe de l’évêque de Tarragone Optimus, de la seconde moitié du IVe siècle ou du début du Ve, permet d’y ajouter la mosaïque en même temps qu’elle introduit aux mutations que le portrait connaîtra dans l’Empire devenu chrétien.
    À côté des techniques, sont présentées les diverses formes que prit le portrait romain : l’aspect fonctionnel de l’œuvre, le costume, les attributs, les gestes sont autant d’indices du rang social et des intentions des individus représentés.

4. L’image de l’empereur et sa diffusion

    Les portraits officiels de l’empereur dépendaient d’un prototype, créé généralement à Rome, le centre du pouvoir. À partir de celui-ci, les sculpteurs produisaient des répliques dont la codification iconographique était rigoureusement imposée mais dont


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L'EXPOSITION LE REGARD DE ROME, organisée par les musées de Mérida, Tarragone et Toulouse,
et présentée dans le réfectoire des Jacobins de Toulouse à l'automne 1995.
Cliché Musée Saint-Raymond, J. Rougé.

la facture pouvait varier. Plusieurs portraits de Marc Aurèle et de Lucius Verus conservés à Toulouse, Tarragone et Mérida témoignent de cette pratique liée à une large et rapide diffusion de l’image impériale dans les provinces.
    Cinq portraits de Septime Sévère montrent trois types iconographiques distincts. Ils concordent avec des moments différents du règne et de la pensée politique ou religieuse de l’empereur.

5. Théâtre, forum et scénographie du pouvoir

    Les théâtres romains, grands lieux de rassemblement des populations urbaines, étaient un cadre idéal pour les statues figurant les empereurs et leurs proches, comme le montrent les œuvres découvertes dans ceux de Tarragone et de Mérida. À Tarragone, un autel atteste même un culte adressé à la puissance divine de l’empereur.
    Les forums municipaux de Béziers, avec un exceptionnel ensemble de portraits julio-claudiens, de Tarragone et de Mérida apparaissent naturellement comme les espaces publics les plus appropriés à la mise en valeur des portraits impériaux et au développement de programmes statuaires liés à l’exercice du pouvoir.

6. Mimétisme et individualité. Usages privés, regards publics

    L’universalité du portrait romain explique la diversité des individus dont nous connaissons la physionomie. Tous n’étaient pas des empereurs ou des personnages publics aux effigies multiples. Beaucoup, désignés par les inscriptions accompagnant leur image, peuvent être situés dans la sphère « privée » de la société romaine et c’est probablement le cas de bien d’autres figurations, notamment funéraires. Mais le mimétisme ambiant, phénomène typiquement social, ne permet pas toujours de différencier sans ambiguïté l’effigie privée de l’officielle. Ainsi tel jeune homme dépend-il d’un portrait de Trajan et certaines têtes féminines font-elles hésiter entre une impératrice et une digne matrone l’imitant. Enfin, sous l’Empire se maintiennent des traditions iconographiques républicaines ou surgissent des réminiscences et des particularismes autochtones.


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7. La permanence des images

    La production des portraits diminua au cours des IIIe et IVe siècles, mais les effigies impériales continuèrent à jouer leur rôle dans la transmission de l’idéologie officielle. Cette permanence est marquée, à la fin de l’exposition, par le rare groupe, récemment identifié par Jean-Charles Balty qui propose de le dater de l’année 293, des quatre têtes de l’empereur Maximien Hercule, de sa femme Eutropia, de son fils Maxence, futur empereur, et de son épouse Maximilla.

    Le Président remercie Daniel Cazes de cette complète et passionnante présentation d’une exposition trop riche pour être épuisée en deux heures. Il relève que le titre retenu était prémonitoire puisque c’est finalement à Rome que s’achèvera le cycle. Remarquant l’exceptionnelle qualité des portraits provenant de la villa de Chiragan, il s’interroge sur le rôle qu’a joué notre Société dans leur découverte. Après avoir rappelé qu’il se propose de développer cet aspect au cours d’une communication prochaine, Daniel Cazes indique que la Société Archéologique du Midi de la France, fondée en 1831, a surtout agi comme intermédiaire lorsque les fouilles ont repris à partir de 1842, mais que l’essentiel des sculptures trouvées sur le site l’avait été par Du Mège dans les années 1826 à 1830.
    En réponse à une question de Jean Nayrolles, Daniel Cazes précise que Du Mège avait en effet prévu la restauration des bustes antiques à laquelle contribuèrent peu ou prou tous les sculpteurs de Toulouse. Il ajoute que les portraits de Mérida n’ont pas été restaurés parce que découverts au moment où l’on s’interrogeait sur l’opportunité de telles restaurations.
    Guy Ahlsell de Toulza voudrait savoir si le groupe de Béziers ne comportait que des bustes ou si, au contraire, les portraits faisaient partie de sculptures en pied. Daniel Cazes répond qu’il s’agissait très certainement de statues, mais que les corps ont disparu, la « fouille » de Béziers n’ayant livré que des fragments de marbre divers dont des fragments de doigts.
    Pascal Julien s’étonne de l’absence d’œuvres provenant de Toulouse et demande s’il n’y a jamais été retrouvé aucune statue impériale. Daniel Cazes rappelle que l’on possède un fragment de statue cuirassée, d’ailleurs d’une extraordinaire qualité, qui provient de Toulouse mais rien de plus hormis des dizaines de petits fragments qui témoignent d’une statuaire qui a bien sûr existé mais dont on ne sait rien.
    À propos de la mosaïque funéraire d’Optimus, Daniel Cazes attire l’attention de la Compagnie sur un détail du vêtement : la manche est en effet ornée d’une double bande bleue, comme dans les représentations des évêques Ambroise et Maternus, sur une mosaïque murale de la fin du Ve siècle qui se trouve dans la chapelle San Vittore in Ciel d’oro de la basilique Saint-Ambroise de Milan. Il semble donc bien que cette double bande bleue caractérise le costume d’un évêque, et que la mosaïque d’Optimus, de la fin du IVe ou du début du Ve siècle, en soit la plus ancienne représentation connue.

 

SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 1995

Présents : MM. Pradalier, Président, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Bourdieu, Cazes, Labrousse, Napoléone, Noé-Dufour, Suau, Watin-Grandchamp, MM. Bernet, Bertrand, Cranga, Fabre, Ginesty, Hermet, Julien, Mange, Nayrolles, Peyrusse, l’abbé Rocacher, Tollon.
Excusé : M. Péaud-Lenoël.

    Le Président donne la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture des procès-verbaux des séances des 7 et 21 novembre derniers.
    Le Président indique qu’il a écrit au Conservateur régional de l’archéologie, M. Michel Vidal, pour lui donner l’accord de notre Société au classement au titre des Monuments historiques de l’ensemble des parcelles qui lui appartiennent à Martres-Tolosane.
    Le Président rend compte de deux réunions qui se sont tenues dans le cadre de l’Union des Académies et Sociétés Savantes de l’Hôtel d’Assézat et de Clémence Isaure, puis présente la correspondance reçue.
    Le Maire de Toulouse nous a adressé un exemplaire du projet élaboré par le S.M.E.A.T., ce document devant permettre de recueillir observations et remarques. Le Président rappelle que notre Directeur, M. Coppolani, a représenté la Société à certaines séances du S.M.E.A.T.
    Les rapporteurs entendus, M. Éric Morvillez et M. Jean-Marc Luce sont élus membres correspondants.

    La parole est ensuite à Catherine Bourdieu pour une communication sur Les œuvres religieuses du sculpteur Pierre Affre (v. 1590-1669) dans la région toulousaine :

    « Né à Béziers et arrivé à Toulouse avant 1617, le sculpteur Pierre Affre a fondé son atelier dans la capitale languedocienne dès le milieu des années 1620. À l’exemple de bien des artistes de son temps, sa carrière s’est orientée en partie, mais tout


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naturellement vers l’art religieux. Commandes prestigieuses, comme le décor de la chapelle de Garaison (1635-1666) et le grand retable de l’église Saint-Sernin (1645), ou bien ouvrages plus modestes, comme les bustes reliquaires du Fauga (1653) et de Rabastens (1655), Affre a réalisé ces œuvres pour des clients issus de plusieurs diocèses méridionaux : d’Arreau en Comminges à Bordeaux, Limoges, Brive ou Saint-Papoul. Malheureusement, en raison de leur nombre très réduit, ses œuvres conservées (six retables sur dix-sept, plus deux dessins) ne peuvent refléter qu’une image incomplète de son talent. Les jeunes sculpteurs formés dans son atelier ont prolongé avec difficulté son style aux formes sobres mais épanouies et majestueuses. Son fils François, le plus doué, a disparu prématurément et Simon, un autre de ses fils, ne possédait qu’un talent limité. Antoine Guépin, son gendre, montre un art très influencé par celui de Pierre Affre, sans atteindre bien souvent à la même maîtrise. »

    Le Président remercie Catherine Bourdieu en regrettant que la mauvaise qualité des diapositives n’ait pas permis à l’auditoire de se faire une idée précise du style du sculpteur et de la qualité des œuvres.
    Maurice Scellès s’étonne que l’on ait fait appel à un sculpteur qui lui paraît bien médiocre, pour des chantiers dont il se demande s’il s’agit de chantiers de second rang. N’y avait-il pas d’autres sculpteurs à Toulouse ? Catherine Bourdieu conteste le jugement porté et confirme qu’il s’agit au contraire de commandes de premier plan.
    Pascal Julien atténue le jugement trop sévère de Maurice Scellès, en remarquant cependant que si Pierre Affre n’est pas un mauvais sculpteur, ce n’est pas non plus un grand artiste. Les choses changent en fait au milieu du siècle. En 1653, Pierre Affre donne le dessin d’un jubé pour Saint-Sernin, jubé dont l’exécution est reportée en raison de divers problèmes financiers. Mais en 1662, c’est le moment où l’on décide d’ériger un grand retable à la cathédrale Saint-Étienne, qui est commandé à Gervais Drouet. Celui-ci introduit à Toulouse le Baroque romain qui supplante le classicisme attardé qui prévalait jusque là.
    Bruno Tollon reproche à cette analyse d’être trop imprégnée d’une vision linéaire de l’histoire. Pour Louis Peyrusse, les catégories du Baroque déforment notre perception de l’œuvre de Pierre Affre. Celui-ci appartient au premier art de la Contre-réforme et ses sculptures se caractérisent justement par une certaine forme de retenue et la recherche de l’intériorité.

 

SÉANCE DU 9 JANVIER 1996

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Napoléone, Noé-Dufour, Pradalier-Schlumberger, Watin-Grandchamp, MM. Bernet, Bertrand, Blaquière, Catalo, Cranga, le général Delpoux, Gilles, Gillis, Ginesty, Hermet, Julien, Lassure, Luce, Mange, Manuel, le Père Montagnes, Nayrolles, Péaud-Lenoël, Peyrusse, l’abbé Rocacher, Tollon.
Excusés : Mmes Bourdieu, Fraïsse, M. Gérard.

    Le Président rend compte de la correspondance manuscrite. Nous avons en particulier reçu une lettre de M. Manuel, d’ailleurs présent aujourd’hui parmi nous, qui remercie notre Société de son élection comme membre correspondant, qui honore ainsi la Société des Amis du Vieux Cordes dont il a été longtemps le Président. Relevant la modestie dont fait preuve M. Manuel, Henri Pradalier lui affirme que son élection tient d’abord à ses mérites personnels.
    Le Secrétaire Général de l’association FERMAT, M. Ferron, nous a fait parvenir une vingtaine d’exemplaires à distribuer du n° 1 de la Lettre des Amis de l’Hôtel d’Assezat, qui est aussi un appel à l’adhésion.

    Le Président fait circuler deux clichés en couleur d’un coffret-reliquaire émaillé que lui a adressés Neil Stratford. Il s’agit d’une œuvre de Limoges, qui peut être datée des environs de 1200 et qui pourrait provenir selon Marie-Madeleine Gauthier d’une église auvergnate. Ce coffret nous intéresse plus particulièrement parce que la scène figurée représente le martyre de saint Sernin et parce qu’il a récemment été mis en vente à Londres par Sotheby’s. La Ville de Toulouse s’est décidée à se porter acquéreur, mais aurait prévu une somme insuffisante, d’ailleurs de peu inférieure au prix de vente. Toulouse vient donc de manquer une œuvre exceptionnelle, dont l’acquisition aurait pu se faire dans un contexte tout aussi exceptionnel puisque nous allons commémorer le 9e centenaire de la consécration de Saint-Sernin.
    On ne peut que déplorer que la Ville n’ait pas acheté ce coffret, alors même que les crédits d’acquisition mis à la disposition des musées de Midi-Pyrénées par l’État ne sont jamais entièrement consommés. Le Directeur régional des Affaires culturelles a lui-même protesté solennellement au cours d’une récente réunion des conservateurs parce qu’il était obligé de retourner d’importants crédits qui n’avaient pas été utilisés. À la mi-septembre 1995, seuls trois conservateurs avaient présenté des dossiers d’achat d’œuvres, au demeurant relativement modestes. Il faut savoir que le financement par l’État peut aller jusqu’à 50 %, part à laquelle peuvent encore s’ajouter jusqu’à 20 % alloués par les départements ou la Région. Il y a de quoi s’interroger sur les politiques d’acquisition de la Ville de Toulouse et des autres collectivités territoriales de la région.


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COFFRET-RELIQUAIRE ÉMAILLÉ,
vers 1200, Limoges.
Face antérieure : Le martyre de Saturnin

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COFFRET-RELIQUAIRE ÉMAILLÉ,
vers 1200, Limoges.
Face postérieure


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    Henry Ginesty fait remarquer que la part restant à la charge de la Ville dont dépend le musée peut être supérieure à ses possibilités quelle que soit l’importance des autres financements. Pascal Bertrand rappelle que le montage financier des dossiers est en fait assez complexe, et que les acquisitions sont soumises à l’approbation de ce que l’on appelle le « petit conseil ». Guy Ahlsell de Toulza affirme que la procédure peut être très accélérée si cela est nécessaire, et que tout peut être réglé en 24 heures.

    Le Président donne alors la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture des procès-verbaux des séances des 5 et 19 décembre derniers. Le Président ajoute que Catherine Bourdieu aurait vivement souhaité poursuivre la discussion sur Pierre Affre, mais qu’il lui était absolument impossible d’être parmi nous aujourd’hui.
    On entend ensuite les rapports sur les candidatures de M. Marc Salvan-Guillotin et Mme Christine Aribaud, qui sont élus membres correspondants de notre Société.

    La parole est à Jean Catalo pour la communication du jour : Les fouilles de l’Hôtel d’Assézat, publiée dans ce volume (t. LVI, 1996) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Jean Catalo d’avoir bien voulu répondre à sa demande en étant bref, et le félicite d’avoir cependant su nous faire une présentation claire de ces fouilles.
    Le général Delpoux demande des précisions sur la profondeur des découvertes par rapport au sol actuel. Jean Catalo indique que les niveaux les plus anciens ont été trouvés à 5 m de profondeur, ces cinq mètres comprenant environ 3 m de remblais sans doute dus aux incendies. Le niveau des graviers de Garonne est à peu près le même que celui qui a été repéré de l’autre côté de la rue Peyrolières. À une question d’Henri Pradalier, il répond que la nappe phréatique doit se situer à environ 5 m du sol actuel, mais qu’il s’agit d’une simple estimation car la construction de la paroi moulée qui a précédé la fouille et le pompage constant en ont évidemment modifié le niveau.

    Quitterie Cazes dit son admiration devant les résultats de cette fouille, et en particulier devant la découverte exceptionnelle que constituent les vestiges de la grande domus urbaine et du bassin qui l’agrémentait ; elle rappelle que c’est la première fois que sont mis au jour dans Toulouse les vestiges d’une maison romaine.
    Louis Peyrusse demande si l’on connaît d’autres exemples, dans d’autres villes, de demeures urbaines de cette importance situées, comme à Toulouse, à proximité immédiate de grands édifices publics comme le théâtre ou le temple du Capitole. Jean Catalo souligne le fait que les fouilles en centre ville sont finalement assez peu nombreuses, et qu’il est rare qu’elles permettent de saisir des ensembles de ce type ; on a eu ici la chance de pouvoir déterminer les dimensions du bassin, ce qui nous donne une meilleure idée de l’importance de la demeure.
    Le Président voudrait avoir des précisions sur les datations proposées. Jean Catalo indique que les principaux indices de datation sont donnés par les céramiques arétines et sigillées gauloises, produites à Montans et la Graufesenque. La première occupation peut être située entre - 10 av. J.-C. et 10 après J.-C. Quant à la domus, elle se place entre 0/30 après J.-C. et 40/80.

    En réponse à une question du général Delpoux, Jean Catalo rappelle que la cour principale de l’Hôtel n’a pas été fouillée, et que le suivi des travaux de tranchées qui y ont été réalisés a seulement permis de confirmer la datation… de la construction de l’Hôtel d’Assézat. Par ailleurs, les deux niveaux de caves de l’Hôtel, dont la profondeur est supérieure à 5 m, ont certainement fait disparaître des niveaux d’occupation antérieure.
    Maurice Scellès s’interroge sur le fait qu’un regroupement parcellaire ait été réalisé au XIVe siècle sans projet de reconstruction. Quel est l’intérêt d’une telle opération, et ne peut-on faire l’hypothèse d’un projet abandonné ? Jean Catalo ne le croit pas, pour la raison que l’on a plusieurs exemples de regroupements parcellaires dans ce même îlot, ce qui laisse entendre que l’on est en présence de pratiques liées à des spéculations foncières sans projet architectural.
    Bruno Tollon souligne la richesse des informations que livre ce travail, ce qui met une fois de plus en évidence tout l’intérêt de travailler en équipe. Il relève que le fait que l’impôt ait été calculé en fonction de la largeur sur la rue doit être mis en relation avec les dispositions d’hôtels dites « en poêle à frire », c’est-à-dire se développant en fond de parcelle à partir d’un simple accès à la rue. Il est certain que seule la prise en compte de sa complexité peut permettre d’aborder l’étude de milieu urbain.
    Guy Ahlsell de Toulza demande quelles sont les traces effectivement repérables de l’incendie de 1463. Jean Catalo précise que bien sûr seules les fondations des bâtiments ont pu être observées, et que l’on ne retrouve pas les traces de l’incendie lui-même. Ce sont en fait les remblais d’incendie, comportant des matériaux qui ont subi l’action du feu, qui ont été produits par les démolitions des bâtiments endommagés.

    Au titre des questions diverses, Maurice Scellès annonce que deux nouveaux échanges de publications viennent d’être mis en place, l’un avec Udine en Italie, l’autre avec l’Institut archéologique de Londres.

    Louis Peyrusse attire une nouvelle fois l’attention de la Compagnie sur les travaux de restauration réalisés à Saint-Sernin :

    « Je souhaiterais attirer l’attention sur l’étonnante restauration de la Porte Miègeville à Saint-Sernin, sans vouloir relancer une polémique, puisque par deux fois la Commission Supérieure des Monuments Historiques, en 1979 et 1990, a décidé de dérestaurer l’œuvre de Viollet-le-Duc.
    Avant l’intervention de Viollet-le-Duc, la porte Miègeville était couronnée d’un édicule très simple exécuté en 1752 : un attique mouluré creusé d’un tableau. En témoignent la lithographie d’après Fragonard fils publiée dans les Voyages Pittoresques du baron Taylor (1834) et les calotypes de la collection Le Pourhiet (v. 1855).


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    Viollet-le-Duc l’avait remplacé par un fronton polygonal dont les rampants étaient soutenus par trois colonnes saillantes ; le tympan était décoré de deux oculi aveugles (un damier bicolore brique et marbre). Ce fronton était à l’origine amorti par des sculptures données par l’architecte : « ces bêtes d’amortissement » rappelant les chimères de Pierrefonds, avaient depuis longtemps disparu.
    Ce tympan, sans le décor sculpté des amortissements, était conservé dans les dessins de dérestauration de M. Yves Boiret, projet accepté par la Commission Supérieure des Monuments Historiques en 1990. Pourquoi ce geste de conservation ? Difficile à dire. Sans doute par l’application homéopathique de la Charte de Venise précisant que les apports valables de toutes les époques à l’édification d’un monument doivent être respectés. Sans doute le dernier geste pour saluer Viollet-le-Duc : une trace incomplète pour le siècle de l’Histoire.

    Il faut croire que ces élévations plusieurs fois publiées, présentées dans des expositions, arrêtées par la Commission Supérieure des Monuments Historiques, étaient susceptibles de révision selon l’humeur de l’architecte puisqu’il a décidé de gommer tout souvenir de Viollet-le-Duc pour restituer « l’état antérieur ».
    On pourrait sourire si cette démarche ne contenait en soi d’inquiétantes perspectives. Car pour être logique avec lui-même, M. Boiret devrait rétablir les consoles d’amortissement installées en 1752 au sommet des contreforts ; il devrait démolir l’enfeu des comtes de Toulouse dont le décor moissagais refait au XIXe siècle ne peut que lui être insupportable, et rétablir la chapelle avec façade des XVIIe et XVIIIe siècles. Dans l’élan, pourquoi ne pas démolir le complément apporté à la façade occidentale par Hulot entre 1920 et 1929 ? On sourirait si, sur ce point comme sur d’autres, la logique parfaite dont se réclame M. Yves Boiret n’apparaissait comme fausse et incapable de parvenir à un retour à l’état antérieur attesté. On sourirait si la désinvolture avec laquelle on a agi sur Saint-Sernin ne faisait craindre le pire pour la restauration à venir de l’abside principale dont tout laisse croire qu’elle sera encore une fantaisie de l’Architecte en Chef. On sourirait si la présentation de la dernière « restauration » reconstruite n’était pas des plus étranges : alors que les murs supérieurs de Saint-Sernin sont reconstruits en parpaings dissimulés par des briques de parement unifiées par un traitement à l’acide qui leur donne un aspect rose bonbon, le nouveau couronnement de la porte Miègeville est traité avec un ciment gris qui jure dans la confiserie ambiante.
    On espère qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle façon de signaler à l’attention les restitutions de M. Boiret, mais d’un état d’attente jusqu’à ce que soient nettoyées les sculptures de la porte Miègeville. Car c’est sans doute la raison pour laquelle les reliefs sculptés de saint Jacques et de saint Pierre sont maintenus sous une « protection » de chantier élémentaire ?
    On s’interroge et on s’inquiète. Avec une verve féroce, en 1990, M. Boiret avait dénoncé dans les erreurs de la restauration réalisée sous la direction de Viollet-le-Duc à la fin du Second Empire des erreurs de vieillesse du grand architecte, trop sûr de lui et de son système. L’Histoire se répète-t-elle ? On constate avec tristesse que sur un chantier essentiel et qui devrait être exemplaire, les mauvaises habitudes des chantiers des Monuments Historiques continuent de fonctionner et que ce service est incapable de faire respecter ses propres décisions par des employés qui, en lui imposant le poids de leur lobby, se permettent de défigurer le patrimoine avec l’argent public. »

    Louis Latour dit qu’il avait été également surpris par les travaux en cours, et que pour en savoir un peu plus il avait essayé de lire le panneau explicatif installé par le Service des Monuments historiques à proximité. Il s’était trouvé obligé de conclure qu’aucune décision n’avait encore été prise pour cette partie de l’édifice au moment de sa rédaction.
    Pour le Président, il y a de quoi s’interroger en constatant que le projet approuvé par la Commission supérieure des Monuments historiques ne correspond finalement pas entièrement aux travaux exécutés.
    On rappelle par ailleurs que les deux reliefs du portail Miègeville qui représentent saint Pierre et saint Jacques sont restés masqués par des contre-plaqués après la dépose des échafaudages au printemps 1995. Tous ceux qui depuis ont visité Toulouse et la basilique ont dû être ravis d’apprendre, par un petit panneau fiché hâtivement dans la pelouse, que la présence de ces plaques était nécessitée par des analyses en cours. On sait bien que ces contre-plaqués ont en fait été installés pour protéger les sculptures pendant les travaux… On attend maintenant avec impatience les passionnants résultats des études « scientifiques » annoncées.

    La Compagnie est informée de la disparition récente de statuettes du portail de l’église de la Dalbade. Lorsque la photographie présentée a été prise, une seule niche était vide, mais ce sont maintenant huit statuettes qui ont disparues et qui ont peut-être été volées en profitant des échafaudages installés par les Monuments historiques sans aucune protection.
    Pascal Bertrand ajoute qu’à l’Hôtel de Malte voisin, il sera bientôt nécessaire de doubler le filet installé sous la corniche en raison des chutes de pierres. Il constate également que des fenêtres sont ouvertes, des vitres cassées et se demande quel était alors l’intérêt de fermer l’entrée par un grand rideau de fer. Le général Delpoux ajoute qu’un témoin lui a affirmé que deux cheminées en marbre avaient été volées récemment à l’Hôtel de Malte.

    Dominique Watin-Grandchamp présente une communication sur le pavillon « Louis XVI », rue Henri-Glady à Cugnaux :

    « L’ancien domaine de Lacans dit « pavillon Louis XVI » sur la commune de Cugnaux est situé dans l’ancienne ceinture viticole de Toulouse, le long d’une route où les parlementaires de la seconde moitié du XVIIIe siècle achètent des propriétés et font bâtir. L’édifice qui nous intéresse est lié à son parc qui se développe encore à l’Ouest. Il représente un plan en U avec 2 ailes de dépendances en retour sur cour à l’Est.
    L’aile nord abrite des pièces à fonction domestique, rejetées du pavillon central ainsi que des remises et écuries. L’aile sud est occupée par un chais.


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CUGNEAUX (HAUTE-GARONNE), DOMAINE DE LACANS, plan du rez-de-chaussée.
Relevé D. Bertrand-Marchenoir.

    Dans le parc, le tracé conservé des allées de buis répond parfaitement aux percements de l’avant-corps du pavillon central qui abrite un prestigieux salon de compagnie. Sur cour, la façade est traitée sans apparat avec 5 travées simples, celle du centre étant marquée par deux pilastres ; la façade sur jardin a fait l’objet d’un soin particulier avec les 5 travées marquées par des pilastres à faux bossage de brique. Le salon de compagnie qui répond à cette élévation est de plan octogonal et 3 pans de l’octogone occupent les 3 travées centrales débordantes ornées de bas-reliefs de terre cuite. Une balustrade pleine marque un faux attique où les pilastres sont amortis par des pots de terre cuite.
    Cette façade évoque des modèles célèbres inspirés de Jacques Ange Gabriel et en particulier le parti et les dispositions du pavillon de chasse du Butard entre Versailles et Marly. Dans le milieu toulousain, des comparaisons sont possibles avec Reynerie et c’est sans doute un bon exemple des contacts des artistes locaux avec le milieu parisien.
    Le salon de compagnie, d’environ 6 x 6 m, est le cœur de l’ensemble et sa décoration, stucs et toiles peintes, est prestigieuse. C’est aux qualités de chercheur de M. Burroni que nous devons sa découverte. En effet, pour la restauration des stucs de l’hôtel Dubarry à Toulouse, il avait recherché un édifice cité dans la thèse de Mme Faucher-Magnan (un procès entre Dubarry et le peintre F.-C. Derome signalait que Julia, auteur des stucs de l’hôtel Dubarry, avait également travaillé dans ce pavillon de Cugnaux).

    L’édifice « retrouvé » abritait bien des modèles de Julia mis en œuvre à l’hôtel Dubarry après 1777 et à Reynerie après 1781. Ici, les panneaux de Julia célèbrent les arts avec des sphinx qui annoncent l’Empire.
    Outre ses chantiers toulousains, Julia travaille à l’opéra de Versailles avec Pajou de 1768 à 1770. Ils se côtoient également à l’Académie des Beaux-Arts de Toulouse où Pajou est reçu en 1777, après avoir exposé aux salons de 1767 et 1770. Ils travailleront tous deux dans la classe de Lucas et l’iconographie du décor de Cugnaux peut se lire comme un hommage à l’école toulousaine et à ses maîtres, du moins si on considère un Apollon en médaillon répété plusieurs fois, qui est la copie d’un marbre de la galerie des Offices de Florence faite par Lucas et exposée au salon de 1775 avec un grand succès.
    Les panneaux de toiles peintes qui habillaient les murs du salon ont été retrouvés après bien des péripéties et restaurés à l’instigation de Mme Sire, inspecteur des Monuments Historiques. Ces panneaux sont des éléments de décoration intérieure rares dans nos contrées, dans la manière de Rançon ou de Mique pour le boudoir de Marie-Antoinette. Ils puisent leur inspiration dans la Renaissance italienne avec des petits panneaux en grisaille, des arabesques, des vases aux camées… Des rinceaux habités d’oiseaux mettent en valeur des scènes champêtres ou des marines.
    Le problème de l’attribution précise de ce décor reste posé : il y a peu de peintres de marine dans le milieu local, mais deux peintres familiers de Dubarry et très influencés par les marines de Vernet ont pu le réaliser. Le premier est François Valentin Gazart, qui quitte Toulouse pour Versailles en 1786, mais en gardant des contacts avec l’Académie de Toulouse et en particulier avec le sculpteur Lucas. Le second est Pierre Joseph Wallaert dont la manière semble bien correspondre à ce décor : né à Lille en 1755, il a un atelier à Toulouse en 1786, il est membre de l’Académie et élu artiste associé en 1787. On lui attribue des paysages peints à la détrempe dans le salon du comte Dubarry au château de Lévignac. Il fréquente également Lucas.


M.S.A.M.F., T. LVI, page 298

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CUGNEAUX (HAUTE-GARONNE), DOMAINE DE LACANS, panneau peint, détail : L'Architecture.
Cliché D. Watin-Grandchamp.

 

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CUGNEAUX (HAUTE-GARONNE), DOMAINE DE LACANS, décor en stuc du salon de compagnie, par Julia, détail : au centre, médaillon de l'Apollon.
Cliché D. Watin-Grandchamp.

 

    Si le « clin d’œil » au maître Lucas est supposé en ce qui concerne le modèle de l’Apollon, il paraît plus certain dans l’iconographie de deux panneaux peints qui inscrivent bien ce chantier dans le milieu toulousain. Le premier, à la gloire du dessin et de la peinture, nous montre en médaille une croix dite du Languedoc portant quatre tours et c’est précisément la médaille que décernait l’Académie des Beaux-Arts de Toulouse (le Musée Paul-Dupuy en conserve de précieux exemplaires). Contrairement à celles du musée, la médaille représentée ici ne porte plus de fleurs de lys ce qui pourrait être un élément de datation provisoire non négligeable. La médaille est accompagnée d’un porte-crayon qui pourrait correspondre à un autre prix décerné par l’Académie et dit « du porte-crayon du chevalier Rivals » peintre créateur de ce même prix et d’une bourse (un de ces porte-crayon en argent est également conservé au Musée Paul-Dupuy).
    Le second panneau, à la gloire de l’Architecture et de la Géométrie, nous livre la date de 1790 et un nom peut-être incomplet : « Barthe », associé à l’image d’un traité d’architecture. Il pourrait s’agir en réalité de Labarthe, architecte, professeur de géométrie perspective et de planimétrie à l’Académie de Toulouse. On ne lui attribue pas de rédaction de Traité d’architecture mais nous nous trouvons peut-être devant l’hommage illustré d’un de ses élèves.
    Ces éléments mettent en évidence un milieu qui se connaît bien dans le sein de l’Académie de Toulouse, qui est familier des Dubarry, qui fréquente Versailles et y travaille. L’hommage rendu ici à cette Académie est un exemple rare mais il correspond bien à son regain de qualité et de prestige avant la Révolution.

    Les actes notariés nous ont livré une partie des propriétaires qui se sont succédé avec de nombreuses mutations entre la fin du XVIIIe siècle et la fin du XIXe siècle. Le domaine est saisi pour dettes dès 1806 au baron Lesage de Castaigne, mais les documents précisent que c’est un certain Majorel « qui a fait les bâtiments ». Il pourrait s’agir d’un riche négociant en grains du Tarn-et-Garonne, lié au milieu parlementaire, qui se constitue une fortune impressionnante dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et qui la perd dans la tourmente révolutionnaire.
    Malgré une pression urbanistique très forte, ce pavillon précieux pour l’histoire artistique locale a pu être préservé et son écrin de verdure maintenu. L’actuel propriétaire gère sa restauration avec un amour particulier et le pavillon a fait l’objet d’un classement en totalité au titre des Monuments Historiques le 6 novembre 1995. »

    Le Président remercie Dominique Watin-Grandchamp de nous avoir présenté le fruit de cette recherche sur un édifice et un décor remarquables. Bruno Tollon et le Président insistent sur le fait qu’il faut que les résultats de ce travail soient publiés. Dominique Watin-Grandchamp indique qu’il devrait faire l’objet d’une prochaine publication.


2e partie
Séances du 23 janvier 1996 au 30 mars 1996
3e partie
Séances du 2 avril 1996 au 18 juin 1996