Mémoires |
BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE
1995-1996
établi par Maurice SCELLÈS
Cette édition électronique respecte la mise en page de l'édition imprimée (Bulletin de l'année académique 1995-1996, dans Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, t. LVI, 1996) dont nous indiquons la pagination. Les corrections nécessaires ont été apportées et quelques illustrations en noir et blanc sont remplacées par des illustrations en couleur.
1ère partie Séances du 7 novembre 1995 au 9 janvier 1996 |
2e partie Séances du 23 janvier 1996 au 30 mars 1996 |
M.S.A.M.F., T. LVI, page 281
SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1995
Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza,
Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès,
Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Noé-Dufour, Labrousse,
Watin-Grandchamp, MM. labbé Baccrabère, Catalo, le général Delpoux, Ginesty,
Gillis, Hermet, Julien, Lassure, Mange, le Père Montagnes, Peyrusse, Tollon.
Excusé : M. Péaud-Lenoël.
Invitée : Mlle Yulia Kalchenko.
Le Président proclame louverture de lannée académique en souhaitant que notre Société poursuive le très bon travail dont témoigne la publication désormais reconnue que sont nos Mémoires.
Puis il rappelle que nous avons eu la douleur de perdre notre confrère Richard Boudet dont chacun avait pu apprécier la compétence au cours des informations quil ne manquait pas de donner à notre Société sur ses travaux ou encore par les discussions quil savait susciter. Richard Boudet est mort brutalement après une pénible marche jusquà la grotte-sanctuaire de lOurtiguet sur le Larzac : il avait 38 ans.
Se tournant vers notre invitée, le Président souhaite la bienvenue à Mlle Yulia Kalchenko, employée de la ville de Kharkhov en Ukraine et actuellement à Toulouse pour deux mois de stage à la D.R.A.C. et au théâtre du Capitole, qui a souhaité assister à nos séances et que nous accueillons bien volontiers.
Le Président donne ensuite la parole au Secrétaire-adjoint pour la
lecture du procès-verbal de la séance du 20 juin 1995, qui est adopté.
À propos de la statue de « Dame Toulouse »,
Annie Noé-Dufour fait remarquer quelle figure sur la liste des objets protégés au
titre des Monuments historiques. Bruno Tollon confirme quelle a été classée le 10
mars 1942, au titre objet ; Louis Peyrusse note que cette mesure de protection a sans
doute été prise en urgence pour éviter quelle ne soit envoyée à la fonte en
application de la loi sur la récupération des métaux non-ferreux. Le Président
précise quil a adressé à ce sujet un courrier au Maire de Toulouse, en demandant
que la statue soit mise à labri.
Puis le Président rend compte de la dernière réunion du Bureau.
Notre Société va récupérer les statues-menhirs qui sont actuellement en dépôt au
Musée Saint-Raymond. Celles-ci seront présentées dans nos nouveaux locaux.
Louis Latour et Mlle Haralsdottir vont entreprendre la saisie des
procès-verbaux de premières séances de la Société en vue de leur publication.
Enfin, le Bureau doit se rendre à Martres-Tolosane pour prendre
contact avec notre fermier et lui demander déviter les labours profonds sur les
parcelles du site de la villa romaine de Chiragan, dont les terres pourraient être mises
en prairie.
Le Président donne alors la parole à M. labbé Baccrabère pour une communication sur les Fours de potiers à Saint-Michel du Touch, au Ier siècle avant J.-C., publiée dans ce volume (t. LVI, 1996) de nos Mémoires.
Le Président remercie labbé Baccrabère pour cette nouvelle
communication où il a su rester fidèle à ses principes, décrivant précisément les
découvertes quil a pu faire tout en se gardant dinterprétations hâtives.
Louis Latour remarque que les tessons présentés appartiennent à la
poterie commune de la région. Jean-Luc Boudartchouk
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demande, après avoir relevé que le mobilier retrouvé peut être daté au plus tard
du tout début de notre ère, si lon a une idée du moment où ces fours ont été
abandonnés. Labbé Baccrabère précise que la campanienne la plus récente peut
aller jusquaux années 50 ou 40 avant J.-C. et larétine en effet aux
alentours du début de notre ère, ce qui situerait le moment de leur abandon. Jean-Luc
Boudartchouk a également noté un four avec des tegulae et des imbrices, ce
que confirme labbé Baccrabère en rappelant que des tegulae sont connues sur
le site de Vieille-Toulouse pour une époque ancienne. M. Manière note que ces fours sont
tout à fait comparables à ceux quil a pu fouiller à Saint-Cizy, et il pourrait,
si la Compagnie le souhaitait, en présenter des diapositives lors dune prochaine
séance ; dans lun de ces fours a été retrouvé le passage qui permettait à un
enfant den effectuer le chargement.
Répondant à une question de Louis Peyrusse, labbé Baccrabère
précise que lon avait effectivement à cet endroit un quartier de potiers.
Quitterie Cazes demande si des dépotoirs ont été repérés. Labbé Baccrabère
pense que les tessons quil a retrouvés appartiennent aux productions de ces fours.
Jean-Luc Boudartchouk se dit intéressé par le four médiéval qui a
été mentionné. Labbé Baccrabère, après avoir indiqué que celui-ci fera
lobjet dune prochaine publication dans les Mémoires de lAcadémie
des Sciences, précise quil était assez semblable au four à chaux qui vient
dêtre mis au jour par les fouilles du Musée Saint-Raymond ; ce four avait
dailleurs servi à fabriquer de la chaux, et on y a retrouvé des fragments de
sculpture avec en particulier un chapiteau.
Henri Ginesty demande ce que sont devenus ces fours. Labbé
Baccrabère répond quils ont disparu au cours des travaux, mais que dautres,
dont il a pu repérer précisément les emplacements, subsistent sans doute sur ce terrain
qui a toutefois été très bouleversé.
Le Président indique que nous avons reçu de la part des étudiantes du « D.E.S.S. patrimoine » et du responsable de cette formation, notre confrère Louis Peyrusse, le catalogue de lexposition « Quercy romantique » quils ont organisée à Cahors. Maurice Scellès ajoute que Valérie Rousset a offert à notre Société le catalogue de lexposition « Divona : la fontaine des Chartreux » qui a été présentée au cours de lété au Grenier du chapitre à Cahors.
On procède ensuite à lélection de membres correspondants. Les rapporteurs ayant été entendus, M. Robert Manuel, M. Yves Cranga et Mme Chantal Fraïsse sont élus membres correspondants.
Le Président présente alors une note dinformation sur une stèle discoïdale de Cordes, que nous a adressée M. Robert Manuel qui remplit ainsi pleinement son rôle de membre correspondant de notre Société.
Guy Ahlsell de Toulza présente différentes uvres dune
collection particulière qui méritent
dêtre signalées et pour lesquelles il se propose de faire des recherches
complémentaires après avoir recueilli lavis des membres de notre Société.
Un buste dhomme en marbre, dans un parfait état de conservation,
aurait été trouvé en 1914 à Timgad : Louis Peyrusse sinterroge sur le nombre
dateliers fabriquant des faux qui pouvaient alors exister à Timgad ; Daniel Cazes
dit quil faudrait pouvoir examiner luvre qui est peut-être un peu trop
bien conservée, et il remarque que si la coiffure correspondrait à une représentation
de lépoque de Néron, les yeux pupillés sont en principe caractéristiques
duvres plus tardives.
Une petite fiole en plomb moulé, à décor figuré, proviendrait
dune collection de Cahors où elle aurait été trouvée au cours dune
fouille. On peut faire lhypothèse dun objet dimportation placé dans
une sépulture.
Deux chapiteaux datables des environs de 1200, hauts de 23 cm environ,
auraient été récupérés, il y a quelques années, dans un fossé voisin de la maison
dun architecte qui venait de déménager. On peut supposer quils provenaient
dun chantier traité par cet architecte. Ils offrent lintérêt
supplémentaire dêtre tout à fait semblables à deux chapiteaux dorigine
inconnue du Musée des Augustins (nos 260-261 du catalogue de Paul Mesplé).
Un très beau tableau sur bois de 2 m sur 2 environ, représente La
mort dAdonis pleuré par Vénus. Il a été publié par Paul Mesplé comme une
uvre dAntoine Verrius, alors que Turquin y verrait plutôt un uvre de la
seconde moitié du XVIe siècle
attribuable à Franz Floris. Pour Bruno Tollon, il serait en effet étonnant quune
peinture sur bois ait été réalisée par Antonio Verrio et Louis Peyrusse incline à y
voir un travail anversois.
Le Président remercie Guy Ahlsell de Toulza pour toutes ces informations.
SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 1995
Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza,
Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès,
Secrétaire-adjoint ; Mmes Cazes, Merlet-Bagnéris, Pradalier-Schlumberger,
Watin-Grandchamp, MM. Bertrand, Cranga, le général Delpoux, Julien, Mange, Nayrolles, le
Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, labbé Rocacher, Séraphin, Tollon.
Excusés : Mme Heng, M. Gérard.
Le Président ouvre la séance en annonçant trois nouvelles
candidatures au titre de membre correspondant de notre Société.
Puis il donne lecture dun courrier de M. Michel
Vidal, conservateur régional de larchéologie, qui informe la Société de sa
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volonté de proposer à la COREPHAE du 12 décembre prochain la protection au titre des
Monuments historiques de lensemble du site de la villa gallo-romaine de
Chiragan. Une telle mesure paraît nécessaire alors que se multiplient les opérations
durbanisation en milieu rural. Le Président ajoute que notre Société ne peut
quêtre favorable à une telle mesure, qui survient à point nommé puisque nous
nous inquiétions depuis plusieurs mois du devenir des parcelles que la Société possède
à Martres-Tolosane. Le courrier de M. Michel Vidal ne précise pas la nature de la
protection envisagée, mais on saccorde pour que la Société Archéologique demande
le classement de lensemble des parcelles.
Puis on entend le rapport sur la candidature de Mme Bernadette Suau qui
est élue membre correspondant.
La parole est ensuite à MM. Louis Peyrusse et Jean Nayrolles pour la communication du jour : Les terres cuites de Virebent : première approche.
Le Président remercie Louis Peyrusse de cette communication, et
demande à Jean Nayrolles sil souhaite y ajouter quelque chose. Celui-ci confirme
son parfait accord avec les hypothèses présentées, en insistant sur le fait que les
productions des Virebent sont très souvent des pièces uniques et non, comme on
lattendrait devant des chapiteaux par exemple, des productions en série.
Dominique Watin-Grandchamp croit pouvoir distinguer les productions
exceptionnelles destinées à quelques grands chantiers et une production de catalogue ;
elle souligne par ailleurs tout lintérêt que pourraient avoir aujourdhui
certains de ces moulages si les originaux ont disparu.
Louis Peyrusse dit que lon est certain des productions en série
des Virebent, mais que ce qui a fait la renommée de la manufacture, ce sont au contraire
des uvres quil faut retirer aux arts industriels. De ce point de vue, les
fabrications des Virebent sont très différentes des productions saint-sulpiciennes dont
les catalogues montrent des produits peu différenciés proposés dans des matériaux
divers. Bruno Tollon renchérit en faisant remarquer que les propriétaires des châteaux
qui ont fait appel aux Virebent auraient sans doute mal compris que lon use chez eux
de pièces produites en un très grand nombre dexemplaires.
Daniel Cazes se souvient quil a eu souvent loccasion, alors
quil était au Musée des Augustins, de sinterroger sur le mode de fabrication
de certaines uvres : on avait limpression dêtre tantôt devant le
moulage exact dun original, tantôt devant un moulage retouché avec une partie
modifiée ou une lacune comblée, ou encore dêtre en présence du moulage
dune uvre réalisée à cette seule fin.
Claude Péaud-Lenoël rappelle quau moins depuis le début du
XVIIIe siècle, les fabrications
semi-industrielles dobjet en terre cuite nécessitent de réaliser une matrice à
partir de laquelle sont tirés des moules en plâtre dont la durée dutilisation est
très brève et qui doivent donc être renouvelés. Il voudrait savoir si lon
connaît certaines matrices des Virebent. Il demande encore si lon connaît
déventuels modèles en bois, et par ailleurs ce que lon sait des procédés
démaillage utilisés par les Virebent. Louis Peyrusse répond quil est
certain que toutes les matrices ont disparu, et quil ne nous reste que quelques
moules récupérés par la fabrique Giscard dont les pièces ont été inventoriées
récemment par Philippe Gisclard ; il ne croit pas que les modèles aient été en bois,
et imagine plutôt des uvres modelées en plâtre. Quant aux procédés
démaillage, tout ce que lon sait pour linstant, cest que Gaston
Virebent avait reçu une très bonne formation dans ce domaine.
Louis Latour voudrait savoir dans quel cadre sexerçait la
collaboration entre le sculpteur Salamon, qui devait avoir son propre atelier, et la
manufacture des Virebent. Louis Peyrusse précise que Salamon a en effet exposé seul,
mais quil devait être lié par contrat pour certaines réalisations. Guy Ahlsell de
Toulza indique quil possède les factures de la manufacture Virebent pour un grand
groupe de lAssomption exécuté dans le style du XVIIIe siècle pour Rabastens, et quil y est fait mention dun travail de
sculpture dû à Salamon. Daniel Cazes rappelle que le sculpteur Beurné a également
travaillé pour les Virebent, ce que confirme Louis Peyrusse qui indique que lon ne
sait cependant presque rien de ce sculpteur.
Christian Mange revient sur la question des productions en série et
sinterroge sur la qualité des formes produites par la fabrique Virebent, où il ne
distingue pas de véritable originalité. Louis Peyrusse pense que notre confrère est
bien sévère, et il rappelle quil y a eu des productions bien plus médiocres que
celles des Virebent, alors que Jean Nayrolles insiste sur le fait que la fabrique
toulousaine offre un catalogue exceptionnel.
La séance sachève avec trois brèves communications. Pascal-François Bertrand saisit loccasion dune exposition pour compléter lanalyse dun dessin dHilaire Pader :
« Dans la brillante synthèse dAlain Mérot sur la peinture française au XVIIe siècle (Gallimard/Électa, 1994) figure dignement la production toulousaine et du Midi de la France, ainsi que ses principaux représentants, quil sagisse de Jacques Boulbène, de Jean Chalette, de Nicolas Tournier, du frère Ambroise Frédeau, dHilaire Pader, de Jean-Pierre et Antoine Rivalz. La manière « classique » de Tournier (Monbéliard, 1590 - Toulouse, 1639 ?), qui doit à Caravage, outre lutilisation dun puissant contraste entre les zones dombre et de lumière, un naturalisme exacerbé et à Annibal Carrache une rigueur dans la composition unifiée, est de nouveau rappelée par Véronique Gérard Powell, auteur du chapitre sur le XVIIe siècle du manuel, réalisé sous la direction dAlain Mérot, Histoire de lart. 1000-2000, qui vient de paraître chez Hazan (1995), et dans lequel le président de notre Société a écrit la partie consacrée à lart roman.
Un catalogue dexposition de Dessins français du XVIIe siècle (Paris, musée du Louvre, 28 janvier - 26 avril 1993) avait également retenu notre attention et nous aimerions revenir sur une des feuilles présentées à cette manifestation. Un dessin du musée des Beaux-Arts et dArchéologie de Besançon, intitulé Académie dhomme (cat. n° 106), est rendu par Jean-Claude Boyer
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HILAIRE PADER, ACADÉMIE D'HOMME
OU LE RETOUR D'ÉGYPTE.
Pierre noire, sanguine, crayon brun sur papier beige.
Besançon, Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie.
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au peintre et théoricien toulousain Hilaire Pader. Lhistorien sarrête sur la puissante académie dhomme au premier plan, mais semble éviter daborder la petite scène dun retour dÉgypte figurée à droite légèrement en retrait, bien quil rappelle que le peintre célèbre longuement dans sa Peinture parlante parue à Toulouse en 1653 un tableau de Poussin sur ce thème. Dans son dernier ouvrage sur le grand peintre du XVIIe siècle, Jacques Thuillier (Nicolas Poussin, Paris, Flammarion, 1994) cite le passage du livre de Pader, quil convient de donner à nouveau :
" Iai veu chez un Prélat qui chérit son Pinceau
Une vierge & son Fils sur le bord dun ruisseau,
Qui paroit à nos yeux arrouser son ouvrage :
Un batelier conduit sa nacelle au rivage,
Où la Mère pucelle, avec son chaste Espoux,
Contemplent en IESUS ce quil a de plus doux ;
Car bien que tout le soit, la douceur de sa face
Des traicts plus adoucis toute douceur esface :
Sa belle bouche semble estre preste à parler
Pour chérir une Croix quil apperçoit par lair,
Que des enfants aislés de lempirée apportent,
Et de leurs tendres bras en voltigeant supportent,
Nos yeux verroient ses yeux tourner de toutes parts
Si ce mystique obiect narrestoit ses regards ;
Il élève les mains & monstre par son geste
Que son cour reconnoist la machine céleste.
La face de la Vierge invite le Chrestien
Dadlmirer de son Corps le pudique maintien ;
Puisque ce rare ouvrier la mise avec aisance,
Sans que rien soit forcé, dedans la bien-séance ;
Le manteau quelle porte a droit de nous charmer ;
Non parce quil paroist coloré dOutremer,
Mais dautant que les plis sont faits avec adresse,
Et font voir tout à coup la force & la tendresse.
Certes, cest un chef-douvre, & ce chef-douvre est tel
Quil mérite à bon droit quon lait mis sur lAutel ;
Il nest point de Tableau, qui dabord ne luy cède,
Et les beautés de cent luy tout seul les possède "
Cette description a parfois été rapprochée dun tableau de Poussin du Dulwick College de Londres (vers 1629-1630 ; Thuillier, cat. n° 77), mais elle correspond plus précisément à une autre version peinte par Poussin sur ce thème, conservée au Cleveland Museum of Art (vers 1633 ; Thuillier, cat. n° 89). Si la composition du dessin de Pader est très éloignée de celle du tableau de Cleveland, elle ne peut être réduite à une académie, aussi puissante fut-elle. On sait par ailleurs, ainsi que Jacques Thuillier la souligné, que les descriptions des tableaux de Poussin données par Pader dans ses traités sont généralement vagues et confuses, hormis peut-être pour celle du Retour dÉgypte. Ne peut-on pas voir dans le dessin de Besançon sinon une variation, du moins une évocation plus ou moins lointaine dun original perdu de Poussin que Pader aurait pu admirer sur lautel de loratoire dun ecclésiastique (toulousain ?), amateur de peinture ? »
Gilles Séraphin expose quelques réflexions sur le donjon médiéval du château de Lavardens en Gascogne :
« Au cur de lancien Fezensac, le bourg castral de
Lavardens est très classiquement établi sur une serre dont lextrémité rocheuse
servait dès le Moyen Âge de socle à la résidence ou « salle » seigneuriale. Un mur
de ville étoffé de cinq tours quadrangulaires enfermait lensemble de ce castelnau
caractéristique, dans lequel avait pris place une imposante église paroissiale.
Lactuel château de Lavardens est attribué pour lessentiel
à la reconstruction réalisée pour le maréchal de Roquelaure par larchitecte
Levesville à partir de 1608. Cette construction nouvelle succédait à un édifice plus
ancien, attesté dès les années 1140 et dont on sait quune part importante des
maçonneries et du rocher qui les supportait fut réutilisée. Manifestement,
lancienne forteresse ne fut donc pas rasée dans les années 1575 comme le supposait
H. Polge (Lavardens dans C.A. Gascogne, 1970, p. 225-227).
Lirrégularité totale de lédifice, aux antipodes dun autre projet
réalisé pour le même maréchal de Roquelaure au Rieutord, laisse au contraire entrevoir
chez larchitecte de Lavardens un souci réel de coller au plus près aux structures
du château médiéval. La valeur symbolique de lancienne citadelle des comtes
dArmagnac méritait bien, sans doute, quelques égards.
De fait, les différences de maçonneries et dappareillage font nettement ressortir, au sein de lédifice du XVIIe siècle, la présence dun édifice médiéval complexe (J.-H. Ducos, Le château de Lavardens, Flaran, 1986, 40 p.), dont les volumes furent habilement réutilisés. Exemple : les contreforts du massif occidental, devenus les supports dune galerie sur arcades reliant des tourelles aux encorbellements savants. Exemple encore : loratoire seigneurial qui paraît bien sêtre installé dans les murs dune chapelle castrale antérieure.
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LAVARDENS, MASSIF OCCIDENTAL DU CHÂTEAU COMTAL. |
LAVARDENS, BASE DU MASSIF OCCIDENTAL. Les parements en
appareil moyen et les vestiges d'une porte en arc brisé |
Or cest précisément dans les bases du massif occidental, encadré par des deux tourelles-pavillons, que fut identifié le noyau du château primitif. Lassise de cet ouvrage, de 17 à 18 m de côté, aux murs épais d1,85 m, épaulés par sept contreforts, laisse entrevoir en effet une hauteur originelle et des proportions considérables. Sans la présence dune porte en arc brisé ouvrant au rez-de-chaussée, la silhouette caractéristique des donjons romans à contreforts de lOuest de la France viendrait demblée à lesprit. Si lon se réfère à la typologie établie par A. Châtelain, les contreforts de Lavardens, épaulant les maçonneries en laissant dégagé langle de la construction, se rattacheraient au « type B » et évoqueraient ceux des donjons de Caen ou de Grez-sur-le-Loing (Donjons romans des pays de lOuest, Picard, 1973, p. 27 et s.).
En fait, cest une tout autre filiation que suggère lexamen du plan de louvrage. Par ses dimensions et son plan de masse comme par certains détails, tels que lépaisseur des maçonneries, la saillie et la disposition des contreforts, la base du donjon de Lavardens renvoie en effet à des ouvrages nettement plus modernes.
La tour Saint-Laurent du palais des Papes offre ici le premier terme de comparaison. Les dimensions au sol, 17,20 m x 12,50 m, sont du même ordre comme la saillie et le nombre des contreforts. Mais, ici, lédifice nous est parvenu dans toute son élévation, avec ses 44 m de hauteur. On croit savoir par ailleurs que cette tour, qui fait partie de la campagne de travaux commanditée par Innocent IV, fut élevée entre 1353 et 1358 sous la direction dun maître duvre originaire dIle de France, Jean de Louvres (de Luperiis) (S. Gagnière, Le palais des papes dAvignon, C.N.M.H., 1977).
Le second terme de comparaison est fourni par un autre édifice prestigieux de la seconde moitié du XIVe siècle, le château royal de Vincennes. Ici, il ne sagit pas du donjon, édifié pour lessentiel par Charles V entre 1361 et 1369, mais des tours de la grande enceinte, réalisées après 1364 et vers 1370. On considère généralement que ces tours étaient destinées au logement des princes et des barons de lentourage royal. On y retrouve encore le principe dun ouvrage à contreforts saillants, disposés par deux ou trois, pour des tours dont lélévation dépassait quarante mètres. Mais ici les ressemblances sont plus précises : comme à Lavardens, les contreforts de Vincennes dégagent langle de la construction et sont de section carrée (E. Viollet-Le-Duc, Dictionnaire raisonné de larchitecture, t. IX, p. 107 ; F. Énaud, Le château de Vincennes, C.N.M.H., 1964). On pourrait encore évoquer la tour de Saint-Sauveur-le-Vicomte, donjon dallure romane, à contreforts dégageant les angles, édifié dans la seconde moitié du XIVe siècle. Elle-même serait une réplique provinciale des tours de lenceinte de Vincennes (J. Mesqui, Châteaux et enceintes de la France médiévale, Picard, 1991, t. 1, p. 200).
Les vestiges du donjon médiéval de Lavardens sont aujourdhui insuffisants pour en restituer les dispositions originelles. En revanche, le rapprochement avec les tours dAvignon et de Vincennes permet desquisser des hypothèses. Le programme contenu dans ces tours est variable. Un passage occupait initialement le rez-de-chaussée de la tour Saint-Laurent et deux des tours de Vincennes tenaient, entre autres, le rôle de tours-portes. Mais dans les deux cas, comme sans doute à Lavardens, la fonction résidentielle de ces ouvrages simpose. À Vincennes, les quatre tours dangle, loin dêtre
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Reste lévaluation chronologique. Le seul indice direct, larcature en arc brisé de la porte du rez-de-chaussée ne permet pas de trancher. Cependant, si lon considère que lédification du donjon de Lavardens pourrait être contemporaine de celle de la tour Saint-Laurent dAvignon, de lenceinte de Vincennes ou encore du donjon de Bassoues, il convient alors de lattribuer à Jean Ier, avant 1373, date de sa mort à Beaumont-de-Lomagne, ou à Jean II, avant 1385, date de sa mort en Avignon. On sait en effet que Lavardens qui était dans le douaire de Régine de Goth depuis 1302, ne fut récupéré par les Armagnac quavec Jean Ier à partir de 1327. Ce dernier, rallié à la cause de Charles V à partir des années 1360, occupa manifestement Lavardens dans les dernières années de sa vie. En 1359 (ou 1364 ?), il y rédigea un testament par lequel il instituait une collégiale et en 1372, il y conclut un traité dalliance avec le sire dAlbret. Surtout, les archives du comte y avaient été transférées en 1373, indice quune tour féodale que lon suppose fraîchement bâtie était susceptible désormais de les accueillir. »
Quitterie Cazes présente les principaux résultats des fouilles de la rue Mage à Toulouse :
« Vestiges dhabitats des Ier et IIe siècles, rue Mage à Toulouse, par J.-Ch. Arramond, S. Bach, Q. Cazes, N. Poux.
La fouille du terrain situé aux nos 24-26 de la rue Mage, inclus dans le périmètre de la ville antique, a permis la découverte de vestiges de deux habitats antiques successifs (1).
Le site présente une occupation humaine dès le Ier siècle de notre ère. Son évolution jusquà nos jours est principalement marquée par la présence dateliers de tanneurs vraisemblablement dès le XIIIe siècle jusquau XVIe siècle (2), puis, au XVIIe siècle,
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TOULOUSE, RUE MAGE, plan général des bâtiments actuels et des structures des Ier et IIe siècles.TOULOUSE,
RUE MAGE. |
par la construction dun hôtel particulier précédant celle des
bâtiments actuels. Seuls les témoins de la période antique feront ici lobjet
dune analyse. La plus ancienne occupation du site se traduit, dans le jardin, par la présence dun bâtiment dont seules les fondations ont été conservées. Celles-ci étaient composées de galets disposés dans une tranchée, dassez petites dimensions (5 à 10 cm de long), les plus importants étant réservés pour le parement. Trois à quatre assises de galets étaient ainsi observables. Le bâtiment lui-même, inégalement conservé, sétendait sur une surface de 9 m sur 5,20 m (hors-uvre). Il devait se poursuivre vers louest, comme en témoigne un départ de mur dans cette direction sur le côté nord. |
Aucun niveau de sol contemporain de cette construction na
été observé. Le seul élément qui puisse être mis en relation est un caniveau
repéré 9 m plus à louest : constitué de deux assises de briques reposant sur une
rangée de tegulae et couvert de deux nouvelles assises de briques, il possède la
même orientation que le bâtiment.
Lextrême rareté du matériel permet néanmoins de proposer une
datation dans la première moitié du Ier siècle. Le problème de la fonction de ces structures reste posé. À
lépoque antique, elles se trouvaient, comme aujourdhui, en cur
dîlot. En labsence daménagements spécifiques, on pourra donc penser
à un bâtiment secondaire à vocation plus ou moins artisanale ou agricole.
Un autre bâtiment lui succède, sans doute assez rapidement. Si aucun
vestige de mur na été conservé, en deux endroits, des fragments dopus
signinum ont été découverts à 142 m daltitude. Distants dun peu plus
de 9 m, ils sont de composition identique
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et font probablement partie du même ensemble, qui vient occulter au nord la fondation du bâtiment précédemment décrit. Il sagit dun pavement imperméable réalisé en béton de tuileau (mélange de chaux, de fragments de tuiles et damphores concassées méthodiquement) dune épaisseur de 0,05 m reposant sur un radier de galets liés au mortier dune puissance denviron 0,10 m. Ce dernier est situé directement sur la marne. Le plus grand fragment de mosaïque conservé et déposé mesure 0,80 par 0,48 m. Il est ponctué de plaquettes triangulaires de marbre rose, de tesselles noires rectangulaires et de tesselles blanches carrées (3). La plupart de ces tesselles sorganisent en motifs floraux stylisés, quatre tesselles noires rayonnant vers une tesselle blanche. Certaines de ces dernières ont également été incrustées isolément. La petite taille des fragments de mosaïque parvenus jusquà nous ne permet pas de restituer lorganisation stylistique et spatiale déventuelles divisions internes. Dautres exemples de ce type de mosaïque sont connus (4), mais sur aucun de ces sites une dévolution ou une localisation spécifique des vestiges étudiés dans un quelconque bâtiment na pu être mise en évidence. Ils sont généralement datés des
Ier et IIe siècles après le début de notre ère ; le contexte archéologique de la mosaïque du jardin de la rue Mage situe celle-ci dans la seconde moitié du Ier siècle. Le bâtiment dont ces fragments de mosaïque constituaient le sol avait, nous lavons dit, entièrement disparu. Il est cependant probable quil sagisse dune des composantes situées au centre de la parcelle dune construction à usage dhabitation. Dans la cour, à 142 m daltitude également, 4 fragments de
mosaïque en opus tessellatum ont été découverts. Ces fragments de facture
homogène ont été réalisés à laide de tesselles noires et blanches encastrées
dans un nucleus de mortier rose selon deux plans, lun oblique, lautre
orthogonal. Le tout reposait sur un béton de tuileau de deux centimètres environ puis
sur un radier dune dizaine de centimètres.
Le fragment situé au nord-ouest mesure 15 cm sur 25. Il est composé
de tesselles blanches de petite taille disposées en biais. Au centre, un autre morceau de
25 cm par 10 est fait de tesselles noires rangées en biais. Le troisième vestige de
même type à lest mesure 20 cm par 30 : des tesselles noires et blanches y ont
été incrustées selon les deux axes. La partie la plus occidentale a été réalisée
avec des tesselles noires disposées à 45° par rapport à la bande noire (de 3 rangées
de tesselles) et à la bande blanche toutes deux de direction nord-sud. Le fragment le
plus grand (45 cm par 25) est situé au sud. Il allie du nord au sud des petites tesselles
blanches suivant un plan oblique, une bande de 3 rangées de tesselles blanches, une bande
de 5 rangées de tesselles noires, une bande de 4 rangées de tesselles blanches, une
bande de 3 rangées de tesselles noires, le tout limité par des tesselles noires
agencées en biais.
Les différences dorientation et de taille des tesselles
participent au décor ; elles constituent aussi des indices architecturaux. Ainsi
connaît-on plusieurs exemples de mosaïques composées de tesselles noires et blanches
dont les bandes parallèles dessinent un cadre (5). Ces cadres suivis parfois de tesselles
rangées en biais définissent des aires géométriques limitées, voire des pièces.
Lespace central de la mosaïque était vraisemblablement de dominante blanche, en
tesselles de petite taille, et délimité par des cadres successifs de tesselles noires ou
blanches. Les différents fragments de la cour peuvent aussi bien appartenir à deux
pièces différentes (une à louest, lautre à lest), ou à deux tapis
juxtaposés. Dans lhypothèse où les cadres ne constituent pas des limites de
pièces, ils peuvent jouer le rôle de bandes de raccord. Sil existait un décor
central, il ne peut être restitué par manque déléments. Quant à sa datation,
par comparaison avec les exemples précités, elle doit sintégrer entre le
Ier et le IIe siècle ; les vestiges mobiliers et lobservation stratigraphique nous
permettant de limiter cette fourchette chronologique à la seconde moitié du Ier siècle. Ainsi, pour la même période nous
disposons dindices sûrs, bien que lacunaires, pour envisager une occupation de la
parcelle par deux éléments dhabitation faisant peut-être partie dun même
ensemble, lun donnant sur une rue, lautre au centre ou en fond de parcelle.
Dans cette hypothèse, le traitement apporté à chacun des deux ensembles mosaïqués
témoigne dune plus grande qualité dans la confection de celui jouxtant la rue Mage
; cela peut indiquer une prédominance dans limportance attribuée à la structure
ouvrant laccès à la parcelle, différenciation vraisemblablement en rapport avec
une dévolution différenciée de ces deux bâtiments.
1. Cette fouille de sauvetage urgent entrait dans le cadre dune intervention
avant travaux ; elle a eu lieu en deux phases, en août et septembre 1994 et en février
et mars 1995. La congrégation des Surs de la Charité-Présentation de la Sainte
Vierge en était le maître douvrage. La gestion de lintervention
archéologique a été confiée à lA.F.A.N. et le suivi de lopération
assuré par le Service Régional de lArchéologie de la D.R.A.C. de Midi-Pyrénées.
2. J.-Ch. Arramond, S. Bach, Q. Cazes : « Vestiges dune tannerie des XVe-XVIe siècle à Toulouse » dans Archéologie
du Midi Médiéval, à paraître en 1996.
3. Plaquettes dont les dimensions varient de 10 x 20 cm à 3 x 5 cm. Les tesselles noires
mesurent 1 x 2 cm et les blanches 1 cm2.
4. Par exemple à Saint-Bertrand-de-Comminges (C. Balmelle, Recueil général des
mosaïques de la Gaule, Province dAquitaine, Xe supplément à Gallia, t. IV, 1, Paris, C.N.R.S., 1980, p. 46-49),
Saint-Paul-Trois-Chateaux (H. Lavagne, Recueil général des mosaïques de la Gaule,
Province de Narbonnaise, Xe
supplément à Gallia, t. III, 1, Paris, C.N.R.S., 1979, p. 95), Apt (H. Lavagne, ibidem,
p. 150), Saint-Romain-en-Gal (J. Lancha, Recueil général des mosaïques de la Gaule,
Province de Narbonnaise, Xe
supplément à Gallia, t. III, 2, Paris, C.N.R.S., 1981, p. 253).
5. Par exemple à Carpentras (H. Lavagne, op. cit., p. 87),
Saint-Paul-Trois-Chateaux (ibidem, p. 96-98), Vienne (J. Lancha, op. cit.,
p. 29)., Saint-Romain-en-Gal (ibidem, p. 225), Saint-Bertrand-de-Comminges (C.
Balmelle, op. cit., p. 34-57), Périgueux (« Informations archéologiques », Gallia,
t. 37, 2, Paris, C.N.R.S., 1979, p. 498-502), Fréjus (« Informations archéologiques »,
Gallia, vol. 1-2, Paris. C.N.R.S., 1990, p. 206-214), Attricourt (« Informations
archéologiques », Gallia, t. 44, 2, Paris, C.N.R.S., 1986, p. 254-256), Limoges
(J.-P. Loustaud, « Les Thermes de la place des Jacobins à Limoges » dans Aquitania,
t. VI, Bordeaux, 1988, p. 81-124). »
M.S.A.M.F., T. LVI, page 290
SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1995
Présents : MM. Pradalier, Président, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour,
Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ;
Mmes Blanc-Rouquette, Labrousse, Merlet-Bagnéris, Pradalier-Schlumberger,
Watin-Grandchamp, MM. Bertrand, le général Delpoux, Hermet, Julien, Mange, Nayrolles, le
Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, labbé Rocacher, Tollon.
Invitée : Mme Latour.
Le Président accueille la Compagnie dans le réfectoire des
Jacobins où est installée lexposition
Le regard de Rome : portraits romains de Tarragone, Mérida et Toulouse, à
laquelle est consacrée la séance du jour.
Le Président rappelle que lexposition a été présentée à
Tarragone, au printemps, puis à Mérida, cet été, avant de lêtre à Toulouse, et
quelle a été demandée par Rome où elle sera accueillie dès février prochain.
Sans plus attendre, il donne la parole à Daniel Cazes, membre de notre Société et
conservateur du Musée Saint-Raymond, qui a été lun des maîtres duvre
de cette exposition avec les conservateurs des Musées de Tarragone et Mérida.
Daniel Cazes évoque en premier lieu les origines du projet, trois
ans plus tôt, alors quil sagissait très modestement déchanger des
uvres à loccasion dexpositions temporaires, afin de faire bénéficier
chaque musée des compléments que pouvaient lui apporter les deux autres collections de
sculpture romaine. Mais il est vite apparu que les trois collections rendaient possible un
projet commun plus ambitieux : une exposition consacrée au portrait romain.
Si les spécialistes disposaient dune bibliographie nombreuse,
lexposition pouvait faire découvrir à un public plus large un aspect majeur de la
sculpture romaine qui est le plus souvent un peu méprisée, et inviter nos contemporains
de la fin du XXe siècle à un jeu
de miroir en portant un regard nouveau sur ce qua été Le regard de Rome.
À cette fin, on a fait le choix dune exposition didactique,
servie par une mise en scène qui a le mérite de nêtre jamais gratuite et qui peut
jouer à évoquer la pompe impériale ou le faste des villes romaines sans pour cela se
substituer aux uvres.
Le propos est articulé en sept chapitres principaux matérialisés par les sections de lexposition.
1. Le pouvoir des images. Le mythe brisé
Le visiteur est accueilli par un splendide portrait dAuguste
arborant la couronne civique qui lui a été attribuée par le Sénat en 27 av. J.-C. Avec
six autres visages, il exprime dans le luxe et la pérennité du marbre une iconographie
politique où le pouvoir des images sert la stabilité dun système social. Reflets
dune culture homogène du bien-être, les portraits impériaux et ceux qui sen
inspirèrent ont contribué à la création dun véritable mythe de lEmpereur.
Le mythe se brise avec les crises qui secouent lEmpire et le
développement du christianisme saccompagne de la destruction des images divines et
des effigies impériales, illustrée ici par une reproduction dun graffiti de la
catacombe de la Porta Pinciana à Rome. Statues décapitées, visages mutilés
rappellent les conditions de leur disparition et de leur redécouverte.
2. LAntiquité admirée et retrouvée
Modèle politique et juridique jamais vraiment oublié, objet de ladmiration des humanistes, académiciens et antiquaires, retrouvée par les historiens et les archéologues modernes, lAntiquité romaine na cessé de fasciner. Ses portraits ont été lun des vecteurs essentiels de ce goût. Ils furent soumis, de la Renaissance à nos jours, à des études toujours plus précises et leur conservation généra les splendides collections et galeries de nos musées.
3. Matériaux et techniques. Formes et intentions
Après avoir évoqué les origines du phénomène du portrait
romain, encore très discutées, des uvres variées illustrent les techniques
utilisées et les codes de la représentation.
Tous les matériaux ont servi pour la réalisation et la diffusion des
portraits : métal des monnaies, des statues et des uvres dart de petite
dimension, pierre dure des intailles, terre cuite, calcaire et marbre divers parfois
associés pour jouer de leur polychromie
La plate-tombe de lévêque de Tarragone Optimus, de la seconde
moitié du IVe siècle ou du début
du Ve, permet dy ajouter la
mosaïque en même temps quelle introduit aux mutations que le portrait connaîtra
dans lEmpire devenu chrétien.
À côté des techniques, sont présentées les diverses formes que
prit le portrait romain : laspect fonctionnel de luvre, le costume, les
attributs, les gestes sont autant dindices du rang social et des intentions des
individus représentés.
4. Limage de lempereur et sa diffusion
Les portraits officiels de lempereur dépendaient dun prototype, créé généralement à Rome, le centre du pouvoir. À partir de celui-ci, les sculpteurs produisaient des répliques dont la codification iconographique était rigoureusement imposée mais dont
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L'EXPOSITION LE REGARD
DE ROME, organisée par les musées de Mérida, Tarragone et
Toulouse,
et présentée dans le réfectoire des Jacobins de Toulouse à l'automne 1995.
Cliché Musée Saint-Raymond, J. Rougé.
la facture pouvait varier. Plusieurs portraits de Marc Aurèle et de Lucius Verus
conservés à Toulouse, Tarragone et Mérida témoignent de cette pratique liée à une
large et rapide diffusion de limage impériale dans les provinces.
Cinq portraits de Septime Sévère montrent trois types iconographiques
distincts. Ils concordent avec des moments différents du règne et de la pensée
politique ou religieuse de lempereur.
5. Théâtre, forum et scénographie du pouvoir
Les théâtres romains, grands lieux de rassemblement des
populations urbaines, étaient un cadre idéal pour les statues figurant les empereurs et
leurs proches, comme le montrent les uvres découvertes dans ceux de Tarragone et de
Mérida. À Tarragone, un autel atteste même un culte adressé à la puissance divine de
lempereur.
Les forums municipaux de Béziers, avec un exceptionnel ensemble de
portraits julio-claudiens, de Tarragone et de Mérida apparaissent naturellement comme les
espaces publics les plus appropriés à la mise en valeur des portraits impériaux et au
développement de programmes statuaires liés à lexercice du pouvoir.
6. Mimétisme et individualité. Usages privés, regards publics
Luniversalité du portrait romain explique la diversité des individus dont nous connaissons la physionomie. Tous nétaient pas des empereurs ou des personnages publics aux effigies multiples. Beaucoup, désignés par les inscriptions accompagnant leur image, peuvent être situés dans la sphère « privée » de la société romaine et cest probablement le cas de bien dautres figurations, notamment funéraires. Mais le mimétisme ambiant, phénomène typiquement social, ne permet pas toujours de différencier sans ambiguïté leffigie privée de lofficielle. Ainsi tel jeune homme dépend-il dun portrait de Trajan et certaines têtes féminines font-elles hésiter entre une impératrice et une digne matrone limitant. Enfin, sous lEmpire se maintiennent des traditions iconographiques républicaines ou surgissent des réminiscences et des particularismes autochtones.
M.S.A.M.F., T. LVI, page 292
7. La permanence des images
La production des portraits diminua au cours des IIIe et IVe siècles, mais les effigies impériales continuèrent à jouer leur rôle dans la transmission de lidéologie officielle. Cette permanence est marquée, à la fin de lexposition, par le rare groupe, récemment identifié par Jean-Charles Balty qui propose de le dater de lannée 293, des quatre têtes de lempereur Maximien Hercule, de sa femme Eutropia, de son fils Maxence, futur empereur, et de son épouse Maximilla.
Le Président remercie Daniel Cazes de cette complète et
passionnante présentation dune exposition trop riche pour être épuisée en deux
heures. Il relève que le titre retenu était prémonitoire puisque cest finalement
à Rome que sachèvera le cycle. Remarquant lexceptionnelle qualité des
portraits provenant de la villa de Chiragan, il sinterroge sur le rôle
qua joué notre Société dans leur découverte. Après avoir rappelé quil se
propose de développer cet aspect au cours dune communication prochaine, Daniel
Cazes indique que la Société Archéologique du Midi de la France, fondée en 1831, a
surtout agi comme intermédiaire lorsque les fouilles ont repris à partir de 1842, mais
que lessentiel des sculptures trouvées sur le site lavait été par Du Mège
dans les années 1826 à 1830.
En réponse à une question de Jean Nayrolles, Daniel Cazes précise
que Du Mège avait en effet prévu la restauration des bustes antiques à laquelle
contribuèrent peu ou prou tous les sculpteurs de Toulouse. Il ajoute que les portraits de
Mérida nont pas été restaurés parce que découverts au moment où lon
sinterrogeait sur lopportunité de telles restaurations.
Guy Ahlsell de Toulza voudrait savoir si le groupe de Béziers ne
comportait que des bustes ou si, au contraire, les portraits faisaient partie de
sculptures en pied. Daniel Cazes répond quil sagissait très certainement de
statues, mais que les corps ont disparu, la « fouille » de Béziers nayant livré
que des fragments de marbre divers dont des fragments de doigts.
Pascal Julien sétonne de labsence duvres
provenant de Toulouse et demande sil ny a jamais été retrouvé aucune statue
impériale. Daniel Cazes rappelle que lon possède un fragment de statue cuirassée,
dailleurs dune extraordinaire qualité, qui provient de Toulouse mais rien de
plus hormis des dizaines de petits fragments qui témoignent dune statuaire qui a
bien sûr existé mais dont on ne sait rien.
À propos de la mosaïque funéraire dOptimus, Daniel Cazes
attire lattention de la Compagnie sur un détail du vêtement : la manche est en
effet ornée dune double bande bleue, comme dans les représentations des évêques
Ambroise et Maternus, sur une mosaïque murale de la fin du Ve siècle qui se trouve dans la chapelle San Vittore in Ciel doro de la
basilique Saint-Ambroise de Milan. Il semble donc bien que cette double bande bleue
caractérise le costume dun évêque, et que la mosaïque dOptimus, de la fin
du IVe ou du début du Ve siècle, en soit la plus ancienne
représentation connue.
SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 1995
Présents : MM. Pradalier, Président, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour,
Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ;
Mmes Blanc-Rouquette, Bourdieu, Cazes, Labrousse, Napoléone, Noé-Dufour, Suau,
Watin-Grandchamp, MM. Bernet, Bertrand, Cranga, Fabre, Ginesty, Hermet, Julien, Mange,
Nayrolles, Peyrusse, labbé Rocacher, Tollon.
Excusé : M. Péaud-Lenoël.
Le Président donne la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture
des procès-verbaux des séances des 7 et 21 novembre derniers.
Le Président indique quil a écrit au Conservateur régional de
larchéologie, M. Michel Vidal, pour lui donner laccord de notre Société au
classement au titre des Monuments historiques de lensemble des parcelles qui lui
appartiennent à Martres-Tolosane.
Le Président rend compte de deux réunions qui se sont tenues dans le
cadre de lUnion des Académies et Sociétés Savantes de lHôtel
dAssézat et de Clémence Isaure, puis présente la correspondance reçue.
Le Maire de Toulouse nous a adressé un exemplaire du projet élaboré
par le S.M.E.A.T., ce document devant permettre de recueillir observations et remarques.
Le Président rappelle que notre Directeur, M. Coppolani, a représenté la Société à
certaines séances du S.M.E.A.T.
Les rapporteurs entendus, M. Éric Morvillez et M. Jean-Marc Luce sont
élus membres correspondants.
La parole est ensuite à Catherine Bourdieu pour une communication sur Les uvres religieuses du sculpteur Pierre Affre (v. 1590-1669) dans la région toulousaine :
« Né à Béziers et arrivé à Toulouse avant 1617, le sculpteur Pierre Affre a fondé son atelier dans la capitale languedocienne dès le milieu des années 1620. À lexemple de bien des artistes de son temps, sa carrière sest orientée en partie, mais tout
M.S.A.M.F., T. LVI, page 293
naturellement vers lart religieux. Commandes prestigieuses, comme le décor de la chapelle de Garaison (1635-1666) et le grand retable de léglise Saint-Sernin (1645), ou bien ouvrages plus modestes, comme les bustes reliquaires du Fauga (1653) et de Rabastens (1655), Affre a réalisé ces uvres pour des clients issus de plusieurs diocèses méridionaux : dArreau en Comminges à Bordeaux, Limoges, Brive ou Saint-Papoul. Malheureusement, en raison de leur nombre très réduit, ses uvres conservées (six retables sur dix-sept, plus deux dessins) ne peuvent refléter quune image incomplète de son talent. Les jeunes sculpteurs formés dans son atelier ont prolongé avec difficulté son style aux formes sobres mais épanouies et majestueuses. Son fils François, le plus doué, a disparu prématurément et Simon, un autre de ses fils, ne possédait quun talent limité. Antoine Guépin, son gendre, montre un art très influencé par celui de Pierre Affre, sans atteindre bien souvent à la même maîtrise. »
Le Président remercie Catherine Bourdieu en regrettant que la
mauvaise qualité des diapositives nait pas permis à lauditoire de se faire
une idée précise du style du sculpteur et de la qualité des uvres.
Maurice Scellès sétonne que lon ait fait appel à un
sculpteur qui lui paraît bien médiocre, pour des chantiers dont il se demande sil
sagit de chantiers de second rang. Ny avait-il pas dautres sculpteurs à
Toulouse ? Catherine Bourdieu conteste le jugement porté et confirme quil
sagit au contraire de commandes de premier plan.
Pascal Julien atténue le jugement trop sévère de Maurice Scellès,
en remarquant cependant que si Pierre Affre nest pas un mauvais sculpteur, ce
nest pas non plus un grand artiste. Les choses changent en fait au milieu du
siècle. En 1653, Pierre Affre donne le dessin dun jubé pour Saint-Sernin, jubé
dont lexécution est reportée en raison de divers problèmes financiers. Mais en
1662, cest le moment où lon décide dériger un grand retable à la
cathédrale Saint-Étienne, qui est commandé à Gervais Drouet. Celui-ci introduit à
Toulouse le Baroque romain qui supplante le classicisme attardé qui prévalait jusque
là.
Bruno Tollon reproche à cette analyse dêtre trop imprégnée
dune vision linéaire de lhistoire. Pour Louis Peyrusse, les catégories du
Baroque déforment notre perception de luvre de Pierre Affre. Celui-ci
appartient au premier art de la Contre-réforme et ses sculptures se caractérisent
justement par une certaine forme de retenue et la recherche de lintériorité.
SÉANCE DU 9 JANVIER 1996
Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza,
Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès,
Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Napoléone, Noé-Dufour,
Pradalier-Schlumberger, Watin-Grandchamp, MM. Bernet, Bertrand, Blaquière, Catalo,
Cranga, le général Delpoux, Gilles, Gillis, Ginesty, Hermet, Julien, Lassure, Luce,
Mange, Manuel, le Père Montagnes, Nayrolles, Péaud-Lenoël, Peyrusse, labbé
Rocacher, Tollon.
Excusés : Mmes Bourdieu, Fraïsse, M. Gérard.
Le Président rend compte de la correspondance manuscrite. Nous
avons en particulier reçu une lettre de M. Manuel, dailleurs présent
aujourdhui parmi nous, qui remercie notre Société de son élection comme membre
correspondant, qui honore ainsi la Société des Amis du Vieux Cordes dont il a été
longtemps le Président. Relevant la modestie dont fait preuve M. Manuel, Henri Pradalier
lui affirme que son élection tient dabord à ses mérites personnels.
Le Secrétaire Général de lassociation FERMAT, M. Ferron, nous
a fait parvenir une vingtaine dexemplaires à distribuer du n° 1 de la Lettre
des Amis de lHôtel dAssezat, qui est aussi un appel à ladhésion.
Le Président fait circuler deux clichés en couleur dun coffret-reliquaire émaillé que lui a adressés
Neil Stratford. Il sagit dune uvre de Limoges, qui peut être datée des
environs de 1200 et qui pourrait provenir selon Marie-Madeleine Gauthier dune
église auvergnate. Ce coffret nous intéresse plus particulièrement parce que la scène
figurée représente le martyre de saint Sernin et parce quil a récemment été mis
en vente à Londres par Sothebys. La Ville de Toulouse sest décidée à se
porter acquéreur, mais aurait prévu une somme insuffisante, dailleurs de peu
inférieure au prix de vente. Toulouse vient donc de manquer une uvre
exceptionnelle, dont lacquisition aurait pu se faire dans un contexte tout aussi
exceptionnel puisque nous allons commémorer le 9e centenaire de la
consécration de Saint-Sernin.
On ne peut que déplorer que la Ville nait pas acheté ce
coffret, alors même que les crédits dacquisition mis à la disposition des musées
de Midi-Pyrénées par lÉtat ne sont jamais entièrement consommés. Le Directeur
régional des Affaires culturelles a lui-même protesté solennellement au cours
dune récente réunion des conservateurs parce quil était obligé de
retourner dimportants crédits qui navaient pas été utilisés. À la
mi-septembre 1995, seuls trois conservateurs avaient présenté des dossiers dachat
duvres, au demeurant relativement modestes. Il faut savoir que le financement
par lÉtat peut aller jusquà 50 %, part à laquelle peuvent encore
sajouter jusquà 20 % alloués par les départements ou la Région. Il y a de
quoi sinterroger sur les politiques dacquisition de la Ville de Toulouse et
des autres collectivités territoriales de la région.
M.S.A.M.F., T. LVI, page 294
COFFRET-RELIQUAIRE ÉMAILLÉ, |
COFFRET-RELIQUAIRE ÉMAILLÉ, |
M.S.A.M.F., T. LVI, page 295
Henry Ginesty fait remarquer que la part restant à la charge de la Ville dont dépend le musée peut être supérieure à ses possibilités quelle que soit limportance des autres financements. Pascal Bertrand rappelle que le montage financier des dossiers est en fait assez complexe, et que les acquisitions sont soumises à lapprobation de ce que lon appelle le « petit conseil ». Guy Ahlsell de Toulza affirme que la procédure peut être très accélérée si cela est nécessaire, et que tout peut être réglé en 24 heures.
Le Président donne alors la parole au Secrétaire-adjoint pour la
lecture des procès-verbaux des séances des 5 et 19 décembre derniers. Le Président
ajoute que Catherine Bourdieu aurait vivement souhaité poursuivre la discussion sur
Pierre Affre, mais quil lui était absolument impossible dêtre parmi nous
aujourdhui.
On entend ensuite les rapports sur les candidatures de M. Marc
Salvan-Guillotin et Mme Christine Aribaud, qui sont élus membres correspondants de notre
Société.
La parole est à Jean Catalo pour la communication du jour : Les fouilles de lHôtel dAssézat, publiée dans ce volume (t. LVI, 1996) de nos Mémoires.
Le Président remercie Jean Catalo davoir bien voulu répondre
à sa demande en étant bref, et le félicite davoir cependant su nous faire une
présentation claire de ces fouilles.
Le général Delpoux demande des précisions sur la profondeur des
découvertes par rapport au sol actuel. Jean Catalo indique que les niveaux les plus
anciens ont été trouvés à 5 m de profondeur, ces cinq mètres comprenant environ 3 m
de remblais sans doute dus aux incendies. Le niveau des graviers de Garonne est à peu
près le même que celui qui a été repéré de lautre côté de la rue
Peyrolières. À une question dHenri Pradalier, il répond que la nappe phréatique
doit se situer à environ 5 m du sol actuel, mais quil sagit dune simple
estimation car la construction de la paroi moulée qui a précédé la fouille et le
pompage constant en ont évidemment modifié le niveau.
Quitterie Cazes dit son admiration devant les résultats de cette
fouille, et en particulier devant la découverte exceptionnelle que constituent les
vestiges de la grande domus urbaine et du bassin qui lagrémentait ; elle
rappelle que cest la première fois que sont mis au jour dans Toulouse les vestiges
dune maison romaine.
Louis Peyrusse demande si lon connaît dautres exemples,
dans dautres villes, de demeures urbaines de cette importance situées, comme à
Toulouse, à proximité immédiate de grands édifices publics comme le théâtre ou le
temple du Capitole. Jean Catalo souligne le fait que les fouilles en centre ville sont
finalement assez peu nombreuses, et quil est rare quelles permettent de saisir
des ensembles de ce type ; on a eu ici la chance de pouvoir déterminer les dimensions du
bassin, ce qui nous donne une meilleure idée de limportance de la demeure.
Le Président voudrait avoir des précisions sur les datations
proposées. Jean Catalo indique que les principaux indices de datation sont donnés par
les céramiques arétines et sigillées gauloises, produites à Montans et la
Graufesenque. La première occupation peut être située entre - 10 av. J.-C. et 10 après
J.-C. Quant à la domus, elle se place entre 0/30 après J.-C. et 40/80.
En réponse à une question du général Delpoux, Jean Catalo
rappelle que la cour principale de lHôtel na pas été fouillée, et que le
suivi des travaux de tranchées qui y ont été réalisés a seulement permis de confirmer
la datation
de la construction de lHôtel dAssézat. Par ailleurs, les
deux niveaux de caves de lHôtel, dont la profondeur est supérieure à 5 m, ont
certainement fait disparaître des niveaux doccupation antérieure.
Maurice Scellès sinterroge sur le fait quun regroupement
parcellaire ait été réalisé au XIVe siècle sans projet de reconstruction. Quel est lintérêt dune
telle opération, et ne peut-on faire lhypothèse dun projet abandonné ? Jean
Catalo ne le croit pas, pour la raison que lon a plusieurs exemples de regroupements
parcellaires dans ce même îlot, ce qui laisse entendre que lon est en présence de
pratiques liées à des spéculations foncières sans projet architectural.
Bruno Tollon souligne la richesse des informations que livre ce
travail, ce qui met une fois de plus en évidence tout lintérêt de travailler en
équipe. Il relève que le fait que limpôt ait été calculé en fonction de la
largeur sur la rue doit être mis en relation avec les dispositions dhôtels dites
« en poêle à frire », cest-à-dire se développant en fond de parcelle à partir
dun simple accès à la rue. Il est certain que seule la prise en compte de sa
complexité peut permettre daborder létude de milieu urbain.
Guy Ahlsell de Toulza demande quelles sont les traces effectivement
repérables de lincendie de 1463. Jean Catalo précise que bien sûr seules les
fondations des bâtiments ont pu être observées, et que lon ne retrouve pas les
traces de lincendie lui-même. Ce sont en fait les remblais dincendie,
comportant des matériaux qui ont subi laction du feu, qui ont été produits par
les démolitions des bâtiments endommagés.
Au titre des questions diverses, Maurice Scellès annonce que deux nouveaux échanges de publications viennent dêtre mis en place, lun avec Udine en Italie, lautre avec lInstitut archéologique de Londres.
Louis Peyrusse attire une nouvelle fois lattention de la Compagnie sur les travaux de restauration réalisés à Saint-Sernin :
« Je souhaiterais attirer lattention sur létonnante
restauration de la Porte Miègeville à Saint-Sernin, sans vouloir relancer une
polémique, puisque par deux fois la Commission Supérieure des Monuments Historiques, en
1979 et 1990, a décidé de dérestaurer luvre de Viollet-le-Duc.
Avant lintervention de Viollet-le-Duc, la porte Miègeville
était couronnée dun édicule très simple exécuté en 1752 : un attique mouluré
creusé dun tableau. En témoignent la lithographie daprès Fragonard fils
publiée dans les Voyages Pittoresques du baron Taylor (1834) et les calotypes de
la collection Le Pourhiet (v. 1855).
M.S.A.M.F., T. LVI, page 296
Viollet-le-Duc lavait remplacé par un fronton polygonal dont
les rampants étaient soutenus par trois colonnes saillantes ; le tympan était décoré
de deux oculi aveugles (un damier bicolore brique et marbre). Ce fronton était à
lorigine amorti par des sculptures données par larchitecte : « ces bêtes
damortissement » rappelant les chimères de Pierrefonds, avaient depuis longtemps
disparu.
Ce tympan, sans le décor sculpté des amortissements, était conservé
dans les dessins de dérestauration de M. Yves Boiret, projet accepté par la Commission
Supérieure des Monuments Historiques en 1990. Pourquoi ce geste de conservation ?
Difficile à dire. Sans doute par lapplication homéopathique de la Charte de Venise
précisant que les apports valables de toutes les époques à lédification
dun monument doivent être respectés. Sans doute le dernier geste pour saluer
Viollet-le-Duc : une trace incomplète pour le siècle de lHistoire.
Il faut croire que ces élévations plusieurs fois publiées,
présentées dans des expositions, arrêtées par la Commission Supérieure des Monuments
Historiques, étaient susceptibles de révision selon lhumeur de larchitecte
puisquil a décidé de gommer tout souvenir de Viollet-le-Duc pour restituer «
létat antérieur ».
On pourrait sourire si cette démarche ne contenait en soi
dinquiétantes perspectives. Car pour être logique avec lui-même, M. Boiret
devrait rétablir les consoles damortissement installées en 1752 au sommet des
contreforts ; il devrait démolir lenfeu des comtes de Toulouse dont le décor
moissagais refait au XIXe siècle ne peut que lui être
insupportable, et rétablir la chapelle avec façade des XVIIe
et XVIIIe siècles. Dans lélan, pourquoi ne pas
démolir le complément apporté à la façade occidentale par Hulot entre 1920 et 1929 ?
On sourirait si, sur ce point comme sur dautres, la logique parfaite dont se
réclame M. Yves Boiret napparaissait comme fausse et incapable de parvenir à un
retour à létat antérieur attesté. On sourirait si la désinvolture avec
laquelle on a agi sur Saint-Sernin ne faisait craindre le pire pour la restauration à
venir de labside principale dont tout laisse croire quelle sera encore une
fantaisie de lArchitecte en Chef. On sourirait si la présentation de la dernière
« restauration » reconstruite nétait pas des plus étranges : alors que les murs
supérieurs de Saint-Sernin sont reconstruits en parpaings dissimulés par des briques de
parement unifiées par un traitement à lacide qui leur donne un aspect rose bonbon,
le nouveau couronnement de la porte Miègeville est traité avec un ciment gris qui jure
dans la confiserie ambiante.
On espère quil ne sagit pas dune nouvelle façon de
signaler à lattention les restitutions de M. Boiret, mais dun état
dattente jusquà ce que soient nettoyées les sculptures de la porte
Miègeville. Car cest sans doute la raison pour laquelle les reliefs sculptés de
saint Jacques et de saint Pierre sont maintenus sous une « protection » de chantier
élémentaire ?
On sinterroge et on sinquiète. Avec une verve féroce, en
1990, M. Boiret avait dénoncé dans les erreurs de la restauration réalisée sous la
direction de Viollet-le-Duc à la fin du Second Empire des erreurs de vieillesse du grand
architecte, trop sûr de lui et de son système. LHistoire se répète-t-elle ? On
constate avec tristesse que sur un chantier essentiel et qui devrait être exemplaire, les
mauvaises habitudes des chantiers des Monuments Historiques continuent de fonctionner et
que ce service est incapable de faire respecter ses propres décisions par des employés
qui, en lui imposant le poids de leur lobby, se permettent de défigurer le patrimoine
avec largent public. »
Louis Latour dit quil avait été également surpris par les
travaux en cours, et que pour en savoir un peu plus il avait essayé de lire le panneau
explicatif installé par le Service des Monuments historiques à proximité. Il
sétait trouvé obligé de conclure quaucune décision navait encore
été prise pour cette partie de lédifice au moment de sa rédaction.
Pour le Président, il y a de quoi sinterroger en constatant que
le projet approuvé par la Commission supérieure des Monuments historiques ne correspond
finalement pas entièrement aux travaux exécutés.
On rappelle par ailleurs que les deux reliefs du portail Miègeville
qui représentent saint Pierre et saint Jacques sont restés masqués par des
contre-plaqués après la dépose des échafaudages au printemps 1995. Tous ceux qui
depuis ont visité Toulouse et la basilique ont dû être ravis dapprendre, par un
petit panneau fiché hâtivement dans la pelouse, que la présence de ces plaques était
nécessitée par des analyses en cours. On sait bien que ces contre-plaqués ont en fait
été installés pour protéger les sculptures pendant les travaux
On attend
maintenant avec impatience les passionnants résultats des études « scientifiques »
annoncées.
La Compagnie est informée de la disparition récente de statuettes
du portail de léglise de la Dalbade. Lorsque la photographie présentée a été
prise, une seule niche était vide, mais ce sont maintenant huit statuettes qui ont
disparues et qui ont peut-être été volées en profitant des échafaudages installés
par les Monuments historiques sans aucune protection.
Pascal Bertrand ajoute quà lHôtel de Malte voisin, il
sera bientôt nécessaire de doubler le filet installé sous la corniche en raison des
chutes de pierres. Il constate également que des fenêtres sont ouvertes, des vitres
cassées et se demande quel était alors lintérêt de fermer lentrée par un
grand rideau de fer. Le général Delpoux ajoute quun témoin lui a affirmé que
deux cheminées en marbre avaient été volées récemment à lHôtel de Malte.
Dominique Watin-Grandchamp présente une communication sur le pavillon « Louis XVI », rue Henri-Glady à Cugnaux :
« Lancien domaine de Lacans dit « pavillon Louis XVI » sur
la commune de Cugnaux est situé dans lancienne ceinture viticole de Toulouse, le
long dune route où les parlementaires de la seconde moitié du XVIIIe siècle achètent des propriétés et
font bâtir. Lédifice qui nous intéresse est lié à son parc qui se développe
encore à lOuest. Il représente un plan en U avec 2 ailes de dépendances en retour
sur cour à lEst.
Laile nord abrite des pièces à fonction domestique, rejetées
du pavillon central ainsi que des remises et écuries. Laile sud est occupée par un
chais.
M.S.A.M.F., T. LVI, page 297
CUGNEAUX (HAUTE-GARONNE),
DOMAINE DE LACANS, plan du rez-de-chaussée.
Relevé D. Bertrand-Marchenoir.
Dans le parc, le tracé conservé des allées de buis répond
parfaitement aux percements de lavant-corps du pavillon central qui abrite un
prestigieux salon de compagnie. Sur cour, la façade est traitée sans apparat avec 5
travées simples, celle du centre étant marquée par deux pilastres ; la façade sur
jardin a fait lobjet dun soin particulier avec les 5 travées marquées par
des pilastres à faux bossage de brique. Le salon de compagnie qui répond à cette
élévation est de plan octogonal et 3 pans de loctogone occupent les 3 travées
centrales débordantes ornées de bas-reliefs de terre cuite. Une balustrade pleine marque
un faux attique où les pilastres sont amortis par des pots de terre cuite.
Cette façade évoque des modèles célèbres inspirés de Jacques Ange
Gabriel et en particulier le parti et les dispositions du pavillon de chasse du Butard
entre Versailles et Marly. Dans le milieu toulousain, des comparaisons sont possibles avec
Reynerie et cest sans doute un bon exemple des contacts des artistes locaux avec le
milieu parisien.
Le salon de compagnie, denviron 6 x 6 m, est le cur de
lensemble et sa décoration, stucs et toiles peintes, est prestigieuse. Cest
aux qualités de chercheur de M. Burroni que nous devons sa découverte. En effet, pour la
restauration des stucs de lhôtel Dubarry à Toulouse, il avait recherché un
édifice cité dans la thèse de Mme Faucher-Magnan (un procès entre Dubarry et le
peintre F.-C. Derome signalait que Julia, auteur des stucs de lhôtel Dubarry, avait
également travaillé dans ce pavillon de Cugnaux).
Lédifice « retrouvé » abritait bien des modèles de Julia
mis en uvre à lhôtel Dubarry après 1777 et à Reynerie après 1781. Ici,
les panneaux de Julia célèbrent les arts avec des sphinx qui annoncent lEmpire.
Outre ses chantiers toulousains, Julia travaille à lopéra de
Versailles avec Pajou de 1768 à 1770. Ils se côtoient également à lAcadémie des
Beaux-Arts de Toulouse où Pajou est reçu en 1777, après avoir exposé aux salons de
1767 et 1770. Ils travailleront tous deux dans la classe de Lucas et liconographie
du décor de Cugnaux peut se lire comme un hommage à lécole toulousaine et à ses
maîtres, du moins si on considère un Apollon en médaillon répété plusieurs fois, qui
est la copie dun marbre de la galerie des Offices de Florence faite par Lucas et
exposée au salon de 1775 avec un grand succès.
Les panneaux de toiles peintes qui habillaient les murs du salon ont
été retrouvés après bien des péripéties et restaurés à linstigation de Mme
Sire, inspecteur des Monuments Historiques. Ces panneaux sont des éléments de
décoration intérieure rares dans nos contrées, dans la manière de Rançon ou de Mique
pour le boudoir de Marie-Antoinette. Ils puisent leur inspiration dans la Renaissance
italienne avec des petits panneaux en grisaille, des arabesques, des vases aux
camées
Des rinceaux habités doiseaux mettent en valeur des scènes
champêtres ou des marines.
Le problème de lattribution précise de ce décor reste posé :
il y a peu de peintres de marine dans le milieu local, mais deux peintres familiers de
Dubarry et très influencés par les marines de Vernet ont pu le réaliser. Le premier est
François Valentin Gazart, qui quitte Toulouse pour Versailles en 1786, mais en gardant
des contacts avec lAcadémie de Toulouse et en particulier avec le sculpteur Lucas.
Le second est Pierre Joseph Wallaert dont la manière semble bien correspondre à ce
décor : né à Lille en 1755, il a un atelier à Toulouse en 1786, il est membre de
lAcadémie et élu artiste associé en 1787. On lui attribue des paysages peints à
la détrempe dans le salon du comte Dubarry au château de Lévignac. Il fréquente
également Lucas.
M.S.A.M.F., T. LVI, page 298
2e partie Séances du 23 janvier 1996 au 30 mars 1996 |
3e partie Séances du 2 avril 1996 au 18 juin 1996 |