Société Archéologique  du Midi de la France
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Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LVI (1996)



BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE

1995-1996

établi par Maurice SCELLÈS

 

Cette édition électronique respecte la mise en page de l'édition imprimée (Bulletin de l'année académique 1995-1996, dans Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, t. LVI, 1996) dont nous indiquons la pagination. Les corrections nécessaires ont été apportées et quelques illustrations en noir et blanc sont remplacées par des illustrations en couleur.


1ère partie
Séances du 7 novembre 1995 au 9 janvier 1996
2e partie
Séances du 23 janvier 1996 au 30 mars 1996

3e partie
Séances du 2 avril 1996 au 18 juin 1996


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SÉANCE DU 23 JANVIER 1996

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-


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adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Noé-Dufour, MM. Bertrand, le général Delpoux, Ginesty, Hermet, Julien, Mange, Manuel, Morvillez, l’abbé Rocacher, Tollon.
Excusée : Mme Labrousse.

    Le Président donne la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal de la dernière séance.

    Plusieurs interventions complètent notre information sur le sort des statuettes du portail de la Dalbade.
    L’abbé Rocacher a obtenu des précisions selon lesquelles sur six statuettes, quatre auraient été récupérées, et deux auraient disparues. Le Président donne alors lecture d’une lettre que lui a adressée à ce propos le général Delpoux dès le 10 janvier : secrétaire de l’Association de défense des Amis de la Dalbade, il a rendu visite en compagnie de la Présidente de l’Association au nouveau curé de la paroisse ; deux statuettes ont été déposées par M. Voinchet et sont actuellement dans la sacristie, une autre aurait été déposée par ses services et aurait été emportée pour étude, la quatrième a été volée avant que ne soit prise la décision de les déposer.
    Pour Pascal Bertrand, il y avait bien six statuettes dont les quatre évangélistes. Bruno Tollon rappelle qu’il existe d’assez nombreuses photographies, des années 1970 ou plus anciennes, qui montrent ces statuettes, et qu’elles permettraient de faire la vérification. Le Président constate que nos informations divergent sur bien des points ; il propose que ceux qui connaissent le mieux ce dossier les complètent et les vérifient dans la mesure du possible.

    Le Président annonce à la Compagnie que la visite du Bureau de la Société sur le site de Chiragan, à Martres-Tolosane, a dû être reportée au 24 février. On indique par ailleurs que la prochaine COREPHAE, au cours de laquelle doit être examinée la proposition de classement du site au titre des Monuments historiques, est fixée au 13 février.
    Le Secrétaire-adjoint donne ensuite des informations sur les contacts qui ont été pris avec M. Francis Bueb, fondateur du centre André-Malraux à Sarajevo, suite à l’article paru dans Le Monde le 27 décembre dernier. Il a été convenu d’envoyer gratuitement au centre André-Malraux et à l’Université de Sarajevo les dix derniers volumes de nos Mémoires, et de leur adresser gracieusement les volumes des prochaines années. Il est en outre envisagé de compléter dans un second temps, par l’envoi de volumes plus anciens, la collection destinée à la bibliothèque de l’Université.

    Le Président donne alors la parole au Trésorier pour la présentation du bilan financier. À l’unanimité, il est donné quitus au Trésorier pour sa bonne gestion.
    On procède alors aux élections statutaires. Votent les douze membres titulaires présents. Henri Pradalier, Daniel Cazes et Louis Latour sont réélus respectivement Président, Secrétaire Général et Bibliothécaire-archiviste.
    En son nom et au nom de Daniel Cazes et Louis Latour, le Président remercie la Compagnie pour cette confiance renouvelée.

    Puis le Président rend compte d’un courrier que nous a adressé M. Caulet, à propos de la prochaine rencontre à Perpignan de l’association des Sociétés savantes méridionales. Il souhaite que nous lui fassions parvenir une notice sur notre Société, comprenant un historique, une présentation de ses activités, la liste de ses membres…
    Le général Delpoux fait circuler dans l’assistance le premier numéro de Lettre de Châteaux, d’Europe centrale et d’Europe occidentale, publiée par le Fonds International pour la Conservation du Patrimoine Historique Européen (FIPE). Cette association a été créée il y a à peu près un an pour aider les anciens pays de l’Est à retrouver leur patrimoine ; la Hongrie, la Tchéquie et la Slovaquie en font partie, et l’on espère que la Pologne la rejoindra bientôt.

    À la demande du Président, il est fait une présentation de la revue MoMus, citée lors de la dernière séance.

    « L’association Momus est née de la volonté d’un groupe de personnes, dont des historiens d’art et archéologues, professeurs, conservateurs ou critiques d’art, de faire pièce à la langue de bois du Ministère de la Culture. Elle se propose d’être « un groupe de réflexion et d’action pour le patrimoine » dont la première arme se place sous le signe du dieu Momus, dieu de la critique et de l’ironie. Un article du dernier numéro paru (n° 5, 1995) permet d’attirer l’attention sur le fonctionnement de l’administration des Monuments historiques. Nous en retenons un extrait, celui de l’affaire de la cathédrale de Beauvais, rendue publique par un article paru dans Le Figaro en 1993 puis par Jean-Pierre Halévy dans le journal Libération du 25 mai 1995. On apprenait ainsi que des désordres menaçaient gravement l’édifice, que des crédits d’urgence étaient débloqués, mais que les travaux n’étaient pas confiés à l’architecte en chef des Monuments historiques en charge de l’édifice depuis 1991, M. Jean-Louis Taupin. Pour mériter cette sanction, celui-ci avait commis l’erreur de proposer de ne pas se contenter d’un traitement provisoire, mais de traiter les problèmes au fond en utilisant les méthodes modernes d’analyse des structures et des forces et en faisant appel à des ingénieurs. « Mais surtout, il avait commis un crime impardonnable. Désespéré par l’immobilisme des pouvoirs publics, il avait alerté la presse et révélé, notamment, que l’état de l’édifice avait empiré depuis qu’une grande partie des tirants de fer médiévaux avaient été retirés, dans les années soixante, par l’architecte en chef alors en charge de la cathédrale, qui les croyait modernes et les jugeait inesthétiques… » La suite est bien décrite par J.-P. Halévy : M. Taupin a reçu un blâme et a été sévèrement rappelé au fameux « devoir de réserve ». Désormais un « secret-culture », analogue au secret-défense, semble couvrir tout ce qui concerne la cathédrale de Beauvais ».  


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Le Président souligne qu’il est assez symptomatique que le blâme ait été donné pour manquement au devoir de réserve et non pour une faute commise dans la restauration de l’édifice. On fait observer que l’administration a tendance à élargir le champ d’application de l’obligation de réserve bien au-delà du nécessaire. Celle-ci déborde largement le cadre du fonctionnement des services pour s’appliquer à toute intervention publique, obligation étant faite à tous les personnels d’exprimer le seul point de vue officiel de l’administration. Il est quand même curieux qu’un conservateur ou un architecte ne puisse exprimer librement un avis technique ou scientifique dans les domaines où il est a priori le plus compétent.

    L’abbé Rocacher prend la parole et commence à évoquer les problèmes que posent les travaux du palais de Justice. Après avoir été pendant huit ans membre de la COREPHAE, il n’a plus la possibilité de suivre le dossier et ses informations sont désormais indirectes. Il s’avère en tout cas que tout sera décidé en haut lieu par le Ministère de la Justice, lequel appliquera sa propre politique, en faisant appel à ses propres crédits et à ses propres architectes. L’abbé Rocacher avoue être un peu amer devant la tournure prise par certains dossiers, après les longs combats menés pour défendre le patrimoine. Il rappelle également toute la procédure suivie pour examiner le dossier de la Manufacture des tabacs : les membres de la COREPHAE ont été amenés sur place, un spécialiste de l’architecture industrielle de la Sous-direction de l’Inventaire est venu à Toulouse, on a délibéré de 9 heures à 15 heures… La COREPHAE a voté à la quasi-unanimité l’inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques et la proposition de classement… Tout cela pour que l’Architecte des Bâtiments de France accorde une dérogation à l’architecte chargé des travaux qui a ainsi pu démolir les trois quarts des façades…
    L’Administration joue dans ces affaires un jeu curieux. Qu’il s’agisse des services chargés du patrimoine ou de la préfecture, on use le plus souvent de réponses dilatoires, et la démolition a lieu alors que l’on a été assuré que le dossier était en de bonnes mains. On rappelle que nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion de constater la mauvaise foi voire la malhonnêteté des réponses qui nous avaient été faites par la Direction régionale des Affaires Culturelles ou par la Conservation des Monuments historiques, réponses dont il a d’ailleurs été rendu compte dans le Bulletin (M.S.A.M.F., t. LIII, 1993, p. 226-228).

    Bruno Tollon indique que les membres de COREPHAE, comme ceux de la Commission supérieure, ne sont jamais informés des suites données aux propositions de protection. Et il faut toujours garder à l’esprit que ces commissions n’ont qu’un avis consultatif, la décision étant en fait prise par le préfet ou le ministre.
    On fait encore remarquer que le fonctionnement de la COREPHAE est tout à fait symptomatique de l’esprit de l’administration française : cette commission qui réunit des scientifiques et des personnalités concernées par le patrimoine a été organisée de façon à être entièrement contrôlée par l’administration, qu’il s’agisse du choix des membres ou de la définition de l’ordre du jour. Il faut croire que l’administration française est incapable d’imaginer une commission indépendante, dont les membres seraient désignés par d’autres institutions, libre de son ordre du jour et libre de questionner l’administration de la culture. Bruno Tollon rappelle à ce propos que la main-mise de l’administration était particulièrement évidente lors de l’examen de projet de restauration de Saint-Sernin, la section « Travaux » de la Commission supérieure des Monuments historiques étant alors majoritairement composée de représentants du ministère et d’architectes en chef des Monuments historiques ; seuls trois historiens d’art en faisaient partie.

    L’abbé Rocacher évoque encore les fouilles de l’ancien hôpital Larrey et les promesses qui avaient été faites alors. Dans ce cas, la démolition des vestiges mis au jour a de plus été justifiée par l’administration parce que ceux-ci avaient été étudiés ! On fait remarquer que la façon dont sont traités les vestiges archéologiques conservés en sous-sol plonge ses racines dans une tradition française déjà ancienne, qui semble considérer que tout ce qui est antérieur à Clovis n’appartient pas à l’histoire de France. En consultant la liste des monuments protégés au titre des Monuments historiques en France, on s’aperçoit que les monuments antiques souffrent d’un désintérêt exagéré. On comprend mieux comment Toulouse a pu détruire sans trop d’états d’âme la plupart de ses monuments romains. Deux exemples parmi d’autres : le théâtre romain retrouvé en 1880 sous la rue de Metz qui était le plus grand théâtre antique connu en Gaule, et qui n’a d’ailleurs été identifié que dans les années 1960 par Michel Labrousse ; plus récemment, le podium du temple mis au jour place Esquirol, détruit alors que l’on avait là, avec celui de Narbonne, le plus grand temple romain découvert en France… Les monuments conservés au-dessous du sol n’existent pas pour bien des édiles mais aussi pour nombre de ceux qui ont en charge le patrimoine, et les monuments antiques conservés en élévation n’ont pas droit à plus d’égards.
    L’abbé Rocacher rappelle que l’on a demandé à plusieurs reprises que soit engagée une procédure de protection du rempart romain de Toulouse, et que l’administration des Monuments historiques s’y est toujours refusée. Maurice Scellès fait toutefois remarquer que le dossier demanderait un travail très long en raison du très grand nombre des propriétés qui seraient concernées. On convient qu’il serait pourtant tout à fait possible de procéder par étapes, et que l’on se heurte en fait à un refus évident de mettre en œuvre la procédure. Il en va d’ailleurs de même pour le rempart médiéval du boulevard Duportal dont la protection est tout aussi nécessaire.
    On évoque enfin les relevés et les moulages dont font l’objet les vestiges retrouvés au cours des fouilles, et dont l’utilité est incontestable, mais qui ont un effet pervers que l’on a pu constater sur le site de l’hôpital Larrey : on développe parallèlement l’idée que l’étude remplace l’objet dont la conservation ne s’imposerait donc plus.

    Le Président demande si l’on a des informations sur le Secteur sauvegardé de Toulouse. Il est répondu que le règlement de secteur sauvegardé n’a finalement pas été adopté par le conseil municipal. Le Président s’adresse alors à M. Hermet en invitant les Toulousains de Toulouse à publier l’information dans L’Auta. Puis il propose que le débat qui vient d’avoir lieu soit le point de départ d’un travail en commun sur la conservation et les destructions du patrimoine de Toulouse. Ce travail pourrait prendre la forme d’un article qui serait envoyé à MoMus. Plusieurs membres acceptent de se charger des différents dossiers.

 

    À propos du projet pour l’agglomération toulousaine produit par le SMEAT, le Président rappelle que la Mairie sollicite des remarques et des suggestions.


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    Il semble qu’il y ait matière à s’interroger, et sans doute à s’inquiéter. Il est en tout cas évident que la place occupée par le patrimoine est très réduite. Lorsqu’il est pris en compte, c’est de la manière la plus vague. On fait par ailleurs remarquer que le document use d’une façon générale d’un style et d’un jargon assez peu clairs.
    À la demande du Président, un membre accepte de suivre le dossier et d’informer notre Société de son évolution.

    Guy Ahlsell de Toulza annonce à la Compagnie qu’il a appris le décès du comte Geoffroy de Goulaine, survenu il y a quatre ou cinq mois. Le comte Geoffroy de Goulaine, devenu membre correspondant de notre Société en 1967, était membre libre depuis 1989.

 

SÉANCE DU 6 FÉVRIER 1996

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Fraïsse, Labrousse, Pradalier-Schlumberger, MM. Bernet, Bertrand, Cabau, Cranga, le général Delpoux, Ginesty, Hermet, Mange, Manuel, le Père Montagnes, Tollon.
Excusés : Mme Cazes, MM. Julien, Manière, Peyrusse.

    Le Président donne la parole au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal de la dernière séance.

    Guy Ahlsell de Toulza s’inquiète de l’impact qu’aura ce procès-verbal s’il n’en est donné qu’une version édulcorée lors de la publication du Bulletin. La revue MoMus en donnera peut-être un écho, mais il serait souhaitable que les Toulousains de Toulouse et la Société Archéologique unissent leurs efforts pour donner à ce constat de saccage du patrimoine une traduction plus spectaculaire. On pourrait envisager une exposition dressant le bilan des restaurations et des destructions.
    M. Hermet, après avoir rappelé que L’Auta a environ 1500 abonnés, dit que les Toulousains de Toulouse pourraient sans doute en donner un compte rendu mais que L’Auta n’a pas les moyens de publier un article très détaillé.
    Le Président fait remarquer que le Bulletin, où seuls sont effacés les noms des intervenants, ne donne pas pour cela une version affaiblie des procès-verbaux des séances. Quant à l’éventuelle organisation d’une exposition, elle a contre elle d’imposer de mobiliser du temps et de l’argent dans une mesure qui dépasse nos moyens. De plus, est-il vraiment nécessaire de monter une exposition tous les vingt ans pour se plaindre du saccage du patrimoine ? On peut s’interroger sur l’utilité réelle de telles manifestations, et se demander si le seul moyen efficace dont nous disposons ne serait pas plutôt l’action en justice.
    Le Président suggère de s’inspirer de ce qui a été fait en Ariège où a été créée une fédération des associations de défense du patrimoine. Notre Société pourrait s’associer par exemple aux Vieilles Maisons Françaises et aux Toulousains de Toulouse au sein d’une fédération qui aurait pour but principal de conduire les procès nécessités par la sauvegarde du patrimoine. Henry Ginesty confirme que c’est en effet dans ce but qu’a été fondée la fédération ariégeoise.

    Un membre dit qu’il est pour sa part favorable à une publication spécifique établissant un bilan, avec un texte liminaire définissant avec précision ce que nous entendons par patrimoine, découverte archéologique ou restauration… Une publication faite en direction du grand public aurait sans doute plus d’impact à terme qu’une exposition.
    M. Hermet indique que les Toulousains de Toulouse possèdent un dossier qu’avait réalisé Paul Mesplé sur trente ans de vandalisme à Toulouse.

    Puis le Président souhaite la bienvenue à Chantal Fraïsse, nouveau membre correspondant, dont la présence parmi nous ne pourra que renforcer les liens entre la Société Archéologique du Midi de la France et Moissac où Chantal Fraïsse assume la responsabilité des archives et du musée de la ville ainsi que celle du centre d’art roman Marcel-Durliat.
    Le Président annonce que notre confrère M. Manuel et la Société des Amis du Vieux Cordes offrent à notre Société un exemplaire photocopié du travail que l’abbé Marius Bessou avait consacré au site de Vindrac (Tarn). Dans sa lettre de présentation du document, M. Manuel précise que cette étude, qui porte en particulier sur la nécropole mérovingienne, a été rédigée par l’abbé Bessou peu avant sa mort survenue le 26 avril 1993 ; tous les documents de la fouille ont été déposés au Service régional de l’archéologie, tandis que les objets sont présentés au Musée Charles-Portal de Cordes. Le docteur Crubézy a été chargé de la publication du manuscrit, qui sera complété par une étude de paléobiologie en raison de l’exceptionnel état de conservation des squelettes retrouvés dans les sépultures du haut Moyen Âge. Il faut signaler une découverte assez rare faite dans l’une des sépultures où une petite feuille de plomb gravée d’une écriture ou d’une imitation d’écriture a été retrouvée près du crâne.

    Le Président informe la Compagnie que le Bureau se rendra à Martres-Tolosane le 24 février. Puis il rend compte de la dernière réunion avec les représentants de la Ville de Toulouse pour régler les problèmes que posent encore l’aménagement de l’Hôtel d’Assézat. Le financement nécessaire à l’achèvement de notre future salle des séances est débloqué et les travaux devraient commencer incessamment.

    On procède ensuite à l’élection de membres correspondants. Mme Christine Delaplace et M. Gabriel Burroni sont élus membres correspondants de notre Société.


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    La parole est alors à Louis Latour pour une communication sur L’appui de communion de l’église Saint-Paul d’Auterive, publiée dans ce volume (t. LVI, 1996) de nos Mémoires.

    Le Président remercie Louis Latour pour cette présentation qui ne se limite pas à la table de communion d’Auterive mais prend au contraire en compte les principales grilles de communion de la région. Il voudrait savoir si ces ouvrages en fer forgé requièrent un travail important, et en particulier si Louis Latour a obtenu à ce sujet des informations des restaurateurs qui sont intervenus sur la grille d’Auterive. Louis Latour précise que les restaurateurs ont surtout procédé à un nettoyage. Pour lui, les parties délicates de ces grilles sont les motifs en tôle estampée, légers et élégants et de ce fait fragiles, qui d’ailleurs deviennent plus épais au cours du XVIIIe siècle pour être bientôt fondus sous le règne de Louis XVI. On connaît des baux à besogne qui font état de modèles en bois destinés à l’estampage, ce qui pourrait être un argument supplémentaire en faveur de l’intervention de sculpteurs dans la fabrication de ces grilles.
    Pascal Bertrand demande s’il faut considérer que les forgerons sont de simples exécutants. Louis Latour indique que l’on ne sait pas exactement la part qu’il faut attribuer à chacun des métiers, mais que les dessins d’Ortet, conservés au Musée Paul-Dupuy, laisse penser que dans ce cas le serrurier est aussi le concepteur. Pascal Bertrand est plus réservé et, pour lui, le fait qu’Ortet ait réalisé les dessins n’implique pas qu’il soit le concepteur du décor.

    Bruno Tollon souligne tout l’intérêt que présente le parallèle établi entre la structure des grilles et le décor d’architecture. Il rappelle qu’à Saint-Étienne de Toulouse, les grilles sont dues à un architecte. On retrouve dans ces décors de fer forgé et de métal repoussé tous les thèmes italiens exécutés en marbre dans l’architecture. Aussi pense-t-il qu’il faut préférer au terme d’« épingle » celui de « glyphe » qui correspond mieux à l’origine du motif.
    Le Président attire l’attention sur l’iconographie retenue pour la table de communion d’Auterive. On y trouve par exemple un tabernacle et un ciboire qui relèvent de l’iconographie eucharistique, mais que vient faire dans cet ensemble l’aspersoir ?

    En faisant remarquer que la « table de communion » est un des derniers avatars de la clôture de chœur, Pascal Bertrand demande quelles sont les appellations effectivement utilisées dans les textes. Louis Latour répond que les documents parlent d’un « appui de communion » et à plusieurs reprises de « balustrade ». En conclusion, il voudrait ouvrir quelques-unes des pistes de recherche qui pourraient être suivies. C’est tout d’abord l’enquête dans les archives qui permettrait peut-être de savoir si Périé, le serrurier de Villenouvelle qui exécuta la grille d’Auterive, a accédé à la maîtrise. D’autres recherches pourraient s’orienter vers François Mortreil cadet qui a beaucoup œuvré à Auterive et à qui l’on doit en particulier les sculptures du buffet d’orgue, ou encore du côté d’un autre Auterivain, Gilède de Pressac, membre de l’Académie royale.

    Au titre des questions diverses, le Secrétaire-adjoint annonce qu’un nouvel échange de publications a été mis en place avec la Xunta de Galicia.

 

SÉANCE DU 20 FÉVRIER 1996

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Napoléone, MM. l’abbé Baccrabère, Bertrand, Cabau, Cranga, le général Delpoux, Gilles, Hermet, Julien, Mange, Manuel, Morvillez, Nayrolles, le Père Montagnes, Péaud-Lenoël, Peyrusse, Salvan-Guillotin, Tollon.
Excusées : Mmes Delaplace, Labrousse, Pradalier-Schlumberger.
Invités : M. le comte et Mme la comtesse de Pibrac.

    Le Président ouvre la séance en souhaitant la bienvenue à M. et Mme de Pibrac, et rappelle que l’Hôtel d’Assézat a accueilli certains de leurs aïeux membres de l’Académie des Jeux Floraux.
    Il annonce la conférence que Jean Bottero fera le 5 mars sur la Mésopotamie : l’écriture, la raison et les dieux, dans le cadre d’un cycle organisé par l’Académie des Jeux Floraux et dont le Président fait circuler le programme.
    Puis il indique que nous avons reçu une lettre de candidature au titre de membre correspondant de Mlle Marie-Luce Pujalte, que notre Société a primée en 1993 pour son travail sur l’hôtel de Nupces. Cette candidature sera examinée par le Bureau puis présentée en séance.

    À l’invitation du Président, Jean Coppolani, Directeur, présente les réflexions que lui inspire, au plan archéologique, le Projet d’Agglomération élaboré par le Syndicat Mixte d’Études de l’Agglomération Toulousaine (S.M.E.A.T.) :

    « Si les déclarations d’intention font mention du patrimoine monumental de la ville, celui-ci est perçu beaucoup plus comme un élément de sa fonction culturelle et un atout de promotion touristique qu’il n’est considéré pour lui-même. L’expérience des dernières années concernant l’édifice découvert à l’hôpital Larrey, les vestiges du grand temple sous la place Esquirol, le traitement des divers fragments du rempart antique dans le jardin du Capitole, dans l’hôpital Larrey et ailleurs amènent à conclure que les pouvoirs publics – y compris le service des Monuments historiques - ne portent pratiquement aucun intérêt à ce qui existe encore de Toulouse antique. Fera-t-on mieux au futur théâtre Labéda ? Quant aux œuvres des siècles suivants, elles sont en général mieux conservées, mais il faut ici encore se méfier des initiatives de ceux qui ont pour mission de les protéger… comme à la Manufacture des Tabacs. Le patrimoine du XIXe siècle et celui de la première moitié du  XXe siècle ne sont pas encore considérés par tous comme aussi intéressants que ceux des siècles antérieurs : or, certains grands projets de « Portes de Ville » ou de « Noyaux


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villageois » touchent éventuellement des constructions précieuses de ces époques. Il convient donc de rester très vigilants et d’utiliser tous les moyens de pression, presse y compris, pour les défendre. »

    Le Président remercie notre Directeur en le félicitant de la maîtrise avec laquelle il a su traduire ce long document et son jargon. Il souligne combien il apparaît que l’archéologie et la conservation du patrimoine sont peu pris en compte, tandis que l’on concède quelques miettes aux mouvements écologistes.

    Guy Ahlsell de Toulza offre à la Société un exemplaire du catalogue de l’exposition que l’École des Beaux-Arts a consacrée en 1981 à Urbain Vitry.

    Le Président donne alors la parole à Bruno Tollon pour sa communication intitulée Ovide dans le « cabinet de quatrains » : un décor peint identifié dans le château de Pibrac (Haute-Garonne) :

    « Le cabinet est l’indispensable complément du logis de l’homme cultivé. Il figure parmi les Blasons domestiques de Gilles Corrozet. Celui de Pibrac est connu sous le nom de « Cabinet des Quatrains » et on associe son décor au poète Guy du Faur (1529-1584), mais jusqu’ici l’iconographie des peintures n’avait pas retenu l’attention. Elles couvrent les voûtes et les lunettes au-dessus des corniches d’un lambris sculpté en tous points remarquable. Raoul du Faur de Pibrac les a longuement décrits dans l’étude illustrée publiée en 1900. Les voûtains fournissent un cadre commode pour le développement des « grotesques » inspirés par Du Cerceau et les gravures anversoises. Ils encadrent une scène centrale dédiée au maître des dieux sous la forme d’un foudre accompagné de deux aigles. Le thème annonce et justifie les scènes des parois.
    Là se développent les scènes principales. Elles s’inspirent des Métamorphoses d’Ovide et sont toutes empruntées au livre premier : Jupiter courroucé annonce aux dieux assemblés qu’il va punir les hommes du Déluge (à l’ouest, face à l’entrée) ; Apollon à côté du monstre Python qu’il vient de tuer (identifiés par l’inscription LA MOUR DU SCERPENZ ET APOLLO) et plus loin Daphné se transforme déjà en laurier (au nord) ; Junon réclame la génisse Io à Jupiter (est, au-dessus de la porte) ; Argus décapité : Junon place ses yeux sur la queue du paon et Mercure brandit la tête du géant (sud, de part et d’autre de la fenêtre).
    Ces épisodes ne sont pas tirés de l’édition savante mais de la fameuse Métamorphose d’Ovide figurée publiée à Lyon en 1557 chez Jean de Tournes, avec des illustrations de Bernard Salomon. Les vignettes, gravées sur bois, accompagnent sur chaque page des textes brefs et rimés sur le modèle conçu pour les Emblèmes d’Alciat : un accord étroit associe le texte et l’image (cf. Jean-Marc Chatelain, Livres d’emblèmes et devises, une anthologie (1531-1735), Paris, 1993, et Françoise Boudon, Les métamorphoses d’Ovide et l’expression emblématique, Latomus, XXXV-1, 1976, p. 76-90). Les mises en scène claires et élégantes ont directement inspiré le peintre de Pibrac qui a dû compléter les paysages. Seule l’assemblée des dieux, qui reprend cependant la disposition d’ensemble de la scène, s’en écarte pour le dessin des personnages et de Jupiter. D’autres gravures ont pu servir, dont celle de Caraglio d’après Jules Romain. Les peintures ne s’écartent pas du style bellifontain des gravures de Bernard Salomon. Pour juger convenablement de leur qualité, il conviendrait de restaurer les injures du temps : lacunes, frottements, repeints grossiers qui en altèrent le caractère.
    En l’absence d’information historique, on attribue la commande à Guy du Faur. Le poète, diplomate et homme de cour, durant ses études à Paris séjourna chez son oncle Jacques du Faur de Saint-Jory, président au Parlement de Paris et membre du conseil privé. Il a eu sous les yeux le décor que ce dernier avait commandé à Nicolo dell Albate (pastorales et scènes mythologiques) pour son hôtel au pied du quartier latin. Il est logique de retrouver la même inspiration dans sa retraite rustique de Pibrac. On sait qu’au cœur de la réflexion intellectuelle se place l’idée que la mythologie recèle des vérités cachées. Pour les découvrir, il convient de passer d’une lecture littérale à l’interprétation allégorique, politique et morale, et même religieuse. Cette démarche peut trouver son application ici : Jupiter, ses foudres et ses caprices amoureux peuvent fournir un thème de réflexion sur l’autorité du souverain, les dangers de la cour et les leçons de prudence que doit tirer le sage. On comprend l’intérêt de ce programme, plus complet que celui de Cénevières (Lot) ou de Camon (Ariège). Il prend place aux côtés de ceux de Lude (Sarthe) ou Ancy-le-Franc (Yonne). L’inspirateur de cette iconographie a puisé dans cette « Bible des poètes » qu’est la mythologie pour nous « conduire agréablement dans la connaissance de la vertu » (du Ryer, préface à la traduction des Métamorphoses, Paris, 1660). Il s’agit bien d’une peinture de méditation au sens de Marc Fumaroli (L'École du silence, Paris, 1995, où il reprend « Une peinture de méditation » publié dans Il se rendit en Italie. Études offertes à André Chastel, 1987, p. 337-358). »

    Le Président remercie Bruno Tollon pour cette communication qui nous a fait découvrir ce décor en le replaçant dans son contexte architectural mais aussi dans celui de la production artistique du XVIe siècle. Se tournant vers nos invités, il leur offre la parole.
    M. de Pibrac dit l'émotion qu'il a ressentie en entendant la remarquable évocation que M. Bruno Tollon a donnée de l'histoire de sa famille et de la valeur des hommes, et il l'en remercie.
    Après avoir souligné tout l'intérêt de la découverte des sources iconographiques, Louis Peyrusse relève que la question de l'attribution du décor à un peintre a été évitée, peut-être parce que l'on sait peu de chose de la peinture de cette période dans la


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CHÂTEAU DE PIBRAC (HAUTE-GARONNE), CABINET DES QUATRAINS, Apollon et le serpent python, lunette nord. Cliché Bruno Tollon.

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« LES MÉTAMORPHOSES D'OVIDE FIGURÉES », Livre I, Lyon, Jean de Tournes, 1557, gravure de Bernard Salomon : Apollon et le serpent python.


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CHÂTEAU DE PIBRAC (HAUTE-GARONNE), CABINET DES QUATRAINS, Junon, Jupiter et Io, lunette ouest. Cliché Bruno Tollon.

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« LES MÉTAMORPHOSES D'OVIDE FIGURÉES », Livre I, Lyon, Jean de Tournes, 1557, gravure de Bernard Salomon : Junon, Jupiter et Io.


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région. Bruno Tollon pense en effet qu'il serait aventureux d'avancer un nom compte tenu de ce que nous connaissons de l'histoire de la peinture et du décor au XVIe siècle. Il est certain qu'une demeure de cette qualité n'est considérée comme achevée que lorsqu'elle a reçu son décor intérieur, mais les décors muraux ont très souvent été négligés par ceux qui ont étudié ces édifices. En outre, la difficulté de les attribuer à des artistes est accrue par le fait que bien souvent les datations ne sont pas plus précises qu'à la dizaine d'années près.
    Pascal Bertrand dit combien il a apprécié l'exposé de Bruno Tollon, et se demande s'il ne faut pas aller plus loin dans l'analyse du programme iconographique en s'intéressant à la personnalité du commanditaire, un poète, et au sens qu'a pu avoir le choix de ces trois fables. Les écrits de Marc Fumaroli seraient peut-être éclairants sur ce point. Bruno Tollon précise qu'il avait pensé évoquer cet aspect, mais qu'il y a renoncé pour ne pas être trop long. Il lui manque encore des informations pour la quatrième lunette, mais sans doute peut-on penser que ces fables ont été choisies pour illustrer les métamorphoses de l'Amour.
    Henri Pradalier voudrait savoir si cette représentation des Métamorphoses d'Ovide dans un cabinet est exceptionnelle. Bruno Tollon indique qu'à en juger d'après les textes, il s'agissait de thèmes très fréquemment utilisés pour décorer les pièces.
    Pascal Julien dit que, pour avoir vu ces décors, il a été étonné de la différence de qualité entre les boiseries et les peintures. Le décor des lunettes ne soutient pas la comparaison avec les grotesques des lambris qui témoignent d'un travail de très haute qualité. La relative médiocrité des peintures correspondrait à une période où Toulouse semble connaître une assez grande pauvreté artistique. Pour Bruno Tollon, il faut tenir compte de l'état de conservation des décors des lunettes, où des repeints sont d'ailleurs possibles, qui nécessiteraient des enquêtes précises. Il ajoute cependant que le même décalage existe au château de Beauregard, mais qu'il nous manque bien souvent de pouvoir saisir le contexte chronologique de ces œuvres.

    Répondant à une question du Président, Bruno Tollon et Pascal Julien sont d'accord pour considérer que le sculpteur pourrait être toulousain. Patrice Cabau voudrait savoir si le lambris est en noyer et s'il est envisageable qu'il soit antérieur au décor peint. Bruno Tollon confirme qu'il s'agit de noyer, et précise que la commande suppose une exécution contemporaine de l'ensemble du décor.
    Pascal Bertrand croit aussi que les deux décors ont été réalisés au même moment. Il rappelle par ailleurs que le XVIe siècle a une prédilection pour les programmes iconographiques très subtils, qui nous échappent bien souvent en grande partie aujourd'hui. Les allusions au monarque y sont fréquentes, et, ici, le thème d'Apollon et le serpent pourrait évoquer la lutte entre le Bien et le Mal. Mais comment interpréter la présence de la fable de Io ?
    Louis Peyrusse pense qu'il faut probablement tirer les hypothèses en direction d'une allégorie du pouvoir, sans doute très subtile et si savante qu'elle risque de nous échapper longtemps. Par ailleurs, il trouve nos confrères bien féroces dans leur jugement sur la qualité des peintures, et la comparaison avec les peintures d'Auvergne, qui ont fait l'objet d'une thèse récente, amènerait à nuancer les propos.
    Le Président remercie Bruno Tollon et tous les intervenants.

    On donne ensuite une information sur les projets de travaux pour l'installation de la future D.R.A.C. dans l'Hôtel Saint-Jean. M. Gilles signale qu'il a pu se rendre compte ce matin-même que les travaux allaient commencer incessamment. Un bref exposé permet de présenter les différents scénarios possibles, en particulier pour les bâtiments construits dans les années 1950. En cas de démolition, il ne semble pas qu'il soit prévu de réaliser une fouille exhaustive de l'emplacement avant reconstruction. Peut-on admettre dans ce cas que l'implantation de micro-pieux permette effectivement la conservation des couches archéologiques pour les générations futures ? Il est répondu que les forages nécessaires n'ont pas un diamètre de 10 à 12 cm comme on le croit souvent, mais qu'ils atteignent 30 à 40 cm de diamètre, et qu'avec des implantations tous les deux mètres, la technique des micro-pieux signifie en fait la destruction du site archéologique. On fait remarquer que l'on comprendrait mal que la Direction régionale des Affaires culturelles, responsable de l'archéologie, ne profite pas de l'occasion pour réaliser une opération pilote et massacre au contraire un site de première importance au cœur de la ville antique et médiévale. Il faudrait également savoir s'il est prévu une étude monumentale de l'édifice qui, à côté de l'Hôtel du XVIIe siècle, conserve de précieux vestiges médiévaux.

 

SÉANCE DU 12 MARS 1996

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Cazes, Delaplace, Merlet-Bagnéris, Noé-Dufour, MM. l'abbé Baccrabère, Bertrand, Boudartchouk, Burroni, Bruand, Cabau, Cranga, Gilles, Julien, le Père Montagnes, Nayrolles, Péaud-Lenoël, Peyrusse, l'abbé Rocacher, Salvan-Guillotin, Tollon, Vézian.
Excusés : M. Cazes, Secrétaire Général, Mmes Labrousse, Pradalier-Schlumberger, le général Delpoux.


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    Le Secrétaire-adjoint donne lecture des procès-verbaux des séances des 23 janvier et 20 février derniers.
    Le Directeur rend compte de la correspondance manuscrite, avec en particulier le programme du Congrès archéologique de France qui sera consacré du 9 au 15 septembre 1996 au Comminges et Toulousain. Par ailleurs, la Fédération des Sociétés savantes du Centre de la France organise son prochain congrès au mois de mai à Limoges, sur le thème Écrits et imprimés.

    Le Président donne la parole au Père Montagnes pour la première communication de la séance consacrée à Une image de la confrérie du Rosaire de Toulouse au Musée Paul-Dupuy, et publiée dans ce volume (t. LVI, 1996) de nos Mémoires.

    Le Président remercie le Père Montagnes pour son lumineux exposé.
    Répondant à une question de Claude Péaud-Lenoël, le Père Montagnes indique que la série de médaillons du cercle intermédiaire représente les Mystères du Rosaire, mystères joyeux, douloureux et glorieux précise le Président qui demande si tous les personnages du cercle intérieur sont des dominicains. En effet, Pie V et Antoine de Florence comme tous les autres sont des dominicains. Le Père Montagnes ajoute que la disposition en cercles concentriques avait déjà été utilisée par le graveur anversois Théodore Galle.
    Louis Peyrusse remarque que cette planche gravée serait l'une des premières illustrations de la mythographie méridionale du catharisme, dont le développement est habituellement situé au XIXe siècle. C'est ce que pense aussi le Père Montagnes pour lequel un autre argument peut être tiré de la croix dite « de saint Dominique » qui se trouvait dans la forêt de Bouconne : elle a été rétablie en 1840, mais son existence est attestée par un document du XVIIIe siècle, ce qui montre que la vie du saint est déjà inscrite dans la topographie locale. Pascal Julien rappelle que Notre-Dame d'Alet, située à la limite de la forêt de Bouconne, revendiquait, comme d'autres sites d'ailleurs, d'être le lieu de la révélation de saint Dominique. Pour le Père Montagnes, ces différentes traditions témoignent bien d'une légende toulousaine de saint Dominique déjà ancienne, particulièrement intéressante pour l'histoire des mentalités.

    La parole est alors à Jean-Luc Boudartchouk pour une communication sur Le rempart du Bazacle au XVIe siècle, publiée dans ce volume (t. LVI, 1996) de nos Mémoires.

    Le Président remercie notre confrère de ce compte-rendu très précis d'un travail qui est à la fois le résultat d'une fouille et d'une importante recherche dans les archives.
    M. Bruand observe que la fouille a permis de mettre au jour la courtine mais pas le bastion lui-même, ce que confirme Jean-Luc Boudartchouk en indiquant cependant que la découverte de la courtine a permis de mieux situer les plans anciens et le bastion par rapport à la topographie actuelle du site.
    M. Bruand demande encore si l'on ne peut pas faire l'hypothèse que le changement d'appareil corresponde à une ouverture du bastion qui aurait été ensuite murée. Pour Jean-Luc Boudartchouk, cette hypothèse ne peut être retenue car le bastion se trouvait 20 ou 30 m plus à l'ouest. Au Président qui demande s'il ne peut s'agir d'une réparation, Jean-Luc Boudartchouk répond que la fouille prouve que les travaux sont contemporains et que les différences observées dans la construction de ces fondations s'expliquent par la présence des différentes équipes avec lesquelles sont passés les baux à besogne.

    Jean Nayrolles s'étonne de l'archaïsme de ces fortifications compte tenu de l'intervention de maîtres-maçons italiens. Jean-Luc Boudartchouk précise que si des Italiens sont à l'origine du schéma d'ensemble, les travaux ont été conduits par des maçons toulousains. Mais il faut surtout ne pas se laisser abuser par l'aspect des maçonneries mises au jour, qui appartiennent aux fondations, alors que les élévations ont disparu. Jean Nayrolles remarque cependant qu'on n'a pas eu recours, par exemple, aux bastions à angle droit. Jean-Luc Boudartchouk répond qu'il s'agit d'une forme qui n'apparaît que plus tard et que l'on est ici en présence des tout premiers bastions. M. Bruand rappelle que l'essentiel de la fortification se trouvait en fait en avant et était constitué d'ouvrages de terre qui ont disparu, et qu'on ne peut donc juger de la modernité du système en se fondant sur le mur d'enceinte. Jean-Luc Boudartchouk ajoute que la courtine était en effet précédée de deux ravelins.
    Pascal Julien voudrait savoir si le matériel archéologique retrouvé était abondant. En indiquant qu'il pourrait contenir dans une boîte à chaussure, Jean-Luc Boudartchouk explique que l'ensemble du site a fait l'objet d'un remblayage par apport de terres stériles soigneusement damées avant que ne soit entreprise la construction de la courtine.
    Claude Péaud-Lenoël observe qu'avec un bastion dépassant seulement de deux mètres la contre-escarpe, on avait un défilement très bien conçu par rapport aux fortifications du Moyen Âge, et antérieur au système réalisé à Brouage. Jean-Luc Boudartchouk dit que c'est en effet ce qui apparaît au moins d'après le schéma théorique de la fortification, puisque ces éléments n'ont pas été trouvés en fouille.
    Bruno Tollon attire l'attention sur les oreillons, en rappelant l'article que M. Bruand a consacré à l'ingénieur militaire Antoine Deville qui, avant Vauban, est un jalon essentiel de l'histoire de l'architecture militaire. Il est donné une définition de l'oreillon. À propos du « boulevard », Jean-Luc Boudartchouk précise que les textes du XVIIe siècle emploient le terme de « glacis ».

    Patrice Cabau souligne l'ampleur des travaux réalisés, ne serait-ce que par le cubage considérable de terres qui a été enlevé pour atteindre les graves ou qui a été apporté pour le remblaiement. Des travaux aussi importants ont été nécessités par l'aménagement des fortifications derrière la cathédrale Saint-Étienne. Cela laisse penser que la menace pour la sécurité de la ville était ressentie de manière suffisamment forte pour justifier la mobilisation de moyens aussi considérables.
    M. Gilles demande si les comptes ont été étudiés et si c'est la Ville qui a financé les travaux. Jean-Luc Boudartchouk indique que l'analyse des comptes est en effet prévue, mais qu'elle n'a pas pu être entreprise jusqu'à présent parce que les documents étaient inaccessibles en raison du déménagement des Archives municipales.


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    Répondant à Louis Latour, Jean-Luc Boudartchouk précise qu'un seul module de brique de 28,5 cm x 38,5 cm x 4,5 cm a été utilisé pour la construction.

    La Compagnie entend ensuite les rapports pour les concours.

    M. Bruand présente son rapport sur le travail de Mlle Stéphanie Trouvé :

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TOULOUSE, ÉGLISE SAINT-PIERRE-DES-CHARTREUX, maître-autel, dessiné par François Cammas, sculpté par François Lucas, 1780-1785.
Cliché Stéphanie Trouvé.

    « Mlle Stéphanie Trouvé a présenté en juin 1995 à l'Université de Toulouse-Le Mirail un mémoire de maîtrise intitulé La décoration du sanctuaire de l'église des Chartreux de Toulouse aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il s'agit d'un travail de grande qualité sur un ensemble décoratif important qui n'avait jusque-là donné lieu qu'à des études partielles et ponctuelles. Si les noms d'un certain nombre d'artistes ayant travaillé sur le chantier étaient connus par des publications antérieures, la situation restait néanmoins floue quant à la répartition des œuvres effectuées et aux attributions proposées pour quelques-unes d'entre elles. Aucune synthèse concernant l'ensemble n'avait été tentée. S'appuyant sur le dépouillement systématique du fonds des Chartreux aux Archives départementales de la Haute-Garonne et sur celui des registres notariaux dans le même dépôt, avec des recherches complémentaires dans ceux du Lot et de l'Ariège ainsi que sur des manuscrits de la Bibliothèque municipale de Toulouse, Mlle Trouvé a pu apporter de nombreuses précisions sur le rôle des divers artistes et la chronologie des travaux. S'il ne lui a pas toujours été possible de retrouver dans les documents le nom des auteurs de certaines réalisations, elle n'a pas hésité à confirmer ou rejeter des attributions antérieures et à en proposer de nouvelles en complétant la documentation historique rassemblée par une étude stylistique très poussée et un raisonnement très bien argumenté qui emporte généralement la conviction.

    La première partie de l'ouvrage est consacrée à un rappel de l'histoire des Chartreux, de leurs rapports avec les problèmes artistiques et à la chronologie de la construction et de la décoration de l'église de Toulouse. La seconde étudie de façon détaillée le décor du XVIIe siècle. Le tabernacle fit l'objet de deux contrats, l'un passé en 1611 avec Jacques La Carrière, peintre, sculpteur et doreur, l'autre en 1650 avec Pierre Launet, maître doreur de la ville, mais l'intervention d'Arthur Legoust et de ses fils paraît probable dans la réalisation de certaines sculptures. Les deux tableaux du transept, L'Adoration des bergers et L'Adoration des mages, sont de qualité très inégale. Le premier est de grande valeur. L'attribution à Nicolas Tournier plutôt qu'à Guy François (les deux noms avancés précédemment) semble s'imposer à la suite de l'étude approfondie qui a été menée. Le second n'est qu'une œuvre mineure pour laquelle aucun nom ne peut être proposé avec des arguments plausibles.
    La troisième partie concerne la rénovation architecturale et décorative menée à partir de 1780 sous la direction de François Cammas, auteur du projet d'ensemble et de quatre tableaux en grisaille. La décoration en stuc est l'œuvre de Jean-Baptiste Julia, sculpteur toulousain ayant travaillé à Paris avant de revenir à Toulouse pour décorer l'hôtel de Jean Dubarry et le château de Reynerie pour son frère Guillaume ; il reçut plus de 20 000 livres pour son intervention à Saint-Pierre-des-Chartreux, somme élevée qui montre bien l'ampleur des travaux effectués. Le maître-autel, dessiné par François Cammas, fut réalisé par François Lucas. Il s'agit donc d'un ensemble de premier plan qui a fortement marqué l'art toulousain à la veille de la Révolution. Celui-ci n'est malheureusement plus visible qu'en partie car un plancher provisoire posé au niveau de la corniche pour protéger le public des chutes de débris d'un décor en mauvais état masque totalement les éléments ornant le tambour et le dôme qui nécessiterait une restauration urgente. Mlle Trouvé a pu obtenir l'autorisation de visiter ce pseudo-étage supérieur pour l'étudier et réunir une documentation photographique essentielle.
    Le mémoire de Mlle Stéphanie Trouvé constitue donc un apport considérable à la connaissance d'un édifice marquant du patrimoine toulousain. Les qualités dont elle a fait preuve au cours de sa recherche et dans la présentation des résultats de celle-ci justifient pleinement sa candidature à une récompense scientifique décernée par la Société Archéologique du Midi de la France. »

    Jean Nayrolles rend compte de l'étude de Mlle Claude Arnaud :

    « Mlle Claude Arnaud a soutenu en octobre 1995 à l'Université de Toulouse-Le Mirail un mémoire de maîtrise intitulé Richard Burgsthal à l'abbaye de Fontfroide (peintures et vitraux). La naissance d'un maître-verrier, mémoire volumineux de 197 pages, accompagné d'un album richement illustré de 102 figures, pour l'essentiel des photographies de l'auteur.


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ABBAYE DE FONTFROISE (AUDE),
vitrail de la rose ouest par Richard Burgsthal.
Cliché Claude Arnaud.

   Cette étude, dirigée par M. Louis Peyrusse, mérite d'attirer l'attention de la Société Archéologique du Midi de la France pour les qualités dont elle témoigne : construction rigoureuse du développement, rédaction irréprochable (ou presque), ampleur de la recherche, et surtout finesse de la réflexion et de l'analyse face à un sujet beaucoup plus complexe qu'il ne pourrait sembler.
    Le mémoire de maîtrise de Mlle Arnaud sort de l'oubli une des principales figures de l'art du vitrail du XXe siècle. En effet, aucune étude n'avait été consacrée jusqu'alors à Richard Burgsthal, lacune d'autant plus étonnante que l'œuvre de ce dernier paraît particulièrement vaste, à en croire l'essai d'inventaire (non exhaustif) des monuments pour lesquels Burgsthal a créé des vitraux modernes ou restauré des vitraux anciens. Cet inventaire dressé par Mlle Arnaud ne compte pas moins de soixante-neuf monuments, pour la plupart dans le Midi de la France, parmi lesquels des monuments prestigieux : les cathédrales de Carcassonne, Narbonne, Albi, Saint-Bertrand-de-Comminges, etc.

    Parmi tous ces chantiers, Mlle Arnaud propose l'analyse du premier d'entre eux, peut-être le plus riche et le plus passionnant : celui de l'abbaye de Fontfroide.
    Cependant, sa maîtrise ne se limite pas à l'étude strictement monographique des œuvres de Fontfroide. La première partie, consacrée à la biographie de cet artiste singulier, met en évidence une formation intellectuelle et une culture artistique des plus inattendues.
    René Billa (qui prendra le pseudonyme de Richard Burgsthal) est né à Nice en 1884. Très rapidement, il s'oriente vers des études musicales et rencontre Rita Strolh - sa future épouse -, pianiste et compositeur, qui l'introduit dans l'univers de Wagner. Burgsthal s'imprègne de la culture symboliste de la fin du XIXe siècle. Il se passionne pour les mythes les plus rares, les légendes teintées d'ésotérisme, l'alchimie, Baudelaire et la poésie symboliste, la philosophie de Nietzsche, et voue un culte inconditionnel à Wagner qu'il ne reniera jamais jusqu'à sa mort en 1944.
    Burgsthal entame une carrière de peintre vers 1905, mais l'événement décisif, qui orientera sa vie et son œuvre vers l'art du vitrail, a lieu en 1910 : il s'agit de la rencontre avec Gustave Fayet, son premier mécène, passionné d'hermétisme.
    Fayet s'est porté acquéreur de l'abbaye de Fontfroide en 1908 et en a fait un des hauts lieux du mouvement hermétique, en particulier grâce à la présence d'Odilon Redon qui décore la bibliothèque entre 1909 et 1912.
    D'abord musicien puis peintre et aquarelliste, Burgsthal devient pour Fontfroide maître-verrier. Au printemps 1912, il crée grâce au financement de Fayet sa propre fabrique de verre spécialement pour les verrières de Fontfroide, près de Bièvres dans la vallée de Chevreuse. La singularité de ce lieu mérite d'être évoquée car elle révèle l'univers mental de Burgsthal : parallèlement à l'atelier de verrières, Burgsthal et son épouse aménagèrent un théâtre lyrique dont ils entendaient faire un « petit Bayreuth » !
    L'œuvre de Burgsthal à Fontfroide se constitue par étapes successives entre 1910 et 1925 :
    1. Composition à partir de fragments anciens (XVIe siècle), sans doute originaires de la cathédrale de Narbonne. Remontés avec des verres modernes, Burgsthal en fait des fenêtres pour l'escalier d'honneur, le dortoir des moines (transformé en salle de musique), le cellier au rez-de-chaussée, et surtout le dortoir des convers.
    2. Toiles peintes de la salle à manger (1912-1914). Cinq triptyques et un tondo sur des thèmes iconographiques hermétiques, illustrant certains mythes indiens à partir d'une nouvelle de Villiers de l'Isle-Adam intitulée Akedysséril, l'Armide de Gluck, l'histoire de Sémiramis, l'opéra de Rameau Hippolyte et Aricie et Tristan et Isolde de Wagner.
    3. Fresques et vitraux-papier de la salle de musique, sans doute le chef-d'œuvre de Burgsthal à Fontfroide (1911-1912). Deux grandes lunettes peintes à fresque sur les murs aveugles sur le thème du Vaisseau Fantôme et de la Musique Sacrée ; quatre grandes baies ornées de vitraux-papier (aquarelle sur papier de Chine enchâssés entre deux plaques de verre) sur le thème de la Tétralogie de Wagner. On note en particulier l'aspect saisissant de la grande baie du mur ouest et l'abstraction colorée parfois très proche de l'œuvre développée au même moment par Kandinsky à Murnau.
    4. Vitraux de l'église, chantier considérable qui dure de 1914 à 1925. Burgsthal passe par plusieurs phases de son évolution stylistique et de son inspiration pour finalement se conformer à des schémas généraux plus archéologiques, sans se départir toutefois d'une modernité évidente dans le dessin qui le rapproche parfois des Nabis et de Maurice Denis. Ce chantier annonce ses œuvres exécutées pour le compte des Monuments historiques. Les thèmes sont plus conventionnels mais avec un goût marqué pour les aspects eschatologiques.
    Burgsthal se situe ici dans la lignée des maîtres-verriers du XIXe siècle (les Thiboud, Thévenot, etc.) qui recherchèrent les « secrets » de fabrication du vitrail médiéval. À partir de la lecture des traités du Moyen Âge (le moine Théophile…), Burgsthal mit au point son propre four et ses propres techniques de fabrication, de coloration, de cuisson.
    Sans forcément se conformer au génie du lieu (Fontfroide est une abbaye cistercienne !), il dota une quantité d'édifices médiévaux de verrières qui renouent avec un art de la pleine couleur que l'on n'avait plus revu depuis le XIIIe siècle.


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    Les analyses stylistiques et iconographiques menées par Mlle Arnaud sont fondées sur des comparaisons judicieuses et sur une exploitation méthodique des sources - en particulier les documents retrouvés dans les archives du Musée des Beaux-Arts de Nice mais aussi dans plusieurs fonds d'archives privés.
    Cette maîtrise, qui a valu à Mlle Arnaud une mention Très bien attribuée sans hésitation, ne sera peut-être que la première étape vers une thèse sur Burgsthal, sujet d'une véritable ampleur et d'un intérêt incontestable, tant pour l'histoire de l'art du XXe siècle, que pour l'histoire de la vie des monuments médiévaux. C'est à ce dernier aspect que la Société Archéologique du Midi de la France devrait être sensible. »

    Le Président donne lecture du rapport de Michèle Pradalier-Schlumberger sur le mémoire de Mlle Cécile Burnier :

    « Cécile Burnier a soutenu en juin 1995 une maîtrise portant sur Le manuscrit n° 1 de la Bibliothèque municipale d'Auch : la Bible dite « de Gimont », sous la direction de Michèle Pradalier-Schlumberger, qui lui a valu une mention Très bien. La maîtrise comporte un volume de texte de 140 pages, enrichi d'un glossaire et d'un catalogue des lettrines, et d'un album de photos ou croquis de 249 figures.
    La Bible d'Auch est une Bible monumentale, sans aucune marque de provenance, un manuscrit qui devait comporter deux volumes à l'origine, comme l'a démontré Cécile Burnier, et qui apparaît dans les inventaires de la Bibliothèque d'Auch à partir de 1856. Elle ne contient que l'Ancien Testament, et le texte présente cinquante cinq initiales ornées, qui constituent l'essentiel du décor, avec des tableaux présentant les listes des prophètes et des rois de Juda sous des portiques architecturés, à la manière des tables de concordance.
    Cécile Burnier a fait une étude codicologique très poussée, puis a entrepris l'analyse typologique et iconographique du décor. Seules deux initiales, dont celle de la Genèse, sont historiées, les autres sont zoomorphes, ou ornées d'entrelacs, de motifs végétaux et d'hybrides. Il s'agit d'un décor relativement austère, dans l'esprit de l'art cistercien, mais Cécile Burnier a eu le mérite de procéder à une analyse stylistique minutieuse et originale par ses méthodes, appuyée sur de nombreux croquis, qui lui a permis de démanteler le système ornemental utilisé, de démontrer le caractère unique de chaque lettrine, et en même temps la cohésion esthétique de l'ensemble qui relève d'un seul enlumineur, un peintre de grande qualité.
    Une excellente partie portant sur les techniques utilisées par l'enlumineur de la Bible l'ont amenée à faire une série d'observations sur la manière propre au peintre de la Bible d'Auch : le dessin préalable à l'encre, l'emploi de l'or, l'utilisation des fonds. Elle en vient tout naturellement à s'interroger sur la date du manuscrit, que l'on attribuait jusqu'ici au XIIIe siècle et qu'elle remonte au XIIe siècle, à juste titre, après comparaisons avec les bibles de Limoges.
    Un des aspects les plus novateurs de la maîtrise de Cécile Burnier réside enfin dans la mise en lumière d'un groupe de manuscrits qu'elle attribue au même enlumineur, un exemplaire de La Cité de Dieu de saint Augustin, destiné à l'abbaye cistercienne de Berdoues (Ms 164 de la Bibliothèque municipale de Toulouse) et le Lectionnaire cistercien de Las Huelgas. Ces manuscrits confortent l'hypothèse d'un enlumineur, et peut-être d'un atelier, travaillant à la fin du XIIe siècle pour les communautés cisterciennes du sud-ouest de la France et du nord de l'Espagne. Ces comparaisons renforcent également l'idée traditionnelle que la Bible d'Auch provient de l'abbaye cistercienne de Gimont, et qu'elle est entrée à la Bibliothèque municipale d'Auch au moment des saisies révolutionnaires.
    Le mémoire de Cécile Burnier est un travail d'étudiant exceptionnel par la maîtrise des méthodes de l'histoire de l'art et par d'incontestables qualités de chercheur. Le texte est enfin remarquablement écrit, ce qui devient de plus en plus rare, et ce mémoire mérite largement de figurer au palmarès de la Société Archéologique du Midi de la France. »

    Puis le Président donne lecture du rapport de M. Robert Sablayrolles sur le travail de M. Laurent Troisplis, retenu pour le prix du Professeur Michel Labrousse :

    « M. Laurent Troisplis a soutenu sous ma direction, en 1995, un mémoire de maîtrise intitulé Le Haut-Salat et le Castillonnais oriental de l'Âge du Fer à l'Antiquité tardive. Ce travail était le fruit de deux années de recherche de terrain, tant dans les bibliothèques, musées et archives que sur les pentes abruptes et vallées encaissées des Pyrénées ariégeoises.
    M. Laurent Troisplis a, durant ce temps, fait preuve, en premier lieu, de remarquables qualités d'homme de terrain. Il s'est familiarisé avec toutes les techniques de la prospection, démontrant, en la matière, à la fois sa volonté d'apprendre et ses facultés d'adaptation. Plusieurs découvertes inédites, dans le domaine des carrières et des mines en particulier, sont venues récompenser la ténacité de M. Troisplis.
    M. Troisplis a également confirmé, au cours de son travail, les qualités d'historien et d'archéologue que nous avions eu l'occasion d'estimer pendant ses années d'études antérieures, et plus particulièrement sur les chantiers archéologiques de l'université. Il a notamment effectué un sondage d'évaluation sur l'important site de l'église de Vic d'Oust, témoignant en la circonstance de son excellente maîtrise de la technique de fouille, mais aussi et surtout de ses remarquables aptitudes à la synthèse et au raisonnement archéologique.
    De ces qualités primordiales pour un historien (solidité du raisonnement, puissance de la synthèse), témoignent également les pages d'analyse qu'il a écrites sur les vallées d'Oust, de Seix et du Castillonnais, indispensable complément au travail d'inventaire dans le cadre d'un mémoire de maîtrise qui est une initiation à la recherche et non pas un simple travail de compilation et de catalogue. Prudence dans les conclusions, juste évaluation des limites du travail accompli, mise en valeur des résultats principaux,


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connaissance des grands problèmes historiques et de leurs implications régionales, tous les ingrédients d'un brillant travail archéologique et historique sont réunis dans la maîtrise de M. Troisplis, qui constitue une base de données indispensable à qui s'intéressera désormais à l'histoire antique des vallées couseranaises.
    M. Laurent Troisplis prépare à l'heure actuelle les concours d'enseignement, et je ne doute pas de son succès dans ces exercices si différents de la recherche, tant est grande sa maîtrise de l'analyse comme de l'expression. Je souhaite qu'il puisse ensuite continuer dans le domaine de la recherche, en poursuivant en DEA et en thèse une carrière universitaire si bien commencée et en postulant, le cas échéant, aux Écoles Françaises à l'étranger, comme Rome ou Madrid. »

    La discussion qui suit les rapports porte en particulier sur les limites chronologiques que s'impose notre Société et l'opportunité de primer des travaux qui s'en écartent. En conclusion, le Président propose d'attribuer les prix de Champreux et de Clausade, dotés tous deux de 2500 F. et accompagnés d'une médaille d'argent, à Mlle Trouvé et Mlle Burnier, et le prix spécial de la Société Archéologique du Midi de la France, doté de 1000 F. et accompagné d'une médaille d'argent, à Mlle Arnaud. La proposition est acceptée.

 

SÉANCE DU 26 MARS 1996

Présents : MM. Pradalier, Président, Coppolani, Directeur, Latour, Bibliothécaire-archiviste, Cazes, Secrétaire Général, Scellès, Secrétaire-adjoint ; Mmes Blanc-Rouquette, Delaplace, Labrousse, Merlet-Bagnéris, Napoléone, Suau, MM. l'abbé Baccrabère, Bertrand, Bruand, Burroni, Cabau, Cranga, le général Delpoux, Gilles, Ginesty, Julien, Mange, Manuel, Morvillez, Nayrolles, Peyrusse, l'abbé Rocacher.
Excusés : M. Ahlsell de Toulza, Trésorier ; M. Tollon.
Invitée : Mlle Haralsdottir.

    La parole est au Secrétaire-adjoint pour la lecture du procès-verbal du 12 mars dernier.
    Le Président rappelle que la séance publique de la Société aura lieu samedi prochain. À cette occasion seront mis en vente à prix réduit des volumes anciens de nos Mémoires, quelques planches anciennes et quelques exemplaires de la thèse de M. André Turcat.
    Puis le Président annonce que Mlle Haralsdottir, que notre Société employait dans le cadre d'un C.E.S. depuis deux ans, va nous quitter le 31 mars. Au nom de notre Compagnie, le Président remercie Mlle Haralsdottir pour le travail qu'elle a effectué et toute l'aide qu'elle a apportée au cours de ces deux années à notre Bibliothécaire Louis Latour.
    À propos du réaménagement de nos locaux, le Président indique que les travaux de peinture et d'électricité sont en cours dans notre salle des séances. Nous sommes prêts pour le déménagement de la partie de notre bibliothèque qui se trouve à l'I.E.M. Il est sûr que la mise en place sur les rayonnages prendra beaucoup plus de temps, et Louis Latour estime à une année le temps nécessaire au reclassement complet des collections.

    On entend ensuite le rapport sur la candidature de Mlle Marie-Luce Pujalte, qui est élue membre correspondant de notre Société.

    La parole est alors à Daniel Cazes pour la communication du jour, consacrée à La collection des portraits romains du Musée Saint-Raymond : son histoire et son intérêt, qui sera publiée dans le t. LVII (1997) de nos Mémoires.[n'a pas été publiée]

    Le Président remercie Daniel Cazes pour cette communication qui nous a permis d'apprécier encore un peu plus les superbes portraits dont les plus beaux figurent dans l'exposition Le regard de Rome que nous avons pu voir il y a quelque temps. Il se dit surpris par les difficultés que soulève aussi bien l'identification des portraits que la reconstitution de l'histoire des collections. Il demande à Daniel Cazes si sa recherche lui a permis de glaner quelque information sur la tête de marbre qui nous été volée, dans nos locaux, il y a quelques années.
    Daniel Cazes répond qu'il n'a malheureusement rien trouvé à propos de cette petite tête de Jupiter de 15 cm de haut, dont on sait seulement qu'elle a été découverte à Salies-du-Salat sur l'emplacement d'un temple devenu une chapelle. Henri Pradalier rappelle que Georges Fouet pensait en avoir une photographie qu'il n'avait cependant pas pu retrouver dans ses archives. Répondant à une question du Président, Daniel Cazes confirme que l'histoire des collections médiévales du Musée des Augustins et parfois l'identification des œuvres sont tout aussi difficiles à établir.
    Mme Labrousse s'enquiert de ce que l'on pense aujourd'hui de l'identification du portrait que François Salviat avait considéré comme un portrait de César (Dossier de l'archéologie n° 41, février-mars 1980, p. 12-15). Daniel Cazes dit qu'il a été au début prêt d'admettre l'identification proposée, mais qu'elle lui a paru beaucoup moins convaincante après qu'il a eu vu le portrait conservé à la glyptothèque de Copenhague.


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    Jean Nayrolles voudrait savoir à quel moment on a cessé de dérestaurer les œuvres. Il fait remarquer que les dérestaurations ont été aussi catastrophiques que les restaurations abusives, et en prend pour preuve l'un des portraits d'Auguste. Le spectateur n'est pas gêné devant le portrait de Caracalla qui n'a pas été dérestauré alors que l'aspect lépreux de certaines sculptures en gêne considérablement la perception.
    Mme Labrousse indique que Robert Mesuret avait dérestauré intelligemment, lorsque, par exemple, les nez en plâtre étaient totalement inventés.
    Daniel Cazes précise qu'une dérestauration très importante a été réalisée dans les années 1948-1950, et que des dérestaurations avaient auparavant été effectuées dans les années 1930. La dérestauration des œuvres pose en effet des problèmes. Il est intéressant de constater qu'à Rome, chaque musée a sa propre doctrine, même si l'on observe une tendance générale à adopter des solutions médianes : ainsi le Musée du Capitole, que Daniel Cazes a revu récemment, complète des lacunes par trop gênantes pour l'œil, tandis que les Musées des Thermes continuent à dérestaurer. Jean Nayrolles suppose que les Allemands sont les plus puristes et Daniel Cazes confirme que les œuvres du musée de Munich ont été entièrement dérestaurées. Il rappelle par ailleurs que Louis de Bavière avait fait appel à des sculpteurs de grand talent pour les restaurations. Il insiste sur le fait que dans le cas des portraits, les restaurations peuvent être très préjudiciables et fausser le jugement porté sur l'œuvre : il suffit pour s'en rendre compte de mesurer à quel point la forme du nez peut modifier la physionomie d'un visage. C'est la raison pour laquelle le Musée du Capitole à Rome procède à des restaurations sur des draperies ou des jambes mais pas sur des visages. Au Musée Saint-Raymond, on a limité l'intervention au rebouchage des trous les plus voyants.
    Pour Mme Labrousse la restauration ou la dérestauration doit être vue au cas par cas. Il est impossible de remplacer un nez disparu mais un fragment de pommette peut être reconstitué sans difficulté. Daniel Cazes rappelle par ailleurs que François Braemer a eu l'occasion, lors du colloque organisé par l'ICOMOS à Toulouse en avril 1980, d'expliquer le sens dans lequel étaient réalisées les dérestaurations.

    Après avoir relevé que l'on a beaucoup critiqué la présentation de Léon Joulin, Louis Peyrusse dit que loin d'être sotte, elle lui a paru au contraire remarquable pour la manière dont elle prenait en compte l'éclairage, toutes les têtes étant tournées vers la lumière. Daniel Cazes précise que ce n'est pas tant la présentation qui lui paraît avoir été critiquable, même si l'on pouvait regretter celle de Du Mège moins froide, que la classification de Léon Joulin.
    Pour Mme Labrousse, il ne faut pas oublier que l'espace disponible est une condition essentielle de toute présentation, et que les conservateurs sont le plus souvent placés devant le dilemme de laisser en réserve de nombreuses œuvres ou au contraire d'en présenter un grand nombre dans des salles trop petites. Les contraintes qui étaient celles de la fin du XIXe siècle sont en fin de compte aussi celles de la fin du XXe siècle. Les Musées de Toulouse sont tous trop petits, alors que l'on construit en Europe des musées gigantesques pour des collections qui n'ont pas toujours l'importance des collections toulousaines. Jean Nayrolles demande si les quatre niveaux en cours d'aménagement dans le Musée Saint-Raymond auront pour effet de doubler la surface d'exposition. Daniel Cazes précise que le Musée disposera de 1400 m2 alors qu'il en faudrait 3000 : de très nombreuses pièces devront donc rester en réserve. Mme Labrousse rappelle qu'au moment de son départ, la Direction des Musées de France avait accepté le principe du cuvelage de la cour.
    Le Président pense que la Société Archéologique du Midi de la France pourrait mener campagne pour que nos édiles prennent conscience des insuffisances des musées.

    Maurice Scellès offre à la Société son guide de Moissac qui vient de paraître : Visiter l'abbaye de Moissac, Bordeaux : Ed. Sud-Ouest, 1996, 32 p., et un exemplaire du D.E.S. de P. Matsakis, L'art des sarcophages paléochrétiens de Toulouse (Ve-VIIe siècles), Faculté des Lettres de Toulouse, s.d. [1953 ou 1956], 1 vol. dactylographié de 207 p., 1 vol. d'illustrations, acheté chez un bouquiniste du marché Saint-Sernin. Le Président remercie les membres qui font des dons à la Société. Il faut souhaiter que ces dons soient plus nombreux et qu'en particulier les membres pensent à offrir à la Société leurs publications. Le Président ajoute que notre Société est également habilitée à recevoir des legs.

 

SÉANCE PUBLIQUE DU 30 MARS 1996

    Elle se tient dans la grande salle de l'Hôtel d'Assézat.

    Le Président ouvre la séance et donne la parole à M. Paul Féron, secrétaire de F.E.R.M.A.T., qui, après avoir demandé à l'assemblée d'excuser l'absence de son Président M. Jacques Raibaut, empêché d'être à Toulouse aujourd'hui, présente la nouvelle Association des Amis de l'Hôtel d'Assézat, sous-titrée F.E.R.M.A.T., Formation pour l'Étude et la Réalisation de la Médiathèque d'Assézat à Toulouse. Ce sous-titre est un programme puisqu'il s'agit non seulement de faire connaître l'Hôtel et son histoire, mais aussi de mettre à disposition d'un public plus large les bibliothèques et les fonds documentaires exceptionnels des Académies et Sociétés savantes en ayant recours aux moyens modernes de communication, à travers les ressources de l'informatique et du réseau Internet. Créée en octobre dernier, F.E.R.M.A.T. s'est dotée d'un conseil d'administration composé de deux collèges comprenant neuf membres issus des Académies et Sociétés savantes et neuf membres issus de la vie économique et sociale. Elle


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publie trois fois par an une lettre d'information sur ses activités et celles de l'Hôtel. M. Féron achève sa présentation en espérant qu'entreprises et personnes physiques seront nombreuses à s'associer au projet de F.E.R.M.A.T.

    Allocution du Président

    Monsieur le Maire, Mes chers confrères, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

    Selon la tradition il incombe au président de faire à l’occasion de la séance publique annuelle l’éloge des confrères disparus. Cette année, la Société Archéologique du Midi de la France a été doublement frappée en perdant le Comte Geoffroy de Goulaine et Richard Boudet.

LE COMTE GEOFFROY DE GOULAINE

    Le comte Geoffroy de Goulaine fait partie de ces personnes venues du nord et qui, conquises par notre région, s’y sont illustrées par une activité féconde et efficace. Vendéen d’origine, né à l’aube du siècle dans le superbe château familial de Haut-de-Goulaine, il était arrivé à Toulouse en 1963. Propriétaire d’un vignoble de qualité dans la Loire Atlantique, il se fixa malgré tout à Toulouse jusqu’à ce que sa santé l’oblige, il y a une dizaine d’années, à se rapprocher de ses enfants et à retourner dans sa région d’origine.
    Cultivé, brillant, affable et distingué, plein d’entregent, Geoffroy de Goulaine eut à cœur, une fois installé à Toulouse, de prendre la défense des monuments de la région et fut le créateur, dans la Haute-Garonne, de la délégation départementale des Vieilles Maisons Françaises. À son arrivée, il parvint à réunir un modeste cénacle de 8 personnes. Un an plus tard, ils étaient 150. C’est dire l’efficacité avec laquelle cet homme dynamique sut rassembler autour de sa personne une groupe important de propriétaires décidés à sauvegarder le patrimoine privé. Poursuivant dans cette voie et afin de rendre plus efficace l’action des Vieilles Maisons Françaises, il regroupa les différentes délégations départementales dans une fédération de la région Midi-Pyrénées. Mais son trait de génie, afin d’encourager les propriétaires à entretenir leurs demeures, souvent malgré la lourdeur des travaux à entreprendre, fut la création de la Tour d’Or. Il s’agit d’une tour en bois doré reprenant les formes du clocher de l’église Saint-Salvi à Albi, qui, chaque année, est attribuée au propriétaire ayant le mieux réparé ou embelli sa maison ou son château. Et chaque année, elle change de demeure à l’image des coupes des compétitions sportives. La recevoir, c’est, dans la région Midi-Pyrénées, recevoir la médaille du Mérite des Vieilles Maisons Françaises.
    Très vite l’action de Geoffroy de Goulaine l’amena à s’engager avec le courage qui était le sien dans les difficiles combats de défense et de protection des œuvres menacées. Il ne sortit pas toujours vainqueur de ces joutes mais parvint cependant à protéger ou à attirer l’attention sur quelques-unes d’entre elles. Je citerai le succès qu’il remporta, avec l’aide de la population locale, pour empêcher la vente aux États-Unis de la sculpture placée au-dessus du portail de l’ancien palais épiscopal d’Alan, la célèbre vache d’Alan, ou la défense efficace du château de La Cépière, un temps menacé de destruction. Il fut aussi le défenseur acharné du château des Verrières avenue Honoré Serres, qui abrite des vitraux de Gesta et des peintures de Benezet. Il eut moins de succès, en revanche, dans sa défense de la maison modèle d’Urbain Vitry, à l’extrémité des Allées Jean-Jaurès, maison remplacée par les immeubles sans âme que l’on sait.
    La convergence de ses préoccupations et de celles de la Société Archéologique pour la protection du patrimoine l’amenèrent tout naturellement à entrer dans notre compagnie en 1967 comme membre correspondant, jusqu’en 1989, où il fut nommé membre libre. Il y faisait des interventions judicieuses et précises que complétaient les comptes-rendus qu’il rédigeait dans la revue des Vieilles Maisons Françaises.
    Mais ceux qui ont connu le Comte de Goulaine retiennent essentiellement de lui sa sûreté de jugement dans l’analyse des monuments. Comme l’on dit couramment, c’était un œil. La possession de ce don rare, offert à un très petit nombre, explique que cet honnête homme consacra sa vie à la protection de la mémoire que nous transmettent les pierres.

RICHARD BOUDET (1958-1995)

    La perte de Richard Boudet est une des plus cruelles qui soit car la mort a frappé un homme de 37 ans, père de deux enfants, auquel était promis un brillant avenir de protohistorien. Il a d’ailleurs été victime de son métier, qui était aussi sa passion, puisque c’est le 26 août 1995, après deux jours de fouilles à Sainte-Eulalie-de-Cernon, dans l’Aveyron, et à la suite d’une pénible marche entreprise pour se rendre à la grotte-sanctuaire de l’Ourtiguet sur le Larzac, qu’il fut terrassé par une crise cardiaque.
    La trop courte carrière de Richard Boudet fut celle d’un chercheur de grande qualité, voué aux périodes gauloises et protohistoriques de l’isthme gaulois. Né à Tananarive en 1958, il avait obtenu son baccalauréat en 1976 avant de faire des études d’archéologie dans le cadre d’une licence de Lettres et Art à l’Université de Bordeaux III, où il obtint sa licence en 1979. En 1980,


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il soutint avec bonheur une maîtrise dirigée par le professeur Marcadé sur La céramique à l’âge du fer dans la basse vallée de la Dordogne, de Saint-Ciers sur Gironde à Castillon la Bataille. Puis ce fut, dans le délai rapide de quatre ans, la rédaction et la soutenance, à l’Université de Paris IV-Sorbonne, d’une thèse de IIIe cycle sur L’âge du fer récent dans la partie méridionale de l’estuaire girondin du Ve siècle au Ier siècle avant notre ère. Lorsqu’on sait les difficultés matérielles auxquelles se heurte la publication des thèses, on comprendra que la publication, dès 1987, de la thèse de Richard Boudet, constitue une garantie reconnue de qualité.
    Dès 1988, il entrait au CNRS comme chargé de recherches dans le groupe parisien du Centre d’Études Celtiques. En 1995, le centre d’Anthropologie du CNRS, installé au 56 rue du Taur et placé sous la direction du professeur Guilaine, l’accueillait en son sein. Depuis 1990 il avait en effet développé un programme de travail touchant le peuplement préromain du sud-ouest de la Gaule qui l’amena, en 1991, sur le chantier de fouilles de l’Ermitage à Agen. Il travaillait également, en collaboration avec le Cabinet des Médailles, à la mise à jour de l’Atlas des monnaies gauloises. Ses publications furent nombreuses et sa bibliographie contient un nombre impressionnant d’entrées pour un chercheur de son âge. Je ne les citerai pas ici, la liste en serait trop longue. Du reste, son épouse est en train de préparer un ouvrage dont la fructueuse consultation permettra de prendre connaissance de ses textes inédits, de ses derniers travaux et de sa bibliographie complète.
    Entré comme membre correspondant en 1989 dans notre Société, nous l’avions élu, dès 1994, membre titulaire. Dans le volume des Mémoires de 1993, il contribua, en collaboration avec Mme Labrousse, à la publication d’un texte préparé par notre ancien Président Michel Labrousse, consacré au célèbre trésor de Dunes.
    Il avait toujours eu soin de tenir la Société Archéologique au courant des importantes découvertes qu’il faisait sur le site de l’Ermitage à Agen. Chaque année il faisait au moins une brève communication résumant ses trouvailles. D’une grande rigueur scientifique et d’une clarté lumineuse, elles mettaient à portée des non spécialistes des notions généralement complexes. Tous ceux qui furent présents le 20 juin 1995, à la dernière séance de l’année académique, c’est-à-dire deux mois à peine avant sa mort, se souviendront de la courte mais brillante intervention au cours de laquelle il nous présenta le résultat de sa dernière campagne de fouilles. Celle-ci lui avait permis de découvrir de superbes objets, œuvres admirables en bronze et en bois d’if qui furent en quelque sorte les dernières fleurs offertes par l’archéologie à ce chercheur, qui méritait que son nom restât attaché à des œuvres essentielles pour la connaissance du sud-ouest pré-romain.
    À son épouse Béatrice, à ses deux fils Guillaume et Alexandre, âgés de 9 et 5 ans, la Société Archéologique, par ma bouche, présente ses condoléances les plus attristées.

 

    Depuis que nous nous réunissons, tous les ans, à l’occasion de la séance publique de la Société Archéologique, je vous ai tenu au courant du feuilleton de notre transfert dans l’extension de l’Hôtel d’Assézat, transfert consécutif à l’installation de la Fondation Bemberg dans la majeure partie de l’hôtel historique. Aujourd’hui, vous pouvez constater que l’extension Assézat, édifiée par la ville, est quasiment terminée. J’espère que cette année sera l’avant-dernier épisode du feuilleton. En effet, les derniers travaux sont en cours dans notre future salle des séances où l’on installe l’électricité et finit les peintures. Quand ces aménagements auront été terminés, nous pourrons utiliser cette belle salle rénovée à condition bien sûr d’y avoir accès à partir du grand escalier et à travers un sas mobile dont l’établissement, que nous espérons très prochain, n’a que trop tardé. Nous fixerons ensuite aux murs de cette salle les rares œuvres d’art que la Société Archéologique a conservées, puisque vous savez qu’elle s’est, au cours des ans et progressivement, dépouillée de ses richesses pour les offrir aux musées toulousains.
    Un mobilier neuf et adapté, fourni par la Ville de Toulouse, a été installé dans les salles de secrétariat et de lecture ; dans le bâtiment dit des archives, des rayonnages métalliques, destinés à recevoir notre bibliothèque, ont remplacé les vieilles étagères en bois que nous utilisions autrefois dans les anciens locaux ; nous sommes ainsi devenus détenteurs d’un ensemble qui nous permettra de travailler dans des conditions meilleures que celles que nous connaissions jadis.
    Déjà une partie importante de notre bibliothèque a été réinstallée dans les nouveaux locaux et notre bibliothécaire-archiviste, M. Latour, aidé de Mlle Haraldsdottir, est en train de procéder au rangement, au classement et au récolement des quelque 600 mètres linéaires de livres que nous possédons. En même temps, notre secrétaire-adjoint opère le tri des volumes en stock de nos Bulletins et Mémoires ainsi que des planches isolées qu’avait en surplus la Société Archéologique, ensemble que nous avons décidé de vendre à bas prix afin de faire place aux revues sans cesse plus nombreuses reçues à la suite de la réactivation du service des échanges. Celle-ci, menée par M. Scellès, nous permet en effet de recevoir plus de 125 revues par an dont 47 étrangères. À la vitesse où augmentent ces échanges, nous craignons d’ailleurs que d’ici une petite dizaine d’années les rayonnages ne soient insuffisants pour accueillir tous nos livres.
    Mais posséder une belle bibliothèque n’est pas une fin en soi. Aussi, notre ambition est de la mettre de plus en plus largement au service des Toulousains. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité avoir dans les nouveaux locaux une salle de lecture claire et assez spacieuse pour accueillir une vingtaine de chercheurs. Déjà notre bibliothécaire-archiviste, venant régulièrement d’Auterive tous les mardis, se tient à la disposition des personnes, souvent des étudiants, qui souhaitent consulter certains de ces ouvrages. Mais, devant le succès rencontré, il apparaît que cette solution est insuffisante et une idée est en train de faire son chemin : recruter un bibliothécaire à temps plein, en collaboration avec nos confrères des six académies, qui aurait la charge des bibliothèques de toutes les Académies. Il y faudrait bien sûr l’aide conséquente de mécènes ou de la Ville de Toulouse peut-être, qui profiterait ainsi de la retombée culturelle qui entoure la renommée des bibliothèques contenant des ouvrages rares. Ceci d’autant plus que nous projetons de procéder à la saisie informatique de ces bibliothèques afin d’en faciliter la consultation et qu’elles pourraient être placées en réseau avec les bibliothèques de la Ville. D’ailleurs nos confrères de l’Académie des Sciences sont


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depuis quelque temps passés à la réalisation. Il n’est pas exclu qu’un jour, assez proche, les bibliothèques de l’Hôtel d’Assézat n’apparaissent également sur Internet de même que le contenu des volumes de nos Mémoires.
    Les remarques que je viens de faire valent aussi pour nos archives dont certains documents sont essentiels pour la connaissance des fouilles de Saint-Bertrand-de-Comminges ou celles de la villa de Chiragan, à Martres, dont les superbes marbres ont été les fleurons de l’exposition Le regard de Rome que vous tous, qui êtes des amateurs et des connaisseurs du patrimoine toulousain, avez visitée. Cette exposition connaît d’ailleurs, en ce moment, à Rome même, où il n’était pas prévu à l’origine qu’elle soit présentée, un succès hors du commun. La Société Archéologique est fière d’avoir contribué, tout au long du XIXe siècle par l’action de ses fondateurs et de certains de ses membres, à la découverte et à la protection d’une collection qui fait la gloire de Toulouse. Notre secrétaire-général, M. Daniel Cazes, qui, en tant que Conservateur du Musée Saint-Raymond, est un des commissaires de cette exposition, avec ses confrères des musées de Mérida et Tarragone, a d’ailleurs utilisé certains de nos documents pour la préparation de cette exposition où plusieurs d’entre eux sont présentés. Les recherches qu’il a menées à cette occasion ont été profitables pour la Société Archéologique puisqu’elles lui ont permis de procéder à l’inventaire et au reclassement de ces archives que nous espérons pouvoir ouvrir à la consultation dans un proche avenir. Ce travail s’accompagne de la saisie informatique des procès-verbaux des séances des premières années de la Société Archéologique qui n’ont jamais été publiés et contiennent une foule de renseignements sur l’acquisition pour la ville de Toulouse et par la Société Archéologique d’œuvres qui sont aujourd’hui dans les musées toulousains.

    Ces préoccupations, ces travaux, ces remises à jour se font sans entamer en rien le travail ordinaire, si je puis dire, de la Société Archéologique : la tenue de séances et la publication, soit sous forme de résumés dans le Bulletin, soit sous forme d’articles dans les Mémoires, des communications scientifiques qui y sont entendues. Cette année, en respectant une discipline de fer, nous avons pu, pour la première fois depuis des décennies, sortir dans l’année même le volume des Mémoires, qui est paru dès le mois de décembre. Nous espérons qu’il connaîtra le même retentissement scientifique que le volume qui l’a précédé, dont plusieurs revues nationales ont fait, dans leurs colonnes, des comptes-rendus élogieux.

    Avant de vous donner la liste des travaux et communications de cette année, je ne saurais passer sous silence les deux événements que fête Toulouse cette année : le départ de la première croisade, dont le chef politique fut jusqu’en Palestine, le Comte de Toulouse, Raymond IV de Saint-Gilles, et, surtout, le neuvième centenaire de la consécration de la basilique Saint-Sernin, événement plus médiatisé que le premier. À cette occasion va paraître, dans quatre jours, un ouvrage d’études spécial consacré à notre basilique. J’insiste sur sa parution, parce que plus de la moitié des auteurs sont des membres assidus et actifs de la Société Archéologique qui est fière d’avoir ainsi contribué à une publication, dont on espère qu’elle fera date pour une meilleure connaissance de Saint-Sernin. Nous espérons aussi que dès cette année 1996 pourra paraître la publication attendue avec impatience et intérêt par tous les érudits, du Cartulaire de Saint-Sernin auquel notre confrère M. Pierre Gérard travaille depuis de longues années. Enfin, sur l’insistance de la Société Archéologique, la Société Française d’Archéologie a décidé de faire cette année son congrès annuel consacré à Toulouse, au Comminges et au Couserans. Le congrès, qui se tiendra dans la deuxième semaine du mois de septembre, donnera lieu à l’importante publication d’un volume qui s’intitulera vraisemblablement, Toulousain, Comminges et Couserans.

    J’en viens, pour finir, à la liste des communications que nous avons entendues cette année. Vous ne serez pas surpris, je pense, si Saint-Sernin de Toulouse y occupe une place importante. Il était normal que la Société Archéologique s’intéressât tout particulièrement à ce monument pour son 9e centenaire. C’est ainsi que votre serviteur et M. Julien ont ouvert l’année par une étude du Clocher de Saint-Sernin et de sa surélévation, que M. Cabau s’est penché sur La prétendue Chronique de Saint-Sernin de Toulouse, que M. Gérard a fait une Étude toponymique de la paroisse Saint-Sernin au XIIe siècle et que M. Julien a consacré une communication à La chapelle Notre-Dame de Bonnes Nouvelles dans l’ancien cloître de Saint-Sernin.
    Grâce à notre secrétaire-général, une de nos séances a été consacrée à une visite exclusive et privilégiée de l’exposition Le regard de Rome. L’abbé Baccrabère continue à publier avec opiniâtreté les résultats d’une vie de fouilles et de contact avec le sous-sol toulousain. Cette année il nous a fait découvrir les Fours de potiers du Ier siècle av. J.-C. à Saint-Michel du Touch. Sur la période médiévale nous avons entendu trois communications. La première, de M. Scellès, est un complément à la conférence faite l’an dernier au cours de la séance publique, sur l’architecture civile à Cahors au XIVe siècle ; la deuxième, de Mme Pousthomis, donne le résultat des fouilles qu’elle a menées avec son mari à Catus et qui ont permis de retrouver les chapiteaux d’une des galeries du cloître de ce prieuré. La troisième, de Mme Cazes et de M. Bonzom a porté sur L’église de Blagnac. La période moderne a été illustrée par quatre communications. L’une de M. Bertrand sur La tapisserie à Toulouse au XVIe siècle : mécènes, marchands et fabricants, l’autre de Mlle Bourdieu sur Les œuvres religieuses du sculpteur Pierre Affre dans la région toulousaine, la troisième de M. Pascal Julien sur Le sculpteur toulousain Gervais Drouet disciple du Bernin et auteur du retable de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse. La dernière enfin, de Mme Wattin-Grandchamp et M. Cranga sur Le château de Masneau-Massuguies dans le Tarn.
    L’ouverture de notre société lui permet de s’intéresser désormais à des tranches chronologiques nouvelles et plus proches de nous, et le XIXe siècle a ainsi bénéficié de trois communications. M. Jean Nayrolles nous a donné le résumé d’une partie de sa thèse à travers une communication sur L’architecture néo-romane dans la Haute-Garonne, Mme Michèle Heng nous a fait découvrir un ensemble inédit de dessins de monuments pyrénéens exécutés lors de son Voyage aux Pyrénées en 1822 par le dessinateur anglais John Claude Nattes, et M. Peyrusse nous a entretenu des Terres cuites religieuses des Virebent.

    Voilà l’essentiel des activités scientifiques qui furent les nôtres cette année. Mais il ne s’agit que d’un résumé. Souvent il nous arrive d’aborder les questions d’actualité. À tire d’exemple je citerai seulement celle qui a retenu notre attention au mois de juin dernier car elle concerne une œuvre rarissime et pourtant toulousaine, méconnue et pourtant offerte à tous les regards. Il s’agit de


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la statue sommant la colonne de la Place Dupuy. Au mois de juin dernier, elle a été descendue de sa colonne pour nettoyage, puis rapidement remise en place en raison d’une inauguration prévue sur la place. Mais l’observation rapide de cette œuvre a permis à l’un de nos confrères, M. Tollon, de se rendre compte de son importance. On a souvent dit qu’elle représentait la Gloire ou une Victoire. Il n’en est rien.
    Statue en bronze de la Renaissance, elle a été réalisée dans un but emblématique pour représenter la ville de Toulouse : c’est une allégorie vite appelée par nos prédécesseurs du XVIe siècle, Dame Toulouse. Demandée par les capitouls, elle fut placée au-dessus de la tour des archives comme symbole de la puissance et de l’antiquité de la ville, face aux clochers des églises et à la tour de l’Aigle du Parlement, comme affirmation du pouvoir communal. On ne connaît que deux autres bronzes Renaissance de ce type en Europe : le Giraldillo placé en 1568 au sommet du clocher de la cathédrale de Séville et qui lui a donné son nom de Giralda, et celle dite de l’homme de fer, en réalité une statue de Mars, installée vers 1576 sur la tour de l’Hôtel de Ville d’Arles.
    L’examen de l’œuvre a permis de remarquer que les pieds de la statue toulousaine ont été refaits très grossièrement en résine lors d’une restauration en 1952, qu’en 1832 on y a ajouté des ailes en fonte et placé dans les mains des couronnes qui n’y étaient pas à l’origine pour la transformer en allégorie de la Gloire. En même temps, elle fut consolidée à l’intérieur par l’établissement d’une tige de fer qui lui fait courir un grave risque de corrosion car le mélange fer-bronze est particulièrement néfaste pour le bronze. Le contrat du modèle en bois, dont on possède la description et qui permet ainsi de connaître l’aspect initial de la statue, fut passé par les capitouls, en 1544, avec Jean Rancy qui mériterait d’être aussi connu que son contemporain le grand sculpteur de la Renaissance toulousaine, Nicolas Bachelier, qui travailla à ses débuts sur les cartons et modèles de Rancy. La Ville de Toulouse et l’Inspection des Monuments historiques alertées par nos soins ont immédiatement saisi l’importance de cette œuvre qui va être redescendue pour étude et restauration. Il serait bon qu’un chef-d’œuvre de cette rareté soit remplacé par une réplique, comme on l’a fait à Paris pour les chevaux de Marly, et qu’il soit placé en un lieu prestigieux et public, où il aura nécessairement sa place.
    Nos séances, vous le voyez, sont sources de discussions, de découvertes et d’études. Elles accueillent un nombre sans cesse croissant de confrères, et de confrères jeunes, au fur et à mesure que se multiplient les demandes d’adhésion. Mais tout succès à son revers et ce n’est pas sans inquiétude que nous voyons approcher le temps où nous serons contraints, devant l’abondance et la qualité des communications, à des choix douloureux pour la publication.

 

    Rapport sur le concours, présenté par Mme Françoise Merlet-Bagnéris. Mlle Stéphanie Trouvé reçoit le prix de Champreux, Mlle Cécile Burnier le prix de Clausade et Mlle Arnaud le prix spécial de la Société Archéologique du Midi de la France. Le prix du professeur Michel Labrousse récompense M. Laurent Troisplis.

    Conférence de M. André Turcat, docteur ès Lettres : Les sculpteurs français en Espagne au XVIe siècle.


1ère partie
Séances du 7 novembre 1995 au 9 janvier 1996
3e partie
Séances du 2 avril 1996 au 18 juin 1996