Société Archéologique  du Midi de la France
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Mémoires
de la Société Archéologique
du Midi de la France

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Tome LXI (2001)



 

BULLETIN DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE
2000-2001

établi par Patrice CABAU & Maurice SCELLÈS  


Séances du 3 octobre 2000 au 23 janvier 2001 Séances du 20 février 2001 au 11 mai 2001
Séances du 15 mai 2001 au 19 juin 2001

M.S.A.M.F., t. LXI, p. 244

 

SÉANCE DU 15 MAI 2001

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-Archiviste ; Mme Pradalier-Schlumberger, MM. l’abbé Baccrabère, Bordes, Boudartchouk, Prin, Mgr Rocacher, MM. Roquebert, Tollon, membres titulaires ; Mmes Blanc-Rouquette, Fraïsse, Jimenez, MM. Burroni, Cranga, Laffont, Garland, Manuel, membres correspondants.
Excusés : Mmes Cazes, Napoléone, Pujalte, MM. Nayrolles, Pradalier.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 24 avril, qui est adopté.

    Au nom du Bureau, le Président présente ses excuses aux membres qui n’ont pu être avertis de la visite du chantier de restauration des peintures murales de Notre-Dame-du-Taur, et il explique les circonstances dans lesquelles cette visite a dû être improvisée. Seule la moitié de la peinture a été restaurée, pour des raisons budgétaires, et une seconde campagne est programmée pour 2002, ce qui permettra une nouvelle visite en compagnie du restaurateur, M. Jean-Marc Stouff.

    Plusieurs dons viennent enrichir notre bibliothèque. Emmanuel Garland offre les quatre volumes de sa thèse, L’iconographie romane dans la région centrale des Pyrénées, soutenue en 1995, et Michel Roquebert plusieurs ouvrages parmi lesquels figurent Consulat et administration de Narbonne et un exemplaire du rapport sur les fouilles faites à Montségur. L’abbé Baccrabère offre son dernier livre, La céramique toulousaine à travers les siècles, Toulouse : Accord éditions, 2001, 272 p. qu’il présente à la Compagnie à l’invitation du Président. L’abbé Baccrabère indique que c’est sous la pression de ses amis qu’il s’est décidé à réunir en un volume les différents articles parus dans les Mémoires de notre Société ou dans ceux de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, en leur adjoignant quelques chapitres qui, précise le Président, apportent la synthèse que nous attendions.

    Le Président indique que le Service régional de l’archéologie, le Musée Saint-Raymond et notre Société effectueront une campagne de fouilles à Martres-Tolosane du 8 au 13 juin prochains. Le Directeur rappelle que le Service régional de l’archéologie souhaite compléter les sondages archéologiques réalisés sur nos terrains par d’autres à effectuer sur des terrains voisins. Cette prochaine campagne devra également permettre d’achever l’étude électromagnétique. Le Directeur fait appel aux membres qui pourraient se joindre à l’équipe de fouilles et annonce qu’une visite du site sera organisée à la fin de la campagne. Il ajoute que le rapport final de synthèse sera achevé pour la fin de l’année et que la présentation des principaux résultats sera proposée lors d’une séance de la prochaine année académique.
    Le Président rappelle à la Compagnie que les journées d’étude sur la maison médiévale dans le Midi de la France, organisées par notre Société, FRAMESPA et l’Université de Toulouse-Le Mirail, se tiendront les 19 et 20 mai prochains à l’Hôtel d’Assézat.

    Le Président donne la parole à Maurice Prin pour Quelques réflexions sur Notre Dame de Grâce :

« "Notre Dame de Grasse" et un dessin ancien conservé à Stockholm

    Les Flandres à la fin du Moyen Âge ont vu se développer sur leur territoire un vaste mouvement de production artistique de très haut niveau, englobant la sculpture, la peinture et la tapisserie de haute lisse. Parmi les peintres les plus éminents, on remarque Rogier Van der Weyden, autrement dit Rogier de la Pasture, né à Tournai en 1399, mort à Bruxelles en 1464. Wallon d’origine, Flamand d’éducation, il se fixa à Bruxelles vers 1425. Pour la municipalité de cette ville, il peignit quatre panneaux, aujourd’hui disparus, qui firent l’admiration d’Albert Dürer. Parmi les nombreuses œuvres subsistantes, on note la Descente de croix conservée à Madrid au Musée du Prado, le triptyque de la Chartreuse de Miraflores, aujourd’hui à Berlin, le Jugement dernier de l’Hospice de


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Beaune en Bourgogne, exécuté au retour de son séjour à Rome où il est présent pour le jubilé de 1450.
    La production de ce peintre fut considérable. Quelques œuvres ont malheureusement disparu, tels les quatre panneaux consacrés à la Justice de Trajan, peints pour l’Hôtel de Ville de Bruxelles et qui auraient été détruits en 1695 lors du bombardement de la cité effectué par les troupes françaises.

« NOSTRE DAME DE GRÂCE », TOULOUSE, Musée des Augustins. Cliché Jean Dieuzaide.

    Dans la série des œuvres disparues, on retiendra l’intérêt de trois fragments d’un ensemble peint à l’huile sur un panneau de chêne, dont l’un est conservé à la National Gallery de Londres, représentant une sainte femme assise sur un coussin, en train de lire, que l’on identifie à Marie-Madeleine. Les deux autres fragments, aux dimensions plus réduites, font partie de la collection de la Fondaçao Galouste Gulbenkian de Lisbonne : ils présentent deux visages, l’un féminin, l’autre masculin, identifiés à sainte Catherine d’Alexandrie et saint Joseph. Ces trois fragments sont les restes d’un vaste tableau d’autel peint vers 1445, dont on ne connaît ni le lieu auquel il était destiné, ni les circonstances qui ont entraîné sa destruction : peut-être a-t-il été victime des événements violents survenus à Bruxelles en 1695.

    En 1971, Ward a publié dans The Art Bulletin (1) une reconstitution de ce tableau détruit, en rassemblant à la fois ces trois fragments subsistants et un dessin ancien conservé à Stockholm (2), attribué au maître de Cobourg, représentant les personnages principaux de l’œuvre, disposés au centre de la composition disparue. Selon Ward, il s’agissait d’une sacra conversazione regroupant huit personnages à l’intérieur d’une salle éclairée par plusieurs baies et possédant une cheminée placée au centre de la pièce. En partant de la gauche, on rencontrait d’abord un évêque bénissant, dont la silhouette rappelle le saint Éloi figurant sur un dessin ancien représentant un retable, disparu lui aussi, peint par l’atelier de Rogier : le document est conservé au Département des Arts graphiques du Musée du Louvre à Paris (inv. 20654). Venaient ensuite sainte Catherine d’Alexandrie agenouillée, dont le visage est conservé à Lisbonne, puis saint Jean-Baptiste debout, une jambe dénudée, présentant d’une main un livre ouvert, de l’autre tendant un doigt vers la Vierge Marie. Celle-ci était assise au centre de la composition, et elle tournait son visage mélancolique vers le geste du Baptiste. L’Enfant Jésus, étendu sur la gauche de sa mère, était occupé à écrire avec une plume sur un livre ouvert que lui présentait Jean l’Évangéliste, qui tenait de l’autre main un encrier. Un autre personnage debout est identifié à saint Joseph, dont le visage subsistant est conservé à Lisbonne, et Marie-Madeleine assise sur un coussin, aujourd’hui à Londres, terminait la série.
    On comprend désormais l’importance, dans cet essai de reconstitution, du dessin conservé à Stockholm. Ce précieux document apparaît au grand public en 1979, lors de l’exposition consacrée à l’œuvre de Van der Weyden à Bruxelles, avec une reproduction dans le catalogue. Il figure en bonne place dans l’ouvrage de Stephan Kemperdick (1999-2000) ainsi que dans le monumental ouvrage de Dirk de Vos, Rogier Van der Weyden, Hazan, 1999. L’intérêt tient surtout au rassemblement des quatre personnages placés au centre : Jean le Baptiste, Marie, l’Enfant Jésus et Jean l’Évangéliste. Il s’agit d’une figuration allégorique où, d’une part, le Baptiste présente le livre de l’Ancien Testament, en désignant du doigt le Christ, l’Agneau de Dieu. D’autre part, comme le souligne saint Jérôme dans la préface de sa traduction de la Bible, appelée la Vulgate, l’accent est mis sur le début du quatrième évangile composé par saint Jean, dont la teneur apparaît toute divine : "Au commencement était le


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STOCKHOLM, NATIONAL MUSEUM, DESSIN attribué au maître de Cobourg,
d'après un tableau disparu de Rogier Van der Weyden.

Verbe, et le Verbe était Dieu… Il envoya un homme nommé Jean… Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous". Dans cette optique, c’est Jésus-Christ qui écrit les premières phrases de l’Évangile qui lui présente Jean l’Évangéliste. Nous sommes donc au point de rencontre entre l’Ancien et le Nouveau Testament.

    À côté de ces considérations essentielles pour comprendre le sens du sujet, les Toulousains qui fréquentent le Musée des Augustins peuvent reconnaître dans les traits de la Madone de cet ancien retable que nous procure le dessin de Stockholm, la silhouette de la célèbre "Nostre Dame de Grasse". Le visage nostalgique de la mère qui se tourne vers Jean-Baptiste et l’Enfant qui s’étire, non pour s’échapper mais pour écrire sur le livre qui lui présente l’Évangéliste, sont communs aux deux figurations. Nous sommes là, très vraisemblablement, à la source même qui servit d’inspiration au sculpteur de la célèbre statue. Désormais se pose la question : le sculpteur de "Nostre Dame de Grasse" a-t-il eu l’occasion d’admirer le tableau de maître Rogier au cours d’un voyage à travers les Flandres, ou bien le charme de la composition lui est-il parvenu par l’intermédiaire d’un dessin ? Selon toute vraisemblance, le maître sculpteur semble avoir retenu essentiellement la silhouette de la Madone tenant son enfant sans se préoccuper des autres personnages. Ce qui permet de s’attarder sur cette considération, c’est la présence d’une mouluration sur le socle de la statue, continue sur les trois côtés. Ainsi, elle exclut la présence immédiate d’autres personnages attenants au groupe, particulièrement celle de saint Jean présentant le livre à l’Enfant écrivain.


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    Pour ce qui est de la Madone sculptée, on retrouve les grandes lignes de la composition figurant sur le dessin conservé à Stockholm : les regards divergents sont identiques dans les deux cas, ainsi que le mouvement de la robe de la mère évoluant vers le bras, en diagonale à partir du genou. On note cependant quelques légères variantes, avec l’adjonction sur la sculpture d’une couronne perlée et d’un livre fermé que la Vierge retient sous le bras.

    En ce qui concerne l’histoire de la statue et de sa mystérieuse origine, il faut rappeler qu’elle apparaît pour la première fois dans l’édition de 1813 du catalogue du Musée des Augustins, avec la mention "origine inconnue". Un siècle plus tard, Jules de Lahondès émet l’hypothèse de l’attribution au sanctuaire de Notre-Dame de Grâce de Bruguière, près de Saint-Jory. Par la suite, Henri Rachou, Marguerite de Bévotte, Paul Mesplé et Marcel Rascol seront du même avis. Il faut cependant tenir compte des travaux historiques de Jean-Jacques Percin, publiés en 1693, repris et complétés au XIXe siècle par Chauliac, qui donnent un aperçu détaillé du prieuré et de son pèlerinage, et où est relatée l’invention et les divers avatars d’une statuette en bois du XIVe siècle représentant la Vierge Marie. Malgré la disparition du prieuré en 1789, le pèlerinage a survécu et la statuette, sauvée de la tourmente révolutionnaire, est toujours vénérée dans l’église paroissiale de cette localité. Attribuer la célèbre image de "Nostre Dame de Grasse" au prieuré de Bruguière pose donc un faux problème, sur un modeste sanctuaire rural et une sculpture qui apparemment n’en posent pas.

    En raison du caractère exceptionnel de la célèbre statue, il est préférable d’orienter la recherche vers les sanctuaires toulousains, d’autant qu’il semble bien qu’elle ait inspiré le sculpteur du groupe de l’Épiphanie de l’église Saint-Nicolas de Toulouse, sujet repris un peu plus tard à la cathédrale de Lavaur. Aussi est-il important de répertorier les vocables de Notre-Dame de Grâce dans Toulouse, à travers les témoignages conservés dans les archives. Le vocable apparaît pour l’une des chapelles de l’église des Grands Carmes dans l’intervalle des années 1648 et 1678, précédé et suivi de vocables différents. En raison de la date relativement tardive, cette chapelle ne peut être retenue.

    La recherche dirigée vers le couvent des Jacobins donne des résultats plus concluants. Dès la fin du XVe siècle, on rencontre à plusieurs reprises la mention d’une chapelle placée sous le vocable de Notre-Dame de Grâces :

1. Jeanne Vilette, épouse de Guiraud de Palays, seigneur de Tarabel, demande, le 4 janvier 1487, a être inhumée aux Jacobins, dans la chapelle de sainte Marie des Grâces (3).
2. L’année suivante, 1488, la chapelle bénéficie de la donation d’un nommé Raymond (4).
3. Dans le testament de Jean Lopez, oncle de Pierre Lopez et grand-père maternel de Michel de Montaigne, acte retenu le 12 mai 1497 par le notaire Jean Laysaci, est demandé que le dit Lopez soit enseveli dans le couvent des Frères Prêcheurs, à la chapelle de Notre-Dame de Grâces, avec le pieux habit du Tiers-Ordre de saint Dominique (5).
4. Enfin, en 1512, à l’occasion de la remise en état de l’ensemble des verrières de l’église, exécutée aux frais de généreux donateurs, l’économe du couvent indique chacune des fenêtres à réparer, à partir des vocables des chapelles de l’édifice (6). En commençant par le clocher, la quatrième est ainsi indiquée : " Le vitrail de la bienheureuse Marie de Grâces fut réparé par les soins d’Antoine Ferret, dit Papillon, peintre, pour le prix de 18 livres tournois ". Cette dernière mention a l’avantage sur les précédentes de localiser très exactement l’emplacement de cette chapelle située dans l’axe du chevet de l’église, chapelle devenue par la suite de Notre Dame du Chapelet, et à partir de 1609, de Notre Dame du Rosaire. 

    Il est permis de constater l’intérêt de ces archives pour la localisation d’une chapelle dédiée à Notre-Dame de Grâces au XVe siècle dans l’église des Jacobins, chapelle à usage funéraire de la famille de Palays dès la fin du XIIIe siècle, et de voir combien le dessin d’un ancien tableau du maître flamand Rogier Van der Weyden apporte aujourd’hui à l’histoire de la célèbre statue de "Nostre Dame de Grasse".

Maurice Prin »

1. J. L. Ward, " A proposed Reconstitution of an Altare-piece by Rogier Van der Weyden ", dans The Art Bulletin, 53 (1971), p. 27-35.
2. Stockholm, Nationalmuseum, inv. N° 148-1918, Vierge et l’Enfant, saint Jean-Baptiste, saint Jean l’Évangéliste et un saint évêque.
3. A. Navelle, Familles nobles et notables du Midi toulousain, t. VIII, p. 166.
4. A.D. Haute-Garonne, 112 H, Chartreux.
5. R. Corraze, " Les Lopez, ancêtres maternels de Montaigne ", dans Bulletin philologique et historique, Paris, 1932-1933, p. 283-298.


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6. A.D. Haute-Garonne, 112 H, Dominicains, dans le plus petit des quatre registres du conseil conventuel. 

 

    Le Président remercie Maurice Prin de nous avoir apporté des sources iconographiques qui éclairent la position si curieuse de l’Enfant et d’avoir complété le dossier de l’origine jacobine du chef-d’œuvre aujourd’hui conservé au Musée des Augustins. Comme il fait remarquer que la Vierge toulousaine présente cependant un livre sous le bras, Maurice Prin confirme que la statue n’est pas une copie exacte du dessin qui l’a inspirée.

    La parole est à Patrice Cabau pour la communication du jour : De saint Saturnin à Saint-Sernin :

    « L’établissement d’une nouvelle édition critique de l’Opuscule relatant la passion de l’évêque de Toulouse Saturnin ainsi que l’inhumation, l’invention et la translation de son corps – édition publiée dans le présent volume – nous a amené à reprendre la question des lieux des sépultures du martyr et de ses premiers successeurs (cf. CABAU [Patrice], Opusculum de passione ac translatione sancti Saturnini, episcopi Tolosanae ciuitatis et martyris - Édition et traduction provisoires, dans M.S.A.M.F., t. LXI [2001] – Les évêques de Toulouse (IIIe-XIVe siècles) et les lieux de leur sépulture - Première partie : les évêques de Toulouse, dans M.S.A.M.F., t. LIX [1999], p. 123-162 ; cf. p. 261-262 - Seconde partie : les lieux de sépulture des évêques de Toulouse, dans M.S.A.M.F., t. LX [2000], p. 115-118 – Mamertin, évêque de Toulouse en 314, dans M.S.A.M.F., t. LX [2000], p. 228-231 – Les références utiles pour l’étude qui suit seront données dans l’édition électronique à publier sur le site Internet de la Société : http://www.societes-savantes-toulouse.fr./samf/memoires/t_60/cabau2).

Les lieux de sépulture des évêques de Toulouse

    De sa fondation, avant le milieu du troisième siècle, à son érection en métropole, au début du quatorzième, l’Église de Toulouse a été gouvernée par une longue succession d’évêques dont le souvenir s’est peu à peu effacé. En l’absence de liste épiscopale authentique, on a dû reconstituer les fastes épiscopaux par le biais de la recherche et de la critique historiques ; par suite de la disparition de la quasi-totalité des sépultures épiscopales, il faut recourir à la même méthode pour esquisser une géographie de ces lieux de mémoire. Il apparaît que les inhumations des évêques, originellement pratiquées hors les murs de la ville antique, dans les parages de la basilique Saint-Sernin, se dispersent ensuite et ne commencent à s’implanter à la cathédrale Saint-Étienne, dans la cité médiévale, qu’à la fin du treizième siècle.

    Comme précédemment établi dans les fastes, quarante-deux évêques peuvent être retenus pour le premier millénaire de l’Église de Toulouse. La localisation de leur sépulture est connue avec certitude pour dix d’entre eux ; elle reste conjecturale pour cinq ou six autres. Les données disponibles à ce sujet permettent de se rendre compte de la diversité des lieux d’inhumation et de comprendre les raisons qui ont déterminé ces localisations différentes : aléas d’un supplice et d’une translation pour le premier évêque et martyr Saturnin († 250) ; inhumation supposée auprès d’un saint prédécesseur pour Hilaire († 3..) et Silve († 3..) ; sépulture probable dans un domaine rural possédé par l’Église de Toulouse pour Exupère († 4..) et Germier († 6..), avec de plus pour ce dernier existence d’une église qu’il aurait fondée ; appartenance à une congrégation religieuse pour le bénédictin Érembert († 6..), le cistercien Foulque de Marseille († 1231), le dominicain Raymond du Fauga († 1270), le franciscain Louis d’Anjou-Sicile († 1297), avec par surcroît pour le clunisien Durand de Bredons († 1071) le cumul d’un abbatiat et de l’épiscopat ; dévotion particulière à l’égard d’un Ordre, celui des Frères Prêcheurs pour Hugues Mascaron († 1296), celui des Frères mineurs pour Arnaud Roger de Comminges († 1298) ; dilection spéciale du défunt pour un lieu de culte par lui établi, une église rurale pour Germier, une collégiale pour Pierre de La Chapelle-Taillefert († 1312), ou par lui reconstruit, la cathédrale de Toulouse pour Bertrand de L’Isle-Jourdain († 1286). Le choix du lieu de sépulture a été dans trois cas dicté par la volonté expresse de l’évêque stipulée dans son testament (Bertrand de L’Isle-Jourdain, Hugues Mascaron, Louis d’Anjou-Sicile) ; un quatrième cas (Hugues † 9..) demeure tout à fait hypothétique, le lieu d’ensevelissement effectif restant ignoré.

    Le constat du caractère contingent de la localisation des sépultures épiscopales conduit à nuancer une assertion de Joseph Vaissete (1685-1756), qui déclare dans le quatrième volume de l’Histoire générale de Languedoc, publié en 1742 : "Il [Bertrand de L’Ille-Jourdain] fut le premier évêque de Toulouse inhumé dans sa cathedrale : ses predécesseurs jusqu’à lui avoient eu leur sepulture dans l’église de S. Sernin." L’indication initiale paraît


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absolument avérée. Elle se fonde sur une remarque faite en 1313/1316 par Bernard Guy dans son traité sur les évêques de Toulouse (Nomina episcoporum Tholose) : Bertrandus de Insula […] Sepultus uero fuit primus episcopus in ecclesia cathedrali Sancti Stephani Tholose, observation relevée par Guillaume de Catel (1560-1626) : "Frere Bernard Guido remarque que ç’a esté le premier Euesque de Tolose qui a esté enterré dans l’Eglise Cathédrale sainct Estienne de Tolose […]". La seconde indication est sans doute moins pertinente ; dom Vaissete a lui-même rapporté que les prédécesseurs de Bertrand de L’Isle-Jourdain († 1286), Foulque de Marseille († 1231) et Raymond du Fauga († 1270), avaient été inhumés ailleurs qu’à Saint-Sernin, celui-ci "dans l’église de Dominicains de Toulouse, ses confreres", celui-là "en l’abbaye de Grand-selve, de l’ordre de Cîteaux dont il avoit été religieux".
    Au demeurant, l’opinion du bénédictin procède d’une série de textes et de "traditions" dont il importe de reprendre l’analyse dans une perspective critique.

Sentence arbitrale de l’évêque de Toulouse Isarn (1093)

    Le 2 décembre 1093, l’évêque de Toulouse Isarn de Lavaur, assisté de ses collègues Simon d’Agen et Pierre de Carcassonne, prononça une sentence arbitrale destinée à mettre fin à la querelle qui opposait, entre autres litiges, les communautés canoniales de Saint-Étienne et de Saint-Sernin au sujet de la sépulture des notables de Toulouse. L’acte de ce jugement, transcrit dans le cartulaire de Saint-Sernin dans le dernier tiers du douzième siècle et partiellement publié par Guillaume de Catel en 1623, stipule que "l’évêque et le comte et tous les chevaliers et leurs épouses, aussi leurs fils et filles, […] devront être ensevelis dans le cimetière de Saint-Sernin, à partir de cette heure et pour tout l’avenir". Claude Devic (1660-1734) et Joseph Vaissete, préoccupés surtout de la question de la sépulture des comtes de Toulouse, ont présenté cette disposition de la façon suivante : "Ces prélats par leur jugement maintinrent les chanoines de saint Sernin dans l’usage où ils étoient d’enterrer dans le cimetiere de leur église, l’évêque, le comte, & tous les nobles de la ville ; usage fondé, sans doute, sur la pieté des peuples envers le saint fondateur de l’église de Toulouse. De là vient que le cimetiere de saint Sernin s’appelle encore à présent le cimetiere des nobles". Sans doute une telle interprétation est-elle un peu forcée, dans la mesure où la sentence paraît viser non tant à perpétuer une tradition qu’à établir une règle nouvelle. Au demeurant, celle-ci ne fut pas observée pour les comtes : à la même époque, Guillaume IV († 1093/1094) obtint du pape Urbain II (1088-1099) la permission de fonder un cimetière comtal à Sainte-Marie la Daurade, autorisation confirmée par le pape Pascal II (1099-1118) le 7 novembre 1105. S’agissant des évêques, il n’y a aucun indice que l’un d’entre eux ait été inhumé à Saint-Sernin postérieurement à 1093, c’est-à-dire après le lancement de la construction de la basilique romane actuelle. Il semble qu’il en ait été autrement pour leurs prédécesseurs des premiers temps chrétiens, et, dans ce cas, la seconde partie de l’assertion des bénédictins pourrait paraître avérée.

Catalogues épiscopaux d’Arnaud d’Arpadelle (1296) et de Bernard Guy (1313/1316)

    Dom Devic et dom Vaissete ont connu le manuscrit des coutumes de Toulouse en marge duquel figure un commentaire achevé le mercredi 18 juillet 1296 par un jurisconsulte anonyme qu’Henri Gilles a identifié comme étant Arnaud d’Arpadelle (…1275-1312…). Reproduisant dans cette glose la plus ancienne liste épiscopale que l’on connaisse pour Toulouse, celui-ci a enregistré le fait que les corps des premiers évêques se trouvaient à Saint-Sernin :

    "Le premier évêque des chrétiens de Toulouse fut saint Saturnin. Le deuxième fut saint Hilaire. Le troisième saint Silve. Le quatrième saint Exupère. Le cinquième saint Honoré. Et ils reposent tous dans le monastère Saint-Sernin."

En 1313/1316, rédigeant la version originelle de son traité sur les évêques de Toulouse (Nomina episcoporum Tholose), Bernard Guy (1260/1261 - 1331) a rapporté, probablement d’après des documents conservés à Saint-Sernin, les circonstances dans lesquelles, au cours de la seconde moitié du treizième siècle, les tombeaux de ces saints premiers évêques furent successivement découverts puis exposés à la vénération des fidèles. L’historien dominicain a également cité ces relations dans plusieurs de ses ouvrages, entre autres son florilège des chroniques (Flores cronicorum, seu Cathalogus pontificum Romanorum), son miroir des saints (Speculum sanctorale) et un opuscule hagiographique (De sanctis dyocesis Tholosane). Divers auteurs modernes, au premier chef desquels Nicolas Bertrand (vers 1470 - 1548) et Guillaume de Catel, les ont publiées d’après des


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sources plus ou moins directes. Dom Devic et dom Vaissete ont recouru aux extraits inclus dans un abrégé des Flores cronicorum publié au début du seizième siècle sous le titre de Preclara Francorum facinora, que Catel a fait réimprimer en appendice à son Histoire des Comtes de Tolose, parue en 1623. Voici une traduction du texte essentiel de Bernard Guy :

    "Le premier de tous les évêques de Toulouse fut le bienheureux Saturnin, premier évêque et martyr, qui […], pour avoir confessé sa foi, but à Toulouse le calice de la passion, ainsi qu’il est contenu plus en détail dans les Gestes du même [évêque]. […] Enfin, en 1’an du Seigneur 1258, le sixième jour du début du mois de septembre [vendredi 6 septembre 1258], fut recherché et découvert le saint corps du même martyr Saturnin au chevet de son église, devant le chœur des chanoines, renfermé dans un tombeau de marbre, à côté des corps d’autres saints, dans la terre, et il fut élevé de là avec son tombeau de marbre en un lieu plus haut, une crypte avec une chambre voûtée ayant été préparée au même endroit, comme il se voit aujourd’hui au-dessus de la terre. Et, par la suite, fut faite une châsse d’argent précieuse, et elle fut adaptée honorablement par-dessus tout le tombeau, et, au-dessous de la même châsse, le susdit tombeau de marbre, avec les saintes reliques du corps du doux martyr Saturnin, fut placé avec vénération, avec grand concours de tout le clergé et peuple de Toulouse, le lendemain de saint Jean-Baptiste, le dimanche 7e jour avant les calendes de juillet, en l’an du Seigneur 1284 [dimanche 25 juin 1284]. On monte maintenant au dit tombeau par des degrés et, au même endroit, saint Saturnin est honoré fidèlement par tout le peuple.
    Saint Honoré fut disciple du bienheureux Saturnin, à qui il succéda dans la charge et l’honneur du pontificat. Son saint corps repose à Toulouse dans la même église, dans son propre tombeau de pierre, au-dessus de la terre, derrière le petit autel qui est à côté des degrés de la montée par laquelle on monte au tombeau de saint Saturnin.
    Saint Silve fut évêque de Toulouse. Celui-ci entreprit la construction de l’église de saint Saturnin, que saint Exupère acheva, ainsi qu’il est écrit dans les Gestes de saint Exupère. Le corps de saint Silve repose dans la même église, dans son propre tombeau de pierre, à l’intérieur de la même crypte, au-dessus de la terre. Son natalice est célébré la veille des calendes de juin [31 mai].
    Saint Hilaire fut évêque de Toulouse. Son corps repose au même endroit, à l’intérieur de la même crypte, placé dans son propre tombeau de pierre. Son natalice est célébré le 13e jour avant les calendes de juin [20 mai].
    En l’an du Seigneur 1265, le cinquième jour avant les nones d’octobre [samedi 3 octobre 1265], dans l’église du saint martyr Saturnin, à l’intérieur de la crypte du même martyr, au-dessous de la terre, furent trouvés quatre sépulcres de saints, à savoir d’Honoré, de Silve et d’Hilaire, évêques de Toulouse, et aussi du saint martyr Papoul, qui fut disciple et collègue de saint Saturnin. Ils étaient chacun inscrits et intitulés avec leurs noms sur chaque tombeau, en dessous de la terre, en cercle, de part et d’autre. Et, de là, les corps des saints furent élevés avec leurs tombeaux intitulés et replacés au même endroit, dans les mêmes tombeaux, au-dessus de la terre, là où on le voit ainsi maintenant à l’intérieur de la même crypte, en dessous du corps de saint Saturnin, leur maître, et ils reposent vénérablement dans le Seigneur.
    Saint Exupère, très digne évêque de Toulouse, fit très instamment achever la basilique de saint Saturnin dont saint Silve son prédécesseur avait fidèlement entrepris la construction et il y transféra les saints membres de saint Saturnin, comme il est écrit et contenu dans les Gestes de saint Exupère. [...] Le corps de ce très saint Exupère est gardé et vénéré dans l’église de saint Saturnin, qu’il acheva lui-même, dans une châsse d’argent qui est gardée au-dessus de l’autel qui est immédiatement accolé à la crypte de saint Saturnin. Le trépas de saint Exupère est célébré le 4e jour avant les calendes d’octobre [28 septembre], sa translation le 18e jour avant les calendes de juillet [14 juin]."

    Telle était encore à peu près la situation au début du dix-huitième siècle. Relatant dans le premier tome de leur Histoire générale de Languedoc, publié en 1730, les origines de l’Église de Toulouse, dom Devic et dom Vaissete disaient celle-ci "également respectable par le martyre de S. Saturnin son premier évêque & la sainteté d’Honorat, d’Hilaire, de Sylvius & d’Exupere ses successeurs, dont la collegiale de son nom conserve les précieux restes avec une infinité d’autres reliques qui la distinguent de toutes les églises de France". Dans le deuxième tome, paru en 1733, résumant les procès-verbaux de l’invention de 1258 et de la translation de 1284, les bénédictins illustraient l’élévation du tombeau de saint Saturnin avec une planche intitulée "Mausolée et Chasse de St. Sernin premier Evêque de Toulouse". Cette eau-forte, gravée très vraisemblablement d’après des dessins d’Antoine Rivalz (1667-1735), figure en plan et élévation la partie supérieure du monument des premiers évêques de Toulouse, ainsi que la châsse de Saturnin, grand coffre de bois revêtu de feuilles d’argent ouvrées qui représentait "en relief l’exterieur & le clocher de l’église de saint Sernin".

    Le mausolée épiscopal érigé entre 1265 et 1284 au centre de la grande abside romane était un chef-d’œuvre du style gothique rayonnant. Cet édifice extraordinaire, qualifié en 1488 de "fort triomphante capelle", consistait en une sorte de tour-lanterne élevée sur plan hexagonal, comportant deux niveaux et atteignant une dizaine de mètres de hauteur au sommet des gâbles triangulaires qui terminaient chacune de ses faces. Bâti presqu’entièrement en pierre de taille, l’ouvrage s’ornait d’un abondant décor de moulures et de sculptures, au premier rang desquelles se remarquaient, au niveau de l’étage, les six grandes statues d’évêques adossées contre les piles saillant aux angles de la construction. Celle-ci comprenait intérieurement deux chambres superposées, semblablement voûtées sur ogives, ajourées de six grandes baies ouvertes entre les piles d’angle. À l’origine, on devait descendre au niveau inférieur, en léger contrebas par rapport au sol du chœur, par quelques marches situées à la base de la face occidentale du mausolée ; un escalier latéral menait au niveau supérieur, vraisemblablement entouré d’une galerie et d’un garde-corps. En 1512, une voûte fut établie entre le sommet du mur-bahut du rond-point du chœur roman et la jonction des deux niveaux de l’édicule gothique, qui perdit alors son unité architecturale.


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    Dans la chambre haute du mausolée, appelée "chapelle Saint-Sernin" en 1489 et 1638, "chapelle où est le sepulchre (de Monsieur) Sainct Sernin" en 1646, 1649 et 1657, se trouvait la châsse renfermant le sarcophage de marbre du premier évêque (cuve : longueur 2 m x largeur 0,70 m x hauteur 0,65 m ; couvercle : épaisseur 0,20 m). Les tombeaux de pierre de ses successeurs – ou réputés tels – étaient à l’origine disposés entre les piles de la chambre basse, dans la "crypte" mentionnée en 1313/1316, dénommée "chapelle des Apôtres" en 1489, 1504 et 1518, puis "chapelle Saint-Honoré" au dix-septième siècle. En 1736 ou peu après, la partie supérieure du monument gothique fut supprimée pour élever l’actuel baldaquin à la romaine et sa partie inférieure servit de soubassement au nouvel ouvrage, parachevé en 1759/1760.

    Concernant Exupère, Bernard Guy nous apprend que son corps était conservé en 1313/1316 dans une châsse d’argent placée "au-dessus de l’autel immédiatement accolé à la crypte de saint Saturnin", à identifier peut-être avec l’autel de saint Exupère mentionné en 1226, 1246 et 1285. En 1392, 1489 et 1504, cette châsse se trouvait au-dessus du maître-autel, dans un "tabernacle" muni de grilles de fer. Elle fut réparée en 1582 et on la déposa le 19 avril 1586 dans la chapelle d’axe, dans une armoire ménagée au-dessus de l’autel, qui fut consacré sous l’invocation du saint évêque. Affectant, comme celle de Saturnin, la forme d’une église surmontée d’un clocher-tour, la châsse d’Exupère était constituée d’un coffre de bois revêtu de feuilles d’argent ouvrées, dorées par places, rehaussées de vingt figurines d’argent et de pierres précieuses. Probablement refaite en 1385, cette châsse avait succédé à celle dans laquelle l’abbé de Saint-Sernin Bernard de Gensac (…1236-1263…) avait transféré les ossements de l’évêque, précédemment contenus, avec de nombreuses autres reliques, dans un vieux coffre. Ce transfert eut lieu le 13 juin 1258, veille de la fête de la translation d’Exupère.
    Dans l’opuscule consacré aux Vie et Gestes de saint Exupère qu’il publia en 1515, Nicolas Bertrand a raconté comment les chanoines de Saint-Sernin allèrent chercher à Blagnac et ramenèrent dans leur église le corps du saint évêque, découvert par un paysan dans des circonstances miraculeuses, "cent ans après le jour de sa sépulture". Si certains détails de cet épisode peuvent paraître fabuleux, le fond demeure vraisemblable et il n’y a sans doute guère lieu de douter qu’Exupère ait été enseveli à Blagnac. Le récit de Nicolas Bertrand mentionne tout à la fois les chanoines de Saint-Sernin et les chanoines de Saint-Étienne, constitués en communautés distinctes dans la première moitié des années 1070, et la présence du corps de l’évêque à Saint-Sernin est attestée en 1226 et 1219 ; à supposer que les "reliques du saint confesseur Exupère" placées en 1126 dans l’autel de l’église San Saturnino d’Artajona et en 1096 dans l’autel majeur de Saint-Sernin de Toulouse aient été des éléments de son corps, la translation de saint Exupère aurait eu lieu sur la fin du onzième siècle. Remarquons à ce propos que la villa de Blagnac fut donnée à cette époque aux chanoines de Saint-Sernin par le comte de Toulouse Guillaume IV (1060 - 1093/1094). Par ailleurs, il faut noter que l’évêque de Toulouse Isarn, évoquant en 1077 les plus anciens de ses prédécesseurs, citait tout particulièrement Exupère, "d’heureuse mémoire", et qu’il s’agit là de la plus ancienne mention toulousaine connue pour cet évêque depuis le début du cinquième siècle.

    Quant à Honoré, Silve, Hilaire et Papoul, nous savons par Bernard Guy que leurs tombeaux de pierre, dégagés en 1265 dans le sol de l’abside majeure de la basilique Saint-Sernin, furent remis avant 1284 au même emplacement, à la base du mausolée gothique constituant le cœur de la "crypte". Les quatre sarcophages furent par la suite dissimulés sous des ouvrages de menuiserie : en 1489, la capsa marmorea d’Honoré, les corps d’Hilaire, de Silve et de Papoul se trouvaient enfermés dans des coffres de bois sans ouverture, désignés en 1504 comme de "grandes caysses de fustes". En 1511-1512, la confrérie des Corps-Saints de Saint-Sernin commanda des châsses en noyer, qui furent revêtues en 1515-1516 de feuilles de cuivre estampées et argentées. Le 24 mars 1517, on y transféra les reliques des quatre saints. Au début du dix-septième siècle, lorsque la confrérie procéda à l’aménagement du Tour des Corps-Saints, les châsses et chefs-reliquaires d’Hilaire, de Silve, et de Papoul furent disposés dans les armoires installées dans les chapelles rayonnantes de l’abside et dans le déambulatoire du rond-point ; la châsse et le chef-reliquaire d’Honoré demeurèrent dans la crypte, ainsi que son tombeau.
    Au témoignage de Bernard Guy, "les quatre sépulcres des saints Honoré, Silve et Hilaire, évêques de Toulouse, et du saint martyr Papoul, disciple et collègue de saint Saturnin, étaient chacun inscrits et intitulés avec leurs noms sur chaque tombeau". Le sarcophage d’Honoré, toujours conservé dans la crypte supérieure de la basilique, est encore identifié par son titulus : fermant une cuve fruste de profil légèrement trapézoïdal (longueur 2,05 m x largeur à la base environ 0,50 m x hauteur 0,30 m) en calcaire marmoréen de couleur sombre, une dalle en pierre calcaire de teinte plus claire (épaisseur 0,15 m) substituée au couvercle primitif porte à une extrémité de sa face supérieure l’inscription S(ANCT)VS HONORAT[VS]. Capitales et onciales soigneusement gravées présentent les


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caractéristiques de l’épigraphie toulousaine de la fin du treizième siècle ou du début du suivant. S’agissant de savoir si les quatre tombeaux étaient déjà inscrits au moment de leur découverte, en 1265, ou si les inscriptions furent ajoutées par la suite, le récit de Bernard Guy demeure très ambigu : l’historien, qui va et qui vient à travers son texte de ce qu’il lit à ce qu’il voit, puis du présent au passé, a fort bien pu inférer de la situation qu’il constatait de son temps un état antérieur hypothétique, la source qu’il utilisait étant probablement muette sur ce point. Si la graphie du titulus d’Honoré incite à croire que son sarcophage ne reçut qu’après 1265 l’inscription qui l’identifie, le remplacement de la couverture ancienne, brisée ou jugée inappropriée, laisse cependant ouverte la possibilité d’une réfection ; la disparition même du couvercle antérieur interdit de conclure dans un sens ou dans l’autre.

    Quoi qu’il en soit de l’époque à laquelle les tituli furent gravés sur les quatre sarcophages dégagés en 1265, une au moins de ces inscriptions était inexacte, celle d’Honoré précisément : ce personnage fictif, présenté notamment dans une version fabuleuse des Gestes de saint Saturnin rédigée peu avant 900 comme son disciple et son successeur immédiat, ne fut jamais évêque de Toulouse. C’est également le cas de Papoul, martyr obscur dont il n’existe pas de mention antérieure au neuvième siècle et que la même légende associe à Saturnin. Dans ces conditions et en l’absence d’authentiques épitaphes, il est permis de douter que l’identification des sépulcres des évêques Hilaire et Silve ait été pertinente.

bul6121.JPG (13412 octets)

CRYPTE SUPÉRIEURE DE LA BASILIQUE SAINT-SERNIN.
Sarcophage dit de saint Honoré : estampage de l'inscription gravée

à l'extrémité gauche du couvercle (hauteur du S : environ 6 cm).

    Tout ce qu’il y a de certain, c’est que les quatre tombeaux de pierre enfouis autour du sarcophage de marbre de Saturnin sous le sol du sanctuaire de la basilique étaient des inhumations particulièrement privilégiées, davantage sans doute que ne devaient l’être les sépultures trouvées un peu plus à l’Ouest lors du creusement de la crypte inférieure : Anno Domini millesimo tricentesimo decimo sexto, mense septembri, omnium Auctore inspirante et dono mire sue pietatis largiente, inuentum est corpus, omni margarita precios[i]us, preclarissimi C[h]risti confessoris Egidii, ortu nobilis Atheniensis, una cum multis aliis corporibus sanctorum, in ecclesia, subtus altare monasterii Sancti Saturnini, ubi quidem non solum sepulta sed abscondita esse uidebantur. Nam, super abiecto multo latere fuso rudere, ueluti auricaurum > in uiueis terre absconsum, sic illa beata corpora, aliqua ipsorum tumbis marmoreis receptia recepta >, quedam locellis terraneis locata, latitabant (Pierre de Martres, Liber aucthenticus miraculorum Corporum Sanctorum (Toulouse, A.P.S.S., B 32 = Recollectio priuilegiorum, f. CLXVII-CLXVIII). Au mois de septembre 1316 fut ainsi découverte, au-dessous du maître-autel, une multitude de "tombes de marbre" et de "compartiments en terre" que les chanoines de Saint-Sernin n’hésitèrent pas à attribuer à saint Gilles et à des saints non nommés, mais qu’énumère une liste dressée un peu plus tard dans le quatorzième siècle : les apôtres Jacques le Majeur, Philippe et Jacques le Mineur, Simon et Jude, Barnabé, les saints Cyr et Juliette, Honest, Claude, Nicostrat, Symphorien, Castor et Simplice, Georges, Edmond, Achille et Victor, Guillaume… De là les multiples inventions, élévations et translations de "corps saints" qui eurent lieu à Saint-Sernin jusqu’au dix-septième siècle. Les 16 et 18 juillet 1644, on procédait encore à l’ouverture d’un "sepulcre" réputé contenir le corps de saint Edmond, roi d’Angleterre, puis à celle de deux "châsses" ou "cercueilhs" de pierre superposés censés renfermer les dépouilles des martyrs Symphorien et Castor, Claude, Nicostrat et Simplice. Dans les chapelles de la crypte inférieure se trouvent toujours quatre cuves de pierre analogues à celle du tombeau dit de saint Honoré, qui ont comme elle appartenu à des sarcophages de l’Antiquité tardive ou du haut Moyen Âge.
    L’ensemble funéraire mis au jour aux treizième et quatorzième siècles dans l’abside majeure de Saint-Sernin avait été nécessairement découvert dans le dernier tiers du onzième siècle, lorsque fut entreprise la construction de la basilique romane. Cet ensemble fut respecté par l’implantation du nouvel édifice, à l’intérieur duquel on ne pratiqua plus d’inhumation. Les fouilles menées à la fin des années 1960 dans la crypte supérieure ont révélé que le mur du rond-point du chœur épousait le contour du chevet d’une église antérieure : "une abside outrepassée,


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bâtie sur le sol vierge, de six mètres de diamètre intérieur", dont les fondements en galets et briques ainsi que l’élévation parementée de briques sont conservés sur une hauteur totale de près de 1,50 m. Le niveau actuel d’arasement de ce mur d’abside correspond à peu près à celui du pavement de la chambre inférieure du mausolée gothique, situé lui-même à environ 1,35 m au-dessous du niveau originel du pavement de l’église romane. Dans l’espace compris entre les sols des sanctuaires préroman et roman, on dut au onzième siècle aménager autour du tombeau de saint Saturnin une crypte semi-enterrée dont le pavage constitué de gros galets a été retrouvé au cours des fouilles ; un dénivelé de l’ordre de 5 m sépare ce pavage du niveau probable du sol du sanctuaire de l’époque romane. Nous savons d’ailleurs qu’en 1083 l’évêque Isarn se réserva une clef permettant d’accéder au "sépulcre du martyr". Cette disposition des lieux disparut dans le dernier tiers du treizième siècle avec l’édification du mausolée gothique. Étant donné que le soubassement de l’hexagone gothique est implanté pour sa moitié orientale à l’intérieur de l’abside paléochrétienne, les cinq sarcophages reconnus en 1258 et 1265 furent élevés presqu'exactement au-dessus de leur emplacement initial, ainsi que Bernard Guy l’a souligné.

    Le tombeau de saint Saturnin demeura ainsi jusqu’à 1258 au moins sous le sol des sanctuaires des deux basiliques successives placées sous son invocation. Il s’agit de déterminer depuis quand. Dans le deuxième quart du douzième siècle, l’auteur du Guide du pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle signale qu’il faut "aller voir le corps du très digne saint Saturnin… enseveli près de la ville de Toulouse, en un lieu excellent, où est construite une immense basilique". Plusieurs actes conservés dans les archives de Saint-Sernin et transcrits dans le cartulaire attestent, aux onzième, dixième et neuvième siècles, la présence du corps du martyr dans son église, construite non loin de la ville de Toulouse. Par ailleurs, des sources étrangères au milieu toulousain mentionnent au sixième siècle la basilica sancti Saturnini martyris ainsi que son sepulchrum, et au cinquième la memoria beatissimi Saturnini martyris. Bien plus, le récit qui fait suite à l’historia passionis de saint Saturnin indique par qui – et par suite à quel moment – fut édifiée la basilique paléochrétienne dont les vestiges ont été retrouvés en 1969.

Opuscule de saint Saturnin : passion, inhumation, invention et translation (250/409)

    L’Opuscule de la passion et de la translation de saint Saturnin, évêque de la cité de Toulouse et martyr, comme il nous paraît opportun de l’intituler, est l’un des monuments les plus vénérables de l’histoire de la Gaule chrétienne. Ce texte fondamental fut élaboré sous sa forme achevée (en sept sections, dont un prologue et un épilogue) dans la deuxième décennie du cinquième siècle ; dès avant le milieu du même siècle, il servit à la composition des deux offices constituant la base liturgique du culte du martyr : la Messe pour le jour de saint Saturnin, fêté le 29 novembre, et la Messe de la translation du corps de saint Saturnin, célébrée le 1er novembre. Connu notamment de Sidoine Apollinaire (431/432 - vers 487), de Venance Fortunat (vers 530 - vers 600) et de Grégoire de Tours (538/539 - 594), ce petit ouvrage eut une diffusion rapide et large, prolongée de la fin du neuvième siècle au début du seizième par la rédaction de diverses versions amplifiées plus ou moins fabuleuses.
    L’Opuscule fut imprimé pour la première fois en 1575, à l’instigation de Lorenz Suhr (1522-1598), profès de la Chartreuse de Cologne. En 1689, Thierry Ruinart (1657-1709), bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur, en procura une édition fondée sur une série de manuscrits conservés dans les abbayes de Saint-Maur-des-Fossés, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Pierre de Conches-en-Ouche, de Saint-Benoît-sur-Loire et Saint-Marien d’Auxerre, ainsi que dans les Bibliothèques de Colbert et de la Sorbonne… En 1955, le Père Ángel Fábrega Grau en a publié une version adaptée à la liturgie mozarabe transcrite dans un recueil hagiographique constitué au début du dixième siècle pour le monastère San Pedro de Cardeña en Castille. On trouvera dans le présent volume une nouvelle édition de ce texte, établie d’après la version de type hispanique que contient un légendier compilé au cours du onzième siècle dans le scriptorium de l’abbaye Saint-Pierre de Moissac, ainsi qu’une traduction intégrale, dont le lecteur voudra bien comprendre qu’elle vise davantage l’exactitude que l’élégance.

    Le récit constituant le corps central de l’Opuscule est rythmé par quatre événements majeurs dont il s’agit de préciser comment ils se sont inscrits dans le temps et, surtout, dans l’espace.
    On peut tenir pour certain que le martyre de Saturnin et l’inhumation de sa dépouille eurent lieu en 250, l’invention de son cercueil par Hilaire entre 314 et 356 et la translation de ses reliques par Exupère entre 401 et 409.

Messe de la translation du corps de saint Saturnin (Ve siècle)

    La translation du corps de saint Saturnin fut faite un 1er novembre, date sous laquelle figure dans le missel


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mozarabe l’office commémorant cette solennité. La Missa de translatione corporis sancti Saturnini episcopi, composée probablement dans la première moitié du cinquième siècle, a été publiée en 1912 par Marius Férotin d’après deux manuscrits : l’un du neuvième siècle, conservé dans la bibliothèque du Chapitre de la cathédrale de Tolède, l’autre, du dixième ou onzième siècle, provenant du monastère de Silos en Vieille-Castille. Après dom Férotin, nous en avons conféré les textes avec celui du Missale mixtum secundum regulam beati Isidori, dictum Mozarabes imprimé pour la première fois à Tolède en 1500. Comme la Messe pour le jour de saint Saturnin, la Messe de la translation du corps de saint Saturnin cite ou paraphrase l’Opuscule. Voici un essai de traduction des passages les plus significatifs de ce texte liturgique, parfois difficile à restituer :

    "Missa. Bien chers Frères, […] l’honneur des saints et (des) bienheureux martyrs [revendique] pour la foi [et] la foi revendique pour l’honneur que nous révérions par un culte qui revient chaque année ces jours que le temps de leur passion a ornés, que l’inhumation de leur corps a rendus illustres, que le souvenir de leur translation a exaltés, que la mise en place de leurs reliques a consacrés. C’est pourquoi nous nous acquittons du devoir de la solennité de ce jour envers le bienheureux martyr Saturnin, pour qui nous reconnaissons que la dignité du transfert de son corps a magnifié ses cendres dans le tombeau et ses vertus au ciel. Sa gloire a été grandie par le Royaume [et] sa sépulture par un édifice. Ses mérites ont été rehaussés par des récompenses [et] ses ossements abrités par un toit. Alors, les membres du martyr avaient l’éclat d’une croix ; maintenant, ils ont celui d’une basilique. Auparavant fut vaincue l’étroitesse du siècle, par la suite celle du sépulcre. Et, bien que sous l’humble monument [= souvenir] dédié à son martyr la foi catholique ne fût en rien dépourvue de gloire, il fut digne cependant des devoirs de la religion que surgît dans une construction le corps de celui dont l’esprit exultait dans la couronne [du martyre].
   Alia. Ce jour, les temps revenant en se retournant sur eux-mêmes, est celui où se libéra le parfum du précieux corps que l’on déplaçait, qui était pour les fidèles l’odeur de la Vie dans la vie. Ce jour est celui où, après qu’on eut creusé et enlevé le sol recouvert d’herbe, les célestes trésors restaurés par l’accomplissement du devoir sacerdotal [= épiscopal] s’offrirent à la vue. […] (Ainsi soit-il.)
   Post Nomina. Célébrant les solennités du transfert du corps du bienheureux Saturnin, nous implorons, Dieu, la grandeur de ta clémence, pour que, toi qui as choisi que les cendres transférées du susdit martyr devaient être rétablies avec davantage d’honneur, tu transportes les défunts des tourments vers le repos et que tu fasses revenir les vivants, après leur erreur, vers une prompte conversion. Ainsi soit-il.
   Ad Pacem. Ce jour consacré, Jésus, notre Rédempteur, la mention de ton martyr Saturnin le renouvelle plus abondamment. En ce jour, en même temps que nous recherchons la protection d’un si grand homme, nous consacrons le souvenir du transfert de son corps. […]
   Inlatio. Il est digne et juste, Père tout-puissant, de te rendre grâces de tout notre cœur. […]
   Post Sanctus. Il est vraiment saint, vraiment béni notre Seigneur Jésus-Christ, ton fils : il éleva l’esprit victorieux de son témoin [= martyr] Saturnin, par la voix et par le sang de qui il avait été prêché, il déposa son corps dans le sépulcre, glorifiant enfin par l’honneur de la translation les cendres de celui dont il avait jadis couronné l’âme par la faveur de la passion. Ainsi soit-il.
   Post Pridie. Faisant mémoire du saint homme dont les ossements sont vivifiés par l’honneur de la translation et dont l’âme est glorifiée par la translation, nous te demandons, Dieu le Père, que, accordant la sanctification à ces sacrifices qui te sont offerts, tu délies de ses péchés le peuple qui croit en toi. Ainsi soit-il.
   Ad Orationem dominicam. Christ, [toi] qui es Celui qui sauve le corps des hommes et qui confère la dignité, conserve-nous les bienfaits abondants et les manifestations de pitié accoutumées, en sorte que, de même que le corps du susdit martyr a mérité d’être dignement enseveli sous les toits élevés d’un édifice, de même, protégés par ta compassion, nous méritions d’être complètement exaucés lorsque nous aurons proclamé ce que tu enseignes : (Notre) Père (qui es aux cieux…).
   Benedictio. Que le bienheureux martyr Saturnin, du transfert des cendres de qui vous consacrez en ce jour le souvenir, vous rende (par ses prières) dignes de son suffrage auprès du Seigneur. Ainsi soit-il. Qu’aussi le même [martyr], qui en ce jour a été transféré dans son corps, vous rende par ses prières justes dans votre esprit. Ainsi soit-il. Que, transportés par son suffrage vers une vie meilleure, il vous fasse parvenir avec lui à des promesses d’éternité. Ainsi soit-il."

    Dans l’Opuscule, le verbe transferre, s’appliquant aux reliques de saint Saturnin, a été utilisé à trois reprises. Dans la Messe de la translation, les corrélats translatio et translatus reviennent respectivement trois et sept fois, appliqués tantôt au "corps", tantôt aux "cendres" du martyr. Ces termes correspondent à l’idée d’un transfert d’un point à un autre. Le déplacement se fit de l’extérieur vers l’intérieur : de l’endroit, recouvert d’herbe (caespes, cespes) et peut-être marqué d’une croix (crux, monumentum), où le cercueil fut mis au jour, en direction de l’église bâtie par les évêques Silve et Exupère. Évoquée dans l’Opuscule comme une belle et magnifique basilique (pulchra et spetiosa basilica) préparée à grands frais (magnis sumptibus) et avec un grand zèle (basilica omni studio praeparata), elle est seulement désignée dans la Messe comme un édifice (edificium), une construction (fabrica), et, par synecdoque, des toits (fastigia, erecta fastigii tecta), un faîte (culmen). L’Opuscule explique les raisons de sa construction et en relate les étapes : Silve la commença afin d’y transférer les reliques du martyr (ad uenerandi martyris transferendas illuc reliquias), Exupère l’acheva et en fit la dédicace ; après avoir hésité à mener à terme le projet de son prédécesseur (transferre illuc sancti martiris reliquias), il procéda à la translation (translatae ad basilicam omni studio preparatam sancti uiri reliquiae). La Messe précise que le corps de Saturnin fut enseveli à l’intérieur de l’édifice (prouecta edificio sepultura, predicti martyris corpus sub erecta fastigii tecta digne sepeliri promeruit).
    Il ressort ainsi de la lecture en parallèle des textes de l’Opuscule et de la Messe de la translation que le lieu dans lequel Exupère transféra le corps de Saturnin était distinct de celui de la sépulture primitive du martyr. Telle était déjà en 1623 la conclusion de Guillaume de Catel : "pour monstrer encores plus clairement que l’Eglise de sainct Sernin fut bastie en vn autre lieu, qu’à l’endroit où le corps du sainct Martyr auoit esté enterré, l’on le peut


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recognoistre, d’autant que la grande & belle Eglise bastie par sainct Silue & Exupere fut faicte pour y trãsporter & transferer les reliques de S. Sernin. […] Il faut donques conclurre que c’estoit vne autre Eglise, que celle qui estoit bastie au premier lieu, où le sainct auoit esté enterré, puisqu’il y falloit trãsferer les reliques : car si on eust basty au mesme lieu, il n’estoit pas necessaire de les trãferer".
    Après Antoine Noguier [1556-1557], qui mettait en relation l’endroit où s’était arrêté le taureau qui traînait le corps de Saturnin avec celui où l’église du Taur fut ensuite édifiée, Jean de Chabanel [1621, 1625], Guillaume de Catel [1623] et Ode de Gissey [1628] ont estimé que cette église, précédemment placée sous l’invocation de saint Saturnin, avait succédé à la toute petite basilique bâtie par Hilaire sur le lieu de la sépulture du martyr. Raymond Daydé [1661] a rapporté ces opinions et appuyé celle de Catel en évoquant des peintures murales qui représentaient "le Taureau traisnant le corps de Saint Sernin". L’église du Taur, dont la première mention connue remonte aux années 1075/1080, est citée à partir de 1119 sous le nom de Saint-Sernin-du-Taur, voire de Saint-Sernin-le-Petit. Reconstruite au début du quatorzième siècle selon un axe perpendiculaire à celui de la rue du Taur, elle fut ensuite remaniée, notamment dans sa partie orientale, entre la fin du quatorzième siècle et le milieu du seizième. En 1534, l’archevêque de Toulouse Gabriel de Gramont la dédia à la Vierge, sous le vocable de Notre-Dame de la Purification. Les fouilles pratiquées sous le sanctuaire à la fin des années 1960 n’ont révélé aucune trace de la basilique d’Hilaire ou du "premier tombeau" de Saturnin. Au demeurant, les découvertes ont été rares aux abords immédiats ou dans le quartier voisin de l’église : dans l’ancien cimetière, des amphores et des urnes ; non loin du chevet, une sépulture "sur un lit de cailloux" ; près de l’abside, une cuve de sarcophage trapézoïdale en calcaire d’époque mérovingienne, peut-être réutilisée ; vers le n° 49 de la rue du Taur, une épitaphe de la fin du sixième siècle ou du suivant. Même si le niveau antique se situe dans cette zone à une profondeur qui rend les observations difficiles – plus de deux mètres, voire trois ou quatre –, l’environnement archéologique ne semble guère correspondre au premier cimetière chrétien constitué autour de la tombe du martyr, que l’Opuscule décrit comme "rempli d’une foule de corps ensevelis".

    Il en va tout autrement du site de Saint-Sernin, que les découvertes anciennes et, surtout, les fouilles récentes font apparaître comme celui d’une grande nécropole. D’une superficie supérieure à celle de la place qui entoure la basilique, cet ensemble funéraire comprenait de très nombreuses inhumations de types divers : en terre libre, sous des tuiles en bâtière, dans des cercueils de bois, des coffres de plomb, des panses d’amphores, des sarcophages de marbre, de grès ou de calcaire... En 1994-1996 ont été reconnues, dans le sous-sol du musée Saint-Raymond, une centaine de sépultures dont la majorité appartient aux quatrième, cinquième et sixième siècles ; la plus ancienne daterait des environs de 150 ou de 308. Par ailleurs, Alexandre Du Mège (1780-1862) aurait relaté la découverte, lorsque le sol de la place Saint-Sernin fut abaissé d’environ un mètre, d’une grande quantité de monnaies de Constantin… Un tel contexte convient assurément beaucoup mieux que celui de l’église du Taur pour la modeste basilique qu’Hilaire fit construire dans la première moitié du quatrième siècle, sans doute assez peu de temps après les débuts de la paix constantinienne. L’Opuscule souligne en effet que l’évêque eut, comme les deux femmes qui avaient enseveli Saturnin, le souci de "cacher le corps du martyr pour éviter que des hommes perfides, après l’avoir exhumé, ne le missent en pièces". De fait, ayant retrouvé le cercueil sous un "sol simplement recouvert d’herbe" et l’ayant protégé par une voûte de brique, il fit élever la basilicula, non pas au-dessus, mais à côté de l’emplacement de la tombe, ainsi qu’il se déduit du texte de la Messe de la translation : "après qu’on eut creusé et enlevé le sol recouvert d’herbe, les célestes trésors restaurés par l’accomplissement du devoir sacerdotal s’offrirent à la vue".
    Quant à localiser la tombe qui reçut en 250 la dépouille de Saturnin, les indications données par l’Opuscule permettent seulement de situer cette sépulture pratiquée "dans un endroit aussi profond que possible, après avoir creusé des fosses profondes," quelque part dans la nécropole qui s’étendait au nord de la ville antique, le long de la voie menant en direction de Cahors.

    Finalement, la connaissance que nous pouvons avoir des lieux de sépulture des évêques de Toulouse pendant le premier millénaire de leur histoire se révèle extrêmement lacunaire. Pour la période la plus ancienne, étude des sources textuelles et examen des éléments matériels conduisent à mettre en cause les "traditions" médiévales ou modernes. Il faut dès lors restreindre très fortement la portée de l’affirmation de dom Vaissete citée au début de cette étude, et marquer aussi les limites de la règle générale énoncée par Auguste Molinier (1851-1904) : "L’usage constant, dans les premiers siècles de l’Eglise des Gaules, fut d’ensevelir les évêques, non point dans les églises cathédrales, mais dans des basiliques, généralement situées hors des murs de la cité & consacrées à cet usage de temps immémorial". Tout ce que l’on peut dire, c’est que la pratique consistant à inhumer l’évêque dans sa cathédrale apparaît à Toulouse sensiblement à la même époque que dans les autres cités épiscopales du


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Midi, c’est-à-dire dans la période centrale du Moyen Âge. Observons que l’inauguration de ce nouvel usage (1286) y est à peu près contemporaine de l’exaltation des tombeaux des "évêques primitifs" (1265-1284) et de la constitution du premier catalogue épiscopal (avant 1296). Avec l’introduction de l’art français à la basilique Saint-Sernin (1265-1284) et à la cathédrale Saint-Étienne (1275), ces innovations s’inscrivent dans la grande mutation que Toulouse connut au cours de la seconde moitié du treizième siècle du fait de son rattachement progressif au domaine royal (1249, 1271). S’agissant de la plus ancienne institution de la ville, il semble que se manifesta alors, au-delà de préoccupations d’ordre strictement religieux, un souci historique qui cherchait à établir un lien entre passé et avenir.

Patrice Cabau »

    Le Président remercie Patrice Cabau d’avoir tenté l’impossible dans le cadre d’une communication, les reproductions des textes projetés à l’appui de la démonstration constituant sans aucun doute une première pour notre vénérable Société. Puis il donne la parole à Jean-Luc Boudartchouk, le premier concerné par cette communication. Jean-Luc Boudartchouk exprime son admiration pour le travail accompli par notre confrère mais persiste dans ses convictions. Il considère en particulier qu’on ne peut exclure tout à fait que l’abside retrouvée dans le chœur de Saint-Sernin appartienne au IVe siècle. Il demande cependant qu’on veuille bien lui accorder quelques jours pour reprendre son argumentation.

    Avant de clore la séance, le Président corrige un oubli en annonçant à la Compagnie la prochaine exposition organisée par les Archives municipales, Mémoires de papier, qui sera présentée au public du 5 juin 2001 au 5 janvier 2002.

 

SÉANCE DU 29 MAI 2001

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Merlet-Bagnéris, Napoléone, MM. Bordes, Boudartchouk, Costa, le Père Montagnes, M. Prin, Mgr Rocacher, MM. Roquebert, Tollon, membres titulaires ; Mme Blanc-Rouquette, MM. Garland, Molet, Testard, membres correspondants.
Excusés : M. Cazes, Directeur, Mmes Cazes, Pradalier-Schlumberger, Watin-Grandchamp, MM. l’abbé Baccrabère, Garland, Lapart, Manière, Nayrolles, Pradalier.

    Le Secrétaire général donne lecture des procès-verbaux de la visite du 11 mai et de la séance du 15 mai derniers, qui sont adoptés.

    Le Président présente de nombreux dons qui viennent enrichir notre bibliothèque. De Jean-Luc Boudartchouk : J.-C. Arramond et J.-L. Boudartchouk, « Le Capitolium de Tolosa, les fouilles du parking Esquirol. Premiers résultats et essai d’interprétation », dans Gallia, 54 (1997), p. 203-238 ; J.-C. Arramond et J.-L. Boudartchouk, « Le souvenir du Capitolium de Toulouse à travers les sources de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge. État de la question et perspectives nouvelles », dans Archéologie du Midi médiéval, t. XI (1993), p. 3-39. De Michel Roquebert : J.-P. Sarret, Aspect de la vie quotidienne au Moyen Âge à Montségur, Diplôme de l’E.H.E.S.S. sous la direction de Jean Guilaine, Centre d’anthropologie des sociétés rurales, Toulouse, 1980, 219 p. ; M. Crusafort i Sabatier, « Simon de Montfort et la monnaie de Carcassonne », dans La Pallofe. Bulletin de l’association de numismatique du Roussillon, n° 30 (oct. 1990), p. 1-53 ; Michel Doche, Les fresques de la Tour Ferrande, Office du tourisme de Pernes-les-Fontaines, 25 p. ; Inventaire complet du mobilier archéologique numéroté, concernant les recherches à l’intérieur de l’enceinte du château, au poste de guet du roc de la Tour, sur la terrasse 4, manuscrit, non paginé ; un épais dossier sur les arcs et les arbalètes, un autre sur les méreaux. Notre confrère offre encore son dernier livre : La religion cathare. Le Bien, le Mal et le Salut dans l’hérésie méridionale, s.l. : Perrin, 2001, 355 p. Au nom de notre Société, le Président félicite Michel Roquebert en souhaitant que d’autres ouvrages prolongent encore ce travail, alors que les volumes précédents nous ont déjà procuré un si vif plaisir.

    La correspondance imprimée comprend des invitations à des conférences et des expositions ainsi que les textes sur l’archéologie préventive actuellement en débat au Parlement. Le Président attire l’attention sur le colloque organisé par


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Yves Esquieu, À propos de la maison des Chevaliers à Viviers : Du gothique à la Renaissance, qui se tiendra à Viviers les 20-23 septembre prochains. Deux de nos confrères, Bruno Tollon et Christophe Balagna, y participeront. Le Président évoque ensuite les journées d’étude sur la maison au Moyen Âge dans le Midi de la France, qui se sont déroulées dans une très bonne ambiance. Elles se sont achevées sur la visite de la tour d’Arles à Caussade, visite conduite par notre confrère Bernard Pousthomis que nous tenons à remercier une nouvelle fois. Les trois demi-journées de communication ont été l’équivalent d’un colloque international de haut niveau, et le Président se dit persuadé que les actes, qui seront publiés l’année prochaine, en témoigneront. Il tient à donner un grand coup de chapeau à tous les organisateurs. Le Secrétaire général rappelle que notre Président n’a pas été pour rien dans la réussite de ces journées.

 

    La parole est à Georges Costa pour une communication consacrée à Jacques Lemercier et l’achèvement du Pont Neuf de Toulouse, publiée dans ce volume de nos Mémoires (t. LXI).

    Le Président remercie Georges Costa d’avoir su nous donner, en acceptant d’improviser un résumé de sa communication, un récit très vivant de cette deuxième période de la construction du pont Neuf, dont les multiples péripéties pourraient nourrir le scénario d’un film. Cette longue aventure humaine et financière, que les archives des administrations chargées du contrôle nous restituent dans les moindres détails, se décline ainsi en feuilletons tout à fait passionnants.
    Jean Coppolani remarque que les entrepreneurs toulousains sont absents de cette deuxième phase de la construction du pont, comme ils le seront, bien plus tard, lors de la réalisation de la rue d'Alsace-Lorraine. Georges Costa explique qu’à l’époque de Souffron et Capmartin, ce sont toujours les mêmes entrepreneurs et maçons qui interviennent. La crue de 1613 a fait subir à Souffron un revers financier important et les nouvelles modalités des soumissions supposent de tels moyens financiers et techniques qu’elles ne sont plus accessibles qu’à des consortiums proches du pouvoir, capables en outre d’avancer des sommes considérables. On peut y voir une manifestation des débuts de la centralisation. Au fur et à mesure de l’avancement du chantier, on se rend compte, toutefois, que les entrepreneurs parisiens font de plus en plus appel à leurs confrères toulousains.
    Le Président demande si l’on dispose de comparaisons avec d’autres chefs-lieux de province. Georges Costa rappelle que le système a été institué par Sully pour conduire la reconstruction du royaume et que tout le personnel du Conseil d’État est habitué à ce type de procédure. L’échec du chantier du pont de Rouen est dû au défaut de synchronisation entre les échelons local et central. Le Président note que la comparaison avec l’époque actuelle donne l’impression d’une histoire immobile tandis que Maurice Scellès demande s’il s’agit alors d’une situation nouvelle. Georges Costa indique que Sully introduit des définitions très strictes des procédures.
    Henri Molet souligne tout l’intérêt que présente l’analyse des aspects financiers du chantier. Il ajoute qu’au moment où est conduite la construction du pont Neuf, la Ville a en charge l’entretien du pont de la Daurade et, entre 1608 et 1635, du pont de bois de Tounis dont le coût est très élevé. Georges Costa acquiesce et précise que la Ville est d’ailleurs très largement aidée par les États de Languedoc, non sans réticences de leur part. Louis Latour rappelle que notre région sort alors d’une période de troubles et qu’elle est financièrement épuisée. L’étude de la construction du pont d’Auterive lui a par ailleurs montré que les modalités d’adjudication aboutissaient à des prix très insuffisants pour un entrepreneur honnête, ce qui imposait des économies au cours de la construction, pouvant entraîner des malfaçons. Georges Costa précise que dans le cas de la sixième pile du pont Neuf, construite par Bachelier, la fissure était due à un défaut de la fondation et qu’elle était connue depuis longtemps ; Jacques Lemercier était quant à lui très attentif à la qualité des matériaux et des mises en œuvre, comme en témoignent par exemple les pavés sur couche d’argile qu’il fit poser sur la rampe du côté de Saint-Cyprien.

    La parole est donnée à Jean-Luc Boudartchouk pour sa réponse à la dernière communication de Patrice Cabau :

« Autour du corps de l’évêque Saturnin de Toulouse : nouvelles considérations

    Il y a sept ans de cela, nous avions proposé dans un petit article intitulé "Le locus de la première sépulture de l’évêque Saturnin de Toulouse : un état de la question" (Boudartchouk 1994), une relecture des sources concernant l’inhumation initiale de la dépouille de Saturnin et sa "translation". Nous pensons avoir montré alors qu’aucun texte ancien ne mentionnait clairement l’église du Taur comme première sépulture de l’évêque, jusqu’à ce que A. Noguier (1556) voit en l’église du Taur un édifice commémorant le lieu au-delà duquel le taureau aurait refusé de continuer sa course. Inversement, une nouvelle lecture des textes et des sources archéologiques nous a incité à situer dès 250 la sépulture de Saturnin à l’emplacement de l’édifice qui deviendra plus tard la basilique Saint-Sernin. Le corps aurait été reconnu une première fois au IVe siècle par l’évêque Hilaire qui fit réaliser une basilicula en l’honneur du


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SAINT-HILAIRE D'AUDE, L'ENSEVELISSEMENT ET LE TOMBEAU DE SAINT SATURNIN, 
côté gauche (moulage) du soubassement d'autel attribué au maître de Cabestany (XIIe siècle). Cliché Q. Cazes.

corps, puis par l’évêque Exupère au tout début du Ve siècle. Ce dernier aurait simplement opéré une translation horizontale (une surrection) du corps de Saturnin pour le placer dans le nouvel édifice qui ne serait qu’un agrandissement de l’ancienne basilique d’Hilaire. Il y aurait donc une unité de lieu complète concernant la sépulture de l’évêque, de 250 au Ve siècle et par extension jusqu’à nos jours.

    Depuis, les connaissances au sujet de l’évêque Saturnin se sont affinées. A.-V. Gilles (1996 et 1999) a précisé le dossier hagiographique et les étapes de l’évolution du culte de Saturnin. A. Bonnery (1998) a procédé à une analyse complémentaire du "sarcophage-reliquaire" de Saint-Hilaire d’Aude représentant le martyre de Saturnin. H. Pradalier (1996) a présenté une étude minutieuse du sarcophage et des reliques de Saturnin. Surtout, P. Cabau (1999 et 2000) a précisé la liste des évêques des IVe-Ve siècles et il publie, dans ce présent volume, une nouvelle édition-traduction de la Passio de Saturnin, travail qui fera date. Nous avons quant à nous repéré de nouveaux textes et effectué une visite dans la crypte archéologique de Saint-Sernin où l’on peut voir en l’état le résultat des fouilles des années 1960 pratiquées à l’intérieur de l’abside "préromane" (1).

    Concernant notre problématique, P. Cabau dans sa nouvelle édition de la Passio a établi, en écartant certaines leçons pourtant traditionnellement retenues, que l’ensevelissement originel de Saturnin a bien lieu dans une "fosse profonde" (et non "proche") ; que la première basilique fut construite "en matériaux humbles / quelconques / ordinaires" (et non "en bois"). La construction "en dur" de la basilique d’Hilaire rend du même coup moins aléatoire la conservation des vestiges lui appartenant. L’auteur maintient en revanche la vision traditionnelle de la translation du corps de Saturnin par Exupère, d’un point situé à l’extérieur vers un point situé à l’intérieur de la nouvelle église du Ve siècle.
    Nous maintenons quant à nous l’idée d’une permanence du lieu de sépulture de l’évêque, à travers les agrandissements successifs de l’édifice, depuis la basilicula d’Hilaire jusqu’à l’église romane. Après avoir présenté un texte éclairant à notre avis l’origine de l’église du Taur, nous verrons en quoi les textes antiques et médiévaux peuvent nous mettre sur la voie de la localisation du corps de l’évêque ; enfin nous ferons part de quelques observations archéologiques effectuées dans la crypte "haute" de Saint-Sernin.

1. Un procès de 1475 soulève la question de l’ancienneté relative des églises de Saint-Sernin et du Taur

    Ce texte quasiment inconnu a été repéré et en partie exploité par M. Gay (1966 p.17) (A.D. Haute-Garonne, 101 H 185 ; voir aussi 101 H 646). Lors d’une querelle entre le Taur et Saint-Sernin au sujet d’une augmentation de pension des vicaires du Taur, les avocats vont invoquer pour fonder les droits de leurs clients de bien curieux arguments (f° 26-29).
    Lauret, l’avocat du Taur, avance : "L’eglise du Taur etoit parrochiale avant que celle de Saint Sernin, et en lad. eglise du Taur fuit sepultum corpus sancti Saturnini et apres en fut extraite la paroisse de Saint Sernin et est le Taur la seconde paroisse de Toulouse et la plus ancienne apres Saint Etienne (…)". Benedicti, l’avocat de Saint-Sernin, rétorque : "Saint Sernin fut seveli en l’eglise du Taur (…) que lors n’y avoit point d’eglise car c’etoit "de tempore paganorum", bien est vrai qu’il fut tue au lieu ou est de present l’eglise mais lors ni depuis de moult long temps n’y a eu paroisse, et est tout notoire qu’elle a été extraite de Saint Sernin".
    L’avocat de Saint-Sernin rappelle (f° 50) que "in villa tholosa fuerunt fundate in principio plures ecclesie et monasteria inter quo erant tres vale sive videlicet ecclesia santi Stephani, Sancti Saturnini et deaurate (…) ecclesia de Taur cum parrochialea fuit abstracta de parrochialea sancti Saturnini".
    L’avocat du Taur (f° 50) prétend que "apparet et dictum est per scripturas et legendas translater Sancti saturnini et per legendas dicti sancti Exuperi qui edificavit, construxit et consumavit et fideliter dedicavit dictam ecclesiam monasteri Sanctum Saturni et translatavit dictum Sanctum Saturni de suo prima acclesia du Tauro ad dictam ecclesiam dicti monasteri tempore Innocenti primi" [402-417]. Il poursuit en indiquant que "parrochiales


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ecclesie fuerunt limitati et divise" quelque deux cent soixante-cinq années plus tard, soit vers 670-680 (le scribe paraît indiquer des cotes d’archives).

    Ce curieux échange montre qu’il existe à la fin du XVe siècle deux traditions contradictoires concernant l’origine du Taur, traditions exacerbées et sans doute présentées de façon outrancière dans le cadre du procès. Pour le vicaire du Taur, son église, antérieure à Saint-Sernin, marque le lieu de l’inhumation originelle de Saturnin. De fait, le Taur devient la paroisse-matrice de Saint-Sernin. Pour les hommes de Saint-Sernin, il est évident que celle-ci est l’une des trois plus anciennes églises et paroisses de Toulouse, avec Saint-Étienne et la Daurade. Le Taur ne marque que le lieu de la mort de Saturnin, et l’érection de l’église du Taur est bien plus tardive que celle de l’église Saint-Saturnin qui abrite le corps de l’évêque. De fait, on rappelle que la paroisse du Taur est démembrée de celle de Saint-Sernin.

    L’argumentation des avocats du Taur ne semble pas avoir eu de postérité avant que Guillaume Catel, au XVIIe siècle, ne forge à nouveau l’hypothèse de deux églises successives, celle du Taur puis celle de Saint-Sernin. Au XVIe siècle, Nicolas Bertrand (1515 ; 1555) ne parle pas de l’église du Taur et Antoine Noguier (1556) voit en le Taur le monument commémoratif du lieu de l’arrêt de la course du taureau (Boudartchouk 1993).
    Cette idée de lieu commémorant l’arrêt miraculeux du taureau était encore perceptible au XVIIe siècle : en 1661 existaient encore des peintures retraçant le martyre de Saturnin, ainsi qu’une inscription latine ainsi traduite par A. Auriol  : "Voici que la foule précipita Saturnin du haut de la citadelle toulousaine (= ab alta arce Tolosatum). Elle le fait traîner à travers la ville, lié par une chaîne à un taureau. Mais soudain par la volonté du Christ, le bête furieuse s’arrête : de cet événement cette église tire son nom et elle conte le prodige à ceux qui l’interrogent" (Auriol 1922, p. 204). À gauche du grand autel se trouvait une statue représentant Saturnin ayant à ses pieds un taureau avec une légende latine traduite par A. Auriol : "Saint Saturnin évêque de Toulouse et martyr. Traîné jusqu’en ce lieu du haut du Capitole, il a uni le nom du taureau à cet édifice (= ex nobis capitolio hucusque raptatus tauro mox aedem nomine fecit)" (Auriol 1922, p. 205). Cette décoration, qui fait explicitement référence à un épisode particulier de la Passio de Saturnin paraît antérieure à 1629 (Auriol 1922, p. 207). Elle ne paraît donc pas avoir été inspirée à coup sûr par l’œuvre historique de Catel et pourrait résulter d’une tradition antérieure.

    Que déduire de ces témoignages tardifs mais concordants, dont nous n’avions pas connaissance en 1993 ? Incontestablement – et même si rien ne permet d’affirmer que le Taur marque la première sépulture de Saturnin, malgré les prétentions des vicaires du Taur –, l’église médiévale du Taur apparaît bien liée au souvenir – sans doute légendaire – du martyre de Saturnin.
    Plus précisément, l’église est supposée marquer un arrêt du corps de Saturnin, sur le trajet entre le lieu de sa mort (le Capitole), et celui de sa sépulture (Saint-Sernin selon nous). C’est donc, comme l’église Saint-Pierre et Saint-Géraud "du Capitole", un édifice commémoratif – sans doute bien plus tardif – qui marque l’immobilisation du corps grâce à l’arrêt miraculeux du taureau, préalable indispensable à l’ensevelissement de l’évêque.

2. Les textes anciens et la première sépulture de Saturnin : quelques compléments

    Nous ne reviendrons pas ici sur l’analyse comparée de la Passio Antiqua ( cf. P. Cabau dans le présent volume) et de la Messe de Translation (Ferotin 1912), textes du Ve siècle se faisant écho à plus d’un titre, malgré le sens souvent obscur de la Messe de Translation (Boudartchouk 1993 ; Cabau dans ce même volume). Au-delà des difficultés de traduction, nous pensons toujours que cette Messe sous-tend bel et bien une unité de lieu.
    La Passio rappelle que le corps de Saturnin, une fois mis à l'abri dans une "tombe profonde" (traduction de l'expression "profundo loco" sans doute préférable à "fosse profonde" selon nous : "locus" revêt en effet parfois le sens de "tombe" durant l'Antiquité Tardive et le haut Moyen Âge), demeure ensuite  "sub vili caespite", que l’on peut traduire par "sous ce modeste tombeau" ou "sous un vulgaire tombeau" (caespes étant compris également, à l'instar de locus, dans le sens de "tombeau" comme chez Jérôme, Ep. 1,13 ou Sidoine Apollinaire, Ep. 3,3,8). Dans cette optique, le passage de la Messe faisant directement écho à cette description de la tombe "refossi cespites tegumento", pourrait être rendu par "[maintenant que l’on a] arraché en creusant ce qui recouvre le tombeau [on voit alors apparaître, pour la première fois, le corps de Saturnin]". La pointe du texte de la Messe de Translation nous paraît bien confirmer une identité de lieu entre l’ancien tombeau et le nouveau dispositif destiné à recevoir le corps après son élévation : "Et s’il est permis que la crédulité catholique n’apporte à son martyr aucune gloire, placé [qu’il est] sous un humble monument, il est cependant digne que, selon les devoirs de la religion, on élève dans un bâtiment le corps dont l’âme s’élancera dans les cieux" (traduction Jean Guyon, 2001).
    Du reste, Nicolas Bertrand (1515) ne parle que d’une unique "première invention" du corps de Saturnin, avant


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les "reconnaissances" successives du XIIIe siècle. Ces dernières permettent de "reconnaître" "sub terra" (c’est-à-dire sous le niveau du sol) les tombeaux de Saturnin, puis d’Hilaire, Sylve, Honorat, Papoul. La présence de Sylve, fondateur malheureux de la nouvelle basilique, est logique. Celle d’Hilaire, fondateur de la première basilicula, est plus étonnante, sauf à considérer que la basilicula en question ait été simplement agrandie par les soins d’Hilaire et d’Exupère (ce dernier étant inhumé à Blagnac). Honorat et Papoul ne sont connus que par des vitae carolingiennes. Le premier, cité dans les Actes de saint Firmin d’Amiens, aurait été le successeur d’Exupère, dans le légendaire médiéval. Papoul quant à lui aurait remplacé Saturnin pour la gestion de l’évêché de Toulouse durant sa mission – légendaire – en Espagne. Ces Vies carolingiennes légendaires ne permettent pas de conclure à l’historicité de ces personnages, pourtant vénérés comme évêques successeurs de Saturnin au Moyen Âge.

    Bref, à l’exception notable d’Exupère, tous les premiers évêques de Toulouse – réels ou imaginaires – reposent depuis longtemps à Saint-Sernin lorsque l’on réaménage leurs dépouilles au XIIIe siècle. Or, la crypte d’où ont été extraits dans leurs sarcophages respectifs un certain nombre de ces corps, existe encore.

3. Notes sur la crypte "haute" de Saint-Sernin (avec la collaboration de F. Veyssière)

    Les fouilles de Stym-Popper et Calley dans les années 1960 ont permis de dégager les vestiges d’une abside de 6 m de diamètre intérieur, considérée depuis comme appartenant à l’église de Sylve et d’Exupère (Durliat 1971).
    Un relevé sommaire de ce qui subsiste du mur de l’abside a été réalisé en 2000, dans l’axe longitudinal de l’édifice. On trouve, de haut en bas (hauteur conservée : 1,24 m) : huit assises de briques de remploi liées au mortier blanc ; un ressaut avec un bourrelet de mortier blanc pouvant correspondre à un sol ; deux assises de briques de remploi ; un ressaut avec un bourrelet de mortier blanc ; une assise de briques ; une assise de galets ; trois assises de briques liées au mortier de chaux ; un lit de mortier de chaux ; un lit de terre ; un lit de mortier de chaux ; trois assises de galets liés au limon.
    À l’intérieur de l’abside se trouve un sol de gros galets calibrés reposant sur le substrat, sol dans lequel est inséré un fragment de sarcophage en grès (couvercle) décoré d’une croix hampée en relief. Ce sol est recouvert par un dallage de grandes briques. L’ensemble avait été recouvert par les fondations du baldaquin gothique.

    La maçonnerie du mur est indatable en elle-même, mais sa complexité (alternance briques / galets), la présence de deux ressauts ayant conservé un bourrelet de mortier blanc, nous invitent à ne pas exclure la possibilité de deux états successifs (en attendant une étude détaillée).
    Le sol de gros galets est installé légèrement plus bas que l’apex du mur de l’abside. Il lui est bien entendu (très) postérieur. Le dallage de briques qui le recouvre marque le dernier aménagement antérieur à la fondation du baldaquin gothique. Rien ne permet de réfuter que l’abside soit bien celle de la basilique de Sylve et Exupère, mais l’on ne peut exclure qu’une partie au moins (la partie basse) n’appartienne en fait à la "petite" basilique d’Hilaire, faite de "matériaux ordinaires" et selon nous située au même endroit que l’édifice qui lui a succédé.
    Le sol de galets qui a déchaussé les fondations de l’abside témoigne, à un moment donné de l’histoire de l’édifice, de l’excavation du sol d’origine sur une profondeur de l’ordre de 80 à 90 cm. Ceci pourrait avoir été réalisé afin de récupérer des sépultures affleurant le sol d’origine (au premier chef celle de Saturnin) afin de les redéposer plus bas, dans ce qui constitue alors désormais une véritable crypte. Dans cette hypothèse, le sol de galets serait le sol "roman" de la crypte où étaient entreposés les sarcophages de Saturnin et de certains de ses compagnons, avant les réaménagements du XIIIe siècle. L’inclusion dans ce sol d’un fragment de sarcophage que l’on peut dater raisonnablement des VIe-VIIe siècles fournit un terminus post quem peu précis. On peut conjecturer que ce nouvel aménagement est lié à la construction de l’édifice roman. On peut également s’interroger sur la finalité du fragment de sarcophage orné d’une croix : matérialise-t-il un emplacement ?
    Ce sol est ensuite recouvert d’un dallage de grandes briques, avant que les sarcophages ne soient définitivement élevés et la crypte comblée.

    Si l’on admet le caractère immuable du lieu de sépulture de Saturnin depuis 250 jusqu’à nos jours, ainsi que l’importance du corps de l’évêque dans la conception des sanctuaires successifs autour de celui-ci, cela implique que l’axe originel de la tombe ait eu pour les bâtiments un rôle déterminant. Le cercueil de bois reste en effet inviolé jusqu’à l’époque d’Exupère : nul doute que le premier sanctuaire qui le protège se soit calqué sur son orientation. Le second sanctuaire, celui d’Exupère, n’a pas dû déroger à cette règle si, comme nous le pensons, il n’est qu’un agrandissement du premier, l’élévation du corps n’ayant lieu qu’une fois les travaux achevés. Enfin, on sait que l’édifice roman ne fait qu’enchâsser la basilique du Ve siècle et conserve donc inchangée son orientation. Peut-être ces considérations permettraient-elles d’expliquer l’étonnante orientation de Saint-Sernin


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VUE GÉNÉRALE DE LA CRYPTE HAUTE DE SAINT-SERNIN : dallage de galets et fragment de sarcophage. Cliché F. Veyssière.

VUE DU MUR DE L’ABSIDE (IVe-Ve s.) : fondation de galets, élévation de briques. Au fond, le dallage de galets médiéval et le fragment de sarcophage remployé. Cliché F. Veyssière.

(NE / SO), orientation ayant pu être dictée à l’origine par la position et l’axe du cercueil de bois attribué par les hommes du IVe siècle à l’évêque Saturnin.

    Résumons pour terminer les grandes lignes de l’histoire du corps de l’évêque Saturnin. En 250 son cadavre gît quelque part le long de la voie Toulouse-Cahors, peut-être à hauteur de la future église médiévale du Taur (église qui oblitère ultérieurement la voie antique). Le corps est alors enterré non loin, plus au nord, dans une tombe profondément creusée, quelques mètres à l’ouest de la voie, dans un cercueil de bois. Hilaire procède au siècle suivant à la reconnaissance du tombeau, sans ouvrir le cercueil. Le succès de la basilique qui le recouvre fait que, vers 400, Silve puis Exupère doivent l’agrandir, avant de modifier la disposition du corps à l’intérieur de l’édifice. Le cercueil est alors ouvert, les ossements élevés et sans doute placés dans un nouveau contenant : un sarcophage de marbre (qui nous est parvenu). Vraisemblablement placé à l’intérieur de l’abside du Ve siècle, le sarcophage sera à nouveau descendu "sous terre" dans l’ancienne abside transformée en crypte romane, avant d’être une nouvelle fois – et définitivement – exhaussé au XIIIe siècle.

1. Nous tenons à remercier M. le Curé de Saint-Sernin et M. le Conservateur du Musée Saint-Raymond qui nous ont permis cette visite dans de bonnes conditions.

Bibliographie

Arramond J.-Ch., Boudartchouk J.-L. et alii, 1997 = "Le Capitolium de Tolosa ? Les fouilles du parking Esquirol. Premiers résultats et essai d’interprétation", dans Gallia, 54, 1999, p. 203-238.
Auriol, chanoine A., 1922 = "L’ancienne décoration de l’église du Taur à Toulouse", dans Revue historique de Toulouse, Toulouse, 1922, p. 200-208.
Bertrand N., 1515 = Opus de Tholosanorum gestis, Toulouse, Jean Grandjean, 1515.
Bertrand N., 1555 = Les Gestes des Tholosains; 2e éd., Toulouse, traduction par Guillaume de la Perrière, éd. Jacques Colomiès, 1555.
Bonnery A., 1998 = "Le sarcophage-reliquaire de saint Saturnin à Saint-Hilaire d’Aude", dans Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XXIX, 1998, p. 53-62.
Boudartchouk J.-L. et Arramond J.-Ch., 1993 = "Le souvenir du Capitolium de Toulouse à travers les sources de l'Antiquité tardive et du Moyen Âge", dans Archéologie du Midi Médiéval, t. 11, 1993, p. 3-39.
Boudartchouk J.-L., 1994 = "Le locus de la première sépulture de l'évêque Saturnin de Toulouse : un état de la question", dans M.S.A.M.F., t. LIV, 1994, p. 59-69.


M.S.A.M.F., t. LXI, p. 262

Cabau P., 1999 = "Les évêques de Toulouse (IIIe-XIVe siècles) et les lieux de leur sépulture", dans M.S.A.M.F., t. LIX, 1999, p 124-162. 
Cabau P., 2000 = "Note sur la liste des souscriptions au Concile d’Arles de 314 : Mamertin, évêque de Toulouse en 314", dans "Bull. de l’année académique 1999-2000", dans M.S.A.M.F., t. LX, 2000, p. 228-231. 
Catel G., 1623 = Histoire des comtes de Tolose, Toulouse, Pierre Bosc, 1623, 2 parties en 1 vol.
Catel G., 1633 = Mémoires de l'histoire du Languedoc, Toulouse, Pierre Bosc, 1633, 1038 p.
Durliat M., 1971 = "Les cryptes de Saint-Sernin de Toulouse, bilan des recherches récentes", dans Les monuments historiques de la France, n° 1, 1971, p. 25-40.
Gilles-Raynal A-V., 1996 = "Origine et diffusion du culte de saint Saturnin de Toulouse", dans Saint Sernin de Toulouse, IXe centenaire, Mélanges publiés par l’association du neuvième centenaire, Toulouse 1996, p. 47-77.
Gilles-Raynal A-V., 1999 = "Un libellus de pèlerinage en l’honneur de saint Saturnin de Toulouse", dans Toulouse sur les chemins de Saint-Jacques. De saint Saturnin au "Tour des Corps Saints", Ensemble Conventuel des Jacobins, éd. Skira, 1999, p. 119-125.
Noguier A., 1556 = Histoire tolosaine, Toulouse, Guyon Boudeville, 1556 (rééd. 1559).
Pradalier H., 1996 = "Le sarcophage et les reliques de saint Saturnin d’après deux procès-verbaux du XXe siècle", dans Saint-Sernin de Toulouse, IXe centenaire, Mélanges publiés par l’association du neuvième centenaire, Toulouse 1996, p. 305-321.

Sources éditées

Passio sancti Saturnini, éd. Dom Ruinart, Acta primorum martyrum sincera et selecta, Paris, 1689, p. 109-113 et éd. Molinier, H. L.2, II, Toulouse, Privat, 1876, Preuves n° 8, cc. 29-34.
Passio sancti Saturnini, publiée dans Pasionario Hispanico, édité par A. Fabrega-Grau, Madrid-Barcelone, 1955, t. II, p. 57-59.
Messes pour le natale et la translatio de saint Saturnin, éd. Férotin M., Liber mozarabicus sacramentorum, Paris, 1912, col. 29-33 et 460-464.
Bibliographie et sources complémentaires dans Arramond J.-Ch., Boudartchouk J.-L. et alii 1997 ; Boudartchouk J.-L. et Arramond J.-Ch. 1993 ; Boudartchouk J.-L. 1994.

Jean-Luc Boudartchouk »

    Le Président remercie Jean-Luc Boudartchouk et donne la parole à Patrice Cabau. Après avoir indiqué que la dernière partie de sa communication devait être consacrée à la crypte romane, celui-ci constate avec satisfaction que les conclusions de Jean-Luc Boudartchouk et les siennes sont identiques. Quant à la sépulture de saint Exupère, il pense que la question est moins simple et que l’on peut supposer une translation intervenue à la fin du XIe siècle. Patrice Cabau admet l’hypothèse proposée pour Notre-Dame-du-Taur, une église commémorative érigée sur le lieu de la mort du martyr ou bien l’endroit où la corde se serait rompue. Pour ce qui est de Nicolas Bertrand, il rappelle que l’auteur des Gesta Tholosanorum ne fait que reproduire Bernard Gui. Puis Patrice Cabau récuse la leçon du sanctoral de Florence, « cum sarcophago », pour « actis altis scrobibus » non compris par le copiste. Comme le manuscrit de Moissac, celui de Florence donne une version interpolée de la Passio de saint Saturnin, dont la source est probablement hispanique : il est possible que le moine ait eu quelques difficultés à déchiffrer un manuscrit qui était peut-être en écriture wisigothique.
    Jean-Luc Boudartchouk et Patrice Cabau poursuivent la discussion et conviennent qu’il est nécessaire de revoir une fois de plus les textes.
    À propos du « sarcophage » de Saint-Hilaire d’Aude, Maurice Scellès fait remarquer que les femmes placées sous le tombeau de saint Saturnin peuvent correspondre à une scène, fréquente au Moyen Âge, d’incubation sous les reliques.

 

SÉANCE DU 5 JUIN 2001

Présents : MM. Peyrusse, Président, Coppolani, Directeur honoraire, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Latour, Bibliothécaire-Archiviste ; Mme Napoléone, MM. l’abbé Baccrabère, Bordes, le Père Montagnes, MM. Nayrolles, Prin, Mgr Rocacher, M. Tollon, membres titulaires ; Mmes Aribaud, Blanc-Rouquette, Jimenez, MM. Manuel, Testard, membres correspondants.
Excusés : MM. Cazes, Directeur, Cabau, Secrétaire-adjoint, Mmes Cazes, Tollon, MM. Boudartchouk, Burroni.

    Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 29 juin dernier, qui est adopté.
    Le Président excuse notre Directeur, empêché ce soir en raison de la campagne de sondages archéologiques qui débute demain à Martres-Tolosane. Il rappelle que tous les volontaires sont les bienvenus et invitent les membres à la visite collective qui sera organisée le mardi 12 juin après-midi sur place.


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    La correspondance manuscrite se limite à la convocation à la réunion des membres du Bureau de l’Union des Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel d’Assézat et de Clémence Isaure, qui aura lieu le 20 juin prochain. Guy Ahlsell de Toulza y représentera notre Société.

    La parole est à Bruno Tollon pour la communication du jour : L’architecture civile de la Renaissance à Toulouse : états des questions.

    Le Président remercie Bruno Tollon puis souligne la modestie de l'orateur, qui n’a pas cru devoir signaler tout ce qu’il avait apporté à la connaissance de l’art de la Renaissance à Toulouse, croisant les données des archives, celles des études du parcellaire et des analyses stylistiques pour aboutir à un paysage renouvelé, même si l’on trouve parfois encore trace de l’hispanité toulousaine sous la plume de quelques spécialistes… La chronologie aussi est mieux cernée et il apparaît que tout est dit, stylistiquement, dans les années 1560.
    Mme Blanc-Rouquette dit avoir été très intéressée par les livres présentés par Bruno Tollon à l’appui de sa démonstration et avoir été frappée par la gravure de la Porte-Narbonnaise pourtant détruite au même moment. Après avoir évoqué les éditeurs toulousains, elle rappelle que l’entrée de François Ier dans la ville a été un événement extraordinaire. Bruno Tollon réaffirme la nécessité pour les historiens de l’Art de s’appuyer sur les travaux des historiens, qu’il s’agisse de l’économie ou de la démographie, ou encore de l’histoire culturelle à laquelle appartiennent aussi les libraires et les imprimeurs.
    Pour reprendre le débat sous l’angle des disciplines annexes ou connexes et pour être un peu polémique au sein de notre Société Archéologique, Jean Nayrolles note que le versant archéologique de nos travaux a peut-être tendance à nous faire oublier les aspects culturels. Entre Caylus et Winckelmann, c’est la tendance scientifique qui a pris le pas et l’Histoire de l’Art sacrifie aux chaînons nécessairement inscrits dans les séries. Parmi les éléments qui contribuent au fonds culturel, la géographie est la plus facile à mettre au jour, en croisant les données, mais il y a aussi Toulouse et sa propension spécifique à créer des mythes, c’est-à-dire une réalité anthropologique qui en fait un lieu culturel singulier.
    À l’inverse de Jean Nayrolles, le Président fait remarquer que la culture architecturale ne relève pas de catégories bourdieusiennes un peu étroites, et que rien n’empêche qu’un docteur en droit se fasse construire une maison banale quand le goût d’un marchand peut le porter aux réalisations les plus novatrices. Ainsi le génie de Pierre d’Assézat a-t-il été de faire appel à Nicolas Bachelier. Bruno Tollon acquiesce et rappelle que la réduction de la culture toulousaine à deux ou trois grandes catégories comme l’histoire linéaire que l’on présente le plus souvent relèvent surtout de visées pédagogiques. Pour nombre de grands monuments, nous en sommes de fait réduits à formuler des hypothèses. Bachelier a-t-il seulement donné les dessins de l’Hôtel d’Assézat ou bien en a-t-il également assuré l’exécution ? S’il est sûr que le détail des ordres lui est dû, les dessins d’ensemble de l’Hôtel sont peut-être redevables à la culture architecturale de Pierre d’Assézat. Jean de Bagis est conseillé par Jean Albert, un intellectuel au contact des gens de la pratique. L’intérêt de l’époque tient d’ailleurs en partie à une assez grande porosité entre les métiers et les arts.

    Le Président lui ayant demandé si des avancées significatives avaient été réalisées quant à la chronologie, Bruno Tollon indique que les périodes actives s’avèrent différentes de celles des pays de Loire ou de Paris. En outre, les formes à la mode se combinent à des usages locaux dont l’un des exemples les plus clairs est le maintien d’un gros-œuvre en brique séparé de la sculpture réalisée en pierre. De la même façon, les rapports avec la cour ou la rue sont régis par des usages locaux que l’on retrouve également à travers un vocabulaire spécifique pour désigner la grande maison ou l’hôtel.
    Pour Olivier Testard, il est normal que le sculpteur soit celui qui trace les plans, le dessin étant pour lui une activité quotidienne. Bruno Tollon ajoute que c’est le moment où apparaît une spécialisation des métiers de maçon et d’architecte.
    Maurice Scellès s’interroge sur le sens qu’il faut donner au développement de l’hôtel « sur cour » alors que le modèle dominant, au moins jusqu’au début du XIVe siècle, semble bien être celui de la salle sur rue, où s’affiche le décor architectural. À titre d’hypothèse de travail, il suggère que ce repli sur la cour puisse traduire un retrait par rapport à l’espace public et une moindre participation à la vie sociale, peut-être en parallèle avec l’évolution des institutions municipales.
    Bruno Tollon rappelle que les boutiques sont généralisées sur les rues fortes et, regrettant le départ de Jean Coppolani, il précise que le « zoning » est précoce à Toulouse. Les grands propriétaires délaissent les boutiques, mais les différents modèles cohabitent. Jean Astorg fait construire en 1568 deux ailes nouvelles autour de la cour, alors que dans une autre quartier, l’hôtel de Mazades présente une splendide salle voûtée en rez-de-chaussée sur cour mais


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également une façade « publicitaire » à ordres superposés encadrant les fenêtres sur la rue. À l’Hôtel de Pierre, la façade sur rue correspond à une salle placée à l’étage.
    Après avoir indiqué que le prochain livre sur l’Hôtel d’Assézat, qui sera publié sous les auspices de notre Société, donnera nombre de précisions sur ces différents points, le Président dit avoir entendu que Bruno Tollon acceptait d’organiser, en 2002, des journées d’étude consacrées à l’architecture civile méridionale à l’époque moderne. Notre confère admet que la formulation de l’invitation ne lui permet pas de reculer.
    Pour Guy Ahlsell de Toulza, le type de l’hôtel sur cour, auquel appartient l’Hôtel d’Assézat, se distingue clairement de l’hôtel à façade sur rue. Certains propriétaires préfèrent ainsi se retirer sur leur cour, loin de la rue publique. L’étude, encore très insuffisante, de l’architecture civile de la seconde moitié du XVe siècle apporterait des éclairages intéressants Quels sont les commanditaires des grands hôtels du XVe siècle, quels sont les auteurs des plans ? En permettant de balayer la légende très agaçante du pastel, elle nous offrirait sans doute des surprises.
    Jean Nayrolles attire l’attention sur l’aspect historiographique en remarquant qu’il est assez étonnant que l’on ait forgé une Toulouse hispanique à l’époque romantique. Lyon construit une archéologie en opposition à l’archéologie nationale, ce que ne font pas les archéologues toulousains, alors qu’ils constituent un foyer très précoce, mais qui ne cherche pas à se faire entendre. Ce vide a pu favoriser la propagation de ce type d’imagerie. Bruno Tollon demande à Jean Nayrolles s’il faut y voir un trait de cette tradition toulousaine des mythes. Le Président confirme que ce n’est pas ce milieu qui impose cette vision hispanisante, tout en ajoutant que Toulouse est au XIXe siècle une ville très espagnole et très hispanophile.

    Le Secrétaire général transmet à la Compagnie la proposition du Secrétaire-adjoint, empêché, de mettre en place un échange de publications avec la revue Heresis. La proposition est accueillie favorablement.

 

SÉANCE DU 19 JUIN 2001

Présents : MM. Coppolani, Directeur honoraire, Cazes, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Latour, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Cazes, Napoléone, MM. l’abbé Baccrabère, Bordes, Boudartchouk, Hermet, Gilles, le Père Montagnes, M. Tollon, membres titulaires ; Mme Blanc-Rouquette, MM. Burroni, Cranga, Ginesty, Testard, Veyssière, membres correspondants.
Excusés : M. Peyrusse, Président, MM. Boyer, Garland, Lapart.
Invité : MM. Paul Féron, Patrick Roques.

    En l’absence du Président, empêché, le Directeur préside la séance. Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance du 5 juin dernier, qui est adopté.
    Le Directeur rend compte de la correspondance manuscrite et imprimée. Mme Sandrine Conan, archéologue du bâti qui travaille depuis quatre ans à la société Hadès, nous adresse sa candidature comme membre correspondant : Maurice Scellès est chargé du rapport qui sera présenté à la Compagnie à l’automne. M. Forichon offre à la Société une notice sur Arreau au IVe siècle. Mme du Fayet de Latour nous adresse une demande de renseignements sur le château de Subra en Ariège ; MM. Henry Ginesty et Bruno Tollon acceptent de se charger de la réponse.

    Louis Latour demande des précisions sur les journées du patrimoine qui auront pour thème, cette année, les associations et le patrimoine. On fait remarquer que le Ministère de la Culture annonce au mois de mai le thème retenu, soit quatre mois à peine avant la date de la manifestation, alors qu’il faudrait une année de préparation. En outre il ne met aucun moyen à la disposition des associations qui se proposent d’y participer. Il est confirmé que l’aide du Ministère se limite à la publicité. Le Bureau examinera néanmoins la réponse à faire au questionnaire qui nous a été adressé.

    Le Secrétaire général donne lecture de la motion contre le projet de passerelle le long de l’Hôtel-Dieu qui nous a été adressée par les Toulousains de Toulouse.

« NON À LA PASSERELLE !

    L'Hôtel Dieu Saint Jacques a toujours eu, dans le cœur des Toulousains, une place à part. Fondé au XIIe siècle, il a accueilli et soigné des dizaines de milliers de malades. Agrandi et embelli aux XVIIe et XVIIIe siècles, il se présente actuellement comme l'un des plus beaux hôpitaux d'Europe.
    Au cours de sa longue histoire, il a résisté victorieusement à toutes les colères de la Garonne. Il a même surmonté le déferlement de la terrible inondation de 1875.


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    Mais paradoxalement, cette même inondation a failli lui coûter la vie : à plusieurs reprises, entre 1880 et la guerre de 1914, certains décideurs avaient prévu sa démolition, ainsi que celle du Pont Neuf et de La Grave. Encore, en 1917, l'ingénieur Pendariès, dans son Avant-propos de défense de Toulouse et, plus particulièrement du Faubourg Saint Cyprien contre les inondations de la Garonne, envisageait de le sacrifier aux colères du fleuve.
    Nul n'ignore, dans ce contexte, la lutte menée par les Toulousains de Toulouse pour sauver l'Hôtel Dieu. À la suite de cette polémique, après le classement du site des berges de la Garonne, en 1932, l'hôpital fut classé parmi les Monuments historiques par arrêté du 5 décembre 1988. En 1998, suprême honneur, il fut inscrit au patrimoine mondial de l'U.N.E.S.C.O. en même temps que la basilique Saint-Sernin.
    Depuis quelques années, de louables efforts ont été accomplis par la Municipalité, en accord avec les associations de quartier, pour favoriser les promenades sur les berges de la Garonne et encourager la découverte de la ville. À cette fin, on a voulu créer, sur la rive gauche, une continuité analogue à celle des quais de la rive droite. On en est venu ainsi à l'idée d'une passerelle à l'usage des piétons, réunissant la Prairie des Filtres au Port Saint Cyprien (ou square Viguerie). Bien sûr, cette passerelle serait accrochée à la façade orientale de l'Hôtel Dieu mais aussi, inévitablement, sous une arche du Pont Neuf et aux flancs de l'Hospice de La Grave.

    L'association des Toulousains de Toulouse tient à faire savoir à tous les Toulousains qu'elle est résolument hostile à ce projet, et ceci, pour plusieurs raisons.

    Premièrement parce que cette passerelle n'ajouterait strictement rien au spectacle de la rive droite de la Garonne que le promeneur peut déjà contempler à partir de la Prairie des Filtres, ou du Pont Neuf ou même du hall de l'Hôtel Dieu ouvrant sur la seule arche conservée du vieux pont de La Daurade. Sans oublier le belvédère récemment créé au dessus de la Garonne, en utilisant le terre-plein du musée des Abattoirs et du jardin Raimond VI, et le belvédère qui pourrait être facilement installé au sommet du mur du port Viguerie.
    Henri Martin, lui-même, s'est placé sur ce dernier emplacement au début du XXe siècle, lorsqu'il a voulu peindre la merveilleuse vue de Toulouse qui occupe tout un panneau de la salle des pas perdus de notre Capitole.
    En second lieu, la présence d'une passerelle sous une arche du Pont Neuf constituerait un fâcheux obstacle à l'écoulement des eaux en crue. La présence d'une passerelle sur les flancs de l'Hospice de La Grave créerait un cheminement d'une longueur qui ne manquera pas d'en accentuer le caractère dangereux.
    Enfin, les Toulousains de Toulouse pressentent de nombreuses nuisances liées à cette construction : fragilisation des parements extérieurs de l'Hôtel-Dieu, possibilités nouvelles d'intrusion par les fenêtres, salissures des murs par des inscriptions ou des affiches, etc. Surtout l'hostilité de notre association ne peut qu'être motivée par le coût exorbitant du projet qui s'élèverait à plusieurs millions de francs ! Estimant que cette dépense serait sans aucun rapport avec le résultat obtenu, ils demandent aux responsables municipaux de renoncer définitivement à cette idée de passerelle. »

    On indique que l’Inspection générale des Monuments historiques s’est totalement opposée au projet et recherche une éventuelle solution de remplacement. Bruno Tollon rappelle qu’il s’agit d’une très vieille idée qui est ainsi reprise par la Ville. Rémy Papillaut avait en son temps fait plusieurs propositions dont une avec un cheminement à travers les cours de l’Hôtel-Dieu et qui aboutissait au pont des Catalans. La Compagnie poursuit la discussion sur des projets plus discrets, souligne le coût exorbitant de la solution proposée et regrette le suréquipement qui serait ainsi imposé à l’un des plus beaux sites de la ville.

    La motion proposée par les Toulousains de Toulouse est mise au vote et approuvée à l’unanimité.

    Le Directeur rend compte de la campagne de sondages archéologiques qui a été menée sur le site de la villa de Chiragan du 8 au 13 juin derniers, avec le même objectif que l’an dernier, à savoir de s’assurer de la présence et de l’état de conservation des vestiges. L’opération associe le Service régional de l’archéologie, la Société Archéologique du Midi de la France, le Musée Saint-Raymond et la Mairie de Martres-Tolosane, très intéressée par les résultats dans la perspective de la mise en valeur du site. Cinq sondages ont été effectués, dont quatre sur des terrains n’appartenant pas à notre Société ; leur implantation a été déterminée grâce au travail considérable de Michel Martinaud qui, rappelons-le, réalise l’étude géophysique des treize hectares que couvre l’ensemble de la villa.
    Un sondage a été pratiqué au nord du canal d’E.D.F., sur le mur de clôture, à un point de passage de l’aqueduc dont les maçonneries, très mal conservées, ont ainsi été mises en évidence en même temps qu’une partie d’un bassin qui n’avait pas été repéré par Léon Joulin. Deux autres sondages ont mis au jour des murs de bâtiments appartenant


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à la pars rustica, avec des structures assez bien conservées et des états successifs qui n’étaient pas connus ; des fragments d’amphores du Ier siècle avant notre ère ont été recueillis.
    Un premier sondage réalisé sur la pars rustica a confirmé que les vestiges étaient très mal conservés sur la terrasse supérieure. En revanche, la surprise a été grande avec le sondage pratiqué à l’angle du vestibulum et du mur de la terrasse de la pars urbana qui s’est révélé être conservé sur plus d’un mètre de haut au-dessus des fondations. De nombreux tessons de céramique, des fragments d’enduit peint rouge et noir dans le goût des décors pompéiens du début du Ier siècle et d’autres à fond blanc et rouge peut-être datables du IIIe siècle, ainsi qu’une monnaie très oxydée ont été récoltés ; les décombres contenaient également des briques en quart de rond comme en avait retrouvé Léon Joulin dans le peristylium. L’absence de tout fragment de marbre a confirmé que le ramassage avait été très complet en ce point au XIXe siècle, les réserves du musée Saint-Raymond conservant en effet des centaines de menus morceaux de sculpture. À l’intérêt que présente le mur subsistant il faut ajouter celui de couches archéologiques en place et la possibilité désormais assurée d’une meilleure connaissance des états successifs de la villa.
    Un point noir dans le tableau cependant : il ne s’est pas passé un seul jour sans que l’on constate le passage de fouilleurs clandestins. L’un d’eux a été vu sur le site, un détecteur à métaux à la main, et plainte a immédiatement été déposée au nom du Service régional de l’archéologie et de notre Société. Comme il récidivait le lendemain, il a heureusement été appréhendé en flagrant délit par la gendarmerie. Tout sera fait pour essayer de faire cesser ces agissements. De nombreux Martrais qui sont venus en visiteurs ont raconté que les terrains étaient régulièrement explorés par des fouilleurs clandestins, souvent équipés de détecteurs à métaux. Il est évident que l’article paru l’an dernier dans La Dépêche du Midi (M.S.A.M.F., t. LX, 2000, p. 284) a été absolument néfaste, incitant à la chasse au trésor et au pillage des sites archéologiques (la carte publiée situait d’ailleurs celui de Chiragan).
    En revanche, les Martrais se sont montrés très intéressés et concernés par le devenir et la protection du site de la villa. La Mairie envisage d’aménager un sentier de randonnée aux abords, et on peut espérer que la circulation des promeneurs aura un effet dissuasif pour les fouilleurs clandestins.
    Une communication prévue au cours de la prochaine année académique permettra de présenter à la Compagnie le bilan détaillé de ces sondages et de la prospection géophysique.

    Guy Ahlsell de Toulza rappelle le paradoxe qui fait que l’utilisation des détecteurs à métaux est réglementée alors que leur vente est libre et souligne combien grave est devenue aujourd’hui cette forme de pillage archéologique. Il importe que les pilleurs soient poursuivis et que la plus grande publicité soit faite aux peines qui leurs seront infligées.

    La parole est à Frédéric Veyssière pour une communication sur Les fouilles archéologiques de l’extension de la Fondation Bemberg, Hôtel d'Assézat, 5 rue de l'Écharpe, Toulouse :

    « La fouille préventive au 5 rue de l'Écharpe à Toulouse a été motivée par une extension de la Fondation Bemberg installée depuis quelque temps dans l'Hôtel d'Assézat. Des locaux techniques et salles de travail en sous-sol étaient prévus sur la parcelle AB 548 située juste à l'ouest du monument historique d'époque Renaissance.
    Le contexte historique et archéologique du secteur, proche du théâtre antique (rue de Metz) et du centre monumental de la ville romaine (place Esquirol), est très riche. Le secteur fouillé est situé au point d'articulation entre le théâtre au sud, un bâtiment rectangulaire à l'ouest et une domus au nord.
    Les informations archéologiques majeures de la campagne de fouille sont la mise au jour d'un tronçon de voie antique orientée est-ouest, encadrée par deux murs et associée à un égout, datée de la première moitié du Ier siècle ap. J.-C.
    Ce decumanus secondaire est conservé sur une longueur de 3,50 m et sur une largeur d'un peu moins de 2 m. Il est constitué par un niveau de galets jointifs surmonté par une couche de graviers sableux compacte, parfois indurée, et bordée au sud par un trottoir en briques. L'égout construit en briques se trouve juste sous le niveau de circulation antique. La nouvelle voie donne clairement la limite sud de la domus, dont le mur découvert ici pourrait constituer la façade méridionale.
    La fouille n'apporte pas d'information directe sur l'architecture du théâtre, hormis la mise en évidence d'un niveau de circulation extérieur à ce dernier.
    De plus la présence de la voie pose le problème de la fonction du bâtiment rectangulaire situé à l'ouest : bâtiment indépendant dont la fonction reste énigmatique, extension occidentale de la domus ou bien branche orientale d'un porticus post-scaenam du théâtre ?
    La découverte de cette voie est-ouest du Haut-Empire incite à poursuivre la réflexion déjà entamée sur le théâtre, son insertion dans le tissu urbain et plus généralement sur l'organisation du centre civique et religieux de Toulouse romaine.


M.S.A.M.F., t. LXI, p. 267

    Au cours de l'Antiquité tardive, il y a une profonde modification de l'occupation de ce secteur. L'égout est remplacé par un fossé et la chaussée de la voie est perforée par des fosses. Durant la période médiévale, le secteur est fortement perturbé par des fosses. À partir du XIVe siècle, des terrassements et des regroupements parcellaires précèdent la construction de l'hôtel nobiliaire d'Agromont et, au XVIe siècle, de celui d'Assézat.

Frédéric Veyssière »

    Le Directeur remercie très vivement Frédéric Veyssière pour sa communication et au-delà pour tout le travail accompli par l’équipe qu’il a dirigée, et il le félicite de l’extraordinaire qualité de la fouille et de la précision des dégagements et des analyses. La conservation et la mise en valeur des éléments les plus remarquables révélés par la fouille ont-elles été envisagées ? La Compagnie constate qu’aucune réflexion n’a été menée pour intégrer les éventuels vestiges dans le projet, ce qui est d’autant plus regrettable que la profondeur de la stratigraphie était parfaitement connue. Les cryptes archéologiques de Saint-Pierre-des-Cuisines et du musée Saint-Raymond demeurent les seules de la ville. On souligne l’intérêt pédagogique qu’aurait pourtant présenté un tel aménagement dans le cadre de l’extension de la Fondation Bemberg.

    Le Directeur en vient ensuite à la problématique du site, relevant que la voie de 7 m de large bute sur un mur, la question étant de savoir, comme l’a bien montré Frédéric Veyssière, si cette rue desservait le théâtre. L’interprétation qui fait du bassin mis au jour à l’arrière de l’Hôtel d’Assézat un élément d’une domus peut être discutée, à moins d’imaginer une rue séparant le mur de scène d’une construction privée, ce qui ne paraît pas très satisfaisant. Frédéric Veyssière précise que la voie était tellement dégradée qu’elle n’a pas été vue sur le moment, et que c’est la découverte de l’égout qui l’a mise en évidence : il a alors fallu remonter la stratigraphie à travers la documentation de la fouille. Cet état de dégradation pourrait expliquer que la voie n’ait pas été repérée par la fouille de l’abbé Baccrabère sur la parcelle voisine, ce qui ne met nullement en cause les qualités du fouilleur.
    Après avoir rappelé qu’une rue suppose en principe l’aménagement d’un égout et de deux trottoirs entre deux murs, le Directeur demande s’il n’est pas possible d’imaginer une cour munie d’un égout. Pour Frédéric Veyssière l’hypothèse est possible, mais celle de la rue est beaucoup plus séduisante.

TOULOUSE, 5 RUE DE L'ÉCHARPE, 
vue d'ensemble de la fouille réalisée lors de l'extension des locaux de la Fondation Bemberg.


M.S.A.M.F., t. LXI, p. 268

TOULOUSE,  RUE DE L'ÉCHARPE, situation des vestiges mis au jour lors des différentes fouilles dans le quartier du théâtre romain.
Dessin Q. Cazes, 1999.


M.S.A.M.F., t. LXI, p. 269

    Quitterie Cazes note que l’épaisseur du mur, 1,50 m, en fait un mur extraordinaire. Frédéric Veyssière l’admet et suppose qu’il puisse se rattacher à l’ensemble du théâtre, mais il garde à l’esprit qu’une fouille aussi limitée ne permet qu’une vision très partielle. Tous deux conviennent d’en rediscuter.
    Jean-Luc Boudartchouk demande si le revêtement de la voie était bombé. Frédéric Veyssière confirme qu’il s’agissait bien du revêtement, bien qu’il ait été en grande partie démonté alors que l’on pensait qu’il s’agissait d’un remblai.

    Bruno Tollon évoque l’achat par Pierre d’Assézat, en 1555, de cet immeuble où se trouvait une cour qui lui permettait d’éclairer l’escalier de son hôtel, immeuble qu’il a continué à louer. Une couverture photographique de ces élévations a-t-elle été réalisée ? Frédéric Veyssière dit qu'il en existe quelques photographies qui pourraient être complétées par des vues de la fouille.
    Répondant à Gabriel Burroni, Frédéric Veyssière précise que l’égout présentait une très légère pente en direction de la Garonne.
    On signale qu'à Saragosse, dont le théâtre romain est comparable à celui de Toulouse, la Ville a acheté le pâté de maisons pour y faire des fouilles et mettre au jour les vestiges, dont l’état de conservation est pourtant moins bon qu’à Toulouse. Leur mise en valeur se fera par l’intégration dans une construction nouvelle. Ainsi Saragosse retrouve-t-elle peu à peu ses monuments antiques.

   Un membre signale qu’un nouveau journaliste de La Dépêche du Midi serait preneur de ce type d’informations. Pour un autre, les journalistes de La Dépêche du Midi intéressés par le patrimoine ressemblent à un serpent de mer, apparaissant et disparaissant aussi vite.

    La parole est alors à Patrick Roques qui présente à la Compagnie son plan de la basilique Saint-Sernin de Toulouse :

    « Lorsque Eugène Viollet-le-Duc a projeté la restauration de cet édifice au milieu du XIXe siècle, il l'a étudiée à partir d'un état des lieux. Le plan réalisé à cette époque devait servir essentiellement au métré, à l'image, à la localisation et de lien entre les différents corps de métier qui allaient intervenir. L'objectif était affiché et le souci n'était sûrement pas l'étude métrologique de cet édifice. Depuis, de nombreuses personnes, grand public, étudiants, chercheurs mais aussi professionnels du bâtiment ont utilisé le plan de Viollet-le-Duc à des fins diverses.
    Parce que la possibilité m'en a été offerte, après avoir recherché en vain un plan plus précis que celui ayant servi à la restauration, j'ai débuté le relevé du plan de la basilique en 1997. Géomètre passionné, mon objectif était, dès le début de ce travail, de réaliser un plan précis de l’édifice en vue de susciter les interrogations les plus diverses, d'éveiller la plus grande curiosité, d'obtenir le plus de réponses à de multiples observations. Pour cela, ce plan doit nécessairement être libre de droits. Il doit pouvoir être étudié, publié, valorisé (modélisation...) sans aucune restriction. Je souhaite seulement que soit rappelé son auteur.

    Le plan présenté est publié à l’échelle du 1/200e, établi dans un système particulier. Exécuté dans les règles de l’art, il reproduit la coupe horizontale de la basilique à la hauteur de 1,70 m. Pour faciliter la lecture, nous avons privilégié la représentation des différents niveaux, degrés ou marches, à la projection du système de voûtement.

    Saint-Sernin mesure 109,50 m de long et 63 m de large au niveau du transept. L'édifice est considéré comme étant le plus grand de son époque, encore conservé, et son architecture correspond aux fonctions définies par son ou ses concepteurs : travées et collatéraux larges, portails nombreux facilitant l'accès et la circulation des pèlerins, nombreuses chapelles permettant de répondre aux multiples demandes en messes privées et une nef aux dimensions impressionnantes correspondant aux besoins de recueillement des pèlerins.
    Le massif occidental est de grandes dimensions, 35 m de large sur 14 de profondeur. Des colonnes engagées dans les murs latéraux de l’entrée centrale et des traces archéologiques permettent d’envisager une communication directe avec les deux chapelles latérales dont les dimensions ne sont pas significativement différentes.
    La nef centrale comprend 11 travées, présente une longueur de 53,00 m et sa largeur, de 8,80 m, diminue en même temps que sa largeur totale, doubles collatéraux compris, de manière constante, de 70 cm en allant vers le transept. Ce choix accentue l’effet de profondeur et de perspective que chacun découvre en entrant par le massif occidental. Concentrant notre regard vers le chœur, ce choix – la diminution de la largeur de la nef vers le chœur – favorise, de plus, la vision élargie à l’officiant situé dans ce même chœur sur ses fidèles.


M.S.A.M.F., t. LXI, p. 270

    La nef est bordée de doubles collatéraux. Si la largeur des premiers collatéraux est, en moyenne, de 3,15 m et présente donc quelques similitudes, celle des seconds accuse une différence de 20 à 30 cm au détriment du collatéral situé vers la porte Miégeville. Le deuxième collatéral nord servait dès l’origine de passage pour les moines entre le monastère et le lieu de culte, le bras nord du transept. Pourquoi, alors que la circulation des fidèles devrait être privilégiée dans le deuxième collatéral sud de la nef, sa largeur est-elle moindre que celle mesurée dans le deuxième collatéral nord ? 
    Par ailleurs, la distance, qui est de 4,15 m entre les piliers de la première travée est, perd 1 mètre – 3,15 m en moyenne – de la deuxième à la neuvième travée. Puis, les dernières travées présentent des mesures qu'on ne retrouve pas ailleurs, de 2,40 à 2,60 m. Notre réponse résiderait, en partie – au moins pour ce qui concerne les dernières travées – dans l'épaisseur des piliers. En effet, jusqu'à la neuvième travée, les piliers présentent une épaisseur moyenne de 1,70 m. À partir de cette travée et jusqu'à la onzième, leur épaisseur moyenne augmente à 1,90 m. Il apparaît pourtant que le poids supporté par chaque pilier des onze travées de la nef n'est pas significativement différent. À l'approche d'un massif supportant un grand et lourd clocher, le concepteur a, peut-être, souhaité renforcer ses abords immédiats. Pourquoi ne pas avoir fait de même aux piliers du transept, de faibles dimensions avec seulement 1,50 m ?

    Nous avons encore constaté que la basilique est bâtie sur trois axes. Le premier part de l'abside centrale, rejoint le second au niveau du déambulatoire. Le second axe rejoint le troisième au niveau des piliers ouest supportant le clocher. Mais si on observe des valeurs angulaires faibles dans les désaxements, de l'ordre de respectivement 2 gons et 4 gons, leur conséquence n'est pas à négliger. En effet, si un seul axe, celui du transept, parcourait Saint-Sernin dans sa totalité, le massif occidental serait situé à plus d'un mètre de sa position actuelle. Recherchant la meilleure vision sur ses fidèles, l'abbé Jougla a adapté sa place dans le chœur. Cette localisation précise des intersections des axes confirme aussi l'analyse archéologique de monsieur le professeur Marcel Durliat. Il constate que la pierre est essentiellement présente dans le mur de l'abside centrale, un peu moins dans les murs du transept et que la brique prédomine dans les murs de la nef. Le coût de la pierre doublant tous les cinquante kilomètres, dit-on, connaissant l'emplacement des carrières qu’il situerait vers le Gers, on peut imaginer les soucis d'un gestionnaire lorsqu'une construction aussi importante dure dans le temps. La construction de la basilique a débuté à la fin du XIe siècle pour s’achever au début du XIVe siècle. Une réponse à tendance ésotérique est avancée dans l’explication du désaxement observé entre le transept et l’abside centrale. Cette dernière représenterait, en planimétrie, la tête inclinée du Christ sur la croix.
    Entre la nef et le transept nous découvrons les communications verticales permettant l’accès aux tribunes. L'escalier situé dans le deuxième collatéral sud de la nef donne directement dans la nef alors que son pendant donne dans mur sud-ouest de la partie nord du transept. Aucune trace archéologique ne peut laisser supposer à une reconstruction de l’un ou l’autre escalier même si la lecture des vestiges de ces traces paraît difficile à cause de la présence de la grande plaque de marbre située sur le mur sud-ouest de la partie sud du transept.

    Notre but n’est évidemment pas de relever toutes les mesures présentant quelques différences mais surtout de suggérer que les observations faites mettent en évidence des variations qui sont les conséquences de choix intellectuels. Les quatre absides situées dans le transept ont toutes 3,50 m d’ouverture et 2,70 m de profondeur, les murs est du transept mesurent 21,10 m chacun et la largeur des bras du transept est de 19,90 m au nord comme au sud. La répétition dans certaines mesures laisse penser que c’est techniquement possible. Aussi, lorsqu’on constate, par exemple, une diminution de la largeur de la nef, cette observation met en évidence une volonté et un choix intellectuel qui proviennent peut-être de l’application d’études des rapports de l’homme à l’édifice. La construction semble donc suivre des règles strictes et témoigne d’un savoir-faire extraordinaire. La technique est au service d’un projet, d’un dessein, d’un idéal, la foi. La construction est faite pour durer et l’alliance de la pierre et de la brique renforce localement la destination particulière de cette basilique.

Bien entendu, l’étude que nous présentons est partielle. À partir d’une source fiable – le plan précis de Saint-Sernin – nous avons relevé quelques interrogations et envisagé maintes hypothèses. Notre seul objectif est, à partir de cette nouvelle source, d’élargir la recherche sur la basilique, ses techniques de construction, les choix projetés voire d’envisager, grâce à mes notes, une étude métrologique comparative avec des édifices de la même époque, comme Saint-Jacques de Compostelle.

Patrick Roques »


M.S.A.M.F., t. LXI, p. 271

PLAN DE LA BASILIQUE SAINT-SERNIN À TOULOUSE, levé et dressé par Patrick Roques en 1998.
Voir le plan hors texte, de grand format, inséré dans ce volume.


M.S.A.M.F., t. LXI, p. 272

    Le Directeur remercie Patrick Roques pour son exposé et plus encore pour le formidable travail qui l’a précédé. Ce plan magnifique fera désormais référence : tous ceux qui sont familiers de Saint-Sernin avaient remarqué des bizarreries mais il fallait un relevé d’une très grande précision pour en donner une image susceptible de nourrir la réflexion. C’est toute une recherche qui s’ouvre à partir de ce plan, et notre gratitude est d’autant plus grande que nous savons tous ce qu’un tel relevé demande de travail et de passion.
    Bruno Tollon demande si des mesures prises avec une aussi grande précision ne permettraient pas d’établir des corrélations avec le pan et la canne. Patrick Roques dit avoir entrepris une étude de métrologie, à laquelle il a cependant renoncé parce que le travail supplémentaire à réaliser s’avérait trop important. Maurice Scellès rappelle que ce type d’étude exige l’application de modèles mathématiques élaborés, comme le montre par exemple l’article d’Hervé Leblond sur le cloître de Moissac.
    Gabriel Burroni demande quelle était la précision du plan de Viollet-Le-Duc. Quitterie Cazes dit qu’il était faux sur bien des points et Patrick Roques rappelle qu’un plan est réalisé en fonction de besoins : le plan de l’architecte du XIXe siècle était ainsi suffisamment précis pour établir les métrés. Il ajoute que les instruments ont bien sûr beaucoup évolué et que la précision du plan était devenue insuffisante. Pour sa part, il a levé ce nouveau plan dans un but de recherche pure. Les interrogations sont venues après : la mise en évidence de trois axes, et non deux, pose ainsi question. Des interrogations similaires apparaissent pour la porte des Comtes.
    Quitterie Cazes remercie à nouveau Patrick Roques en soulignant avec quelle générosité il met ainsi à la disposition de tous un document fondamental. Abondant dans son sens quant à l’analyse du plan, elle ajoute que lors des fouilles du musée Saint-Raymond, il est apparu que l’hôpital avait été implanté entre 1075 et 1080 très exactement en fonction de la basilique, ce qui suppose, si l’on pousse la logique, que l’ensemble du plan de l’église était déjà tracé.
    À propos des différences d’axes qui l’avaient également interrogé, Olivier Testard rappelle que Palladio travaillait à un mètre près, et qu’au regard d’un tracé au sol réalisé à la craie sur 110 m de long, de telles variations sont peut-être négligeables. Patrick Roques relève que les Romains étaient pourtant capables d’une très grande exactitude sur de longues distances et que la basilique Saint-Sernin elle-même, qui a indéniablement été un grand chantier, montre dans certaines de ses parties des mesures très précises. La discussion se poursuit sur la précision des constructions des différentes époques et sur les désaxements des grands édifices du Moyen Âge. Maurice Scellès a envie d’interroger à ce sujet Jean-Luc Boudartchouk. Celui-ci pense qu’en effet, à Saint-Sernin, le désaxement pourrait être mis en rapport avec un édifice antérieur et il constate qu’il y a, en tout cas, des événements qui se produisent là où on les attend.

    Le Directeur remercie tous les membres de leur assiduité aux séances, qui fait de la Société Archéologique du Midi de la France une société bien vivante. Il fait appel aux communications pour la prochaine année académique, insistant sur l’intérêt que présentent également les informations et notes brèves.
    Après avoir souhaité de bonnes vacances à tous, le Directeur prononce la clôture de l’année académique 2000-2001.

 


Séances du 3 octobre 2000 au 23 janvier 2001 Séances du 20 février 2001 au 11 mai 2001
Séances du 15 mai 2001 au 19 juin 2001

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