Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 1er février 2022

separateur

Communication longue d’Émilie Nadal, Deux nouveaux manuscrits commandés par Pierre de la Jugie

Notre connaissance des livres commandés par Pierre de la Jugie, archevêque de Narbonne au 14e siècle, s’enrichit de nouveaux exemplaires avec ces deux volumes d’une même oeuvre conservés dans une petite bibliothèque italienne. Les livres ont été consultés lors d’un voyage d’études en Italie, au cours duquel nous avons pu voir plusieurs manuscrits du Midi de la France des 13e-14e siècles, qui seront également présentés.

Présents : Mme Czerniak Présidente, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry Bibliothécaire, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone Secrétaire-Adjointe ; Mmes Andrieu, Cazes, Fournié, Nadal ; MM. Cazes, Macé, Penent, Peyrusse, Sournia, Surmonne, Testard, membres titulaires ; Mmes Caucanas, Dumoulin, Machabert, Rolland ; M. Kérambloch, , membres correspondants.
Excusés : Mme Balty, Lamazou-Duplan, Queixalos ; MM. Balty, Garland, Garrigou Grandchamp, Scellès.

Après avoir ouvert la séance, Virginie Czerniak, prononce son premier discours de présidente :
Chères consœurs, chers confrères, c’est avec émotion et fierté que je fais aujourd’hui tintinnabuler la célèbre clochette qui ouvre les séances de la Société archéologique du midi de la France. Une émotion qui me rappelle vivement celle ressentie ce jour de 2001où j’ai reçu une lettre du Président Louis Peyrusse m’informant que la S.A.M.F. m’avait acceptée en tant que membre correspondant. Je dois cette intégration à Maurice Scellès qui m’avait encouragée à proposer ma candidature, ce que je n’aurais jamais envisagé de mon propre chef. C’était pour moi, petite assistante de conservation du patrimoine et doctorante laborieuse, un grand honneur que d’être ainsi accueillie dans cette prestigieuse et honorable société savante. J’ai alors assidûment suivi les séances de la S.A.M.F. et je ne saurai dire combien elles ont été importantes pour moi et mon travail de thèse. Chacun sait qu’un travail de doctorat peut ressembler à un sacerdoce personnel, il s’accompagne bien souvent d’un isolement intellectuel subi. Le mien était d’importance, et prise entre mon travail à Moissac et une lourde charge de cours à l’université de Bordeaux, la richesse des présentations de la Société et des débats qui les accompagnaient ont été tout à fait déterminants. Des échanges et des soutiens amicaux récurrents qui furent une source de motivation de tout premier plan et je sais tout ce que je leur dois.
Ayant beaucoup reçu, il est grand temps de donner davantage et deux décennies plus tard, c’est réellement un très grand honneur de présider à compter de ce jour, cette vénérable et respectable institution. Ô combien éminente et considérée, il convient d’en respecter les fondements et de veiller à la pérennité de son fonctionnement et au maintien de la grande qualité de ses Mémoires. Le titre même des publications de la S.A.M.F. – Mémoires – a force de symbole et détermine le leitmotiv qui nous réunit toutes et tous deux fois par mois, à savoir assurer la transmission des connaissances sur le patrimoine et en proposer des annales. Ces écrits sont à mon sens la plus grande richesse de notre société, il nous revient d’en protéger l’excellence et je me mets à l’entière disposition de notre cher Secrétaire et de notre chère Directrice pour les seconder dans leur lourd et beau travail de publication. Peut-être, ma modeste expérience de directrice des Presses universitaires du Midi se révèlera-t-elle d’une quelconque utilité.

La pérennité de notre Institution et la transmission des savoirs sont au cœur de notre mobilisation commune et je profiterai du vivier universitaire, auquel j’ai accès, pour inciter nos jeunes et brillants chercheurs à nous rejoindre, car ils sont à mon sens la Société archéologique de demain, à l’instar de notre chère Émilie Nadal que nous allons écouter, avec le plus vif intérêt, nous relater les dernières trouvailles sur Pierre de la Jugie, un personnage que nous connaissons bien l’une et l’autre. Je vous remercie de l’honneur qui m’est fait de présider la Société archéologique du Midi de la France, et j’espère que je remplirai de façon satisfaisante ce rôle que vous m’avez confié.

Après ce discours, accueilli par de chaleureux applaudissements, Virginie Czerniak propose de faire un point sur les travaux présentés au concours cette année, puisque deux nouveaux masters nous sont parvenus depuis la dernière séance :

- Maxime Gazaud, Le premier siège de Toulouse (1211), le début de l’affrontement entre le lion et la croix, Université de Toulouse Jean Jaurès, sous la direction de Laurent Macé. Michelle Fournié en fera le rapport.
- Johanna Lanfumey, L’église de Saint-Étienne de Villeneuve-les-Maguelonne (Hérault), retour sur les grandes heures architecturales d’une église médiévale méconnue. Université de Montpellier. La lecture a été proposée à Henri Pradalier, nous attendons sa réponse.

Michelle Fournié demande de rappeler aux relecteurs des travaux, la grille à laquelle il faut se conformer pour établir une notation :
-  originalité du sujet (sur 5)
-  méthodologie (sur 5)
-  qualité d’écriture (sur 5)
-  maîtrise du sujet (sur 5)

La présidente donne enfin la parole à Émilie Nadal pour une communication longue, Deux nouveaux manuscrits de Pierre de la Jugie, et d’autres manuscrits du sud de la France conservés en Italie.
Virginie Czerniak remercie notre consœur pour cette extraordinaire présentation qui est une contribution importante à ce que l’on sait déjà sur la peinture sur manuscrits au XIVe siècle. Le travail collaboratif qui s’est instauré par ailleurs avec les chercheurs italiens est remarquable et nous attendons tous l’exposition qui en sera l’aboutissement. La Présidente rappelle que cette exposition « Toulouse au XIVe siècle » ne devait à l’origine se tenir qu’à Paris, d’où l’organisation d’un colloque. Ce dernier a cependant donné l’idée d’une exposition organisée aussi à Toulouse au Musée des Augustins. Finalement, aux dernières nouvelles, et sans que l’on sache pourquoi, elle ne se tiendra qu’au Musée de Cluny à Paris. Tout le monde regrette cette décision car il était prévu à Toulouse de mettre plus particulièrement en valeur les sculptures du maître de Rieux qui ne peuvent être transportées. Revenant sur la collaboration franco-italienne, la Présidente annonce que Francesca Manzari vient à Toulouse en tant que professeur invité à l’Université et propose de l’inviter à partager une de nos séances, voire de lui demander une communication courte.
Louis Peyrusse demande si l’on sait qui a commandé le pontifical florentin dont il a été question. Émilie Nadal répond qu’il s’agit d’un prélat italien dont Francesca Manzari publiera prochainement l’identité. Elle ajoute que Jean de Toulouse inondait la production de manuscrits de grand luxe de tous les prélats européens. Il s’agissait en fait d’un énorme atelier collaborant avec des artistes de Paris ou d’Espagne. Une quarantaine d’ouvrages lui sont attribués. Francesca Manzari, poursuit-elle, est spécialiste de ce personnage, elle espère qu’elle nous en parlera quand elle viendra à Toulouse. La Présidente invite les membres à aller visiter cette exposition qui donnera à voir des éléments inédits dans le domaine de la peinture sur manuscrits témoignant du rayonnement de Toulouse au XIVe siècle, carrefour important dans le sud de la France et en direction de l’Espagne. Émilie Nadal rappelle que Jean de Toulouse a peint les annales des capitouls de Toulouse de 1412 qui est la plus belle page de l’ouvrage, ainsi qu’un missel à l’usage de la Daurade (Paris, BnF, NAL, 2387).
Travaillant sur les sources écrites du monastère, Michelle Fournié a été étonnée par la bible de la Daurade montrée en conclusion et demande donc s’il y avait une bibliothèque dans le prieuré, ce qu’elle n’a jamais vu dans les textes qu’elle a consultés. Même si les archives ont brûlé dans l’incendie de 1463 et que le monastère a traversé diverses crises durant le XVIe siècle, cette bible est-elle complètement isolée ? Émilie Nadal pense que des éléments de réponse pourraient se trouver dans le travail de Jacqueline Caille. Quitterie Cazes précise cependant que ce domaine n’a pas été exploré dans cette étude. Virginie Czerniak rappelle qu’il s’agit d’une petite bible, portative, individuelle, elle n’est donc pas forcément liée à une bibliothèque. Seul le commanditaire, Pierre de Dalbs, est lié à la Daurade (c’est le prieur ; il devient ensuite abbé de Lézat en 1240). Laurent Macé demande à la conférencière si elle a pu feuilleter cette bible. Émilie Nadal répond qu’elle a en effet feuilleté cet énorme ouvrage à la recherche d’indices, mais elle n’a rien trouvé. Elle pense suggérer à ses connaissances italiennes de faire numériser le livre. Daniel Cazes veut féliciter notre consœur pour cet exposé passionnant et la révélation de cette bible et de son décor particulier. Il voudrait revenir sur le personnage de Pierre de la Jugie. Son tombeau magnifique, que Michèle Pradalier avait étudié en détail, avait été en partie démantelé à la suite de la Révolution. On avait enlevé le gisant, le personnage qui était dans l’enfeu, et on a surtout démonté les plaques situées du côté du chœur de la Cathédrale qui faisaient pendant à celles qui sont encore en place côté déambulatoire et qui représentent, sous des niches, les évêques suffragants de notre archevêque. Lorsque le culte a été à nouveau possible dans la cathédrale de Narbonne, la fabrique s’est mis en tête de réaménager le chœur pour la liturgie. Elle avait jugé à ce moment-là que les plaques placées côté chœur étaient gênantes, elles ont donc été démontées. Ces plaques seraient parties dans le commerce des antiquités si Alexandre Dumège ne les avait pas sauvées en les achetant, ainsi que d’autres éléments de tombeaux de la cathédrale, dont le fameux dais du tombeau de Philippe le Hardi, qui ont donc été transportés à Toulouse au Musée des Augustins. Cependant, lors de la célébration du centenaire de la Cathédrale de Narbonne, en 1972, le Musée des Augustins a été sollicité pour le prêt de ces éléments. Un colloque et une exposition furent organisés et une fois la manifestation achevée, la Mairie de Narbonne refusa de rendre les œuvres au Musée des Augustins au prétexte qu’elles avaient été volées par la ville de Toulouse, ce qui est, évidemment, totalement faux. S’en suivit tout un conflit. L’adjoint au Maire était à l’époque Paul Ourliac, juriste, qui a essayé de démêler l’affaire juridiquement et diplomatiquement avec la Mairie de Narbonne, mais la Presse s’en est mêlé. Quelques années plus tard, alors qu’il était chargé du département des sculptures au Musée des Augustins, Daniel Cazes a essayé de reprendre l’affaire à la demande de Denis Milhau. Il a donc pris contact avec le maire adjoint de Narbonne et lui a proposé de procéder à un dépôt légal des pièces du Musée de Toulouse, car la Mairie de Narbonne ne pouvait pas en contester la propriété. Il avait aussi alerté sur le fait que ces pièces n’étaient pas scellées donc pas protégées contre le vol. Malheureusement, l’affaire était encore en cours lorsqu’il a été nommé au Musée Saint-Raymond en 1985, et il n’a pas pu la suivre jusqu’au bout.
Émilie Nadal nous apprend que depuis l’ouverture du Musée Narbo Via, ces pièces sont désormais au Musée de Narbonne. Jusque-là, elles étaient déposées en vrac, derrière le tombeau et posées sur un banc, une des pièces était d’ailleurs cassée en deux. Elles sont cependant bien exposées et mises en valeur à l’heure actuelle et la pièce cassée restaurée. Daniel Cazes se demande cependant si le problème juridique a été résolu, la propriété de Toulouse restant inaliénable.
Sylvie Caucanas fait partie du Comité scientifique, tout comme la conservatrice du Musée des Augustins de Toulouse, qui encadre la future muséographie du Musée de Narbonne (les œuvres antiques ayant été déménagées), elle se propose d’aborder ce problème lors de la prochaine réunion. Le nouveau Musée, poursuit-elle, mettra plus particulièrement en valeur les œuvres du Moyen Âge. Louis Peyrusse fait remarquer que ces pièces auraient eu plus de sens si on les avait remises en place sur le tombeau de Pierre de la Jugie. Sylvie Caucanas ignore où ces pièces seront finalement installées mais elle sait que les conservatrices de Toulouse et de Narbonne sont en relation.

Au titre des questions diverses, notre trésorier projette des images de l’église de Cadalen dont il a été question lors de la dernière séance. Bâtie au XIIe siècle et dédiée à Notre-Dame de l’Assomption, l’église est désaffectée à la fin du XIXe siècle au profit d’une nouvelle église plus grande. Elle sert un moment de mairie et d’école, mais en 1951 le clocher s’effondre sur la nef, détruisant la voûte et le cul de four de l’abside, mais épargnant le beau portail roman au sud.
Louis Peyrusse confirme que la lettre écrite au nom de la Société a été envoyée avec la référence au travail de Mélanie Chaillou aux différents destinataires cités. Le tout a été envoyé mercredi dernier. Nous attendons des réponses.

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