Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 2015

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Communication de Vincent GENEVIÈVE et Marc COMELONGUE

Jean-Jacques Lefranc de Pompignan numismate : sa collection disparue, son ami Charles-Clément Martin de Saint-Amand et le trésor de Sainte-Suzanne (Ariège).


Parmi les nombreuses passions qu’entretenait Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, la numismatique paraît avoir tenu un rôle de première importance. Faisant appel à la langue latine qu’il manie avec aisance et référence aux antiquités qu’il affectionne, la science des monnaies complète sa grande érudition et favorise des contacts nombreux et fructueux. Mais, pour parler honnêtement, on ne connaît presque rien des collections numismatiques de Lefranc. Paradoxalement, on connaîtrait mieux d’autres collections numismatiques qui ont pour origine celle de Lefranc ! Parmi les gens qu’il fréquentait et dont certains ont pu récupérer quelques pièces qui lui appartenaient, Charles-Clément Martin de Saint-Amand (1702-1763), ancien receveur général des tabacs de la ville de Toulouse est certainement le plus connu. Il est surtout le seul collectionneur et numismate qui croisa la route de l’extraordinaire trésor monétaire découvert à Sainte-Suzanne (Ariège) en 1753. Son intérêt pour la science numismatique et son amitié pour Saint-Amand ont conduit Lefranc à détailler l’histoire de cet événement exceptionnel dans l’éloge qu’il lira en l’honneur de son défunt ami à l’Académie des Sciences de Toulouse le 10 avril 1766. A son insu, Lefranc nous explique alors dans quelles conditions plusieurs exemplaires exceptionnels nous sont parvenus mais aussi et sûrement plusieurs centaines d’autres.


Présents : MM. Cazes, Président, Pradalier, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-Adjoint ; Mmes Cassagnes-Brouquet, Haruna-Czaplicki, Jaoul, Merlet-Bagnéris, Napoléone, Pradalier-Schlumberger, Vallée-Roche, Watin-Grandchamp, MM. Balty, Bordes, Boudartchouk, Catalo, Garland, Geneviève, Julien, Lassure, le Père Montagnes, Peyrusse, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Balty, Bessis, Friquart, Krispin, Nadal, Queixalós, MM. Capus, Corrochano, Penent, Pisani, membres correspondants.
Excusés : MM. Péligry, Bibliothécaire-Archiviste, Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mmes Andrieu, Cazes, Fournié, Heng, Lamazou-Duplan, MM. Bru, Chabbert, Garrigou Grandchamp, Landes, Suzzoni.

Le Président se déclare très heureux de prononcer solennellement l’ouverture de l’année académique 2015-2016 devant une compagnie aussi nombreuse. En indiquant que le programme en est déjà complet, il rappelle qu’il est nécessaire de respecter la durée impartie aux communications afin de réserver du temps pour les questions diverses qui sont très importantes pour la vie de notre Société.

La parole est à Émilie Nadal pour la lecture du procès-verbal de la séance du 12 juin dernier, qui est adopté à l’unanimité.

Le Président rend compte des activités et évènements de l’été, parmi lesquels le dossier de l’aménagement des abords de la basilique Saint-Sernin occupe la première place.
La commission ad hoc mise en place en avril dernier a beaucoup travaillé pendant l’été, ses membres restant en contact grâce en particulier au courrier électronique qui a permis une abondante correspondance, des échanges nombreux et des réactions rapides. Un dossier assez copieux a ainsi été constitué et mis à la disposition de tous les acteurs du projet sur le site Internet de notre Société. Plusieurs réunions ont été organisées entre les membres de la commission, mais aussi avec le Collectif Saint-Sernin qui a pris l’initiative de lancer sur Internet une pétition « Pour la valorisation de la place Saint Sernin de Toulouse et la sauvegarde de son site archéologique bimillénaire ». Le Président invite les membres de la Compagnie à signer cette pétition en l’assortissant d’un commentaire et en indiquant leur titre et leur fonction. Il semble bien que les commentaires des signataires intéressent particulièrement les élus.
Des contacts sont également établis avec l’Association des habitants du quartier Saint-Sernin, qui manifeste son intérêt pour le projet. La dernière réunion s’est tenue hier soir à l’invitation de Mme Escudier, maire de quartier, une réunion animée qui a donné lieu à de véritables échanges.
Le Président a également rencontré à Barcelone l’architecte-urbaniste Joan Busquets, en compagnie de personnes du service de l’urbanisme de Toulouse et de Pierre Pisani. Les échanges, qui ont duré six heures, ont porté sur les moindres détails, lui laissant une impression très positive en plus de la rencontre d’un grand professionnel.
Les résultats provisoires sont la décision de restaurer le massif occidental de Saint-Sernin, de réaliser un musée de l’œuvre et d’ouvrir au public l’Hôtel Dubarry, la proposition d’une extension souterraine du Musée Saint-Raymond étant si ce n’est totalement acceptée au moins prise en considération par la Mairie, l’esquisse de Joan Busquets devant faire place à un véritable projet intégré dans un schéma directeur.
Autre annonce importante hier soir de Mme Annette Laigneau, celle de la mise en place d’un comité de pilotage auquel nous serons associés.
Un bémol cependant : les très fortes réticences quant à des fouilles programmées sur tout ou partie de la place Saint-Sernin, Mme Laigneau laissant à la DRAC le soin de juger s’il est utile de faire fouilles… C’est un leitmotiv typiquement toulousain que de considérer que des fouilles archéologiques grèvent les finances et retardent les réalisations, alors qu’ailleurs en Europe l’archéologie est intégrée au projet.

Le Président remercie tous les membres de la commission Saint-Sernin, et tout particulièrement Olivier Testard, qui a magnifiquement mis en dessins un projet possible issu des réflexions communes, et Maurice Scellès, qui a assuré la mise en ligne rapide des informations tout en œuvrant à la refonte complète du site Internet de notre Société.

L’été a également vu la livraison du tome LXXII (2012) de nos Mémoires  : ce sont donc deux volumes qui ont déjà paru cette année, auxquels il faudra bientôt ajouter le volume 2013, sous presse, dont la livraison est espérée pour la fin de l’année. Le Président remercie Anne-Laure Napoléone, Jean-Luc Boudartchouk et Maurice Scellès pour tout le travail fourni afin de rattraper le retard de notre publication, ainsi que tous les auteurs qui ont contribué à ces volumes.

Nos remerciements vont aussi à notre Trésorier qui a tout fait, malheureusement sans succès, pour acheter un magnifique chapiteau de Saint-Gaudens. Guy Ahlsell de Toulza précise que ce chapiteau, dont Louis Peyrusse lui avait signalé la mise en vente, provient du cloître de Saint-Gaudens ; il était connu par une publication de Marcel Durliat et un moulage figure dans la reconstitution partielle du cloître. Deux antiquaires étaient sur l’affaire, et notre Trésorier a renchéri de 200 €, pour l’honneur, car l’adjudication a été faite à 31000 € hors frais. Le chapiteau est toujours en France, dans l’attente de l’autorisation d’exportation. L’acquéreur serait prêt à le céder, mais avec une marge de bénéfice. Le Président conclut qu’il y a donc encore un espoir que ce chapiteau reste en France.
Guy Ahlsell de Toulza et Jean-Luc Boudartchouk ont en revanche pu acheter à Mme Neveu un fragment de sarcophage, qui fera l’objet d’une présentation en séance. Enfin, dernièrement, notre Trésorier a acquis en vente publique un tableau représentant le martyre de saint Saturnin : il nous en dira quelques mots en fin de séance.

Des dons sont venus enrichir notre bibliothèque :
- de Louis Peyrusse, les 24 volumes de l’Encyclopedia Universalis ;
- de François Bordes, le magnifique ouvrage 1515-2015. Atlas de Toulouse. Ou la ville comme œuvre, Toulouse, Presses universitaire du Midi, Collection Architecture, 2015, 212 p.
C’est également Mme Odette Molinier, exécuteur testamentaire de Marie-Thérèse Blanc-Rouquette, qui a donné à notre Société des archives de notre consœur disparue, dont la documentation de recherche et l’iconographie de son ouvrage, resté inachevé, sur l’imprimerie à Toulouse. Christian Péligry et Geneviève Bessis nous reparleront de ce projet au cours de l’année.
Le Président remercie les donateurs au nom de notre Société.

Outre diverses annonces et invitations, la correspondance comprend un appel à contribution au colloque qui se tiendra en octobre 2016 à Rocamadour, à l’occasion du 850e anniversaire de l’invention des reliques de saint Amadour, organisé par nos consœurs Sophie Brouquet et Michelle Fournié.

Le Maire de Cahors a répondu au début de l’été au courrier que nous lui avions adressé à propos du devenir du palais de Via :

Cahors, le 29 juin 2015
Monsieur le Président,

Je fais suite à votre correspondance par l’intermédiaire de laquelle vous appeliez mon attention sur l’avenir du Palais de Via de Cahors.
Je me permets de revenir vers vous aujourd’hui à la faveur de l’avancée de l’analyse qui entoure le sujet.
Comme vous, la municipalité de Cahors est très attentive à l’avenir de ce site, pour ce qu’il offre comme témoignage de l’épaisseur historique de notre cité médiévale.
Ainsi, ce qui de mon point de vue compte en cette matière, consiste à éviter que ce bien soit inscrit au programme des biens cessibles par l’État et qu’il prenne place, sans autre forme de procès, au sein de la liste établie par France Domaine.
C’est la raison pour laquelle, comme vous le savez peut-être, nous avons, avec l’État, sollicité la Caisse des Dépôts aux fins de réalisation d’une étude flash pour identifier le potentiel de mutation de ce palais unique.
En complément, l’État s’est engagé, via la DRAC, à réaliser une étude complémentaire afin de mesurer plus précisément les possibles destinations futures de ce site ainsi que les ailes susceptibles de muter voire de disparaitre (entendez par là les constructions en cœur d’îlot réalisées à l’époque contemporaine pour les besoins de la maison d’arrêt).
Cette étude devrait être rendue à l’automne, du moins c’est le dernier engagement qu’il m’ait été donné à connaître.
Récemment, j’ai également personnellement sensibilisé et ce, in situ, Madame la Ministre PINEL, lors d’une visite de notre ville, sur l’enjeu que représente le Palais de Via de Cahors.
Madame la Ministre a d’ailleurs eu l’occasion de rencontrer le Directeur national de la Caisse des Dépôts et lui a relayé les divers enjeux de notre territoire, dont celui de la maison d’arrêt.
À ce titre, une nouvelle rencontre a eu lieu très récemment avec la CDC pour évoquer l’ensemble de ces sujets.
Par conséquent et comme vous pouvez le voir, la Ville est particulièrement mobilisée. Nous attendons le rendu de l’étude commanditée par l’État pour établir en suivant une feuille de route.
Ce qui m’importe à ce stade, c’est de favoriser la renaissance du Palais. Pour cela, il reviendra aux autorités de faire preuve de réalisme considérant que le meilleur projet est sans conteste celui qui se concrétise.
Espérant que ces précisions témoignent de notre attachement à cet exemple unique d’architecture médiévale,
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de mes respectueuses salutations.

Le Maire
Jean-Marc Vayssouze-Faure

La parole est à Vincent Geneviève pour une communication consacrée à Jean-Jacques Lefranc de Pompignan numismate : sa collection disparue, son ami Charles-Clément Martin de Saint-Amand et le trésor de Sainte-Suzanne (Ariège) . Notre confrère demande d’excuser Marc Comelongue, qui a été associé à cette recherche mais n’a finalement pas pu venir ce soir.

Le Président remercie Vincent Geneviève pour cette étude si précise, dont les déductions paraissent tout à fait pertinentes pour retrouver le noyau initial du médaillier du Musée Saint-Raymond. Grâce au travail de notre confrère, et au relais pris par Pascal Capus, le médaillier prend toute sa valeur. Charles Martin de Saint-Amans était admiré au musée de Toulouse : Alexandre Du Mège lui rend hommage en érigeant une fabrique-fontaine dans le cloître du couvent des Augustins.
Dominique Watin-Grandchamp dit que l’enquête pourrait se prolonger au château de Pompignan, où une pièce semble avoir été dévolue à un cabinet de curiosités, et aux archives départementales de Tarn-et-Garonne où se trouve la correspondance échangée entre Lefranc de Pompignan, Saint-Amans et un autre franc-maçon. Vincent Geneviève ne pense pas poursuivre dans ce sens, l’intérêt, au moment du colloque, étant surtout pour lui de montrer ce que l’analyse de la collection pouvait apporter sur la constitution du médaillier du Musée Saint-Raymond. Mais il y a peut-être là un sujet pour un étudiant. Pour Guy Ahlsell de Toulza, tous les décors intérieurs du château de Pompignan, et le cabinet, en effet tout à fait étonnant, doivent être attribués au fils de Jean-Jacques Lefranc, ce que conteste Louis Peyrusse qui rappelle qu’il s’agit là d’une discussion sans fin puisque les attributions ne sont fondées sur aucun document : il penche pour sa part en faveur du père. Il s’accorde avec Vincent Geneviève pour juger que Lefranc de Pompignan n’est pas un grand numismate mais plutôt un collectionneur compulsif.
Pascal Capus souligne l’intérêt de la méthode retenue pour la constitution du médaillier, en sélectionnant toutes les variantes d’un type, une démarche alors tout à fait nouvelle confirme Vincent Geneviève, et une démarche de chercheur qui à n’en pas douter est due à Saint-Amans, le premier numismate de Toulouse.
Comme Jean-Luc Boudartchouk s’étonne de la lecture fantaisiste de la légende d’une monnaie, FRANCVLTVS au lieu de FRANCVLFVS, Vincent Geneviève qu’il est surtout important pour l’époque que l’on s’intéresse à ces monnaies tardives alors habituellement méprisées, l’interprétation proposée ayant dans ce cas l’intérêt d’en augmenter la valeur.
Jean Penent rappelle que Lefranc de Pompignan a sauvé une partie du mobilier de l’église Saint-Paul à Paris, réinstallée dans son château et dans l’église de Pompignan.

L’ordre du jour appelle les questions diverses.
Le Président souhaite la bienvenue à Pierre Pisani, qui prend séance ce soir, et il lui donne la parole pour des informations sur les premiers résultats du diagnostic archéologique de la place Saint-Sernin.

Le Président remercie Pierre Pisani pour cette présentation faite en temps utile, en tout début d’année académique, pour nous donner les résultats de ces diagnostics. Ils mettent parfaitement en évidence l’intérêt exceptionnel du site, ce que l’on savait, et suffisent à démontrer l’utilité de fouilles pour la recherche tant du point de vue artistique que scientifique. Pierre Pisani souligne le fait que, selon Quitterie Cazes, les deux chapiteaux mis au jour n’ont rien à voir avec ceux conservés au Musée des Augustins, ce qui laisserait entendre que les chantiers de la basilique et du cloître ont été en partie simultanés. Pour Patrice Cabau, les premières découvertes faites par les sondages renouvellent complètement notre approche de la basilique et de son environnement. Pierre Pisani ajoute que les sondages de diagnostic n’ont pas permis de retrouver certains éléments pourtant attendus mais en ont révélé d’autres tout à fait nouveaux, et qu’il est nécessaire de poursuivre l’analyse notamment des documents d’archives dont nous disposons.
Pour Henri Pradalier, il importe d’aller plus loin dans la compréhension du site et d’avoir plus de certitudes avant de conclure à partir des deux chapiteaux mis au jour. Le Président partage cet avis, et considère que la fouille s’impose pour répondre aux nombreuses interrogations.
Concernant le rôle de la DRAC, Maurice Scellès rappelle que le Service régional de l’archéologie a la responsabilité du contrôle scientifique et technique de la fouille, mais que la décision de fouiller relève de l’aménageur ou du propriétaire. En fonction du projet et de la menace de destruction que celui-ci fait peser sur des couches ou vestiges archéologiques, la DRAC détermine ce qui doit être fouillé et les moyens qui doivent être mis en œuvre pour garantir la qualité scientifique de la fouille. De ce point de vue il n’y a d’ailleurs pas de différence entre fouilles préventives et fouilles programmées qui se distinguent par le contexte de leur mise en œuvre. La décision de fouiller le site de Saint-Sernin et la détermination de l’ampleur des travaux relèvent de la Mairie de Toulouse. Pierre Pisani précise que la Ville n’a pas encore pris de décision.
Le Président ajoute que le maire de Toulouse a demandé à le rencontrer et que rendez-vous est pris pour le 16 novembre. Il est vrai que la décision de faire des fouilles appartient à la Mairie, et que c’est là une occasion rare qu’il faut savoir saisir. Daniel Cazes se souvient que l’installation des DRAC dans les années 1980 devait aider les mairies dans leurs projets sur le patrimoine, et c’est aujourd’hui une politique de l’éteignoir au lieu de l’enthousiasme que l’on serait en droit d’attendre.

Guy Ahlsell de Toulza montre une photographie du tableau du Martyre de saint Sernin par P. Pujol ; haut de 1,20 m pour 0,90 m de large, il est daté de 1890. L’acquisition a été faite pour un montant total de 1180 €. Louis Peyrusse précise qu’il ne s’agit probablement pas, en raison de la date, d’une esquisse pour la salle des Illustres du Capitole, dont le décor a été rapidement réalisé en 1898.
Guy Ahlsell de Toulza annonce par ailleurs qu’un grand relevé du portail de la Dalbade, dû à un élève de Paul Tournon qui a été prix de Rome, sera mis en vente demain.


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